L’Union européenne a été capable de réagir à un nombre croissant de crises complexes avec pragmatisme et souplesse. Elle a su s’adapter aux crises prolongées comme aux crises soudaines. Forte de son solide leadership politique et d’une expertise approfondie, y compris sur le terrain, elle agit sur les politiques et pratiques humanitaires bien au-delà de ses acteurs et de ses États membres. Cependant, comme les instruments humanitaires de nombreux membres du Comité d’aide au développement de l’OCDE (CAD), les instruments de l’Union européenne sont également axés sur des problématiques et des causes profondes qui pourraient être plus efficacement traitées au moyen de fonds structurels. La Direction générale de la Coopération internationale et développement international (DG DEVCO) et le Service européen pour l’action extérieure pourraient s’appuyer davantage sur les mécanismes de la Direction générale de la protection civile et des opérations d’aide humanitaire européenne (DG ECHO) pour accélérer les versements et donner plus de flexibilité aux instruments de développement à même de produire avec efficacité des solutions durables aux facteurs de crise, au lieu d’appliquer l’instrument humanitaire de la DG ECHO sur des périodes prolongées.
Examens de l'OCDE sur la coopération pour le développement : Union européenne 2018
Chapitre 7. L’aide humanitaire de l’Union européenne
Cadre stratégique
Indicateur : Des stratégies et des directives politiques claires concernant la résilience, la réaction et le redressement
L’Union européenne contribue à définir l’agenda humanitaire mondial
À l’issue d’un examen effectué dix ans après le lancement du Consensus européen sur l’aide humanitaire de 2007 (Conseil de l’Union européenne, 2007), la DG ECHO a estimé que celui-ci constituait toujours un cadre pertinent pour guider l’action humanitaire. Par conséquent, il n’est pas prévu de formuler un nouveau consensus humanitaire pour accompagner le nouveau Consensus européen pour le développement (Conseil de l’Union européenne, 2017). L’aide humanitaire de l’Union européenne évolue selon la nature des crises. L’Union européenne est un donneur majeur qui évalue l’impact de son action et adapte ses politiques en fonction des besoins ; son rôle de premier plan dans l’aide humanitaire reste incontesté.
À titre d’exemple, la DG ECHO expérimente depuis plusieurs années l’utilisation en situation humanitaire de versements d’espèces non assortis de conditions. Elle soutient en outre des projets de recherche et des projets pilotes en vue de contribuer à la formulation d’une politique et d’un ensemble de principes spécifiques pour guider de nouveaux travaux (Commission européenne, 2015a, 2013a). Du fait de la forte présence de la DG ECHO, le versement d’aide en espèces devient peu à peu une composante standard de l’action humanitaire. Une campagne semblable avait été engagée lors du lancement par l’Union européenne d’une initiative visant à financer l’éducation en situation d’urgence, à la suite de laquelle ce domaine est devenu un volet humanitaire à part entière, à une époque où la plupart des donneurs (y compris l’Union européenne) hésitaient à s’engager dans des interventions éducatives dans le cadre de leur action en situation d’urgence. À cet égard, la coprésidence par la DG ECHO du Groupe sur les principes et bonnes pratiques de l’aide humanitaire (« Good Humanitarian Donorship Initiative ») en 2018-19 offre l’occasion de consolider la place primordiale qu’occupe l’Union européenne dans le secteur, tout en aidant les autres prestataires d’aide humanitaire à adapter leurs politiques à l’évolution des contextes de crise (Good Humanitarian Donorship, 2018).
Plus de cohérence entre aide humanitaire et aide au développement
Depuis l’examen par les pairs réalisé par le CAD en 2012, la DG ECHO est intervenue dans de nombreuses crises, mais a été en mesure de se dégager de quelques-unes d’entre elles. La durée et la complexité des crises humanitaires représentent aujourd’hui l’un des principaux défis pour l’Union européenne et appellent une nouvelle approche de la programmation de l’aide à long terme aux populations touchées. Dans ce contextes, le programme de résilience (Commission européenne, 2017a, 2013b) offre un cadre général pour favoriser la cohérence entre l’aide humanitaire et la coopération pour le développement. De plus, l’interaction de la DG ECHO, de la DG DEVCO et du Service européen pour l’action extérieure est désormais pratique courante. Comme l’équipe d’examen a pu le constater au Mali (annexe D), l’Union européenne s’attache à concevoir de manière pragmatique des programmes complémentaires. Toutefois, il serait possible de faire davantage sur le terrain si la DG DEVCO était dotée de mécanismes plus rapides pour exécuter les programmes visant à agir sur les facteurs de crise dans des situations qui évoluent rapidement.
Dans nombre de situations de crise prolongée, la différence entre aide humanitaire et aide au développement ne tient pas à la nature des activités, mais à leur source de financement. Dans ce contexte, la DG ECHO finance parfois la prestation de services de base qui pourraient techniquement être financés par des crédits de développement. Cela peut avoir comme conséquence de prolonger artificiellement le caractère humanitaire de l’aide, et d’empêcher les partenaires sur le terrain dotés d’une expertise double en développement et en aide d’urgence de s’orienter plus tôt vers des programmes à long terme. La DG DEVCO peut fournir une aide précoce en complément d’interventions humanitaires, comme elle l’a fait dans certains pays, par exemple en Afghanistan. Ce sont là de bonnes pratiques qui pourraient être plus systématiques1.
La Stratégie globale de l’Union européenne et son approche intégrée des conflits et des crises établit de façon explicite le lien entre les politiques en matière d’aide humanitaire, de développement, de migrations, d’échanges, d’investissement, d’infrastructures, d’éducation, de santé et de recherche (Service européen pour l’action extérieure, 2016). Selon l’Agenda européen en matière de migration, l’aide humanitaire est l’un des instruments permettant de traiter les causes profondes des migrations en réduisant les incitations à migrer (Commission européenne, 2015b). Cela implique que les solutions à court terme, comme l’aide humanitaire, ont une incidence sur les causes profondes des crises et des inégalités, bien que cela ne soit pas corroboré par des données concrètes (OCDE, 2017). En fait, dans certaines circonstances, une aide humanitaire prolongée peut retarder l’engagement politique et le déploiement d’une coopération pour le développement à long terme visant à traiter les causes profondes. Dans l’ensemble, il ressort clairement des documents d’orientation de l’Union européenne que l’aide humanitaire est un instrument de réaction aux crises et qu’elle doit complémenter – et non remplacer – les actions visant à maîtriser les principaux facteurs à l’origine d’une crise.
Le budget humanitaire de l’Union européenne est en hausse
La DG ECHO étant de plus en plus sollicitée, son budget global augmente et s’appuie sur des sources variées. Les activités de la DG ECHO sont financées par un budget annuel adopté à la fin de l’exercice précédent. Comme les besoins humanitaires dépassent souvent les crédits budgétaires annuels initiaux, la DG ECHO a accès à des ressources complémentaires importantes (Graphique 7.1). Indépendamment de sa propre réserve opérationnelle, qui représente 15 % de son budget annuel initial, elle tire des ressources complémentaires de la réserve d’aide d’urgence hors budget de l’Union européenne, sous réserve de l’approbation des autorités budgétaires de l’Union. Le Fonds européen de développement (FED)2 et les recettes externes affectées3 complètent aussi régulièrement le budget de la DG ECHO. Par ailleurs, malgré la multiplication des crises humanitaires depuis l’examen de 2012, notamment au Moyen-Orient, les structures de la DG ECHO ne se sont pas sensiblement accrues au cours de cette période. C’est là le signe d’une saine gestion, qui permettra d’absorber une réduction éventuelle de budget lorsque les besoins humanitaires résultant de la crise syrienne s’estomperont.
Efficacité de la conception des programmes
Indicateur : Les programmes ciblent les risques qui menacent le plus la vie humaine et les moyens de subsistance
Dans le cadre des priorités politiques de l’Union européenne, la DG ECHO alloue les fonds en fonction d’une évaluation des besoins. De plus en plus sollicitée, elle doit être attentive au rapport coût-efficacité de son aide. Le « Grand compromis » (Grand Bargain) concourt à l’efficience globale de l’aide humanitaire, mais sa mise en œuvre demeure compliquée, surtout dans l’aide aux acteurs locaux. De plus, l’Union européenne pourrait en faire davantage pour déployer ses instruments d’aide à long terme plus précocement dans le cycle de crise, dans le but d’utiliser l’aide au développement lorsque c’est possible et l’aide humanitaire uniquement lorsqu’elle s’avère nécessaire.
L’insuffisance des ressources face au nombre de crises impose des choix difficiles
La plupart des donneurs consacrent relativement plus de fonds à certaines crises qu’à d’autres en raison d’engagements politiques ou de priorités de l’action publique. L’Union européenne ne fait pas exception. Lorsque les besoins excèdent le budget disponible, le choix des crises ou du thème auxquels accorder la priorité relève de la décision politique. En raison de leur ampleur et de leur impact direct sur les pays de l’Union européenne, les crises syriennes et les programmes connexes concernant les migrants absorbent aujourd’hui la plus grande part du budget global de la DG ECHO (Graphique 7.2). Bien que l’essentiel de ces fonds provienne de ressources budgétaires complémentaires, le secteur humanitaire s’inquiète de plus en plus de ce qui apparaît comme une politisation de l’aide humanitaire. La DG ECHO répartit son budget annuel global dans des Plans de mise en œuvre humanitaire portant sur des crises spécifiques ou des instruments thématiques. Les décisions de la DG ECHO en matière de répartition des crédits budgétaires se fondent sur la prise en compte attentive des priorités politiques ; une analyse objective des données et des risques, notamment dans le cadre de l’initiative INFORM4 ; et l’estimation des besoins établie par les équipes de terrain. Pour une organisation aussi important que l’Union européenne, c’est un système aussi en prise que possible avec les besoins. Le maintien d’un juste équilibre entre ces trois principaux déterminants revêt donc une importance primordiale, à la fois pour la crédibilité de la DG ECHO et pour sa capacité à démontrer que son action produit un impact à la mesure de son mandat.
Une fois fixées les priorités géographiques et financières, la DG ECHO répartit les crédits humanitaires au sein de chaque Plan de mise en œuvre humanitaire. Elle élabore ses programmes en se fondant uniquement sur l’analyse des données concrètes et des besoins, et en s’appuyant sur des profils de crise intégrés et des évaluations sur le terrain. La DG ECHO consacre également environ 15 % de son budget aux « crises oubliées » qui ne bénéficient pas d’une aide internationale suffisante, voire ne bénéficient d’aucune aide5. Elle renforce ainsi son rôle mondial de premier plan en attirant l’attention sur des crises délaissées par les médias.
Le « Grand compromis » peut aider à accroître l’efficience du système humanitaire de l’Union européenne, mais des difficultés persistent
Le budget humanitaire de l’Union européenne étant limité, l’un des principaux moyens dont dispose la DG ECHO pour répondre à l’augmentation des besoins humanitaires consiste à améliorer l’efficacité de son action par rapport aux coûts. Dans cette optique, la DG adhère sans réserve au Grand compromis (Programme d’action pour l’humanité, 2016). Les dix premiers volets du Grand compromis portent sur des aspects fondamentaux dans l’élaboration des programmes humanitaires, dont certains (comme le recours au versement d’aide en espèces) figurent déjà parmi les priorités de la DG ECHO6. Toutefois, alors que la DG ECHO recherche toujours la formule la plus efficace pour acheminer l’aide dans les limites de ses possibilités, tous les engagements prévus dans le Grand compromis ne cadrent pas avec les limites actuelles. Par exemple, si la DG ECHO reconnaît la pertinence du financement humanitaire pluriannuel pour faire face aux crises prolongées, elle ne cache pas que le fait de bloquer des fonds pour renforcer le financement pluriannuel réduit la capacité à financer de nouvelles actions d’urgence au cours d’un exercice donné. En pareille situation, la mise en œuvre du Grand compromis permet à l’Union européenne de mieux définir les rôles et la valeur ajoutée de la DG DEVCO et de la DG ECHO pour ce qui concerne le financement des programmes pluriannuels. La localisation de l’aide demeure aussi un problème en raison de contraintes législatives qui limitent le financement de l’aide aux partenaires basés sur le territoire de l’Union européenne. La DG ECHO, toutefois, aide les acteurs locaux par l’intermédiaire de ses partenaires d’exécution et ce, même sur une grande échelle, comme pour l’aide qu’elle apporte au Croissant-Rouge turc.
Efficacité de l’acheminement, des partenariats et des instruments de l’aide
Indicateur : Les modalités d’acheminement de l’aide et les partenariats aident à fournir une aide de qualité
L’aide humanitaire de l’Union européenne est adaptée au but recherché. Grâce à son socle de partenaires diversifié et à ses accords-cadres de partenariat, la DG ECHO peut sélectionner le meilleur partenaire pour acheminer l’aide dans chaque contexte. Elle gère les mécanismes d’intervention rapide et l’aide humanitaire de l’Union européenne dans des crises de plus en plus complexes. Il reste toutefois des problèmes à résoudre. Même si l’affectation des fonds peut être décidée rapidement, l’Union peine encore à trouver le juste équilibre entre redevabilité et flexibilité. Les processus administratifs demeurent également un sujet de préoccupation majeur pour les organisations non gouvernementales (ONG).
Une évaluation récente confirme que la DG ECHO obtient de bons résultats dans l’acheminement de son aide
Une évaluation complète de l’aide humanitaire de l’Union européenne entre 2012 et 2016 (International Classification of Functioning, Disability and Health [ICF], 2018a), qui passe en revue tous les aspects des politiques, programmes, partenariats et gestion axée sur les résultats de la DG ECHO et aboutit à des conclusions positives, assorties d’une série de recommandations (Encadré 7.1).
Encadré 7.1. Une évaluation complète de l’aide humanitaire de l’Union européenne, 2012‑16
L’évaluation indépendante et approfondie de l’aide humanitaire de l’Union européenne a examiné l’efficacité de la DG ECHO pendant la période 2012‑16. Les conclusions de cet examen par les pairs reflètent essentiellement ses cinq recommandations :
La DG ECHO devrait mettre en œuvre une stratégie pluriannuelle et, lorsque possible, une programmation et un financement pluriannuels.
La DG ECHO devrait réexaminer son approche en matière de partenariats.
La DG ECHO devrait renforcer son approche axée sur la durabilité en insistant sur la résilience et la coopération.
L’Union européenne devrait communiquer de façon plus dynamique et explicite sur les contraintes liées à la programmation stratégique et aux décisions de financement afin d’informer son personnel, ses partenaires-cadres et les parties prenantes externes.
La DG ECHO devrait adapter ses systèmes de gestion et de suivi pour permettre de mieux analyser l’efficacité et le rendement de ses actions.
Sources : ICF (2018a, 2018b).
Le dispositif de protection civile de l’Union européenne évolue pour relever des défis de plus grande ampleur
Le mécanisme de protection civile de l’Union européenne relève d’une compétence d’appui, c’est-à-dire qu’il s’agit d’un système par lequel elle soutient, coordonne et complète l’action des États membres7. Ce mécanisme repose sur la solidarité entre les États participants, qui peuvent s’assister mutuellement ou assister des pays tiers en mettant à disposition leurs ressources et leurs compétences. Le système, qui s’est renforcé au fil des années, est efficace ; il a abouti en 2013 à la création du Centre de coordination de la réaction d’urgence (ERCC), lequel coordonne également la réponse des États membres de l’Union européenne en cas de catastrophe à l’étranger. Cela favorise la complémentarité entre les deux cultures des services de la protection civile et de l’aide humanitaire lorsqu’elles interviennent conjointement avec des moyens mutualisés dans une zone de catastrophe. Le système d’intervention d’urgence de l’Union européenne s’adapte aux nouvelles crises, comme l’illustre la création du Corps médical européen après la crise du virus Ébola en 2014 en Afrique de l’Ouest. Le mécanisme de protection civile de l’Union européenne atteint toutefois ses limites, car il doit réagir à des crises de plus en plus nombreuses et simultanées. Pour relever ces nouveaux défis, la Commission européenne propose de créer un nouveau mécanisme – rescEU8 – qui a pour but de renforcer les capacités de protection civile en créant une réserve de ressources gérée par l’Union européenne. Le nouveau mécanisme proposé sera principalement axé sur la prévention des catastrophes et la planification préalable9.
L’expérience de la DG ECHO en gestion de partenariats dans des situations de crise pourrait être utile à la DG DEVCO
Sauf en ce qui concerne les services aériens humanitaires, la DG ECHO achemine son aide humanitaire par l’entremise de partenaires. Elle a ainsi développé un réseau dense et solide d’ONG humanitaires de l’Union européenne, qui exercent leurs activités suivant un accord-cadre de partenariat renouvelé régulièrement10 (Commission européenne, 2014). D’autres dispositifs dédiés régissent les relations avec les institutions des Nations Unies et d’autres organisations internationales. La formule de l’accord-cadre de partenariat permet aux partenaires humanitaires de s’acquitter des formalités administratives du processus contractuel une seule fois pour la période couverte par l’accord-cadre de partenariat et de se concentrer sur les exigences opérationnelles lorsqu’il est proposé de financer un projet. Pour de nombreuses ONG humanitaires, il est très important de conclure un accord-cadre de partenariat avec la DG ECHO, non seulement pour remplir l’objectif premier d’accéder à ses crédits, mais aussi parce qu’un accord-cadre de partenariat accroît leur crédibilité auprès des autres donneurs. Si la DG DEVCO veut intervenir plus rapidement dans des situations de crise prolongée, elle pourrait envisager de recourir au réservoir de partenaires de la DG ECHO et élargir les modalités de son cadre de partenariat en conséquence.
La DG ECHO n’a pas encore trouvé un juste équilibre entre redevabilité et flexibilité
Les exigences administratives complexes et contraignantes de l’Union européenne sont sujettes à controverse pour les partenaires de la DG ECHO. Le système d’accord-cadre de partenariat prend en charge une bonne part de l’administration des contrats pour les ONG, mais l’obligation de remplir de longs formulaires reste une préoccupation majeure des partenaires humanitaires de l’Union européenne. Le formulaire unique actuel qui suit le déroulement du projet se compose de 13 chapitres et existe en 3 versions différentes, selon que le projet en question est défini comme étant de nature urgente, complémentaire ou non urgente (Commission européenne, 2017b). L’introduction de la soumission électronique des rapports a rationalisé le processus, mais la DG ECHO est souvent encore considérée comme l’un des donneurs humanitaires les plus exigeants. Des procédures contraignantes peuvent favoriser les partenaires de taille importante dotés de ressources importantes et capables de supporter la charge déclarative en préfinançant des activités sans compromettre leurs opérations. Bien que pas moins de 213 ONG participent à l’accord-cadre de partenariat actuel11, la DG ECHO attribue l’essentiel du financement aux institutions des Nations Unies, à d’autres organisations internationales et à quelques grandes ONG12. La DG ECHO peut prendre des décisions de financement en quelques heures dans des situations d’urgence, mais le traitement du contrat et des versements afférents peut s’étaler sur des mois dans des situations non urgentes (CARE, 2017). La DG ECHO admet que le poids des procédures alourdit les coûts de gestion, mais elle ne prend pas de mesures pour alléger le fardeau. Elle a au contraire indiqué à l’équipe d’examen son intention d’ajouter de nouvelles exigences déclaratives, notamment concernant l’exploitation sexuelle, dans le prochain accord-cadre de partenariat avec ses ONG partenaires.
Les fonds fiduciaires favorisent la cohérence lorsque leurs objectifs coïncident avec les besoins des pays
L’Union européenne a montré qu’elle pouvait réagir promptement à des crises imprévues en créant de nouveaux instruments qui redessinent son dispositif global de réaction aux crises. Cela ouvre des possibilités pour imbriquer plus étroitement tous les instruments de l’Union européenne en situation de crise. De nouveaux mécanismes tels que les fonds fiduciaires de l’Union européenne peuvent renforcer la cohérence lorsque leurs objectifs sont judicieusement définis. En Colombie, par exemple, le nouveau Fonds fiduciaire de l’Union européenne finance la mise en œuvre de l’accord de paix (Commission européenne, 2016). Alors que les besoins humanitaires s’accroissent sous l’effet des activités de nouveaux acteurs armés, la DG ECHO accroît également son niveau de financement pour fournir une aide humanitaire en faveur des victimes. C’est là un bon exemple d’intervention pragmatique et cohérente de l’Union européenne dans une crise complexe. Signe de sa pleine adhésion à la stratégie globale de l’Union européenne, la DG ECHO a commencé à participer aux fonds fiduciaires de l’Union européenne. Toutefois, sur le plan opérationnel, la valeur ajoutée de la participation à un mécanisme de l’Union européenne qui est moins flexible que celui de la DG ECHO et n’est pas conçu comme un instrument humanitaire n’est pas claire. Étant donné que la DG ECHO coordonne de plus en plus ses interventions dans le cadre du portefeuille des relations extérieures (Relex), il importe de préserver et de défendre l’alignement des objectifs de tels fonds sur les priorités de développement des pays partenaires.
Des mécanismes de réaction rapide pourraient contribuer à simplifier les procédures globales
La DG ECHO a regroupé ses instruments de réponse rapide les plus réactifs au sein du Module d’aide d’urgence de l’Union européenne, qui comprend quatre mécanismes de financement axés sur les épidémies ; les interventions de faible ampleur ; les crises de grande ampleur nécessitant une réaction de toute urgence13 ; et le financement du Fonds d’urgence pour les secours lors de catastrophes14 de la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. La création de ces instruments repose sur l’hypothèse selon laquelle le processus contractuel devrait s’accélérer dans certaines situations d’urgence. Cependant, la création de nouveaux guichets de financement d’urgence pour différents types de catastrophes peut aussi faire apparaître de nouveaux cloisonnements, sans contribuer clairement à l’efficience de l’aide. Les mécanismes d’urgence sont assortis d’une charge administrative plus légère pour les partenaires, ce qui pourrait être le point de départ d’une rationalisation générale des procédures de la DG ECHO.
Adéquation de l’organisation avec le but recherché
Indicateur : Les systèmes, les structures, les processus et les individus conjuguent leur action avec efficacité et efficience
La DG ECHO a le double mandat d’être présente dans les crises prolongées qui nécessitent la coordination de différents acteurs et d’intervenir lors de crises soudaines. Comme les deux types de crises deviennent de plus en plus complexes, la DG ECHO s’adapte aux nouveaux défis et renforce son rôle de coordination. Elle ne s’engage auprès des acteurs militaires de l’Union européenne et du Service européen pour l’action extérieure, tandis que son dispositif de protection civile se prépare à affronter des défis de plus grande ampleur.
Les mandats associant du personnel civil et militaire sont clairs et bien compris
L’approche intégrée de l’Union européenne face aux crises associe un personnel civil et de sécurité, qui intervient dans des zones de crise dans le cadre de missions menées au titre de la Politique de sécurité et de défense commune. À ce jour, l’Union européenne a mené 35 missions de différents types et dans différents contextes de crise15. Comme l’équipe d’examen l’a observé au Mali (annexe D), la répartition des tâches est claire et le mandat de chacun des acteurs est bien compris, ce qui concourt à l’efficacité et à une relative transparence des relations entre civils et militaires au sein du système de l’Union européenne.
Une coordination renforcée avec les donneurs de l’Union européenne
Le forum des États membres de l’Union européenne, le Conseil sur l’aide humanitaire et l’aide alimentaire (COHAFA), demeure la principale instance de coordination de l’action humanitaire au niveau de l’Union européenne. Les États membres apprécient la réunion mensuelle du Conseil, qui est devenue indispensable aux États membres dont la capacité à suivre l’évolution des crises est limitée. Le COHAFA est essentiellement une plateforme d’échange d’informations et de coordination des politiques. Chaque nouvelle crise majeure renforce le rôle de coordination opérationnelle de la DG ECHO en situation de crise et conforte son rôle central. Ainsi, au cours de la crise de la fièvre Ébola en Afrique de l’Ouest en 2014, l’Union européenne a mis en place un mécanisme de coordination de crise qui comprenait la désignation d’un commissaire de l’Union européenne chargé de l’aide humanitaire et de la réaction à la crise pour coordonner la lutte contre le virus Ébola, et la tenue de réunions quotidiennes d’un groupe de travail « spécial Ébola » pendant la crise. Plus récemment, la DG ECHO a reproduit le modèle de réunions semestrielles des directeurs instauré par la DG DEVCO, en mettant en place un dispositif similaire pour le secteur humanitaire. Bien que largement informels, ces dispositifs ont permis d’enrichir le socle de connaissances et favorisé un esprit de réseau entre tous les États membres de l’Union européenne.
Résultats, apprentissage et redevabilité
Indicateur : Les résultats sont mesurés et communiqués, et des enseignements en sont tirés
Le réseau humanitaire de l’Union européenne est l’une des principales ressources de l’Union pour suivre les projets et évaluer la pertinence et l’efficacité des programmes humanitaires. À terme, les renseignements recueillis par ce réseau pourraient bénéficier plus directement au bénéfice aux États membres de l’Union européenne. La DG ECHO se sert de tous les moyens à sa disposition pour communiquer sur la valeur ajoutée apportée par l’Union européenne à ses partenaires de l’aide humanitaire. Cependant, il lui faudra tirer les enseignements de la crise migratoire pour coordonner avec davantage d’efficacité la communication sur la réaction globale à la crise, surtout lorsqu’elle porte sur l’Union européenne dans son ensemble.
Le réseau de la DG ECHO sur le terrain pourrait servir l’action globale de l’Union européenne dans les crises humanitaires
La DG ECHO ne déploie pas moins de 465 intervenants nationaux et internationaux sur le terrain dans les zones de crise et dans 7 bureaux régionaux à travers le monde16. Le coût du réseau de terrain ne représentait que 2.9 % du budget humanitaire global en 2016 (ICF, 2018b). Cela représente un bon rapport coûts-résultats, car cette présence sur le terrain permet de procéder à des évaluations immédiates qui peuvent déclencher une action face à n’importe quelle crise dans le monde. Dans les pays touchés, et sous la coordination du chef de la délégation de l’Union européenne, des experts mettent en commun leurs connaissances du contexte avec leurs collègues d’autres services de l’Union européenne. Sur demande, ils entrent en relation avec les autres donneurs sur le terrain. Cependant, l’action humanitaire globale de l’Union européenne pourrait tirer meilleur parti de cette capacité – par exemple, en mettant en commun les rapports de suivi avec les États membres de l’Union européenne qui cofinancent un projet humanitaire avec celle-ci. À terme, en s’appuyant sur les connaissances logistiques et contextuelles de ses experts, la DG ECHO pourrait organiser des missions de suivi conjointes avec ses partenaires co-financeurs ne disposant pas d’une présence permanente sur le terrain, afin de leur fournir des indications sur le projet cofinancé qu’ils ne sont pas en mesure d’obtenir autrement.
Les crises complexes nécessitent des efforts plus soutenus de communication groupée
La DG ECHO communique avec le public sur ses activités d’aide humanitaire et de protection civile et sur les résultats de ces activités par le biais de son site web, des médias sociaux et de manifestations spécifiques organisées avec ses partenaires. Bien que la réponse de l’Union européenne à la crise migratoire comporte une importante composante humanitaire, la communication afférente est centralisée au sein du Service européen pour l’action extérieure. Les sondages d’opinion sur la sécurité et les migrations révèlent une vive préoccupation du public à cet égard (Burnay et al., 2016). Toutefois, les médias ont abondamment critiqué la communication officielle de l’Union européenne en ce qui concerne sa gestion de la crise migratoire. Compte tenu de cette expérience, les activités de communication sur des crises complexes faisant l’objet d’interventions aux niveaux politique, sécuritaire et humanitaire nécessiteront à l’avenir un investissement plus important dans une communication de crise bien ciblée et coordonnée.
Références
Sources officielles
Burnay, M. et al. (2016), « Does the EU have the right instruments to finance assistance in protracted crises and the needs of upper middle income countries? », http://www.europarl.europa.eu/RegData/ etudes/STUD/2016/578027/EXPO_STU(2016)578027_EN.pdf.
Commission européenne (2017a), « Une approche stratégique de la résilience dans l’action extérieure de l’UE », JOIN(2017) 21 final, Haute représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:52017 JC0021&from=FR.
Commission européenne (2017b), « Single Form guidelines Ver. 27.11.2017 », http://dgecho-partners-helpdesk.eu/reference_documents/start.
Commission européenne (2016), Constitutive Agreement of the EU Trust Fund for Colombia, https://ec.europa.eu/europeaid/agreement-establishing-european-union-trust-fund-colombia-and-its-internal-rules_en.
Commission européenne (2015a), « 10 common principles for multi-purpose cash-based assistance to respond to humanitarian needs », http://ec.europa.eu/echo/files/policies/sectoral/concept_paper_common_top_line_principles_en.pdf.
Commission européenne (2015b), « Un agenda européen en matière de migration », COM(2015) 240 final, https://ec.europa.eu/home-affairs/sites/homeaffairs/files/what-we-do/policies /european-agenda-migration/background-information/docs/communication_on_the_european_agenda _on_migration_fr.pdf.
Commission européenne (2014), DG ECHO partners’ website, the FPA for NGOs and its Annexes, http://dgecho-partners-helpdesk.eu/partnership/fpa_ngo_and_Annexes/start.
Commission européenne (2013a), « Espèces et bons d’achat : augmenter l’efficience et l’efficacité dans tous les secteurs », DG ECHO Politique thématique n° 3, http://ec.europa.eu/echo/files/policies/sectoral/them_policy_doc_cashandvouchers_fr.pdf.
Commission européenne (2013b), « Action Plan for Resilience in Crisis Prone Countries 2013-2020 », Commission Staff Working Document, SWD(2013) 227 final, http://ec.europa.eu/echo/files/policies/ resilience/com_2013_227_ap_crisis_prone_countries_en.pdf.
Conseil de l’Union européenne (2017), « Le nouveau consensus européen pour le développement : “Notre monde, notre dignité, notre avenir” », Journal officiel de l’Union européenne, 2017/C 210/01, https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=OJ%3AC%3A2017%3A210%3ATOC.
Conseil de l’Union européenne (2007), « Le consensus européen sur l’aide humanitaire », 2008/C 25/01, https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?qid=1431445468547&uri=CELEX%3A42008X 0130%2801%29.
ICF (2018a) Comprehensive evaluation of the European Union Humanitarian Aid, 2012-2016, Annexes to the Draft Final Report Volume 1, International Classification of Functioning, Disability and Health, Commission européenne, https://ec.europa.eu/echo/sites/echo-site/files/cha_final_report_Annex _volume_1.pdf.
ICF (2018b), Comprehensive Evaluation of the European Union Humanitarian Aid, 2012-2016, International Classification of Functioning, Disability and Health, Commission européenne, https://ec.europa.eu/echo/sites/echo-site/files/cha_final_report_01032018_master_clean.pdf.
Service européen pour l’action extérieure (2016), Vision partagée, action commune : Une Europe plus forte. Une stratégie globale pour la politique étrangère et de sécurité de l’Union européenne, http://europa.eu/globalstrategy/sites/globalstrategy/files/regions/files/eugs_review_web_0.pdf.
Autres sources
Agenda for Humanity (2016), Grand Bargain initiative, United Nations, New York, https://www.agendaforhumanity.org/initiatives/3861.
CARE (2017), A Common Vision, A Shared Mission: CARE Reflections and Recommendations on EU Humanitarian Aid and Partnership, CARE International, Bruxelles, https://www.care-international.org/files/files/201709%20ECHO%20position%20publisher%20version%20final.pdf.
Good Humanitarian Donorship (2018), “Good Humanitarian Donorship”, site web, https://www.ghdinitiative.org/ghd/gns/home-page.html.
OCDE (2017), « Humanitarian development coherence », The Commitments into Action Series, OCDE, Paris, http://www.oecd.org/development/humanitarian-donors/docs/COHERENCE-OECD-Guideline.pdf.
Notes
← 1. Par exemple, l’Union européenne apporte son aide au secteur de la santé en Afghanistan depuis 2001, notamment par le biais d’ONG humanitaires internationales. Elle finance l’offre de services de santé de base et l’offre de services hospitaliers essentiels. L’offre de services de santé de base a pour objectif de faire en sorte que toutes les parties prenantes, y compris les ONG humanitaires, axent leur action sur la stratégie commune définie par le ministère afghan de la Santé publique. C’est là un bon exemple d’intervention précoce de la DG DEVCO, complémentaire de l’action de la DG ECHO dans une situation fragile et complexe.
← 2. La réserve du 11e FED est un montant général dont l’utilisation fait l’objet d’une discussion au niveau du Comité du FED ; dans le 10e FED, les montants de la réserve étaient alloués aux pays sous la forme d’une enveloppe « B ». Cette réserve est censée financer une aide bilatérale et régionale visant à répondre à des besoins imprévus, et être utilisée en situation d’urgence et de post-urgence. En avril 2017, près de 500 millions EUR avaient été déboursés pour financer les opérations de la DG ECHO ; la même somme environ avait été affectée à l’aide d’urgence aux pays et 1.5 milliard EUR aux fonds fiduciaires de l’Union européenne.
← 3. Les recettes externes affectées sont des contributions financières directes d’un État membre de l’Union européenne au budget de la DG ECHO pré-affectées à une crise ou un programme spécifique.
← 4. INFORM est un réseau mondial libre et ouvert d’évaluation des risques liés aux crises humanitaires et aux catastrophes : http://www.inform-index.org/.
← 5. La DG ECHO a créé l’Outil d’identification des crises oubliées pour relever les situations de crise humanitaire graves où les populations touchées reçoivent une aide internationale insuffisante, voire ne reçoivent aucune aide. Ces crises se caractérisent par une faible couverture médiatique, un manque d’intérêt des donneurs (mesuré à l’aune de l’aide par habitant) et un faible engagement politique à résoudre la crise. Ces éléments se traduisent par une présence insuffisante des acteurs humanitaires : https://ec.europa.eu/echo/news/addressing-forgotten-crises-todays-global-context_fr.
← 6. Les versements d’espèces sont de plus en plus employés pour répondre aux besoins fondamentaux des bénéficiaires au moyen d’un seul don en espèces à vocation multiple. Des programmes-phare comme ESTIA en Grèce, le filet de sécurité de l’Union européenne pour les situations d’urgence en Turquie ou l’assistance en espèces aux réfugiés syriens au Liban confèrent à l’assistance humanitaire en espèces une dimension nationale : https://ec.europa.eu/echo/what/humanitarian-aid/cash-based-assistance_fr.
← 7. On entend par « compétence d’appui » la compétence que possède l’Union européenne pour soutenir, coordonner ou compléter les actions des États membres dans le domaine de la protection civile. L’Union européenne ne peut pas adopter des textes juridiquement contraignants qui obligeraient les États membres à harmoniser leurs législations et réglementations.
← 8. COM(2017) 772 final, « Décision du Parlement européen et du Conseil modifiant la décision n° 1313/2013/UE relative au mécanisme de protection civile de l’Union » : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A52017PC0772).
← 9. L’exemple le plus récent à cet égard est l’accord conclu entre la protection civile de l’Union européenne et la Tunisie en mars 2018 : http://europa.eu/rapid/press-release_IP-18-1522_fr.htm).
← 10. L’Accord-cadre de partenariat actuel couvre la période 2014‑18 et sera prolongé d’un an. Un nouvel accord-cadre de partenariat entrera en vigueur en 2020. Les discussions avec les partenaires et réseaux sont en cours, en tenant compte du nouveau règlement financier de l’Union européenne.
← 11. Voir la liste des partenaires participant à l’accord-cadre de partenariat de la DG ECHO : https://ec.europa.eu/echo/sites/echo-site/files/weblistpartners.pdf.
← 12. La part de l’ONU dans le financement de la DG ECHO est passée de 45 % en 2012 à 54 % en 2016. Voir : https://ec.europa.eu/echo/sites/echo-site/files/cha_final_report_01032018_master_ clean.pdf.
← 13. Acute large emergency response tool (ALERT).
← 14. Disaster Relief Emergency Fund (DREF).
← 15. Pour en savoir plus sur les missions menées au titre de la politique de sécurité et de défense commune, voir : https://eeas.europa.eu/topics/military-and-civilian-missions-and-operations/430/military-and-civilian-missions-and-operations_en.
← 16. Pour en savoir plus sur le réseau de terrain, voir le site web de la DG ECHO : http://ec.europa.eu/echo/files/aid/countries/factsheets/thematic/fieldnetwork_en.pdf (consulté le 19 juin 2018).