Dans un contexte marqué par une succession de crises globales et par des défis transverses de long terme, le Maroc s’est engagé dans la modernisation de l’administration et le renforcement du cadre et des outils de gouvernance. Ces efforts s’inscrivent plus largement dans le cadre de la mise en œuvre du Nouveau Modèle de Développement, document stratégique de référence et de long terme au Maroc qui érige la réforme de l’administration en levier prioritaire pour atteindre une croissance durable et inclusive. Cet Examen analyse plusieurs domaines de la gouvernance publique identifiés conjointement avec le Maroc et qui sont essentiels pour répondre à ces défis tels que le cadre de gouvernance et son adaptation au contexte actuel, le cadre budgétaire, la gestion de la fonction publique, l’intégrité publique et l’intégration des questions d’égalité femmes-hommes dans la gouvernance publique. Il fournit des recommandations concrètes pour moderniser l’administration publique, améliorer sa performance et lui donner les capacités de mener et d’appuyer les efforts de réformes actuels et la mise en œuvre des priorités du gouvernement afin d’atteindre les objectifs de développement du pays.
Examens de l'OCDE sur la gouvernance publique : Maroc
Résumé
Synthèse
Le Maroc a connu une croissance robuste et des progrès socio-économiques importants depuis plusieurs décennies. Cependant, un certain nombre de défis persistent, notamment sur le plan des inégalités sociales et de l’emploi. Ces défis ont été amplifiés par les crises récentes engendrées par le COVID-19 et la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine. Dans ce contexte, le Maroc fait face à un défi de confiance des citoyens vis-à-vis des institutions publiques, avec moins d’un marocain sur deux qui fait confiance au gouvernement. Le Maroc connait également des enjeux de transformation de plus long terme, tels que la numérisation du pays ou le défi climatique.
Pour répondre à ces défis, le pays a considérablement renforcé sa gouvernance publique depuis la Constitution de 2011. De nombreuses réformes ont été menées pour moderniser l’administration publique et améliorer son efficacité, avec des évolutions des cadres réglementaire, budgétaire et de la gestion publique ; le développement de nouvelles institutions ; ou encore la création de structures de coordination à tous les niveaux du gouvernement. Le gouvernement du Maroc poursuit également des réformes en matière de numérisation de l’administration, de modernisation des services publics et de convergence des politiques publiques.
Cependant, l’administration publique marocaine fait face à des défis persistants qui nuisent à sa performance, tels que des mécanismes de pilotage des politiques publiques qui pourraient être rationalisés et renforcés ; une complexité administrative importante ; des capacités humaines et financières limitées au sein de l’administration ; et, plus généralement, une relation de l’administration avec les citoyens qui demeure à renforcer. Pour surmonter ces difficultés, les efforts de réforme demandent à être accélérés afin de rendre l’administration toujours plus efficace et transparente, de développer sa capacité à répondre aux défis actuels et de long terme, et ainsi de réaliser la vision et les objectifs du Nouveau Modèle de Développement (NMD).
Le Maroc a renforcé progressivement son cadre de gouvernance et le rôle de certaines institutions publiques, notamment les Services du Chef du gouvernement, qui ont récemment vu un développement de leur rôle et de leurs capacités pour améliorer la prise de décision, la coordination et la mise en œuvre des priorités stratégiques du gouvernement. De nouvelles institutions ont également été créées comme le ministère de l’Investissement, de la Convergence et de l’Évaluation des Politiques Publiques. Des commissions interministérielles de coordination ont également été mises en place. Ces nouveaux dispositifs peuvent être rendus plus efficaces pour soutenir la réalisation des objectifs du programme gouvernemental et du NMD, notamment en les ancrant dans la durée, en les dotant d’outils nouveaux tels que des tableaux de bord sur les priorités du gouvernement ou en accélérant les efforts de rationalisation des commissions interministérielles. Un effort plus global d’alignement entre le NMD et l’ensemble des documents stratégiques à court et à long termes reste nécessaire et appelle à la création d’un mécanisme de suivi comme prévu dans le NMD.
Dans le cadre de la priorité donnée à la réforme de l’administration, le gouvernement a développé une Charte des services publics, qui a pour ambition d’être à la fois cadre de référence national et outil de mise en œuvre établissant des principes et des standards pour l’amélioration de l’administration et des services publics. Le chantier de la numérisation de l’administration a bénéficié de la création d’un ministère en charge de la transformation numérique, avec l’appui de l’Agence de Développement du Digital, et d’une stratégie numérique gouvernementale. Ces initiatives exigent des degrés de coordination et d’appropriation importants ainsi que des dispositifs de mesure et de consultation des citoyens pour une mise en œuvre efficace et systématique.
La fonction publique marocaine a connu plusieurs évolutions depuis la Constitution de 2011 mais cherche à se réformer plus en profondeur, notamment en ce qui concerne la gestion des compétences, le développement de modalités contractuelles plus flexibles, et le renforcement de la gestion de la haute fonction publique. Si le cadre opérationnel évolue rapidement, il se heurte encore à une mise en œuvre fragmentée.
Le Maroc a également entrepris des réformes budgétaires majeures pour soutenir une économie plus productive, diversifiée, créatrice de valeur ajoutée et d’emplois de qualité. Principalement concrétisées à travers la Loi Organique relative à la Loi de Finances, ces réformes couvrent le cycle budgétaire annuel, la budgétisation à moyen terme, la performance et la transparence du budget, ainsi que la budgétisation sensible au genre. Toutes ces réformes constituent une base solide sur laquelle de nouveaux progrès peuvent être réalisés, tels que la budgétisation axée sur les résultats et la reddition des comptes.
Le Maroc a accompli des progrès importants en matière de lutte contre la corruption et d'intégrité publique au cours des dernières années, comme en témoignent l'adoption d'une Stratégie Nationale de lutte contre la corruption ainsi que la création de l’Instance Nationale de la Probité, de la Prévention et de la Lutte contre la Corruption. Afin de consolider le système d’intégrité publique, le Maroc pourrait renforcer la coordination entre les différents acteurs de la Stratégie Nationale de lutte contre la corruption, prioriser l'adoption du code de conduite de la fonction publique, définir des procédures claires pour la gestion des situations de conflit d'intérêts et numériser le système de déclarations de patrimoine. En outre, le pays bénéficierait également d’une meilleure transparence des activités de lobbying, d’une culture de l’intégrité publique à l’échelle de l’ensemble de la société, d’une protection renforcée des lanceurs d’alerte et d’une approche stratégique de la gestion des risques au niveau du contrôle et de l'audit internes.
Enfin, le Maroc a fait des progrès importants en faveur de l'intégration de la dimension de genre dans la gouvernance publique. Cette démarche est accompagnée de la mise en place d'un cadre institutionnel qui assure la coordination et l'évaluation des efforts en matière d'égalité femmes-hommes et qui progresse vers l’adoption d’une approche commune à l’ensemble du gouvernement. Néanmoins, le gouvernement marocain pourrait accentuer les efforts visant à mettre les femmes au cœur des politiques publiques et poursuivre la construction d’une approche genre unifiée, avec un cadre institutionnel renforcé, un mécanisme de redevabilité au niveau de l’ensemble du gouvernement, et des campagnes de consultation et de sensibilisation autour de l’égalité entre les femmes et les hommes.
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