Les niveaux de protection contre les submersions marines ont toujours été sensiblement différents sur les deux côtes du Schleswig-Holstein. Ainsi, seuls quelques courts tronçons de la côte baltique, qui s’étend sur 540 km, bénéficient d’ouvrages de protection. Les digues gérées par le Land (digues d’État), qui assurent le niveau de protection le plus élevé et présentent une hauteur moyenne comprise entre 4 et 4.6 mètres au-dessus du niveau moyen de la mer, couvrent 67 kilomètres de côte. Cinquante-quatre kilomètres de côtes supplémentaires bénéficient de digues sous la responsabilité de gestionnaires régionaux (digues régionales). Ces ouvrages présentent des normes de conception variables et n’assurent généralement pas un niveau de protection équivalent aux ouvrages d’État (MELUR, 2012[3]). Près de la mer du Nord, la situation est très différente puisque les digues d’État protègent 364 km de côtes sur 553 et montent généralement à 8 ou 9 mètres au-dessus du niveau moyen de la mer. Ces disparités reflètent des différences hydromorphologiques entre les deux littoraux. Côté mer du Nord, l’amplitude moyenne des marées peut atteindre 4.0 m et la hauteur des remblais en tient compte, alors que, côté Baltique, le marnage est faible. En outre, du fait de la faible profondeur de la mer des Wadden, les ondes de tempête sont beaucoup plus hautes en mer du Nord qu’en mer Baltique.
Le plan directeur de protection des côtes, établi par les Länder, constitue le principal instrument de planification des risques côtiers en Allemagne. Il détermine les normes de sécurité applicables aux digues d’État ainsi qu’aux zones d’intérêt général. Le Schleswig-Holstein a établi son premier plan directeur en 1963, à la suite de la tempête de 1962 qui, faute de mesures de protection adéquates, avait entraîné une submersion massive du littoral et fait plusieurs centaines de victimes. Ce plan a été régulièrement mis à jour (en 1977, 1986, 2001 et 2012). On observe une harmonisation croissante des approches suivies concernant les normes de sécurité en matière d’inondations sur les côtes de la mer du Nord et de la mer Baltique.
Le plan directeur actuel repose sur le principe de gestion intégrée des zones côtières (GIZC), qui a été inscrit dans la législation fédérale allemande en 2006 à la faveur de l’adoption de la stratégie nationale de GIZC (BMU, 2010[5]). Cette dernière englobe l’aménagement intersectoriel de l’environnement marin et des territoires côtiers, et suppose donc de prendre des décisions relatives à la protection des côtes. En vertu de cette stratégie, toutes les parties prenantes concernées par un programme d’aménagement doivent pouvoir défendre leurs intérêts au cours du processus. Parmi elles, on retrouve les ministères fédéraux ainsi que les Länder et leurs ministères, le secteur privé et la société civile. L’élaboration du plan directeur relève donc d’une démarche participative et offre la possibilité aux parties prenantes publiques et privées de faire part de leurs commentaires. Elle exige par ailleurs une étude d’impact sur l’environnement qui doit tenir compte de la réglementation nationale et européenne en matière de conservation de la nature. Le Conseil consultatif pour la gestion intégrée des zones côtières, créé en 1999 dans le Schleswig-Holstein, se trouve au cœur de ce processus. Sous la présidence du ministre chargé de la protection des côtes, les parties prenantes se réunissent deux fois par an pour débattre des aspects généraux de la protection des côtes et des mesures importantes prises dans ce domaine, à l’occasion d’un échange ouvert organisé en amont de la prise de décisions (voir Chapitre 3). Outre les entités publiques responsables de la conservation des côtes et de la nature, on trouve parmi ses membres les districts, les villes et les communes ainsi que les associations de gestion des eaux et des sols et les associations de conservation de la nature. Entre autres missions, le conseil consultatif procède à un examen approfondi des mises à jour du Plan général de protection des côtes, qui ont lieu tous les dix ans environ et qui donnent également lieu à des initiatives d’information régionales à destination des citoyens. L’approbation finale du plan relève de l’exécutif du Land du Schleswig-Holstein. Le ministère compétent en matière de PCDS (Ministerium für Energiewende, Landwirtschaft, Umwelt und ländliche Räume des Landes Schleswig-Holstein, MELUR) élabore le plan en tenant compte de l’ensemble des dispositions réglementaires applicables, des commentaires formulés et de l’étude d’impact sur l’environnement (BMU, 2010[5]).
Dans la version de 2012 de son plan directeur de protection des côtes, le Schleswig-Holstein a introduit une norme de sécurité identique prenant pour référence la submersion bicentennale de son littoral, ce qui lui a permis de se conformer en partie à la directive européenne Inondation. La hauteur de conception des ouvrages est donc calculée au moyen de modélisations statistiques et intègre une tolérance pour l’élévation du niveau de la mer, à condition que le niveau de protection obtenu ne soit pas inférieur au pic de la submersion bicentennale. Cette tolérance table sur une hausse de 0.5 mètre du niveau moyen de la mer à l’horizon 2100 aussi bien pour les côtes de la mer du Nord que pour celles de la mer Baltique. Les scénarios d’élévation du niveau de la mer ont été actualisés pour rendre compte des projections contenues dans le troisième rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). En l’occurrence, l’hypothèse d’une élévation du niveau des mers (HNM) de 1.4 mètre au cours du siècle a été retenue dans le plan directeur de 2012.
Afin de faire face à cette hausse à venir ainsi qu’à une plus grande incertitude, le Schleswig-Holstein a entrepris d’adoucir la pente extérieure des remblais et d’élargir de 2.5 à 5 mètres le mur de couronnement des digues durant leurs travaux de renforcement. Cette configuration permettra dans un deuxième temps de rehausser les ouvrages à moindre coût et avec un minimum de planification. En deux étapes, il sera ainsi possible de faire face à une HNM d’environ 1.5 m. Dans la mesure du possible, l’élargissement des digues sera effectué côté terre, de manière à ne pas perturber de précieux écosystèmes tels que les marais d’eau salée situés de l’autre côté.
Dans les zones qui ne relèvent pas de la compétence du Land, le plan directeur évoque des mesures de substitution qui permettraient aux autorités locales d’accéder à des financements de celui-ci. Ces financements sont régis par une ligne directrice qui définit les conditions de versement de subventions publiques au titre des mesures de PCDS (Förderrichtlinie). Par exemple, le plan directeur indique que la hausse du niveau de la mer induira une augmentation des coûts d’entretien des digues régionales, que les autorités locales pourraient ne pas être en mesure d’assumer. En pareil cas, la responsabilité (et la propriété) de ces digues peut être transférée au Land, à condition que celles-ci assurent un niveau de protection pour l’homme et les activités économiques comparable à ce que garantissent les ouvrages d’État. Ce type de transfert est décidé au cas par cas et la procédure doit être lancée par les autorités locales responsables. Cet aspect est examiné plus en détail ci-après (section 4.2.1)
Enfin, le plan directeur contient également des mesures de protection contre l’érosion côtière. Les compétences en la matière sont définies dans la loi sur l’eau du Land : en l’occurrence, il incombe à ce dernier de prendre des mesures d’intérêt général pour protéger les côtes des îles. Sur l’île de Sylt, par exemple, environ 12 millions de mètres cubes de sable ont été pompés pour recharger les plages entre 2001 et 2011, pour un coût avoisinant les 61 millions EUR. Depuis 1983, le Land a consacré quelque 6 millions EUR par an à la lutte contre l’érosion côtière sur cette île (MELUR, 2012[3]). Cette démarche est conforme à l’intérêt général dans la mesure où 22 000 personnes vivent sur l’île et perdraient leur habitation si la protection des côtes prenait fin. La loi sur l’eau du Land et ses dispositions sont le résultat d’un débat politique et sont à ce titre le reflet d’un consensus social (ce sont les parlementaires démocratiquement élus du Land qui en ont décidé ainsi).