Ce chapitre revient sur l’intégration des immigrants sur le marché du travail en se plaçant du point de vue des acteurs locaux et des employeurs. L’avis des acteurs locaux (associatifs ou institutionnels) a été collecté au cours d’entretiens semi-directifs réalisés dans cinq régions. L’avis des employeurs a été collecté par une enquête en ligne réalisée par l’OCDE. Ces discussions et résultats permettent de mettre au jour des améliorations potentielles de la politique d’intégration au niveau local que les acteurs de terrain et les employeurs appellent de leurs vœux, ainsi que des bonnes pratiques déjà en place identifiées dans les différentes régions observées. Les résultats des consultations et de l’enquête sont mis en comparaison avec des initiatives locales mises en place dans d’autres pays ou territoires de l’OCDE.
Intégrer les immigrants pour stimuler l’innovation au Québec, Canada
Chapitre 4. L’intégration des immigrants sur le marché du travail selon les acteurs locaux et les employeurs
Abstract
Les initiatives locales pour améliorer l’intégration et la rétention des immigrants
Dans l’optique de cette étude, cinq études de cas ont été réalisées à partir d’un questionnaire dans cinq régions du Québec : Capitale-Nationale, Chaudière-Appalaches, Centre-du-Québec, Estrie et l’île de Montréal. Des consultations auprès des acteurs locaux de ces cinq régions ont été conduites afin de prendre le pouls des opérateurs sur les dispositifs d’intégration ainsi que de mieux connaître et comprendre les initiatives locales mises en place dans les régions. À la fin de cette collecte d’information, des tables rondes ont été tenues dans ces cinq régions pour y présenter et discuter des résultats préliminaires auprès des acteurs locaux, dont certains avaient participé à l’enquête. En tout, 60 acteurs locaux ont été interrogés : 14 dans chacune des régions Capitale-Nationale, Chaudière-Appalaches et Estrie ; 9 dans chacune des régions Centre-du-Québec et Montréal. Près de 90 personnes ont participé aux tables rondes sur l’ensemble des cinq régions. Au cours de ces consultations et réunions, de nombreuses initiatives locales et régionales ont été discutées. Le nombre et l’intensité (en heures) du nombre de cours de français, la multitude d’initiatives visant l’intégration sociale des immigrants et la lutte contre les discriminations sont bien plus élevés au Québec que dans la plupart des autres territoires de l’OCDE. Cette section résume les initiatives les plus intéressantes visant à l’amélioration de l’intégration des immigrants.
Capitale-Nationale
La région de la Capitale-Nationale est celle de la ville de Québec, deuxième ville en taille et capitale du Québec. D’après le recensement de 2016, elle concentre 3.8 % de la population immigrante1 du Québec, cette dernière représentant 5.9 % de la population totale de la région. Le taux de chômage de la population de 15 ans et plus dans la Capitale-Nationale est de 4.1 % en 2018. La ville de Québec se démarque par un réseau de concertation et de consultation particulièrement développé. La région, comme plusieurs autres au Québec, a développé une table de concertation régionale dans l’optique de réunir tous les acteurs impliqués sur le sujet de l’intégration des immigrants. D’après les acteurs consultés, cette table permet une réelle concertation et favorise la communication et la collaboration entre les acteurs tout en étant consciente du contexte de compétition entre OBNL pour le financement des projets par les pouvoirs publics. La table de concertation de la Capitale-Nationale, structure mise en place par le MIFI à l’époque où le ministère avait installé des instances en région2, a été maintenue après le retrait du financement du MIFI. Ils ont alors innové pour aller chercher de nouvelles sources de financement puis, après avoir consolidé une structure de financement autonome, les différents acteurs ont su créer une structure de gouvernance démocratique afin d’assurer la pérennité de la table de concertation régionale. Cette dernière regroupe désormais la majorité des acteurs de la Ville de Québec. Exemple de pratique positive visant à améliorer l’intégration des immigrants, c’est suite à une décision de la table de concertation que la Capitale-Nationale a développé une offre des services aux résidents temporaires, avant l’ouverture des services d’Emploi-Québec à leur encontre.
Mais la concertation dépasse le cadre des acteurs institutionnels et associatifs locaux. La ville de Québec a ainsi tenu en 2019 la première édition du « Rendez-vous des gens d’affaires ». Cette initiative amenée à se renouveler a pour objectif d’accroître la connaissance fine entre les organismes d’intégration et les entreprises et de créer des réseaux pour ainsi améliorer la circulation de l’information entre les deux univers. Un plan d’action commun a par la suite été publié. Cette initiative est la première du genre au Québec.
Ces différentes initiatives d’échange concernent exclusivement la ville de Québec. En effet, la table de concertation n’inclut pas les différentes municipalités régionales de comté (MRC3) de la Capitale-Nationale. La MRC de Portneuf se démarque toutefois par l’existence du Service Accès Travail Portneuf qui offre l’ensemble des services pour les nouveaux arrivants. La MRC a mis sur pied une table de concertation avec les employeurs pour créer une stratégie d’attraction publique/privée. Accès travail est le seul organisme de la MRC. Il s’occupe donc de l’intégration à la communauté en plus d’offrir un service d’employabilité pour les nouveaux arrivants et des formations en gestion de la diversité pour les entreprises.
La région Capitale-Nationale se caractérise par différents programmes pour attirer et améliorer la rétention des résidents non permanents en particulier. Québec international, l’agence de développement économique pour la région créée en 2003, développe depuis plusieurs années différents dispositifs pour attirer les talents internationaux dans la ville de Québec. Québec International a mis en place un programme de sélection et d’accueil des stagiaires de l’étranger dont peuvent bénéficier les entreprises de la ville de Québec. L’organisme a créé en parallèle une carte de développement des compétences pour le stagiaire, afin d’impacter une trajectoire d’apprentissage au sein de l’entreprise, ce qui aide in fine à la rétention des travailleurs étrangers.
Le Programme 10 X 10, créé en 2017 sous l’égide de Québec international, sélectionne tous les ans 10 employeurs qui accueillent chacun son tour 10 personnes à statuts temporaires (étudiants internationaux, bénéficiaires du Programme Vacances-Travail, demandeurs d’asile, etc.). Ces derniers passent une journée au sein de l’entreprise. Le programme permet de faire valoir les opportunités d’emploi dans un grand nombre de secteurs d’activité, alors que des programmes similaires ailleurs permettent rarement une vision aussi large du marché du travail. À terme, il permet la mise en commun des profils des employeurs avec ceux des travailleurs étrangers, ce qui génère des embauches.
Une autre initiative visant à améliorer le bien-être des résidents non permanents et par conséquent leur envie de rester a été développée par l’Université Laval à Québec, à destination des étudiants internationaux. L’université a mis en place un programme de jumelage entre étudiants locaux et étudiants étrangers, qui permet aux deux parties d’apprendre l’un de l’autre et aux étudiants étrangers d’être accompagnés individuellement dans leur d’intégration dans la vie de la communauté de la ville. D’après l’Université, ce programme aurait influencé positivement l’envie des étudiants étrangers de demeurer dans la région.
Au-delà des dispositifs spécifiques aux résidents non permanents, la Ville de Québec mène plusieurs initiatives dans le secteur des loisirs afin d’améliorer l’intégration dans la communauté de tous les immigrants. En 2017, la ville a mis en place plusieurs dispositifs pour inciter la communauté native à mieux accompagner des réfugiés pendant la période des Fêtes. Ayant constaté la forte présence de personnes immigrantes dans les bibliothèques, elle a aussi mis en place des initiatives avec ces structures pour valoriser une approche « quartier » de l’intégration. Dans ces lieux de lecture et de tous les lieux de la ville en général, il est plus facile de faire rencontrer natifs et immigrants, de favoriser les relations interculturelles et d’impliquer plus largement la communauté dans son ensemble.
Chaudière-Appalaches
La région Chaudière-Appalaches est au sud de la Capitale-Nationale. La principale ville est Lévis, située dans l’agglomération de la ville de Québec. Plus d’un quart de la population réside dans la sous-région de la Beauce, où se trouve Saint-Georges, la deuxième ville de la région. D’après le recensement de 2016, la région ne comprend que 0.7 % de la population immigrante du Québec. Cette dernière ne représente que 1.8 % de la population totale, soit la part la plus faible des régions étudiées. Le taux de chômage de la population de 15 ans et plus est par contre le plus faible du Québec : 3.3 % en 2018. La Chaudière-Appalaches se caractérise par l’initiative de plusieurs MRC de partager leurs bonnes pratiques. Les bonnes pratiques dans la région sont ainsi plus diffusées et donc plus « globales ».
La région Chaudière-Appalaches dispose ainsi d’une table de concertation en immigration. Cette dernière regroupe les différents acteurs du milieu et favorise de « réels partenariats » entre eux. Par ce biais ou via d’autres rencontres, de nombreux acteurs se coordonnent pour mettre en place les politiques d’intégration, d’attractivité et de recrutement d’immigrants les plus efficaces possible. En termes d’initiatives visant à améliorer l’intégration, le Tremplin, centre pour personnes immigrantes et leurs familles à Lévis, est en train de mettre en place un projet de coordination avec des OBNL similaires de Lotbinière et Bellechasse afin d’échanger les bonnes pratiques entre territoires.
Pour ce qui est des initiatives relevant de l’attractivité, les Centres locaux de développement4 de la région concentrent pour leur part leurs efforts dans le recrutement à l’international, tout en favorisant la rétention des travailleurs. Un projet de passerelle de recrutement directe avec la France avec des ancrages dans chacun des territoires est à l’étude, et devrait permettre aux employeurs de rendre directement visibles en France leurs offres d’emplois. Pour l’ensemble des nouveaux arrivants (Français ou non), des déjeuners/dîners/soirées interculturelles sont déjà organisés afin d’améliorer la compréhension entre les différentes communautés.
Le travail salarié n’est pas la seule forme d’emploi que les acteurs locaux tentent de favoriser en Chaudière-Appalaches, une région connue pour son esprit d’entreprise, notamment dans la sous-région de la Beauce. Il existe en effet dans la région des « Entreprises d’entraînement » qui servent à simuler la gestion d’une entreprise. Plusieurs personnes immigrantes participent à cette simulation qui, si elle est ouverte à l’ensemble de la population, n’en est pas moins une des rares initiatives locales d’aide à l’entrepreneuriat.
Si le bon niveau de concertation en Chaudière-Appalaches a permis le développement d’initiatives relativement nombreuses compte tenu de la taille de la population immigrante, les acteurs locaux sont rarement des organismes dédiés exclusivement aux personnes immigrantes, en dehors de la ville de Lévis. La Beauce est à ce titre un bon exemple d’initiatives locales en milieu moins densément peuplé. En raison du faible nombre d’immigrants dans la région et du mode de financement des initiatives (qui demandent un nombre minimal d’immigrants), il n’existe aucun OBNL dédié à l’immigration en Beauce.
Il existe toutefois quelques acteurs locaux qui ont développé une expertise en vue d’attirer les travailleurs immigrants en Beauce, où les besoins de recrutement sont également croissants. « La Beauce embauche » est l’organisme responsable d’attirer des personnes immigrantes en région et les acteurs locaux observent ses bons résultats à cet égard, à l’image de l’expérience allemande (Encadré 4.1). La Commission scolaire de Beauce-Etchemin (CSBE), via son service aux entreprises, a également mis en place différents outils d’aide au recrutement et à la formation. Elle a notamment lancé un outil complet de Gestion prévisionnel de la main d’œuvre (GPMO) qui est offert aux entreprises pour les aider à faire face aux pénuries de main-d’œuvre en adaptant leur politique de ressources humaines de manière suffisamment anticipé. La Chambre de commerce de Sainte-Marie a également engagé un processus de recrutement de travailleurs, notamment issus de l’immigration, localisés dans la région de Montréal.
Enfin, après l’arrivée sur le territoire beauceron, un nouvel arrivant ne trouvera pas d’OBNL dédié à l’intégration des immigrants. Dans ce territoire, ce sont les carrefours jeunesse emploi qui ont, au fil des ans, développé une expertise et augmenté leur offre de services pour cette « clientèle ». Le Carrefour jeunesse emploi Beauce-Nord et le Carrefour jeunesse emploi Beauce-Sud (CJEBN/CJEBS) organisent des tours de ville aux nouveaux arrivants (toute catégorie d’immigration confondue) et possèdent un service d’accueil pour les personnes immigrantes. Tous les services délivrés aux personnes immigrantes sont gérés par ces deux organismes qui sont dirigés de facto par la même personne, ce qui permet une égalité de traitement, quel que soit le lieu de résidence. Sous l’égide des Carrefours Jeunesse Emploi, des Comités d’accueil et d’inclusion des personnes immigrantes (CAIDI) accueillent les personnes immigrantes et favorisent leur inclusion sociale. Ils offrent des services d’aide à l’accès au logement, à un compte bancaire et organisent des formations de sensibilisation à la diversité et à l’immigration auprès des employeurs. Les Carrefours ont également créé le « Trait d’union », qui est un service d’intégration et d’accueil dédié à une sous-région de la Beauce.
Encadré 4.1. Des villes accueillantes pour l’immigration : l’exemple d’Altena en Allemagne
Altena est une commune allemande de 18 715 habitants dont 41 % sont âgés de plus de 65 ans et 11 % sont des immigrants. Depuis 2015 son maire a demandé à recevoir plus de réfugiés et de demandeurs d’asile que le quota établi par le gouvernement fédéral suite au fort afflux de migrants humanitaires. Pour leur donner envie de rester, le maire a activé plusieurs initiatives avec les différentes parties prenantes locales. Afin de favoriser leur insertion dans le marché du travail local, il a organisé des tables rondes avec les entreprises locales pour partager des idées sur l’apport de ce groupe. Cela a permis de répertorier les besoins du marché du travail local et de les faire correspondre avec les profils des nouveaux arrivants, identifiés via une collecte de données de leurs qualifications. Cette collecte a révélé la grande diversité de niveaux d’éducation des immigrants récemment arrivés (hautement qualifiés, analphabètes), ainsi que leurs expériences professionnelles passées (la plupart avaient de l’expérience dans le secteur des services, une bonne partie dans l’artisanat et très peu dans l’industrie). Pour les aider à répondre aux besoins de recrutement, le bureau intégration de la municipalité a mis en place un service pour appuyer les migrants dans la préparation des CV. En parallèle l’association des entrepreneurs de la région Rhénanie-du-Nord-Westphalie a produit une brochure à destination des employeurs pour expliquer le cadre légal pour embaucher les demandeurs d’asile et les immigrants ayant déjà un titre de séjour.
Pour dépasser l’obstacle de la langue, la municipalité d’Altena a renforcé l’offre de cours de langue en allant au-delà du nombre d’heures offert par le gouvernement fédéral, grâce à l’implication de volontaires et des entreprises locales. Des cours de langue sont combinés avec des stages en entreprise à travers les municipalités limitrophes. Dans un objectif de mutualisation, cinq municipalités ont décidé de partager les coûts des cours de langue et de formations professionnelles dispensées par le centre de formation pour adultes (Lennetal), ainsi que le coût du service de navette pour se rendre dans les communes limitrophes afin de compléter cette formation. Huit réfugiés ont bénéficié en 2017 de ces services. D’autres services sont partagés à travers le district de Markisher Kreis auquel Altena appartient (avec 12 autres municipalités), notamment le centre d’intégration municipal de Ludenscheid qui offre garderie, conseil en orientation et un service de « Cafés-parents » qui offre un appui après l’école aux élèves et à leurs parents. Un service « jeunes migrants » offre également de l’aide aux immigrants âgés de moins de 27 ans résidant dans le district.
Grâce à la disponibilité de logements vacants, la ville a décidé de fournir des solutions de logement dans des appartements individuels plutôt que dans des centres d’hébergement. Des solutions ont été identifiées localement dans des logements sociaux ou privés en partenariat avec le principal bailleur (AltenaerBaugesellschaft). Cette solution permet de garantir une continuité de logement aux demandeurs d’asile après l’obtention du statut de réfugié, et contribue aux dynamiques d’intégration des nouveaux venus dans leur quartier. La ville et le bailleur visitent les futurs voisins des personnes immigrantes et les invitent à fournir leur soutien aux primo-arrivants, ce qui donne des résultats positifs en termes de cohésion sociale et dans l’accès aux services. Beaucoup de volontaires ont ainsi aidé la municipalité en offrant des meubles pour équiper les appartements offerts aux demandeurs d’asile et réfugiés. En parallèle, la ville a recruté en 2017 deux volontaires pour aider les enfants d’immigrants à mieux réussir le cursus de l’éducation nationale, notamment avec la mise en place de classes séparées au préalable de leur intégration dans des cours réguliers, ainsi que de séances d’appui linguistique et d’aide aux devoirs. Les écoles elles-mêmes organisent des évènements pour attirer les immigrants parents d’élèves et les informer sur le système d’éducation.
Altena n’est pas la seule municipalité allemande à avoir mis en place un dispositif d’accueil et de rétention des immigrants pour revitaliser son territoire. Dans un cadre plus spécifique de pénurie de main d’œuvre, la ville de Solingen (160 000 habitants) en Rhénanie-du-Nord-Westphalie a développé une stratégie pour faire face à la pénurie de personnel de soins aux personnes âgées. Le projet « Le futur des soins est coloré » (Die Zukunft der Pflege ist bunt) vise à attirer dans leur ville les immigrants qui souhaitent travailler dans ce secteur.
Centre-du-Québec
Le Centre-du-Québec est la région située à peu près à égale distance entre la ville de Québec et celle de Montréal. C’est la région observée où le nombre d’immigrants est le plus faible : seul 0.5 % des immigrants y habitent en 2016, mais ils représentent 2.4 % de l’ensemble de la population. Le taux de chômage de la population de 15 ans et plus dans la région est de 5.5 % en 2018. Le Centre-du-Québec dispose de nombreux services tant au niveau de l’employabilité que de l’intégration sociale des personnes immigrantes. Si ces services sont plus particulièrement disponibles dans les villes de Drummondville et de Victoriaville, qui sont les deux plus grandes villes et représentent presque la moitié de la population de la région, des initiatives ont également été mises en place dans les zones plus rurales.
L’organisme « Projet d’accueil et d’intégration solidaire » (PAIS) est un des rares exemples à avoir développé un programme de régionalisation en milieu rural au Québec. Après avoir trouvé un emploi dans le secteur agricole aux immigrants ayant une expérience paysanne dans leur pays d’origine, PAIS offre un service d’accueil, d’intégration et d’accompagnement à l’emploi pour ces personnes. Implanté sur le territoire de la Municipalité régionale de comté (MRC) de Bécancour, le projet est dédié majoritairement aux personnes réfugiées et souhaite à l’avenir proposer d’autres opportunités d’emploi en dehors du travail agricole.
Encadré 4.2. La régionalisation de l’immigration par l’apprentissage en Autriche
En Autriche, l’Agence Publique pour l’Emploi (AMS) s’investit pour répondre à la demande d’apprentis des employeurs des zones plus rurales (Vorarlberg, Tyrol) qui peinent à trouver des candidats. En effet, 75 % des demandes d’asile se concentrent dans la région de Vienne et l’est du pays, alors que 83 % de la demande d’apprentis est concentrée dans le reste du pays. En partenariat avec la Chambre de Commerce Fédérale (Wirtschaftskammer Österreich – WKO) l’AMS a lancé le Projet « b.mobile » pour disperser les jeunes réfugiés résidant à Vienne et cherchant à commencer un apprentissage dans un autre territoire. La mise en correspondance du profil de l’immigrant et du poste d’apprenti est réalisée par l’agence locale de l’AMS à Vienne à la suite d’une évaluation approfondie de cinq semaines du profil des réfugiés.
La MRC de l’Érable a établi un réseau d’accueil pour les personnes immigrantes coordonné par le programme « Place aux jeunes » (programme provincial possédant des bureaux dans chaque région du Québec et ayant pour objectif de « favoriser la migration, l’établissement et le maintien de jeunes diplômés » âgés de 18 à 35 ans en région).
En dehors des MRC moins densément peuplées, Drummondville et Victoriaville, les villes principales du Centre-du-Québec ont une attitude particulièrement proactive vis-à-vis de l’accueil et l’intégration des immigrants. Depuis 2018, Victoriaville participe au projet-pilote « Axe collectivité accueillante et inclusive ». Au sein de la démarche « collectivité accueillante et inclusive », la municipalité se propose « d’identifier des solutions concrètes et adaptées aux besoins de la localité en matière d’inclusion, et ce, tout en misant sur la participation active des acteurs locaux dans le but de définir des actions structurantes » (Ville de Victoriaville, 2018[1]). En parallèle à cette démarche, la ville travaille à « la mise en place d’un programme de réseautage moderne afin de permettre un transfert de renseignements relatifs aux situations de la vie quotidienne et le jumelage de personnes immigrantes nouvellement arrivées dans la municipalité ou qui envisagent de s’y établir » ; à la mise en place d’un projet de « cohésion sociale » s’appuyant sur la communauté d’accueil et le partage d’expérience entre participants de milieux différents ; et enfin, propose 10 stages professionnels avec un accompagnement pour favoriser la mobilité interrégionale de jeunes immigrants nouvellement arrivés.
La ville de Drummondville, quant à elle, organise deux activités d’accueil pour les nouveaux arrivants dans la région (qu’ils soient immigrants ou natifs), incluant tour de ville, présentation des services, rencontres avec les élus, etc. La municipalité a également créé depuis mars 2018 une commission sur l’immigration, la diversité culturelle et l’inclusion, composé de trois élus, trois organismes communautaires et six citoyens dont cinq d’origine immigrée. Cette commission est un organisme de réflexion dont l’objectif est de faire des recommandations au conseil municipal.
Le Regroupement interculturel de Drummondville (RID) est jugé par les acteurs locaux consultés comme étant un pilier de l’accueil et de l’intégration des personnes immigrantes dans la ville. Plus ancien organisme agissant pour ces problématiques, le RID est jugé localement comme une référence tant pour les immigrants avec la multitude d’offres de services d’aide et d’accompagnement des nouveaux arrivants, que pour les employeurs qu’il accompagne dans leur politique de diversité culturelle en emploi. Cet organisme est aussi très impliqué dans l’organisation de rencontres interculturelles entre immigrants et natifs, avec la mise en place d’activité de jumelage entre une personne résidente de Drummondville et une personne immigrante, ou bien encore avec l’organisation de la Fête de la diversité.
Enfin, la Société de développement économique de Drummondville (SDED) organise sur une base mensuelle des activités de différentes natures pour « sortir » les personnes immigrantes de leur isolement et pour qu’elles puissent mieux découvrir la ville. Cette initiative est imitée depuis peu par le cégep de Drummondville qui a obtenu une subvention pour organiser des activités similaires.
Les initiatives pour améliorer l’intégration et la rétention dans le Centre-du-Québec sont donc souvent disponibles à un niveau très local, au niveau de la MRC voire au niveau de la municipalité. Il existe aussi quelques initiatives sur la région. L’organisme Action-Travail, qui accueille normalement tout type d’individu en recherche d’emploi, est exclusivement dédié aux personnes immigrantes dans le Centre-du-Québec. Par rapport aux autres régions, il possède donc une approche où les besoins et particularités de la population immigrante sont mieux pris en compte. À l’image de la Capitale-Nationale, le Centre-du-Québec dispose aussi d’une table de concertation régionale qui, ici encore, a su se pérenniser malgré le retrait des antennes régionales du MIFI en 2015.
Estrie
L’Estrie est une région au sud-est du Québec, frontalière des États-Unis. D’après le recensement de 2016, elle concentre 1.6 % de la population immigrante, cette dernière représentant 5.7 % de l’ensemble de la population de la région. Le taux de chômage de la population de 15 ans et plus y est de 4.7 % en 2018. Près de la moitié de la population de l’Estrie réside dans sa ville principale, Sherbrooke. La région se caractérise par une offre de service d’intégration importante dans cette ville et dans certaines MRC, alors que certaines autres ne disposent tout simplement d’aucun programme local. Afin de remédier à ce « vide » de service, le MIFI tente d’élargir les mandats de différents organismes dans les MRC avoisinantes. La Table des MRC de l’Estrie (table de concertation entre le gouvernement et les MRC afin d’établir une stratégie régionale de dynamisme et de prospérité) a mandat pour déterminer où sont les vides de services à combler.
La plupart des initiatives locales en Estrie se sont développées au niveau régional. La référence principale depuis 1954 dans la région pour les personnes immigrantes est le Service d’Aide aux Néo-Canadiens (SANC). Le SANC est responsable de la majorité des services visant l’intégration des immigrants, quelle que soit leur nationalité. Quand il n’est pas compétent, il redirige vers des organismes plus spécialisés, comme lorsqu’il est question de formation ou encore de francisation. Le SANC assure le suivi et l’accompagnement de tous les immigrants, y compris les membres de la famille (adultes et enfants), et ce, dès leur arrivée. Les participants bénéficient d’un suivi, d’une formation sur la communication interculturelle et des sorties en groupe. Un maximum est fait pour que les nouveaux arrivants bénéficient de ces prestations dans leur langue d’origine, grâce à une banque d’interprètes. L’organisme participe également au rapprochement interculturel, notamment par l’organisation du Buffet des nations où les immigrants invitent la population à partager un repas depuis 1968. Il a également développé des activités de jumelage interculturel qui favorisent l’établissement des liens d’amitié entre des personnes ou des familles d’origine québécoise et des personnes ou des familles d’origine immigrante. Si le SANC a le mandat d’offrir des services pour l’ensemble de la région, l’OBNL peine de plus en plus à le faire dans les faits suite à l’accroissement de la population immigrante réfugiée en Estrie. Ce problème touche la plupart des acteurs locaux dans la région.
La Fédération des communautés culturelles de l’Estrie (FCCE) est un organisme qui regroupe 25 associations culturelles de différents groupes ethniques afin d’organiser des activités ou des projets conjoints, sans subvention gouvernementale. L’objectif de la FCCE est d’assurer l’intégration et la rétention des membres des associations partenaires et de contribuer au développement de relations interculturelles. Menée par des personnes immigrantes déjà établies dans la région, la FCCE est un exemple d’entrepreneuriat immigrant.
D’autres initiatives régionales proposent des services d’aide à l’intégration, sans s’adresser directement aux personnes immigrantes. L’initiative « Vision d’attractivité » a comme objectif d'attirer, d’accueillir et de retenir des travailleurs dans la région afin de revitaliser le territoire. Le programme ne vise pas exclusivement les personnes immigrantes, mais a développé un volet visant ces derniers. Depuis la mise sur pied du projet en 2018, quatre volets sont en cours de développement : 1) développer une vision régionale; 2) laboratoire sur l’identité territoriale; 3) création d’une stratégie « ambassadeur » misant sur des leaders de différents milieux pour mieux faire valoir les points forts de la région et, 4) création d’un site Internet pour l’attractivité.
Le Centre d’éducation populaire s’adresse aux natifs qui enseignent le français à des élèves immigrants, via des rencontres toutes les deux semaines pour discuter du fonctionnement et du déroulement des classes. Il encourage ce faisant les liens de proximité entre enseignants et élèves. De cette initiative sont nés plusieurs projets entre l’organisme et les professeurs mandatés par le MIFI. Cela favorise un sentiment d’appartenance entre les enseignants envers l’OBNL, et donc la rétention des enseignants dans la région, dont la question se pose au même titre que la rétention des immigrants. En parallèle, les enseignants bâtissent des projets avec les étudiants, ce qui contribue positivement au vivre-ensemble et à l’intégration des immigrants.
Au-delà des programmes régionaux, plusieurs initiatives ont été mises en place dans des territoires plus spécifiques. La ville de Sherbrooke, via le Programme d’intégration des immigrants et des minorités visibles en emploi (PRIIME), propose des parrainages professionnels au cours des stages en mairie. La ville a également mis sur pied le Comité des relations interculturelles et de la diversité (CRID), qui oriente les nouveaux arrivants vers les ressources disponibles pour les aider à mieux s’intégrer, et organise des activités diverses. De manière générale, la politique d’accueil et d’intégration des personnes immigrantes développée à Sherbrooke promeut une vision très participative vis-à-vis de la société civile. La ville lance régulièrement des consultations auprès de la population sherbrookoise, à partir desquelles sont élaborés des bilans, des perspectives ainsi que des plans d’action concrets. Sherbrooke bénéficie également de l’étendue de son réseau universitaire pour attirer des étudiants étrangers (deux universités, une francophone et une anglophone). Le réseau offre ainsi des services de garderie à l’université dans les deux langues officielles pour les étudiants qui sont parents.
Encadré 4.3. Exemple de programme d’intégration « tout compris » qui profite aux territoires en difficulté de recrutement: le dispositif HOPE en France
Si le dispositif national HOPE (Hébergement orientation parcours vers l’emploi) en France est dédié exclusivement aux réfugiés venant d’obtenir le statut, et qu’il n’a pas directement vocation à « revitaliser » les régions moins densément peuplées, il s’avère qu’elles peuvent profiter du dispositif si elles sont en difficulté de recrutement. HOPE est né d’un partenariat entre l’État français (Ministère de l’Intérieur, Ministère du Travail, DIHAL), Pôle Emploi (service public de l’emploi), l’OFII (Office français de l’immigration et de l’intégration), l’AFPA (Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes), et huit Opérateurs de compétences (OPCO5) ont signé un accord-cadre. Grâce à cet accord, 1 000 réfugiés en 2017-2018 et 500 en 2019 ont bénéficié d’un parcours de huit mois qui inclue une formation (400 h) certifiée de la langue française et la découverte d’un métier fléché sur les besoins des entreprises ; d’un contrat de professionnalisation pour l’apprentissage d’un métier en entreprise (450 h), d’un hébergement avec restauration et d’un accompagnement personnalisé (administratif, social, médical, etc.). Les centres régionaux de l’AFPA sont responsables de trouver un logement, offrir les formations et le suivi aux bénéficiaires. Les réfugiés sont formés aux métiers pour lesquels les entreprises d’une région donnée peinent à recruter. Par exemple, les réfugiés ont été formés dans le bâtiment et l’industrie en Bourgogne-Franche-Comté (est de la France).
Si de nombreuses initiatives développées au niveau régional sont surtout accessibles à Sherbrooke, certains territoires ruraux ont également mis en place des programmes qui ont vocation à traiter l’ensemble du processus d’intégration. Un des meilleurs exemples est le projet Défi carrières, dont l’objectif est d’attirer et conserver dans le territoire de Mégantic (MRC du Granit) des personnes extérieures, tout particulièrement des immigrants. Le projet offre aux personnes motivées une banque d’emplois. Puis à leur arrivée, il offre plus spécifiquement aux immigrants de l’aide au logement, des cours de français informels et du mentorat professionnel. Défi carrières propose également des formations de gestion de la diversité aux employeurs et aux employés et accompagne les entreprises après l’embauche d’immigrants. Il organise un salon de l’emploi, mais aussi plus spécifiquement le salon de l’emploi de la diversité, en collaboration avec Orientation travail, OBNL spécialiste de la diversité dans l’emploi.
Montréal
La région administrative de Montréal correspond à l’île de Montréal. La ville forme l’agglomération de Montréal avec 15 autres municipalités. Elle est le pôle économique du Québec, même si le taux de chômage y est plus élevé que la moyenne québécoise, à 7.2 % en 2018 pour la population de 15 ans et plus. La ville comprend 24 % de la population du Québec, mais 59 % de sa population immigrante. Un tiers de la population de Montréal (34 %) est une personne immigrante. En conséquence, la région se démarque grandement des autres régions observées, puisqu’elle comprend donc de nombreux organismes d’aide à l’intégration pour les nouveaux arrivants. Certaines initiatives mises en place, les lieux d’échanges et les mesures élaborées sont, au demeurant, parmi les plus innovantes du Québec.
La position de grande métropole de Montréal fait que la ville concentre les richesses, mais aussi une certaine frange de pauvreté plus forte que dans le reste du Québec. Comme analysé dans le chapitre 2, les immigrants à Montréal sont parmi les plus au chômage (11 % en 2016) et les plus surqualifiés de la province (48 %). En conséquence, à contre-courant des initiatives des autres régions, qui visent à attirer les immigrants, certaines initiatives locales visent à trouver aux immigrants des opportunités d’emploi dans les régions en dehors de l’agglomération, donc à les faire partir de son territoire. Le programme « Un emploi en région » est géré par les organismes communautaires Promotion intégration société nouvelle (PROMIS), Accueil liaison pour arrivants (ALPA) et Collectif des femmes immigrantes au Québec (CFIQ). Ces OBNL, après l’établissement d’un bilan de compétence dans le cadre général de leur activité d’accompagnement des immigrants en difficulté d’insertion, proposent à ces personnes immigrantes une possible mobilité en région. Si elles sont d’accord avec l’idée, les OBNL les mettent en relation avec des collègues de région afin qu’elles les accompagnent dans leurs recherches d’emploi et leurs projets de déménagement. Certaines peuvent aussi organiser des séjours exploratoires. Ce programme a comme objectif le déplacement en région de 900 personnes immigrantes par an. En parallèle, le programme pilote un portail en ligne de recherche d’emploi en région.
En parallèle à cette initiative, la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ) a mis en place le programme « Un emploi en sol québécois » dont l’objectif est de favoriser l’intégration des populations immigrantes de l’agglomération de Montréal en région. Les personnes candidates du programme sont des personnes immigrantes prêtes à déménager, souvent référencées par des OBNL. La FCCQ organise pour eux un rapport de potentiel de carrière, basé sur le niveau d’éducation, la manière de se présenter et la maîtrise de la langue française. Selon les résultats, elle fait ensuite le lien entre les candidats et les employeurs, suite aux démarches des Chambres de Commerce de la région souhaitée. Seuls les emplois disponibles en région correspondant aux compétences de l’immigrant lui sont proposés. Elle organise ensuite des séjours exploratoires dans la région de mobilité souhaitée, puis, si la personne est convaincue de l’intérêt de la mobilité, met en relation l’immigrant avec les OBNL spécialisés en régionalisation de l’immigration6. Ces deux programmes se réfèrent mutuellement les candidats ayant un intérêt à s’établir en région.
Encadré 4.4. Encourager la mobilité des populations vulnérables d’un pôle économique aux régions : l’exemple du projet EMILE de la région parisienne vers le reste de la France
Toute personne en difficulté d’insertion professionnelle et mal logée de la région parisienne (natifs et immigrants) peut bénéficier du projet pilote EMILE (Engagés pour la mobilité et l’insertion par le logement et l’emploi). Pilotée par la Délégation interministérielle pour l’hébergement et l’accès au logement (DIHAL) et la préfecture d’Île-de-France, cette initiative propose à cette population vulnérable de débuter un nouveau projet de vie dans un territoire d’accueil ayant des besoins de main-d’œuvre et du logement disponible. Basé sur les expériences telles que « Un toit un emploi » de l’association Aurore, ou encore « Clefs de France » de France terre d’asile, EMILE s’appuie sur la mise en adéquation des projets professionnels des candidats et des besoins de main-d’œuvre locaux. Le programme se base sur la mobilisation d’un large consortium de partenaires associatifs et d’acteurs institutionnels locaux, en aval en Île-de-France puis en amont en région, après la signature d’un contrat personnalisé d’accompagnement avec les bénéficiaires. Il offre en amont un kit mobilité, incluant pendant une durée maximale de six mois des dispositifs de bilan socioprofessionnel, de bilan de compétences et de remobilisation vers l’emploi sur le plan des compétences de base (savoir être numérique, mise en situation professionnelle, maîtrise du français), une visite en immersion en région préalable de cinq jours et des dispositifs d’aide à la mobilité (passage du permis de conduire), identifiés comme un des freins les plus importants dans les expériences précédentes. Après la prise de décision définitive de déménagement, les nouveaux arrivants sont accompagnés en aval pour une durée de trois à six mois par des partenaires associatifs spécialisés dans l’accès au logement, la prise d’autonomie, l’amélioration de la vie sociale (accès aux services et infrastructures, parrainage citoyen…) et l’insertion professionnelle. L’accompagnement du projet pilote EMILE est complété par une aide financière à la mobilité (frais de déplacement pour la visite en immersion, déménagement et ameublement) et au logement temporaire sur place pendant la période de stage ou de mise en situation professionnelle, financé par Action Logement. L’objectif du projet EMILE est d’accompagner 1 500 personnes dans les trois prochaines années. Son impact social et économique sera évalué.
En parallèle à ce dispositif destiné à toutes les populations vulnérables, la DIHAL pilote depuis 2015 en France la plateforme nationale de logement des réfugiés. Ce mécanisme centralise l’offre de logements vacants partout en France et notamment dans les territoires où la pression sur le logement social est faible. Les réfugiés (notamment les réinstallés) qui ont exprimé une préférence pour habiter en dehors de l’Île-de-France (région de Paris) se voient proposer des solutions d’hébergement en régions.
Si les initiatives décrites précédemment peuvent s’adresser autant aux personnes immigrantes sans emploi qu’à celles qui sont déclassées, Montréal est aussi la seule région étudiée où il existe des dispositifs dédiés aux immigrants qui ne disposent pas d’emploi dans leur domaine (en particulier les surqualifiés). À titre d’exemple, le programme Interconnexion de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM) vise à relier les immigrants qualifiés à des employeurs potentiels. Au départ, les immigrants participent à des séances dites de « mentorat express » (deux ou trois séances d’une heure avec des professionnels issus de l’immigration) pour améliorer leur réseau et leur faire comprendre quels obstacles les ont menés à la surqualification ou à une mauvaise orientation. Ensuite, la CCMM soutient les candidatures envoyées par les immigrants qualifiés auprès des entreprises partenaires. Un des objectifs est ainsi de rassurer les entreprises (notamment les PME) sur le CV des immigrants qui leur sont présentés. Pour les convaincre, elle organise des « séances d’entrevue éclair » ou des stages. La CCMM, en soutenant la candidature, devient le « garant » de l’immigrant, la caution de sérieux vis-à-vis du monde des affaires. Le programme concerne désormais 1 100 candidats, et en 2018 la moitié a réussi à obtenir un emploi en lien avec ses qualifications.
Plusieurs autres OBNL, qui fournissent par ailleurs des services d’aide à l’insertion professionnelle à l’ensemble des personnes immigrantes, ont aussi développé des projets spécifiques afin de lutter contre la surqualification. La Clé d’intégration pour les travailleurs immigrants de Montréal (CITIM) a ainsi développé une offre de service pour les ingénieurs formés à l’étranger, comprenant une session d’information sur le marché du travail et l’accès à l’Ordre des ingénieurs du Québec, ainsi que l’élaboration d’un parcours personnalisé. Le Club de recherche d’emploi Montréal centre-ville (CREME CV) a mis en place un « programme de transition de carrière pour les professionnels de la santé diplômés hors Canada et États-Unis (PSDHCEU). Ce dernier est assorti d’une formation en groupe sur la transition et d’un accompagnement personnalisé dans la recherche d’emploi, soit un processus complet d’orientation professionnelle pour les médecins, pharmaciens, dentistes, optométristes ou vétérinaires. L’organisme FRJ propose un dispositif sur le même principe pour les enseignants et l’Hirondelle pour les infirmières. Les résultats de ces initiatives sont positifs puisqu’elles génèrent un écosystème au sein duquel on retrouve, notamment, des écoles, des centres de formation et des employeurs.
Si le déclassement est plus important à Montréal que dans les autres régions du Québec (voir chapitre 3), il n’est pas la seule barrière à une intégration sur le marché du travail qui se veut plus complexe qu’ailleurs au Québec. De par son importance économique, Montréal attire une immigration économique moins francophone que le reste du Québec. De nombreux immigrants dans la ville, notamment dans les petits commerces, n’utilisent pas le français comme langue de travail. Un grand nombre d’organismes communautaires proposent des cours de francisation en partenariat avec le MIFI. La CCMM propose un programme de francisation original en milieu de travail, où les enseignants sont des étudiants linguistes bénévoles. La CCMM propose ses formations en démarchant les petites entreprises immigrantes et pour les encourager leur propose un macaron « j’apprends le français, encouragez-moi », qui favorise tout de suite des contacts positifs avec le voisinage et encourage les commerçants participants à persévérer dans leurs efforts.
L’organisme PROMIS est un des plus vieux OBNL du Québec qui aident les immigrants dans leur démarche d’intégration culturelle, sociale et professionnelle. Elle propose un grand nombre de formations d’aide à l’emploi et de francisation, et est également un des OBNL responsables du programme « Emploi en région ». L’activité de PROMIS intègre beaucoup de services à destination des familles d’immigrants, car l’intégration de la personne sélectionnée par le système d’immigration n’est pas suffisante pour construire une situation de bien-être. Elle est ainsi une des rares à proposer également des cours de francisation et de soutien scolaire de manière générale, aux enfants d’immigrants. Ces enfants leur sont recommandés par les écoles quand un risque de décrochage scolaire se présente.
En plus de l’offre de services des différents OBNL, certains employeurs de Montréal sont particulièrement actifs dans leur politique d’intégration des personnes immigrantes. En particulier, Ernst & Young cabinet d’audit financier et de conseil) ainsi que les Caisses Desjardins (services bancaires) de la ville ont mis en place plusieurs initiatives variées pour accueillir des employés issus de la diversité (immigrants ou natifs) et créer un écosystème où ils se sentent bienvenus et intégrés dans la structure, afin d’améliorer leur sentiment d’appartenance, apporter de la stabilité et améliorer la cohésion entre tous les membres de l’entreprise.
Différents Collèges d’enseignement général et professionnel (cégeps) de la région de Montréal proposent également des services multiples de francisation, de formations aux adultes et mettent en pratique des démarches pour conserver les étudiants étrangers formés à Montréal. Le programme « Je choisis Montréal » de Montréal International vise également à conserver les étudiants internationaux de la ville après leurs diplômes. Pour ce faire « l’agence de promotion économique du Grand Montréal pour les investisseurs, les organisations internationales, les talents et les étudiants du monde entier » organise des évènements entre étudiants et recruteurs, de réseautage, des ressources en francisation, et met en relation les entreprises et les établissements d’enseignement supérieur.
La grande offre de services d’aide à l’intégration à Montréal est en même temps une force et une faiblesse. L’offre est souvent telle que les immigrants eux-mêmes sont parfois perdus pour choisir les ressources adaptées à leur besoin. Devant ce constat, le Bureau d’intégration des nouveaux arrivants de la ville de Montréal (BINAM) a décidé de réaliser une cartographie de l’offre de services. En cours, cette cartographie servira in fine à la mise en place d’un guichet unique, « la station nouveau départ ». L’objectif de cette initiative et de permettre toutes les démarches d’un nouvel arrivant dans un même endroit, et d’aiguiller vers les cours de francisation, les services d’aide à l’insertion sur le marché du travail, et les services d’intégration sociale les plus adaptés aux besoins spécifiques de chaque immigrant. De manière globale, cette initiative de la ville fait partie du plan d’action 2018 – 2021 « Montréal Inclusive » (Ville de Montréal, 2017[2]). Outre cette volonté d’accroître la cohérence de l’offre de services envers les immigrants, la ville de Montréal souhaite sensibiliser à la diversité les travailleurs, les employeurs et la société civile, lutter contre toutes les formes de discrimination et élargir l’offre de service aux résidents étrangers non permanents. Elle souhaite par ailleurs devenir exemplaire dans sa propre gestion des ressources humaines et des services municipaux, en augmentant la diversité du personnel de l’administration municipale et en offrant un accès équitable à tous, quel que soit leur statut légal.
Encadré 4.5. Un organisme unique dédié à l’installation des immigrants dans une grande ville : l’exemple de Hamilton en Ontario
L’Immigrants working centre (IWC) est l’unique OBNL spécialisé dans l’accueil et l’intégration sur le marché du travail des nouveaux arrivants immigrants à Hamilton en Ontario, Canada. C’est l’exemple qu’une grande ville (Hamilton est une ville de près de 700 000 habitants) peut concentrer l’ensemble de ses services d’intégration dans un seul organisme. L’IWC possède une grande panoplie de services à l’intégration, notamment des cours de langues à visée professionnelle centrés sur certains métiers, des cours d’aide à l’entrepreneuriat ou des clubs de réseautage. Pour favoriser la participation des immigrants aux formations, il propose des services de garde d’enfants gérés par des éducateurs spécialisés qui aident les enfants à mieux s’intégrer dans le système scolaire canadien. Parmi les initiatives les plus originales de l’IWC, le centre propose des tests de préparation à l’accès à la nationalité.
Analyse des dispositifs d’intégration en région
Cette section analyse les perceptions des acteurs locaux consultés dans les cinq régions étudiées quant à l’efficacité des dispositifs d’intégration. Étant donné le nombre d’acteurs rencontrés, les résultats présentés doivent être plus considérés pour leur côté qualitatif qu’être vu comme des données quantitatives.
Une stratégie locale pour l’intégration des immigrants, mais des blocages subsistent, notamment sur certaines catégories d’immigration
La quasi-totalité des acteurs locaux consultés confirme que les mesures visant à favoriser l’intégration au marché du travail, qui sont accessibles de droit pour toutes les catégories d’immigrants ayant un droit de résidence permanent, le sont bien dans la réalité pour les immigrants économiques et familiaux. Cependant, l’accès à ces mesures par les réfugiés est beaucoup plus soumis à caution, puisque plus d’un quart des acteurs locaux en Chaudière-Appalaches, en Estrie et dans la Capitale-Nationale considèrent qu’ils n’ont pas un accès réel à ces mesures. Ces avis tranchent avec le droit et montrent combien cette catégorie plus vulnérable, avec une maîtrise de la langue moindre et plus de difficultés à faire reconnaître ses compétences (diplômes, permis de conduire) a du mal à accéder aux services d’employabilité, ce qui pourrait expliquer ces plus grands problèmes d’accès au marché du travail.
Les discours sont encore moins positifs s’agissant des travailleurs temporaires, qui eux n’avaient, jusqu’à 2019, qu’un droit très partiel à accéder à ces dispositifs. Plus d’un tiers des acteurs locaux consultés déplorent le fait qu’ils n’ont pas accès à la plupart des services offerts aux autres catégories d’immigrants. En effet, les enveloppes budgétaires sont différentes et exclusives à certaines catégories d’immigrants. Toutefois, étant donné que les agences gouvernementales et les OBNL prestataires sont souvent dans l’impossibilité d’aider les résidents non permanents (en particulier les demandeurs d’asile) et le fait que la majorité d’entre eux jugent que les travailleurs temporaires ont accès aux mesures d’intégration sur le marché du travail est finalement un résultat très positif. Ce soutien de fait des acteurs locaux envers les immigrants temporaires devrait devenir la norme, étant donné que les services et les mesures d’Emploi-Québec (PRIIME notamment) sont depuis le 8 avril 2019 ouverts à tous les travailleurs temporaires et que les services du MIFI le sont depuis le 5 juillet 2019.
Par ailleurs, les acteurs locaux émettent des réserves quant à la possibilité de desservir toutes les catégories d’immigrants. Par exemple, les travailleurs temporaires n’ont effectivement aujourd’hui accès qu’à très peu de services. De plus, les conjoints/es sont également très mal desservis avec ce genre de programme, lorsqu’ils existent, car ils/elles sont plus éloignés du marché du travail. Pour ce qui est des organismes en employabilité, ils offrent généralement un service individualisé. Par contre, si la personne immigrante ne correspond pas aux critères établis par tel ou tel programme, elle n’y aura pas accès. Les programmes d’insertions durables aux marchés du travail créent donc de l’exclusion selon les critères qu’ils promeuvent.
Un accès aux mesures d’intégration sur le marché du travail ne peut être effectif que s’il existe une stratégie locale et coordonnée de cette politique d’intégration. Dans la majorité des régions étudiées, sept acteurs consultés sur dix pensent que cette stratégie existe. En fait, il existe une véritable dichotomie en régions entre les centres urbains et les différentes MRC. Dans toutes les régions, une certaine stratégie locale existe dans les centres urbains, mais il n’y a aucune stratégie dans les autres MRC où la population immigrante est encore plus limitée en nombre. Plus grand centre urbain du Québec, Montréal n’est plus à l’étape de construire une stratégie régionale, mais à la mise en œuvre et aux défis de l’application sur le terrain, ce qui explique que l’ensemble des acteurs consultés jugent qu’une stratégie existe. De même, la ville de Québec dispose d’une stratégie coordonnée d’intégration des immigrants sur le marché du travail, mais cette stratégie n’inclut pas les MRC de Charlevoix ou de Portneuf. Le même point de vue prévaut en Estrie, où une stratégie régionale incluant Sherbrooke et les autres MRC est encore en cours d’élaboration, ce qui explique que plus de la moitié d’entre eux pense que cette stratégie n’existe pas.
La différence entre pôles urbains et MRC se ressent également dans la manière dont la stratégie locale d’intégration économique des immigrants est pensée. Dans les régions des grands pôles urbains du Québec (Montréal et Capitale-Nationale), la stratégie régionale est plus souvent basée sur les objectifs établis par le gouvernement. Dans les régions plus éloignées, la stratégie régionale semble réellement plus locale, puisqu’elle se fonde sur une concertation avec l’ensemble des acteurs de la région (via des réunions et tables de concertation). Pour toutes les régions, la stratégie régionale se base rarement sur des données.
Il est intéressant de noter que les acteurs œuvrant exclusivement en employabilité ont une vision plus positive des mesures mises en place et des stratégies élaborées quant à l’intégration des personnes immigrantes sur le marché du travail. À l’inverse, les acteurs œuvrant à l’intégration sociale des personnes immigrantes ont une vision moins positive de la situation, probablement plus réaliste. Ces derniers ont une connaissance plus globale des barrières auxquelles se heurtent les personnes immigrantes durant le projet migratoire (différents statuts, l’éloignement du marché du travail, difficulté de faire reconnaître un diplôme ou encore barrière de la langue). Malgré la présence de cette stratégie, celle-ci ne semble pas être suffisante pour que les personnes immigrantes s’intègrent pleinement et ne quittent pas la région (cf. Chapitre 2). Cette situation soulève la question suivante : est-ce que les acteurs locaux ont entre leurs mains tous les leviers nécessaires pour réellement attirer et conserver des personnes immigrantes dans leur région ?
La réponse semble être négative, quand on interroge les acteurs locaux sur leur degré d’autonomie dans la mise en place des programmes. Environ un acteur consulté sur deux juge que les acteurs de leurs régions ne sont pas autonomes à ce titre. À Montréal, notamment, les organismes consultés ne se sentent pas partenaires avec les ministères ou les décideurs. Seul un quart d’entre eux considère que les acteurs locaux de Montréal sont autonomes dans la mise en place de dispositifs pour les personnes immigrantes. La majorité juge qu’ils sont seulement mandataires de programmes du gouvernement québécois et que ces derniers n’incluent aucune initiative originale ou innovante. Ce manque d’autonomie crée un sentiment de frustration fort chez ce type d’organisme. Le même sentiment prévaut, dans une moindre mesure, en Estrie.
Les acteurs locaux dans les régions Capitale-Nationale et Chaudière-Appalaches se considèrent par contre plus autonomes par rapport aux autres régions pour faire face aux problématiques d’intégration locales, d’après les résultats des consultations. Dans la moitié des cas, les acteurs locaux autonomes disposent de leurs propres dispositifs en consultation avec le gouvernement du Québec ; dans l’autre moitié, leurs dispositifs sont mis en place sans aucune concertation avec celui-ci. Les acteurs locaux en Chaudière-Appalaches se considèrent parmi les plus autonomes, la majorité de leurs dispositifs (GPMO et autres initiatives de la CSBE, « La Beauce Embauche » …) n’impliquant pas directement le gouvernement.
Alors que le degré d’autonomie des acteurs locaux est jugé insuffisant dans la plupart des régions observées, il existe une certaine appréhension de leur part par rapport au redéploiement du MIFI dans les régions. Les acteurs locaux sont généralement enthousiastes quant à ce retour, car il démontre une plus grande implication de la part du ministère, mais ils entretiennent une crainte face à une éventuelle perte d’autonomie qui en découlerait. Par le passé, le MIFI s’était déjà installé en régions et avait demandé aux acteurs locaux de leur laisser la responsabilité de certaines prérogatives. Puis le MIFI s’est retiré et les acteurs locaux en sont venus à devoir se débrouiller en développant leur propre expertise sur ces sujets « réservés » préalablement par le MIFI. S’ils sont ouverts au redéploiement du MIFI en région, ils craignent que la même chose se reproduise à l’avenir. Les acteurs locaux souhaitent donc désormais une concertation réelle avec l’antenne locale du MIFI. Ils considèrent que leur expertise doit être le point de base de la collecte d’informations nécessaires à l’élaboration ou à la modification de mesures favorisant l’intégration des personnes immigrantes.
Encore une fois, une tendance se dessine ici entre les organismes œuvrant en employabilité et ceux œuvrant, de manière plus générale, à l’intégration sociale des personnes immigrantes. En effet, les organismes en employabilité se considèrent plus autonomes, car la structure de financement pour ce genre d’organisme est souvent hybride. En plus des enveloppes budgétaires ministérielles, ces organismes ont souvent recours à un financement issu des employeurs de leurs régions qui paient un service afin d’obtenir de l’aide pour le recrutement ou encore pour la gestion de la diversité au sein de l’entreprise, à l’image de certaines associations dans d’autres pays de l’OCDE (Encadré 4.11). Ceci permet aux organismes en employabilité de construire de manière plus indépendante des programmes adaptés à leurs régions grâce aux cotisations des entreprises locales. Les organismes d’intégration sociale ont pour leur part plus de difficulté à assurer leur autonomie. Ces derniers dépendent la plupart du temps exclusivement des enveloppes budgétaires ministérielles pour mettre en place des programmes. De plus, les entreprises locales n’ont pas le réflexe de financer ce genre d’organismes, car ils n’y voient pas d’avantages directs. Pourtant, particulièrement pour le cas des régions, l’attraction se fait via l’emploi, mais la rétention se fait par la qualité du milieu de vie dans lequel les nouveaux arrivants s’installent. La plus grande implication des employeurs dans le financement des organismes d’intégration sociale serait donc tout à fait utile.
Difficulté voire impossibilité à accéder à des dispositifs d’insertion professionnelle pour les immigrants temporaires ou les réfugiés, manque d’autonomie dans la mise en place des dispositifs au niveau local, stratégie régionale trop axée sur les pôles urbains, tous ses facteurs font que peu d’acteurs locaux considèrent qu’il est possible d’offrir un accompagnement individualisé et orienté vers l’insertion durable sur le marché du travail pour l’ensemble des nouveaux arrivants. Environ trois acteurs locaux consultés sur cinq pensent que cet accompagnement est toutefois possible pour la plupart des immigrants, ce qui est correct, mais insuffisant pour permettre une intégration effective de tous les immigrants et l’utilisation de leur plein potentiel.
Selon les organismes interrogés, ces difficultés à accéder à un accompagnement individualisé et durable s’expliquent de deux différentes façons. Premièrement, les organismes en employabilité offrent généralement un service individualisé, stricto sensu. Par contre, si la personne immigrante ne correspond pas aux critères établis par tel ou tel programme, elle n’y aura pas accès. Les programmes d’insertion durable aux marchés du travail créent donc de l’exclusion selon les critères qu’ils promeuvent. Deuxièmement, la structure de financement, qui est axé autour du nombre de personnes desservies, n’encourage pas l’insertion durable au marché du travail. Un organisme reçoit du financement lorsqu’il réussit à placer une personne immigrante en emploi pour un certain laps de temps. Malgré toutes les bonnes intentions des organismes, répondre aux indicateurs d’évaluation tels qu’ils sont conçus par les programmes ministériels devient une nécessité. L’accompagnement sur une longue période n’est donc pas favorisé par ce type de financement. De plus, ils obligent les organismes à délaisser les personnes éloignées du marché du travail qui nécessitent un accompagnement plus coûteux et sur une longue durée.
De l’avis des acteurs locaux, il faut améliorer la flexibilité des ententes entre MIFI et OBNL afin de créer une relation de partenaires et non de mandataires. Les ententes se basent souvent sur des objectifs chiffrés rigides (besoin d’atteindre un niveau minimum de français pour une part donnée des immigrants non francophones au bout d’un certain laps de temps, par exemple). Selon les acteurs consultés, il faut changer cette mentalité de mesurer la réussite des projets sur des impacts directs à court terme et cesser d’exiger des résultats rapides qui se trouvent être peu significatifs puisqu’ils ne perdurent pas nécessairement, pour plutôt se concentrer sur des objectifs à moyen et long terme. Cette rigidité empêche également les acteurs locaux de tenter des choses nouvelles. Ils ont besoin de plus de flexibilité afin de mettre en place des projets plus innovants qui fonctionnent mieux, notamment pour les acteurs plus expérimentés. Une plus grande souplesse dans les ententes et dans les critères à respecter permettrait donc de proposer des solutions qui répondent vraiment aux besoins locaux. Le programme de revitalisation de l’OBNL PAIS dans le Centre-du-Québec (voir section précédente) tente par exemple une approche novatrice pour attirer et conserver les immigrants en milieu rural. Pourtant, l’organisme n’a trouvé aucune possibilité pour financer ce projet à l’intérieur des programmes du MIFI existants.
L’expérience de l’OCDE montre que quand les programmes sont trop normés, cela limite les résultats des politiques locales. Il est vraisemblable qu’il soit très difficile pour les opérateurs d’évoluer et d’innover puisque le système québécois de politiques d’intégration est aujourd’hui un carcan rigide. Des mesures ont été mises en place dans d’autres pays afin de stimuler l’innovation dans un cadre administratif donné en se fondant sur les capacités reconnues d’opérateurs expérimentés. Pour éviter que les règles contraignent l’innovation, les États-Unis permettent aux Workforce Investment Boards (présents dans chaque État) de demander de manière dérogatoire à se soustraire à une mesure précise de la loi fédérale afin de tester des stratégies innovantes à destination de la force de travail. Ces dérogations tendent à être accordées de manière incrémentale sur la base de précédents positifs (Froy and Giguère, 2010[3]). La flexibilité effective qui résulte de cette mesure permet de mieux répondre aux priorités locales.
Accessibilité et méconnaissance des mesures visant à éliminer les barrières à l’accès aux marchés du travail locaux
Les barrières à l’accès au marché du travail ont été décrites empiriquement dans le chapitre 2. Cette section présente l’avis des acteurs locaux consultés sur ces barrières et leurs idées sur la manière de les surpasser.
Les barrières à l’insertion professionnelle des immigrants sont parfois simplement dues à l’absence totale de mesure de soutien disponible sur leur lieu de vie. D’après l’avis des acteurs locaux consultés, les seuls services d’aide à l’emploi largement disponibles dans l’ensemble des régions sont ceux dédiés à l’ensemble de la population : il s’agit de ceux offerts par les centres locaux d’emploi et les organismes spécialisés en employabilité. Ces derniers ne sont que partiellement accessibles dans un cas sur trois et les centres locaux d’emploi dans un cas sur deux. Les associations d’aide à l’emploi dédiées aux personnes immigrantes ne sont accessibles que pour trois acteurs locaux sur cinq (dont partiellement dans un cas sur cinq). Quant aux agences régionales du MIFI, elles ne sont accessibles que dans deux cas sur cinq d’après les acteurs consultés, et pour leur grande majorité cet accès n’est que partiel. Enfin la grande majorité des acteurs locaux s’accordent sur le fait que les coachs de carrière ne sont pas accessibles, voire inconnus pour la population immigrante.
Au-delà de l’emploi, une bonne insertion professionnelle ne peut être pérenne que si l’environnement local offre également des services d’intégration sociale. Comme l’a montré le chapitre 2, la rétention des immigrants fonctionne surtout dans les régions qui offrent d’autres types d’infrastructures et de services, notamment pour la famille. D’après les consultations effectuées, les immigrants ont accès dans leur grande majorité à des services de santé, des services d’aide à l’accès au logement, des services de petite enfance et des organismes de prestations familiales. Cela dit, les services d’accès au logement et de petite enfance ne sont que partiellement accessibles pour les immigrants dans un cas sur deux. Les seuls services pour lesquels l’accessibilité reste une problématique majeure de l’installation et de l’intégration des nouveaux arrivants en région sont les services de transport, en particulier dans les zones périphériques aux centres urbains. Cette problématique du transport reste encore aujourd’hui la bête noire du développement économique sur le territoire québécois. Ainsi, seulement un acteur local sur six juge que ces services sont complètement accessibles pour les immigrants dans l’ensemble des cinq régions étudiées. Cette proportion est nulle dans les régions en dehors des pôles urbains de Montréal et Québec.
Sans surprise, il y a significativement plus de services disponibles à Montréal et dans la région de la Capitale-Nationale. Malgré l’abondance de services disponibles à Montréal, trois acteurs locaux consultés sur cinq considèrent que ces services ne sont que partiellement accessibles pour les personnes immigrantes. En dehors des pôles urbains, la distance géographique est également un important facteur pour déterminer l’accessibilité d’un service. Les centres urbains des régions sont extrêmement mieux desservis que chacune des MRC. En Estrie, les services sont donc accessibles à Sherbrooke, par exemple, mais ne le sont pas à Coaticook.
Un des aspects fondamentaux de l’intégration, corroboré par l’avis des acteurs locaux consultés, est que le manque d’accès aux services est une barrière à l’insertion dans la société d’accueil, mais qu’un défaut d’intégration peut entraîner des difficultés à accéder aux dits services. Comme exemple, une personne immigrante ne maîtrisant pas le français ou l’anglais aura beaucoup plus de difficulté à obtenir un service, même s’il existe dans la localité de résidence. Un manque de maîtrise du français rendra encore plus difficile l’obtention d’une place dans un Centre de la petite enfance (CPE), qui souffrent déjà d’une pénurie de places disponibles pour l’ensemble des résidents du Québec. Or, avoir une place semble être particulièrement crucial à l’intégration sociale d’une famille dans une communauté. Si une famille n’arrive pas à obtenir de place en garderie parce que l’enfant n’est pas né ici, cela crée une coupure entre le parent à la maison et la communauté d’accueil. De plus, l’enfant ne sera pas exposé au français à son jeune âge et aura de la difficulté à s’intégrer en arrivant à l’école. Le même processus, d’après les acteurs locaux, joue en ce qui concerne les logements, dont la rareté a été mentionnée dans plusieurs régions. Il est donc d’autant plus difficile pour les personnes immigrantes d’en trouver, notamment en raison du manque de référence et de l’impossibilité d’effectuer une enquête de crédit.
Par ailleurs, l’accessibilité aux services dépend également de la connaissance que les personnes concernées en ont. En effet, plusieurs acteurs consultés affirment être en mesure d’offrir leurs services seulement aux personnes immigrantes qui les contactent puisqu’ils n’ont pas les ressources nécessaires pour aller à leur rencontre. Cette méconnaissance des services expliquerait une partie des difficultés liées au problème d’accessibilité. Un guichet unique permettant d’aiguiller ces personnes apparaît dès lors comme une solution viable et efficiente. Le parcours personnalisé du MIFI, en cours d’élaboration, devrait aider grandement ces problèmes d’aiguillage.
Encadré 4.6. Exemple de dispositifs au niveau local de reconnaissance des compétences informelles en Italie
La direction Formation-Intégration au travail de la ville de Rome a mis en place un projet pilote afin de valider les compétences informelles des réfugiés ayant une expérience dans leur pays d’origine en tant qu’électriciens ou mécaniciens (Percorso sperimentale di validazione delle competenze pregresse – Parcours pilote de validation des compétences passées). Pour ce faire, des cours sont organisés dans les écoles professionnelles de la ville jusqu’à la validation complète des acquis de l’expérience.
Au-delà des problèmes reliés à l’accessibilité à un service en particulier, l’enjeu majeur d’après les consultations en région est la gestion différenciée entre Services Québec et le MIFI. Actuellement, le MIFI mise beaucoup sur l’intégration sociale, mais les nouveaux arrivants ont de la difficulté à obtenir des services d’aide à l’emploi, malgré la pénurie de main-d’œuvre. La coordination entre les critères des deux ministères devrait être accrue. En somme, selon les perceptions entendues lors de ces consultations, une personne immigrante doit composer avec des critères d’admissibilité différents, voire opposés. Les acteurs locaux consultés ont majoritairement fait part de l’inutilité de développer de nouvelles politiques d’accueil et d’intégration, car elles existent déjà. Ceux-ci souhaitent plutôt les assouplir afin de permettre l’innovation sur le terrain et permettre une meilleure adéquation entre les services offerts par ces deux ministères, en incluant, au demeurant, celui de l’éducation. Une autre barrière importante à une insertion professionnelle de qualité, déjà discutée dans le chapitre 2, est la difficulté qu’ont les immigrants à faire reconnaître leurs diplômes et leurs qualifications, alors même que l’OCDE et de nombreuses chartes internationales reconnaissent explicitement l’importance de valider ces formations, ces compétences et ces qualifications (OCDE, 2014[4]), (OECD, 2018[5]), (ICMPD/UCLG/UN Habitat, 2017[6]), (Eurocities, 2010[7]). Certains pays de l’OCDE ont pris le problème à bras le corps (Encadré 4.6, Encadré 4.7). De nombreux acteurs locaux consultés se plaignent que le sujet est reconnu comme un problème majeur au niveau national, mis sur la table depuis des années, mais que les choses évoluent très lentement, à cause du manque d’implication des ordres professionnels et des employeurs pour faire changer les choses. Au niveau local, l’existence même d’une procédure d’évaluation comparative des études est méconnue, voire inconnue. Cela montre que le guichet unique « Qualifications Québec », qui aiguille les immigrants vers les services de reconnaissance des compétences les plus adéquats (voir chapitre 2), a besoin d’adopter une posture plus proactive pour les atteindre. Un tiers des acteurs locaux consultés déclarent que personne dans leurs régions n’incite les personnes immigrantes à demander cette évaluation. C’est le cas de la moitié des acteurs en Chaudière-Appalaches, et des deux tiers en Estrie. À l’inverse, les acteurs locaux de l’île de Montréal et du Centre-du-Québec jugent que tout immigrant résidant s’est déjà vu inciter à lancer une procédure d’évaluation comparative des diplômes.
Encadré 4.7. Intégration du dispositif de reconnaissance des qualifications en Suède au niveau local
L’Agence pour l’emploi de la Suède a établi des programmes (dits Fast Track) pour accélérer la reconnaissance des compétences des nouveaux arrivants qui ont eu de l’expérience dans les professions en pénurie d’emploi dans leur pays d’origine (enseignants, professions médicales, etc.). La ville de Stockholm a décidé d’implémenter cette politique en l’adaptant aux besoins du marché local. Pour les métiers en pénurie (chauffeur de bus, prise en charge des enfants, commerce, etc.), la ville offre des cours qui combinent l’apprentissage de la langue et d’une profession. Dans le cas spécifique des réfugiés ayant été enseignants dans leur pays d’origine, la ville offre des cours dans leur langue d’origine alors qu’ils effectuent dans le même temps des remplacements dans les écoles et des cours de langue suédoise.
En dehors de la capitale suédoise, l’Association des municipalités de la région de Rothenburg (Encadré 4.8) a développé un service pour appuyer les immigrants résidant dans la région dans la validation de leurs certificats professionnels et d’éducation. L’objectif de Validering Väst (Validation ouest) est de créer les conditions pour que les primo-arrivants en Suède puissent documenter et rendre plus visibles leurs compétences pratiques (électriciens, maçons, etc.). Ce service collabore avec l’agence nationale pour l’emploi et le Conseil suédois pour l’éducation supérieure (UHR) qui est responsable de la production des certificats.
Parmi les autres acteurs de l’intégration, les OBNL sont les plus actifs auprès des immigrants : un tiers des acteurs locaux considèrent qu’elles les poussent à réaliser une évaluation comparative des études (deux tiers à Montréal). Les acteurs œuvrant en intégration sociale sont ceux qui incitent, et aident dans certains cas, les personnes immigrantes à effectuer cette démarche. Les acteurs en employabilité et les centres locaux d’emploi quant à eux semblent plutôt avoir comme objectif de pourvoir un poste avec un candidat correspondant au profil recherché. Enfin les agences régionales du MIFI, d’après nos consultations, conseillent rarement les immigrants à réaliser une évaluation comparative, sauf à Montréal, où elles sont citées dans un cas sur deux.
D’après les acteurs locaux consultés, la méconnaissance des immigrants va au-delà des procédures et dispositifs d’aide à l’intégration. En effet, sept répondants sur dix sont d’accord ou tout à fait d’accord avec l’affirmation voulant que les personnes immigrantes ne connaissent pas les principaux domaines d’activités économiques du Québec. Une personne nouvellement arrivée au Québec ne maîtrisera pas bien l’écosystème économique en place, quelle que soit la région de résidence. Certains acteurs font valoir le fait que les immigrants économiques ont fait de longues recherches avant de venir s’installer au Québec et que cette catégorie connaît donc mieux les différents secteurs économiques. À l’inverse, il est normal que la catégorie des réfugiés par exemple ne connaisse pas les différents secteurs économiques en arrivant, mais ils jugent qu’ils sont susceptibles d’acquérir une bonne connaissance après cinq années de résidence. Toutefois, pour la plupart des acteurs locaux consultés, rien n’indique que les natifs eux-mêmes connaissent bien les secteurs économiques québécois.
Une offre de formation en francisation importante, mais pas toujours facilement accessible
La formation est un élément clé pour permettre aux immigrants d’utiliser leur plein potentiel dans les économies régionales du Québec. S’il existe un service d’intégration en ligne proposé par le MIFI, l’accès à des formations « en classes » n’est pas toujours aisé selon le lieu de résidence. Les séances préalables d’information du MIFI ne sont dispensées que dans cinq grandes villes du Québec. Cela peut former une barrière supplémentaire à l’intégration sur le marché du travail.
Dans l’ensemble des régions observées, à l’exception de Chaudière-Appalaches, les acteurs locaux considèrent qu’il y a un meilleur accès aux cours de français (francisation) qu’aux autres formations professionnelles. Au total, plus de quatre acteurs locaux consultés sur cinq confirment l’existence de cours de français gratuits ou subventionnés, cours gratuits dans leur grande majorité. Les proportions sont les mêmes s’agissant des cours proposés directement par le MIFI, des cours proposés par des acteurs locaux ou des cours organisés par l’employeur sur le lieu de travail. En l’absence de cours de français gratuits ou subventionnés, ces cours sont souvent inexistants ou inaccessibles, seule une minorité d’acteurs locaux proposant des cours à la charge de la personne immigrante, bien que ce type d’offre soit relativement bien développé en Chaudière-Appalaches. Les formations professionnelles gratuites ou subventionnées, pour leur part, sont proposées par les employeurs d’après sept répondants sur dix, et par les acteurs locaux (dont les commissions scolaires) dans un cas sur deux. D’après un répondant sur quatre, les acteurs locaux proposent aussi certaines formations professionnelles à la charge de l’immigrant, l’absence totale de formation professionnelle ne concernant au final qu’un cas sur quatre.
Les cours de francisation gratuits ou subventionnés sont un peu moins disponibles en Estrie, notamment à cause d’une offre moindre de la part des acteurs locaux et des employeurs. Les formations professionnelles sont largement proposées en Chaudière-Appalaches (surtout par les employeurs), comparativement aux autres régions. Par contre, moins d’un acteur consulté sur deux déclare ce type de formation disponible dans les régions moins densément peuplées comme le Centre-du-Québec et l’Estrie. Dans le Centre-du-Québec, ces formations sont inexistantes, d’après les acteurs locaux consultés. En Estrie, dans deux cas sur cinq elles sont disponibles, mais sont payantes, qu’elles soient fournies par l’employeur ou par un acteur local.
Bien que l’offre de cours de français soit bien représentée selon l’avis des acteurs locaux des régions étudiées, il ressort des consultations qu’il y a, en région tout particulièrement, un problème de masse critique. Pour des raisons financières, le MIFI impose un minimum de participants pour démarrer un cours. En séparant les élèves par niveau d’apprentissage, il devient difficile d’obtenir le nombre d’étudiants nécessaire afin de commencer la classe dans les territoires où la population immigrante est faible. En ce sens, séparer les cours de langue par catégorie de métier devient encore plus complexe. Dans les zones rurales, les acteurs demandent à ce que le nombre minimum d’élèves requis soient revues à la baisse. Dans ces régions où il est difficile de conserver les immigrants, le MIFI ne devrait pas voir un cours de français exclusivement comme un coût financier, mais plutôt comme un investissement nécessaire au maintien des immigrants en région. En effet, attendre qu’une masse critique d’élèves soit présente pour ouvrir des cours de francisation comporte le risque que les immigrants en attente s’isolent du marché du travail. Le coût de l’attente est au final plus grand que le coût d’un cours avec moins d’élèves, car plus les immigrants attendent la francisation, plus leur intégration sur le marché du travail est retardée et plus leurs chances de souhaiter rester en région sont amoindries par les difficultés liées à la barrière de la langue.
Encadré 4.8. Mutualisation de l’offre de service aux immigrants au niveau local
Pour impliquer les plus importants recruteurs de la région dans l’insertion des immigrants sur le marché du travail, l’association Labour Market Region (comprenant 35 municipalités, dont Amsterdam) organise des rencontres régulières qui peuvent mener à des collaborations, afin de mutualiser les efforts. L’association répond aussi aux appels d’offres de l’Union européenne au nom des municipalités membres, dans le but de maximiser les sources de financement pour les projets communs.
La ville de Berlin a développé un service de conseil mobile pour les immigrants dans les quartiers ou’ ils sont les plus concentrés. MoBiBe (Mobile Bildungsberatung für geflüchtete Menschen – Service de conseil et d’éducation mobile de Berlin) fournit un service de conseil en matière d’éducation, de formation professionnelle et d’accès au marché du travail des immigrants, quelle que soit leur catégorie d’immigration (les demandeurs d’asile y ont ainsi droit).
L’Association des municipalités de la région de Rothenburg en Suède (comprenant 13 municipalités membres autour de Göteborg) s’est spécialisée dans le partage de services pour les immigrants. L’association permet ainsi aux municipalités d’offrir des services de meilleure qualité en atteignant une masse critique d’usagers. En particulier, l’association a développé un service pour appuyer les immigrants résidents dans la région dans la validation de leurs certificats d’éducation et professionnels (Encadré 4.6).
Dans les pôles urbains, l’intention des acteurs locaux n’est pas nécessairement d’abaisser le minimum requis de participants pour démarrer une classe. Ils réclament plutôt une plus grande marge de manœuvre dans la mise en œuvre des programmes à fournir, comme discuté dans la section précédente. Ils demandent une plus grande souplesse dans les critères d’admissibilité. Par exemple, les acteurs locaux souhaitent pouvoir juger d’eux-mêmes qui est admissible aux classes de francisation (conjointes des étudiants internationaux, permis de travail fermé, etc.). À l’instar d’un projet pilote actuellement en cours dans la Capitale-Nationale, ils voudraient, par exemple, pouvoir mettre en place des formations en entreprise qui incluraient les personnes immigrantes de plusieurs entreprises (voire même certaines sans-emploi) afin d’aller chercher le nombre minimum requis, plutôt que de cantonner le cours aux employés d’une seule entreprise. Cet exemple de mutualisation a prouvé toute son efficacité dans d’autres territoires de l’OCDE (Encadré 4.8).
Certains acteurs locaux semblent penser que les cours de français en entreprise ont un meilleur taux de succès que ceux donnés à temps plein. En effet, les étudiants auraient tendance à abandonner les cours à temps plein lorsqu’ils se trouvent un emploi peu qualifié dans lequel un bon niveau de français n’est pas nécessaire. Le besoin de moyens financiers devient ici la première nécessité à court terme. Les cours de français en entreprise ont également l’avantage de limiter les déplacements pour un nouvel arrivant. Un cours de français à une heure de route de la maison est plus difficilement accessible que sur le lieu de travail. Du côté des employeurs, les cours en entreprise sont souvent exempts de charge et le taux horaire de l’étudiant lui est remboursé. Pourtant, ces employeurs connaissent souvent mal les services disponibles et les avantages financiers sous-jacents. L’amplitude des cours sur le lieu de travail devrait en conséquence être augmentée, ce qui ne pourra se faire qu’avec une communication plus large auprès des entreprises et qui montre les avantages de telles mesures. Une autre alternative aux cours à temps plein de jour pourrait être des cours du soir, qui permettraient la participation des travailleurs et des personnes au foyer s’occupant des enfants pendant la journée. À noter que certaines de ces conclusions avaient déjà été mises en avant par le vérificateur général du Québec dans le chapitre 4 de son rapport de 2017 (Vérificateur Général du Québec, 2018[8]). Extrêmement sévère, le rapport pointe le manque de coordination entre les cours offerts et, plus généralement, un taux de réussite très faible et l’absence de suivi individuel par le gouvernement.
En ce qui concerne la formation professionnelle (formation continue, en alternance…), en proposer plus ne suffira pas nécessairement à améliorer l’utilisation des compétences, autant des immigrants que des natifs. Il faut aussi que les formations s’adaptent en temps réel à l’évolution des besoins du marché du travail, notamment les nouvelles formes de travail. Plus de quatre acteurs locaux sur cinq des régions des grands pôles urbains (Montréal et Capitale-Nationale) pensent que le système de formation, soit ne prend pas du tout en compte les besoins évolutifs du marché du travail, soit les prend en compte, mais à une fréquence si faible, que les besoins ont déjà changé lorsque les modifications sont fin prêtes à être apportées.
Encadré 4.9. Intégrer l’enseignement linguistique aux parcours de professionnalisation : l’approche européenne du projet Vintage
Vintage (2014-2016) est un projet financé par la Commission européenne et initié par la Fondation suisse ECAP (Institut pour la formation professionnelle, l’éducation continue et la recherche) dans 6 pays européens : la Suisse, l’Allemagne (avec l’association Arbeiten und leben), la France (avec IRIV conseil, Institut de Recherche et d’information sur le volontariat), l’Italie (avec l’Université des étrangers de Pérouse et le lycée professionnel de Gallarate), la Grèce (Militos) et la Norvège (avec le European centre for women and technology).
L’objectif principal du Vintage est d'intégrer l’enseignement linguistique aux parcours de professionnalisation. Il a permis de promouvoir des pratiques d’enseignement des langues par des méthodes innovantes pour rendre les formations plus efficaces et plus adaptées à un contexte mouvant, notamment en tenant compte des besoins exprimés par les entreprises et par la société d’une part, et les attentes des apprenants d’autre part. Sur le marché du travail, les compétences de communication sont de plus en plus importantes avec les nouveaux modes d’organisation du travail et la globalisation des flux migratoires. La maîtrise des langues nationales est un enjeu clé à la fois pour les travailleurs immigrants, les étudiants internationaux, mais aussi pour toutes les autres catégories d’immigration, afin d’améliorer leurs compétences. Inspiré du projet suisse Fide « apprendre, enseigner, évaluer », il a conduit à plusieurs guides de formation.
Le premier propose une approche d’enseignement innovante avec un apprentissage basé sur des contextes professionnels intégrant un modèle flexible pour développer et planifier l’enseignement (centré sur les compétences A1 à B1 du cadre européen des compétences en langue). Le deuxième guide de formation propose la mise en place d’une évaluation diplômante et des procédures d’évaluation par la formation. Enfin, le projet a établi un centre des ressources et des moyens de qualification pour les enseignants et les formateurs, accessibles à partir d’un Centre de ressources. L’approche pédagogique a été expérimentée dans différents pays, comme en France où elle a été utilisée par une enseignante FLE de l’association FISPE (Français pour l’Insertion Sociale et Professionnelle en Europe).
Au sujet de cette lenteur d’adaptation du système de formation en fonction des besoins du marché du travail, les acteurs locaux font une distinction entre le système de formation à l’emploi « traditionnel » des établissements d’enseignement et celui plus spécifique (formations dites « maison »). Le système de formation traditionnel est extrêmement lent à s’adapter en raison de la bureaucratie qui s’y rattache, et ce, même si les besoins sont rapidement pris en considération. De plus, dans certains domaines considérés plus stricts, il est laborieux d’apporter des changements, notamment en raison de nombreuses réglementations. Toutefois, en complémentarité avec le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur (MEES), le ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale (MTESS) peut également financer des activités liées aux formations adaptées ou sur mesure, directement auprès des personnes, mais aussi auprès dans les entreprises.
Les formations « maison », élaborées pour des besoins spécifiques dans une entreprise donnée, sont quant à elles aussi plus facilement modifiables et les changements nécessaires y sont donc rapides. Cela est un avantage certain pour les employeurs, mais comporte un risque pour les employés qui sont formés ainsi, puisque s’ils changent d’entreprise, ils ne pourront faire valoir leur formation, qui n’est assortie d’aucune certification. Les emplois qu’on trouve à Montréal, Québec ou Sherbrooke sont plutôt des postes qualifiés, souvent soumis à des formations « traditionnelles ». À l’inverse, les emplois qu’on trouve dans les régions de Chaudière-Appalaches et du Centre-du-Québec sont principalement journaliers (peu qualifiés). En conséquence, les formations « maison » y sont plus largement pratiquées, ce qui explique que près de la moitié des acteurs de ces régions considèrent que les systèmes de formations prennent les besoins évolutifs du marché du travail en considération.
Parmi les formations les plus importantes pour l’économie québécoise, l’apprentissage et mise à niveau de nouvelles compétences techniques et technologiques est un enjeu d’une grande importance, autant pour les immigrants que pour les natifs. Dans la région de Montréal où cet enjeu est encore plus grand, les employeurs eux-mêmes se sont assurés que leurs employés puissent bénéficier de ce type de formations. Dans les autres régions, la totalité des acteurs consultés connaît l’existence de ce type de formations, mais leur connaissance des détails des formations est très variable. En effet, deux sur cinq déclarent qu’elles sont peu nombreuses, un quart qu’il y a de nombreuses formations, mais qu’y accéder est compliqué, et un quart qu’elles sont nombreuses et faciles d’accès.
Dans le Centre-du-Québec, les acteurs locaux jugent que les nombreuses formations disponibles sur les nouvelles compétences techniques et technologiques ne sont pas adaptées à leur population active, qui est concentrée surtout dans des métiers peu qualifiés. En Capitale-Nationale, il y a aussi ce genre de formation, mais si elles ne sont pas données par l’employeur, les personnes immigrantes n’y participent pas puisqu’elles doivent s’absenter du travail ou retarder leur entrée sur le marché du travail pour les suivre. Pour les régions de l’Estrie et de Chaudière-Appalaches, la majorité des acteurs consultés considère que ce type de formations existe peu ou qu’il est compliqué d’y avoir accès. Ces différents avis montrent la méconnaissance de l’importance de ce type de formation, même pour la population la moins qualifiée. Mieux communiquer sur l’existence et l’importance de l’apprentissage de nouvelles compétences techniques et technologiques pour toutes les catégories de population (natifs, immigrants, peu qualifiés, jeunes, travailleurs temporaires étrangers, personnes déclassées) ainsi qu’en faciliter l’accessibilité doit être une priorité pour préparer au mieux la main-d’œuvre actuelle à s’adapter aux nouveaux besoins en compétence de l’économie du Québec.
Les mesures prises pour faciliter l’acceptation des immigrants en milieu de travail : un prérequis indispensable à leur intégration au niveau local
Les consultations réalisées sont d’accord sur le fait qu’une partie des problèmes d’intégration des immigrants est due à une certaine incompréhension des employeurs et de leurs collègues vis-à-vis des cultures d’origine étrangère. Plusieurs initiatives peuvent essayer de corriger ces problèmes.
Tout d’abord, l’immigrant peut être aidé pour mieux comprendre la culture professionnelle locale par des activités dédiées. Ce genre d’activité est organisé par les organismes spécialisés en employabilité d’après sept acteurs consultés sur dix. Les autres acteurs de l’intégration, par contre, sont peu présents dans ce genre d’activité : quatre acteurs locaux sur dix déclarent que de telles formations sont organisées par des employeurs ou réseaux d’employeurs, deux sur dix par des centres locaux d’emploi, un sur six par les agences régionales du Ministère, et seulement un sur quinze par des coachs (accompagnateurs) de carrière.
Le Centre-du-Québec et Montréal sont les régions administratives où les activités visant à favoriser l’adaptation à la culture professionnelle locale pour les personnes immigrantes sont les plus diffusées. Dans le Centre-du-Québec, la majorité des acteurs en organisent, à l’exception des coachs de carrière. À Montréal, même les coachs de carrière proposent ce genre d’activité, d’après la majorité des acteurs locaux. Par contre, les centres locaux d’emploi sont en retrait sur ces formations dans la principale ville du Québec. Dans les autres régions, la majorité des acteurs locaux consultés considèrent que ce type d’activité est inexistant, seuls les organismes spécialisés en employabilité en organisant. L’Estrie est la région où ce type d’activité est la moins développée, même par les organismes en employabilité : en moyenne seulement un acteur consulté sur dix juge qu’il existe des formations favorisant l’adaptation à la culture professionnelle de la région.
D’après les différents acteurs locaux rencontrés, il semble que ce genre d’activités existe à l’intérieur d’autres services offerts. Le thème de la culture professionnelle locale est par exemple abordé lorsque les personnes immigrantes atteignent un certain niveau dans leur parcours de francisation, de formations professionnelles ou encore lors de certaines activités d’informations offertes par des acteurs du milieu. En dehors de ce cadre, les activités exclusivement dédiées à l’adaptation à la culture professionnelle locale ne sont pas subventionnées, ce qui explique pourquoi si peu d’acteurs en proposent. Si le MIFI veut faciliter l’acceptation et donc l’intégration des immigrants en entreprise, des projets pilotes favorisant ce genre d’activité doivent être développés et financés, afin d’être diffusés en plus grand nombre, comme cela a pu être fait en France (Encadré 4.10).
Le financement d’activités permettant aux natifs et immigrants de mieux se comprendre doit par ailleurs dépasser le cadre professionnel. Les acteurs consultés ont maintes fois abordé la tenue d’activités extraprofessionnelles comme moyen facile et efficace de rapprochement entre les immigrants et les natifs. On parle par exemple de repas collectifs, de sorties culturelles, de soirées de jeux de société, de danses, d’évènements sportifs, etc. Ces activités, qui peuvent être organisées autant par la communauté que par l’entreprise d’accueil, sont essentielles puisqu’elles représentent un lieu d’intégration important pour les personnes immigrées en leur permettant de développer des liens et de se construire un réseau. Bien que l’intégration professionnelle soit importante, c’est l’intégration sociale dans la communauté qui a un impact décisif sur le maintien des immigrants dans les régions du Québec. D’après les acteurs locaux consultés en région, les employeurs doivent occuper un rôle extraprofessionnel puisque leur implication ne se limite pas qu’à l’intérieur des murs de leur entreprise. Mais les plus petites entreprises n’ayant pas foncièrement les moyens de développer ce genre d’activité, elles doivent être accompagnées par des acteurs gouvernementaux et communautaires.
Encadré 4.10. Transmettre des codes professionnels et culturels pour s’entendre : le programme Kodiko en France
Kodiko est un programme de co-training « réfugiés-salariés » en entreprise qui vise à « transmettre des codes professionnels et culturels pour s'entendre » aux différentes parties prenantes : personnes réfugiées et personnes natives en activité. Pendant six mois la personne réfugiée est parrainée par un employé qui la reçoit toutes les deux semaines pour un rendez-vous de deux heures environ sur le lieu de travail de la personne salariée. Le but est que la personne réfugiée maîtrise mieux les codes du marché du travail et de l’entreprise, qui peuvent faciliter sa recherche d’emploi. Pendant ces six mois, la personne réfugiée bénéficie aussi de formations collectives auprès de l’association Kodiko pour l’appuyer dans sa recherche d’emploi. Les trois quarts des personnes accompagnées ont obtenu des opportunités professionnelles concrètes (Contrats à durée indéterminée/CDI, Contrats à durée déterminée/CDD, formation qualifiante) un an après le début du programme. Dans le même temps, le salarié s’ouvre à l’interculturalité et c’est un moyen pour l’entreprise de fédérer ses collaborateurs autour de valeurs fortes tout en repérant de futurs talents. L’association a accompagné 260 réfugiés depuis 2016, à Paris et dans deux villes de la région Centre-Val de Loire, Tours et Orléans. Elle travaille avec des partenaires privés du secteur de l’énergie (EDF, Total), des services bancaires (Société Générale), de la construction (Vinci), du travail temporaire (Humando du groupe Adecco) ; aussi bien qu’avec des partenaires institutionnels tels que la Direction de la cohésion sociale de la ville de Tours, les Missions locales (appartenant au réseau des services publics de l’emploi) et associatifs (c.-à-d. centres sociaux de différents quartiers, etc.).
Bien entendu, les mesures visant à améliorer l’acceptation des immigrants ne peuvent concerner que les immigrants eux-mêmes, car la mise en place de la cohésion sociale demande autant d’efforts de la part des natifs que celle des immigrants. Les natifs sans origine immigrée sont rarement formés à l’interculturalité au Québec, notamment dans les régions. Ils peuvent dès lors, souvent de manière involontaire, montrer des attitudes discriminatoires envers les personnes immigrantes, notamment sur le lieu de travail. Pour lutter contre ce problème, certains organismes sont mandatés pour mener des projets axés sur la recherche de solutions concrètes pour lutter contre la discrimination à l’embauche et sur le lieu de travail.
Pour l’ensemble des régions observées, au moins trois acteurs locaux consultés sur cinq remarquent que ce type de programme de lutte contre les discriminations en entreprise n’existe pas ou sont peu fréquents. Tous les acteurs de l’île de Montréal déclarent que ces programmes existent, mais seuls deux sur cinq jugent qu’ils sont fréquents. La situation est bien plus problématique dans les autres régions, où la moitié des acteurs locaux connaissent l’existence de ce type de programme. Mais ces programmes sont peu communs dans la plupart des régions, à l’exception du Centre-du-Québec, où deux acteurs sur cinq déclarent qu’ils sont fréquents (soit autant qu’à Montréal).
De la même manière que pour les activités favorisant l’intégration des personnes immigrantes à la culture professionnelle locale, aucune subvention n’est octroyée pour des initiatives visant spécifiquement à lutter contre la discrimination. Aucune activité concernant exclusivement ce sujet n’est offerte. Tout cela est uniquement abordé lors de formations sur la gestion de la diversité auprès des employeurs ou salariés d’une entreprise. Aucun acteur consulté ne considère être officiellement mandaté pour mener des projets axés sur la recherche de solutions concrètes pour lutter contre la discrimination. Par contre, plusieurs disent faire des activités de sensibilisation en entreprise tant pour les personnes immigrantes que pour les employeurs ou collègues. Bien que la sensibilisation soit utile afin d’améliorer l’intégration des immigrants, elle n’est pas vue par les acteurs locaux comme une solution concrète pour lutter contre la discrimination.
S’il y a donc un réel besoin de développer des formations de lutte contre les discriminations en entreprises, ces dernières n’ont pas à se concentrer sur la discrimination à l’embauche. En effet, selon de nombreux acteurs consultés, il n’y a presque plus de discrimination à l’embauche à l’égard des personnes immigrantes, ce qui explique en partie cette absence d'initiatives pour lutter contre la discrimination : si les acteurs jugent qu’elle n’existe pas, il est logique qu’ils ne fassent pas d’effort pour l’enrayer et qu’ils ne voient pas la nécessité de mettre en place des initiatives. La conjoncture économique de pénurie de main-d’œuvre entraîne les employeurs à s’ouvrir aux travailleurs immigrants. On parle donc d’une « ouverture par nécessité », même si cette ouverture ne mène pas toujours à l’octroi d’un emploi en rapport avec les qualifications de l’immigrant. Il est opportun de profiter de cette ouverture afin de créer un changement positif dans les manières de faire des employeurs vis-à-vis de la diversité (Encadré 4.11).
Encadré 4.11. La diversité comme richesse pour une entreprise : exemple de l’action de Mosaïk RH en France
Mozaïk RH est une entreprise sociale, spécialisée en recrutement et conseil en ressources humaines, et qui s’engage à l’intégration professionnelle des diplômés des territoires et quartiers moins privilégiés en France, souvent caractérisés par une forte présence des immigrants et de leurs enfants. L’entreprise sociale collecte les profils des diplômés de quartiers défavorisés et travaille avec les entreprises (482 entreprises inscrites à la CV thèque de l’association). Pour les diplômés du supérieur, Mozaik RH Campus propose un cursus complet de préparation à la recherche d’emploi. Ce campus est financé par le mécénat d’entreprise et par des conventions avec des collectivités publiques. Pour que les entreprises reconnaissent le potentiel d’une main d’œuvre plus diversifiée Mozaik RH offre des formations aux équipes ressources humaines en plan d’action et management de la diversité adaptés à leur secteur. Depuis sa création en 2007, Mozaik RH a contribué à 3 500 recrutements (CDI, CDD, contrats en alternance). Des évaluations de l’impact social de son action (retour sur investissement social) (Lenot, 2013[9]) ont fait paraître que la valeur créée autant au plan économique qu’au plan social se monte à une moyenne de EUR 5.8 par euro investi.
Mais si la discrimination à l’embauche n’est plus prégnante, c’est directement sur le lieu de travail, au niveau des supérieurs hiérarchiques et des collègues que les acteurs consultés perçoivent de la discrimination envers les immigrants. D’après eux, si certains employeurs semblent avoir compris la nécessité de s’adapter à cette nouvelle main-d’œuvre, ce n’est en effet pas le cas de leurs collègues natifs ou déjà sur place de plus longue date. Un des éléments soulevés qui attise cette discrimination est le sentiment d’injustice ressentie par la main-d’œuvre déjà présente de voir l’employeur mettre en place des mesures favorisant l’intégration des personnes immigrantes. Quand un employeur aide une personne immigrée à trouver un logement, facilite son transport ou propose d’autres actions spécifiques, les travailleurs de l’entreprise ont l’impression que ce dernier en fait plus pour les immigrants que pour eux et en viennent à en ressentir de la jalousie. Une communication en entreprise montrant que la mise en place de mesures adaptatives n’est pas du favoritisme est nécessaire. Il faut des discours pédagogiques montrant que les immigrants ont des besoins spécifiques, et que ces mesures sont un moyen de remédier à une situation plus désavantageuse pour ce groupe, afin qu’il se sente suffisamment bien pour avoir l’envie de rester, ce dont l’entreprise et la région ont besoin.
Face aux difficultés d’intégration sur le marché du travail ou directement sur le lieu de travail, les immigrants peuvent choisir de créer leur propre activité via l’entrepreneuriat ou le repreneuriat7. Cette solution est particulièrement intéressante dans le contexte québécois, où de nombreux employeurs, au vu du vieillissement démographique, ne s’attendent pas à avoir de successeur.
Les différentes consultations réalisées en régions montrent que peu de mesures sont faites pour contrecarrer ces barrières. En effet, seulement deux acteurs locaux sur cinq confirment l’existence de programme d’aide au financement d’entreprises pour les immigrants. Pire, un quart d’entre eux connaît des mesures de soutien à la création et à la reprise pour les immigrants, et moins d’un tiers jugent que les personnes immigrantes participent aux initiatives de mentorat pour faciliter cette création ou cette reprise. Les immigrants souhaitant lancer leur entreprise font donc face aux mêmes difficultés au Québec que dans le reste de l’OCDE, même si certaines initiatives existent (Encadré 4.12, Encadré 4.13).
Encadré 4.12. Mélanger les entreprises et les nouveaux arrivants dans un même lieu : l’expérience d’Amsterdam et d’Utrecht aux Pays-Bas
Afin de mieux comprendre la culture du travail de ceux qui arrivent et de mieux les préparer à adopter les habitudes locales, de nombreuses villes ont mis en place des espaces où des professionnels locaux et des immigrants nouvellement arrivés peuvent apprendre à travailler ensemble. Dans cette optique, la mairie d’Amsterdam a ouvert un centre d’accueil dans une ancienne prison en février 2017 accueillant 600 demandeurs d’asile, tout en offrant en parallèle une partie des locaux de cette prison à 72 entreprises locales. La Mairie a ainsi permis aux demandeurs d’asile de se familiariser rapidement avec des professions différentes (agriculture, design industriel, artisanat, etc.) et avec la culture locale du travail. Dans le même temps, les entreprises ont pu rentrer en contact avec les demandeurs d’asile très tôt juste après leur arrivée, leur offrir des opportunités de collaboration ainsi que découvrir leur parcours, leurs compétences et la situation qu’ils expérimentent en arrivant dans un nouveau pays. Cette expérience apprend aux deux groupes – nouveaux arrivants et entrepreneurs locaux – à mieux apprendre à travailler ensemble.
De manière similaire, Utrecht a lancé fin 2016 le Utrecht Refugee Launchpad (U-RLP), un logement partagé et un centre de formation qui réunit des demandeurs d’asile et des jeunes locaux. Cette initiative permet aux deux publics de développer leurs compétences et leur réseau en mettant en relation des groupes d’origine différente. La structure offre un espace d’incubation, des cours de création de start-ups, d’aide à l’entrepreneuriat et de commerce international, en plus de cours d’anglais. Des activités de coaching et de réseautage au niveau local sont également fournies.
Les rares dispositifs d’aide à l’entrepreneuriat, d’après les acteurs locaux consultés, sont majoritairement des aides régionales en Chaudière-Appalaches, dans le Centre-du-Québec et à Montréal, même si quelques programmes provinciaux ou émanant du gouvernement fédéral sont également disponibles. Ces derniers programmes sont plus nombreux, d’après les acteurs locaux, en Capitale-Nationale, où la moitié de l’offre est provinciale ou fédérale. Les acteurs en Estrie, pour leur part, font part de très peu de programmes régionaux d’aide à l’entrepreneuriat pour les immigrants, ces derniers bénéficiant dans leur grande majorité de programmes du Québec ou du Canada.
Parmi ceux qui ne déclarent pas connaître des mesures d’aide à l’entrepreneuriat pour les immigrants, certains sont sûrs que ces mesures n’existent pas, mais le plus frappant est la part de ceux qui ne savent pas si ces mesures existent. Au minimum un tiers des acteurs locaux ne connaissent pas l’existence de dispositifs de financement, de mentorat ou de soutien. Les répondants considèrent que le monde de l’entrepreneuriat est souvent méconnu, même pour la majorité des Québécois natifs. De plus, lorsque des mesures d’aide ou de soutien sont disponibles, elles ne sont pas adaptées aux personnes immigrantes. Considérant qu’il est déjà compliqué pour un natif de naviguer à travers ces différents programmes, les acteurs consultés considèrent qu’un nouvel arrivant ne peut pas y arriver. Le Québec à ce titre pourrait prendre exemple sur diverses initiatives locales observées dans d’autres pays de l’OCDE (Encadré 4.14).
Encadré 4.13. La fabrique des entrepreneurs de l’association SINGA en France
L’association SINGA depuis 2012 développe des programmes de mises en relations de personnes réfugiées avec des membres de la communauté d’accueil sur la base d’intérêts communs, d’affinités professionnelles et de passions partagées. En 2016, SINGA a inauguré l’espace KIWANDA – la Fabrique des « interpreneurs », située au cœur de Paris, et qui accueille des porteurs de projets réfugiés et natifs. Des rencontres se font dans cet espace qui contribue aussi au développement du réseau social et professionnel de nouveaux arrivants souhaitant créer leur business. En parallèle, les programmes de préincubation (2 mois) et d’incubation (6 mois) pour sensibiliser à l’entrepreneuriat ont permis depuis 2016 d’accompagner 52 projets à Paris, dont 32 sont encore en activité en 2018. En dehors de l’aide à l’entrepreneuriat, SINGA offre aussi des programmes d'accompagnement dans l'accès à l'emploi. Le programme Buddy Pro a également mis en place des binômes entre réfugiés et le Buddy, « l’ami » qui connaît bien les codes de l’emploi en France (faire un CV, passer un entretien…).
Il n’y a pas en région de réseau construit pour accompagner une personne immigrante qui veut se lancer en affaire. En outre, un nouvel arrivant ne possède pas de cote de crédit au pays et aura donc une énorme difficulté à obtenir le prêt nécessaire pour se lancer en affaire, même s’il bénéficie d’un programme d’aide au financement. À Montréal, a contrario, un certain réseau d’entrepreneurs immigrants s’est construit, mais autour d’entreprises qualifiées de « dévalorisantes » par les acteurs locaux consultés, et comprenant souvent un grand nombre d’immigrants surqualifiés. Ce réseau peut comprendre par exemple des dépanneurs (magasins de produits de première nécessité ouverts tard le soir) ou des centres de petite enfance (CPE).
Encadré 4.14. Initiatives pour encourager l’entrepreneuriat des immigrants dans certaines villes de l’OCDE
La ville de Berlin appuie les activités de certains cabinets privés spécialisés dans le conseil à l’entrepreneuriat pour les immigrants. Ces cabinets ont été montés par des immigrants qui, en devenant eux-mêmes entrepreneurs, sont désormais bien placés pour conseiller les nouveaux arrivants ayant des projets d’entreprise.
Le paquet de formation « Eigen werk – Crée ton propre travail » est offert par la municipalité d’Amsterdam à tous les résidents qui veulent commencer leur propre activité. Environ 30 % des bénéficiaires sont d’origine immigrée. Le paquet inclut une formation spécialisée qui inculque les habitudes et les codes du monde du travail aux Pays-Bas. Les participants commencent la formation par une cartographie des entreprises déjà existantes dans le secteur qui les intéresse, grâce aux données de la Chambre de Commerce. Pour inciter à la création d’entreprise, la municipalité facilite l’accès à des prêts bancaires et elle complète pendant les trois premières années le revenu de leur activité de la somme équivalent au montant des allocations chômage qu’ils auraient perçues s’ils n’avaient pas travaillé.
Partant du constat que le succès entrepreneurial dépend beaucoup du capital social du porteur du projet, la branche de l’Agence pour l’Emploi de la ville de Vienne a lancé un programme de mentorat dédié aux immigrants qui souhaitent devenir entrepreneur. Pendant six mois un expert dans le secteur dans lequel l’immigrant souhaite s’investir l’accompagne pour faire une cartographie des entreprises existant et dans ses premières prises de contact avec de potentiels clients et fournisseurs. Les bénéficiaires doivent avoir complété une formation ou ont un niveau d’éducation secondaire.
L’IWC de Hamilton (Ontario, Encadré 4.5) offre des formations à la création et à la gestion de start-ups ainsi que cours sur les règles de sécurité dans les commerces. Le centre a permis à plusieurs participants d’obtenir une certification provinciale vis-à-vis de la réglementation du travail (43 réfugiés ont ainsi obtenu un certificat de manipulation hygiénique des aliments).
L’initiative Ignite pour la mise en place de Start-ups et de petites entreprises est un programme de soutien à l’entrepreneuriat pour les réfugiés nouvellement arrivés à Sydney. En premier lieu, le programme organise un rendez-vous avec le candidat afin d’évaluer son potentiel d’entrepreneur. Les candidats acceptés s’entretiennent ensuite avec un conseiller pour identifier leurs besoins de compétences et de formations. Ils sont mis en relation avec un mentor et sont invités à des sessions de réseautage. Après le lancement de leur entreprise, les participants au programme peuvent obtenir du soutien pour la réalisation de leur site Internet, le développement de documentation promotionnelle, ou la préparation de leur système de comptabilité. Pour plus d’information, voire (Lavison and Halabisky, 2019[10])
Des mesures pour l’intégration pas suffisamment coordonnées et intégrées
Une bonne politique d’intégration au niveau local ne peut porter ses fruits que dans le cadre d’une coordination efficace avec tous les acteurs locaux. Toutes les régions observées ont mentionné avoir des tables de concertation en immigration où siègent des acteurs de différents milieux impliqués dans cet écosystème. Ces tables sont décrites comme un lieu d’échange et de partage d’informations et une opportunité pour les participants d’établir des plans d’action qui visent une meilleure attractivité, intégration et rétention des personnes immigrantes sur leur territoire. Bien que la concertation soit très présente dans chacune des régions, c’est au niveau de la coordination que le défi se pose.
Dans les régions de Chaudière-Appalaches, du Centre-du-Québec et de la Capitale-Nationale, la grande majorité des acteurs locaux consultés (au moins quatre sur cinq) considèrent qu’il y a une coordination entre les différents acteurs locaux et que ces derniers sont majoritairement impliqués. En Chaudière-Appalaches et au Centre-du-Québec, cela s’explique en partie par le nombre restreint d’acteurs œuvrant dans cet écosystème s’occupant des personnes immigrantes. Comme ils sont peu nombreux, il est plus facile de se connaître les uns les autres, de se consulter de manière formelle (par exemple au cours des tables de concertation) ou informelle (lors d’autres activités) pour coordonner leurs actions. Dans la Capitale-Nationale, le nombre d’acteurs impliqués sur les questions migratoires et d’intégration est plus nombreux, mais la région est un exemple de large consensus et du travail en synergie qui semble caractériser les acteurs de ce territoire. Toutefois, il est important de noter que plusieurs acteurs ont mentionné que s’il y avait beaucoup de concertation et énormément de volonté, la coordination n’était pas encore suffisamment au point pour que tout fonctionne et pour que les résultats des immigrants sur le marché du travail soient significativement meilleurs que dans le reste du Québec.
En Estrie, la quasi-totalité des acteurs affirme soit qu’il n’y a pas de coordination, soit qu’elle existe, mais que les acteurs sont peu impliqués. Des documents stratégiques font référence à la nécessité de mieux coordonner les mesures, mais aucune mesure concrète n’a été prise à l’heure actuelle. En fait, les acteurs locaux de la région créent actuellement des tables de concertation afin de mieux coordonner les actions entre les différentes MRC et tendre à une coordination régionale. L’idée est de partager entre MRC, et peut-être même entre régions, les bonnes pratiques, ce qui est une nécessité régulièrement préconisée par l’OCDE. L’Estrie réalise également à l’heure actuelle une cartographie des acteurs impliqués et des services offerts. Ce recensement, permettant à tous de savoir qui fait précisément quoi, devrait permettre de lutter contre la méconnaissance des ressources disponibles des acteurs locaux et des immigrants. In fine, cela devrait permettre d’améliorer l’orientation des personnes immigrantes vers les bons acteurs en fonction de leurs besoins particuliers. La cartographie des formations est un préalable à la mise en place d’un guichet unique efficace.
À Montréal, le grand nombre d’acteurs rend la coordination entre chacun d’eux très difficile, voire impossible. En conséquence, un acteur consulté sur deux juge qu’il n’existe pas de concertation. L’autre moitié est le plus souvent déçue par le manque d’implication des autres acteurs au cours du processus de concertation. Certes, la plupart des acteurs concèdent que les choses ont positivement évolué au cours des dernières années. Mais la coordination est loin d’être suffisante et continue à entraîner une frustration palpable au travers des consultations, car peu de retombées concrètes ont découlé des tentatives de concertation.
Au-delà des différences, dans l’ensemble des régions étudiées, les acteurs locaux affirment que s’il y a souvent beaucoup de concertation et une certaine forme de coordination, ces dernières ne semblent pas être mises en œuvre en termes d’actions concrètes. D’après eux, les intentions ne sont plus suffisantes pour améliorer les services d’intégration qui sont offerts. La mauvaise coordination a fréquemment été mentionné comme blocage. Pour réellement se coordonner, les acteurs doivent donc changer leurs habitudes de travail. Mais ce changement est d’autant plus difficile qu’un autre aspect rend la coordination difficile : la « coopétition » (compétition et collaboration). La forme actuelle de financement des initiatives pour l’intégration oblige une certaine compétition entre les acteurs impliqués pour gagner les appels d’offres et obtenir ces subventions, puisque leur survie dépend de ces enveloppes budgétaires. S’ils en viennent à collaborer et à se coordonner pour offrir un service complet aux personnes immigrantes, ils risquent de perdre une partie de ce financement puisqu’un autre acteur pourrait l’obtenir à leur place. Cette « coopétition » qui définit les relations entre ces différents acteurs peut agir comme une force d’inertie dans l’élaboration de programmes efficaces et efficients, surtout d’après l’avis des acteurs montréalais.
Si la coordination et la concertation sont difficiles entre acteurs bénéficiant de subventions publiques, il y en a encore moins entre les secteurs public et privé. Dans l’ensemble des régions, seul un acteur local sur dix considère qu’il y a une communication régulière et des services coordonnés entre formations proposées aux immigrants par le secteur privé et celles offertes par le secteur public. Deux acteurs locaux consultés sur cinq jugent que la communication est majoritairement sporadique et ponctuelle. Au final, la moitié des acteurs consultés déclare qu’il n’y a aucune communication.
La Capitale-Nationale fait figure d’exception à cette règle. Un quart des acteurs locaux dans la région juge qu’il existe une réelle coordination entre service de formation privé et public, un chiffre toujours relativement faible, mais plus encourageant que dans les autres régions observées. L’intégration dans la Capitale-Nationale, et la ville de Québec en particulier, passe beaucoup par des organismes axés sur l’employabilité, qui entretiennent un bon réseau avec les entreprises locales. Pour encore améliorer cette coordination, la première édition d’un évènement appelé le « Rendez-vous des gens d’affaires » a eu lieu au cours de l’hiver 2019 dans la ville de Québec. L’objectif était d’accroître la connaissance fine entre les organismes d’intégration et les entreprises et de créer des réseaux pour ainsi améliorer la circulation de l’information entre les deux univers. La mise en place de ce type de rencontre dans les autres régions du Québec serait particulièrement utile pour que chacun puisse apprendre des bonnes pratiques des autres.
Différents exemples dans les autres pays de l’OCDE montrent que le meilleur niveau de coordination ne peut être atteint que par la création d’un guichet unique ou d’un centre multiservice. Cette structure permet à l’immigrant d’avoir un interlocuteur unique capable de l’aiguiller au mieux vers les différents services d’intégration disponibles, limitant ainsi les erreurs de parcours ou les pertes de temps insidieuses à chercher le bon programme. Un des meilleurs exemples de ce type de structure est le Portugal. Dans ce pays, les immigrants, quelle que soit leur catégorie, peuvent bénéficier d’une batterie de services d’intégration offerts par la Haute commission pour l’immigration (Alto comissariado para as migrações – ACM). L’accès à chacun de ces services peut être demandé par l’immigrant lui-même dans un centre national d’aide aux immigrés (Centro nacional de apoio à integração de migrantes – CNAIM), situé dans trois villes du Portugal (Lisbonne, Porto, Faro) et assistés par de petites représentations locales à travers tout le pays. Les CNAI regroupent plusieurs parties prenantes qu’il est possible de rencontrer (Ministère de l’Éducation, Ministère de la Santé, services de l’immigration et des frontières, inspection du travail), selon les besoins de l’immigrant. Elles proposent également des conseils juridiques et des services d’aide à la recherche d’emploi via une agence spécialisée. En étroite collaboration avec les organisations d’immigrants, la mise en place des CNAI a permis de simplifier les services d’intégration, d’alléger les formalités administratives, et de renforcer la coopération entre les différents organismes publics impliqués dans le domaine de l’intégration. (HCR/OCDE, 2018[11])
Au Québec, bien que certains organismes offrent plusieurs services, c’est-à-dire qu’ils reçoivent différentes enveloppes budgétaires du gouvernement du Québec, aucun centre multiservice n’existe à proprement parler. Certains organismes, dans les régions où la population immigrée est la plus faible, deviennent parfois un centre multiservice par défaut, dans la mesure où ils sont la seule porte d’entrée pour les personnes immigrantes de leur région. Ces organismes ont pris l’habitude d’offrir des services pour lesquels ils ne sont pas subventionnés, car il y a un trou de services dans leur région, mais ils n’ont pas à l’origine la vocation de devenir des guichets uniques.
Encadré 4.15. L’exemple français d’échange d’information entre le service de l’emploi et les services dédiés aux cours de langue française
En France, il n’y avait jusqu’en 2016 aucun échange d’information entre le Service public de l’emploi (Pôle emploi) et l’agence gouvernementale responsable des formations linguistiques et d’orientation civique (l’OFII), chacun de ces organismes étant représenté au niveau local. Depuis un accord-cadre signé en 2016, il existe désormais un échange d’information automatisé entre ces deux institutions, ce qui augmente la cohérence entre les cours de langue et l’insertion dans le marché du travail au niveau local. Cette coordination est d’autant plus importante depuis la révision du CIR en 2018 qui a notamment renforcé les heures de cours dispensées aux primo-arrivants. Le nouveau CIR prévoit un entretien de sortie’ des bénéficiaires. Les informations collectées et fournies aux bénéficiaires lors de l’entretien de sortie du CIR (Contrat d’Intégration Républicaine d’un an assorti de formations linguistiques et civiques) permettront une meilleure visibilité des compétences disponibles et permettent désormais de mieux orienter les primo-arrivants vers les services offerts sur le territoire.
Hormis ces rares exemples, il est difficile de regrouper physiquement plusieurs services à cause du mode de fonctionnement du MIFI. Celui-ci utilise l’approche par projet pour délivrer ses enveloppes budgétaires. Cette façon de faire ne permet pas de développer une stratégie globale d’intégration physiquement regroupée. Toutefois, un service de « parcours d’immigration personnalisé » est en train d’être mis en place par le MIFI. Ce nouveau dispositif devrait permettre au premier acteur qu’un nouvel arrivant rencontrera de l’aiguiller pas à pas avec plus de précisions vers les ressources adaptées à ses besoins. Cela devrait permettre aux immigrants d’avoir un parcours mieux tracé leur évitant de se perdre à travers un ensemble complexe de structures qui ne se parlent pas. Pour fonctionner, ce dispositif a besoin de deux éléments au préalable. Tout d’abord, il doit se baser sur une cartographie des offres exhaustives. Ensuite, il doit se baser sur une application informatique qui centralise les informations sur la personne immigrante, et auquel tous les acteurs impliqués doivent avoir accès afin de mieux coller à ses besoins (Encadré 4.15). S’il s’avère efficace, il pourrait être une bonne alternative au guichet unique, à condition que les OBNL qui deviendront la porte d’entrée de ces immigrants soient en coopération réelle avec d’autres plus spécialisés, et qu’ils n’en profitent pas pour essayer de prendre leurs prérogatives, dans une optique de compétition sans coopération. Auquel cas, c’est un service gouvernemental qui devra être nécessairement choisi comme porte d’entrée unique pour les immigrants (comme Emploi-Québec par exemple), à l’image de l’exemple français à Troyes (Encadré 4.16).
Encadré 4.16. Une alternative au guichet unique : le parcours d’apprentissage du français et l’aide à l’insertion professionnelle coordonnés de la mission locale de Troyes en France
Créés en 1982, les missions locales permettent aux jeunes de 16 à 25 ans d’être écoutés par des professionnels qui les accompagnent pour trouver des solutions dans leur recherche d’emploi, de formations et/ou dans leurs problèmes de la vie quotidienne. Dernièrement, la mission locale de Troyes (municipalité de la région Grand Est) s’est retrouvée face aux problématiques de jeunes réfugiés vis-à-vis de la maîtrise de la langue et de l’établissement d’un projet professionnel. Après avoir réalisé qu’il n’y avait aucune communication entre les différents acteurs locaux traitant de ce public, la mission locale a lancé des actions afin d’articuler les différentes offres de services sur ces deux sujets en impliquant les différents acteurs du territoire. Les sorties d’une étape sont coordonnées avec les entrées d’une autre étape, offrant au public à chaque étape une progression possible sans délai d’attente trop long. Après avoir identifié certains manques dans le parcours d’intégration, la mission locale a sollicité de nouveaux partenaires qui ont adapté leur action pour qu’elle corresponde à l’étape manquante, tout en leur garantissant la mobilisation du public.
Désormais, chaque promotion de jeunes réfugiés bénéficiant de ce programme « Conjugaison » a un parcours unique parfaitement tracé, sans chevauchements (plusieurs services aux mêmes horaires) ni trous de services (absence d’accompagnement pendant une période). Le parcours comprend différentes étapes d’apprentissage du français coordonnées : le Parcours d’Intégration par l’Acquisition de la Langue (PIAL) comme étape préalable, suivie des formations en français à visée professionnelle (FVP), puis des cours de français langue étrangère (FLE) et de français à objectif spécifique (FOS). Après l’apprentissage du français, les promotions de réfugiés enchaînent sur les formations qualifiantes de Pôle Emploi et de la région afin d’accéder à l’emploi. En l’absence de guichet unique, cet exemple montre comment, à partir d’un point d’entrée unique, une bonne coordination des acteurs au niveau local peut permettre un parcours d’intégration clair et complet jusqu’à l’emploi.
L’expérience des employeurs en matière de recrutement et d’intégration de personnes immigrantes et de travailleurs temporaires
Comme discuté tout le long de cette publication, les employeurs jouent un rôle de premier plan dans l’intégration des personnes immigrantes. Afin de mieux comprendre leur expérience en matière de recrutement d’immigrants et de connaître leur perception de l’utilité des outils disponibles pour favoriser l’intégration et l’embauche d’immigrants, une enquête en ligne a été réalisée par l’OCDE au Québec, avec l’appui de la FCCQ et du Conseil du patronat du Québec (CPQ).
Les résultats analysés dans cette section sont basés sur les consultations réalisées au cours des cinq études de cas, ainsi que sur les réponses collectées auprès des 294 entreprises qui ont participé à l’enquête en ligne. Les régions les plus représentées dans l’enquête en ligne sont Montréal et la Montérégie, qui constituent respectivement 16 % de l’échantillon et la région de la Capitale-Nationale (14 %). Un quart des entreprises évolue dans le secteur de la fabrication et environ un tiers dans les services, notamment les services d’hébergement et de restauration ainsi que les services professionnels, scientifiques et techniques. L’enquête confirme la conjoncture économique très positive du Québec, avec des entreprises plutôt dynamiques en termes de recrutement. La force de travail a augmenté au cours des douze derniers mois dans plus de la moitié des entreprises interrogées alors qu’elle a diminuée dans 4 % des entreprises interrogées seulement.
Comme le montre le Graphique 4.12, environ un tiers des entreprises a entre 50 et 240 employés et un quart a plus de 250 employés. Les entreprises avec moins de 10 employés représentent 14 % de l’échantillon. Au sein du Québec, les régions de Montréal, Laval et Montérégie comptent plus d’entreprises avec moins de 10 employés que le reste du Québec (21 % contre 10 %), mais également plus d’entreprises avec plus de 250 employés (32 % contre 22 %).
Afin de mieux comprendre l’impact de la taille de l’entreprise sur l’ouverture à l’immigration et le type d’initiatives en place, tout en gardant un échantillon suffisamment robuste, l’analyse dans cette section sera conduite en comparant les entreprises de 50 employés et plus (60 % de l’échantillon) avec celles de moins de 50 employés (40 % de l’échantillon). Cette répartition par taille d’entreprise est identique, que ce soit dans la région de Montréal et de sa grande couronne8 ou dans le reste du Québec. Lorsque l’on considère exclusivement les entreprises ayant recruté des personnes immigrantes ou des travailleurs temporaires, celles comptant 50 employés et plus ont recruté autour de 70 % d’entre eux, dans la région de Montréal et sa grande couronne comme dans le reste du Québec.
Pourquoi recruter des immigrants ou des travailleurs temporaires ?
Comme évoqué dans le chapitre 2, la pénurie de main d’œuvre et de compétences représente un défi important à l’avenir pour les entreprises au Québec. Parmi les entreprises qui ont participé à l’enquête, 89 % ont eu des difficultés à recruter des personnes avec les compétences recherchées. Dans l’ensemble, les deux tiers des entreprises de l’échantillon ont recruté au cours des douze derniers mois un immigrant, un travailleur temporaire ou les deux.
La rareté de la main d’œuvre locale est la raison principale qui amène les entreprises à recruter des personnes immigrantes ou des travailleurs temporaires, quelle que soit la taille de l’entreprise. Près des trois quarts des entreprises ayant participé à l’enquête citent cette raison. Des différences existent néanmoins entre les régions du Québec, la rareté et la difficulté à retenir de la main d’œuvre étant plus marquées dans les régions moins attractives en dehors du principal pôle économique québécois, Montréal et sa grande couronne. Le besoin d'une expertise non disponible sur place a amené un quart des entreprises à faire appel à des travailleurs immigrants ou temporaires. Par contre, seulement 12 % des entreprises ont recruté ce public pour augmenter la diversité culturelle des entreprises (bien qu’un peu plus souvent chez les répondants de Montréal et sa grande couronne) et moins d’une entreprise sur vingt l’a fait pour introduire de nouvelles pratiques de travail.
Un tiers des entreprises interrogées n’ont pas recruté d’immigrants ou de travailleurs temporaires au cours des douze derniers mois. Dans la moitié des cas, les employeurs n’ont pas reçu de candidatures d’immigrants même s’ils ont ouvert des postes au sein de leurs entreprises. Parmi les entreprises qui ont reçu des candidatures, 23 % affirment que la procédure de recrutement à l’étranger est trop chère, longue ou compliquée et 18 % que les immigrants ou les travailleurs temporaires n’avaient pas les compétences adéquates. Les barrières habituelles que les immigrants rencontrent pour accéder au marché du travail ne sont paradoxalement pas considérées comme un problème majeur pour les employeurs. Une entreprise répondante sur dix environ n’a pas recruté d’immigrant ou de travailleur temporaire à cause d’un niveau de français insuffisant, ou à cause de l’échec d’une procédure de reconnaissance des qualifications. Une sur douze affirme ne pas être en mesure de bien accueillir et accompagner les immigrants ou les travailleurs temporaires en cas de recrutement. Une sur vingt seulement a eu un problème avec les habitudes professionnelles différentes d’un postulant.
L’impact du recrutement de personnes immigrantes ou de travailleurs temporaires au sein des entreprises québécoises semble être plutôt positif. Neuf employeurs sur dix affirment que les travailleurs immigrants se sont bien intégrés à leur nouvel environnement de travail et environ la moitié a apporté de nouvelles idées et un nouveau savoir-faire qui ont bénéficié à l’entreprise. Les employeurs sont donc d’accord sur l’apport de l’immigration à l’innovation, comme discuté au cours du chapitre 2, alors même que moins de 5 % d’entre eux ont recruté des immigrants spécifiquement pour introduire de nouvelles pratiques de travail. Une étude récente du Centre canadien pour la diversité et l’inclusion montre d’ailleurs que bien que les dirigeants reconnaissent les avantages de la diversité et de l’inclusion en tant que stratégie d’affaires, ils investissent un nombre de ressources limitées pour en favoriser sa mise en place (CCDI et Université Dalhousie, 2019[12]).
Le Québec doit continuer ses efforts pour mieux communiquer sur l’impact positif de l’immigration, notamment auprès des plus petites entreprises qui ont besoin de nouvelles idées pour améliorer leur compétitivité. C’est en effet dans ces dernières que la contribution des immigrants au développement de l’entreprise reste limitée. Seulement un tiers des petites entreprises jugent ainsi que les immigrants recrutés ont apporté de nouvelles idées, contre plus de la moitié dans les entreprises de plus grande taille. Ces efforts de communication auprès des plus petites entreprises doivent également inclure les travailleurs temporaires. Ces derniers semblent rencontrer plus de difficultés que les personnes immigrantes au sein des entreprises avec moins de 50 employés où environ un quart des employeurs a affirmé qu’ils ne se sont pas bien intégrés au sein de leur entreprise. Des déclarations qui confirment que ce groupe a besoin de plus de soutien pour s’intégrer. S’il est clair que le gouvernement doit continuer à élargir son offre de service d’intégration aux travailleurs temporaires en leur donnant un accès effectif, les employeurs eux-mêmes ne peuvent se permettre de ne compter que sur les acteurs institutionnels. Les entreprises ont également leur responsabilité dans l’accueil de toutes les catégories d’immigration (permanente ou temporaire) et doivent être un moteur dans le processus d’intégration, avec l’appui des réseaux d’employeurs.
Les employeurs du Québec ne sont pas encore prêts à participer aux dispositifs d’intégration des immigrants qu’ils recrutent
Les mesures mises en place pour l’intégration des personnes immigrantes ne peuvent de fait fonctionner que si elles sont mieux coordonnées entre, acteurs locaux institutionnels, acteurs locaux associatifs et employeurs. D’après les acteurs locaux, l’avis des employeurs semble être majoritairement pris en compte, dans plus de huit cas sur dix dans l’ensemble des régions observées. Pourtant, leurs avis sont souvent indirectement pris en compte. Dans un cas sur quatre, l’avis des employeurs est pris en compte, mais en concertation directe avec les organisations qui les représentent (Chambres de Commerce par exemple). Les entreprises ne sont donc pas directement impliquées dans la construction de mesures d’intégration. C’est particulièrement le cas dans le Centre-du-Québec, où un acteur local sur deux considère que l’avis des employeurs est pris en compte, mais avec une faible implication réelle de leur part. Dans un cas sur cinq, les acteurs consultés jugent également que l’avis des employeurs est pris en compte, mais sans aucune concertation avec eux ou leurs représentants. Dans la majorité des cas, les décisions se prennent uniquement à partir de données existantes. C’est notamment le cas pour un tiers des acteurs consultés en Estrie. Au final, seul un acteur local consulté sur quatre juge que l’avis des employeurs est pris en compte via une concertation et une forte implication des entreprises dans le Centre-du-Québec et à Montréal, ainsi que deux sur cinq dans la Capitale-Nationale et un sur deux en Estrie. La région Chaudière-Appalaches fait exemple de bonne pratique à ce titre, puisque les deux tiers des acteurs locaux consultés déclarent que les employeurs sont impliqués dans la mise en place des mesures d’intégration. Ces réponses sont fortement influencées par les acteurs consultés en Beauce, territoire où la structure d’accueil des personnes immigrantes a exclusivement été mise en place à la demande des entreprises.
Les acteurs locaux consultés comprennent la nécessité de prendre en compte l’avis des employeurs, car ces derniers sont tout aussi conscients qu’eux des obstacles à l’intégration des immigrants. La maîtrise de la langue française (pour plus de la moitié des entreprises interrogées), les habitudes professionnelles (pour un tiers) et les difficultés à faire reconnaître ses diplômes (pour un quart) sont les plus gros obstacles à l’intégration des immigrants et des travailleurs temporaires pour les entreprises au Québec. Les habitudes de vie, les problèmes d’emploi du temps et les problèmes de compétences ne correspondant pas au poste occupé ne sont cités comme obstacles que par un employeur sur six au plus. Il n’y a pas de différence significative entre Montréal et sa grande couronne et le reste du Québec mise à part la maîtrise de la langue qui semble poser plus de soucis en régions (56 % contre 46 % des répondants à Montréal et dans sa grande couronne). La maîtrise de la langue française représente par ailleurs un obstacle à l’intégration pour presque deux tiers des entreprises comptant 50 employés et plus (contre 39 % pour les entreprises de plus petite taille).
Le français n’est pas qu’un obstacle pour l’intégration personnelle des immigrants. Il les empêche également de faire profiter l’entreprise de leur potentiel de créativité. En régions, la maîtrise de la langue française empêche les immigrants de contribuer pleinement à l’innovation et à l’amélioration des procédés dans environ la moitié des entreprises. À Montréal et sa grande couronne, la maîtrise de la langue française ainsi que les habitudes professionnelles différentes limitent d’une façon équivalente (36 % et 34 % des répondants) leur contribution à l’innovation. Une maîtrise insuffisante de la langue française représente plus une barrière dans les entreprises plus grandes, qui sont les plus à même d’innover : presque la moitié des entreprises de 50 employés jugent que c’est un obstacle pour les immigrants.
Bien que l’avis des employeurs soit donc circonstancié et intégré aux programmes régionaux d’intégration, les acteurs locaux consultés jugent tout de même que ce n’est pas suffisant pour mener à une bonne intégration des personnes immigrantes dans la communauté. Les employeurs en région comptent sur les personnes immigrantes pour combler une pénurie de main-d’œuvre uniquement. Pour les acteurs consultés, de nombreux patrons ne les considèrent pas comme des personnes ayant un projet de vie à long terme, parfois avec leur famille. Ils ne se sentent donc pas responsables de l’intégration des personnes immigrantes. Souvent, l’employeur sera très actif pour l’attraction de la main-d’œuvre immigrante, mais n’est pas porté à agir sur l’intégration ni la rétention. Toutefois, si l’employeur compte retenir ses nouveaux employés, il doit être en mesure d’offrir des emplois de meilleure qualité et plus qu’un travail. Les acteurs locaux demandent que l’employeur ait un plan, offrant un milieu de vie stimulant et des valeurs fortes afin de garder un nouvel arrivant à long terme dans une région. Cette vision, si elle s’appliquait, viendrait briser celle de l’instrumentalisation de la main-d’œuvre immigrante vue seulement au travers de son impact sur le marché du travail.
L’enquête réalisée auprès des employeurs semble confirmer que les efforts consentis par les entreprises pour l’intégration à long terme de leurs employés immigrants sont encore insuffisants. Il existe encore relativement peu de programmes internes aux entreprises visant à faciliter l’embauche, l’intégration et la progression professionnelle des personnes immigrantes et des travailleurs temporaires. Dans l’ensemble du Québec, environ un tiers des entreprises propose des activités internes à l’entreprise favorisant l’intégration. Un quart des entreprises à Montréal et dans ses régions environnantes proposent aussi une politique ou un plan de la gestion de la diversité en milieu de travail, ce qui n’est le cas que dans 6 % de celles des autres régions du Québec. Enfin, les entreprises qui proposent une politique d’intégration en interne sont très peu nombreuses (12 %) et seuls 6 % d’entre elles ont bénéficié des subventions dans le cadre du PRIIME.
Encadré 4.17. Programmes de mentorat au niveau local dans l’OCDE
Le mentorat a montré son efficacité dans divers pays et territoires de l’OCDE. La ville de Stockholm offre un programme Coach and mentoring (CMA) in situ aux entreprises. Le programme renforce les capacités des employés qui vont former les nouveaux venus. La formation inclut aussi des aspects de multiculturaliste pour que les mentors soient mieux préparés à accueillir les immigrés dans leur entreprise.
La Fondation agir contre l’exclusion (FACE) Paris, club d’entreprises de toute taille et tout secteur d’activité, créé en juin 2006 à l’initiative d’entreprises volontaires et de la Mairie de Paris, a également mis en place un programme de mentorat. En 2018, plus de 85 réfugiés ont ainsi été suivis individuellement dans leur parcours d’insertion professionnelle par une référente en entreprise.
Un programme de mentorat a également été mis en place à Toronto (voir Encadré 4.19).
Si les entreprises d’au moins 50 employés, qui ont des ressources humaines plus conséquentes, offrent en général une plus grande variété d’aide et de programmes à leurs employés immigrants ou travailleurs temporaires, les plus petites entreprises sont par contre plus souvent bénéficiaires du PRIIME. Les subventions de ce programme ont été utilisées par 13 % des entreprises avec moins de 50 employés, contre seulement 4 % des plus grandes entreprises. L’augmentation de la diversité de la main d’œuvre est une problématique surtout difficile à résoudre dans les petites entreprises du Québec. Ces dernières trouvent en PRIIME un soutien plus important que les entreprises plus grandes, mais toujours trop peu d’employeurs bénéficient de ce programme. Ici encore, si le Québec veut accroître le niveau de diversité des entreprises, il doit avoir une attitude proactive et aller chercher les entreprises pour leur faire part des avantages du PRIIME, ce qui, en parallèle d’une communication sur l’avantage de la diversité en entreprise, pourrait inciter les employeurs à embaucher plus d’immigrants et/ou de travailleurs temporaires.
Une autre pratique que les entreprises peuvent mettre en place est le mentorat, même si la compréhension de ce concept est parfois flou9 (Encadré 4.17). Le principe est que le nouvel arrivant soit accompagné dans l’entreprise pendant une période suffisamment longue par un mentor, qui forme et aide l’immigrant à comprendre son environnement de travail (lieux, collègues), ses fonctions professionnelles, et plus largement à s’intégrer dans sa communauté d’accueil (en dehors de l’entreprise). Le mentor peut être un collègue, mais peut aussi être une personne extérieure (voisin, retraité) connaissant le milieu de vie et de travail de l’immigrant.
À l’instar de certaines conclusions précédentes, Montréal est un cas à part par rapport aux autres régions observées. L’ensemble des acteurs de cette région déclare que les employeurs participent à des initiatives de mentorat, accompagnement qui est considéré par tout le monde comme un facteur clé de succès pour l’intégration en emploi. Pour les acteurs montréalais, avoir un mentor est un excellent moyen pour une personne immigrante de s’adapter graduellement à la culture professionnelle. Poser certaines questions délicates, par exemple, est beaucoup plus facile lorsqu’un lien de confiance s’est développé. Le mentorat semble moins pratiqué dans les autres régions d’après les acteurs locaux consultés, avec entre cinq et sept répondants sur dix qui juge que les entreprises participent à ce genre de programme. Il n’en reste pas moins qu’ils sont conscients des avantages de ce procédé. Beaucoup d’acteurs pensent que c’est un investissement rentable de former un ou plusieurs mentors dans chaque entreprise comptant sur la main-d’œuvre immigrante. Dans l’ensemble des régions observées, les programmes de mentorat sont surtout organisés par des acteurs locaux (OBNL, regroupements d’entreprises), et rarement directement gérés en interne par les entreprises. Seulement 16 % des entreprises interrogées ont mis en place un plan de mentorat ou parrainage des personnes immigrantes en interne (Graphique 4.17). Par ailleurs, ces plans semblent être plus répandus parmi les entreprises de 50 employés et plus. Cela peut s’expliquer par le fait que les plus grandes entreprises disposent de davantage de moyens et des ressources humaines pour accueillir et suivre les immigrants ou les travailleurs temporaires.
Un autre exemple concret où les employeurs pourraient plus s’impliquer est souvent revenu dans les discussions dans les régions observées. Si l’immigrant recruté est célibataire, par exemple, et qu’il n’est pas en mesure de trouver un lieu de rencontre pour briser l’isolement qui l’accable, il ne voudra pas rester. Les employeurs doivent donc mettre en place des activités entre collègues permettant à l’immigrant de faire des rencontres au sein de la société d’accueil. Si l’immigrant est en famille, l’intégration du conjoint et des enfants est aussi voire plus important que sa propre intégration. De nombreuses discussions font référence à des parents immigrants qui sont prêts à accepter un emploi déclassé par rapport à leurs compétences en espérant que leurs enfants à l’avenir puissent grimper les échelons sociaux. Si le parent qui travaille ne voit pas d’avenir pour son conjoint ou ses enfants, ils quitteront la région, même si son intégration professionnelle est réussie.
Encadré 4.18. Approche intereuropéenne de la gestion de la diversité auprès des PME et par les partenaires sociaux : le projet MigrAID
Le projet MigrAID (2016-2019) est un projet Erasmus + initié par l'Institut du travail chypriote10,11 (INEK-PEO) et auquel participe également KISA (Action pour l’égalité, le soutien et l’antiracisme), l’Université de Milan (Italie), l’IRIV (France), l’INE-GSEE (Institut du travail de GSEE ; Grèce), l’IME/GSEVEE (Institut pour les petites entreprises de la confédération hellénique des professions indépendantes, des artisans et des commerçants ; Grèce), ENAIP (Italie) et le VIFIN (Centre de ressources pour l’intégration ; Danemark). C’est un des rares projets où collaborent des fédérations professionnelles (syndicats d’employés et d’employeurs) et des instituts de recherche. Il a pour objectif de former les partenaires sociaux – syndicats et organisations professionnelles- et les centres de formation professionnelle à la diversité pour faciliter l'insertion professionnelle des travailleurs immigrants dans les PME. Le projet comprend plusieurs volets. Un premier guide de formation s’adresse aux travailleurs migrants pour leur permettre d’identifier une situation de discrimination (liée à leur origine ethnique, mais aussi à d’autres critères). Deux autres guides (pour les salariés d’une part et pour les employeurs d’autre part) permettent d’identifier les acteurs clés et le cadre légal pour pouvoir agir. Un dernier guide de formation fournit une base théorique et analytique pour comprendre les diversités. Enfin, un simulateur en ligne a été développé à partir de scénarios de discriminations inspirés de situations réelles dans les 5 pays du projet.
Source : https://migraid.eu/
L’employeur doit donc aussi faciliter l’accès aux services et infrastructures disponibles localement pour toute la famille, afin que cette dernière puisse s’épanouir et ait envie de rester. La mise en place de telles mesures par les employeurs est toutefois souvent mise à mal par l’environnement professionnel de l’immigrant lui-même. D’après l’enquête en ligne, environ 90 % des employeurs interrogés affirment que leur personnel est dans l’ensemble plutôt ouvert à l’immigration. Dans deux entreprises sur cinq à Montréal et dans sa grande couronne, les employés ont même encouragé leurs chefs à recruter des personnes immigrantes et/ou des travailleurs temporaires, une situation qui est aussi arrivée dans un tiers des entreprises du reste du Québec. Pourtant, l’attitude plutôt positive des employés envers l’immigration n’empêche pas des traitements discriminatoires parfois involontaires. Surtout les collègues de travail ou les employeurs ne sont pas souvent conscients de l’enjeu de l’intégration de leurs collègues immigrants, un problème qu’on retrouve dans d’autres territoires de l’OCDE (Encadré 4.18) et tombent dans le débat sémantique qui oppose l’égalité à l’équité. Ils voient souvent le nouvel arrivant comme un employé similaire à eux, déjà adapté à la culture locale et prêt à travailler aussi efficacement qu’un natif. Ils ne comprennent donc pas pourquoi il pourrait bénéficier d’un traitement différent et demande donc l’égalité de traitement. Mais l’égalité est différente de l’équité qui dicterait de mettre en place des mesures adaptatives pour permettre une intégration graduelle et efficace du nouvel arrivant. Dans les entreprises les plus grandes disposant d’un département ressource humaine (RH), ce dernier peut déjà proposer des mesures adaptées lors d’intervention auprès du personnel, selon les besoins de tel ou tel individu. Les acteurs locaux demandent aux employeurs de prendre conscience des besoins spécifiques des personnes immigrantes afin de les traiter de manière équitable. Reconnaître les particularités d’un individu ne doit pas être vu comme un traitement de faveur.
Les employeurs veulent plus d’aide du gouvernement pour le recrutement
Parmi les employeurs qui ont participé à l’enquête, 17 % ont utilisé des services du gouvernement du Québec pour recruter des personnes immigrantes au cours des 12 derniers mois et 15 % pour recruter des travailleurs temporaires. Pour l’ensemble des services proposés, la connaissance des employeurs reste faible. Plus de la moitié affirme ne pas connaître les services proposés par le Gouvernement du Québec, près des deux tiers ne connaissent pas les services du Gouvernement du Canada et les trois quarts n’ont jamais entendu parler d’Entreprises Québec, l’opérateur unique chargé des services d’aide aux entrepreneurs. Il y a donc un véritable problème de méconnaissance du système d’aide au recrutement au Québec, alors que les employeurs sont demandeurs de ce type de soutien. Ceci indique un problème global de communication du gouvernement vers les entreprises, qui pourrait être amélioré avec la mise en place du portail employeur d’Arrima.
Selon les employeurs interrogés avant cette mise en place, les services gouvernementaux pourraient en effet faciliter davantage la procédure de recrutement des personnes immigrantes et des travailleurs temporaires. Dans l’ensemble du Québec, les entreprises souhaiteraient que la procédure d’embauche des travailleurs temporaires soit plus rapide (41 % des répondants) et souhaiteraient que les services gouvernementaux les aident à trouver des candidats étrangers (40 % des répondants). Par rapport au reste du Québec, les entreprises de Montréal et de sa grande couronne semblent rencontrer plus de difficultés liées à l’offre des compétences : 40 % d’entre eux affirment que le gouvernement devrait offrir des formations mieux adaptées à leurs besoins et 28 % jugent qu’il devrait les aider dans l’évaluation des compétences acquises à l’étranger. Les souhaits des employeurs du reste du Québec tournent plus autour de l’identification et du recrutement de travailleurs étrangers temporaires. Un tiers d’entre eux juge que la procédure d’embauche de cette catégorie d’immigration devrait être clarifiée, contre un quart seulement dans les entreprises de Montréal et de sa grande couronne.
Les employeurs interrogés font par contre part d’un certain manque d’intérêt pour d’autres solutions qui permettraient de faciliter le recrutement d’immigrants ou de travailleurs temporaires. Environ une entreprise sur cinq souhaiterait avoir le soutien des services gouvernementaux pour les aider à mieux évaluer les compétences acquises à l’étranger. Une part tout aussi faible des répondants souhaiterait la création d’une liste d’entreprises agréées qui seraient dispensées de l’étude d’impact sur le marché du travail dans le recrutement de travailleurs temporaires. En Nouvelle-Zélande, ce type de liste est utilisé principalement par des compagnies qui recrutent périodiquement des travailleurs étrangers et permet d’accélérer la procédure d’embauche et d’obtention des visas.
Les besoins des entreprises en termes de soutien de la part des services gouvernementaux varient en fonction de leur taille. Alors que presque la moitié des entreprises de 50 employés et plus souhaiteraient que la procédure d’embauche de travailleurs temporaires soit plus rapide, cela ne constitue un aspect prioritaire que pour un tiers environ des entreprises avec moins de 50 employés. Les plus petites entreprises appellent plutôt les services gouvernementaux à les aider davantage à trouver des candidats étrangers et à fournir des formations qui répondent mieux à leurs besoins.
En plus des services gouvernementaux, le milieu des affaires peut aussi contribuer à l’intégration des immigrants au sein des entreprises québécoises, à travers le partage en commun de services proposés par d’autres entreprises, ou la mise en place de comités sectoriels ou de réseaux d’entreprises. Selon 44 % des entreprises qui ont participé à l’enquête, les outils proposés par le milieu des affaires ne sont pas utiles et ils ne les ont en conséquence jamais utilisés. Néanmoins 19 % des entreprises dans la région de Montréal et de sa grande couronne ainsi que 41 % des entreprises dans le reste du Québec ont bénéficié de ce type d’aides. Ces outils semblent être peu connus par les entreprises avec moins de 50 employés, puisque 18 % seulement d’entre eux les ont utilisés contre 39 % des plus grandes entreprises. Dans l’ensemble du Québec, trois entreprises sur quatre ayant utilisé ces outils en sont satisfaites, quelles que soient leur taille et leur région d’appartenance.
Le peu d’intérêt des entreprises ou la méconnaissance des avantages des réseaux d’entrepreneurs est particulièrement problématique. Alors que seulement une entreprise sur six estime que la création d’un réseau d’entreprises ayant déjà recruté des personnes immigrantes pourrait faciliter la procédure de recrutement (Graphique 4.19), ce type d’outil pourrait être extrêmement utile pour favoriser l’échange d’expérience et mutualiser les efforts au sein de projets communs surtout pour les plus petites entreprises. Les initiatives promues par le TRIEC (un réseau où les entreprises locales ont un rôle moteur) visent à renforcer la participation et la collaboration entre un grand nombre d’acteurs locaux et permettent d’impliquer davantage les employeurs les moins sensibilisés à la problématique de l’intégration et de la rétention, notamment les plus petites entreprises. Selon une étude récente, la collaboration entre les acteurs est à la base de l’intégration et de la rétention des migrants au Québec (Beaudry and Gagnon, 2017[13]).
Encadré 4.19. TRIEC : un exemple de réseau local impliquant fortement les employeurs à Toronto
Le TRIEC (Toronto region immigrant employment council) a été créé en 2002 à la suite du sommet des leaders de la société civile et du milieu des affaires. Le TRIEC rassemble autour d’une même table des OBNL, des entreprises, des syndicats et des responsables de politiques publiques dans le but de favoriser l’emploi des immigrants et de mieux utiliser les compétences que ces derniers apportent à la ville de Toronto. Les employeurs locaux jouent un rôle majeur dans le TRIEC.
Parmi ses activités, le TRIEC propose un programme de mentorat pour toutes les entreprises membres du réseau. Ce programme vise à faciliter l’intégration des immigrants sur le marché du travail. Les mentors sont des immigrés qui travaillent au Canada depuis au moins deux dans le même domaine que la personne accompagnée. En partageant leurs expériences, les mentors aident les nouveaux arrivants à mieux comprendre les opportunités existantes sur le marché du travail local et à créer leur réseau professionnel.
La structure reçoit également des financements du secteur public et le soutien d’une fondation privée, la Maytree Foundation. Ce partenariat a mis sur pied des programmes de parrainage et de stages à grande échelle : en 2015, 1 338 immigrants qualifiés ont bénéficié d’un parrainage par des employeurs locaux. Grâce aux programmes administrés par le TRIEC, les trois quarts des professionnels immigrants ont trouvé un emploi dans leur domaine en moins d’un an. Ce modèle a été repris dans d’autres grandes villes du Canada et d’Australie.
Source : (OCDE, 2017[14]) (OCDE, 2018[15])
Il apparaît clairement de l’enquête en ligne que les employeurs se concentrent bien plus sur leurs difficultés de recrutement que sur les difficultés d’intégration des nouveaux arrivants auxquels ils peuvent faire face. Ceci corrobore les déclarations des différents acteurs locaux consultés qui jugent que les entreprises considèrent l’immigration exclusivement comme une main-d’œuvre résolvant des difficultés de recrutement. Ces acteurs appellent de leurs vœux un changement d’attitude et de vision des employeurs vis-à-vis de l’immigration. Pour eux, ce changement sera d’autant plus difficile à mettre en place que le nouveau processus de sélection ARRIMA, système de gestion des demandes d’immigration basé sur la déclaration d’intérêt, va plutôt dans la persistance de cette vision actuelle. Alors que différents travaux de l’OCDE ont montré l’intérêt d’un système d’expression d’intérêt (OECD, 2019[16]), (OECD, 2019[17]), les acteurs locaux se sont montrés plus que réticents face à ce nouveau système.
Ils se demandent s’il est réellement opportun de permettre aux employeurs de faire une offre de recrutement à des candidats sélectionnés dans le bassin de déclaration d’intérêt12. Le bassin de déclaration d’intérêt présuppose un arrimage entre immigrant et besoin du marché du travail, mais cet arrimage, bien que plus efficace que l’ancien système de sélection, ne peut être parfait, et ne doit pas dédouaner les employeurs de leurs responsabilités vis-à-vis des besoins d’adaptation et d'accompagnement nécessaires à tout nouvel arrivant. D’après les acteurs locaux consultés, le nouveau système de déclaration d’intérêt ne doit pas faire prendre pour acquis aux employeurs que la personne immigrante pourra s’intégrer plus facilement qu’avant. Les immigrants sélectionnés auront toujours besoin d’accompagnement externe, et s’ils ne le sont pas, ils risqueront toujours de quitter le Québec. Si les employeurs à terme obtiennent un accès au bassin de déclaration d’intérêt, cela doit donc se faire en parallèle d’une communication sur les besoins des immigrants et des programmes d’intégration mise en place pour y répondre.
Les employeurs du Québec sont dans une période charnière. Les besoins de recrutement qui menacent leur activité doivent être compensés, et cela ne pourra se faire que s’ils prennent en main plus directement l’intégration des immigrants qu’ils souhaitent recruter. C’est notamment encore plus le cas en dehors de l’agglomération de Montréal, car en région les entreprises sont la raison première de la présence de personnes immigrantes. Mais l’appel à l’immigration ne peut être la solution à tout, étant donné les pénuries qui s’annoncent. Pour appréhender au mieux leurs différentes options, les entreprises du Québec doivent pouvoir mieux anticiper leurs besoins de recrutement. Ils ne l’ont pas fait ces dernières années, ce qui a mené à la situation actuelle. De l’avis des acteurs locaux consultés, il n’est pas sûr qu’ils soient plus en mesure de le faire à l’avenir. En effet, les trois quarts des répondants pensent que les employeurs de leur région ne disposent pas de tous les moyens humains et financiers pour anticiper les futurs besoins de main-d’œuvre et les besoins en formation. Les employeurs les mieux préparés pour anticiper ces futurs besoins sont ceux de Montréal. Pourtant, même dans la plus grande ville du Québec, trois acteurs consultés sur cinq jugent qu’ils n’ont pas les ressources humaines et financières nécessaires.
En région, où la pénurie de main-d’œuvre se fait criante, les entreprises sont la plupart du temps dans l’incapacité d’anticiper le manque de personnel. Elles sont souvent trop petites pour avoir les moyens humains d’avoir une politique des ressources humaines cohérentes. Plus de 90 % des entreprises au Québec sont des PME où le fondateur cumule différents postes de gestion. Or, en matière de gestion de la diversité, les propos tenus au niveau du MIFI semblent trop souvent reliés à la réalité des grands employeurs, dotés de département RH et de politique active sur l’intégration à l’emploi. Les acteurs locaux consultés se plaignent du manque de moyens que le ministère alloue à l’accompagnement des PME, notamment en région. Plusieurs discours affirment que les conseils en gestion de la diversité vers les PME se résument souvent à l’envoi d’un courriel aux propriétaires.
Ces difficultés à anticiper les besoins de main-d’œuvre poussent souvent les entreprises québécoises à aller chercher des travailleurs temporaires pour pourvoir rapidement les postes vacants. Comme vu plus haut, les entreprises font rarement appel au portail gouvernemental Entreprises Québec, qui permet d’accéder aux services d’aide aux entreprises. Quand ils le font, ils souhaitent obtenir une aide directe et immédiate, et face à l’urgence de la situation, la migration temporaire est souvent la solution proposée. Ceci n’est pas une solution viable à long terme pour la revitalisation des régions. Les employeurs comme la communauté d’accueil peuvent investir dans différents services afin de les accueillir dans les meilleures conditions. Mais après les cinq années où ils travaillent, s’ils ne peuvent pas obtenir un statut permanent, ils doivent quitter le Québec. Tous les acteurs consultés s’accordent sur le fait que de la migration temporaire ne peut être la seule solution, car les régions ont besoin de solutions pérennes afin de se revitaliser au long terme. Entreprises Québec doit accroître ses efforts pour aller vers les entreprises, plutôt qu’attendre que ces dernières aillent vers elles. Elle doit mettre tout en œuvre pour soutenir les employeurs dans la planification et le développement de leur force de travail avant que les besoins apparaissent, de manière à éviter le contexte d’urgence. À ce titre, l’expérience de GPMO est un bon exemple d’initiative aidant les entreprises à mieux anticiper ces besoins.
D’après les acteurs consultés, le rôle de l’État est donc de proposer une vision viable à plus long terme qui va vers des solutions alternatives qui permettraient aux immigrants permanents, aux travailleurs non permanents, mais aussi à la force de travail native de combler les besoins de main-d’œuvre de manière pérenne.
Les employeurs doivent donc travailler main dans la main avec le gouvernement pour trouver des solutions adaptées pour combler les besoins de main-d’œuvre, la retenir et l’intégrer de manière pérenne. Cela ne pourra se faire que par un changement de paradigme. Ce changement passe, selon plusieurs acteurs consultés, par un changement d’attitude des corporations (regroupement d’entrepreneurs d’une même branche d’activité) et du gouvernement. En effet, plusieurs acteurs locaux consultés jugent que beaucoup de lacunes perdurent dans la politique d’immigration et d’intégration, car les corporations défendent leurs propres intérêts, et que ces derniers sont la priorité du gouvernement. En conséquence, les acteurs locaux considèrent que rien ne pourra avancer si on ne met pas sur la table cet aspect politique qui a un impact majeur.
Conclusion
Le Québec dispose d’une offre de services d’intégration particulièrement importante et dotée de moyens conséquents. Le nombre et l’intensité (en heures) du nombre de cours de français, la multitude d’initiatives visant l’intégration sociale des immigrants et la lutte contre les discriminations sont bien plus élevés que dans la plupart des autres territoires de l’OCDE. Toutefois cette abondance d’offre est la force, mais aussi la plus grande faiblesse du Québec. Le système québécois est fait de telle manière que l’offre de service d’intégration, si elle est pensée au niveau provincial, est gérée par une multitude de partenaires associatifs (OBNL : organismes en employabilité, organismes d’intégration sociale), qui mettent en place en pratique ces dispositifs d’intégration au niveau local. Cela provoque un certain flou pour les immigrants nouvellement arrivés, qui peuvent bénéficier de plusieurs offres sans savoir laquelle est la plus adaptée à leur besoin, et sans que personne ne puisse les conseiller sur la bonne marche à suivre. Si l’immigrant part sur une mauvaise piste, par exemple, la perte en termes de gains d’intégration peut être difficile à rattraper dans certains cas.
À contrario, dans certaines régions où la population immigrante est peu présente, il peut n’y avoir aucun service d’intégration à la société d’accueil disponible, puisqu’aucun organisme qui œuvre dans ce domaine n’est présent. Ce qui n’était pas un problème en soi par le passé est en train de le devenir, au moment où de nombreuses régions, face aux difficultés de recrutement, font de plus en plus appel à la main d’œuvre immigrante. L’accès limité aux services d’intégration pour cette population est un danger pour leur intégration, et à terme, pour leur maintien sur le territoire des régions en question. En effet, si l’immigrant ne peut pas bien s’intégrer dans son nouveau lieu de vie, il aura tendance à aller chercher ailleurs, soit à Montréal, soit dans le reste du Canada. Par ailleurs, toutes les régions du Québec sont couvertes par des directions régionales du MIFI où des conseillers en immigration régionales et des agents d’aide à l’intégration accompagnent les personnes immigrantes dans leurs démarches d’installation, d’intégration et de francisation. Les conseillers en immigration régionale et les agents d’aide à l’intégration sont appelés à jouer un rôle important dans le soutien à offrir aux personnes immigrantes, pour qu’ils puissent réussir leur installation et leur intégration. Quant aux organismes spécialisés en développement de l’employabilité, ils sont présents dans l’ensemble du Québec. Dans les régions plus éloignées, compte tenu du volume des clientèles, ces organismes ne peuvent développer une offre de service spécifique à une clientèle donnée. Cela n’exclut pas toutefois leur capacité à répondre de façon adéquate aux besoins de différentes clientèles, dont les personnes immigrantes.
En termes d’insertion dans l’emploi, les efforts des employeurs pour intégrer les nouveaux arrivants sur le lieu de travail sont insuffisants. Un tiers d’entre eux seulement propose des activités pour leurs nouveaux collègues immigrants. De plus, les programmes de mentorat en interne ou les cours de français sur le lieu de travail sont toujours trop peu développés. De fait, les employeurs, qui méconnaissent fortement le système d’aide au recrutement aux entreprises du gouvernement du Québec (notamment Entreprises Québec) demandent des efforts du gouvernement pour les aider à recruter de la main d’œuvre étrangère, mais pas foncièrement pour mieux les intégrer. Ce paradigme mène à un certain désintéressement des employeurs envers l’immigrant après son arrivée, ce qui peut mener à des situations d’exclusion et mener au départ dudit immigrant. Les réseaux d’entreprises, dont les outils sont relativement peu appréciés par les entreprises (notamment les plus petites), doivent avoir une attitude proactive afin de créer un vrai réseau de partage de bonnes pratiques et de mutualisation de services pour l’intégration et la rétention des immigrants, en collaboration avec Entreprises Québec.
Les employeurs doivent avoir un rôle moteur dans l’intégration de leur main d’œuvre immigrante. Mais même pour ceux qui ont mis ou vont mettre en place des initiatives pour mieux intégrer les immigrants, cela risque d’être insuffisant. En effet, les régions ne peuvent compter que sur l’insertion professionnelle pour attirer et garder les immigrants. Ces derniers sont à la recherche d’un meilleur cadre de vie pour eux et leurs familles, incluant les infrastructures de santé, scolaires, de logements, qui viennent parfois à manquer dans certains territoires. L’absence de transport en commun en région est aussi une problématique qu’il faut impérativement résoudre, les travailleurs immigrants n’ayant pas toujours la possibilité d’avoir un permis de conduire voire même un véhicule pour se déplacer à leur arrivée.
Différentes initiatives d’organismes locaux ont permis dans certains territoires d’améliorer l’intégration et la rétention des immigrants. Toutefois, certaines idées d’initiatives se heurtent au système de gestion des ententes entre ministères (MTESS et MIFI) et OBNL.
Les acteurs locaux demandent à ce que les ententes soient plus souples et flexibles, afin de mieux s’adapter aux besoins au niveau local. En effet, le cadre rigide des ententes peut empêcher la mise en place de dispositifs innovants permettant par exemple de faire évoluer plus vite les dispositifs de formation vers les besoins futurs du marché du travail et de l’immigrant. Autre exemple, si des formations pour faciliter l’acceptation des immigrants dans la communauté d’accueil existent, ils sont souvent intégrés au sein de dispositifs plus globaux (francisation, formation professionnelle). Les acteurs locaux souhaiteraient se faire financer des programmes dédiés exclusivement à l’adaptation des immigrants à la culture professionnelle locale, ou à des formations de lutte contre la discrimination à l’embauche et sur le lieu de travail à destination des natifs.
Le cadre des ententes peut donc limiter l’autonomie des OBNL spécialisés dans l’intégration des immigrants dans leur offre de service, alors que cette autonomie peut faciliter pour établir des programmes adaptés aux besoins locaux. Elle empêche également une meilleure coordination entre acteurs locaux. Si la concertation entre ces acteurs s’est grandement améliorée ces dernières années, notamment avec la création de tables de concertation régionales sur l’intégration et l’immigration, elles restent insuffisantes, car les acteurs qui doivent se coordonner sont également en compétition. Dans certains cas, si les acteurs impliqués en viennent à collaborer et à se coordonner pour offrir un service complet aux personnes immigrantes, ils risquent de ne pas rencontrer leurs cibles ou objectifs. Cette « coopétition » qui définit les relations entre ces différents acteurs peut agir comme une force d’inertie dans l’élaboration de programmes efficaces, notamment dans les régions où le nombre d’OBNL est important. L’inertie est d’ailleurs d’autant plus bloquante que les programmes d’intégration gérés par les organismes communautaires sont rarement coordonnés, selon qu’ils sont subventionnés par le MIFI ou le MTESS. Selon les perceptions entendues lors des consultations, des programmes peuvent se recouper, alors que leurs critères d’admissibilité sont différents, voire opposés. Les personnes immigrantes et les OBNL elles-mêmes doivent donc composer avec ces deux ministères, ce qui peut accroître le flou de l’offre de service.
Face à ce flou, les immigrants au Québec, quel que soit leurs régions, ont besoin d’être mieux orientés dans leur parcours d’intégration, ce que peut permettre l’établissement d’un guichet unique, ou à tout le moins d’un suivi de leurs démarches grâce au partage d’information les concernant par tous les acteurs. Ce dispositif demande au préalable l’établissement d’une cartographie de l’ensemble des acteurs et des offres de formation, ce qu’aucune région étudiée ne dispose à l’heure actuelle. Connaître l’ensemble des formations et services d’intégration disponibles est pourtant primordial, car, malgré l’importance de l’offre dans certaines régions, le niveau de méconnaissance des immigrants et même des acteurs impliqués est réel. Un tiers des acteurs consultés ignorent par exemple s’il existe des formations d’aide à l’entrepreneuriat pour les immigrants. Pire, alors même que le problème de la reconnaissance des qualifications étrangères est jugé comme un des plus grands défis pour le Québec, la procédure d’évaluation comparative est méconnue, voire inconnue. Le Québec et ses régions doivent donc améliorer la communication sur l’ensemble des dispositifs d’aide à l’intégration. Une plus grande transparence dans la communication commence d’ailleurs dès le processus d’immigration en lui-même, car d’après les acteurs consultés, la plupart des immigrants ne connaissent pas les principaux domaines économiques du Québec, alors que l’immigration est majoritairement sélectionnée au préalable.
Références
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[16] OECD (2019), Building an EU Talent Pool : A New Approach to Migration Management for Europe, OECD Publishing, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/6ea982a0-en.
[17] OECD (2019), “The Expression of Interest Model: What Lessons for Migration Management in the EU and elsewhere?”, Migration Policy Debates, No. 18, http://www.oecd.org/els/mig/migration-policy-debates-18.pdf (accessed on 23 May 2019).
[5] OECD (2018), Working Together for Local Integration of Migrants and Refugees, OECD Publishing, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264085350-en.
[24] OECD (2014), “Labour market integration of immigrants and their children: Developing, activating and using skills”, in International Migration Outlook 2014, OECD Publishing, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/migr_outlook-2014-5-en.
[20] Québec (2015), Ensemble, nous sommes le Québec : Politique québécoise en matière d’immigration, de participation et d’inclusion, https://cdn-contenu.quebec.ca/cdn-contenu/adm/min/immigration/publications-adm/politiques/PO_ensemble_quebec_MIDI.pdf (accessed on 24 May 2019).
[25] Vatz Laaroussi, M., C. Duteau and R. Amla (2015), Les pratiques d’organismes de régionalisation de l’immigration auprès des milieux d’emplois dans cinq régions du Québec : Les points de vue des organismes, des employeurs et des immigrants, Université de Sherbrooke, http://p2pcanada.ca/wp-content/blogs.dir/1/files/2015/11/Les-pratiques-dorganismes-de-regionalisation-de-limmigration-aupres-des-milieux-demplois-dans-cinq-regions-du-Quebec-les-points-de-vue-des-organismes-des-employeurs-et-des-immigrants.pdf (accessed on 15 October 2019).
[8] Vérificateur Général du Québec (2018), Rapport du Vérificateur général du Québec à l’Assemblée nationale pour l’année 2017-2018.
[2] Ville de Montréal (2017), Montréal inclusive, http://ville.montreal.qc.ca/pls/portal/docs/page/d_social_fr/media/documents/a120223b-01_binam_planaction_web_rev.pdf (accessed on 31 May 2019).
[1] Ville de Victoriaville (2018), Un projet-pilote mis de l’avant pour faciliter l’adaptation des nouveaux arrivants, https://www.victoriaville.ca/nouvelle/201807/3103/un-projet-pilote-mis-de-l%C3%A2%E2%82%AC%E2%84%A2avant-pour-faciliter-l%C3%A2%E2%82%AC%E2%84%A2adaptation-des-nouveaux-arrivants.aspx (accessed on 29 May 2019).
Notes
← 1. Dans ce chapitre, le terme « population immigrante » ne comprend que les immigrants ayant un droit de résidence permanente.
← 2. Après avoir retiré leurs agences en région, le MIFI s’est redéployé en 2018, avec la création de 4 Services d’intervention territoriale (SIT) et de 21 antennes régionales.
← 3. Au Québec, les MRC sont des regroupements de communes.
← 4. Les CLD sont des OBNL qui ont pour mission le développement local et le soutien à l’entrepreneuriat. Il existe environ 120 CLD au Québec, cofinancés par le gouvernement et les MRC de leur territoire d’implantation.
← 5. En France, un OPCO est un opérateur au service des nouveaux besoins en compétences pour l’ensemble des entreprises et des salariés de plusieurs branches professionnelles. Sa mission est d’offrir un appui technique aux branches professionnelles pour établir la gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences (GPEC) ; les accompagner dans leur mission de certification (construction des référentiels de certification qui décrivent précisément les capacités, compétences et savoirs exigés pour l’obtention de la certification visée) ; et analyse leurs besoins en matière de formation professionnelle. Dans ce but, les OPCO hébergent les Observatoires prospectifs des métiers et des qualifications (OPMQ) qui peuvent réaliser des études prospectives, cartographie des métiers, panorama de branche, etc.
← 6. Les organismes de régionalisation ont développé un ensemble de pratiques auprès des milieux d’emploi pour faciliter l’embauche et le maintien en emploi des personnes immigrantes qui s’installent dans leur région respective. D’après une étude de 2015 (Vatz Laaroussi, Duteau and Amla, 2015[25]), elles font face à un manque de financement d'une part, et à des préjugés et de la discrimination tant chez les communautés accueillantes que chez les employeurs, d'autre part.
← 7. Le repreneuriat est le fait de reprendre une entreprise.
← 8. Dans cette section du rapport, la région de Montréal et de sa grande couronne correspond aux régions de Montréal, Montérégie et Laval. A différence du deuxième chapitre, les régions Laurentides et Lanaudière ne sont pas incluses.
← 9. Il n’est pas assuré que la signification du terme mentorat ait été comprise de la même manière par tous les acteurs interrogés. Il existe un flou entre le mentorat, le jumelage et le compagnonnage, ce qui peut expliquer la grande disparité des réponses. Il est possible que certains acteurs aient répondu par la positive car ils comptabilisent le jumelage professionnel comme faisant partie du mentorat, ou inversement.
← 10. Note en bas de page de la Turquie.
Les informations figurant dans ce document qui font référence à « Chypre » concernent la partie méridionale de l’Île. Il n’y a pas d’autorité unique représentant à la fois les Chypriotes turcs et grecs sur l’Île. La Turquie reconnaît la République Turque de Chypre Nord (RTCN). Jusqu’à ce qu'une solution durable et équitable soit trouvée dans le cadre des Nations Unies, la Turquie maintiendra sa position sur la « question chypriote ».
← 11. Note en bas de page de tous les États de l’Union européenne membres de l’OCDE et de l’Union européenne.
La République de Chypre est reconnue par tous les membres des Nations Unies sauf la Turquie. Les informations figurant dans ce document concernent la zone sous le contrôle effectif du gouvernement de la République de Chypre.
← 12. L’Australie accordait à certains employeurs l’accès à son bassin SkillSelect, mais cet accès n’est plus possible depuis avril 2018. En dehors du Québec, le reste du Canada encourage les étrangers inscrits dans le bassin de déclaration d’intérêt à également s’inscrire au Guichet Emploi du gouvernement du Canada. Les employeurs peuvent dès lors rechercher des candidats par ce biais. De plus, le guichet met automatiquement en correspondance les profils des étrangers avec les offres d’emploi toujours vacantes après 30 jours de publication.