Ce chapitre décrit les domaines sur lesquels porteront les travaux futurs tels que présentés dans le Rapport intérimaire et la façon dont le Cadre inclusif sur le BEPS les mènera à bien. Il précise qu’un point sur l’avancée de ces travaux sera fait en 2019, le rapport final étant prévu pour 2020.
Les défis fiscaux soulevés par la numérisation de l'économie – rapport intérimaire 2018
Chapitre 8. Conclusion du rapport intérimaire consacré aux défis fiscaux soulevés par la numérisation de l’économie
Abstract
Le Rapport de 2015 établi au titre de l’Action 1 du projet BEPS recensait un certain nombre de défis fiscaux soulevés par la numérisation de l’économie qui dépassent le cadre du projet BEPS, à savoir la question du lien, des données et de la qualification, et envisageait diverses options possibles pour remédier à certains de ces défis plus larges. Toutefois, aucun accord n’a été trouvé en 2015 sur le point de savoir si l’une de ces options devrait être adoptée. En l’absence de consensus, un certain nombre de pays ont alors commencé à contempler et mettre en œuvre un ensemble de mesures unilatérales et non coordonnées (voir le chapitre 4).
Au lendemain de la parution du paquet BEPS, il a été convenu que le Groupe de réflexion sur l’économie numérique poursuivrait ses travaux au sein du Cadre inclusif en vue de présenter un rapport intérimaire en 2018 et un rapport final en 2020. Depuis lors, des progrès importants ont été réalisés dans la compréhension des effets de la transformation numérique sur les modèles d’affaires et la création de valeur. En mettant l’accent sur les entreprises à forte composante numérique, le chapitre 2 décrit les nouveaux processus de création de valeur et certaines caractéristiques distinctives fréquemment observées dans ces entreprises, à savoir l’échelle sans masse, le rôle essentiel des actifs incorporels et l’importance des données et de la participation des utilisateurs. Les transformations associées à la numérisation de l’économie se propagent rapidement à un nombre croissant d’entreprises, et comme le Rapport sur l’Action 1 du projet BEPS le concluait, il serait difficile, voire impossible, d’isoler l’économie numérique du reste de l’économie.
Les membres du Cadre inclusif, au nombre de plus de 110 à ce jour et représentant un large ensemble d’économies qui se trouvent à divers stades de développement, reconnaissent leur intérêt commun à maintenir un ensemble de règles fiscales internationales efficaces et cohérentes. La multiplication d’approches unilatérales risque de nuire à l’investissement et à la croissance, d’accroître le nombre de cas de double imposition et d’entraîner davantage de complexité pour les contribuables et les administrations fiscales.
Néanmoins, les questions fiscales soulevées par la transformation numérique sont techniquement complexes, et ce rapport intérimaire recense les divergences d’opinions entre pays sur le point de savoir si et dans quelle mesure les caractéristiques propres aux modèles d’affaires à forte composante numérique et plus généralement la transformation numérique justifient une modification des règles fiscales internationales. Dans l’ensemble, un soutien se dégage pour entreprendre une réévaluation cohérente et concordante de deux aspects fondamentaux du cadre fiscal actuel, à savoir les règles relatives au lien et à l’attribution des bénéfices, de manière à prendre en compte les effets de la transformation numérique.
Les travaux requis pour faire avancer la réflexion sur ces sujets complexes sont décrits au chapitre 5. Parallèlement à une compréhension plus fine de la contribution à la création de valeur de certains aspects de la transformation numérique, des solutions techniques seront explorées afin d’étudier la faisabilité de différentes options. Outre le dialogue continu entre les membres du Cadre inclusif, cette démarche impliquera un engagement continu avec différentes parties prenantes, y compris des entreprises, la société civile et le milieu universitaire. Un point sur l’avancement de ces travaux sera présenté en 2019, et le Cadre inclusif axera ses efforts sur l’élaboration d’une solution fondée sur un consensus d’ici 2020.
Aucun consensus n’a été trouvé concernant la nécessité et le bien-fondé de la mise en œuvre de mesures provisoires, et dès lors, ce rapport ne présente pas de recommandation en vue de leur adoption. Le chapitre 6 explique qu’un certain nombre de pays ne sont pas d’accord sur le fait que des caractéristiques telles que l’« échelle sans masse », le rôle essentiel des actifs incorporels ou la « contribution des utilisateurs » justifient la mise en œuvre d’une mesure provisoire et considèrent qu’une mesure provisoire entraînera des risques et des conséquences néfastes, et ce, que des limites soient intégrées à la mesure ou non, y compris à cause de l’incertitude et des risques de double imposition. Les pays qui sont favorables à l’adoption de mesures provisoires reconnaissent que ces difficultés puissent survenir mais considèrent que certaines des conséquences néfastes éventuelles, à tout le moins, peuvent être atténuées au stade de l’élaboration de la mesure et que, en attendant de trouver une solution mondiale fondée sur un consensus, il est plus qu’impératif d’agir pour faire en sorte que l’impôt acquitté par certaines entreprises dans leur juridiction soit proportionnel à la valeur qu’ils considèrent comme ayant été créée dans leur juridiction. Lorsque les juridictions souhaiteraient procéder à l’adoption de ces mesures, elles ont identifié un certain nombre de considérations qui selon elles doivent être prises en compte sous forme d’orientations dans le but de minimiser toute divergence potentielle et d’éventuels effets collatéraux négatifs.
Hormis les défis fiscaux plus larges, et s’agissant plus spécifiquement des pratiques de BEPS susceptibles d’être aggravées par la transformation numérique, des éléments préliminaires montrent que la mise en œuvre du paquet BEPS OCDE/G20 produit des effets. Adopté en octobre 2015, le paquet BEPS, et notamment les mesures qui se rapportent le plus étroitement à la transformation numérique – les Actions 3, 5, 6, 7 et 8-10 – commencent déjà à produire des effets, comme expliqué au sein du chapitre 3. Les réactions de certaines entreprises multinationales à forte composante numérique montrent qu’elles commencent à modifier leurs structures de manière à mieux les aligner sur leur activité économique réelle. Continuer de suivre l’impact du paquet BEPS, surtout après la réforme fiscale de 2017 aux États‑Unis, représentera un volet important des travaux du GREN à l’avenir.
Outre son impact sur les règles fiscales internationales, la transformation numérique a également des répercussions significatives sur d’autres aspects du système fiscal. Comme le chapitre 7 l’explique, ces répercussions vont de l’évolution du statut fiscal d’acteurs économiques résultant du passage de contrats de travail classiques à des formes d’emploi atypiques, aux nouveaux outils dont les administrations fiscales disposent pour améliorer les services au contribuable, procéder à un recoupement plus efficace des données et mobiliser des moyens techniques supplémentaires pour détecter et réprimer l’évasion et la fraude fiscales.
Des travaux portant sur l’impact de la transformation numérique sur d’autres aspects du système fiscal sont déjà en cours, mais un certain nombre d’axes de réflexion supplémentaires ont été identifiés au sein du chapitre 7 pour faire en sorte que le système fiscal, depuis la définition des politiques jusqu’à l’administration de l’impôt, soit toujours en mesure de répondre aux dernières avancées de la technologie numérique et d’en tirer profit.
Préparer nos systèmes fiscaux à épouser les transformations induites par la numérisation de l’économie, ainsi qu’à tirer parti des chances qu’elle offre et à se prémunir contre ses risques potentiels, représente un défi de taille. Un soutien politique sera nécessaire pour entreprendre les travaux détaillés et souvent complexes requis pour atteindre ces objectifs, étant entendu que le système fiscal reste le maillon central du lien qui unit les États et leurs citoyens.