Ce chapitre présente les mesures unilatérales mises en œuvre par les pays qui intéressent potentiellement la transformation numérique. Il décrit en détail ces différentes mesures, regroupées en quatre catégories, et expose leurs caractéristiques communes.
Les défis fiscaux soulevés par la numérisation de l'économie – rapport intérimaire 2018
Chapitre 4. Évolutions pertinentes en matière de politique fiscale
Abstract
4.1. Synthèse
Ce chapitre contient une description de l’élaboration et de la mise en œuvre de toute une série de mesures prises par les pays qui sont potentiellement pertinentes en ce qui concerne la numérisation de l’économie, notamment lorsque ces mesures ont trait aux défis fiscaux plus larges en matière d'impôts directs recensés dans le Rapport sur l'Action 1 du Plan d'action de 2015 (à savoir, le lien, les données et la qualification).
Ces actions unilatérales et non coordonnées peuvent être regroupées en quatre catégories : (i) autres applications possibles du seuil d’imposition des établissements stables ; (ii) retenues à la source ; (iii) taxes sur le chiffre d'affaires ; et (iv) régimes spéciaux visant les grandes entreprises multinationales.
Certaines caractéristiques sont communes à quelques-unes de ces mesures unilatérales et non coordonnées. En premier lieu, elles visent à protéger et/ou élargir la base d'imposition dans le pays où les clients ou les utilisateurs se situent, généralement en adoptant une conception élargie de l’engagement de l’entreprise dans ce pays. En second lieu, un grand nombre d’entre elles comportent des éléments liés au marché aux fins de la détermination de la base d'imposition (revenu des ventes, lieu de l'utilisation ou de la consommation, par exemple). De façon plus générale, elles semblent traduire une insatisfaction de la part de certains pays face aux résultats produits par le système international actuel d'imposition des bénéfices.
4.2. Introduction
En 2015, le Rapport sur l’Action 1 identifiait un certain nombre de défis fiscaux plus larges, ayant trait aux questions de lien, de données et de caractérisation, soulevés par l’économie numérique dans le cadre de la fiscalité directe. Ces problèmes amenaient à s’interroger sur les limites du cadre fiscal international existant pour déterminer le lieu des activités économiques et de la création de valeur aux fins du calcul de l’impôt sur les sociétés. Face à ces préoccupations, un certain nombre d’options possibles ont été analysées par le Groupe de réflexion sur l’économie numérique (GREN), parmi lesquelles des solutions alternatives au seuil existant de l’établissement stable fondées sur un critère de « présence économique significative », l’introduction d’une nouvelle retenue à la source applicable à certains types de transactions numériques, et la mise en place d’une « taxe de péréquation » distincte.
Néanmoins, au moment où a été adopté le Rapport sur l’Action 1, les pays participant au projet BEPS n’avaient pas réussi à se mettre d’accord sur l’ampleur et l’impact réels de ces défis fiscaux plus larges. En particulier, aucun consensus n’avait été trouvé quant à la nécessité ou non d’introduire des changements allant au-delà des mesures proposées dans le paquet BEPS. Les options examinées dans le Rapport sur l’Action 1 n’ont par conséquent donné lieu à l’adoption d’aucune norme internationalement reconnue. Néanmoins, il a été admis que les pays pourraient introduire l’une quelconque de ces options dans leur droit interne, sous réserve de respecter les conventions fiscales et autres obligations internationales en vigueur.
Depuis la publication du Rapport sur l’Action 1, cette absence de consensus a conduit de nombreux pays du monde entier à réfléchir à d’autres approches possibles envers la fiscalité des activités à forte composante numérique, qui passent généralement par l’adoption de nouvelles mesures fiscales ou par une modification de l’interprétation des lois et mesures fiscales en vigueur. À ce jour, ces approches non coordonnées incluent tout un éventail de mesures, généralement mises en œuvre en adaptant le droit interne, qui visent à protéger et/ou à étendre l’imposition à la source des activités exercées en ligne (ou plus généralement des activités des grandes entreprises multinationales), en s’appuyant sur le calcul du bénéfice ou sur un quelconque autre facteur équivalent. Si seules quelques-unes de ces mesures s'inspirent des éléments des options décrites dans le Rapport sur l'Action 1(notamment la taxe de péréquation), elles obéissent toutes, au moins dans une certaine mesure, aux mêmes préoccupations, telles que le désir de garantir une base d'imposition appropriée pour les activités d’entreprise exercées dans, ou étroitement liées à, un marché où les biens et services sont fournis.
C’est dans ce contexte que le GREN a reçu un mandat en vue de suivre les évolutions des politiques fiscales à travers le monde intéressant potentiellement l’économie numérique, en mettant l’accent sur les mesures visant à répondre à certains aspects des défis fiscaux plus larges soulevés par la numérisation de l’économie, tels qu’identifiés dans le Rapport sur l’Action 1. En l’absence de consensus global, il a été jugé important, dans le cadre de ce suivi, de dresser l’état des lieux de toutes les mesures potentiellement pertinentes adoptées par les différents pays et de veiller à cerner précisément la façon dont elles sont conçues et mises en œuvre (conformité, impact, recettes recouvrées, etc.). Cette section contient ainsi une description des diverses initiatives potentiellement pertinentes qui ont été prises par les pays pour s’adapter à une économie de plus en plus affectée par la numérisation, en examinant leur impact et leur efficacité potentielles1. Ces mesures fiscales ont été regroupées en quatre catégories : (i) les alternatives au seuil d’imposition basé sur la notion d’établissement stable ; (ii) les retenues à la source ; (iii) les taxes sur le chiffre d'affaires ; et (iv) les régimes spécifiques applicables aux grandes entreprises multinationales.
Il convient de noter que les aspects techniques des mesures décrites dans les encadrés de la présente section sont décrits à partir d'informations communiquées et vérifiées par les pays les ayant adoptées. Les informations contenues dans les encadrés ont une utilité uniquement descriptive. Toute déclaration concernant les objectifs de ces mesures, leur efficacité et/ou leur conformité aux normes internationales en vigueur, y compris leur cohérence avec les conventions fiscales bilatérales existantes, traduit généralement le point de vue des gouvernements les ayant adoptées et ne représentent pas les conclusions de l'analyse conduite par l'OCDE, le Groupe de réflexion sur l'économie numérique ou le Cadre inclusif sur le BEPS.
4.3. Les alternatives au seuil d’imposition basé sur la notion d’établissement stable
Certains pays, face aux changements structurels résultant de l’essor du numérique, ont décidé de revoir l’application du seuil d’imposition permettant une imposition dans le pays de la source des bénéfices des sociétés (la notion d’établissement stable ou ES) en vertu de leur droit interne et/ou des conventions fiscales. Contrairement à l’approche traditionnelle2, ces amendements ou nouvelles interprétations du seuil d’imposition basé sur la notion d’ES visent généralement à affaiblir les exigences de permanence et de présence physique dans un lieu géographique donné pour établir un lien permettant une imposition sur une base nette. En outre, ces mesures ont généralement pour effet de présumer l’existence d’un ES dans des circonstances inhabituelles en vertu de la définition traditionnelle d’un ES. Parmi les évolutions les plus significatives dans ce domaine, on peut citer les mesures qui prennent appui sur certains critères de « présence numérique » pour établir une présence imposable, ou qui privilégient l’introduction d’un seuil « ES de prestation de services » sans exigence de présence physique3.
4.3.1. Mesures intégrant des critères de présence numérique
D’une façon générale, les critères de présence numérique englobent différents facteurs non physiques destinés à mettre en évidence une interaction volontaire, inscrite dans la durée, par le biais d’outils numériques, avec la vie économique d’un pays. Ces critères sont conçus pour établir un lien dès lors qu’une entreprise non résidente, implantée physiquement dans un lieu éloigné, prend activement des initiatives pour instaurer et pérenniser des échanges avec les utilisateurs et les consommateurs d’un pays donné (en tirant le plus souvent parti des technologies, de l’Internet et d’autres outils automatisés)4.
Si un nombre non négligeable de pays ont annoncé leur intention de modifier les seuils d’ES fixés au niveau national et/ou dans une convention en fonction de facteurs tels que la présence numérique ou en ligne5, les mesures mises en œuvre et applicables jusqu'ici comportent le critère de la présence économique significative introduit en avril 2016 par l'administration fiscale israélienne (encadré 4.1), la définition de l'ES élargie à certaines plateformes numériques adoptée en 2017 par la République slovaque6, et la nouvelle règle de lien fondée sur la notion de « présence économique significative » qui entrera en vigueur en 2019 en Inde (encadré 4.2). Si la mesure adoptée par la République slovaque vise des activités spécifiques exercées sur des plateformes en ligne (à savoir des services d'intermédiation pour les transports et le logement), celles qui ont été mises en place en Israël et en Inde supposent un élargissement plus général de la portée des règles de lien en vigueur au niveau national fondées sur la notion de « présence économique significative ». Toutes ces mesures visent des entreprises non résidentes et autorisent l'imposition des bénéfices nets indépendamment du degré de sa présence physique dans le pays de la source. Un certain nombre de facteurs devraient toutefois limiter l’impact de ces mesures, à l’instar des obligations découlant des conventions fiscales existantes. Par exemple, le critère de présence économique significative tel que défini par Israël ne s’applique qu’aux entreprises étrangères qui sont résidentes d’un pays ne disposant d’aucune convention de double imposition avec Israël. Par ailleurs, ce critère de présence économique significative repose sur des lignes directrices administratives qui reflètent les opinions et interprétations de l’administration fiscale et de ce fait, tout conflit potentiel entre la mesure et la législation en vigueur serait résolu en faveur de cette dernière.
Indépendamment des contraintes susmentionnées, ces mesures peuvent offrir un rempart supplémentaire contre les pratiques de BEPS. Leur application peut être efficace pour taxer les ventes à distance réalisées par des entreprises situées dans des juridictions à faible fiscalité n’ayant pas conclu de conventions de double imposition. Si les pays concernés n’ont pas encore fournis d’informations sur le recouvrement de recettes supplémentaires, l’administration fiscale israélienne a déclaré que des vérifications fiscales, qui s’appuient sur les différentes interprétations données dans les lignes directrices administratives, seraient en cours7.
Encadré 4.1. Israël : circulaire introduisant le critère de « présence économique significative »
Aux fins de la détermination de la source en vertu du droit interne1., la Circulaire précise que les services en ligne fournis à distance par une entreprise non résidente à des clients locaux peuvent créer une présence imposable en Israël s’ils constituent « une présence économique significative »2.. Cette mesure de droit interne s’applique seulement en dehors du champ d’application des conventions de double imposition, lorsque le fournisseur des services en ligne est résident d’un pays ne disposant pas d’une convention de double imposition avec Israël. Ce critère de présence économique significative, qui peut être satisfait en l’absence de toute activité physique en Israël, est défini en référence à des facteurs de « présence numérique », qui sont, entre autres, les suivants :
Conclusion de contrats en ligne : un nombre significatif de contrats sont conclus en ligne entre l’entreprise étrangère et les clients israéliens ;
Utilisation de produits et de services numériques : l’entreprise étrangère propose des services/produits en ligne qui sont utilisés par un nombre significatif de clients israéliens ;
Site web adapté au pays : l'entreprise étrangère fait appel à un site web doté de fonctionnalités adaptées au marché israélien (interface en hébreu, remises et marketing locaux, monnaie et options de paiement locales) ;
Modèle économique multi-face : une partie significative du chiffre d’affaires généré par l’entreprise est étroitement liée au volume d’activité en ligne réalisé par des utilisateurs locaux en Israël
Selon le texte de la Circulaire, les critères de « présence numérique » énoncés peuvent être appliqués séparément ou de façon cumulative, et aucun seuil de revenus fondé sur les ventes locales n’est défini. Lorsque ces critères sont satisfaits, la Circulaire, aux fins de l’attribution des bénéfices, fait simplement référence aux règles de droit interne fondées sur le principe de pleine concurrence (analyse des fonctions exercées, des actifs utilisés et des risques assumés). En outre, la Circulaire laisse en suspens la question de savoir si des bénéfices significatifs peuvent être attribués à une entreprise ayant dans le pays une présence imposable assortie d’une présence physique limitée, voire nulle, en ce qui concerne les actifs corporels et/ou de personnel.
1. D’une manière générale, les règles relatives au lien en Israël ne reposent pas sur un seuil d’imposition basé sur notion stricte d’établissement stable, mais font plus généralement référence à la localisation des activités génératrices de revenus d’une entreprise (section 4A de l’Ordonnance relative à l’impôt sur le revenu).
2. Circulaire administrative N° 04/2016 (11 avril 2016) publiée pour préciser les circonstances dans lesquelles une entreprise étrangère exerçant des activités en ligne (« activités via l'Internet ») peut être redevable de l'impôt sur les bénéfices des sociétés en Israël. Si la circulaire prévoit des commentaires sur un large éventail de règles se rapportant à l'imposition d'une entreprise non résidente (à savoir, la définition d'établissement stable (ES) conformément aux conventions fiscales, l'enregistrement aux fins de la TVA), les dispositions applicables décrites dans la section se rapportent à l'interprétation de la règle du lien en vigueur au niveau national aux fins de l'imposition des bénéfices des sociétés.
Encadré 4.2. Nouveau concept de lien fondé sur la notion de « présence économique significative » en Inde
Plusieurs amendements visant à modifier les règles nationales de lien en matière d’impôt sur les bénéfices des sociétés (notamment la notion de « lien commercial en Inde ») ont été adoptés récemment et leur entrée en vigueur est attendue à compter du 1er avril 20191. L’un de ces amendements élargirait la définition nationale du lien aux fins des bénéfices commerciaux en intégrant la notion de présence économique significative. Cette dernière revient à prévoir un autre seuil autorisant l'imposition des bénéfices d'une entreprise non résidente en fonction de la source des revenus et indépendamment du degré de présence physique de cette entreprise dans la juridiction exerçant cette compétence fiscale.
La législation prévoit qu'une présence économique significative d'une entreprise non résidente peut être établie dans deux situations distinctes:
Un seuil fondé sur le chiffre d’affaires local : « toute transaction portant sur des biens, services ou titres de propriété effectuée en Inde par un non-résident, y compris la fourniture ou le téléchargement de données ou de logiciels en Inde, si le montant total des paiements découlant de cette(ces) transaction(s) pendant l'année écoulée excède le montant fixé », et
Un seuil fondé sur le nombre d'utilisateurs locaux : « sollicitation systématique et permanente de ses activités commerciales ou interactions avec un nombre donné d'utilisateurs par des moyens numériques ».
Le franchissement de ces seuils donne directement lieu à une imposition en Inde indépendamment de la localisation et/ou de la résidence du contribuable. À l'issue d'une consultation des parties prenantes concernées, des règlements supplémentaires et lignes directrices devraient permettre de clarifier les éléments sur lesquels reposent ces deux seuils.
Il est attendu que l'assiette sera limitée aux bénéfices attribuables aux transactions ou aux utilisateurs liés à la présence économique significative. À ce jour, la législation ne prévoit aucune modification des règles de référence pour la répartition des bénéfices, et ne précise pas non plus comment les bénéfices seront attribués à une présence économique significative associée à une présence physique faible, voire nulle (notamment en ce qui concerne les actifs corporels et/ou de personnel). Elle prévoit toutefois qu'une disposition quelconque d'une convention de double imposition (relative notamment à la définition d'établissement stable) prévaudra toujours sur une règle nationale quelconque de lien, fondée notamment sur la notion de présence économique significative. Par conséquent, cette dernière ne s'appliquera vraisemblablement qu'à des situations non couvertes par des conventions de double imposition (notamment à des transactions réalisées dans des pays avec lesquels aucune convention de double imposition n'a été conclue et à des transactions abusives comme certaines transactions faisant intervenir des sociétés-relais ou des sociétés-écrans) jusqu'à ce que les modifications correspondantes soient apportées aux conventions de double imposition conclues par l'Inde.
1. Loi de finances 2018, amendement de l’article 9(1) de la loi relative à l’impôt sur le revenu.1961 .
4.3.2. Autres mesures
Une autre évolution en rapport à la numérisation comprend l’opinion minoritaire exprimée par certains pays selon laquelle le critère de présence physique n’est plus pertinent aux fins de l’application de la définition « d’établissement stable de services » énoncée à l’article 5(3)(b) du Modèle de Convention fiscale des Nations Unies8. Il n’existe pas de disposition similaire dans le Modèle de convention fiscale de l’OCDE9. Selon l’interprétation qui prévaut de la notion d’« ES de services », la règle contenue dans le Modèle de Convention fiscale des Nations unies se réfère au lieu où sont exécutés les services fournis par l’entreprise non résidente, et la présence physique du prestataire de services est implicitement requise dans le pays de la source, par l’intermédiaire d’employés ou d’autre personnel engagés par l’entreprise non résidente10. Une opinion minoritaire estime au contraire que l’expression « fourniture de services » figurant dans cette disposition fait référence aux services « utilisés » ou « consommés » dans la juridiction de la source, et peuvent, à ce titre, englober les services « fournis » à distance, dès l’instant où les autres conditions imposées par la définition d’établissement stable sont remplies (critère de durée, par exemple)11.
Les tenants de cette position se disent préoccupés par le fait que la montée en puissance du numérique a favorisé l’adoption de modèles de ventes et de distribution centralisés permettant la fourniture à distance de services en ligne sans nécessiter de présence significative sur les marchés desservis. Cette interprétation large, quelquefois désignée par l'expression « ES virtuel de prestation de services » a été officiellement adoptée par l'Arabie saoudite12, et reprise dans d'autres décisions de justice dans certaines juridictions comme l'Inde13. Les effets de cette mesure pourraient éventuellement s'étendre bien au-delà des activités en ligne, y compris à tout service à distance fourni sur un marché (services de conseil, centres d'appel notamment). Cependant, en l’absence de modification des dispositions des conventions fiscales elles-mêmes, ces mesures risquent d’être contestées devant les tribunaux par les contribuables.14 Aucune information n’a été diffusée à ce jour sur l’efficacité de telles mesures, ou sur leurs effets sur le comportement des contribuables et/ou les recettes fiscales.
4.4. Recours à des retenues à la source
Pour les éléments de revenu passif tels que les dividendes, les intérêts et les redevances, les législations nationales et les conventions de double imposition prévoient généralement des exceptions au seuil relatif à l’ES aux fins de l’imposition d’une entreprise non résidente qui sont fondées sur d’autres règles de source (la résidence du payeur, le lieu où l’actif ou le service est utilisé, le lieu d’exécution, etc.). Certaines de ces exceptions figurent actuellement dans les articles 10 (Dividendes), 11 (Intérêts) et 12 (Redevances) du Modèle de Convention fiscale de l’OCDE. Elles créent une règle spécifique de répartition du droit d’imposition autorisant l’État de la source à appliquer une retenue à la source à une assiette brute et prévoyant un droit résiduel d’imposition pour l’État de résidence de l’entreprise.
Des évolutions récentes observées à travers le monde, se dégage une tendance générale à recourir de plus en plus à ce type d’exceptions dans les législations nationales et les conventions de double imposition pour certaines catégories particulières de produits et de services numériques. L’objectif est le plus souvent de revendiquer un droit d’imposition dans juridiction de la source même lorsque l’entreprise non résidente n’a pas de présence physique dans cette juridiction. Par ailleurs, la numérisation de l'économie a eu pour effet d'estomper davantage la frontière entre bénéfices commerciaux, redevances et services techniques dans certains cas (services infonuagiques notamment), ce qui a accru l'importance potentielle de ces exceptions au seuil traditionnel relatif à l'ES et exacerbé le risque que se posent des problèmes de qualification. Il y a matière à s’interroger par exemple lorsqu’il s’agit de déterminer si les transactions relevant du modèle de l’infrastructure-service doivent être considérées comme des services (et partant, si les paiements correspondants doivent être assimilés à des bénéfices d’entreprises aux fins de l’application des conventions), comme des droits de location, par des tiers, d’espaces sur des serveurs de fournisseurs de services infonuagiques (et partant, si les paiements correspondants doivent être assimilés à des redevances aux fins de l’application de conventions incluant dans la définition des redevances les droits de location d’équipement industriels, commerciaux ou scientifiques), ou comme des prestations de services techniques. Les mêmes problèmes de qualification se posent concernant les paiements correspondant à des transactions portant sur des logiciels-services ou des plateformes-services15.
Les mesures à prendre dans ce domaine qui ont été recensées par le Groupe de réflexion sur l’économie numérique consistent notamment à :
Élargir le champ d’application de la retenue à la source applicable aux redevances : certains pays ont élargi, au niveau national, la définition de la notion de redevances soumises à une retenue à la source appliquée à un montant brut en intégrant dans cette catégorie des éléments de revenu traditionnellement assimilés à des bénéfices d’entreprises dans les conventions de double imposition16. Cet élargissement conduit notamment à couvrir par exemple les paiements au titre de l'utilisation ou du droit d'utilisation de logiciels17, et d'images ou de sons transmis au moyen de technologies de l'information et des communications18. Ces définitions ont généralement pour effet de ramener certaines transactions de type logiciels-services dans le champ d’application de la retenue à la source. Certaines modifications ont également été apportées en conséquence dans des conventions de double imposition récemment négociées19. Pour sa part, le Royaume-Uni, au lieu d'élargir simplement la définition de redevances, a proposé récemment de légiférer pour élargir la définition de la source dans certaines circonstances définies afin de permettre l'imposition de paiements liés à des ventes locales effectués à l’étranger entre entreprises liées. Cette proposition vise les accords intra-groupe permettant de bénéficier de faibles taux d'imposition effectifs grâce à la détention de droits de propriété intellectuelle dans des juridictions à fiscalité faible ou nulle et, si elle est appliquée, elle devrait avoir des effets avant tout sur les entreprises les plus orientées vers le numérique20.
Adopter la retenue à la source pour les rémunérations de services techniques : un nombre croissant de pays prévoient dans leur législation nationale et/ou dans les conventions de double imposition une exception au seuil relatif à l’ES pour certaines rémunérations de service autorisant l’application d’une retenue à la source au montant brut dans le pays de la source lorsque le payeur est résident de ce pays21. Le Modèle de Convention fiscale de l’OCDE ne prévoit pas cette exception qui a été récemment ajoutée au Modèle de convention fiscale des Nations unies dans le cadre de la mise à jour de 201722 en réaction au fait que des services significatifs sont désormais fournis sans aucune présence physique dans l’État de la source23. La portée de cette exception est en principe circonscrite aux rémunérations de services techniques, généralement définis comme des paiements effectués au titre de services à caractère administratif ou technique (à savoir exigeant une compétence technologique) ou de services de conseil. Si cette définition ne vise pas spécifiquement les produits et services numériques, elle couvre en général toute une palette de services relevant de l’informatique en nuage (fourniture de services en ligne, infrastructure-service, etc.)24.
Adopter de nouvelles retenues à la source applicables à d'autres catégories de revenus spécifiques, telles que les recettes tirées de la vente de publicité en ligne25.
Il est important de noter que la plupart de ces mesures ont été adoptées ou annoncées au niveau national, et n’ont pas encore été transposées en modifications dans l’ensemble des conventions de double imposition (ou dans un nombre significatif de conventions de double imposition). En pratique, il s’ensuit que l’application de ces mesures sera souvent limitée par l’application de conventions de double imposition. Lorsqu’elles sont applicables, ces mesures sont généralement faciles à appliquer à des transactions entre entreprises, moyennant des coûts administratifs et des coûts de conformité relativement limités tant pour les contribuables que pour les administrations fiscales. Des problèmes de recouvrement se posent cependant dans le cas de transactions entre entreprises et consommateurs car les consommateurs privés ne sont peu enclins à déclarer les transactions et à acquitter l’impôt dû, et sont peu familiarisés avec le fonctionnement du système de retenue à la source.
4.5. Recours à des taxes sur le chiffre d’affaires
Les évolutions récentes donnent à penser qu’un nombre non négligeable de pays ont pris des dispositions en dehors du périmètre des impôts sur le revenu pour établir leur droit d’imposer des entreprises non résidentes, à l’instar des fournisseurs étrangers de produits et services numériques. Ces dispositions prennent généralement la forme de taxes sectorielles sur le chiffre d’affaires frappant les recettes (ou notamment les recettes) tirées de la vente de services de publicité en ligne, à l’instar de la taxe de péréquation mise en place en Inde (encadré 4.3)26, de la taxe sur les transactions numériques adoptée en Italie (encadré 4.4), de la taxe sur la publicité instaurée en Hongrie (encadré 4.5)27, et de la taxe sur la diffusion en vidéo physique et en ligne de contenus audiovisuels instituée en France28.
Ces dispositions sont le plus souvent associées à des règles de lien de vaste portée axées sur la destination des fournitures de sorte qu’elles s’appliquent généralement à la fois à des entreprises résidentes et non résidentes indépendamment de leur localisation (degré de présence physique dans la juridiction ayant la compétence fiscale), de leur résidence et/ou de leur statut29. En France par exemple, les transactions imposables sont délimitées en fonction de leur destination finale, notamment de la localisation du « public » (spectateurs par exemple) du contenu numérique fourni en ligne. De même, le champ d’application de la taxe sur la publicité instaurée en Hongrie est délimité en dernier ressort en fonction de la localisation du public ciblé. S’agissant des activités en ligne, celles-ci sont réputées être situées en Hongrie lorsque le message publicitaire apparaît principalement en hongrois. Par ailleurs, dans l’un comme dans l’autre régime d’imposition, la taxe peut être due dans des situations où le paiement est effectué en contrepartie de l’affichage de messages publicitaires destinés à des utilisateurs locaux d’Internet (sur des plateformes multi-faces en ligne notamment), indépendamment de la localisation ou de la résidence du payeur et du fournisseur. Elle est due par exemple dans une situation dans laquelle une filiale A d’un groupe multinational (résidente du pays A) achète en ligne des services de publicité auprès de la filiale d’un groupe publicitaire (résidente du pays B) et dans laquelle la publicité en ligne vise une clientèle située dans le pays C (la juridiction exerçant la compétence fiscale). En revanche, le champ d'application des taxes adoptées en Inde et en Italie est fonction de la localisation du payeur, qui est en général une entreprise résidente de la juridiction exerçant la compétence fiscale, de sorte qu'il ne couvrirait pas une telle situation.
En outre, ces dispositions ont en commun d’obéir à un autre objectif de politique publique important. Elles visent à améliorer la neutralité de l’impôt en rétablissant l’équité des règles applicables aux fournisseurs étrangers de certains biens et services numériques et les fournisseurs locaux de biens et services similaires, de même qu’entre les fournisseurs de certains biens et services numériques et les fournisseurs de biens et services concurrents plus traditionnels. La taxe en vigueur en Hongrie s’applique à une longue liste de services de publicité, indépendamment du moyen de diffusion utilisé (télévision et radio, journaux imprimés, affichage sur des panneaux publicitaires, sites web). La taxe instituée en France s’applique elle aussi à toutes les formes de diffusion de contenus audio-visuels, indépendamment du moyen de diffusion employé (support d’enregistrement vidéo, flux en ligne) ou du modèle de revenus (recettes publicitaires, recettes d’abonnements, ventes ou locations d’espaces). Enfin, la taxe de péréquation mise en place en Inde répond à la même finalité, mais frappe une catégorie plutôt étroite de transactions numériques : les services de publicité en ligne entre entreprises. Par définition, un champ d’application aussi restreint risque de ne pas permettre d’atteindre, de façon plus générale, la neutralité de traitement fiscal des services numériques (à savoir des services numériques de publicité par rapport aux autres services numériques, ou encore des services numériques entre entreprises par rapport aux services numériques entre entreprises et consommateurs) et de conduire, dans certains cas, à traiter de façon inéquitable des transactions numériques économiquement équivalentes. Le champ d'application de la taxe italienne sur les transactions numériques peut se trouver restreint de la même manière selon la liste des transactions effectivement couvertes. Enfin, il convient de noter que dans tous les cas qui viennent d'être cités, le risque existe, selon les conditions du marché, qu'une part de la charge fiscale soit transférée du fournisseur au client.
Ces mesures soulèvent le plus souvent un certain nombre de problèmes administratifs et de problèmes de discipline fiscale, en particulier au regard de la difficulté que représente le recouvrement de la taxe auprès d’entités étrangères qui ne sont pas situées (autrement dit, physiquement présentes) dans la juridiction exerçant la compétence fiscale. Pour résoudre cette difficulté, ces régimes prévoient la plupart du temps une responsabilité conjointe du client local qui paie le service (encadré 4.3, encadré 4.4 et encadré 4.5) ou des obligations déclaratives spécifiques pour les intermédiaires locaux (encadré 4.6). Jusqu’à présent et selon les informations parcellaires qui sont actuellement disponibles, les recettes perçues grâce à ces mesures semblent tout à fait modestes30.
Encadré 4.3. La taxe de péréquation en Inde
La taxe de péréquation instaurée en Inde est une taxe à part entière, adoptée en 2016, qui présente certaines des caractéristiques des options décrites dans le Rapport sur l’Action 1 de 2015 (notamment de la « taxe de péréquation »). Elle est effectivement perçue au taux de 6 % sur le montant brut de la rémunération versée en contrepartie de la prestation de services de publicité en ligne par des non-résidents. L’assiette est constituée par la valeur des transactions visées, et non par les recettes générées par ces transactions. Il s’agit donc d’une taxe dont l’assiette est un montant brut ou encore d’une taxe sur le chiffre d’affaires applicable aux revenus tirés de la prestation de services de publicité en ligne par des non-résidents.
Elle est perçue uniquement dans les conditions suivantes :
Premièrement, le paiement doit être effectué par une entreprise située en Inde (ci-après le « payeur ») au profit d'une entreprise non résidente (ci-après « le bénéficiaire »), ce qui signifie que la taxe de péréquation n'est appliquée que sur les transactions transnationales entre entreprises (B2B).
Deuxièmement, le paiement doit être effectué en contrepartie de transactions dont la liste a été établie, notamment de services de publicité en ligne et de toute autre forme de fourniture d’espaces publicitaires en ligne. Il est à noter que la liste de transactions visées peut être étoffée sur notification de l’administration centrale.
Troisièmement, une exonération est accordée si le montant total de la rémunération versée par le payeur sur une période d’un an n’excède pas un seuil fixé à 100 000 INR (soit l’équivalent d’environ 1 500 USD ou 1 400 EUR).
Enfin, une exonération est également prévue si les services concernés sont effectivement liés à un établissement stable (ES) du bénéficiaire en Inde. Aucun paiement ne peut être soumis à la taxe de péréquation et en même temps à l’impôt sur les bénéfices des sociétés. Cette exonération ne s’applique cependant pas nécessairement aux entreprises multinationales étrangères qui adoptent un modèle commercial local et ce, pour tenir compte du fait que les recettes publicitaires générées au niveau d’un revendeur local (filiale ou ES) sont soumises à l’impôt sur les bénéfices des sociétés en Inde, sachant que le champ d’application de la taxe de péréquation n’est pas circonscrit aux ventes de services de publicité en ligne à des utilisateurs finals et de fait, la taxe frappe aussi bien les transactions internationales intra-entreprise (réalisées entre un ES et son siège) que les transactions intra-groupe
L’obligation fiscale incombe au bénéficiaire non résident. Néanmoins, la taxe de péréquation est recouvrée par le payeur (à savoir l’entreprise locale située en Inde), qui est responsable du reversement de la taxe à l’administration centrale dès le mois suivant le paiement. Le bénéficiaire non résident n’a en revanche aucune obligation administrative à respecter.
La taxe de péréquation n’est pas classée par la législation indienne dans la catégorie des impôts sur le revenu ; elle est plutôt considérée comme une taxe sur les transactions applicable au « montant de la rémunération » perçue. En conséquence, il est peu probable qu'elle donne lieu à un crédit d’impôt pour éliminer la double imposition dans une autre juridiction en vertu de la législation interne ou d'une convention de double imposition. Elle peut en revanche créer des situations de double imposition pour les entreprises étrangères déjà redevables de l'impôt sur les sociétés dans leur pays de résidence.
Le gouvernement indien a annoncé que, pour la période allant de juin 2016 à mars 2017, les recettes provenant de la taxe de péréquation se chiffrent approximativement à 3.4 milliards INR, soit environ 52 millions EUR et 47 millions USD.
Encadré 4.4. Taxe sur les transactions numériques adoptée en Italie
La taxe sur les transactions numériques a été proposée par le Parlement italien et adoptée en 2017. Elle concerne à la fois les entreprises résidentes et non résidentes et devrait s’appliquer à compter du 1er janvier 20191. L’objectif annoncé est de rétablir des règles du jeu équitables entre les fournisseurs de services numériques et d’autres fournisseurs de services plus « traditionnels » en imposant les transactions numériques dont la valeur, générée par les utilisateurs et par le contenu créé par les utilisateurs, n’est actuellement pas prise en compte (ou du moins ne l’est que partiellement) par les règles d’imposition des bénéfices des sociétés en vigueur. On peut établir dans une certaine mesure un parallèle avec la « taxe de péréquation » décrite dans le Rapport sur l’Action 1 du projet BEPS.
Le taxe sur les transactions numériques est prélevée au taux de 3 % sur la « valeur » des transactions imposables, à savoir sur le montant de la rémunération versée (nette de TVA) en contrepartie de la fourniture des services numériques acheminés par voie électronique. Sont considérés comme des transactions imposables les services fournis sur Internet ou sur un réseau électronique et dont la nature rend la prestation largement automatisée, accompagnée d’une intervention humaine minimale, et impossible à assurer en l’absence de technologie de l’information2. Une liste précise des transactions imposables figurera dans un décret qui devrait être publié le 30 avril 2018.
Axée sur la destination des prestations, la taxe sur les transactions numériques s’applique uniquement aux transactions conclues avec des clients résidant en Italie (y compris des établissements stables d’entreprises non résidentes situés en Italie) autres que certaines petites entreprises déterminées3 et des personnes physiques, à savoir aux transactions entre entreprises (B2B)4. Le lieu où la transaction est conclue et la résidence et/ou la localisation du fournisseur n’entrent en revanche pas en ligne de compte.
La taxe sur les transactions numériques est officiellement due par le fournisseur des services imposables, indépendamment de sa localisation et/ou de sa résidence5. Sont donc en principe visées les plateformes en ligne nationales et étrangères fournissant des services entre entreprises à des clients italiens. Une exonération est toutefois prévue pour les fournisseurs qui ne réalisent pas plus de 3 000 transactions imposables dans l’année civile (seuil d’activité minimum). En revanche, c’est à l’entreprise italienne cliente de la plateforme qu’incombe la responsabilité du recouvrement de la taxe. Celle-ci perçoit la taxe au moment où le paiement du service est effectué et reverse le montant correspondant à l’administration fiscale le 16e jour du mois suivant le paiement, sauf si le fournisseur déclare sur une facture (ou tout autre document en tenant lieu) que le seuil de 3 000 transactions n’a pas été franchi.
Il importe de noter que le taxe sur les transactions numériques n’est pas déductible d’autres impôts dus en Italie par le contribuable (impôt sur les bénéfices des sociétés, impôts locaux, impôts sur la masse salariale, etc.)6 et n’est perçue ni sur les transactions non monétaires (réalisées via des plateformes en ligne suivant des modèles fondés sur les recettes publicitaires), ni sur les transactions entre entreprises et consommateurs (B2C), ni sur la fourniture de biens. Les fournisseurs nationaux auront cependant la possibilité de déduire la taxe de l’assiette de l’impôt sur les sociétés calculée à l’échelle nationale alors que pour les fournisseurs étrangers, la déductibilité de la taxe sera fonction des règles appliquées par les autres pays en matière d’imposition des sociétés. Conçue comme une taxe sur les transactions, cette taxe devrait s’appliquer aux fournisseurs nationaux et étrangers de services en ligne indépendamment du niveau de leur présence physique en Italie et se trouver en dehors du champ d’application des conventions de double imposition. Les recettes attendues de l’application de la taxe sur les transactions numériques sont estimées à 190 millions EUR par an (soit environ 235 millions USD par an)7.
1. Paragraphes 1011-1019 de l’article 1 de la loi 205/2017.
2. Article 1, paragraphe 1012 de la loi N° 205 du 27 décembre 2017. Cette définition ressemble à celle des services fournis par voie électronique figurant à des fins de TVA à l’article 7 du Règlement d’exécution (UE) N° 282/2011 du Conseil.
3. Une exclusion est prévue pour les transactions impliquant une entreprise pouvant prétendre au bénéfice d’un régime fiscal spécial ou ayant opté pour un régime fiscal spécial ouvert à certaines petites entreprises (article 1, paragraphes 54-89 de la loi N° 190 de 2014).
4. Article 1, paragraphe 1011 de la loi N° 205 du 27 décembre 2017.
5. Article 1, paragraphe 1011 de la loi N° 205 du 27 décembre 2017.
6. Le texte proposé par le Sénat prévoyait à l’origine une disposition autorisant l’imputation de la taxe sur l’impôt sur les bénéfices des sociétés et les cotisations de sécurité sociale prélevés en Italie. Cette disposition a été supprimée du texte finalement voté par le Parlement.
7. Estimations officielles du gouvernement italien accompagnant le projet de loi de finances pour 2018.
Encadré 4.5. La taxe sur la publicité en Hongrie
La taxe est perçue sur le chiffre d’affaires net (hors TVA) à la fois d’entreprises résidentes et non résidentes réalisé sur la vente d’espaces et de créneaux publicitaires en Hongrie. Les transactions imposables figurent sur une longue liste de services de publicité définis en référence aux divers médias utilisés pour la diffusion auprès du public (télévision et radio, journaux imprimés, affichage sur des panneaux publicitaires, des véhicules, du mobilier urbain et des sites web).
En ce qui concerne l’établissement du lien avec la Hongrie, la législation s’articule autour de la destination du message publicitaire et de la localisation du public visé. Différents indicateurs peuvent être retenus selon le type de publicité concerné. Si l’on s’intéresse au cas particulier de la publicité en ligne par exemple, le lien est établi lorsque le message publicitaire est diffusé principalement en hongrois, indépendamment de la localisation de l’annonceur et du publicitaire.
Est principalement redevable de la taxe celui qui réalise des transactions imposables, qui est tenu de s’enregistrer auprès de l’administration fiscale et de s’acquitter de toutes les obligations fiscales en vigueur. Il s’agit généralement de l’éditeur – à savoir du fournisseur de contenus et de services médiatiques, de l’éditeur de presse ou de l’éditeur web – indépendamment de sa localisation, de sa résidence ou de son statut.
De plus, pour améliorer la perception et le recouvrement de la taxe, notamment auprès des éditeurs étrangers n’ayant pas de présence physique en Hongrie, une deuxième obligation fiscale peut également naître au niveau du client (à savoir généralement l’annonceur local., Ce dernier est redevable de la taxe sur la publicité s’il ne parvient pas à présenter à l’administration fiscale une déclaration officielle établie par le principal contribuable (à savoir l’éditeur) dans laquelle ce dernier reconnaît sa dette fiscale et s’engage à l’acquitter. Ce n’est pas un mécanisme d’auto-liquidation étant donné que la deuxième obligation fiscale ne peut se substituer à la première ou l’éteindre.
À l'origine, le barème d'imposition était très progressif. Cependant, à la suite d'une décision de la Commission de l'Union européenne (UE) d'enquêter sur la compatibilité de la taxe avec les règles en matière d'aides d'État, la mesure a été modifiée en juillet 2015 afin de remplacer le barème progressif par l'application d'un taux de 0 % à la part des recettes comprise entre 0 et 100 millions HUF (soit environ 320 000 EUR) et de 5.3 % au-delà. En juillet 2017, après que la Commission de l’UE eut déclaré cet impôt incompatible avec les règles de l’UE sur les aides d’État dans sa version initiale, la Hongrie a porté temporairement le taux marginal de la taxe de 5.3 % à 7.5 % afin de financer le remboursement des aides d’État illégales. Le taux s'applique uniquement au titre de la première obligation fiscale. Au titre de la deuxième obligation fiscale, un taux de 5 % est appliqué, le cas échéant, aux coûts effectifs mensuels (hors TVA) générés par les transactions imposables au-delà d’un seuil fixé à 2.5 millions HUF (soit environ 8 000 EUR).
À ce jour, l’administration fiscale locale a indiqué que les entreprises non résidentes ne s’étaient guère conformées à leurs obligations fiscales depuis l’adoption de la mesure et que, de fait, celle-ci n’avait donc pas de permis de générer un montant significatif de recettes fiscales.
Encadré 4.6. La taxe sur la diffusion en vidéo physique et en ligne de contenus audiovisuels en France
Pour financer sa production nationale d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles, la France a adopté en 2003 une taxe indirecte sur les ventes et les locations de « vidéogrammes » (à savoir d’objets physiques porteurs d’un contenu audiovisuel, comme les vidéocassettes ou les DVD). Cette taxe s’applique à la fois aux entreprises résidentes et aux entreprises non résidentes. En 2004, dans le contexte de l’essor du commerce électronique, le champ d’application de cette taxe a été élargi aux services de vidéo à la demande en ligne permettant d’avoir accès, moyennant paiement, à des œuvres cinématographiques et à des contenus audiovisuels au moyen de procédés de communication électronique. En 2016, pour faire face à la montée en puissance des modèles fondés sur les recettes publicitaires, le champ d’application de la taxe a été à nouveau étendu aux services de vidéo à la demande en ligne fournis gratuitement, mais monétisés par les publicités diffusées auprès des spectateurs. À cette occasion, la dénomination de la taxe a également changé pour devenir « taxe sur la diffusion en vidéo physique et en ligne de contenus audiovisuels » (également souvent baptisée dans les médias « taxe You Tube »).
La taxe est appliquée aux taux uniforme de 2 %, porté à 10 % pour les contenus cinématographiques et audiovisuels à caractère « pornographique » ou d’« incitation à la violence ». Elle est effectivement conçue comme une taxe sur les ventes au détail perçue sur la valeur d’un certain nombre de transactions définies conclues avec des consommateurs finals. Les transactions imposables sont notamment les ventes et locations de vidéogrammes, ainsi que les services de vidéo à la demande en ligne lorsque l’accès aux contenus cinématographiques et audiovisuels est permis par des procédés de communication électronique. L’objectif est de couvrir tous les modèles de diffusion, indépendamment du moyen de diffusion utilisé (vidéogramme, plateforme en ligne, etc.).
En ce qui concerne l’établissement du lien avec la France, c’est généralement la destination de l’opération concernée qui est déterminante aux fins de la taxe. Dans le cas de la vente et de la location de vidéogrammes, la taxe doit être acquittée si le lieu de l’exécution de la vente ou de la prestation du service est situé en France. Dans le cas de services de vidéo à la demande en ligne, elle est due si le « public » (à savoir toute personne visionnant le contenu non assujettie à la TVA) se trouve en France (s’il s’agit par exemple d’un utilisateur d’Internet qui est établi ou domicilié en France ou qui y réside habituellement).
La localisation, la résidence ou le statut de la personne qui réalise la transaction concernée ne sont en revanche pas déterminants. Néanmoins, c'est le fournisseur qui est redevable de la taxe et auquel incombe la responsabilité de déclarer les transactions et d'acquitter la taxe. Sont en principe redevables de la taxe les fournisseurs français et étrangers qui louent ou vendent des vidéogrammes en France ou qui fournissent des services de vidéo à la demande en ligne à des utilisateurs situés en France. La législation fait par exemple explicitement référence aux plateformes en ligne – dont l’activité consiste à héberger, transmettre et indexer des contenus numériques pour un large public – comme à des contribuables potentiels indépendamment de leur résidence fiscale ou de leur localisation physique. Par ailleurs, pour encourager les contribuables étrangers n’ayant pas de présence physique en France à se plier à ces règles, des obligations déclaratives spécifiques sont imposées aux intermédiaires publicitaires installés en France s’agissant des paiements reçus d’annonceurs ou de parrains.
L’assiette est composée de deux éléments :
la rémunération versée (hors TVA) en contrepartie de l'achat ou de la location de contenus audiovisuels ou de l'accès en ligne à des contenus audiovisuels ; et/ou
la rémunération versée (y compris par l'entremise d'un intermédiaire publicitaire) en contrepartie de la diffusion de messages publicitaires et/ou de parrainage d'un contenu audiovisuel diffusé en ligne. Le contribuable bénéficie d’un abattement forfaitaire de 4 % (porté à 66 % lorsque le contenu audiovisuel est créé par des utilisateurs privés à des fins de partage et d’échange au sein de communautés d’intérêt) et la taxe est calculée après application d’un abattement de 100 000 EUR sur la base d’imposition (règle de minimis).
La seconde composante de l’assiette a été introduite en 2016 pour couvrir des modèles économiques multi-face permettant de monétiser les données recueillies auprès d’un public français grâce à une offre de solutions publicitaires et de garantir l’équité des règles du jeu applicables à des transactions économiquement équivalentes indépendamment du modèle de revenus (recettes publicitaires, recettes d’abonnements, ventes ou locations).
L’entrée en vigueur de cette mesure étant toute récente, on ne dispose encore d’aucune information sur le montant des recettes fiscales qu’elle a permis de recouvrer.
4.6. Régimes spécifiques visant les grandes entreprises multinationales
Les initiatives législatives de portée plus générale visant soit à créer de nouveaux régimes administratifs destinés à rétablir l'équilibre des pouvoirs entre les administrations fiscales et les grandes entreprises multinationales, soit à instituer des règles anti-abus pour contrecarrer un recours excessif, de la part des grandes entreprises multinationales, à des paiements ayant pour effet d'éroder la base d'imposition, constituent une autre catégorie de mesures dont l'adoption a pu être observée dans divers pays du monde. La rapide montée en puissance du numérique, son impact sur tous les modèles d’affaires et la complexité sans cesse croissante des schémas d’optimisation fiscale adoptés par les grandes entreprises multinationales31 sont au nombre des principaux défis auxquels sont confrontées les administrations fiscales du monde entier. Dans ce contexte, un certain nombre de pays ont mis en place des régimes spécifiques à l’intention des grandes entreprises multinationales, comme l’impôt sur les bénéfices détournés au Royaume-Uni et en Australie32 (encadré 4.7 et encadré 4.9)33, la procédure renforcée de coopération et de collaboration pour les ES en Italie34, ou encore la BEAT (Base erosion and anti-abuse tax) aux États-Unis (encadré 4.10). Si ces régimes n’ont pas été exclusivement ciblés sur les entreprises à forte composante numérique, certains des cas de figure envisagés s’appliquent également à ces dernières.
Si l’impôt sur les bénéfices détournés a été conçu dans certains pays comme une taxe distincte, il fonctionne en pratique comme un complément du corpus législatif de règles anti-abus mises en place aux fins de l’impôt sur le revenu. En conséquence, les mesures visant à taxer les bénéfices détournés adoptées dans certains pays sont attachées aux normes internationales relatives au lien et à la répartition des bénéfices en vigueur (règles de l’ES basée sur un agent dépendant, le principe de pleine concurrence et les prix de transfert), et n’ont pas pour effet d’élargir l’assiette de l’impôt sur le revenu. L’un des principaux objectifs de ces régimes est d’améliorer l’accès à l’information des administrations fiscales dans les cas de figure présentant des risques fiscaux élevés – le plus souvent des structures commerciales faisant intervenir des ventes à distance dans le but d’éviter la reconnaissance du statut d’ES, ou des paiements intra-groupe ayant pour effet d’éroder la base d’imposition35 – tout en incitant les grandes entreprises multinationales à davantage de transparence sur leur chaîne de valeur mondiale (notamment en ce qui concerne les transactions et activités réalisées par des entités liées à l’étranger). Ces mesures se caractérisent principalement par un régime administratif unique, à savoir une « période d’évaluation » de 12 mois, durant laquelle est instauré un dialogue entre l’administration fiscale et le contribuable, ce dernier étant encouragé à évaluer le bien-fondé de ses dispositifs fiscaux et, le cas échéant, à restructurer ses opérations afin de mieux refléter la réalité opérationnelle36. Ce régime permet généralement d’améliorer le respect des obligations fiscales par les grandes entreprises multinationales susceptibles de mettre en œuvre des stratégies de planification fiscale agressives à l’international, et de rétablir des conditions de concurrence équitables pour les entreprises plus traditionnelles ou PME exerçant principalement leur activité à l’échelle nationale.
À ce jour, les pays ayant mis en place une mesure visant à taxer les impôts détournés font état de résultats positifs en ce qui concerne leurs recettes fiscales, essentiellement grâce aux impôts sur les bénéfices supplémentaires perçus à la suite de redressements fiscaux et à des changements de comportement. Dans le même temps, ce régime est, à l’instar des autres règles anti-abus, techniquement assez complexe et fortement tributaire des données disponibles. Les administrations fiscales concernées ont été ainsi amenées, afin de réduire l’incertitude et de garantir l’application efficace des mesures, à consentir d’importants investissements en ressources (y compris en embauchant du personnel compétent et expérimenté). À titre d’exemple, l’introduction d’une taxe au titre des bénéfices détournés fait généralement l’objet d’un processus strict de gouvernance, impliquant plusieurs niveaux de contrôle, le visa d’un haut responsable, ainsi que des mécanismes de protection supplémentaires (approbation par une instance indépendante, etc.). Des mécanismes de protection efficaces sont généralement requis pour s’assurer que la mise en œuvre de la mesure est proportionnée aux risques encourus, et il est probable que l’efficacité de ces régimes soit renforcée dans les juridictions où la coopération entre administrations fiscales et contribuables s’inscrit dans une longue tradition. Enfin, les coûts de conformité peuvent être importants pour les contribuables concernés, à commencer notamment par les coûts économiques associés aux restructurations (pour passer par exemple à un modèle de revendeurs locaux).
Comme l'impôt sur les bénéfices détournés, la BEAT adoptée aux États-Unis ne vise pas spécifiquement les modèles d’affaires à forte composante numérique, mais s'applique plus généralement aux grandes entreprises multinationales ayant des activités d'envergure sur le sol des États-Unis. Il fonctionne comme un impôt minimum sur les bénéfices des sociétés. Ce résultat est obtenu en appliquant une formule supposant l'exclusion des déductions accordées au titre de toute une série de paiements sortants – principalement d'intérêts, de redevances, de loyers et de certains services. Si la mise en application n’est pas encore totalement achevée, les recettes prévisionnelles générées par la BEAT sur les dix prochaines années sont estimées à environ 149.6 milliards USD (soit environ 119.7 milliards EUR).
Encadré 4.7. Royaume-Uni : un impôt « sur les bénéfices détournés »
L’impôt sur les bénéfices détournés mis en place au Royaume-Uni est un impôt distinct, au taux de 25 % (soit un taux majoré par rapport au taux légal de l’impôt sur les bénéfices des sociétés qui était de 19 % en 2017), qui vise exclusivement les bénéfices considérés comme ayant été artificiellement détournés hors du Royaume-Uni1. Il est assorti d’un régime administratif spécifique, qui prévoit une « période d’évaluation » de 12 mois permettant de conduire un dialogue entre le contribuable et l’administration fiscale pour déterminer le montant de l’impôt dû. Les bénéfices détournés hors du Royaume-Uni sont identifiés en utilisant deux grands principes : la règle relative au contournement du statut d’établissement stable, et la règle relative à la définition de dispositions alternatives2. Ces règles couvrent potentiellement un large éventail de pratiques de BEPS, au-delà des structures utilisées par les entreprises à forte composante numérique.
Règle relative au contournement du statut d’ES
Cet aspect de l’impôt sur les bénéfices détournés concerne principalement les entreprises non résidentes ayant mis en place des dispositifs artificiels dans le but de contourner le statut d’ES au Royaume-Uni. Il est associé à l'application d’un seuil élevé de chiffre d’affaires de manière à en limiter les effets (et à limiter le régime de respect des obligations fiscales) aux seules grandes entreprises multinationales3. Si elle utilise certains éléments de la définition traditionnelle de l’établissement stable aux fins de l’impôt sur le revenu, l’objectif recherché rejoint pour partie les objectifs de politique fiscale qui ont motivé la récente proposition de définition révisée de l’établissement stable au titre de l’Action 7 du projet BEPS.
Cette règle est conçue pour cibler une catégorie précise de structures commerciales : l’utilisation d’une « société de facturation » dont les activités sont assurées grâce à des effectifs établis localement (généralement une filiale ou une succursale locale)4, afin de fournir à distance des biens et des services à des clients finals directement depuis la « société de facturation » plutôt qu’à partir d’une filiale ou d’une succursale locale exerçant des activités de vente significatives. Ces dispositifs se caractérisent souvent par des ventes de produits et de services destinées à des clients locaux et assurées par des employés locaux, mais réalisées au titre de contrats conclus à l’étranger. L’objectif est de fournir des biens et des services à des clients locaux en s’appuyant sur des activités exercées localement, mais en évitant de créer un ES sous forme d’agent dépendant dans le pays du marché. Dans la pratique, les entreprises qui fournissent des biens et services numériques sont souvent en mesure de mettre en place de tels dispositifs. Une structure entre dans le champ d’application de l’impôt sur les bénéfices détournés s’il est raisonnable de considérer que « l’un des principaux objectifs » du dispositif liés aux fournitures de biens ou services – à savoir, l’activité de la personne située au Royaume-Uni, ou de la société non résidente, ou des deux – consiste à contourner le statut d’établissement stable au Royaume-Uni et donc, à éviter d’acquitter l’impôt sur les bénéfices qui serait dû dans ce pays.
Lorsqu’elle est applicable, cette disposition permet d’imposer l’entité étrangère à l’origine des fournitures au même titre que si les ventes étaient effectuées par l’intermédiaire d’un établissement stable situé au Royaume-Uni. La base d’imposition doit être déterminée conformément aux principes fiscaux de référence, notamment ceux relatifs au calcul des prix de transfert, et l’administration fiscale utilise en conséquence la « meilleure estimation possible » obtenue à la date de l’émission de l’avis d’imposition, sachant qu’un réexamen ou des modifications peuvent intervenir durant la « période d’évaluation » de 12 mois5. Par ailleurs, la règle relative à la définition de dispositions alternatives appliquée aux fins de l’impôt sur les bénéfices détournés peut conduire à refuser pour tout ou partie la déduction d’un paiement supporté par l’entité étrangère si celui-ci a pour effet d’éroder la base d’imposition6, et autorise l’application d’une retenue de 25 % tenant lieu de retenue à la source sur les paiements de redevances effectués par le contribuable non-résident en lien avec une entité non présentée comme un ES, sous réserve des limitations prévues par les conventions visant à éviter les doubles impositions.
La règle relative à la définition de dispositions alternatives appliquée aux transactions intra-groupe
Cette disposition de l’impôt sur les bénéfices détournés reprend certains aspects des règles de calcul des prix de transfert qui concernent la requalification, et vise essentiellement des opérations réalisées au sein d’un groupe (portant généralement sur des concessions de licences, des transferts de propriété intellectuelle, des locations d’équipements, ou de services de gestion) qui impliquent des entreprises résidentes ou des entreprises non résidentes du Royaume-Uni disposant d’un établissement stable au Royaume-Uni ou d’un établissement stable non présenté comme tel7. Dans la pratique, de telles opérations sont mises en place par les groupes d’entreprises multinationales dans tous les secteurs de l’économie8. La règle relative à la définition de dispositions alternatives peut s’appliquer à la fois en cas de déductions excessives (notamment les paiements qui ont des effets d’érosion de la base d’imposition) et de sous-évaluation des revenus (via des actifs transférés ou des services facturés selon des prix sous-évalués ou anormalement bas), dès lors que les deux conditions suivantes sont réunies :
L’obtention de « résultats fiscaux asymétriques » au regard du « critère des 80 % » : la déduction excessive ou le revenu détourné du Royaume-Uni donne lieu au paiement d’un impôt étranger inférieur à 80 % de la réduction de l’impôt britannique résultant de la charge ou de la réduction de revenu (c’est-à-dire l’avantage fiscal obtenu) 9 ; et
Le critère de l’insuffisance de la substance économique : il est raisonnable de considérer que le dispositif a été conçu afin d’obtenir un avantage fiscal, et que cet avantage fiscal est supérieur aux autres avantages financiers découlant du dispositif10.
En conséquence, aux fins du calcul de la base d’imposition, le dispositif soumis à examen pourra être totalement ignoré dès lors qu’il est raisonnable de considérer que la transaction n’aurait pas été conclue en l’absence de l’avantage fiscal obtenu11. En outre, lors du calcul initial du montant dû au titre de l’impôt sur les bénéfices détournés (l’établissement de l'avis d’imposition), une réduction de 30 % peut être appliquée au paiement considéré s’il est « raisonnable de conclure » que les dépenses ont été surévaluées au regard du principe de pleine concurrence. En tout état de cause, le montant final dû au titre de l’impôt sur les bénéfices détournés tel qu’établi à l’issue de la période d’évaluation sera calculé conformément au principe de pleine concurrence.
Caractéristiques et objectifs communs
Les caractéristiques des normes décrites ci-dessus soulignent que l’objectif principal de l’impôt sur les bénéfices détournés n’est pas de générer une obligation fiscale distincte, mais bien d’exercer un effet dissuasif sur les transferts de bénéfices et de renforcer le respect de la législation fiscale en matière d’impôt sur le revenu. En effet, dans de nombreux cas, la créance fiscale initialement calculée par l’administration au titre de cet impôt, selon le taux majoré de 25 %, pourra être remplacée, durant la période d’évaluation de 12 mois, par un nouveau calcul des prix de transfert aux fins de l’impôt sur les bénéfices des sociétés. Le montant de l’impôt dû sera alors calculé selon le taux normal de 19 % de l’impôt sur les sociétés12. Cette disposition doit dissuader les grandes entreprises multinationales d’entrer dans le champ d’application de l’impôt sur les bénéfices détournés et les inciter à acquitter un supplément d’impôt sur les bénéfices, le plus souvent en modifiant leurs structures commerciales (notamment en adoptant le modèle du revendeur local, par exemple une filiale locale d’achat-revente) et/ou en ajustant par elles-mêmes leurs prix de transfert afin de refléter fidèlement les bénéfices générés par les activités réalisées au Royaume-Uni.
Un examen plus approfondi révèle que l’impôt sur les bénéfices détournés est donc aussi, voire avant tout, un régime administratif unique destiné à inciter les grandes entreprises multinationales à davantage de transparence et à une coopération accrue avec l’administration fiscale. Le processus conduit durant la période d’évaluation de 12 mois présente quatre grandes caractéristiques :
(i) un paiement immédiat par le contribuable du montant dû au titre de l’impôt sur les bénéfices détournés, sans possibilité de suspension ou de report (selon le principe « payer d'abord, contester ensuite »)13;
(ii) la latitude dont dispose l'administration fiscale pour appliquer les dispositions de l'impôt sur les bénéfices détournés jusqu'à la fin de la période d'évaluation14;
(iii) la charge de la preuve qui incombe au contribuable pour contester la « meilleure estimation » établie par l’administration fiscale, en fournissant les renseignements pertinents en temps utile durant la période d’évaluation ; et
(iv) l’interaction possible avec les procédures relatives aux prix de transfert, et la possibilité, dans de nombreuses situations, d’ajuster ces prix au cours de la période d’évaluation pour éviter ainsi d’être soumis à l’impôt sur les bénéfices détournés15.
L’ensemble de ces mesures qui étendent les pouvoirs de l’administration fiscale doivent inciter les grandes entreprises multinationales à communiquer en temps utiles les renseignements pertinents sur certaines opérations présentant des risques élevé en matière de prix de transfert. Il s’agit en particulier des informations relatives aux opérations et activités conduites par des entités liées situées à l’étranger qui appartiennent à la même chaîne de valeur que des entités britanniques. À cet égard, l’impôt sur les bénéfices détournés facilite l’analyse des chaînes de valeur mondiales des grandes entreprises multinationales sur une base consolidée aux fins du calcul des prix de transfert, et présente donc des objectifs communs avec ceux retenus par les Actions 12 et 13 du projet BEPS.
Autres aspects à prendre en compte
L’administration fiscale britannique a indiqué que la grande majorité des entreprises multinationales susceptibles d’entrer dans le champ d’application de l’impôt sur les bénéfices détournés ont déjà pris les mesures nécessaires pour éviter de se voir appliquer une telle obligation fiscale (et de supporter l’incertitude qui en découle), notamment en modifiant leurs structures commerciales ou en communiquant en temps voulu les renseignements pertinents16. Ces progrès sur le front de la transparence fiscale pourraient accélérer de manière significative le règlement des différends en matière de prix de transfert, renforcer le respect de la législation fiscale et, par voie de conséquence, accroître le montant des recettes fiscales recouvrées.
Il ressort jusqu'ici des informations communiquées par le Royaume-Uni que les recettes recouvrées au titre de l'impôt sur les bénéfices détournés se sont chiffrées au total à 31 millions GBP (soit environ 38 millions EUR et 46 millions USD) en 2015/16 et 281 millions GBP (soit environ 330 millions EUR et 376 millions USD) en 2016/17, en prenant en compte le surcroît d'impôt sur les sociétés résultant de changements dans les comportements des contribuables17. Au cours de l'année écoulée, sur les 281 millions GBP (soit environ 330 millions EUR et 376 millions USD) recouvrés, le montant perçu grâce à l'émission d'avis d'imposition s'est chiffré à 138 millions GBP (soit environ 162 millions EUR et 185 millions USD)18.
1. L’impôt sur les bénéfices détournés, qui a été conçu comme un impôt distinct, a vocation à rester hors du champ d’application des conventions visant à éviter les doubles impositions. En conséquence, il est peu probable qu’il donne lieu à un allégement de la double imposition dans une autre juridiction. Toutefois, cet impôt est assorti d’un mécanisme spécifique d’allégement des doubles impositions, qui autorise un crédit d’impôt au titre de tout impôt sur le revenu payé au Royaume-Uni ou à l’étranger sur les mêmes bénéfices (y compris, au titre d’une imposition sur les SEC), dans un délai donné.
2. La règle relative à la définition de dispositions alternatives permet de substituer au dispositif mis en place par le contribuable d’autres dispositions raisonnables conformes aux règles de l’impôt sur le revenu et au principe du prix de pleine concurrence. Elle présente des caractéristiques communes avec les règles de « non-reconnaissance » ou de « requalification », puisqu’elle permet dans certains cas d’annuler différentes opérations mises en place par le contribuable pour leur substituer d’autres dispositions reflétant plus fidèlement la substance économique des operations.
3. Une exonération est accordée à titre individuel aux sociétés résidentes et non résidentes qui ne répondent pas à la définition de PME retenue en droit interne. De plus, la règle relative au contournement du statut d’ES s’applique uniquement lorsque le chiffre d’affaires annuel réalisé en lien avec le Royaume-Uni dépasse 10 millions GBP (environ 11 millions EUR), ou que les dépenses annuelles encourues en lien avec le Royaume-Uni excèdent 1 million GBP (environ 1.1 million EUR).
4. La règle s’applique uniquement en présence d’une personne (un résident du Royaume-Uni ou l’établissement stable d’un non-résident situé dans ce pays) exerçant une activité au Royaume-Uni « en lien » avec les fournitures de biens et services (à savoir, lorsqu’il existe un facteur de rattachement d’une activité commerciale exercée localement). Aucune condition de participation ne s’applique, cependant une exemption est possible si la personne située au Royaume-Uni a la qualité d’agent indépendant.
5. Lors du calcul des bénéfices attribuables à une entité étrangère en lien avec le contournement du statut d’ES, il conviendrait de déterminer la rémunération de pleine concurrence revenant à l’entité britannique (ou ES) pour les services fournis à l’entité étrangère, et de la déduire de ces bénéfices. La législation ne précise pas si un quelconque bénéfice resterait attribuable à l’ES non présenté comme tel après le versement de la rémunération de pleine concurrence à l’entité britannique (ou ES).
6. Les opérations réalisées entre l’entité étrangère et des parties liées peuvent être pertinentes aux fins du calcul des bénéfices de l’ES non présenté comme tel mis en place par l’entité étrangère. Plus précisément, lorsque les paiements effectués par l’entité étrangère en faveur d’une autre entité liée sont couverts par la règle sur la définition de dispositions alternatives (du fait que ces transactions ne présentent pas une réalité économique suffisante), les bénéfices revenant à l’ES non présenté comme tel sont calculés comme si l’entité étrangère n’avait pas procédé à l’opération d’érosion des bénéfices
7. Cette disposition ne s’applique qu’aux opérations intragroupe ponctuelles ou récurrentes (à savoir, l’« opération effective ») conclues entre un résident britannique (ou un ES britannique) et une personne liée (non-résidente ou résidente au Royaume-Uni). Une exception est prévue pour les opérations de prêt (paiements d’intérêts).
8. Par conséquent, l’impôt sur les bénéfices détournés se concerne pas uniquement les entreprises à forte composante numérique, mais peut être applique à des contribuables de tous les secteurs d’activité (BBC NEWS, 2017[1]).
9. Cette mesure tient compte de l’impôt dû à l’étranger comme suite au dispositif mis en place par le contribuable et/ou par toute autre entité liée, et non du taux légal d’imposition. Certains allègements pour pertes ou déductions « éligibles » au niveau de l’entité liée ne sont pas pris en compte lors de ce calcul..
10. Les « autres avantages financiers » découlant du dispositif qui peuvent être évalués et comparés à l’avantage fiscal obtenu sont définis au sens large (économies d’échelle et de gamme, synergies de groupe, autres avantages non fiscaux obtenus grâce au choix de localisation, notamment liés au cadre juridique, au savoir-faire ou au coût de la main-d’œuvre). À titre d’exemple, les orientations fournies par l’administration fiscale précisent : « Ce n’est pas le montant de la transaction, ni la valeur des biens ou services achetés ou vendus dans ce cadre, qui est comparé avec le montant de l’avantage fiscal obtenu. L’objectif consiste à calculer la valeur économique non fiscale générée par la transaction et d’établir si celle-ci est, ou non, supérieure à l’avantage fiscal obtenu. En ce sens, il s’agit de vérifier l’existence d’un fondement économique pour la transaction au regard de la valeur ajoutée obtenue de manière directe et indirecte, afin de déterminer si la transaction est conduite avant tout à des fins fiscales, ou si elle répond à une logique commerciale. » (DPT 1191 (HM Revenue & Customs, 2015[2] ; HM Revenue & Customs, 2015[2])).
11. Il s’agit d’une exigence supplémentaire introduite par la règle de non-reconnaissance, qui repose sur l’analyse contrefactuelle des options réalistes envisageables par le contribuable.
12. L’article 83 de la Loi britannique de finances précise ainsi qu’une créance fiscale calculée au titre de l’impôt sur les bénéfices détournés peut être remplacée par un « ajustement de tous les prix de transfert » dès lors que « tous les bénéfices détournés de la société durant l’exercice comptable sont inclus, avant la fin de la période d’évaluation, dans la déclaration déposée par la société aux fins de l’impôt sur les bénéfices des sociétés pour l’exercice considéré ».
13. L’impôt sur les bénéfices détournés qui est dû doit être acquitté « immédiatement », dans les 30 jours suivant l’émission de l’avis d’imposition, sans aucune possibilité de contestation, de suspension ou de report pendant la période d’évaluation (« payez maintenant, vous argumenterez après »). Le contribuable peut contester la décision de l’administration fiscale dans les 30 jours suivant la notification de l’avis d’imposition final.
14. La base d’imposition provisoire prise en compte pour émettre l’avis d’imposition initial est calculée selon la « meilleure estimation possible » établie par l’administration fiscale conformément au principe de pleine concurrence et le contribuable n’a aucune possibilité de contester cette évaluation devant un tribunal avant la fin de la période d’évaluation.
15. Au cours de la période d’évaluation, grâce aux renseignements supplémentaires transmis par le contribuable, l’administration fiscale peut émettre un avis d’imposition « supplémentaire » ou « rectificatif » au titre de l’impôt sur les bénéfices détournés et modifier le montant de la créance fiscale correspondante. Le montant finalement dû peut ainsi évoluer à la hausse ou à la baisse, voire être ramené à zéro.
16. L’administration fiscale britannique a indiqué avoir reçu 48 puis 145 notifications concernant l’impôt sur les bénéfices détournés respectivement en 2015/16 et 2016/17 (HM Revenue and Customs, 2017[3]). Néanmoins, cette obligation de notification ne conduit pas nécessairement au recouvrement d’une créance fiscale au titre de l’impôt sur les bénéfices détournés ni à un changement de comportement au regard des règles fiscales. Au cours de l’exercice 2015/16, l’administration fiscale britannique n’a pas émis d’avis d’imposition préliminaire ou définitif au titre de cet impôt. Durant l’exercice 2016/17, elle a établi 16 avis préliminaires et 14 avis définitifs.
17. Ces changements de comportement peuvent être la conséquence d’une enquête sur les activités du contribuable conduite aux fins de l’impôt sur les bénéfices détournés (par exemple, ajustements pratiqués par l’entreprise durant la période d’évaluation de 12 mois) ou résulter d’un changement d’attitude spontané de la part du contribuable. Les recettes supplémentaires ainsi générées peuvent uniquement faire l’objet d’une estimation par l’administration fiscale concernée.
18. Le détail des différentes recettes fiscales figure dans le Rapport annuel de l’administration fiscale britannique (HMRC) pour 2016/17 (HM Revenue and Customs, 2017[4]). La méthodologie utilisée pour estimer les recettes supplémentaires générées au titre de l’impôt sur les sociétés est décrite dans un autre rapport (HM Revenue and Customs, 2017[5]).
Encadré 4.8. Australie : une loi pour lutter contre l’évasion fiscale des multinationales
En Australie, la Multinational Anti-Avoidance Law (loi MAAL) est une règle anti-abus adoptée aux fins de l’impôt sur les sociétés, sur fond de vaste débat autour du niveau des impôts acquittés par les entreprises multinationales1. Elle reprend certains aspects de l’impôt sur les bénéfices détournés mis en place au Royaume-Uni relatifs au contournement du statut d’établissement stable (ES), et rejoint pour partie les objectifs d’action publique qui ont motivé la récente proposition de définition révisée de l’établissement stable au titre de l’Action 7 du projet BEPS.
Cette mesure fonctionne comme une règle visant à éviter le contournement du statut d’établissement stable dont le champ d'application est restreint aux entreprises non résidentes appartenant à des grandes entreprises multinationales2. Cette règle est conçue pour cibler une catégorie précise de structures commerciales : à savoir le recours à une « société de facturation située à l’étranger », mais dont les activités sont assurés grâce à des effectifs établis localement (généralement une filiale locale)3, dans le but de fournir à distance des biens et des services à des clients finals en Australie. Ces dispositifs se caractérisent par des ventes de produits et de services destinés à des clients locaux et assurées par des employés locaux, mais réalisées au titre de contrats signés à l’étranger. La finalité est de fournir des biens et services à une clientèle australienne tout en limitant l’impôt dû par l’entreprise multinationale en Australie, en évitant la création d’un ES constitué d’un agent dépendant dans ce pays. Ces structures sont, dans la pratique, souvent possibles pour les entreprises prestataires de biens et services numériques. Elles entrent dans le champ d’application de la loi MAAL lorsque tout ou partie des revenus générés par les flux entrants de fournitures ne sont pas attribuables à un ES en Australie, et qu’il est raisonnable de conclure que l’« objet principal » du dispositif est l’obtention de l’avantage fiscal correspondant (ou d’un avantage fiscal assorti d’une réduction des impôts étrangers)4.
Lorsqu’elle est applicable, cette mesure entraîne l’annulation de l’avantage fiscal obtenu par l’entreprise multinationale, moyennant la requalification du dispositif pour tenir compte de ce qui aurait dû se produire si ledit dispositif n’avait pas été mis en place. D’une manière générale, l’application de la mesure se traduira par l’attribution du revenu à un ES présumé de l’entité étrangère, conformément à la définition traditionnelle de l’ES (voir, par exemple, l’article 5 du Modèle de Convention fiscale de l’OCDE). Lorsque l’existence d’un ES est présumée, les bénéfices nets attribuables à ce dernier sont déterminés conformément au principe de pleine concurrence5. La mesure permet en outre l’application, sur une base brute, d’une retenue à la source de 30 % sur les paiements de redevances éventuelles, et/ou de 10 % sur les intérêts considérés comme provenant de l’ES présumé6, auxquelles pourra venir s’ajouter une pénalité supplémentaire dont le montant pourra atteindre 100 % de l’impôt qui aurait dû être acquitté (voire 120 % en présence de circonstances aggravantes)7.
Cette mesure, conjuguée à la pénalité prévue, vise à exercer un effet dissuasif sur certaines pratiques, comme l’utilisation, par des contribuables, de structures commerciales pour vendre à distance des produits et services numériques. Aucun redressement n’a encore été réalisé suite à l’adoption de la loi MAAL, mais selon les informations fournies par les administrations fiscales locales, environ 38 contribuables ont procédé, ou procèdent actuellement, à des restructurations de leurs dispositifs commerciaux, en passant notamment à un modèle de distribution locale de plein exercice8.
À ce jour, compte tenu des recettes totales des grandes entreprises multinationales qui ont réorganisé leurs structures commerciales en Australie en réaction à l'adoption de la loi MAAL, l'administration fiscale australienne a estimé que quelque 100 millions AUD (soit l'équivalent d'environ 72 millions EUR et 77 millions USD) de recettes supplémentaires provenant de l'impôt sur les sociétés seront recouvrées chaque année, ce qui correspond à la réinjection d’environ 7 milliards AUD (soit l’équivalent de 5 milliards EUR et de 5.4 milliards USD) par an dans la base d'imposition de l’Australie.
1. La loi MAAL est définie à la section 177 DA de la loi relative à l’évaluation de l’impôt sur le revenu (Income Tax Assessment Act) de 1936.
2. Le champ d’application de cette mesure est limité aux entreprises non résidentes membres d’un groupe d’entreprises multinationales de vaste dimension mondiale (à savoir qui réalisent un chiffre d’affaires annuel mondial ou consolidé d’au moins un milliard AUD, soit environ 720 millions EUR).
3. Cette règle, pour être applicable, nécessite l’existence d’une entité locale « associée » ou « commercialement dépendante » (généralement une filiale ou un ES) exerçant des activités « directement en lien » avec les prestations considérées (autrement dit l’existence d’une activité commerciale locale).
4. Le critère de « l’objet » consiste à appliquer un seuil moins restrictif que le critère du « seul objet ou de l’objet essentiel » applicable en vertu de la règle générale anti-abus en vigueur en Australie. Il convient de noter que la détermination de l’objet du dispositif vise notamment à savoir si les flux entrants de fournitures sont ou ne sont pas normalement taxés au titre de l’impôt sur les sociétés dans une autre jurisdiction.
5. La base d’imposition est calculée selon les règles communes de l’impôt sur les sociétés, et minorée au titre des revenus commerciaux attribuables à l’ES. De plus, il serait également nécessaire, aux fins du calcul des bénéfices attribuable à l’ES non présenté comme tel, de déterminer et déduire une rémunération de pleine concurrence des services fournis à l’entité étrangère par l’entité australienne (ou l’ES australien).
6. Sous réserve de taux plus faibles applicables en vertu d’une exemption nationale ou d’une convention fiscale en vigueur.
7. Les autorités fiscales sont habilitées à réduire ou à lever la pénalité.
8. Le terme « distributeur local de plein exercice » désigne un revendeur qui devient propriétaire des biens ou des services vendus aux clients locaux. Cela crée un point local de comptabilisation des recettes, car les recettes commerciales générées par les transactions avec des clients locaux seront comptabilisées dans les états financiers et dans la déclaration de revenu de cette entité locale. En outre, un « distributeur de plein exercice » supporte généralement les risques associés à l’achat, à la détention et à la vente des produits.
Encadré 4.9. Australie : un impôt « sur les bénéfices détournés »
En Australie, la loi relative à l’impôt sur les bénéfices détournés a été adoptée en avril 2017. Elle vient compléter les règles anti-abus applicables aux fins de l’impôt sur le revenu1. La mesure est applicable à la fois aux entreprises résidentes et non résidentes et fonctionne comme une disposition alternative2 qui vise exclusivement les grandes entreprises multinationales3 et les transactions transfrontalières intra-groupe. Ces transactions portent généralement sur des concessions de licences, des transferts de propriété intellectuelle, des locations d’équipements, l’octroi de prêts ou la fourniture de services de gestion4. La disposition alternative peut s’appliquer à la fois en cas de déductions excessives (paiements ayant pour effet d'éroder la base d'imposition, par exemple) et de sous-évaluation des revenus (via des actifs transférés ou des services facturés selon des prix sous-évalués ou anormalement bas), dès l’instant où l’obtention de l’avantage fiscal considéré constitue « l’objet principal ou l’un des objets principaux » du dispositif5. L’absence ou l’insuffisance de renseignements fournis par le contribuable n’empêchent pas l’administration fiscale de déterminer l’objet principal du dispositif. De façon analogue, l’administration fiscale n’est pas tenue de chercher activement des informations pour corroborer ses conclusions sur l’objet du dispositif.
Afin de limiter les incertitudes et risques inhérents à l’application du critère de l’objet principal, un certain nombre de mesures de protection ont été introduites afin d’accroître la prévisibilité de l’application de l’impôt sur les bénéfices détournés pour les contribuables. Une exemption est en particulier prévue pour les dispositifs qui remplissent l’une des conditions suivantes :
Le seuil de minimis : le total de la somme du revenu du contribuable local, des bénéfices détournés et de tout autre revenu de source australienne du groupe multinational dont est membre le contribuable local n'excède pas 25 millions AUD (soit l'équivalent d'environ 16 millions EUR et 19 millions USD) ;
Le critère de la substance économique : il est « raisonnable de conclure » que les bénéfices dégagés par chaque entité (y compris le contribuable local) en lien avec le dispositif sont proportionnés à ses activités et à sa contribution au dispositif6; ou
Le critère de l’impôt étranger : il est « raisonnable de conclure » que les impôts étrangers acquittés sur les revenus transférés dans le cadre du dispositif représentent 80 % ou plus de la réduction de l’impôt australien obtenue par le contribuable concerné. Cela correspond généralement à l’application d’un taux d’imposition étranger supérieur à 24 % sur les paiements ayant pour effet d'éroder la base d'imposition7.
La base d’imposition correspond à l’avantage fiscal découlant du dispositif, tel que déterminé par l’administration fiscale sur la base du dispositif qui aurait été mis en place en l’absence de toute motivation d’ordre fiscal. Par exemple, il pourrait s’agir d’évaluer pour tout ou partie certains paiements ayant pour effet d'éroder la base d'imposition en s’appuyant sur le principe de pleine concurrence (intérêts, redevances et frais de gestion par exemple). Cette base d’imposition est soumise à un taux d’imposition dissuasif de 40 % (contre 30 % pour le taux légal de l’impôt sur les sociétés), mais les autorités fiscales ont la possibilité de substituer à l’impôt dû sur les bénéfices détournés un impôt sur les bénéfices des sociétés réajusté, calculé sur la base d’un taux légal inférieur. Cette mesure vise essentiellement à exercer un effet dissuasif et à améliorer le respect de la législation fiscale applicable aux entreprises. Les grandes entreprises multinationales sont ainsi encouragées à éviter l’impôt sur les bénéfices détournés en modifiant par elles-mêmes leurs dispositifs et en s’acquittant d’un impôt sur les sociétés calculé selon un taux plus faible. À cet égard, cette mesure rejoint pour partie les objectifs d’action publique qui ont motivé la révision des Principes applicables en matière de prix de transfert au titre des Actions 8-10 du projet BEPS.
Un examen plus approfondi révèle que l’impôt sur les bénéfices détournés est donc aussi, voire avant tout, un régime administratif destiné à inciter les grandes entreprises multinationales à davantage de transparence et à une coopération accrue avec l’administration fiscale. Le processus conduit durant la période d’évaluation de 12 mois8 présente quatre grandes caractéristiques :
(i) un paiement immédiat par le contribuable du montant dû, dans les 21 jours suivant le calcul de l’impôt sur les bénéfices détournés à acquitter, sans possibilité d’appel, de suspension ou de report avant la fin de la période d’évaluation. Celle-ci est fixée par défaut à 12 mois, mais peut être raccourcie à la demande du contribuable (approche dite « payer d’abord, contester ensuite »)9,
(ii) la latitude laissée à l’administration fiscale sur la manière d’appliquer les règles d’imposition sur le revenu jusqu’à la fin de la période d’évaluation10,
(iii) la charge de la preuve qui incombe au contribuable pour contester l’estimation établie par l’administration fiscale, en fournissant les renseignements pertinents en temps utile durant la période d’évaluation, et
(iv) des liens possibles avec un ajustement de l’impôt sur le revenu, qui pourra venir se substituer à un impôt dû au titre des bénéfices détournés à tout moment de la période d’évaluation11.
L’ensemble de ces mesures qui étendent les pouvoirs de l’administration fiscale doivent inciter les grandes entreprises multinationales à communiquer en temps utiles les renseignements pertinents sur certaines opérations présentant des risques élevés en matière de prix de transfert. Il s’agit notamment des informations relatives aux opérations et activités conduites par des entités liées situées à l’étranger qui appartiennent à la même chaîne de valeur que des entités australiennes. À cet égard, l’impôt sur les bénéfices détournés facilite l’analyse des chaînes de valeur mondiales des grandes entreprises multinationales sur une base consolidée aux fins du calcul des prix de transfert, et présente donc des objectifs communs avec ceux retenus par les Actions 12 et 13 du projet BEPS.
En Australie, l’État compte que l'impôt sur les bénéfices détournés permettra de recouvrer 100 millions AUD de recettes (soit l'équivalent d'environ 72 millions EUR et 77 millions USD) par an en 2018-19 et 2019-20. Cette estimation englobe les recettes fiscales recouvrées dans le cadre de l’impôt sur les bénéfices détournés, ainsi que les recettes supplémentaires collectées au titre de l’impôt sur les sociétés.
1. La loi relative à l’impôt sur les bénéfices détournés constitue une extension de la Partie IVA de la loi relative à l’évaluation de l’impôt sur le revenu (Income Tax Assessment Act) de 1936, définie aux sections 177H à 177R.
2. Le fonctionnement de l’impôt sur les bénéfices détournés implique généralement de substituer au dispositif mis en place par le contribuable d’autres dispositions raisonnables conformes aux règles de l’impôt sur le revenu et au principe du prix de pleine concurrence. Cette mesure présente des caractéristiques communes avec les règles de « non-reconnaissance » ou de « requalification », puisqu’elle permet dans certains cas d’annuler différentes opérations mises en place par le contribuable pour leur substituer d’autres dispositions reflétant plus fidèlement la substance économique des operations.
3. Le champ d’application de l’impôt sur les bénéfices détournés est limité aux contribuables locaux (à savoir les entreprises résidentes ou les ES locaux d’entreprises non résidentes) qui sont membres d’un groupe d’entreprises multinationales de vaste dimension mondiale (à savoir qui réalisent un chiffre d’affaires annuel mondial ou consolidé d’au moins un milliard AUD, soit environ 720 millions EUR et 770 millions USD). L’exposé des motifs de la loi relative à l’impôt sur les bénéfices détournés estime à 1600 le nombre de contribuables qui pourraient potentiellement entrer dans le champ de cette mesure. Seul un petit pourcentage de ces entreprises devrait avoir à se rapprocher des autorités fiscales pour l’évaluation du risque au titre de cet impôt.
4. L’impôt sur les bénéfices détournés est conçu pour cibler certains dispositifs – ou « montages », à savoir les transactions ou séries de transactions (voire les action ou comportements) conclues entre le contribuable local et une entité non-résidente liée – entraînant pour le contribuable local (voire, dans certains cas, pour le contribuable local et un autre contribuable) un traitement fiscal plus avantageux que celui qui aurait été obtenu si le dispositif n’avait pas été mis en œuvre – qualifié « d’avantage fiscal ».
5. Le critère de « l’objet » applique un seuil moins restrictif que le critère du « seul objet ou de l’objet essentiel » applicable en vertu de la règle générale anti-abus en vigueur en Australie, et fait implicitement référence au critère des « objets principaux » recommandé dans le Rapport sur l’Action 6 de 2015 pour évaluer l’admissibilité aux avantages prévus par les conventions fiscales. Il s’applique à l’objet visé par le contribuable local et/ou toute autre entité intervenant dans le dispositif, compte tenu de l’ensemble des faits et circonstances. L’exposé des motifs de la loi contient d’importances lignes directrices visant à clarifier l’application de ce critère. Il présente notamment des exemples d’avantages financiers non fiscaux découlant du dispositif, qui peuvent être évalués et mis au regard de l’avantage fiscal obtenu : gains de productivité et/ou économies, valeur ajoutée et/ou synergies, avantages liés au choix de la localisation (savoir-faire local, moindres coûts de main d’œuvre), réduction des coûts hors impôts sur le revenu, subventions publiques (ne concernant pas l’impôt). Il est important de noter que la prise en compte d’autres avantages commerciaux non quantifiables peut néanmoins se révéler pertinente aux fins de l’évaluation de l’objet du dispositive.
6. Le critère de la substance économique prend en compte l’ensemble des faits et circonstances pertinents, comme le comportement des parties, le contexte économique et commercial dans lequel s’inscrivent les activités concernées, ainsi que l’objet et l’impact de ces activités. Le calcul est généralement fondé sur l’analyse des prix de transfert compte tenu des fonctions exécutées, des actifs utilisés et des risques encourus par chacune des entités parties au dispositif. L’exposé des motifs fait explicitement référence à la version des Principes applicables en matière de prix de transfert révisée au titre des Actions 8-10 du projet BEPS, et notamment à la « définition clairement délimitée de la transaction réelle ». En outre, l’impôt sur les bénéfices détournés ne s’applique pas aux dispositifs qui se traduisent par le transfert commercial d’activités et de fonctions économiques vers une juridiction à faible fiscalité dès l’instant où le transfert est effectué conformément aux principes de pleine concurrence et où les risques et les actifs transférés sont correctement valorisés.
7. Le critère retenu est le montant des impôts sur le revenu en lien avec le dispositif qui ont été réellement acquittés à l’étranger (c’est-à-dire après déduction des pertes, utilisation des crédits d’impôts et autres dispositifs fiscaux) par le contribuable local et/ou toute autre entité liée impliquée, et non le taux légal d’imposition. Les impôts indirects (et leurs équivalents étrangers quels qu’ils soient) ne sont pas pris en compte. Ce montant est déterminé à partir d’informations suffisamment fiables fournies par le contribuable local pour pouvoir considérer que l’impôt étranger pris en compte a été, sera, ou devrait être selon toute vraisemblance, acquitté dans un autre pays. Le seuil de 80 % est calculé en comparant l’impôt étranger effectivement acquitté avec un impôt théorique dû en Australie, déterminé en appliquant le taux de droit commun de l’impôt sur les sociétés (30 %) au montant de l’avantage fiscal obtenu.
8. La procédure d’évaluation est mise en œuvre par un comité de lutte contre l’évasion fiscale au sein de l’administration fiscale australienne. Elle débute pas l'émission d'un avis d'imposition au titre des bénéfices détournés qui marque le début d'une période d'évaluation de 12 mois. Pendant cette période, le contribuable a la possibilité de discuter ouvertement avec l'administration fiscale en communiquant des informations supplémentaires pertinentes sur le dispositif incriminé. Ces renseignements peuvent donner lieu à une rectification du montant dû au titre de l’impôt sur les bénéfices détournés, ou au titre de l’impôt sur les sociétés (au taux de 30 %).
9. En vertu du régime applicable, le montant dû au titre de l’impôt sur les bénéfices détournés doit être acquitté « immédiatement », dans les 21 jours suivant la publication de l’avis d’imposition, sans possibilité d’appel pendant la période d’évaluation. Le contribuable peut faire appel dans 60 jours suivant la fin de la période d’évaluation, mais des restrictions sont applicables. Tout renseignement ou document qui n’aurait pas été fourni à l’administration fiscale par le contribuable pendant la période d’évaluation ne pourra généralement plus être présenté dans le cadre d’une procédure d’appel visant à contester le calcul de l’impôt sur les bénéfices détournés.
10. D’une façon générale, au vu de la flexibilité inhérente au critère de l’objet, la base d’imposition provisoire qui sera prise en compte pour émettre l’avis d’imposition initial sera calculée selon la « meilleur estimation » qui peut raisonnablement être faite par les autorités fiscales conformément au principe de pleine concurrence. Le contribuable n'a aucune possibilité de contester l'évaluation devant un tribunal avant la fin de la période d'évaluation.
11. Tout au long et jusqu’à la fin de la période d’évaluation, l’administration fiscale peut émettre un avis d’imposition « supplémentaire » ou « rectificatif » au titre de l’impôt sur les bénéfices détournés (le montant de l’impôt final pourra être revu à la hausse ou à la baisse, voire être ramené à zéro), et modifier le montant dû au titre de l’impôt sur le revenu.
Encadré 4.10. La Base Erosion and Anti-abuse Tax (BEAT) instaurée aux États-Unis
La Base erosion and anti-abuse tax (BEAT) a été adoptée en 2017 dans le cadre d’une réforme fiscale de plus vaste portée – aussi dénommée Tax Cuts and Jobs Act (TCJA)1 – qui a conduit les États-Unis à passer d'un système d'imposition des bénéfices mondiaux des sociétés (principalement axé sur l'imposition dans le pays de résidence) à un système territorial hybride. La BEAT s’applique seulement aux entreprises résidentes ou aux succursales qui sont soumises à l’impôt sur les bénéfices aux États-Unis et son champ d’application est restreint à un nombre limité de transactions intra-groupe. Elle repose sur une approche fondée sur l'application d'une formule et d’ajustements aux fins de la détermination de l'impôt éventuellement dû.
Champ d'application
La BEAT s'applique uniquement aux contribuables américains – à savoir aux entreprises ou établissements stables (ES)2 américains – qui font partie d'un groupe multinational dont les activités aux États-Unis dépassent un seuil de chiffre d'affaires élevé, soit des recettes brutes annuelles moyennes réalisées aux États-Unis de plus de 500 millions USD sur une période de trois ans.
Il faut en outre que le contribuable américain effectue des paiements donnant lieu à une érosion de la base d'imposition équivalant à au moins 3 % du montant total des déductions auxquelles il peut prétendre aux fins de l'impôt sur les bénéfices (chiffre ramené à 2 % pour certaines banques et courtiers en valeurs inscrits). Conformément à la législation, les « paiements donnant lieu à une érosion de la base d'imposition » recouvrent toute somme versée ou due par le contribuable à des parties liées étrangères3 pour lesquelles une « déduction est admissible », ainsi que les montants versés à des parties liées étrangères en lien avec l'acquisition de biens amortissables. La définition exclut généralement les dépenses assimilées, conformément à la législation interne, à une réduction des recettes brutes plutôt qu'à une déduction opérée sur les bénéfices bruts, au même titre que le coût des biens vendus4. La législation exclut en outre les paiements suivants qui sont déductibles par ailleurs : (i) les paiements effectués en contrepartie de services de routine fournis sans marge bénéficiaire, à savoir les paiements éligibles à la méthode du coût des services en vertu de la réglementation américaine (Treasury Regulation section 1.482-9(b)) telle que modifiée à cette fin par la législation ; (ii) les paiements au titre d'instruments dérivés éligibles ; (iii) les paiements soumis à une retenue à la source aux États-Unis5.
Règles de calcul (formule)
Le montant de l'impôt dû correspond au solde excédentaire (le cas échéant) obtenu en déduisant :
du montant correspondant à 10 % (taux ramené à 5 % pour 2018, et porté à 13.5 % à compter de 2026)6 du « revenu imposable modifié » au titre de l'exercice, défini comme l'assiette ordinaire de l'impôt sur les sociétés majorée des « paiements donnant lieu à une érosion de la base d'imposition » éventuellement effectués (voir plus haut) ;
le montant de l'impôt ordinaire dont est redevable le contribuable au titre de l'impôt sur les sociétés (taux de 21 %), déduction faite (le solde ne pouvant être négatif) des crédits d'impôt autorisés au titre de l'exercice considéré (à l'exception des crédits d'impôt recherche et d'un montant donné pour les « crédits accordés au titre de la section 38 »), recouvrant notamment le crédit d'impôt au titre du logement accordé aux titulaires de faibles revenus, les crédits d'impôt à la production d'énergies renouvelables et les crédits énergétiques, jusqu'en 2025).
Lorsque le contribuable est redevable d'un certain montant au titre de la BEAT, celui-ci doit être acquitté en plus de l'impôt normalement dû sur les sociétés.
1. Public Law N° 115-97, 22 décembre 2017, Section 14401 introduisant le 59A sur les sociétés étrangères contrôlées dans la sous-section A du chapitre 1 de l’Internal Revenue Code de 1986. Les modifications s'appliqueront aux paiements donnant lieu à une érosion de la base d'imposition qui sont effectués ou doivent être effectués au titre des exercices fiscaux commençant après le 31 décembre 2017.
2. Il s'applique également aux entreprises étrangères exerçant une activité industrielle ou commerciale aux États-Unis aux fins de déterminer l'impôt dû au titre du revenu effectivement lié lorsqu'il n'existe pas de convention prévoyant un seuil relatif à l'ES tel que celui figurant dans les articles 5 et 7 du Modèle de Convention fiscale de l'OCDE.
3. Sont considérées comme des parties liées étrangères tout détenteur d'une participation de 25 % (en droits de vote ou en valeur) dans le capital du contribuable, toutes les personnes qui lui sont liées ainsi que toute autre personne liée au contribuable en vertu de la réglementation américaine sur les prix de transfert.
4. La législation recouvre également expressément les paiements au titre de la réassurance ainsi que les dépenses représentant une réduction des recettes brutes (coût des marchandises vendues notamment) lorsqu'elles sont réglées par une filiale d'un groupe après le 9 novembre 2017.
5. Cette exonération est calculée au prorata (du taux légal de la retenue à la source) lorsqu'un taux réduit s'applique en vertu d'une convention de double imposition. En conséquence, lorsque le taux de la retenue à la source est ramené à zéro en vertu d’une convention de double imposition applicable, le paiement est considéré dans son intégralité comme un « paiement donnant lieu à une érosion de la base d’imposition » aux fins de la législation américaine.
6. Les banques et les courtiers en valeurs inscrits sont assujettis à un taux de BEAT qui augmente d'un point de pourcentage chaque année : 6 % en 2018, 11 % à compter de 2019 et 14.5 % à compter de 2026.
4.7. Conclusions concernant les évolutions pertinentes en matière de politique fiscale
Au vu des évolutions récentes en matière de politique fiscale, il apparaît qu’un nombre croissant de pays adoptent des mesures diverses destinées à protéger leur base d’imposition, notamment des mesures visant les ventes à distance sur leur marché de biens et de services numériques. Certaines caractéristiques sont communes à quelques-unes de ces mesures unilatérales et non coordonnées. En premier lieu, elles visent à protéger et/ou élargir la base d'imposition dans le pays où les clients ou les utilisateurs se situent, généralement en adoptant une conception élargie de l’engagement de l’entreprise dans ce pays. En second lieu, un grand nombre d’entre elles comportent des éléments liés au marché aux fins de la détermination de la base d'imposition (revenues des ventes, lieu de l'utilisation ou de la consommation, par exemple). Enfin, elles semblent traduire une insatisfaction de la part de certains pays face aux résultats produits par le système international actuel d'imposition des bénéfices.
En attendant qu’un consensus puisse être trouvé à l’échelle mondiale sur la manière de relever les défis plus larges en matière de fiscalité directe posés par l’économie numérique, il est probable que d’autres pays vont aussi suivre cette voie et adapter leur système fiscal en recourant à un ensemble de mesures non coordonnées. En septembre 2017, un groupe formé de ministres des Finances de pays de l'Union européenne (UE) a annoncé qu'il envisageait d'appliquer des solutions fondées sur la notion de « taxe de péréquation » sur le chiffre d'affaires généré en Europe par les entreprises numériques37. Ces solutions sont actuellement étudiées par la Commission de l'UE qui devrait proposer un texte législatif courant 201838. Si ces initiatives sont généralement prises en vue de relever le niveau d’imposition des entreprises numériques, elles risquent néanmoins également d'induire des distorsions sur le plan économique ou des situations de double imposition, d'accroître l'incertitude et la complexité, de s'accompagner, pour les entreprises ayant des activités internationales, de coûts de mise en confirmité et, dans certains cas, de conflits potentiels avec des conventions fiscales bilatérales existantes. En outre, elles ont intensifié, dans beaucoup de pays, le sentiment qu'il est urgent de mettre au point des solutions communes pour préserver la cohérence et la pertinence du cadre régissant actuellement, au niveau international, l'imposition des bénéfices.
Références
[19] Alessi, A., J. Goede et W. Wijnen (2012), « The Treatment of Services in Tax Treaties », Bulletin for International Taxation, vol. 66/1.
[8] BakerMcKenzie (2017), « The Thai Revenue Department Introduces a New E-Commerce Tax Law », https://www.bakermckenzie.com/en/insight/publications/2017/07/thai-revenue-department-introduces-new-ecommerce/.
[7] BakerMckenzie (2017), « The Indonesian Government Resumes Discussions on Over-The-Top Regulation », https://www.bakermckenzie.com/en/insight/publications/2017/08/the-indonesian-government/.
[1] BBC NEWS (2017), « Diageo told to pay £107m in extra tax in profits row », http://www.bbc.com/news/business-39871218.
[16] Bureau of Internal Revenue (Philippines) (2003), « Classification of Payments for Software for Income Tax », Circular, http://dx.doi.org/77-2003.
[23] Commission européenne (2017), Un système d’imposition juste et efficace au sein de l’Union européenne pour le marché unique numérique, https://ec.europa.eu/taxation_customs/sites/taxation/files/communication_taxation_digital_single_market_fr.pdf.
[29] Court of Appeal (2014), Decision n°4.
[6] Devranoglu, A. (2016), « Turkey introduces 'electronic place of business' concept », International Tax Review, http://www.internationaltaxreview.com/Article/3548543/Turkey-introduces-electronic-place-of-business-concept.html.
[17] Ernst and Young (2017), « Malaysia enacts Finance Act 2017 », Global Tax Alert, http://www.ey.com/gl/en/services/tax/international-tax/alert--malaysia-enacts-finance-act-2017.
[9] Ernst and Young (2017), « The latest on BEPS », Global Tax Alert, http://www.ey.com/Publication/vwLUAssets/The_Latest_on_BEPS_-_18_December_2017/$FILE/2017G_07140-171Gbl_The%20Latest%20on%20BEPS%20-%2018%20December%202017.pdf.
[12] Ernst and Young (2016), « Saudi Arabian Government clarifies Service PE concept », EY Global Tax Alert, http://www.ey.com/gl/en/services/tax/international-tax/alert--saudi-arabian-government-clarifies-service-pe-concept.
[13] Ernst and Young (2015), « Saudi Arabian tax authorities introduce Virtual Service PE », EY Global Tax Alert, http://www.ey.com/gl/en/services/tax/international-tax/alert--saudi-arabian-tax-authorities-introduce-virtual-service-pe-concept.
[20] Giacobbo, F. (2017), « Brazil: Tax authorities issue guidance on the treatment of software as a service », International Tax Review, http://www.internationaltaxreview.com/Article/3721548/Brazil-Tax-authorities-issue-guidance-on-the-treatment-of-software-as-a-service.html.
[2] HM Revenue & Customs (2015), Diverted Profits Tax: Guidance, https://www.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/480318/Diverted_Profits_Tax.pdf.
[4] HM Revenue and Customs (2017), Annual Report and Accounts 2016-17, https://www.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/635587/HMRC_Annual_Report_and_Accounts_2016-17_web_.pdf.
[5] HM Revenue and Customs (2017), Diverted Profits Tax Yield: methodological note.
[3] HM Revenue and Customs (2017), Transfer Pricing and Diverted Profits Tax statistics, to 2016/17, https://www.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/635330/Transfer_Pricing_and_Diverted_Profits_Tax_statistics.pdf.
[18] HM Revenue and Customs and HM Treasury (2017), Royalties Withholding Tax - Consultation document, https://www.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/663889/Royalties_Withholding_Tax_-_consultation.pdf.
[10] Hoke, W. (2017), « Israel Tax Authority Reportedly to Issue Assessments to Google and Facebook », Tax Notes, http://dx.doi.org/2017-96265.
[11] Kalman, M. (2018), « Israel to Tax Internet Giants With Local Offices: Tax Chief », Bloomberg BNA.
[27] Ministère fédéral autrichien des Finances (2017), « Plan de M. Shelling pour éliminer les possibilités d'évasion et de fraude fiscales », http://www.bmf.gv.at/ministry/press/Schelling_plan.
[28] Ministres des Finances de l'Allemagne, de l'Espagne, de l'Itale et de la France (2017), Political Statement - Joint Initiative on the Taxation of Companies Operating in the Digital Economy, http://www.mef.gov.it/inevidenza/banner/170907_joint_initiative_digital_taxation.pdf.
[26] Nations unies (2017), Point 5 (b) (ii) de l'ordre du jour de la quinzième session, http://www.un.org/ga/search/view_doc.asp?symbol=E/C.18/2017/4&referer=http://www.un.org/esa/ffd/events/event/fifteenth-session-tax.html&Lang=F.
[24] Nations unies, Comité d'experts de la coopération internationale en matière fiscale (2017), Questions relatives à la mise à jour du Modèle de convention des Nations concernant les doubles impositions entre pays développés et pays en développement, http://www.un.org/ga/search/view_doc.asp?symbol=E/C.18/2017/1&referer=http://www.un.org/esa/ffd/events/event/fourteenth-session-tax.html&Lang=F, http://dx.doi.org/Point 3(a) de l'ordre du jour.
[25] Nations unies, Comité d'experts de la coopération internationale en matière fiscale (2014), « Rapport sur les travaux de la dixième session », http://www.un.org/ga/search/view_doc.asp?symbol=E/2014/45&referer=http://www.un.org/esa/ffd/documents/tax-committee-documents.html&Lang=F.
[22] OCDE (2015), Relever les défis fiscaux posés par l'économie numérique, Action 1 - Rapport final 2015, Éditions OCDE, Paris, http://dx.doi.org/10.1787/9789264252141-fr.
[15] Sakellariou, I. (2016), « Greece: Another wide interpretation of royalties against the digital economy », International Tax Review, http://www.internationaltaxreview.com/Article/3580554/Greece-Another-wide-interpretation-of-royalties-against-the-digital-economy.
[14] The Income Tax Appellate Tribunal Bengaluru (2015), , http://www.kluwertaxblog.com/wp-content/uploads/sites/59/2017/08/Bangalore-Tribunal-Ruling.pdf, http://dx.doi.org/IT(TP)A No.1103/Bang/2013 and No.304/Bang/2015.
[21] Zucchetti, S. (2017), « The Italian “Web Tax”: The New Administrative Procedure for Multinational Enterprises to Disclose Hidden Permanent Establishments in Italy », International Transfer Pricing Journal, http://dx.doi.org/24:5.
Notes
← 1. Cette section n’a pas pour but d’être exhaustive, et les mesures présentées ici ont été choisies par le GREN en fonction de leur pertinence au regard des débats sur les défis fiscaux plus larges soulevés par l’économie numérique (voir chapitre I), et des enseignements déjà tirés de leur mise en œuvre. Les mesures simplement annoncées par les pays, mais qui n’ont été suivies d’aucune réglementation, ou encore les mesures dont l’impact et les objectifs semblent trop éloignés des défis fiscaux examinés dans ce rapport pourront notamment ne pas être abordées dans cette section.
← 2. Appliquée dans la plupart des conventions fiscales et des législations nationales, la définition de l’ES comprend deux critères de seuil distincts : (i) une installation fixe par l’intermédiaire de laquelle une entreprise effectue tout ou partie de ses opérations, ou, (ii) lorsqu’aucune installation fixe ne peut être identifiée, une personne qui opère dans le pays comme agent du non-résident et est habilitée à contracter en son nom de façon habituelle. Certains pays et conventions définissent également un « ES de prestation de services », qui présume qu’un ES existe dès lors que des prestations de services sont exécutées dans un autre pays par l’intermédiaire d’une intervention humaine pendant plus d’une certaine durée (plus de tant de jours sur une période de douze mois par exemple). Dans tous les cas de figure, un certain degré de permanence et de présence physique est exigé dans le pays de la source, que ce soit directement par l’intermédiaire d’une installation d’affaires (local, matériel ou installation), ou indirectement par l’intermédiaire d’une personne exerçant habituellement des activités dans le pays de la source.
← 3. Cette section n’examinera pas les mesures autres que la définition traditionnelle de l’ES qui ne sont pas directement liées à la numérisation de l’économie, comme l’application par certains pays de seuils spécifiques pour l’industrie pétrolière et/ou le secteur des assurances.
← 4. Voir paragraphes 279-280 du Rapport sur l’Action 1 de 2015 (OCDE, 2015[22]).
← 5. Parmi les initiatives importantes identifiées par le GREN, on peut citer, entre autres : (i) le projet de proposition présenté en Turquie qui vise l’introduction d’une nouvelle règle nationale relative au lien fondée sur le concept de « lieu d’activité dans un environnement électronique » (projets d’articles 129 et 130 du texte de droit de procédure fiscale n°213, (Devranoglu, 2016[6]), (ii) le projet de proposition présenté en Thaïlande qui vise à étendre aux activités en ligne la définition, applicable en droit interne, « d’exercice d’une activité en Thaïlande » (Projet de loi fiscale applicable au commerce électronique, accessible au public pour consultation jusqu’au 11 juillet 2017, (BakerMcKenzie, 2017[8] ; BakerMcKenzie, 2017[8]), (iii) le projet de réglementation en Indonésie qui vise à introduire un système d’enregistrement obligatoire pour les prestataire étrangers de services over-the-top (OTT) qui proposent leurs services à une clientèle locale (Projet de réglementation émanant du ministère du Commerce, juillet 2017, et projet de Circulaire du ministère des Communications et de l’Informatique (n° 03-2016), avril 2016, (BakerMckenzie, 2017[7] ; BakerMckenzie, 2017[7]), (iv) le projet gouvernemental en Autriche qui vise l’introduction d’un « établissement stable virtuel » aux fins du droit interne et des conventions, ministère fédéral autrichien des Finances (Ministère fédéral autrichien des Finances, 2017[27]).
← 6. Avec effet à compter du 1er janvier 2018, la définition traditionnelle de l’ES figurant à la section 16(2) de la loi relative à l'impôt sur le revenu a été modifiée en République slovaque pour intégrer les services d'intermédiation fournis par l’intermédiaire de «plateformes en ligne » dans le secteur des transports et de l'hébergement, indépendamment du degré de présence physique en République slovaque du fournisseur étranger (Ernst and Young, 2017[9] ; Ernst and Young, 2017[9]).
← 7. (Hoke, 2017[10] ; Hoke, 2017[10]) (Kalman, 2018[11] ; Kalman, 2018[11]).
← 8. L’article 5(3)(b) du Modèle de Convention fiscale des Nations Unies est rédigé comme suit : « 3.Un établissement stable peut comprendre aussi : (...) (b) La fourniture, par une entreprise, de services, y compris de services conseils, par l’intermédiaire d’employés ou autre personnel engagés par l’entreprise à cette fin, mais seulement si des activités de cette nature se poursuivent (pour le même projet ou un projet connexe) dans un État contractant pour une période ou des périodes totalisant plus de 183 jours d’une période de 12 mois commençant ou s’achevant au cours de l’année fiscale concernée ».
← 9. Depuis 2008, le Commentaire sur l’article 5 du Modèle de Convention fiscale de l’OCDE prévoit au paragraphe 42.23 une disposition relative aux établissements stables exécutant des prestations de services.
← 10. Il est intéressant de noter que le critère de présence physique est explicite dans la définition « d’établissement stable de services » fournie aux paragraphes 42.11-42.48 des Commentaires sur l’article 5 du Modèle de Convention fiscale de l’OCDE.
← 11. Cette opinion minoritaire a été exprimée, entre autres, à l’occasion des réunions du Comité d’experts sur la coopération internationale en matière fiscale des Nations Unies (Nations unies, Comité d'experts de la coopération internationale en matière fiscale , 2014[25]).
← 12. Courrier officiel du gouvernement d’Arabie Saoudite, N° 01/08/1436 en date du 10 février 2016 (Ernst and Young, 2016[12]). Cette déclaration confirme l’approche adoptée par l’administration fiscale locale (Département de la Zakat et de l’impôt sur le revenu) dans différentes circulaires administratives et échanges avec les contribuables (Ernst and Young, 2015[13]).
← 13. Voir, par exemple, une affaire récente en Inde (The Income Tax Appellate Tribunal Bengaluru, 2015[14]).
← 14. En Arabie Saoudite par exemple, l’approche fondée sur un “ES virtuel de prestation de services” a été contestée devant un tribunal parce qu’elle entrait en conflit avec les dispositions de la convention de double imposition conclue entre le Royaume-Uni et l’Arabie Saoudite (Court of Appeal, 2014[25]).
← 15. Ces problèmes de qualification des rémunérations ont été mis en évidence et décrits de façon détaillée dans le Rapport sur l’Action 1 de 2015 (voir paragraphe 268-270).
← 16. Il existe des différences entre les conventions fiscales pour ce qui est de la définition des redevances, notamment entre l’article 12(2) du Modèle de convention fiscale de l’OCDE et l’article 12(3) du Modèle de convention fiscale des Nations unies (paiements au titre de l’utilisation et du droit d’utilisation d’un équipement industriel, commercial ou scientifique). Il existe des différences entre les conventions fiscales pour ce qui est de la définition des redevances, notamment entre l’article 12(2) du Modèle de convention fiscale de l’OCDE et l’article 12(3) du Modèle de convention fiscale des Nations unies (paiements au titre de l’utilisation et du droit d’utilisation d’un équipement industriel, commercial ou scientifique). Néanmoins, on observe une convergence entre la plupart des conventions fiscales en vigueur sur le fait que cette définition renvoie à la nature spécifique des droits et biens dont l’utilisation donne lieu au versement de redevances. Par ailleurs, les paiements au titre de l’utilisation de logiciels ne sont généralement pas considérés, par nature, comme des redevances, et de fait, seuls certains d’entre eux sont assimilés à des redevances s’ils sont effectués principalement au titre de l’utilisation ou du droit d’utilisation de droits d’auteur intégrés dans le logiciel.
← 17. Cette interprétation prévaut dans des pays comme la Grèce (article 38 (1) du Code de l’impôt sur le revenu, (Sakellariou, 2016[15])) et les Philippines (Circulaire N° 77-2003 (Bureau of Internal Revenue (Philippines), 2003[16])).
← 18. Voir la loi de finances de 2017 adoptée en Malaisie, modifiant la définition des redevances dans la section 2(1) de la Loi sur l’impôt sur le revenu (Ernst and Young, 2017[17]).
← 19. Voir, notamment, l’article 12 (2) de la convention fiscale en matière d’impôt sur le revenu et le capital signée entre Chypre et le Luxembourg le 8 mai 2017 ; article 12 (3) de la convention fiscale en matière d’impôt sur le revenu signée entre l’Azerbaïdjan et Malte le 29 avril 2016. Soucieux de s’inscrire dans cette tendance, le Comité d’experts des Nations unies sur la coopération internationale en matière fiscale réfléchit actuellement aux modifications à apporter éventuellement aux commentaires sur l’article 12 en relation avec les paiements effectués en contrepartie de logiciels (Nations unies, 2017[26]).
← 20. Voir le document pour consultation publié par le Royaume-Uni le 1er décembre 2017 sous le titre Royalties Withholding Tax dans lequel est exposé le projet de soumettre à une nouvelle taxe certains paiements effectués en contrepartie de l'utilisation ou du droit d’utilisation de droits de propriété intellectuelle et autres actifs incorporels au Royaume-Uni, avec effet à partir d'avril 2019 (HM Revenue and Customs and HM Treasury, 2017[18]).
← 21. (Alessi, Goede et Wijnen, 2012[19]).
← 22. Article 12A(3) du Modèle de convention fiscale des Nations unies : « L’expression « honoraires au titre de services techniques » telle qu’employée dans cet article renvoie à tout paiement effectué en contrepartie de tout service de conseil d’ordre administratif, technique ou de toute autre nature, sauf si le paiement est effectué : (a) au bénéfice d’un salarié de la personne qui effectue le paiement ; (b) en contrepartie d’activités d’enseignement dispensé dans un établissement d’enseignement ; ou (c) par un individu en contrepartie de l’utilisation des services pour l’usage personnel d’un individu ».
← 23. Il ressort clairement des commentaires des Nations unies accompagnant le nouvel article 12A que la disposition a été adoptée face au constat qu’il est désormais possible pour une entreprise résidente d’un État de participer activement à l’économie d’un autre État sans y avoir de présence physique significative : « En particulier, compte tenu des avancées réalisées sur le plan des moyens de communication et des technologies de l’information, une entreprise d’un État contractant peut fournir des services significatifs à des clients dans l’autre État contractant et, en conséquence, maintenir une présence économique significative dans cet État sans y avoir une installation fixe d’affaires et sans être présente dans cet État pendant une période significative. (Nations unies, Comité d'experts de la coopération internationale en matière fiscale , 2017[24]).
← 24. Administration fédérale des contributions brésilienne, Demande de décision fiscale anticipée N° 191/2017 (Giacobbo, 2017[20]).
← 25. Voir par exemple le nouveau projet de texte sur le commerce électronique en cours d’examen en Thaïlande (BakerMcKenzie, 2017[8]) (BakerMcKenzie, 2017[8]). L’Inde a également adopté une taxe de péréquation applicable uniquement au paiement de services de publicité en ligne qui est conçue sur le modèle caractéristique des retenues à la source, si ce n’est qu’elle n’est pas considérée comme un impôt sur les bénéfices en vertu de la législation indienne (encadré 4.3).
← 26. Chapitre VIII de la Loi de finances indienne pour 2016. Cette disposition ne fait pas partie de la loi relative à l'impôt sur le revenu de 1961.
← 27. Loi XXII de 2014 relative à la taxe sur la publicité.
← 28. Article 56 (V) de la Loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 modifiant l’article 1609 B du Code général des impôts.
← 29. À l’exception de la taxe de péréquation instituée en Inde, qui frappe uniquement les paiements effectués au bénéfice d’entreprises non résidentes (à savoir les transactions transnationales entre entreprises).
← 30. La taxe de péréquation instaurée en Inde a généré approximativement 3.4 milliards INR sur la période allant de juin 2016 à mars 2017, soit environ 47 millions USD ou 52 millions EUR. L’administration fiscale hongroise a déclaré que la taxe sur la publicité n’avait pas encore permis à ce jour de percevoir des recettes significatives auprès d’annonceurs/éditeurs situés à l’étranger. Aucune information n'est encore disponible en France sur les recettes recouvrées grâce à l'instauration de la taxe sur la diffusion de contenus audiovisuels. L’Italie estime les recettes de la taxe sur les transactions numériques à 190 millions EUR par an (soit environ 325 millions USD par an).
← 31. Les problèmes d’érosion de la base d’imposition et de transfert des bénéfices exacerbés par la montée en puissance de l’économie numérique sont présentés en détail dans le Rapport sur l'Action 1 de 2015 (paragraphes 80 à 242).
← 32. Dans le cas de l’Australie, l’impôt sur les bénéfices détournés a été mis en place en deux temps : Tout d'abord, la Multinational Anti-Avoidance Law (loi MAAL) a été adoptée en décembre 2015 afin d'introduire des règles visant à éviter le contournement du statut d'ES. Une autre disposition intitulée « Impôt sur les bénéfices détournés » a été adoptée en 2017 afin d'intégrer une règle anti-abus à des fins de prix de transfert.
← 33. En Nouvelle-Zélande, un projet de loi intégrant des éléments analogues à un impôt sur les bénéfices détournés a été diffusé pour commentaires publics par le gouvernement en mars 2017. À la suite de cette annonce, le projet de loi n’a été pas été présenté devant le Parlement.
← 34. Article 1-bis du Law Decree 50 du 24 avril 2017 (Zucchetti, 2017[21]).
← 35. Comme indiqué ci-dessus, l’éventail de dispositifs potentiellement couverts par l’impôt sur les bénéfices détournés est vaste, et ne couvre pas exclusivement les structures mises en place par des entreprises multinationales à forte composante numérique.
← 36. Le processus de calcul d’un impôt sur les bénéfices détournés commence généralement par l’émission d’un avis d’imposition reposant sur l’évaluation des risques par les autorités fiscales (dite estimation « raisonnable »). L’impôt dû doit être acquitté immédiatement par le contribuable. S’ensuit une période d’évaluation de 12 mois pendant laquelle le contribuable est invité à fournir des informations pertinentes et actualisées pour contester l’estimation raisonnable des autorités fiscales, et démontrer que le dispositif visé n’entre pas dans le champ de la taxe sur les bénéfices détournés. Pendant cette phase d’examen, l’administration fiscale, sur la base des nouvelles informations fournies par le contribuable, peut rectifier le montant dû au titre de l’impôt sur les bénéfices détournés, et revoir le calcul de l’impôt sur le revenu. En outre, le montant final de l’impôt sur les bénéfices détournés peut être revu à la baisse ou à la hausse, auquel cas la majoration peut venir s’imputer sur l’impôt sur le revenu.
← 37. Ministres des Finances de l'Allemagne, de l'Espagne, de l'Italie et de la France (Ministres des Finances de l'Allemagne, de l'Espagne, de l'Itale et de la France, 2017[28]). Cette initiative a reçu le soutien de six autres pays de l'UE lors du Sommet numérique de l'UE qui s'est tenu à Tallinn le 29 septembre 2017.
← 38. (Commission européenne, 2017[23]).