Ce chapitre étudie les répercussions de la transformation numérique sur le système fiscal international, et notamment sur les règles actuelles relatives à l’attribution des bénéfices et à l’approche du lien. Il recense les différents points de vue exprimés par les membres du Cadre inclusif sur la question de savoir si les changements induits par l’essor du numérique appellent une révision des règles fiscales internationales et sur l’ampleur des amendements éventuellement nécessaires. Ce chapitre détaille également l’orientation qui devra être donnée aux futurs travaux du Cadre inclusif pour parvenir à une solution fondée sur un consensus d’ici 2020.
Les défis fiscaux soulevés par la numérisation de l'économie – rapport intérimaire 2018
Chapitre 5. Adapter le système fiscal international à la numérisation de l’économie
Abstract
5.1. Synthèse
Les répercussions induites par la numérisation de l’économie sont très larges, et les modèles d’affaires à forte composante numérique, décrits au chapitre 2, sont ceux qui en illustrent le plus clairement l’importance. L’ampleur de cette transformation explique que toute initiative destinée à isoler l’économie numérique du reste de l’activité se révèle complexe, voire impossible1.
Il convient donc d’examiner les effets de cette transformation pour le système fiscal international. Comme l’indique le Rapport de 2015 établi au titre de l’Action 1 du projet BEPS, les défis fiscaux plus larges soulevés par la numérisation dépassent la problématique de la lutte contre le phénomène BEPS. À l’ère du numérique, ces défis concernent avant tout la répartition entre les pays du droit d’imposer les revenus générés par des activités transfrontalières2. Le présent chapitre s’ouvre donc sur l’analyse de deux concepts fondamentaux qui assoient les règles internationales de l’impôt sur le revenu : les règles relatives à l’attribution des bénéfices et l’approche du lien. Il examine les interactions entre ces règles et plusieurs caractéristiques fréquemment observées dans les modèles d’affaires à forte composante numérique, à savoir l’échelle sans masse, le rôle essentiel des actifs incorporels, des données et de la participation des utilisateurs. Cette analyse met en exergue les cas dans lesquels l’application des règles actuelles ne permet pas d’assurer que le lieu d’imposition des bénéfices coïncide bien avec le lieu d’exercice des activités et de création de valeur de l'entreprise.
Les membres du Cadre inclusif ont exprimé des points de vue divergents sur la question de savoir si ces caractéristiques, propres aux modèles d’affaires à forte composante numérique et à la transformation numérique en général, appelaient une révision des règles fiscales internationales, et sur l’ampleur des modifications éventuellement nécessaires en conséquence. Si tous les membres reconnaissent que les technologies numériques sont en constante évolution, il n’existe pas de consensus quant aux effets que l’échelle sans masse et le rôle essentiel des actifs incorporels peuvent induire pour la fiscalité. De même, les points de vue divergent quant à savoir dans quelle mesure l’utilisation des données et la participation des utilisateurs devraient être considérées comme des déterminants de la création de valeur d’une entreprise, et quant à préciser leurs possibles effets sur les règles fiscales internationales.
Tout en prenant acte de ces divergences d’opinions, les membres du Cadre inclusif reconnaissent que leur intérêt commun consiste à maintenir un ensemble unique de règles fiscales internationales efficaces et cohérentes en vue de promouvoir, entre autres, l’efficacité économique et le bien-être global. Ils sont donc convenus de conduire une analyse cohérente et concordante de deux des aspects fondamentaux du cadre fiscal actuel, à savoir les règles relatives au lien et à l’attribution des bénéfices, qui tiendrait compte des effets de la numérisation sur l’économie.
Des travaux supplémentaires devront être menés pour préciser de quelle manière certaines caractéristiques des modèles d’affaires à forte composante numérique et, plus généralement, de la numérisation, contribuent à la création de valeur. Pour éclairer ce débat, des solutions techniques seront explorées afin d’étudier la faisabilité de plusieurs options concernant les règles relatives à l’attribution des bénéfices et au lien. Ces travaux s’appuieront sur les contributions sollicitées auprès d’un panel élargi de parties prenantes, qui inclura des représentants du monde de l’entreprise, de la société civile et du milieu universitaire. Un point sur l’avancement de ces travaux sera présenté en 2019, et les membres axeront leurs efforts sur l’élaboration d’une solution fondée sur un consensus d’ici 2020. Tout au long de ces travaux, il sera nécessaire de suivre au plus près l’évolution des nouvelles technologies, les mutations rapides des modèles d’affaires, ainsi que l’adoption des propositions de lois par les différents pays et les résultats obtenus grâce aux mesures mises en œuvre en vue de relever ces défis.
5.2. Introduction
La diffusion rapide de la numérisation, conjuguée à la libéralisation des échanges, ont accéléré le rythme de la mondialisation et enclenché une transformation structurelle de l’économie toujours à l’œuvre. Compte tenu de la portée très vaste de ces évolutions, il serait difficile, voire impossible, d’isoler l’économie numérique du reste de l’économie3. Si la transformation numérique n’a pas remis en cause la nature des activités de base qui permettent aux entreprises de générer des bénéfices (à savoir identier et acheter des intrants, créer de la valeur ajoutée, vendre à des clients, etc.), le Rapport final de 2015 établi au titre de l’Action 1 du projet BEPS montre qu’elle a modifié en profondeur le fonctionnement des entreprises, en particulier dans le cas des modèles d’affaires à forte composante numérique décrits au chapitre 2 du présent rapport. De nouveaux modèles d’affaires sont ainsi apparus tandis que les modèles préexistants connaissaient des transformations majeures. Toutes ces mutations ont mis à dure épreuve les principes fondamentaux qui sous-tendent les règles fiscales internationales actuelles, définies il y a près d’un siècle.
Le projet BEPS a donné lieu à une refonte majeure des règles fiscales internationales, fondée sur le principe selon lequel le lieu d’imposition des bénéfices doit correspondre au lieu d’exercice des activités économiques et de création de valeur. Le paquet BEPS a déjà produit, et continuera de produire, des effets significatifs en ce qui concerne la lutte contre les pratiques d’érosion de la base d’imposition et de transfert des bénéfices, y compris celles qui sont pertinentes au contexte des modèles d’affaires à forte composante numérique, comme indiqué au chapitre 3. La question reste celle de déterminer si ces initiatives apportent une réponse adaptée aux défis plus larges touchant la fiscalité directe, notamment à ceux recensés dans le Rapport final de 2015 établi au titre de l’Action 1 du projet BEPS qui sont les enjeux concernant la question du lien, les données et la qualification. Ces nouveaux défis soulevés par la numérisation de l’économie vont au-delà de la seule lutte contre les pratiques de BEPS et concernent en premier lieu la répartition entre les pays du droit d’imposer les revenus générés par des activités transfrontalières réalisées dans le contexte de l’économie numérique4. Le nombre croissant de mesures unilatérales adoptées de manière non coordonnée depuis 2015, décrites au chapitre 4, témoigne des nombreuses préoccupations que suscite une possible inadéquation du cadre fiscal international actuel pour répondre aux défis fiscaux plus larges.
Dans ce contexte, le présent chapitre décrit les défis soulevés par la numérisation de l’économie pour la pérennité et l’efficacité du système fiscal international. Dans un premier temps, il présente l’analyse de deux règles fondamentales qui sous-tendent les règles internationales aujourd’hui applicables à l’imposition des bénéfices des entreprises. Il décrit ensuite plusieurs grandes problématiques, liées à la transformation numérique ou accentuées par celle-ci, qui sont susceptibles de compromettre la pérennité de règles instituées de longue date. Enfin, pour éclairer les discussions sur ces sujets complexes et concourir à l’obtention, d’ici 2020, d’un consensus en faveur d’une solution multilatérale, ce chapitre présente les principaux aspects du régime international de l’impôt sur les sociétés que le Cadre inclusif est convenu d’examiner, et détaille les prochaines étapes dans la réalisation de cet objectif.
5.3. Règles fondamentales du système fiscal international
Le corpus de règles régissant le traitement fiscal des opérations internationales est composé pour l’essentiel de législations fiscales nationales et de conventions fiscales et d’autres instruments de droit international, tels que l’Instrument multilatéral. Comme le souligne le Rapport de 2015 établi au titre de l’Action 1 du projet BEPS5, ces règles reposent souvent sur des principes énoncés au cours des années 1920 – le principe de « l’origine de la richesse »6, par exemple – lorsque les entreprises multinationales créaient de la valeur au moyen de facteurs très peu mobiles, intégrant une forte composante de main-d’œuvre et d’actifs corporels. En particulier, deux règles fondamentales aux fins de l’imposition des bénéfices générés par des activités transfrontalières peuvent être mises en exergue :
La règle relative au lien comme fondement du droit d’imposer une entreprise non résidente. La plupart des conventions fiscales prévoient que les bénéfices réalisés par une entreprise ne sont imposables que dans l’État de résidence, à moins que cette entreprise n’exerce son activité dans l’autre État concerné (à savoir, l’État de la source) par l’intermédiaire d’un établissement stable (ES) qui y est situé. Ce principe est parfois désigné comme l’« approche du lien » (par exemple, aux fins de l’article 7 des Modèles de Convention de l’OCDE et des Nations Unies), car il conclut que des bénéfices sont imposables dans un pays lorsqu’il est possible de les attribuer à un ES situé dans ce pays. L’existence d’un ES est généralement définie en appliquant un seuil d’activité au-delà duquel une entreprise étrangère est considérée comme exerçant dans un État une activité économique suffisante pour justifier une imposition dans celui-ci. Ce seuil suppose le plus souvent une certaine présence physique de l’entreprise étrangère dans la juridiction d’imposition, sous la forme d’une « installation fixe d’affaires » ou d’un « agent dépendant » (aux fins de l’article 5 des Modèles de Convention de l’OCDE et des Nations Unies). À titre d’exemple, les ventes de biens matériels qui supposent des activités de distribution, de gestion des stocks et de commercialisation sur le marché local (en d’autres termes, qui relèvent de l’« économie classique ») sont l’exemple même des opérations visées par la définition de l’ES qui entrent en ligne de compte pour conclure au franchissement du seuil d’activité. En revanche, si une entreprise étrangère réalise une simple vente à l’exportation relative à des biens qui ne sont ni produits ni distribués par un site local, l’opération échappe à cette définition. Par conséquent, hormis lorsque des règles d’attribution différentes sont applicables (par exemple, aux termes des articles 6, 10, 11, 12, 13 ou 17 des Modèles de Convention de l’OCDE et des Nations Unies)7, l’attribution à une juridiction du droit d’imposer un revenu repose sur une règle relative au lien (ou à l’existence d’un ES) qui analyse la nature des activités commerciales et attribue un droit préférentiel d’imposition au pays dans lequel sont exercées physiquement les activités génératrices de revenu.
Les règles d’attribution des bénéfices fondées sur le principe de pleine concurrence. Une fois qu’il est établi qu’une partie des bénéfices d’une entreprise peut être considérée comme trouvant son origine dans un pays donné, qui devrait, à ce titre, être en droit de l’imposer, les règles d’attribution des bénéfices sont utilisées pour remplir cette fonction. Le principe de pleine concurrence représente la règle d’attribution des bénéfices acceptée à l’échelle internationale8. Ce principe est largement appliqué, suivant une approche similaire, dans deux cas de figure : lorsqu’un pays dispose du droit d’imposer les bénéfices d’un contribuable résident (par exemple, aux termes de l’article 9 des Modèles de Convention de l’OCDE et des Nations Unies) ou lorsque ces bénéfices sont attribuables à l’ES d’un contribuable non résident (par exemple, aux termes de l’article 7 des Modèles de Convention de l’OCDE et des Nations Unies)9. L’application du principe de pleine concurrence suppose l’analyse des fonctions exercées, des actifs utilisés et des risques assumés par chaque entreprise associée (et/ou ES) –qui sont les facteurs considérés comme apportant une contribution significative aux bénéfices générés par les opérations considérées. Cette analyse (dite « analyse fonctionnelle ») doit être conduite séparément pour chaque entité, ce qui nécessite d’isoler les contributions respectives de chaque entreprise associée (et/ou ES) dans la création de valeur qui a permis d’obtenir les bénéfices provenant de la (ou des) transaction(s) concernée(s). Selon cette approche, la nature et la localisation exactes des fonctions assurées par le personnel sont examinées, en tenant compte des actifs utilisés et des risques assumés, et constituent les principaux indicateurs de l’activité économique et de la création de valeur réelles. Il s’agit de l’approche adoptée par les Principes de l’OCDE applicables en matière de prix de transfert10 et par le rapport de l’OCDE sur l’attribution des bénéfices aux établissements stables11 (consistant par exemple à identifier si des fonctions humaines importantes sont exercées).
En résumé, le droit d’imposer une entreprise non résidente est établi suivant des règles étroitement liées à des critères de présence physique, afin de vérifier l’existence d’un lien et d’attribuer les bénéfices en conséquence. Le cadre fiscal actuel a pour principal objectif d’accorder le droit d’imposer au pays dans lequel sont localisées les activités économiques exercées par l’entreprise, y compris le personnel et les actifs corporels sollicités dans le cadre de ces activités. Cette approche conceptuelle s’est vue récemment renforcée par les mesures définies dans le cadre du projet BEPS, qui visent à mieux aligner le lieu d’imposition des bénéfices sur le lieu d’exercice des activités économiques et de création de valeur. Néanmoins, la numérisation de l’économie pourrait remettre en cause l’efficacité des règles actuelles, dans la mesure où la création de valeur dépend moins, désormais, de la présence physique de main-d’œuvre ou d’actifs corporels.
5.4. Numérisation, création de valeur et système fiscal international
La numérisation de l’économie qui est à l’œuvre soulève des questions concernant la pertinence et l’efficacité de certains concepts fondamentaux qui sous‑tendent les règles fiscales internationales actuelles, à savoir les règles relatives au lien et à l’attribution des bénéfices. Pour avancer sur ces sujets complexes, cette section du rapport examine les défis fiscaux soulevés par la numérisation de l’économie et décrit les divergences d’opinions entre pays quant à leurs répercussions potentielles sur le système fiscal international. Enfin, elle identifie les principaux aspects du système fiscal international que le Cadre inclusif a décidé de réévaluer.
5.4.1. Les défis de la numérisation pour les pouvoirs publics
Le Rapport de 2015 établi au titre de l’Action 1 du projet BEPS recensait un certain nombre de défis fiscaux plus larges qui soulèvent la question de la capacité du cadre fiscal international actuel à répondre aux évolutions issues de la numérisation de l’économie. En matière de fiscalité directe, ces défis ont trait à la répartition de la compétence fiscale entre la juridiction de la source et celle de la résidence, et conduisent à se demander si le paradigme utilisé pour déterminer où les activités économiques se déroulent et où la valeur est créée à des fins fiscales continue de produire des résultats satisfaisants12. Ces défis relèvent de trois grandes catégories, qui bien souvent se recoupent :
Lien : L’accroissement constant du potentiel des technologies numériques et la réduction, dans bien des cas, de la nécessité d’une présence physique étendue pour exercer des activités dans un pays, conjugués au rôle croissant des effets de réseau générés par les interactions avec et entre les clients incitent à se demander si les règles utilisées à ce jour pour déterminer l’existence d’un lien avec une juridiction à des fins fiscales sont adaptées13.
Données : L’élévation du degré de sophistication des technologies de l’information qui accompagne la numérisation de l’économie permet à de plus en plus d’entreprises de rassembler et d’utiliser des données par-delà les frontières à une échelle inédite. Cela pose la question de l’attribution de la valeur découlant de la génération de données par le biais de produits et services numériques, ainsi que celle de la qualification aux fins fiscales d’une transaction permettant la création de données par une personne ou une entité (par exemple, une livraison gratuite d’un bien, une opération de troc, ou encore une autre catégorie). En outre, le fait que les utilisateurs d’une plateforme participative en réseau partagent du contenu qu’ils ont eux-mêmes créé, si bien que la valeur de la plateforme pour ses membres s’accroît lorsque de nouveaux utilisateurs la rejoignent et apportent leur contribution, peut soulever d’autres défis14.
Qualification : L’émergence de nouveaux produits numériques et de modes de prestation de services inédits crée des incertitudes quant à la qualification appropriée des paiements réalisés dans le contexte de nouveaux modèles d’affaires, particulièrement en ce qui concerne l’informatique en nuage15.
Considérés dans leur ensemble, les défis fiscaux plus larges soulevés par la numérisation de l’économie concernent directement le fonctionnement et les interactions de deux des principes fondamentaux qui sous‑tendent les règles fiscales internationales, à savoir les règles applicables pour déterminer le lien et l’attribution des bénéfices.
Prolongeant les travaux portant sur les défis fiscaux soulevés par la transformation numérique décrits dans le Rapport de 2015 établi au titre de l’Action 1 du projet BEPS, le chapitre 2 du présent rapport s’intéressait plus spécifiquement aux modèles d’affaires des entreprises à forte composante numérique, et analysait les effets de la transformation numérique sur la façon dont ces entreprises fonctionnent et créent de la valeur. Il identifiait un certain nombre de caractéristiques distinctives fréquemment observées dans les modèles d’affaires de certaines entreprises à forte composante numérique : l’échelle internationale sans masse, le rôle essentiel des actifs incorporels, et notamment de la propriété intellectuelle (PI), et l’importance des données, de la participation des utilisateurs et des synergies entre ces données et la PI. Ces caractéristiques ne sont pas spécifiques aux modèles d’affaires à forte composante numérique. Elles existent aussi, à divers degrés, dans les modèles plus traditionnels, et gagnent en importance sous l’effet de la mondialisation. La troisième caractéristique, à savoir les données et la participation des utilisateurs, se manifeste de manière plus évidente dans un sous‑ensemble de modèles d’affaires à forte composante numérique. Sachant que ces caractéristiques, fréquemment observées dans certaines entreprises à forte composante numérique, pourraient se diffuser dans d’autres sphères de l’économie sous l’effet de l’intégration croissante des technologies numériques, il est utile de réfléchir à leurs implications potentielles pour le système fiscal international (voir ci-dessous), tout en reconnaissant que les membres du Cadre inclusif tiennent des positions différentes, lesquelles sont exposées dans la section 5.4.2.
Le développement de modèles d’affaires résultant du phénomène « d’échelle sans masse » se répercute sur la répartition des droits d’imposition dans la durée, en réduisant le nombre de juridictions pouvant prétendre au droit d’imposer les bénéfices commerciaux d’une entreprise multinationale. Très souvent, par exemple, l’échelle sans masse se traduit par le fait qu’une fraction croissante des bénéfices tirés d’activités transfrontalières n’est plus imposée dans la juridiction du marché, y compris dans des situations où l’entreprise étrangère possède une présence économique importante sur ce marché. Ces effets peuvent mettre en lumière des défaillances propres aux règles fiscales actuelles, qui reposent principalement sur des facteurs physiques pour déterminer une présence imposable et attribuer les bénéfices, lorsqu’elles sont appliquées à l’ère du numérique.
Le recours de plus en plus fréquent aux actifs incorporels pourrait aussi remettre en question le cadre fiscal actuel. Le projet BEPS a grandement contribué à réaligner les revenus générés par les actifs incorporels sur la création de valeur, notamment en accordant davantage d’importance aux activités économiques réelles (Action 5 et Actions 8-10, par exemple), et en prenant une approche plus globale envers l’analyse des activités transfrontalières. Néanmoins, il est encore souvent très difficile de déterminer comment répartir ces revenus entre différentes composantes d’un même groupe d’entreprises multinationales. Cette incertitude peut à son tour accroître la réactivité des décisions des entreprises à la concurrence fiscale entre États. Par exemple, l’emplacement de la propriété et de la gestion de certains actifs incorporels importants pour les entreprises à forte composante numérique (différents types de capital intellectuel, par exemple)16 n’est pas toujours clairement identifiable. En outre, les actifs incorporels peuvent être aisément déplacés au sein d’un groupe multinational dès lors qu’il existe une corrélation avec un certain degré de présence physique (fonctions qui contrôlent les risques, fonctions associées au développement, à l’amélioration, à la maintenance, à la protection et à l’exploitation d’actifs incorporels – dites fonctions DEMPE, par exemple). Ces préoccupations peuvent être accentuées sur les marchés du groupe multinational où des biens et services sont vendus si l’entreprise multinationale parvient toujours à y restreindre sa base d’imposition en faisant appel à un revendeur local (un distributeur qui n’exerce pas de fonctions DEMPE en lien avec des actifs incorporels, et qui ne peut pas prétendre à plus qu’un bénéfice normal supposé provenir de fonctions de routine accomplies à l’occasion de transactions avec des tiers).
Enfin, les données et la participation des utilisateurs, et plus généralement les relations permanentes et interactives entre les entreprises à forte composante numérique et leurs clients, peuvent soulever des défis fiscaux supplémentaires dans la mesure où ils peuvent être considérés comme une source de création de valeur pour l’entreprise. Tel pourrait être le cas, par exemple, si de nombreux utilisateurs en ligne actifs produisent un volume substantiel de contenu et de données considérés comme une contribution significative à la création de valeur d’une entreprise, indépendamment des algorithmes et d’autres actifs incorporels utilisés pour analyser et traiter ce contenu et ces données. Cela pourrait remettre en question les règles relatives au lien et à l’attribution des bénéfices, car la valeur ainsi générée par des utilisateurs situés dans une juridiction donnée n’est actuellement pas appréhendée par le cadre fiscal existant. Ainsi, les règles en vigueur relatives au lien pourraient être remises en cause dans les situations où l’entreprise à forte composante numérique qui exploite les données et le contenu généré par les utilisateurs n’a guère de présence, voire aucune (en ce qui concerne le personnel ou les actifs corporels) dans la juridiction où les utilisateurs actifs qui génèrent ces données sont situés. Comme le chapitre 2 l’indique, ce ne sont pas toutes les entreprises qui seraient concernées, mais uniquement les modèles d’affaires qui font un usage intensif des données et de la participation des utilisateurs. Il faut toutefois reconnaître que l’éventail des entreprises qui s’appuient massivement sur les données et sur la participation des utilisateurs devrait s’élargir à mesure que la transformation numérique de l’économie se poursuit.
5.4.2. Implications pour le système fiscal international
Ces phénomènes posent des questions techniques très complexes et les avis divergent entre les membres du Cadre inclusif, qui en compte plus de 110, sur le point de savoir si, et dans quelle mesure, ces caractéristiques des entreprises à forte composante numérique et plus généralement la transformation numérique devraient entraîner une révision des règles fiscales internationales. D’une part, la plupart des membres s’accordent à reconnaître que les technologies numériques ne cessent d’évoluer et qu’il est nécessaire d’analyser et de mesurer comment ces avancées influent sur la création de valeur dans l’ensemble de l’économie. D’autre part, il n’existe pas encore de convergence d’opinions entre les pays sur les conséquences fiscales de l’échelle sans masse et du rôle essentiel des actifs incorporels. En outre, même s’il est admis que les données et la participation des utilisateurs ne sont pas des caractéristiques observées dans toutes les entreprises à forte composante numérique, là où elles existent, aucun consensus ne se dégage sur l’importance de leur contribution à la création de valeur au sein d’une entreprise, et donc sur l’opportunité de modifier les règles fiscales internationales.
Le large spectre des positions défendues par les membres recouvre généralement trois groupes de pays.
La premier groupe de pays estime que, considérées dans leur ensemble, certaines caractéristiques fréquemment observées dans des modèles d’affaires à forte composante numérique – et notamment le recours aux données et à la participation des utilisateurs – peuvent entraîner un décalage entre le lieu où les bénéfices sont imposés et le lieu où la valeur est créée. Selon eux, ce décalage n’est pas la conséquence de pratiques de BEPS spécifiques ou de stratégies d’optimisation fiscale, mais la résultante d’une caractéristique nouvelle et unique propre à certains modèles d’affaires à forte composante numérique qui n’est pas appréhendée par le cadre fiscal international existant : la participation active d’utilisateurs via une plateforme en ligne, et la valeur que cette participation génère pour l’entreprise (valeur générée par l’utilisateur). L’incapacité du système fiscal de prendre en compte cette contribution au processus de création de valeur de certaines entreprises à forte composante numérique signifie que les règles actuelles relatives au lien et à l’attribution de bénéfices ne parviennent pas à faire coïncider le lieu où les bénéfices sont imposés et le lieu où la valeur est créée. D’après ces pays, ces problématiques sont actuellement circonscrites à certains modèles d’affaires et, sous réserve d’affiner l’analyse de ces modèles, peuvent être traitées en procédant à des modifications ciblées des règles fiscales existantes, y compris une réévaluation des règles relatives au lien et à l’attribution des bénéfices.
Au‑delà des défis induits par la valeur créée par l’utilisateur, les pays appartenant à ce groupe soutiennent généralement les principes qui sous‑tendent le cadre fiscal international existant. Ils ne pensent pas que la transformation numérique et son impact sur les activités transfrontalières des entreprises menacent ces principes, et n’y voient pas matière à engager une refonte radicale du système. La plupart de ces pays rejettent particulièrement l’idée selon laquelle un pays qui procure le marché où les biens et services d’une entreprise étrangère sont vendus remplit des conditions suffisantes pour qu’un lien soit créé à des fins fiscales, quelle que soit l’importance de ces ventes. Au contraire, ils estiment que les bénéfices devraient continuer d’être imposés exclusivement dans la juridiction où se situent les facteurs qui les génèrent, conformément aux principes établis de longue date du système fiscal existant (aligner les bénéfices sur la création de valeur, par exemple).
Il existe un deuxième groupe de pays qui ont une appréciation différente de la nature et de la portée des défis soulevés par la numérisation. Ces pays considèrent que la numérisation en cours de l’économie, et plus généralement les tendances associées à la mondialisation, menacent l’efficacité du cadre international existant qui régit l’imposition des bénéfices des entreprises. Surtout, aux yeux des pays qui composent ce groupe, ces défis ne sont pas propres ou spécifiques aux entreprises à forte composante numérique.
Certains de ces pays s’inquiètent généralement du fait que les entreprises sont aujourd’hui de plus en plus nombreuses à pouvoir participer massivement à la vie économique d’une juridiction où se situe le marché (en procédant à des ventes ou à des investissements à grande échelle, par exemple) en y ayant une présence imposable correspondant à une assiette fiscale réduite, voire aucune présence imposable du tout. Selon ces pays, la mutation de l’économie mondiale remet en question le bien‑fondé des deux principes qui sous-tendent le cadre fiscal actuel. Premièrement, elle soulève un problème d’attribution des bénéfices, car les bénéfices sont de plus en plus dépendants de facteurs de création de valeur immatériels et mobiles (différents types de capital intellectuel, par exemple). Deuxièmement, elle soulève la question du lien, car la moindre nécessité d’une présence physique pour exercer des activités économiques conduit à se demander si la définition actuelle de l’ES (une « installation fixe d’affaires », par exemple) constitue toujours un critère pertinent pour déterminer la juridiction disposant du droit d’imposer les bénéfices commerciaux concernés.
Certains de ces pays, même s’il ne s’agit pas de tous les pays de ce second groupe, rejettent explicitement l’idée selon laquelle les données et la participation des utilisateurs devraient être considérés comme consubstantiels au processus de création de valeur par l’entreprise dans la juridiction où les utilisateurs se situent. Selon eux, les contributions des utilisateurs ne se distinguent pas d’autres intrants acquis auprès d’un tiers indépendant faisant partie de la chaîne d’approvisionnement de l’entreprise.
Enfin, un troisième groupe de pays considère que le paquet BEPS a déjà pour une large part répondu aux inquiétudes relatives à la double non‑imposition, tout en soulignant qu’il est encore trop tôt pour mesurer pleinement l’impact de toutes les mesures du projet BEPS. Ces pays se satisfont généralement du système fiscal actuel et ne voient pas la nécessité d’engager une réforme radicale des règles fiscales internationales. Certains pays appartenant à ce groupe ne sont pas d’accord sur le fait que les données et la participation des utilisateurs contribuent à la création de valeur dans la juridiction où se situent les utilisateurs, tandis que certains autre pays appartenant à ce groupe pensent que ces problématiques appellent à davantage de réflexion.
5.4.3. Réévaluation de deux concepts fondamentaux du système fiscal international
En dépit des nettes divergences d’opinions qui existent entre les membres du Cadre inclusif sur le BEPS sur l’opportunité de modifier les principes qui sous‑tendent la fiscalité internationale et sur la portée de ces changements, un large groupe de pays soutient une analyse plus poussée des modifications potentielles à apporter aux règles relatives au lien et à l’attribution des bénéfices, qui tiendrait compte des effets induits par la numérisation de l’économie.
En outre, les membres reconnaissent que leur intérêt commun consiste à maintenir un ensemble pertinent et cohérent de principes internationaux régissant l’imposition transfrontalières des bénéfices commerciaux, en vue de promouvoir, entre autres, l’efficience économique et le bien-être global, particulièrement si l’alternative est une multiplication d’approches unilatérales avec les effets préjudiciables qu’elles produisent. Il est important de suivre une approche multilatérale pour limiter les distorsions de l’investissement et de la croissance, tout en cherchant à atténuer la complexité, réduire les cas de double imposition, soutenir l’innovation et établir un système fiscal plus équitable, plus efficient et plus simple pour les entreprises ayant une présence internationale.
Conscients de ces enjeux, les membres du Cadre inclusif sont convenus d’entreprendre une réévaluation cohérente et concordante des deux principes clés du cadre fiscal existant, à savoir les règles relatives au lien et à l’attribution des bénéfices, qui tiendraient compte des répercussions de la numérisation sur l’économie, relativement au principe consistant à aligner les bénéfices sur les activités économique et la création de valeur sous-jacentes17.
5.5. Prochaine étape des travaux
Pour mettre cet engagement en œuvre, il faudra affiner l’analyse de la valeur créée par certaines caractéristiques des modèles d’affaires d’entreprises à forte composante numérique (voir le chapitre 2), et plus globalement de la transformation numérique, dans le but de déterminer la nécessité de réviser les règles relatives au lien et à l’attribution des bénéfices. Pour définir les paramètres de cette révision, il est important d’évaluer si la meilleure réponse aux défis décrits dans ce rapport consiste à élaborer une solution fondée sur un consensus et axée sur certains modèles d’affaires à forte composante numérique, ou si cette solution devrait être applicable à l’ensemble de l’économie. Entre‑temps, pour éclairer ce débat, des solutions techniques seront étudiées afin de valider la faisabilité de différentes options. Les Groupes de travail concernés, y compris le Groupe de travail n° 1, le Groupe de travail n° 6, et le GREN soutiendront les efforts du Cadre inclusif qui compte plus de 110 membres à ce jour.
Sur la base de cette analyse plus poussée, on s’attend à ce que le Cadre inclusif s’emploie à élaborer une solution fondée sur un consensus d’ici 2020. Cet objectif est ambitieux compte tenu de la complexité et de l’évolution constante des problématiques en jeu, qui nécessitera la mise en place d’un programme de travail par étapes, en prévoyant un point sur l’avancement des travaux en 2019. Cette démarche offrira l’occasion d’engager un débat approfondi parmi les membres, et de réunir les contributions d’un large éventail de parties prenantes, y compris des représentants du monde de l’entreprise, de la société civile et du milieu universitaire. Ce processus tiendra compte des contraintes et de la situation particulières des pays en développement, grâce à leur participation directe en qualité de membres du Cadre inclusif, ainsi que via leurs relations avec des organismes fiscaux régionaux tels que le Forum sur l’administration fiscale africaine et le Centre interaméricain des administrations fiscales. Il sera ainsi possible de mieux comprendre les enjeux et les effets possibles des options retenues.
Le moment venu, il conviendra aussi de réfléchir à l’élaboration d’instruments juridiques appropriés pour accompagner la mise en œuvre mondiale des changements éventuellement nécessaires. Ces instruments légaux faciliteraient et accélèreraient ainsi l’adoption des mesures convenues.
Le GREN aura également un rôle important à jouer tout au long de ces travaux pour assurer le suivi continu des évolutions intervenues : depuis les progrès des nouvelles technologies et la transformation rapide des modèles d’affaires, jusqu’à l’adoption et l’impact des propositions législatives qui sont potentiellement pertinentes en ce qui concerne la numérisation.
Références
[4] Graetz, M. and M. O'Hear (1997), The “Original Intent” of U.S. International Taxation, p. 1022.
[5] OCDE (2017), Principes de l'OCDE applicables en matière de prix de transfert à l'intention des entreprises multinationales et des administrations fiscales 2017, Éditions OCDE, Paris, http://dx.doi.org/10.1787/tpg-2017-fr.
[1] OCDE (2015), Relever les défis fiscaux posés par l'économie numérique, Action 1 - Rapport final 2015, Éditions OCDE, Paris, http://dx.doi.org/10.1787/9789264252141-fr.
[2] OCDE (2010), Rapport sur l'attribution de bénéfices aux établissements stables, Éditions OCDE, Paris.
[3] OECD (2013), Supporting Investment in Knowledge Capital, Growth and Innovation, OECD publishing, Paris, http://dx.doi.org/10.1787/9789264193307-en.
Notes
← 1. (OCDE, 2015[1]), chapitres 3 et 4.
← 2. (OCDE, 2015[1]), chapitre 7.
← 3. (OCDE, 2015[1]), chapitres 3 et 4.
← 4. (OCDE, 2015[1]), chapitre 7.
← 5. (OCDE, 2015[1]), paragraphes 28-40.
← 6. Le principe de « l’origine de la richesse » a été formulé par un groupe d’économistes dans un rapport de 1923 commandé par la Société des Nations. Ce rapport était consacré à l’étude de la double imposition sous l’angle théorique et scientifique. Il écartait la théorie selon laquelle un revenu doit, en règle générale, être imposé exclusivement dans l’État de résidence, et posait le principe d’une imposition découlant d’une approche davantage économique, « dont l’objet serait d’apprécier les contributions respectives des différents États à la formation et à la jouissance du revenu » (Graetz and O'Hear, 1997[5]). Selon la conclusion de ce rapport, les facteurs essentiels à prendre en compte (en proportion variable selon la catégorie de revenu considérée) étaient l’origine de la richesse et la résidence ou le domicile de l’individu qui la consomme. Concernant les bénéfices d’entreprises, ces experts considéraient que le lieu de production du revenu revêtait une importance prépondérante et qu’une répartition idéale devrait accorder une part prépondérante au lieu d’origine. Ils définissaient l’origine ou la formation des ressources comme l’ensemble des phases de la création de richesse « considérée du point de vue de la forme matérielle originale de la richesse, de ses modifications matérielles ultérieures, de son transport, des organismes directeurs et de la vente ». Comme le remarquaient ces experts : « toutes ces phases, jusqu’à celle de la réalisation de l’enrichissement, peuvent être partagées entre diverses autorités territoriales ». Le principe de « l’origine de la richesse » demeure aujourd’hui encore le principal fondement de l’imposition des bénéfices des entreprises.
← 7. Lorsque différentes règles déterminant le droit d’imposer sont appliquées, certaines catégories de bénéfices peuvent être imposées dans le pays de la source, malgré l’absence de lien dans ce pays sous la forme d’un ES. Il s’agit en particulier des règles énoncées aux articles 6 et 13 du Modèle de Convention fiscale de l’OCDE concernant les revenus tirés de biens immobiliers et les gains en capital générés par la vente de tels biens. Ces articles autorisent un pays à imposer le revenu ou le gain en capital si le bien immobilier considéré est situé sur son territoire. Par ailleurs, les bénéfices des entreprises peuvent inclure certains éléments de revenu tels que des dividendes, intérêts ou redevances (ou des honoraires pour services techniques, dans le cas d’une convention fiscale reposant sur le Modèle de Convention des Nations Unies) qui, aux termes du droit interne et de la convention fiscale applicable, peuvent faire l’objet d’une retenue à la source limitée, y compris en l’absence de présence physique de l’entreprise dans le pays de la source.
← 8. Le principe de pleine concurrence suppose que le prix et les autres conditions appliquées à des transactions contrôlées entre entreprises associées soient cohérents avec ceux qui seraient convenus entre entreprises indépendantes, pour des transactions comparables effectuées dans des circonstances comparables. Un tel prix est généralement qualifié de « prix de pleine concurrence ».
← 9. Il existe différentes approches privilégiées par les pays en ce qui concerne l’attribution de bénéfices aux établissements stables. Les Commentaires sur l’article 7 du Modèle de Convention fiscale de l’OCDE (2017) reflètent deux des approches prédominantes. Une approche définie dans la version antérieure de l’article 7 du Modèle de Convention fiscale de l’OCDE (et qui a été maintenue dans le Modèle de Convention des Nations Unies), et une autre approche incluse dans le Rapport de 2010 sur l’attribution de bénéfices aux établissements stables de l’OCDE, qui a été intégrée à la révision de 2010 des Commentaires sur l’article 7 du Modèle de Convention fiscale de l’OCDE.
← 10. (OCDE, 2017[2]). Cette édition inclut les modifications majeures apportées en 2016 pour prendre en compte les clarifications et révisions convenues dans les Rapports finaux de 2015 du projet BEPS établis au titre des Actions 8-10, « Aligner les prix de transfert calculés sur la création de valeur » et de l’Action 13, « Documentation des prix de transfert et déclaration pays par pays ». Elle comprend également les orientations sur les régimes de protection dans leur version révisée approuvée en 2013, qui reconnaissent que des régimes de protection conçus de manière appropriée peuvent contribuer à alléger certaines contraintes déclaratives et administratives et à renforcer la sécurité juridique pour les contribuables. Enfin, cette édition contient par ailleurs des modifications ponctuelles apportées au texte des Principes de l’OCDE applicables en matière de prix de transfert à des fins de cohérence. La version d’origine des Principes de l’OCDE applicables en matière de prix de transfert a été approuvée par le Conseil de l’OCDE en 1995.
← 11. (OCDE, 2010[3]). Il convient de noter que, indépendamment du fait qu’un pays adopte ou non l’approche décrite dans ce rapport, l’article 7 du Modèle de Convention fiscale de l’OCDE prévoit que l’attribution des bénéfices entre un ES et les autres entités de l’entreprise dont il fait partie est réalisée en partant du principe que cet ES est une entité distincte.
← 12. (OCDE, 2015[1]), voir notamment les paragraphes 249 et 376.
← 13. (OCDE, 2015[1]), voir notamment les paragraphes 253 à 261.
← 14. (OCDE, 2015[1]), voir notamment les paragraphes 262 à 267.
← 15. (OCDE, 2015[1]), voir notamment les paragraphes 268 à 272.
← 16. Le capital intellectuel englobe divers actifs non physiques. Une classification largement acceptée regroupe le capital intellectuel dans trois catégories : les données informatisées (logiciel et bases de données) ; le capital innovation (brevets, droits d’auteur, dessins et modèles, marques déposées) ; et les compétences économiques (y compris la valeur de la marque, le capital humain spécifique à l’entreprise, les réseaux de personnes et d’institutions, et le savoir-faire organisationnel qui augmente l’efficience de l’entreprise) (OECD, 2013[4]).
← 17. Le Cadre inclusif reconnaît que les règles d’attribution des bénéfices et les règles du lien sont étroitement liées, avec pour conséquence que toute modification des règles existantes en matière d’attribution des bénéfices exercerait une pression supplémentaire sur les règles relatives au lien et entraînerait vraisemblablement des modifications radicales. À l’inverse, toute modification des règles existantes relatives au lien devrait nécessiter de revoir en parallèle les règles d’attribution des bénéfices (en analysant par exemple dans quelle mesure les bénéfices peuvent être attribués à une juridiction dans laquelle une entreprise possède une présence physique faible ou nulle en matière d’actifs ou de salariés).