Les organismes chargés d’enquêter sur les délits fiscaux devraient disposer de ressources suffisantes.
Lutte contre la délinquance fiscale ‒ les dix principes mondiaux, deuxième édition
Principe 6. Consacrer des ressources suffisantes aux enquêtes sur les délits fiscaux
Abstract
Introduction
87. Quel que soit le modèle d’organisation adopté, des ressources suffisantes devraient être consacrées aux enquêtes et aux mesures répressives relatives à la délinquance fiscale. Le type et le niveau de ressources varient en fonction des contraintes budgétaires générales et des autres priorités budgétaires du pays. En particulier, le type de ressources nécessaires peut varier selon la nature, l’échelle et le stade de développement de l’économie. Il peut ainsi être plus urgent de mettre en place des infrastructures juridiques et physiques que d’acquérir des outils d’analyse et technologiques sophistiqués.
88. De plus, l’allocation des ressources à différentes fonctions au sein de l’organisme responsable de la conduite des enquêtes sur les délits fiscaux varie selon d’autres facteurs, comme les priorités stratégiques et la structure organisationnelle.
89. Compte tenu de ces circonstances, les ressources importantes pour les organismes qui luttent contre la délinquance fiscale sont détaillées ci-après.
Ressources financières
90. Il s’agit ici de disposer du budget et des fonds nécessaires pour financer les besoins de l’organisme. Le budget moyen des pays ayant participé à l’enquête pour lesquels des données sont disponibles est le suivant :
Tableau 6.1. Réponses apportées à l’enquête : Budget annuel moyen, en 2015 et 2018, alloué aux enquêtes sur les délits fiscaux en équivalent EUR (hors budget consacré aux poursuites)
1. Les chiffres comprennent l’ensemble du Service de l’information et des enquêtes fiscales (FIOD).
2. La majorité de ce budget est consacré aux enquêtes sur les délits fiscaux.
91. La plupart des répondants à l’enquête ont indiqué que l’allocation de leur budget ne dépendait pas de critères de performance précis, même lorsque des objectifs de performance ont été fixés. L’enquête montre que les objectifs de performance prédéfinis sont rares. Une minorité de pays ayant répondu à l’enquête ont indiqué que des objectifs de performance ont été identifiés, sous la forme d’un nombre minimum d’enquêtes résolues, d’un nombre ou d’un pourcentage d’enquêtes conduisant à des poursuites, d’excédent, de délai à respecter pour achever une enquête, et d’objectif de recouvrement des recettes.
92. Certains pays ont pu établir une estimation du retour sur investissement de la fonction chargée des enquêtes sur les délits fiscaux.
Encadré 6.1. Retour sur investissement estimé pour le budget consacré aux enquêtes sur les infractions fiscales
En Géorgie, pour chaque lari géorgien investi dans les enquêtes sur les infractions fiscales, le service des enquêtes a recouvré 1.88 GEL en 2018 (rendement de 88 %)
Au Mexique, chaque dollar consacré aux enquêtes sur les délits fiscaux en 2019 a rapporté 16 USD (rendement de 1 600 %)
En Espagne, entre 2015 et 2019, pour chaque euro investi dans les enquêtes fiscales, l’administration fiscale a recouvré 11.51 EUR (rendement de 1 151 %).
La Suisse estime qu’au niveau fédéral, le rendement d’un investissement dans les enquêtes en matière de délinquance fiscale est 20 fois supérieur au coût total de son personnel (rendement de 2 000 %).
Ressources humaines
93. Le personnel doit disposer des connaissances, de l’expertise et des compétences voulues et être dûment formé. En règle générale, les ressources humaines influent sensiblement sur l’efficacité de l’utilisation des ressources financières. Un nombre suffisant de personnes doit ainsi être affecté aux enquêtes sur les délits fiscaux. Le nombre des agents responsables des enquêtes sur les délits fiscaux dans les pays ayant participé à l’enquête pour lesquels les données sont disponibles est le suivant :
Tableau 6.2. Nombre moyen d’agents équivalent temps plein responsables des enquêtes sur les délits fiscaux en 2018
Pays |
Nombre d’agents temps plein |
Pays |
Nombre d’agents temps plein |
---|---|---|---|
Argentine |
83 |
Grèce |
1 782 |
Autriche |
145 |
Honduras |
45 |
Azerbaïdjan |
40 |
Hongrie |
1 179 |
Canada |
564 |
Irlande |
2 000 |
Chili |
56 |
Israël |
500 |
Colombie |
132 |
Japon |
1 494 |
Costa Rica |
246 |
Mexique |
60 |
République tchèque |
300 |
Espagne |
4 800 |
France |
105 |
Suède |
200 |
Géorgie |
394 |
Suisse |
22 |
Allemagne |
2 454 |
États‑Unis |
2 200 |
Note : Les chiffres concernent : pour l’Argentine, le nombre de procureurs chargés des délits fiscaux ; pour l’Autriche, le Service d’enquête sur les délits fiscaux ; pour l’Azerbaïdjan, le DPTIC ; pour le Canada, la Division des enquêtes criminelles de l’ARC ; pour le Chili, les Départements des délits fiscaux et de la défense judiciaire pénale du SII en 2020 ; pour le Costa Rica, le nombre d’agents chargés des contrôles fiscaux ; pour la République tchèque, les moyennes de la Direction des délits économiques graves et de la lutte contre la corruption du NOCA, de la Division de gestion des risques et du FCD en 2015 ; pour la France, le Parquet national financier, la BNRDF et le SEJF ; pour l’Allemagne, le nombre d’inspecteurs des impôts ; pour la Hongrie, le Service des enquêtes pénales de la NTCA en 2020 ; pour le Honduras, la Division des enquêtes pénales du SAR ; pour la Hongrie, le Service des enquêtes pénales de la NTCA en 2020 ; pour Israël, une moyenne du nombre d’agents chargés des enquêtes pénales à l’ITA ; pour le Japon, le nombre d’agents affectés aux enquêtes sur des délits fiscaux à la NTA ; pour le Mexique, le nombre de juristes au sein de la PFP ; pour l’Espagne, l’AEAT ; pour la Suède, la moyenne sur la période 2015-19 pour le Service d’enquête sur l’évasion fiscale de l’Agence fiscale suédoise ; pour la Suisse, une moyenne pour la Division Affaires pénales et enquêtes (DAPE) de l’Administration fédérale des contributions ; pour les États-Unis, le nombre d’enquêteurs et de superviseurs au sein de l’IRS-CI.
94. Disposer des ressources humaines nécessaires implique également de veiller à ce que le personnel possède les compétences et les connaissances requises pour conduire des enquêtes financières complexes. Cet impératif comporte deux aspects : se doter d’un personnel pourvu de l’expertise voulue dans tous les domaines concernés, et lui assurer une formation continue portant sur les risques émergents, les outils d’enquête et les compétences.
95. La nécessité de faire en sorte que l’organisme dispose de l’expertise nécessaire dans tous les domaines concernés tient au fait que les enquêtes sur les délits à caractère financier exigent des connaissances et un savoir-faire spécialisés; et qu’une enquête peut mobiliser des compétences spécifiques. Tous les enquêteurs financiers devraient posséder des connaissances et des compétences financières élémentaires, comme les techniques d’enquête pratiques, la gestion des affaires et la collecte de renseignements. Il faudra également faire appel à des enquêteurs financiers plus spécialisés, comme des comptables, des spécialistes du recouvrement d’avoirs, des cyber-experts et des experts judiciaires.
Formation
96. La formation devrait être continue et dispensée à l’ensemble du personnel, quelle que soit son expérience, et porter sur des domaines comme le droit, les risques émergents, les techniques d’enquête, les techniques d’audition, l’utilisation et l’optimisation des solutions technologiques, les compétences managériales et le travail dans le cadre d’enquêtes interinstitutionnelles et internationales. Lorsque cela est possible, la formation devrait comporter des sessions pratiques portant sur des affaires réelles, ainsi que des sessions communes avec des enquêteurs, des procureurs, des agents d’autorités fiscales et d’autres parties prenantes afin de les sensibiliser plus encore aux possibilités de coopération interinstitutionnelle. Il peut aussi être utile d’organiser des formations internationales pour mettre en commun des approches différentes et créer un réseau de professionnels à même de renforcer la coopération internationale.
Ressources d’infrastructures
97. Des outils physiques doivent être disponibles pour conduire des enquêtes sur des délits fiscaux, comme les outils scientifiques, le matériel administratif servant notamment pour les mesures répressives, la capacité de manipuler les preuves en toute sécurité, et des plateformes de communication performantes.
Ressources organisationnelles
98. Il faut disposer de solides ressources organisationnelles et stratégiques pour travailler et utiliser les ressources de manière efficace, ainsi que d’un réseau de relations interinstitutionnelles.
Ressources de données et technologiques
99. Il est important que les enquêteurs aient accès aux données et aux renseignements utiles, ainsi qu’au matériel et aux logiciels nécessaires pour les analyser. En ce qui concerne les données et les renseignements requis, cela concerne l’accès aux informations sur les impôts et autres recettes, sur les comptes bancaires, le patrimoine immobilier, ainsi que les activités commerciales et les entreprises. S’agissant des ressources technologiques, cela comprend les ordinateurs, les systèmes informatiques, les téléphones portables et les systèmes de stockage de données, ainsi que les outils d’analyse permettant de dégager des liens, des schémas et des risques à partir de sources de données différentes (données structurées et non structurées). Les autorités répressives doivent de plus en plus disposer des compétences et des outils nécessaires pour conduire des enquêtes en réponse à la transformation numérique et à la mondialisation croissantes de l’activité criminelle, et il est probable que l’information et l’analytique de données gagnent encore en importance et que l’on ait besoin d’accéder à un éventail plus large d’informations numériques et d’outils d’analyse. L’enquête montre que les pays participants ont accès à un certain nombre de bases de données. On notera que ces bases de données n’existent pas toutes dans l’ensemble des pays. Le tableau ci-dessous décrit les approches actuellement adoptées par différents pays, lesquelles dépendent de la structure organisationnelle ainsi que de l’existence et du caractère sensible de certaines données, et ne formule aucune conclusion quant à l’efficacité de ces formes d’accès.
Tableau 6.3. Réponses apportées à l’enquête : Accès aux bases de données et registres publics
Accès sur demande |
Accès direct |
Accès impossible |
|||
---|---|---|---|---|---|
Registre des sociétés |
Argentine Australie Canada Colombie Costa Rica République tchèque1 Allemagne |
Honduras Japon Mexique Nouvelle-Zélande Afrique du Sud Royaume‑Uni États-Unis |
Autriche Brésil République tchèque2 Danemark France Géorgie Grèce Hongrie Islande Irlande |
Israël Italie Corée Pays-Bas Nouvelle-Zélande Norvège Espagne Suède Suisse États-Unis |
Chili |
Cadastre |
Australie Canada Costa Rica Danemark France Allemagne Grèce Japon |
Corée Mexique Nouvelle-Zélande Afrique du Sud Suisse Royaume‑Uni États-Unis |
Autriche Brésil Colombie République tchèque Géorgie Honduras Hongrie Islande Irlande |
Italie Israël Pays-Bas Nouvelle-Zélande Norvège Espagne Suède États-Unis |
Chili |
Registre des citoyens3 |
Australie Costa Rica Allemagne Grèce Irlande Japon Corée |
Mexique Nouvelle-Zélande Afrique du Sud Espagne Suisse Royaume‑Uni États-Unis |
Argentine Autriche Brésil Chili Colombie République tchèque Danemark France Géorgie |
Honduras Hongrie Islande Israël Italie Pays-Bas Norvège Suède États-Unis |
Canada |
Bases de données fiscales |
Brésil Colombie Costa Rica Danemark France |
Hongrie Mexique Norvège Suède |
Argentine Australie Autriche Canada Chili République tchèque4 France5 Géorgie Allemagne Grèce Honduras Islande Irlande |
Israël Italie Japon Corée Pays-Bas Nouvelle-Zélande Norvège Afrique du Sud Espagne Suède Suisse Royaume‑Uni États-Unis |
|
Bases de données douanières |
Australie Brésil Canada Colombie Danemark France Allemagne Grèce6 Hongrie |
Japon Corée Mexique Nouvelle-Zélande Norvège Suède Suisse7 États-Unis |
Argentine Autriche République tchèque8 Géorgie Grèce9 Honduras Islande Irlande Israël |
Italie Pays-Bas Afrique du Sud Espagne Suisse10 Royaume‑Uni |
Chili Costa Rica |
Bases de données policières |
Argentine Australie France Allemagne Grèce11 Honduras Irlande Israël Japon |
Corée Mexique Nouvelle-Zélande Afrique du Sud Suisse12 Royaume‑Uni États-Unis |
Argentine Autriche Azerbaïdjan Brésil Canada Colombie Costa Rica République tchèque Danemark |
France13 Géorgie Grèce14 Hongrie Italie Pays-Bas Norvège Suède15 |
Chili Islande Norvège Espagne Suisse |
Bases de données judiciaires |
Australie Autriche Canada République tchèque Géorgie Allemagne Grèce Honduras Hongrie |
Irlande Corée Mexique Pays-Bas Nouvelle-Zélande Afrique du Sud Royaume‑Uni États-Unis |
Argentine Brésil Colombie Costa Rica France Islande Italie Japon Nouvelle-Zélande |
Norvège Suisse États-Unis Israël |
Chili Norvège Espagne Suède Suisse |
Bases de données des déclarations d’opérations suspectes |
Autriche Brésil16 République tchèque Allemagne Grèce17 Géorgie Honduras Hongrie Israël |
Italie Japon Corée Mexique Pays-Bas Nouvelle-Zélande Espagne Suède |
Australie Danemark Grèce18 Irlande Japon Afrique du Sud |
Royaume‑Uni États-Unis |
Argentine Canada Chili Colombie Costa Rica France Islande Norvège Suisse |
Bases de données des comptes bancaires nationaux |
Argentine Australie Brésil Colombie République tchèque France Géorgie Allemagne Grèce Honduras Hongrie Islande |
Irlande Israël Japon Corée Mexique Norvège Afrique du Sud Espagne Suisse Royaume‑Uni États-Unis |
Autriche Azerbaïdjan Costa Rica France19 Italie Pays-Bas |
Argentine Canada Chili Suède |
|
Registre des immatriculations |
Australie Canada Allemagne Honduras Japon Corée |
Mexique Nouvelle-Zélande Afrique du Sud Suisse20 Royaume‑Uni |
Argentine Autriche Brésil Chili Colombie Costa Rica République tchèque Danemark France Géorgie Grèce Hongrie |
Islande Irlande Italie Israël Pays-Bas Nouvelle-Zélande Norvège Espagne Suède Suisse21 États-Unis |
|
Registre des bateaux |
Argentine Australie Autriche Brésil Canada République tchèque Danemark France Géorgie Allemagne Grèce |
Honduras Islande Irlande Japon Corée Mexique Nouvelle-Zélande Afrique du Sud Suisse22 Royaume‑Uni États-Unis |
Colombie Costa Rica Hongrie Israël Italie Pays-Bas Norvège |
Espagne Suisse23 |
Chili |
1. Copies papier certifiées conformes des documents provenant du Registre commercial.
2. Certificat électronique de constitution en société, sans vérification officielle à des fins opérationnelles.
3. Certains pays sont dépourvus d’un tel registre.
4. Pour les agents désignés chargés des enquêtes sur les délits fiscaux. Les agents non désignés doivent gérer leurs demandes via le SPPO.
5. L’autorité chargée des enquêtes a un accès direct à quatre bases de données seulement ; l’accès aux autres bases de données nécessite une demande préalable.
6. DPF, CRF
7. AFC, Administrations fiscales cantonales
8. Pour les agents désignés chargés des enquêtes sur les délits fiscaux. Les agents non désignés doivent gérer leurs demandes via le SPPO.
9. YEDDE
10. AFC
11. YEDDE
12. AFD
13. Accès direct à la base de données des casiers judiciaires.
14. DPF, CRF
15. EBM
16. Sur demande ou spontanément communiquées par la CRF.
17. YEDDE, DPF
18. CRF
19. La liste des comptes détenus par une personne est directement accessible, mais pas son solde ou le détail de ses transactions, qui nécessitent une demande préalable.
20. AFC, Administrations fiscales cantonales
21. AFD
22. AFC, Administrations fiscales cantonales
23. AFD