Les pays devraient caractériser les délits fiscaux en infractions principales du blanchiment de capitaux.
Lutte contre la délinquance fiscale ‒ les dix principes mondiaux, deuxième édition
Principe 7. Caractériser les délits fiscaux en infractions principales du blanchiment de capitaux
Abstract
Introduction
100. Les Recommandations du GAFI prévoient que « …les pays devraient appliquer l’infraction de blanchiment de capitaux à toutes les infractions graves afin de couvrir la gamme la plus large d’infractions sous-jacentes » (recommandation 3) (GAFI, 2012-2020[7]).
101. Une infraction principale (ou sous-jacente) est une infraction constitutive d’un délit plus grave. S’agissant du blanchiment de capitaux, les infractions principales peuvent générer des fonds ou des avoirs qui peuvent ensuite être blanchis pour en masquer l’origine illicite. Ainsi, l’infraction principale du trafic de stupéfiants peut générer des revenus et, au cours de l’une des étapes fondamentales que sont le placement, la dispersion et l’intégration, dissimuler l’origine illicite des fonds, ce qui permet ainsi au trafiquant d’utiliser ces fonds sans susciter de soupçons d’infraction1.
102. Caractériser certains délits en infractions principales permet de poursuivre une personne pour l’infraction principale en tant que telle, mais aussi pour l’infraction de blanchiment de capitaux.
103. Dans la toute dernière version des Recommandations du GAFI, les « infractions fiscales pénales (liées aux impôts directs et indirects) » constituaient une catégorie distincte dans la liste existante des catégories d’infractions devant être caractérisées en infractions principales du blanchiment de capitaux (GAFI, 2012-2020[7])2.
104. Il est important d’inscrire les délits fiscaux sur la liste des infractions principales du blanchiment de capitaux, car cela signifie que :
L’auteur d’un délit de blanchiment de capitaux peut aussi être poursuivi pour l’infraction principale. Cette approche donne aux autorités davantage de possibilités d’obtenir une condamnation et/ou d’imposer des sanctions plus sévères. Dans la pratique, la conduite d’une enquête ou l’ouverture de poursuites à raison de l’une ou des deux infractions dépend de l’affaire et de facteurs comme la nature des éléments de preuve ou les éléments de l’infraction qui doivent être établis.
Les établissements financiers et autres professionnels désignés et entités soumises à une obligation déclarative sont tenus de remplir des déclarations d’opérations suspectes (DOS) lorsqu’ils soupçonnent que les fonds d’un client constituent les produits d’une activité délictueuse, y compris du blanchiment de capitaux ou d’une infraction principale. Dans ces conditions, les DOS peuvent porter sur les soupçons relatifs aux fonds provenant d’un délit à caractère fiscal. Il s’agit là, pour les autorités publiques, d’une source de renseignements supplémentaires émanant du secteur privé. Pour renforcer l’efficacité de ce dispositif, les entités assujetties à une obligation de déclaration des opérations suspectes doivent être conscientes des risques que certains fonds proviennent de délits fiscaux, ainsi que des éléments en attestant. Ces déclarations sont déposées auprès de la Cellule de renseignements financiers (CRF).
les DOS sont analysées par la CRF et s’il y a lieu, les renseignements sont communiqués aux autorités nationales compétentes en matière d’enquêtes et/ou de poursuites pour l’infraction principale concernée. Dans ces conditions, les DOS peuvent être transmises par la CRF à l’autorité chargée des enquêtes et/ou des poursuites relatives aux délits fiscaux (OCDE, 2015[8]) (voir également le principe 8)3.
Les mécanismes de coopération internationale conformes aux Recommandations du GAFI s’appliquent entre les autorités chargées des enquêtes et/ou des poursuites pour les délits de blanchiment de capitaux et les infractions principales. Lorsque les délits fiscaux sont caractérisés en infractions principales, ces modes de coopération internationale sont étendus aux autorités chargées des enquêtes et/ou des poursuites relatives aux délits fiscaux. Ces mécanismes comprennent échanges directs de renseignements et entraide judiciaire, entre les autorités chargées des enquêtes et des poursuites fiscales et entre les autorités chargées des enquêtes et des poursuites non fiscales (voir également le Principe 9).
105. Dans la pratique, pratiquement tous les pays ayant participé à l’enquête ont constaté que la caractérisation des délits fiscaux en infractions principales avait eu un impact concret et positif sur leur travail. Selon les données recueillies grâce à l’enquête, l’effet de cette caractérisation le plus souvent évoqué est une amélioration de la coopération interinstitutionnelle, notamment à travers une capacité accrue de travailler avec d’autres organismes sur des affaires données et plus généralement sur des questions de stratégie et de politique menées, une sensibilisation des autres autorités répressives, des services de renseignement et des intervenants du secteur privé à la possibilité que des délits fiscaux se produisent, et des perspectives renforcées de communication avec d’autres organismes. De nombreux pays ont également déclaré avoir plus facilement accès à l’information (venant de la CRF et grâce à l’augmentation des DOS, notamment). Certains ont également indiqué que les poursuites pouvaient être engagées plus facilement et que le nombre de procédures était en hausse.
106. Bien que les « délits fiscaux » ne soient pas définis, la note interprétative de la Recommandation du GAFI précise que les « pays devraient appliquer l’infraction de blanchiment de capitaux à toutes les infractions graves, afin de couvrir la gamme la plus large d’infractions sous-jacentes ». Chaque pays doit déterminer les modalités de mise en œuvre de cette obligation dans son droit interne, et notamment donner une définition de l’infraction et des éléments des infractions qui en font des infractions graves.
107. Il existe plusieurs méthodes pour caractériser les délits fiscaux en infractions principales du blanchiment de capitaux. Les pays peuvent, par exemple :
adopter une méthode inclusive et caractériser l’ensemble des infractions pénales en infractions principales ;
adopter la méthode du seuil et caractériser en infractions principales toutes les infractions atteignant un certain seuil, comme celles qui sont passibles d’une année d’emprisonnement au moins ou qui appartiennent à la catégorie des « infractions graves » ;
adopter la méthode de la liste et établir une liste explicite des infractions qui constituent des infractions principales;
108. Tous les pays ayant répondu à l’enquête, à l’exception du Honduras, ont caractérisé les délits fiscaux en infractions principales du blanchiment de capitaux. Ils adoptent les méthodes suivantes dans la pratique :
109. Trois pays ont déclaré utiliser la « méthode du seuil » (seule ou associée à une autre méthode) ; certains d’entre eux ont fixé le seuil aux infractions passibles d’une peine d’emprisonnement dépassant une certaine durée (de six mois à quatre ans) et d’autres aux infractions donnant lieu à une mise en examen.
Références
[1] GAFI (2012-2020), Normes internationales sur la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et de la proliferation, GAFI, https://www.fatf-gafi.org/fr/publications/recommandationsgafi/documents/recommandations-gafi.html.
[2] OCDE (2015), Improving Co-operation between Tax and Anti-Money Laundering Authorities (Améliorer la coopération entre les autorités fiscales et les autorités de lutte contre le blanchiment d’argent), Éditions OCDE, http://www.oecd.org/tax/crime/improving-cooperation-between-tax-and-anti-money-laundering-authorities.htm.
Notes
← 1. Voir également OCDE (2009), Le manuel de sensibilisation au blanchiment de capitaux à l’intention des vérificateurs fiscaux, Éditions OCDE, Paris, https://www.oecd.org/fr/fiscalite/delits/manuel-sensibilisation-blanchiment-capitaux.htm.
← 2. La liste des catégories désignées d’infractions figurant dans les Recommandations du GAFI est la suivante : la participation à un groupe criminel organisé et la participation à un racket ; le terrorisme, y compris son financement ; la traite des êtres humains et le trafic illicite de migrants ; l’exploitation sexuelle, y compris celle des enfants ; le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes ; le trafic illicite d’armes ; le trafic illicite de biens volés et autres biens ; la corruption ; la fraude ; le faux monnayage ; la contrefaçon et le piratage de produits ; les infractions pénales contre l’environnement ; les meurtres et les blessures corporelles graves ; l’enlèvement, la séquestration et la prise d’otages ; le vol ; la contrebande (y compris relativement aux taxes et droits de douane et d’accise) ; les infractions fiscales pénales (liées aux impôts directs et indirects) ; l’extorsion ; le faux ; la piraterie ; les délits d’initiés et la manipulation de marchés.
← 3. Voir également le Principe 8 pour plus de détails, ainsi que la publication OCDE (2015), Improving Co-operation between Tax and Anti-Money Laundering Authorities: Access by tax administrations to information held by financial intelligence units for criminal and civil purposes, OCDE, Paris, http://www.oecd.org/tax/crime/improving-cooperation-between-tax-and-anti-money-laundering-authorities.htm.