La première étape du cadre de l’OCDE sur le devoir de diligence consiste à faire en sorte que les entreprises disposent de politiques et de systèmes de gestion solides. Le présent chapitre explique ce que cela signifie pour les entreprises qui mettent en œuvre des pratiques de diligence raisonnable dans les chaînes d’approvisionnement du cacao, notamment en termes d’impacts sur les droits de l’homme, comme le travail des enfants et le travail forcé.
Manuel à l’intention des entreprises sur le devoir de diligence dans le secteur du cacao
Étape 1 : Intégration de la conduite responsable des entreprises et de l’exercice du devoir de diligence dans les politiques et systèmes de gestion
Abstract
Questions stratégiques que les entreprises doivent se poser
Est-ce que votre entreprise dispose d’un document de politique accessible au grand public dans lequel elle s’engage à respecter les droits de l’homme reconnus à l’échelle internationale, notamment les droits de l’enfant et le droit à ne pas être astreint à un travail forcé ?
Est-ce que cette politique reprend des normes internationales pertinentes de l’OIT relatives au travail des enfants et au travail forcé, et l’entreprise s’engage-t-elle à faire preuve de diligence en suivant l’approche de l’OCDE ?
Cette politique a-t-elle été approuvée au plus haut niveau de l’entreprise et les responsabilités de supervision de la mise en œuvre de cette politique ont-elles été clairement définies ?
Avez-vous mis en place un système de contrôle et de transparence sur toute la chaîne d’approvisionnement du cacao ? Il peut s’agir d’un système de chaîne de responsabilité (p. ex. à l’aide de documents) ou d’un programme de traçabilité, voire de l’identification des acteurs situés en amont de la chaîne d’approvisionnement du cacao.
Est-ce que vos fournisseurs savent comment vous vous conformez à votre politique d’entreprise relative aux droits de l’homme, y compris en matière de problématiques liées au travail des enfants et au travail forcé ? Tout cela figure-t-il dans les contrats signés avec les fournisseurs ?
Existe-t-il un système de transmission ou de traitement des plaintes / problématiques en lien avec le travail des enfants et le travail forcé que peuvent utiliser le personnel, les partenaires commerciaux, les communautés locales et toute autre partie prenante ?
Intégration des pratiques de diligence raisonnable en matière de conduite responsable des entreprises dans les politiques et systèmes de gestion
Établir et/ou mettre à jour des politiques faisant clairement référence au travail des enfants et au travail forcé
Les politiques des entreprises doivent refléter leur engagement à lutter contre le travail des enfants et le travail forcé, tout en respectant les droits de l’enfant conformément aux règles nationales et internationales (p. ex. celles de l’OIT) et aux recommandations de l’OCDE relatives au devoir de diligence fondée sur les risques. Si le travail des enfants et le travail forcé sont reconnus comme des enjeux liés aux droits de l’homme dans le secteur du cacao, les politiques peuvent traiter d’autres problématiques touchant aux droits de l’homme telles que la liberté d’association, l’égalité de genre, la santé et la sécurité sur le lieu de travail, les droits fonciers, l’accès à la terre, ainsi que l’utilisation durable des ressources naturelles (le sol et l’eau) et la protection des forêts et de la biodiversité (OCDE/FAO, 2016[2]).
Les entreprises sont encouragées à déclarer que la politique s’applique tout le long de la chaîne d’approvisionnement, y compris au niveau des exploitations agricoles.
Les règles doivent s’appliquer également à tout le monde.
Les politiques doivent être approuvées au plus haut niveau hiérarchique de l’entreprise et être régulièrement réexaminées afin de prendre en considération les nouveaux risques qui se posent dans le cadre des activités, de la chaîne d’approvisionnement et des relations d’affaires de l’entreprise du secteur du cacao. Par exemple, elles peuvent être mises à jour pour prendre en compte les changements affectant les zones d’approvisionnement, les nouveaux risques pesant sur les droits de l’homme dans la chaîne d’approvisionnement du cacao et l’évolution des normes internationales et des législations nationales1.
Les politiques peuvent inclure un engagement à collaborer avec les agriculteurs et leurs communautés, avec les gouvernements, la société civile et d’autres parties prenantes concernées pour lutter contre les causes fondamentales du travail des enfants et du travail forcé.
Structurer les systèmes de gestion interne et les ressources humaines à l’appui de l’exercice du devoir de diligence
Sur la base des politiques élaborées, les systèmes de gestion interne et les ressources humaines peuvent encourager davantage l’exercice d’une diligence raisonnable par le biais de mesures complémentaires, et notamment :
Préciser l’engagement de la direction de l’entreprise et dédier un budget à la formation du personnel, élaborer un programme pour faire face aux risques et impacts sur les droits de l’homme, comme le travail des enfants et le travail forcé.
Renforcer la capacité des fournisseurs et des PME à exercer un devoir de diligence raisonnable efficace afin d’atténuer les risques et les impacts sur les droits de l’homme, y compris le travail des enfants et le travail forcé.
Former le personnel sur les problématiques de travail des enfants et de travail forcé en assurant une bonne compréhension des enjeux complexes qui caractérisent l’atténuation de ces impacts négatifs.
Mettre en place un système de contrôle et de transparence de la filière
Pour correctement identifier et traiter les impacts avérés et potentiels sur les droits de l’homme (comme le travail des enfants et le travail forcé) dans la chaîne d’approvisionnement, l’OCDE recommande que les entreprises (en amont et en aval) mettent en place un système de contrôle et de transparence tout le long de la chaîne d’approvisionnement. La mise en place d’un système de ce type dépend du maillon de la chaîne d’approvisionnement où se trouvent les entreprises et de la visibilité et du contrôle qu’elles ont sur cette chaîne.
La mise en place d’un tel système de contrôle peut se faire par une approche de chaîne de responsabilité (fondée sur des documents, comme des fichiers répertoriant l’âge des travailleurs) ou un système de traçabilité ou de certification. Les politiques de l’entreprise doivent expliquer ces systèmes et la manière dont ils sont intégrés dans les systèmes de gestion de l’entreprise. Il convient de noter que les mécanismes de certification sectorielle peuvent contribuer à soutenir le devoir de diligence d’une entreprise mais ne doivent en aucun cas le remplacer. L’entreprise reste la seule responsable du devoir de diligence.
Faire connaître publiquement ces politiques et les communiquer à tout le personnel et à l’ensemble des fournisseurs, partenaires commerciaux et parties prenantes concernées
La politique doit être diffusée à un maximum d’employés et de partenaires commerciaux, tels que les agriculteurs, négociants et transformateurs, exportateurs et importateurs de fèves de cacao, ainsi qu’à d’autres parties prenantes concernées comme des entités participant à des initiatives multipartites ou sectorielles, les pouvoirs publics nationaux / régionaux des pays producteurs de cacao, les ONG locales et les organisations communautaires. Les entreprises sont incitées à :
S’assurer que le personnel et les fournisseurs de leur chaîne d’approvisionnement en cacao comprennent ce que sont les droits de l’homme, notamment en matière de travail des enfants et de travail forcé, qu’ils connaissent les indicateurs sectoriels et thématiques pouvant être utilisés pour évaluer les risques et les impacts dans la chaîne d’approvisionnement, et qu’ils savent comment informer la direction de leur entreprise si de tels impacts sont décelés.
Élaborer un argumentaire commercial en faveur de la politique, en énonçant clairement les responsabilités dévolues à chaque département et en reliant les actions aux obligations juridiques et aux attentes des clients. Désigner des personnes responsables de la mise en place des politiques dans les différents départements, par exemple, les services juridiques, d’achats, de collaboration avec les parties prenantes et les fournisseurs, des affaires publiques, etc.
Développer, communiquer et maintenir une structure chargée de rendre des comptes en interne au sein de votre entreprise au niveau des points de jonction clés. Des groupes plurifonctionnels peuvent partager les informations et la prise de décisions concernant les risques et impacts avérés, ainsi que l’état d’avancement des activités de votre entreprise en matière de diligence raisonnable dans la chaîne d’approvisionnement du cacao.
Intégrer les attentes relatives au devoir de diligence dans les contrats ou accords écrits conclus avec les fournisseurs
Inclure des dispositions relatives au travail des enfants et au travail forcé, et à tous les autres risques pesant sur les droits de l’homme, dans les contrats signés avec les fournisseurs, les codes de conduite et autres formes d’accords écrits. Les attentes des entreprises, y compris les obligations contractuelles prévoyant des sanctions en cas d’infraction, doivent être clairement communiquées. Les documents de politiques doivent être traduits et mis à disposition des fournisseurs et des partenaires commerciaux dans leur langue maternelle.
Communiquer ce qui est attendu des fournisseurs pour que les politiques de votre entreprise s’appliquent également à toute la chaîne d’approvisionnement et pour mettre en place un système de contrôle et de transparence. Les haut responsables au sein des fournisseurs et prestataires peuvent faire connaître les exigences de votre entreprise en matière de diligence raisonnable et mettre en avant les entreprises exemplaires en la matière afin de promouvoir l’apprentissage mutuel.
Face à une entreprise qui s’approvisionne auprès de fournisseurs soupçonnés de recourir au travail des enfants ou au travail forcé, envisager d’inclure des dispositions contractuelles prévoyant des visites inopinées chez les fournisseurs ou d’exiger d’eux qu’ils adoptent le système de contrôle de l’entreprise.
Former les fournisseurs, tout particulièrement les PME, pour qu’ils mettent en œuvre des pratiques de diligence raisonnable fondée sur les risques afin de remédier aux impacts négatifs, notamment le travail des enfants et le travail forcé. Il peut s’agir entre autres de promouvoir le présent Manuel auprès des fournisseurs en élaborant un cadre standardisé de signalement des risques et impacts avérés, de communiquer des exemples de politiques relatives au travail des enfants et au travail forcé adoptées par des fournisseurs et d’aider ces derniers à consolider leurs systèmes d’évaluation pour garantir leur conformité (systèmes de vérification de l’âge des enfants, par exemple).
Collaborer avec les fournisseurs afin de lever les obstacles à la mise en œuvre de pratiques de diligence raisonnable, par exemple en augmentant la part de cacao issu d’un approvisionnement direct et en utilisant des systèmes de traçabilité nationaux afin d’améliorer la visibilité de l’approvisionnement du cacao, des intermédiaires aux négociants.
Encadré 3. Ce que les PME peuvent envisager de faire
Consulter les initiatives menées par les associations locales de travailleurs, les acteurs du secteur et les différentes parties prenantes au moment de formuler des politiques de diligence raisonnable car elles peuvent donner des exemples de bonnes pratiques dont vous pouvez vous inspirer. La plupart des documents correspondants sont en accès libre.
Travailler avec d’autres professionnels et organisations du secteur du cacao pouvant impliquer les parties prenantes sur le terrain ou à une échelle internationale, ou encourager la formation du personnel et des fournisseurs sur les pratiques de diligence raisonnable, en particulier les risques de travail des enfants et de travail forcé.
Vérifier les ressources qui sont en accès libre et mises à disposition par des organisations internationales comme l’OCDE, l’OIT, l’UNICEF (Fonds des Nations Unies pour l’enfance) et la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture) sur le travail des enfants à l’intention des entreprises et sur ce que les entreprises peuvent faire pour remédier à ces risques.
Désigner un(e) responsable des droits de l’homme, même s’il ne s’agit pas d’un poste à plein temps. Il est préférable de privilégier des relations hiérarchiques simples et peu cloisonnées au sein des plus petites entreprises, avec une coordination plurifonctionnelle et une plus grande implication des décideurs de haut niveau.
Note
← 1. Les recommandations de l’OCDE insistent sur le fait que les entreprises ont pour obligation première de respecter les lois des pays où elles exercent des activités et/ou dans lesquels elles sont domiciliées.