L’Étape 4 du cadre de l'OCDE sur le devoir de diligence a pour finalité de s'assurer de l’efficacité des activités de diligence raisonnable. Le présent chapitre expose la manière dont les entreprises du secteur du cacao peuvent assurer le suivi de l’efficacité des mesures de prévention et d’atténuation des risques et des effets sur les droits de l’homme de pratiques telles que le travail des enfants et le travail forcé qui sont mises en œuvre au sein de leurs chaînes d’approvisionnement.
Manuel à l’intention des entreprises sur le devoir de diligence dans le secteur du cacao
Étape 4 : Suivi de la mise en œuvre et des résultats
Abstract
Questions stratégiques que les entreprises doivent se poser
Utilisez-vous des données sur les évaluations et les réclamations pour suivre les progrès réalisés par chaque fournisseur au regard des mesures et des plans de gestion des risques visant à lutter contre le travail des enfants et le travail forcé ?
Si vous êtes un producteur, une marque, un détaillant, voire un transformateur, vérifiez-vous que les points de contrôle identifiés le long de la chaîne d’approvisionnement exercent une diligence raisonnable sur le segment en amont de la chaîne d’approvisionnement, conformément aux recommandations de l’OCDE ?
Si vous êtes un agriculteur, une coopérative, un négociant, un distributeur, un transporteur ou un transformateur (le cas échéant), recueillez-vous des informations sur l’efficacité des mesures prises pour lutter contre les risques et atténuer les effets sur les droits de l’homme de pratiques telles que le travail des enfants et le travail forcé ?
Assurez-vous un suivi des cas de travail des enfants et de travail forcé recensés et de la manière dont ils sont gérés (mesures de prévention, d’atténuation et de remédiation) ?
Assurez-vous un suivi des avancées et des effets à l’aide d’indicateurs quantitatifs et qualitatifs adaptés ? Il est possible d’adapter ces indicateurs aux cadres de suivi sectoriels et aux initiatives gouvernementales (comme les Plans d’action nationaux), ou de les élaborer en concertation avec des spécialistes du travail des enfants et du travail forcé, des syndicats, des associations professionnelles ou des initiatives multipartites.
Suivi de la mise en œuvre et des résultats
Il est essentiel de suivre et de vérifier comment le devoir de diligence est exercé afin de faire reculer le travail des enfants et le travail forcé au sein de votre chaîne d’approvisionnement.
Suivre et observer la mise en œuvre et l’efficacité des engagements, des objectifs et des activités de l'entreprise relatifs à l’exercice de son devoir de diligence
Confier aux dirigeants une mission de surveillance pour que s'assurer que la responsabilité du suivi et du contrôle des efforts de diligence de l’entreprise est assumée.
C'est au service des approvisionnements d’une entreprise qu'incombe au premier chef la responsabilité du suivi de la mise en œuvre des évaluations des fournisseurs et des plans d’action correctifs visant à lutter contre le travail des enfants et le travail forcé, qui doivent être assortis d'échéances et axés sur les résultats.
Le service des achats d’une entreprise peut se voir confier la responsabilité principale du suivi des taux de commandes passées tardivement, modifiées ou annulées, autant de pratiques qui favorisent les effets négatifs réels et potentiels du travail des enfants et du travail forcé chez les fournisseurs.
Le personnel au niveau opérationnel peut chercher à recueillir les avis des parties prenantes et des détenteurs de droits concernés sur la question de savoir si des réponses aux effets négatifs ont été trouvées en consultant par exemple les communautés et les autorités locales, des organisations communautaires spécialisées dans la protection de l’enfance et l’autonomisation des femmes, des coopératives et des représentants de travailleurs, mais aussi en recueillant les réactions de personnes participant à des réunions et des forums, ou encore en prenant note des questions soulevées dans le cadre de procédures de réparation concernant par exemple le travail des enfants et les conditions de travail dans les exploitations agricoles cacaoyères.
Les entreprises en aval doivent dialoguer avec les entreprises et les fournisseurs situés aux points de contrôle (p. ex. négociants, broyeurs, importateurs et exportateurs de cacao) de la chaîne d’approvisionnement en cacao et évaluer leurs procédures et leurs pratiques en matière de diligence raisonnable.
Enregistrer le nom de tout enfant redirigé vers des services locaux par le système de suivi, en précisant la date à laquelle il a été redirigé et celle à laquelle il a reçu une assistance. Assurer un suivi de tous les cas redirigés vers des services locaux afin de vérifier qu’ils bénéficient d'un soutien, de comprendre comment leur situation évolue et d'identifier tout autre besoin de prise en charge.
Il pourra être exigé des entreprises qu’elles rendent publiques les cas de travail forcé conformément à la législation imposant une publicité obligatoire. Les victimes doivent faire l’objet d’un suivi et de contrôles pour s’assurer qu’elles reçoivent un soutien et pour identifier d'autres besoins éventuels.
Qu’est-ce qui doit faire l’objet d’un suivi et d’une vérification ?
Pour chercher ce qu'il faut suivre et vérifier, il est utile d’envisager une collecte de données normalisées et de réfléchir à la manière d'agréger les données dans un souci d’échelle et de convergence. L’une des manières de procéder consiste à identifier les indicateurs et points de données clés mis en place par les pouvoirs publics des pays producteurs et dans le cadre d'initiatives sectorielles ou multipartites et à s’aligner sur ces indicateurs et données ou à les utiliser directement. Les plans d’action nationaux et les rapports d’enquête sur le travail des enfants de portée nationale ainsi que les mesures de performances (indicateurs de résultats, données de référence, objectifs), peuvent être une source d’informations utile.
Tableau 6. Exemples d’indicateurs pouvant faire l’objet d’un suivi
Exemples d’indicateurs de travail des enfants |
Exemples d’indicateurs de travail forcé |
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Nombre de foyers et nombre d’enfants couverts par un programme SSRTE ou un programme analogue Nombre de cas de travail des enfants recensés Nombre d’enfants astreints au travail recensés qui ont bénéficié d’une prise en charge Nombre d’enfants astreints au travail recensés qui ont fait l’objet d’au moins deux visites de suivi Nombre d’enfants qui ne sont plus contraints de travailler Nombre de foyers couverts par un autre type de système de lutte contre le travail des enfants et effet de ces systèmes |
Nombre de foyers ayant été sensibilisés au travail forcé Nombre de foyers couverts par une évaluation des risques de travail forcé Nombre de foyers ayant accès à un dispositif de dépôt de réclamation pour lutter contre les risques de travail forcé et traiter les cas avérés de travail forcé Nombre de réclamations déposées au cours des 12 derniers mois Nombre de coopératives ayant mis en place une politique de lutte contre le travail forcé Nombre de personnes formées à la lutte contre le travail forcé |
Note : exemples d’indicateurs de travail des enfants couramment utilisés par la fondation ICI et les plateformes européennes pour un cacao durable.
Procéder à des évaluations de la chaîne d’approvisionnement
Les chaînes d’approvisionnement sont dynamiques et peuvent subir les effets de multiples paramètres tels que le changement climatique, des épidémies et d’autres facteurs de vulnérabilité. Les sources d’approvisionnement en fèves de cacao peuvent changer très soudainement, de même que les niveaux de risques associés. Les entreprises doivent se tenir au fait de ces changements et adapter en conséquence leurs stratégies en matière de diligence raisonnable. Certaines entreprises du secteur du cacao testent la cartographie par satellite et le système LiDAR pour obtenir des données en temps réel et disposer d'éléments de traçabilité plus précis, notamment sur des risques comme la déforestation. Ils en retirent des informations utiles sur la déforestation provoquée par la culture du cacao, sachant que cette déforestation peut également aller de pair avec un risque accru de travail forcé (Myers, 2019[35]).
Les entreprises en aval doivent se rapprocher de leurs fournisseurs et de leurs partenaires commerciaux exerçant des activités aux points de contrôle de la chaîne d’approvisionnement pour vérifier que les mesures d’atténuation des risques associés au travail des enfants et au travail forcé sont actualisées et que les répercussions de ces pratiques ont suscité des réactions. Il est primordial de mettre en place un système de transfert régulier d’informations des entreprises en amont vers les entreprises en aval afin de promouvoir la transparence de la chaîne d’approvisionnement au fil du temps.
Consulter et associer les détenteurs de droits concernés ou susceptibles de l’être
La mobilisation des parties prenantes fait partie intégrante des procédures de diligence raisonnable préconisées par l’OCDE. Un système de suivi et de vérification est d’autant plus efficace que les parties prenantes, telles que le personnel interne, les représentants de coopératives et de groupements d’agriculteurs, les organisations de la société civile, les représentants des travailleurs, les responsables des communautés locales et les pouvoirs publics, y sont associées.
Dans un contexte où le travail des enfants et le travail forcé sont pratiqués, il est important de dialoguer avec les agriculteurs, les groupements d’agriculteurs les familles d’agriculteurs et les parents, et tout particulièrement avec les représentants des femmes, les organisations de la société civile qui travaillent sur les problématiques du travail des enfants et du travail forcé, les représentants des travailleurs, les syndicats et leurs dirigeants, les responsables des communautés locales, les établissements scolaires, les administrations et les organismes gouvernementaux, notamment ceux qui s'occupent de la protection de l’enfance et du droit du travail. Ces groupes doivent être régulièrement consultés et mobilisés pour assurer le suivi et l'actualisation des informations sur les problématiques du travail des enfants et du travail forcé.
Les entreprises en aval souhaitent parfois collaborer avec des ONG locales et internationales possédant une expérience des problématiques de l'enfance et du travail, ainsi qu'avec des associations et des responsables d'initiatives sectorielles œuvrant sur le terrain. Il est essentiel que les enfants astreints au travail soient consultés et entendus à l'occasion de visites dans leurs foyers qui permettent de comprendre leur situation et leur statut professionnel et de suivre les évolutions. C’est d’ailleurs un volet essentiel des systèmes de suivi tels que les SSRTE qui exigent des visites de suivi régulières jusqu’à ce que l’enfant soit considéré comme « libéré » du travail contraint selon les critères recensés précédemment.
Passer régulièrement en revue les initiatives sectorielles et multipartites auxquelles participe l’entreprise
Le secteur du cacao compte un nombre important d’initiatives multipartites et sectorielles pour un cacao durable qui peuvent servir à apporter un soutien aux entreprises, notamment celles qui sont séparées de la production du cacao par plusieurs maillons de la filière, pour l’exercice d’une diligence raisonnable face au travail des enfants et au travail forcé. Ces initiatives doivent être évaluées régulièrement par les entreprises participantes car la diligence raisonnable demeure de leur responsabilité. Les entreprises qui prennent part à ces initiatives ou y ont recours pour compléter leurs mesures de diligence raisonnable doivent vérifier qu'elles sont conformes aux recommandations de l’OCDE sur le devoir de diligence1.
Prendre en compte les enseignements tirés de la mise en œuvre des procédures de diligence raisonnable par l’entreprise afin d’en améliorer en permanence le fonctionnement et les résultats
Les entreprises doivent régulièrement procéder à des évaluations plus globales de l’ensemble de leurs efforts de diligence, notamment au moyen d’audits externes réalisés par des intervenants indépendants compétents et agréés, possédant une expertise et une expérience des contrôles portant sur le travail des enfants et le travail forcé.
Les audits externes sont d’autant plus efficaces qu’ils sont conduits en toute indépendance, par des personnes compétentes et tenues responsables de leurs conclusions, conformément aux recommandations de l’OCDE. Ils doivent notamment porter sur les chaînes de responsabilité, et comporter en particulier une évaluation de la qualité des documents, des informations sur le travail des enfants et des conditions de travail dans les exploitations agricoles.
Encadré 7. Ce qu’il est possible de faire si vous êtes...
Un transformateur (le cas échéant), un négociant, un distributeur, un transporteur, une exploitation agricole ou une coopérative :
S’assurer que les acheteurs en aval savent comment vous vérifiez et collectez les informations, notamment quel type de données que vous recueillez (voir Tableau 6), quelle est la fréquence à laquelle vous les recueillez et quelles sont les entités avec lesquelles vous travaillez pour obtenir ces données.
Indiquer en toute honnêteté le type de données qui vous manquent et les raisons pour lesquelles vous ne les avez pas.
Dialoguer avec les acheteurs en aval pour leur expliquer comment ils peuvent faciliter vos activités de collecte de données et leur indiquer les ressources dont vous avez besoin. S’ils ont plus d'influence que vous, solliciter -leur concours pour pouvoir bénéficier de ce pouvoir d'influence et de leurs capacités.
Recenser et soutenir les SSRTE existants et les dispositifs de dépôt de réclamations relatives aux droits de l’homme, encourager leur développement et leur déploiement.
Un fabricant, une marque, un détaillant (et, dans certains cas, un transformateur) :
Organiser des réunions régulières avec vos fournisseurs, notamment avec ceux présents au niveau des points de contrôle de la chaîne d’approvisionnement (négociants, broyeurs, importateurs et exportateurs de cacao, etc.) afin d’évaluer leurs efforts de diligence face aux risques de travail des enfants et de travail forcé et aux conséquences négatives de ces pratiques.
Identifier les ONG locales et les organisations internationales possédant une expertise dans le domaine du travail des enfants et du travail forcé et connaissant bien les communautés et échanger régulièrement avec elles pour vérifier l'exactitude des informations que vous recevez des fournisseurs.
Associer les ONG locales et les syndicats pour qu’ils adhèrent au recours permanent à des systèmes de suivi dans les exploitations agricoles.
Une PME :
Les PME en amont doivent savoir de quel type de données vous avez besoin et à quelle fréquence celles-ci doivent être recueillies pour répondre aux exigences des acheteurs et aux exigences de conformité à la loi. Chercher comment regrouper les données concernant les clients ou réfléchir aux technologies susceptibles d'être utilisées pour être plus efficace et optimiser l'utilisation des ressources.
Les PME en amont doivent intégrer le processus de suivi et de vérification des données sur l’efficacité aux systèmes existants au niveau des communautés ou des chaînes d’approvisionnement tels que les SSRTE. Les informations provenant de sources internes et externes pourront ainsi alimenter le suivi du processus et éclairer la formulation de réponses aux éventuelles préoccupations concernant les aspects financiers et /ou les capacités.
Les PME, quelle que soit leur position au sein de la chaîne d’approvisionnement, doivent envisager l’utilisation des outils et indicateurs normalisés employés dans le cadre d’initiatives sectorielles et multipartites auxquelles elles participent, le cas échéant. Cela réduit les risques de double emploi et favorise l'exercice d'une influence démultipliée et la mise en commun de ressources.
L'instauration de processus solides et pérennes au sein des entreprises est nécessaire au suivi et à la vérification de l’efficacité de l'exercice du devoir de diligence. Les PME en aval doivent s’attacher à tisser des relations d’affaires durables avec leurs fournisseurs car c'est le meilleur moyen de garantir une fluidité constante de la circulation des informations nécessaires au suivi et à la vérification.
Note
← 1. Pour en savoir plus sur l’évaluation de l'alignement sur les recommandations de l’OCDE, consultez la page https://www.oecd.org/corporate/industry-initiatives-alignment-assessment.htm (en anglais).