Ce chapitre décrit la situation des marchés et présente les projections à moyen terme relatives aux marchés mondiaux de la viande sur la période 2019-28. Il passe en revue les évolutions prévues en termes de prix, de production, de consommation et d’échanges pour la viande bovine, la viande porcine, la volaille et la viande ovine, et examine en conclusion les principaux risques et incertitudes susceptibles d’avoir une incidence sur les marchés mondiaux de la viande dans les dix années à venir.
Perspectives agricoles de l'OCDE et de la FAO 2019-2028
Chapitre 6. Viande
Abstract
6.1. Situation du marché
La production mondiale de viande a augmenté de 1.0 % pour s’établir à 327 Mt en 2018, sous l’effet des hausses enregistrées dans les filières bovine, porcine et avicole, ainsi que de la très modeste avancée de la filière ovine. La majeure partie de l’augmentation observée à l’échelle mondiale est à mettre au crédit de l’Australie, des États-Unis, de la Fédération de Russie et de l’Union européenne, ainsi que, dans une moindre mesure, de l’Argentine, de l’Inde et du Mexique. La production de viande a en revanche légèrement reculé en République populaire de Chine (« Chine ») et au Brésil, deux des plus importants producteurs au monde, ce qui a modéré l’accélération à l’échelle planétaire. L’augmentation de la production de viande est en grande partie imputable à des gains de productivité, mais les abattages induits par les vagues de sécheresse, notamment en Australie et en Union européenne, ont aussi pesé dans la balance dans plusieurs cas. En Chine, si la quantité de viande produite a signé une croissance moins vigoureuse, c’est avant tout en raison du repli de la filière porcine provoqué par l’épizootie de peste porcine africaine (PPA), tandis qu’au Brésil, c’est en grande partie la perte de marchés d’exportation qui est responsable, notamment l’embargo imposé par la Fédération de Russie sur les importations en provenance du Brésil en raison de doutes sur la sécurité des aliments.
À l’aune de l’indice des prix de la viande de la FAO, les prix moyens constatés en 2018 étaient en baisse de 2.2 % par rapport à ceux de 2017, tirés vers le bas par le recul des prix moyens annuels de la viande porcine et de volaille, tandis que ceux de la viande bovine restaient stables. Les prix de la viande ovine ont certes connu une augmentation, mais elle n’a guère eu d'impact sur l’indice, étant donné les volumes plus modestes de cette filière. La propagation de la peste porcine africaine et les restrictions aux importations qu’elle a induites ont pesé sur les cours internationaux de la viande porcine, tandis que la viande de volaille voyait ses prix reculer en raison de l’atonie générale de la demande d’importations. Le marché international de la viande bovine a été caractérisé par d’importants volumes destinés à l’exportation et une demande robuste, un contexte qui a contribué à la stabilité des prix. La forte demande d’importations ainsi que l’offre limitée en provenance d’Océanie ont porté les prix de la viande ovine.
Les exportations totales de viande ont atteint 34 Mt dans le monde en 2018, gagnant 1.5 % par rapport à 2017. En 2018, elles ont été tirées avant tout par la hausse des livraisons depuis l’Australie, l’Argentine, la Thaïlande et les États-Unis, mais le recul des expéditions depuis le Brésil et l’Inde a freiné le mouvement. Au chapitre des importations, la Chine, premier importateur mondial de viande, a nettement accru ses achats afin de répondre à la demande toujours croissante des consommateurs dans un contexte marqué par une contraction de la production intérieure de viande porcine.
6.2. Principaux éléments des projections
D’après les projections de la présente édition des Perspectives, le prix de la viande s’inscrira en repli en termes réels à moyen terme par rapport à la période de référence (moyenne des années 2016‑2018). Cette évolution résulte d’une croissance de la consommation moins allègre, alliée à une offre plus abondante, laquelle sera étayée par la baisse des prix des céréales fourragères par rapport à la décennie passée. Bien que les prévisions tablent sur une lente augmentation du coût de l’alimentation animale, les marges entre le prix de la viande et celui de l’alimentation animale resteront dans l’ensemble proches des niveaux relevés par le passé.
Les prix en valeur réelle (aux prix de 2018) devraient baisser d’ici 2028, surtout pour la viande bovine et ovine, pour atteindre 3 336 USD/t et 3 493 USD/t respectivement en équivalent poids carcasse (epc), tandis que les prix constants de la viande de porc et de volaille devraient fléchir pour s’établir à 1 311 USD/t epc et 1 453 USD/t poids produit respectivement. En valeur nominale, les prix de toutes les viandes enregistreront une hausse modeste d’ici 2028, à l’exception de ceux de la viande ovine, qui sont actuellement élevés par rapport aux niveaux observés par le passé (graphique 6.1). Ils devraient le rester au début de la période de projection, en raison des contraintes qui pèsent sur l’offre en Océanie, où la réduction du cheptel induite par la sécheresse en Australie s’accompagne d’une forte demande d’importations de la part de la Chine. Les effectifs du cheptel ovin devraient augmenter une fois passée la vague de sécheresse actuelle, ce qui abaissera le prix de cette viande dans la deuxième partie de la période.
La croissance de la demande de protéines animales devrait ralentir à l’échelle mondiale sur les dix prochaines années. Tirée par l’augmentation persistante des revenus, la consommation mondiale de viande devrait atteindre 35.1 kg par habitant en poids au détail d’ici à 2028, soit une progression de 0.4 kg ou 1.2 % par rapport à la période de référence.
Par le passé, des prix de vente peu élevés ont contribué à faire de la volaille la viande de prédilection, surtout pour les consommateurs des pays en développement. Avec l’augmentation des revenus, cette tendance se vérifiera encore sur la période de projection et la viande de volaille couvrira la majeure partie de la consommation supplémentaire par habitant à l’échelle mondiale. Dans le même temps, de nombreux consommateurs devraient diversifier leur consommation de viande et ajouter à leur alimentation des viandes plus coûteuses comme la viande bovine et la viande ovine, ce qui fera augmenter la consommation par habitant de ces types de viande d’ici 2028 à l’échelle de la planète. La consommation de viande de porc par habitant devrait quant à elle diminuer sur la période de projection, car cette viande n’est pas au cœur de l’alimentation dans un certain nombre de pays en développement.
D’après les projections de cette édition des Perspectives, l’offre de viande devrait continuer de s’accroître sur les dix prochaines années. En 2028, la production mondiale de viande devrait avoir augmenté de 13 % par rapport à la période de référence et les pays en développement devraient assurer l’essentiel de cette progression. Le recours croissant à une alimentation plus riche en céréales dans le processus de production permettra d’atteindre plus rapidement un poids carcasse plus élevé.
L’effectif mondial des cheptels a augmenté ces dernières années. Cette tendance, notamment au sein des principaux pays exportateurs d’Amérique comme l’Argentine, le Brésil et les États-Unis, ainsi qu’en Inde, malgré les incertitudes qui planent sur les mesures que prendront les pouvoirs publics en matière d’abattage, contribuera à accroître l’offre sur le marché dans les premières années de la période de projection. En Australie, l’offre de viande bovine reste ténue à court terme en raison de la sécheresse qui sévit actuellement.
Les nombreux foyers de peste porcine africaine qui se sont déclarés en 2018 devraient réduire la production mondiale de viande de porc en 2019. La Chine, numéro un sur ce segment, a été durement touchée. D’après les projections, la production reprendre sa hausse régulière à partir de 2021 à l’échelle mondiale. En outre, à mesure que les effets de l’épizootie de grippe aviaire en Chine s’estomperont dans les premières années de la période de projection, la croissance de la production mondiale de viande de volaille retrouvera son niveau habituel. La volaille restera le principal moteur de croissance de la production de viande sur la période de projection et continuera de gagner en importance dans la production totale de viande, à un rythme toutefois plus mesuré qu’au cours des dix dernières années.
La production de viande ovine devrait elle aussi croître moins rapidement que lors de la décennie précédente. Elle progressera essentiellement en Asie, Chine en tête, mais aussi en Afrique. En Océanie, grand exportateur de ce type de viande, l’augmentation devrait être faible, notamment en Nouvelle-Zélande, en raison de la concurrence qu’exercent la viande bovine et le secteur laitier.
Au niveau mondial, la part de la production de viande exportée devrait modestement augmenter sur la période de projection. L’augmentation prévue de la production dans les pays en développement devrait rester insuffisante pour répondre à la hausse de la demande, en particulier en Afrique. La demande d’importations devrait donc rester forte pendant toute la période de projection.
À l’échelle mondiale, les flambées épizootiques (de peste porcine africaine par exemple), les restrictions sanitaires et les politiques commerciales resteront les principaux déterminants de l’évolution et de la dynamique du marché de la viande. Les incertitudes liées aux accords commerciaux actuels ou futurs (avec la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, par exemple) pourraient modifier et diversifier la physionomie des échanges de viande. D’autres facteurs sont susceptibles d’influer sur les perspectives, comme les préférences et les attitudes des consommateurs à l’égard de la viande, compte tenu de ses impacts sur la santé, l’environnement et les émissions mondiales de GES.
6.3. Prix
Les prix de la viande ont baissé en valeur nominale comme en valeur réelle par rapport aux niveaux record enregistrés il y a peu (graphique 6.1). Sur la période de projection, les prix de la viande resteront orientés à la baisse en termes réels, sous l’effet d’un tassement de croissance de la consommation et d’une hausse de l’offre favorisée par les prix relativement faibles des céréales fourragères. L’évolution observée au fil du temps variera selon le type de viande.
Sur le court terme, les prix constants de la viande bovine baisseront plus rapidement du fait de l’abondance de l’offre dans les principaux pays producteurs comme l’Argentine, le Brésil et les États-Unis, après une reconstitution rapide des troupeaux. Cependant, à mesure que les troupeaux de bovins diminueront et que l’augmentation de la production ralentira, les prix nominaux devraient lentement repartir à la hausse.
Les prix de la viande porcine devraient diminuer en valeur réelle, mais ils devraient connaître leur cycle de variations habituel pendant la période de projection. Cette tendance s’explique essentiellement par la progression de l’offre au Brésil et aux États-Unis, ainsi que par la hausse des importations, notamment de Chine, où la production est touchée par la peste porcine africaine.
L’épizootie de grippe aviaire de 2017 semble contenue. Cependant, la production de volaille sera limitée en 2019, les animaux disponibles pour l’élevage étant peu nombreux. À l’échelle mondiale, on attend une lente augmentation des effectifs de volaille, ainsi qu’une montée des coûts de l’alimentation animale (graphique 6.2), ce qui entraînera une hausse modérée des prix de la volaille en début de période.
Les prix de la viande ovine devraient rester bas jusqu’en 2020 en valeur réelle, la baisse des effectifs réduisant l’offre et les échanges des deux principaux pays exportateurs que sont l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Les prix mondiaux devraient donc rester sous tension dans les premières années de la période. La demande d’importations de la Chine, en augmentation rapide, devrait ralentir le rythme en début de période, car l’expansion des foyers de peste porcine africaine en 2018 a entraîné l’importation d’importants volumes de protéines animales, viande ovine comprise.
6.4. Production
À moyen terme, la production bénéficiera d’un prix favorable de l’alimentation animale (graphique 6.2). En raison des différences propres à chaque système de production, les ratios favorables entre le prix de la viande et celui de l’alimentation animale sont plus bénéfiques à certains types de viande qu’à d’autres. Par exemple, la production de viande de volaille et porcine est celle qui recourt le plus à l’alimentation animale, tandis que les producteurs de viande bovine ont davantage la possibilité d’alterner entre des systèmes intensifs et extensifs. La production de viande ovine repose avant tout sur le pâturage et tire moins parti de la contraction de ces ratios.
Sur la période de projection, en raison de l’effet conjugué de la reconstitution des effectifs sur le continent américain et de la productivité croissante dans la région, l’évolution du marché sera dictée par la situation sur le front de l’offre. La volaille reste le moteur de croissance du secteur de la production de viande. Avec de faibles coûts de production, des taux de conversion alimentaire élevés et des prix de vente bas, la volaille est devenue une viande de choix pour les producteurs comme pour les consommateurs.
La production totale de viande devrait s’accroître de plus de 40 Mt à l’horizon 2028, pour atteindre près de 364 Mt. Bien qu’elle varie d’une région à l’autre, l’augmentation de la quantité globale de viande produite est mise au crédit des pays en développement surtout, qui représenteront 74 % de la production supplémentaire (graphique 6.3). À court terme, l’évolution de l’offre des divers types de viande reste influencée par les foyers de contamination qui se déclarent en Chine (viande de volaille et porcine), ainsi que par la réduction du troupeau induite par les conditions météorologiques en Australie. Au-delà de 2021, les effets de ces facteurs se stabiliseront, ce qui permettra à la production des divers types de viande d’afficher une croissance annuelle constante.
Dans certains pays en développement, la croissance de la production est favorisée par la hausse de la productivité (c’est-à-dire l’augmentation du poids carcasse par tête) et par une utilisation plus efficace de l’alimentation animale. Dans les pays les moins avancés, toutefois, l’amélioration de la productivité devrait être moins marquée, car l’organisation du secteur de l’élevage en petites exploitations et le manque d’investissements continueront de limiter les avancées technologiques et la commercialisation.
La production de viande est toujours dominée par le Brésil, la Chine, les États-Unis et l’Union européenne. La croissance de la production brésilienne tirera encore parti de l’abondance des ressources naturelles, des aliments du bétail, des pâturages, ainsi que des gains de productivité et, dans une certaine mesure, de la dépréciation du réal. La production chinoise bénéficiera de plus en plus de l’augmentation des économies d’échelle liée à la transformation des petites unités de production en grandes exploitations commerciales. L’instauration de nouvelles réglementations environnementales a entraîné la disparition de nombreuses petites exploitations et le développement des grands producteurs intégrés, dont la part de marché s’est accrue. L’épidémie de peste porcine africaine pourrait accélérer le processus car les petits exploitants pourraient pâtir davantage de l’apparition d’un foyer de contamination, en raison de mesures de biosécurité moins rigoureuses. Aux États-Unis, la production sera stimulée par une forte demande intérieure et un poids à l’abattage en hausse. Dans l’Union européenne, en revanche, la production totale restera relativement stable et la part des différents types de viande dans la production totale dépendra des préférences manifestées par les consommateurs, des débouchés à l’exportation et de la rentabilité. S’agissant de la viande bovine, l’évolution du secteur laitier jouera également un rôle important.
D’autres pays sont susceptibles de contribuer sensiblement à l’augmentation de la production de viande, notamment : l’Argentine — stimulée par les possibilités d’exportation vers la Chine et la croissance de la consommation intérieure de volaille ; l’Australie — dont les conditions saisonnières deviennent plus propices au pâturage ; l’Inde — où les petits producteurs de viande de volaille pratiquent une « agriculture contractuelle » ; le Mexique — qui connaît une modernisation de ses infrastructures, un mouvement d’intégration verticale, une amélioration génétique des animaux et une meilleure biosécurité ; le Pakistan — en raison des nouveaux débouchés qu’offre la région pour les exportations ; les Philippines et le Viet Nam — du fait de l’augmentation rapide de la demande intérieure (graphique 6.4). Enfin, l’embargo imposé par la Fédération de Russie sur les importations de viande jusqu’à la fin de l’année 2019, allié à la dépréciation de la monnaie russe, a tiré les prix intérieurs vers le haut, une tendance qui continuera de stimuler la production de viande du pays.
La production de viande bovine continuera de s’accroître dans les principaux pays producteurs au cours de la période considérée (graphique 6.5). Dans les pays en développement, elle devrait augmenter de 17 % entre la période de référence et 2028. Ces pays devraient assurer 72 % des quantités supplémentaires produites. La majeure partie de cette augmentation devrait émaner d’Afrique du Sud, d’Argentine, du Brésil, de Chine, du Mexique et du Pakistan. Dans les pays développés, la production devrait progresser de 8 % entre la période de référence et 2028, dans un mouvement qui sera presque entièrement attribuable à des taux de croissance élevés, comme aux États-Unis par exemple. Sur le court terme, la production de viande bovine sera soutenue à la fois par l’augmentation des poids carcasse due à la baisse des coûts des aliments et à l’amélioration génétique des bovins, et par la hausse du nombre d’abattages due au fait que plusieurs années de reconstitution des troupeaux dans plusieurs régions de production se traduisent par une expansion du cheptel. Aux États-Unis, le nombre total de vaches à viande devrait s’accroître et atteindre un niveau record en 2021. La diminution de la consommation intérieure de viande bovine par habitant dans la dernière partie de la prochaine décennie sous-tend les prévisions selon lesquelles le cheptel bovin entamera un cycle de baisse après 2021 aux États-Unis.
Si le cycle d’expansion du cheptel touche à sa fin aux États-Unis, il reste pleinement à l’œuvre et ne devrait pas ralentir avant quelque temps dans d’autres pays comme l’Argentine, le Brésil, l’Inde et le Mexique. Par ailleurs, malgré la mise en place d’une taxe provisoire à l’exportation sur la viande bovine en Argentine, l’augmentation des effectifs devrait faire renouer la production de viande bovine avec ses niveaux passés à moyen terme. La production devrait croître en Inde par rapport à la décennie passée, alors que continuera de planer l’incertitude sur les décisions que prendront les pouvoirs publics en matière d’abattage. Dans l’Union européenne1, en revanche, la production de viande bovine devrait entrer dans une phase descendante car les races laitières, qui représentent près des deux tiers de l’offre, fléchiront quelque peu en raison des gains de productivité dans la filière laitière. D’autres facteurs brideront le potentiel de croissance du secteur de la viande bovine dans l’Union européenne, comme la faible productivité, l’intensification de la concurrence sur le marché des exportations et l’essoufflement de la demande intérieure, qui devrait se tourner davantage vers les produits carnés transformés et les plats prêts à consommer. Au Royaume-Uni aussi la production de viande bovine devrait être orientée à la baisse sur la période de projection, car les prix compétitifs des importations devraient mettre à mal la production intérieure.
L’augmentation de la production mondiale de viande porcine ralentira sur les dix prochaines années, principalement parce que ce type de viande ne tient pas une place importante dans l’alimentation au sein de nombreuses régions en développement. L’augmentation prévue à l’échelle mondiale restera alimentée en grande partie par la région asiatique, puisque la Chine devrait fournir la moitié des quantités supplémentaires produites dans le monde. La croissance de la production devrait aussi enregistrer une vive accélération — absorbée essentiellement par le marché intérieur — au Brésil, aux États-Unis et au Viet Nam. La production de viande porcine dans l’Union européenne devrait quant à elle légèrement fléchir car les préoccupations environnementales et manifestées par la population à l’égard de la gestion des effluents devraient limiter son développement.
La Chine s’est hissée pour la première fois dans les premiers rangs des importateurs de viande porcine en 2007‑2008, lorsque l’épidémie de syndrome dysgénésique et respiratoire du porc (SDRP) a réduit l’offre intérieure. La flambée épizootique de peste porcine africaine survenue en 2018 a eu un impact comparable sur la croissance de la production chinoise et jette le doute sur les prévisions de la période de projection. Dans les présentes Perspectives, la production devrait en subir le contrecoup et baisser en 2019 (‑5 %). En 2020, la production et la consommation devraient retrouver les niveaux de 2018 et renouer avec leur croissance tendancielle sur le reste de la période de projection. L’offre intérieure chinoise sera donc insuffisante et les importations du pays devraient augmenter pour atteindre près de 2 Mt en 2019. La Chine ayant augmenté les droits de douane sur la viande porcine en provenance des États-Unis, le Brésil, le Canada et l’Union européenne devraient tirer parti de sa demande accrue d’importations.
La volaille continuera de renforcer sa position dominante dans le secteur de la viande, en représentant près de la moitié de la production supplémentaire de viande sur les dix années à venir. Son cycle de production court permet aux producteurs de réagir rapidement aux signaux du marché, et se prête à des améliorations rapides en matière de génétique, de santé des animaux et de pratiques d’alimentation. La production augmentera rapidement dans les pays où l’offre de céréales fourragères est excédentaire, comme le brésil, et grâce aux investissements et gains de productivité constants en Union européenne, en particulier en Hongrie, en Pologne et en Roumanie, ainsi qu’aux États-Unis. Une progression rapide est également prévue en Asie après 2019, principalement en Chine, où les effets de la précédente épidémie de grippe aviaire continueront de s’estomper et l’effectif des animaux d’élevage devrait croître, ainsi qu’en Inde, en Indonésie, en Thaïlande et en Turquie.
L’offre reste limitée sur le marché mondial de la viande ovine, essentiellement du fait de la réduction des cheptels en Australie et de la stagnation de la production au Royaume-Uni. Cette situation devrait perdurer au moins jusqu’à fin 2019 et, bien que les présentes Perspectives escomptent une reprise de la production mondiale de viande ovine vers 2020, elles ne prévoient pas d’accroissement considérable des cheptels, sauf peut-être en Australie. Les prix étant actuellement élevés, les producteurs chinois devraient accroître leur offre. Ils seront à l’origine de plus de 40 % de la production supplémentaire, sur fond d’augmentation continue de la demande intérieure. En Union européenne, la production devrait légèrement augmenter grâce à la meilleure rentabilité des exploitations ovines et à la mise en œuvre du dispositif facultatif d’aide couplée dans les principaux États membres producteurs de viande ovine. La part du continent africain dans la production mondiale de viande ovine va lentement s’accroître, malgré les contraintes exercées par l’urbanisation, la désertification et le manque de disponibilité des aliments pour animaux dans certains pays.
Encadré 6.1. Hypothèses retenues par la Chine à l’égard de la peste porcine africaine
Le ministère chinois de l’Agriculture et des Affaires rurales a rendu publiques ses Perspectives agricoles de la Chine (2019‑2028) le 20 avril 2019. Les projections concernant les marchés agricoles contenues dans ce rapport tiennent compte des effets sur le marché intérieur de viande porcine de l’épizootie de peste porcine africaine (PPA) et de la Loi sur la protection de l’environnement, qui a pour objectif de rendre la production plus durable. Selon les prévisions, la capacité de production baissera considérablement durant les deux premières années de la période de projection. Les volumes d’importation devraient atteindre 2.1 Mt en 2020, soit une augmentation de plus de 75 % par rapport à 2018, afin de combler le déficit. La part de la Chine dans les importations mondiales passerait ainsi de 17 % en 2018 à environ 23 % en 2020. La plupart des importations supplémentaires de viande porcine devraient provenir du Brésil, du Canada et de l’Union européenne. Les volumes de production devraient toutefois se rétablir à partir de 2021 et retrouver leurs niveaux de 2018 en 2024 (graphique 6.6).
La peste porcine africaine amènera les consommateurs chinois à se tourner vers d’autres sources de protéines animales, et notamment vers la viande de volaille, dont les quantités supplémentaires produites devraient être utilisées pour répondre à l’augmentation de la demande intérieure. La croissance de la demande globale de produits d’alimentation animale devrait toutefois ralentir dans les premières années de la période de projection malgré l’augmentation des quantités de viande de volaille produites. Dans le cas du maïs, la demande devrait même reculer au cours des deux premières années, durant la période de repli escompté de la production chinoise de viande porcine. Ces tendances s’expliquent avant tout par le fait qu’il faut une plus grande quantité d’aliments pour produire un volume donné de viande porcine que pour le même volume de viande de volaille. À l’approche de 2028, les Perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO et les Perspectives agricoles de la Chine escomptent des volumes similaires de production de viande porcine.
6.5. Consommation
La consommation de viande devrait s’inscrire en hausse au cours de la période considérée, en particulier en Asie, mais à un rythme généralement moins allègre que durant la décennie précédente. La consommation mondiale de viande par habitant devrait augmenter de 0.4 kg en poids au détail par rapport à la période précédente. L’augmentation sera essentiellement liée à celle des revenus et de la population, en particulier dans les pays d’Asie et d’Amérique latine où il existe une classe moyenne importante.
De manière générale, les niveaux de consommation sont déjà élevés dans les pays développés, mais la demande de viande continue de croître, étant donné que les prix deviennent plus abordables dans certains pays. C’est particulièrement manifeste aux États-Unis, où la consommation par habitant et les prix de la viande vont retrouver un niveau proche de celui observé il y a dix ans. La consommation de viande affiche toutefois une tendance baissière dans certains pays et les taux de croissance attendus dans le monde développé devraient être globalement inférieurs à ceux des pays en développement (graphique 6.7).
La population et la croissance démographique des régions en développement étant supérieures à celles des pays développés, la quantité de viande consommée devrait y croître environ quatre fois plus que dans ces pays. Ramenée au nombre d’habitants, cette croissance devrait toutefois demeurer faible, notamment dans les régions où les revenus augmentent en partant d’un niveau peu élevé. C’est particulièrement vrai en Afrique, où la croissance de la consommation dépasse le taux de toutes les autres régions au total, mais reste limitée lorsqu’elle est exprimée par habitant. La demande d’importations devrait elle aussi signer le plus fort taux de croissance en Afrique. Parallèlement, en volume, la moitié des importations supplémentaires de viande seront absorbées par l’Asie, où l’expansion démographique et l’augmentation de la consommation par habitant favorisée par la hausse des revenus font monter la consommation en flèche.
Les faibles prix de vente de la volaille et du porc ont contribué à en faire par le passé les viandes préférées des consommateurs dans les pays en développement, mais la hausse des revenus permet désormais à ces derniers de diversifier progressivement leur consommation en se tournant vers des produits plus coûteux, comme la viande bovine et la viande ovine. Les tendances en matière de consommation de viande évoluent certes en fonction des niveaux de revenu et des prix relatifs, mais d’autres facteurs entrent aussi en jeu, comme les croyances religieuses, les normes culturelles, l’urbanisation ainsi que les préoccupations environnementales, éthiques et de santé.
La consommation de viande bovine augmentera progressivement au cours des dix prochaines années. Exprimée en volume par habitant, celle du monde en développement ne devrait représenter encore qu’un tiers de celle des pays développés. En Asie, le principal moteur de croissance de la consommation de viande bovine est l’occidentalisation du mode d’alimentation de la population, à laquelle s’ajoute la perception par les acheteurs chinois que la viande bovine est plus saine et exempte de maladies. Une consommation accrue de viande bovine est en outre attendue en Corée, au Kazakhstan, en Turquie et au Viet Nam.
La consommation mondiale de viande porcine par habitant devrait légèrement reculer au cours de la période étudiée et atteindre un niveau de saturation dans la plupart des pays développés. Dans les pays en développement, en revanche, les niveaux de consommation par habitant sont très différents selon les régions. La hausse est soutenue dans la plupart des pays d’Amérique latine, avec une progression rapide ces dernières années. En effet, les prix relatifs avantageux de la viande porcine en ont fait l’une des viandes préférées des consommateurs aux côtés de la volaille, tandis que la filière investit sans cesse en faveur de son développement et de son intégration verticale en vue de satisfaire la demande croissante de la classe moyenne. La consommation par habitant est en hausse dans plusieurs pays asiatiques affichant des conditions économiques favorables et dans lesquels la viande de porc fait partie de l’alimentation traditionnelle, comme la Chine, la Corée, le Japon et le Viet Nam. La consommation de viande de porc de l’Union européenne devrait en revanche décliner, la composition de la population évoluant et entraînant une modification des habitudes alimentaires en faveur de la viande de volaille.
La consommation de viande de volaille devrait augmenter dans le monde, quel que soit le niveau de revenu. La progression devrait toutefois rester plus rapide dans le monde en développement, à l’exception de l’Arabie saoudite, où un recul est attendu en raison d’une conjonction de facteurs tels que le tassement de la croissance des revenus depuis le fléchissement des cours du pétrole, le départ d’un grand nombre de membres de familles expatriées, et l’interdiction de l’électronarcose dans la production de volaille, qui a sensiblement relevé les prix au détail. En Chine, la consommation s’est redressée après les flambées de grippe aviaire et ces Perspectives supposent qu’elle repartira à la hausse en 2019 pour ensuite renouer avec sa tendance habituelle. La volaille devrait représenter la moitié de la consommation supplémentaire de viande au cours de la période de projection.
Si la consommation mondiale de viande ovine se décline en une multitude de types de produits et d’usages gastronomiques, cette viande reste un mets spécial et de luxe dans de nombreuses coutumes alimentaires. Ramenée au nombre d’habitants, la consommation de viande ovine ne devrait donc que peu progresser dans le monde sur la période de projection. Elle devrait légèrement fléchir en Afrique, en Amérique du Nord et latine, ainsi qu’en Océanie, mais continuer à s’accroître dans plusieurs pays asiatiques comme la Chine, où cette viande est vantée pour sa qualité et ses bienfaits nutritionnels. Au cours des deux dernières années, les foyers d’infection qui se sont déclarés dans les élevages de volaille et de porc ont donné de l’élan à la demande chinoise de viande ovine, considérée comme une source alternative de protéines animales. D’après les projections, la Chine devrait absorber 40 % de la quantité supplémentaire de viande ovine consommée d’ici 2028. En revanche, dans de nombreux pays du Moyen-Orient, où cette viande fait partie de l’alimentation traditionnelle, la consommation par habitant devrait piquer du nez. La hausse de la demande dans cette région est étroitement liée au marché du pétrole, qui a une influence considérable sur le revenu disponible de la classe moyenne et sur la structure des dépenses publiques.
6.6. Échanges
Les exportations mondiales de viande (hors animaux vivants et produits transformés) devraient augmenter de 18 % en 2028 par rapport à la période de référence. Cela représente un ralentissement de la croissance des échanges de viande, dont le taux annuel moyen tombera à 1.4 %, contre 3 % au cours de la décennie précédente. En revanche, la part de la production totale de viande qui sera échangée sur le marché mondial s’inscrira légèrement en hausse.
Les pays développés devraient compter pour un peu plus de la moitié des exportations mondiales de viande d’ici à 2028, mais leur part diminuera régulièrement par rapport à la période de référence en raison de l’accélération de la croissance des exportations en provenance des pays en développement. Les exportations de viande proviennent en grande partie d’une poignée de pays : ensemble, les deux plus gros exportateurs de viande — le Brésil et les États-Unis — devraient voir leur part de marché monter aux alentours de 43 %, ce qui signifie qu’ils contribueront pour plus de la moitié à l’augmentation prévue des exportations mondiales au cours de la période de projection. L’UE a amélioré son accès aux marchés asiatiques, mais elle ne pourra en tirer pleinement parti à cause de la concurrence des Amériques. En Amérique latine, les pays traditionnellement exportateurs devraient continuer de représenter une forte proportion des échanges mondiaux de viande. L’Argentine et le Brésil devraient voir leur part des exportations mondiales de viande croître quelque peu, bénéficiant de la dépréciation de leur monnaie.
L’Asie restera prédominante sur le front des importations de viande, avec 56 % des échanges mondiaux. Les augmentations les plus marquées seront signées par les Philippines et des membres du PTPGP2 comme le Japon, la Malaisie et le Viet Nam, où la consommation et les importations croîtront plus vite que la production, à la faveur de l’expansion de l’activité économique (graphique 6.8). Les importations chinoises ne devraient pas augmenter notablement sur la période de projection, mais demeurer aussi élevées qu’au cours de la période de référence. En dehors de l’Asie, l’Afrique elle aussi affiche une progression rapide des importations. En Fédération de Russie, l’interdiction des importations de viande décrétée en 2014 et dont les présentes Perspectives prévoient la levée fin 2019, a stimulé la production intérieure, et les importations de viande devraient rester inférieures au niveau qu’elles affichaient avant l’embargo.
La viande de volaille surtout, mais aussi la viande bovine, représenteront la majeure partie de la hausse des importations ces dix prochaines années. Ensemble, ces deux types de viande devraient représenter la plus grande part des quantités supplémentaires de viande importées en Asie et en Afrique.
À l’échelle mondiale, les importations de viande porcine devraient compter pour 16 % de l’augmentation totale des importations de viande. La croissance rapide des importations d’Amérique latine, où les ménages à faible revenu considèrent la viande de porc, ainsi que la volaille, comme une alternative à la viande bovine, devrait être à l’origine de 33 % de la demande supplémentaire d’importations de viande de porc en 2028. Les quantités supplémentaires de viande de porc exportées proviendront en majorité des pays développés.
Les exportations de viande ovine d’Australie et de Nouvelle-Zélande ont été tirées par la fermeté générale de la demande pour ce type de viande, qui reste un mets spécial et de luxe dans de nombreuses coutumes alimentaires. Les livraisons vers les trois plus grands marchés que sont les États-Unis, la Chine et le Moyen-Orient ont battu tous les records en 2018. L’offre de viande ovine n’a pas pu suivre le rythme de la demande émanant de Chine, un marché plutôt tourné vers la viande de mouton par le passé mais qui est devenu un débouché important pour la viande d’agneau. L’Australie devrait donc continuer d’augmenter sa production de viande d’agneau aux détriment de celle de mouton. En Nouvelle-Zélande, la croissance des exportations devrait être minime, l’élevage ovin étant progressivement remplacé par l’élevage laitier.
6.7. Principales questions et incertitudes
Les politiques commerciales restent un facteur important qui influence la dynamique des marchés mondiaux de la viande. Ainsi, la mise en œuvre de divers accords commerciaux au cours de la période de projection pourrait entraîner une diversification ou une concentration notable des échanges. Les impacts des accords multilatéraux comme l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP), en particulier sur le marché de la viande, se révèlent difficiles à chiffrer, car plusieurs autres accords commerciaux bilatéraux déjà en place doivent être pris en considération.
Les mesures commerciales unilatérales et/ou non programmées représentent un autre facteur de risque dans les projections. En 2017, par exemple, la Fédération de Russie a prolongé jusqu’à fin 2019 l’interdiction frappant les importations de produits alimentaires en provenance des États-Unis, de l’Australie, de la Norvège, du Canada et de l’Union européenne, en réponse aux sanctions économiques de ces mêmes pays. Cette interdiction a provoqué une chute sévère des importations de viande, un pic de volatilité des prix aux producteurs, et une hausse des prix pour le consommateur. Les politiques nationales ont également une influence sur la compétitivité des producteurs de viande. À titre d’exemple, l’Argentine a mis en place en 2018 une taxe provisoire sur les exportations de viande et d’autres produits. Cette mesure devrait nuire à la compétitivité de l’Argentine sur le marché mondial de la viande et entraver la capacité du pays à trouver de nouveaux débouchés à l’exportation sur le court terme. Les négociations qui ont cours sur les modalités selon lesquelles le Royaume-Uni, grand producteur de viande, doit sortir de l’Union européenne, impacteront aussi les divers marchés de la viande en fonction de l’importance que chacun d’entre eux revêt aujourd’hui au sein du marché global de la viande à l’échelle communautaire3 et mondiale.
Les marchés de la volaille, de la viande bovine et d’autres produits animaux ont été ébranlés par des épizooties par le passé et le phénomène pourrait se reproduire au cours de la décennie à venir. La production animalière est actuellement touchée par une épidémie de peste porcine africaine, fatale pour les porcs et sangliers, bien qu’elle ne se transmette pas à l’être humain. En août 2018, la Chine a annoncé l’apparition d’un foyer de peste porcine africaine, le premier du pays. Depuis, le virus a également été décelé dans d’autres pays d’Asie et d’Europe. L’impact de cette maladie sur la production mondiale de viande de porc est incertain à moyen terme. D’après les projections, les mesures prises pour contenir l’épidémie devraient la réduire quelque peu à court terme. Leur succès étant incertain, l’impact de cette infection à moyen terme peut être bien plus sévère que prévu actuellement.
L’évolution des préférences des consommateurs jouera aussi, comme le développement du végétarisme et du véganisme, les préoccupations sociales à l’égard notamment des dommages causés par la production de viande à l’environnement et divers autres aspects socio-culturels liés par exemple à la religion ou aux normes culturelles. L’attention croissante portée par les consommateurs au traitement des animaux et aux modes de production de la viande (la préférence allant de plus en plus aux produits provenant d’animaux élevés en liberté et sans antibiotiques), est une tendance relativement nouvelle et difficile à évaluer. Si elle rallie une part croissante de la population, elle pourrait avoir une incidence sur les marchés mondiaux de la viande, mais il est difficile de déterminer dans quelle mesure les consommateurs accepteraient et pourraient se permettre de payer plus cher pour ces produits.
Notes
← 1. (2017) Commission européenne. « Box 4.1 Insights on development in EU member states », EU Agricultural Outlook for markets and income 2017-2030.
← 2. La croissance des importations devrait globalement être plus rapide qu’on ne l’escomptait précédemment en raison de la ratification du PTPGP. Cet accord de libre-échange devrait également avoir des répercussions sur le rythme de croissance de la production et de la consommation intérieures.
← 3. (2018) Commission européenne. « What about the UK? », p. 69, EU Agricultural Outlook for markets and income 2018-2030.