Ce chapitre décrit la situation des marchés et présente les projections à moyen terme relatives aux marchés mondiaux des oléagineux sur la période 2019-28. Il passe en revue les évolutions prévues en termes de prix, de production, de consommation et d’échanges pour le soja, les autres oléagineux, les tourteaux protéiques et les huiles végétales, et examine en conclusion les principaux risques et incertitudes susceptibles d’avoir une incidence sur les marchés mondiaux des oléagineux dans les dix années à venir.
Perspectives agricoles de l'OCDE et de la FAO 2019-2028
Chapitre 4. Oléagineux et produits oléagineux
Abstract
4.1. Situation du marché
Les prix moyens des huiles végétales ont confirmé leur tendance à la baisse en 2018 et ont atteint leur niveau le plus faible depuis dix ans. Les prix des tourteaux oléagineux et des semences ont quant à eux augmenté durant le premier semestre de 2018 avant d’enregistrer un recul semblable quoique moins spectaculaire. Les stocks importants dont disposent les principaux pays exportateurs ainsi que les incertitudes qui planent sur les marchés en raison des discussions commerciales entre les États-Unis et la République populaire de Chine (ci-après dénommée « la Chine ») ont pesé sur l’évolution des prix.
La production mondiale de soja a progressé en 2018 sous l’effet de récoltes exceptionnelles aux États-Unis et au Brésil, qui ont permis d’alimenter les stocks. La demande de tourteaux protéiques s’est essoufflée compte tenu des mesures de rétorsion douanière que la Chine a décidé d’appliquer aux exportations de soja américaines et de la réduction de la part des tourteaux protéiques dans les rations alimentaires des animaux qui s’est ensuivie. En Chine, la peste porcine africaine a continué de sévir dans le secteur de l’élevage, d’où un recul de la demande d’aliments pour animaux. Par ailleurs, les pouvoirs publics se sont récemment positionnés en faveur de la réduction de la part minimale de protéines dans les rations alimentaires des animaux, qui avait été proposée par l’une des principales associations professionnelles du secteur.
Le secteur des huiles végétales a été marqué par un ralentissement des échanges mondiaux qui reflète essentiellement une diminution des importations indiennes d’huile alimentaire en 2018. Cette situation tient à l’accroissement de la production interne d’oléagineux couplée au relèvement des droits de douane. Plusieurs pays ont également accru leur capacité de trituration et donc augmenté leurs importations de semences au détriment de leurs achats d’huile et de tourteaux. En conséquence, les exportations des principaux producteurs d’huiles végétales, tels que l’Indonésie et la Malaisie, ont moins progressé que la moyenne, ce qui a entraîné une augmentation des stocks et un recul des prix. Pour toutes ces raisons, l’Indonésie a relevé le niveau des obligations d’incorporation de biodiesel, entraînant une hausse de la consommation intérieure d’huile de palme, qui est passée de 3.5 millions de litres en 2017 à 5.1 millions de litres en 2018.
4.2. Principaux éléments des projections
La production mondiale de soja devrait continuer de progresser de 1.6 % par an au cours de la période de projection, l’extension des superficies exploitées étant à l’origine de 53 % de cette croissance à l’échelle mondiale. Avec une production intérieure qui atteindra 144 Mt d’ici à 2028, le Brésil deviendra le premier producteur mondial et détrônera les États-Unis, dont la production devrait s’établir à 121 Mt à l’horizon 2028. La production d’autres oléagineux augmentera de 1.4 % par an au cours de la décennie à venir, à un rythme plus modéré que durant les dix années précédentes, sous l’effet d’un ralentissement de la demande d’huile de colza en tant que matière première pour la production de biodiesel européen. Le soja et les autres oléagineux resteront pour l’essentiel triturés pour produire des tourteaux et de l’huile ; ces utilisations augmentant plus vite que les autres, notamment la consommation alimentaire ou animale directe de soja, d’arachide ou de tournesol. Dans l’ensemble, la trituration devrait absorber 91 % de la production mondiale de soja et 87 % de la production mondiale d’autres oléagineux en 2028.
L’huile végétale comprend l’huile obtenue par trituration de graines de soja et d’autres oléagineux (55 % de la production mondiale environ), l’huile de palme (35 %) et l’huile de palmiste, de coco et de coton. Bien que les superficies en palmiers à huile matures s’étendent plus lentement, la production devrait progresser sensiblement en Indonésie (4.6 Mt) et en Malaisie (2.3 Mt). Cependant, le relèvement de l’obligation d’incorporation du biodiesel en Indonésie fera pression sur les approvisionnements en huile végétale à moyen terme. La demande mondiale d’huile végétale progressera de 28 Mt d’ici à 2028, ce qui va probablement contribuer à puiser dans les stocks et à faire augmenter les prix durant la période de projection.
Les tourteaux de soja représentent la majeure partie de la production et de la consommation de tourteaux protéiques. Comparé à la décennie passée, leur utilisation devrait moins progresser (1.5 % par an contre 4.1 % par an) en raison d’une croissance plus lente de la production mondiale de porc et de volaille, ainsi que par les efforts déployés par la Chine pour abaisser la part des tourteaux protéiques intégrée aux rations alimentaires animales. De ce fait, la consommation chinoise de tourteaux protéiques devrait croître légèrement moins vite que celle de la production animale.
Les huiles végétales figurent parmi les produits agricoles les plus échangés sur les marchés internationaux (40 %). L’Indonésie et la Malaisie, les deux premiers producteurs mondiaux d’huile de palme – la principale huile végétale – continueront de dominer les échanges (graphique 4.1) en exportant plus de 70 % de leur production combinée, qui représente à elle seule près de 60 % des exportations mondiales.
Les échanges mondiaux de soja, dominés par les Amériques, devraient voir leur croissance ralentir considérablement au cours de la prochaine décennie. Cette évolution est directement liée au rythme d’augmentation des tonnages de soja importés en Chine afin d’y être transformés, qui devrait faiblir. Parallèlement, le Brésil va renforcer sa place de premier exportateur de soja.
Le développement de la production et des exportations américaines et brésiliennes de soja dépendra de l’issue des négociations commerciales en cours entre la Chine et les États-Unis. La marge de progression de la production d’huile de palme en Indonésie et en Malaisie reposera de plus en plus sur les activités de replantation et d’accompagnement en vue d’améliorer les rendements (et non sur l’augmentation des superficies), qui ont pêché par manque de dynamisme ces dernières années compte tenu de la faible rentabilité du secteur, de l’ampleur limitée des programmes publics de replantation menés en Indonésie, et de la hausse du coût de la main d’œuvre en Malaisie. Les préoccupations liées à la durabilité pèsent également sur la production d’huile de palme étant donné que dans les pays développés, la demande privilégie les huiles non liées à la déforestation et cherche à ce que l’huile végétale utilisée pour produire du biodiesel et, de plus en plus, les huiles végétales alimentaires, soient certifiées durables.
4.3. Prix
Le prix réel des huiles végétales, en baisse depuis treize ans, devrait amorcer un mouvement à la hausse. Les prix devraient se rétablir à la faveur de l’augmentation de la demande mondiale d’huile végétale destinée aux industries alimentaire et oléochimique, ainsi que de l’émergence récente d’une demande intérieure d’huile végétale comme matière première pour la production de biodiesel dans certains pays, comme l’Indonésie, qui vont être amenés à puiser dans des stocks dont le niveau n’avait pas été aussi élevé depuis dix ans. Parallèlement, les contraintes de production auxquelles sont confrontés les grands pays producteurs d’huile de palme empêcheront toute progression importante de l’offre au cours de la prochaine décennie, ce qui renforcera la tendance haussière des prix réels.
Les prix réels du soja, des autres oléagineux et des tourteaux protéiques reculeront légèrement car la demande devrait progresser un peu moins vite que l’offre mondiale. Ils demeureront néanmoins supérieurs au plus bas niveau relevé par le passé (graphique 4.2). À moyen terme, les prix des oléagineux et des produits oléagineux devraient augmenter en valeur nominale, sans toutefois atteindre les précédents records enregistrés.
4.4. Production d’oléagineux
D’après les projections, la production de soja devrait croître de 1.6 % par an, contre 4.4 % par an au cours de la dernière décennie. La production d’autres graines oléagineuses (colza, tournesol et arachide) progressera moins vite que celle de soja, au rythme de 1.4 % par an, contre 3.1 % par an ces dix dernières années. Elle devra son augmentation avant tout à l’amélioration des rendements, qui explique 64 % de la production supplémentaire, contre 46 % dans le cas du soja.
Le Brésil et les États-Unis produisent à peu près la même quantité de soja (environ 120 Mt en 2016-18), mais durant la décennie à venir, le Brésil devrait connaître un taux de croissance annuel supérieur à celui des États-Unis (1.8 % contre 1.2 %) parce qu’il pourra accroître ses superficies exploitées, essentiellement via l’intensification des cultures et la double culture du soja et du maïs. De plus, à supposer que la Chine maintienne ses mesures de rétorsion à l’encontre du soja américain, le soja brésilien bénéficiera d’un avantage concurrentiel sur le premier marché d’importation au monde. Dans l’ensemble, la production de soja devrait continuer de croître fortement en Amérique latine, l’Argentine et le Paraguay produisant 62 Mt et 13 Mt en 2028 (graphique 4.3). Après avoir fléchi ces dix dernières années, la production chinoise devrait repartir à la hausse, en raison notamment d’une baisse du soutien des pouvoirs publics à la culture des céréales. Enfin, la production devrait également s’accroître en Inde, en Fédération de Russie, en Ukraine et au Canada.
Les plus grands producteurs d’autres oléagineux sont la Chine (colza et arachide surtout) et l’Union européenne (colza et tournesol surtout), dont la production devrait ressortir à 32 Mt et 30 Mt respectivement en 2028. Ces deux pôles de production devraient toutefois connaître une croissance limitée (de 1 % par an en Chine et de 0.6 % par an dans l’Union européenne) car les céréales s’échangent à des prix attractifs qui engendreront une concurrence rude pour accéder à des terres arables dont la superficie totale stagne, voire recule. Autre grand producteur et principal exportateur de Colza, le Canada devrait voir sa production augmenter de 1.2 % par an. En revanche, la production d’autres graines oléagineuses devrait s’élever plus vite en Ukraine et en Fédération de Russie, en raison du développement du secteur agricole dans la région de la mer Noire. En Inde, elle progressera plus rapidement au cours des dix prochaines années, étant donné que les pouvoirs publics continuent de soutenir la production pour répondre à la demande intérieure d’huiles végétales et de tourteaux protéiques.
Les stocks de soja ne devraient pas changer, entraînant un recul du ratio stocks/consommation à l’échelle mondiale, de 12.3 % en 2016-18 à 10.7 % en 2028. Compte tenu de la tendance générale à la concentration progressive de la production dans quelques grands pays, la baisse de ce ratio pourrait favoriser la volatilité des prix.
4.5. Trituration d’oléagineux et production d’huiles végétales et de tourteaux protéiques
À l’échelle mondiale, le soja et les autres oléagineux sont pour l’essentiel triturés pour produire des tourteaux et de l’huile. La demande de graines destinées à la trituration augmentera plus vite que la demande relative à d’autres usages, à savoir la consommation directe de soja, d’arachides et de graines de tournesol, ainsi que l’utilisation directe du soja dans l’alimentation animale. Dans l’ensemble, la trituration absorbera 90 % de la production mondiale de soja et 86 % de la production mondiale d’autres oléagineux en 2028. La situation géographique des activités de trituration dépend de nombreux facteurs : frais de transport, politiques commerciales, tolérance vis-à-vis des cultures transgéniques, coûts de transformation (main d’œuvre, énergie, etc.) et infrastructures (ports, routes, etc.).
En valeur absolue, la trituration du soja progresse de 61 Mt pendant la période considérée, soit bien moins que les 111 Mt enregistrées les dix années précédentes. La Chine, qui devrait produire 19 Mt supplémentaires de soja trituré, comptera pour environ 31 % de la hausse du volume de trituration dans le monde, en recourant essentiellement à du soja importé. Certes important, ce niveau de croissance relevé en Chine est bien plus faible qu’au cours de la dernière décennie. En volume, la trituration des autres oléagineux devrait suivre l’augmentation de la production et s’effectuer à plus faible distance des sites de production que ce qui est observé pour le soja. Par conséquent, la proportion d’autres oléagineux exportés sera bien plus faible que celle du soja.
La production mondiale d’huile végétale est tributaire d’une part de la trituration d’oléagineux et d’autre part de la production de plantes oléagineuses tropicales pérennes, notamment de palmiers à huile. À l’échelle mondiale, la production d’huile de palme a connu une croissance plus vive que celle des autres huiles au cours de la décennie écoulée. Toutefois, sa position devrait s’affaiblir légèrement sur la période de projection (graphique 4.4). Elle se concentre en Indonésie et en Malaisie, qui représentent à elles seules plus d’un tiers de la production d’huiles végétales dans le monde.
La production d’huile de palme indonésienne devrait croître de 1.8 % par an durant la période de projection, contre 6.9 % par an au cours de la décennie passée. Le durcissement des politiques environnementales adoptées par les grands pays importateurs d’huile de palme et les normes de production agricole durable (dans le contexte du Programme de développement durable à l’horizon 2030), devraient ralentir l’expansion des surfaces plantées en palmiers à huile en Malaisie et en Indonésie. Cela signifie que la croissance de la production tiendra de plus en plus aux gains de productivité, et notamment à l’accélération des activités de replantation. La production d’huile de palme progresse plus vite dans d’autres pays, où elle part il est vrai d’un niveau fort bas et alimente essentiellement les marchés intérieurs ou régionaux. Par exemple, la Thaïlande, la Colombie et le Nigéria devraient produire 2.9 Mt, 2.0 Mt et 1.2 Mt respectivement à l’horizon 2028. Dans certains pays d’Amérique centrale, une production de niche se développe en étant d’emblée assortie de certifications de durabilité reconnues à l’échelle mondiale, ce qui pourrait permettre à cette région, à terme, de se positionner sur les marchés d’exportation. Au niveau mondial, l’offre d’huile de palme devrait s’accroître de 1.8 % par an.
En plus de l’huile de palme et de celle extraite de la trituration d’oléagineux analysées ci-dessus, l’huile végétale comprend aussi l’huile de palmiste, de noix de coco et de coton. L’huile de palmiste est produite parallèlement à l’huile de palme et épouse donc la tendance de cette dernière. L’huile de coco est produite principalement aux Philippines, en Indonésie et dans les îles océaniennes. L’huile de palmiste et l’huile de coco sont largement utilisées dans le secteur industriel et la production grandissante d’huile de palme est désormais dominée par l’huile de palmiste. L’huile de coton est un sous-produit du coton, dont la production est essentiellement concentrée en Inde, aux États-Unis, au Pakistan et en Chine. Globalement, la production d’huile végétale devrait croître de 1.7 % par an dans le monde, soit un rythme plus soutenu que pour la plupart des autres produits étudiés dans la présente édition des Perspectives.
La production mondiale de tourteaux protéiques devrait augmenter de 1.6 % par an pour atteindre 400 Mt à l’horizon 2028. Le tourteau de soja arrive en tête dans ce domaine, puisqu’il représente plus des deux tiers de la production mondiale de tourteaux protéiques (graphique 4.4). Cette dernière se concentre dans un nombre restreint de pays. Selon les projections, l’Argentine, le Brésil, la Chine, les États-Unis, l'Inde et l’Union européenne réaliseront 75 % de la production mondiale en 2028. En Chine et dans l’Union européenne, la production de tourteaux est effectuée principalement à partir de graines oléagineuses importées, en majeure partie du soja provenant du Brésil et des États-Unis.
4.6. Consommation d’huile végétale
La consommation d’huile végétale alimentaire par habitant devrait s’accroître de 0.9 % par an, ce qui est bien inférieur aux 2 % annuels relevés en 2009-18. En Chine (30 kg par habitant) et au Brésil (24 kg par habitant), la disponibilité de l’huile végétale alimentaire va atteindre des niveaux comparables à ceux observés dans les pays développés, dans lesquels la croissance de la consommation se stabilisera à 27 kg par habitant, moyennant une hausse annuelle de 0.4 % (graphique 4.5).
L’Inde, deuxième consommateur et premier importateur d’huile végétale dans le monde, devrait conserver une croissance annuelle de 3.1 % de la consommation par habitant, et atteindre 15 kg par habitant en 2028. Cette forte augmentation résultera à la fois d’une production intérieure plus abondante due à l’intensification des cultures d’oléagineux, et d’une nouvelle hausse des importations, principalement d’huile de palme d’origine indonésienne et malaisienne. Dans les pays les moins avancés (PMA), l’apport d’huile végétale par habitant devrait augmenter de 1.2 % par an pour atteindre 10 kg par habitant à l’horizon 2028.
Le volume d’huile végétale destiné à la production de biodiesel restera identique ces dix prochaines années, alors qu’une augmentation de 8.5 % par an avait été enregistrée au cours de la décennie précédente, avec l’entrée en vigueur des politiques de soutien aux biocarburants. De manière générale, les objectifs nationaux de taux d’incorporation de biodiesel devraient moins progresser que par le passé. Par ailleurs, la part des résidus d’huile, du suif et d’autres matières premières utilisées dans la fabrication du biodiesel grandit en raison de certaines mesures (voir chapitre 9 pour plus de précisions sur les biocarburants). En Argentine, la filière du biodiesel devrait rester tournée vers les exportations (plus de la moitié de la production est exportée). Le volume d’huile végétale destiné à l’industrie argentine des biocarburants devrait s’élever à 3.2 Mt d’ici à 2028, ce qui correspond à 75 % de la consommation intérieure du produit (graphique 4.6). La production de biodiesel a grimpé en flèche en Indonésie, au Brésil et en Thaïlande ces dix dernières années, mais le mouvement devrait s’essouffler dans la décennie à venir en étant toutefois plus rapide que la croissance de la demande globale d’huile végétale alimentaire, du fait notamment de mesures de soutien visant à stimuler la consommation intérieure de biodiesel.
4.7. Consommation de tourteaux protéiques
La consommation de tourteaux protéiques devrait continuer d’augmenter de 1.6 % par an, soit une allure bien plus modeste que le rythme annuel de 4.2 % des dix années précédentes. Cette croissance est étroitement liée à celle de la demande d’aliments pour animaux, car les tourteaux protéiques sont exclusivement utilisés à cette fin. Le lien entre production animale et consommation de tourteaux protéiques varie selon le degré de développement économique de chaque pays, les agriculteurs à faibles revenus se concentrant sur une production de subsistance tandis que la production industrielle est devenue la règle dans les pays à plus forts revenus (graphique 4.7).
Étant donné que les pays en développement se tournent vers des modes de production faisant davantage appel aux aliments pour animaux, la croissance de la consommation de tourteaux protéiques tend à dépasser celle de la production animale. Dans les PMA, où les tourteaux protéiques sont encore très peu employés, l’intensification de l’élevage devrait se poursuivre, caractérisée par un recours plus systématique aux aliments industriels pour animaux. La quantité de tourteaux protéiques utilisée par unité de production animale devrait considérablement augmenter, entraînant une croissance rapide de la demande totale de ces pays. Dans des pays tels que les États-Unis ou les États membres de l’Union européenne, où l’essentiel de la production animale s’appuie sur les aliments composés, la consommation de tourteaux protéiques devrait progresser à un rythme semblable à celui de la production animale.
En Chine, la croissance de la consommation de tourteaux protéiques devrait reculer, passant de 6.3 % par an au cours de la décennie écoulée à 1.6 % par an. La hausse de la demande d’aliments composés pour animaux devrait se tasser en raison du ralentissement de la croissance de la production animale et de la part déjà importante que représente la production d’aliments composés. En outre, la part des tourteaux protéiques dans la consommation totale d’aliments pour animaux a bondi au cours de la décennie écoulée et dépasse nettement celle observée aux États-Unis et dans l’Union européenne. Pour remédier à cela, le gouvernement chinois s’est récemment positionné en faveur de la réduction de la part minimale de protéines dans les rations alimentaires des animaux, qui avait été proposée par l’une des principales associations professionnelles du secteur.
4.8. Échanges
Plus de 40 % de la production mondiale de soja fait l’objet d’échanges internationaux, ce qui est beaucoup par rapport aux autres produits agricoles. Comparé à la décennie précédente, l’essor des échanges mondiaux devrait ralentir considérablement durant la période examinée. Cette évolution est directement liée à au fléchissement anticipé du volume de trituration de soja en Chine.
Les importations chinoises de soja devraient augmenter de 1.5 % par an pour atteindre environ 113 Mt en 2028 et représenter les deux tiers environ des importations mondiales. Les exportations de soja proviennent pour l’essentiel des Amériques ; à eux trois, les États-Unis, le Brésil et l’Argentine devraient fournir 87 % des volumes exportés en 2028. Les États-Unis, qui étaient de longue date le premier exportateur mondial de soja, ont été détrônés par le Brésil, qui voit ses capacités d’exportation croître de façon soutenue. Selon les projections, ce pays réalisera 42 % des exportations mondiales de soja à l’horizon 2028. Cette évolution s’explique par les 25 % de droits de douane supplémentaires que la Chine impose au soja importé des États-Unis. Cette mesure devrait continuer de s’appliquer tout au long de la période de projection.
La part de la production faisant l’objet d’échanges internationaux est bien plus modeste pour les autres oléagineux que pour le soja, puisqu’elle représente quelque 14 % de la production mondiale. Les grands pays exportateurs sont le Canada, l’Australie et l’Ukraine, qui réaliseront plus de 75 % des exportations mondiales à l’horizon 2028. Au Canada et en Australie, plus de la moitié des autres oléagineux (colza) produits sont exportés (graphique 4.8).
Les exportations d’huile végétale, qui représentent 41 % de la production mondiale, restent dominées par quelques pays. L’Indonésie et la Malaisie continueront d’assurer près des deux tiers des exportations totales au cours de la période considérée. L’Argentine devrait devenir le troisième exportateur mondial (d’huile de soja, principalement), avec une part d’environ 7.9 % des exportations mondiales d’huile végétale en 2028. Dans ces trois pays, les exportations absorberont plus des deux tiers de la production intérieure d’huile végétale. Toutefois, cette proportion devrait diminuer légèrement en Indonésie et en Malaisie, la consommation destinée à l’alimentation, à l’oléochimie et aux biocarburants en particulier étant appelée à croître plus vite que les exportations. L’Inde devrait voir ses importations continuer de progresser au rythme soutenu de 3.7 % par an pour atteindre 22 Mt en 2028, soit environ un quart des importations mondiales d’huile végétale.
Durant la période de projection, la croissance des échanges mondiaux de tourteaux protéiques devrait s’établir autour de 1.5 % par an, contre 3.6 % par an au cours de la décennie passée ; la part de la production mondiale faisant l’objet d’échanges devrait par ailleurs baisser. Cette diminution s’explique par la concentration attendue de la croissance mondiale de la production de viande dans les principaux pays transformateurs d’oléagineux, où la consommation de tourteaux protéiques produits localement s’intensifiera, entraînant une timide augmentation des échanges.
L’Argentine demeurera le premier exportateur de tourteaux car elle est le seul grand producteur à privilégier sans équivoque les exportations. Le plus grand importateur de tourteaux est l’Union européenne, avec un volume prévu quasi stationnaire de 28.1 Mt en 2028. L’Asie, et plus particulièrement le Viet Nam, le Pakistan et la Thaïlande, absorberont plus de la moitié des 18 Mt des importations supplémentaires de tourteaux protéiques. La capacité de trituration de ces pays ne pourra vraisemblablement plus répondre à la demande de tourteaux protéiques, d’où la nécessité pour le secteur de l’élevage de se tourner vers l’importation d’aliments pour animaux pour satisfaire ses besoins.
4.9. Principales questions et incertitudes
Les incertitudes communes à la plupart des produits de base (conjoncture macroéconomique, cours du pétrole brut, conditions météorologiques) s’appliquent aussi aux oléagineux et produits oléagineux. La production étant concentrée dans quelques régions du monde, les variations météorologiques ont un impact plus important sur la filière des oléagineux et de l’huile de palme que sur d’autres grandes cultures.
L’essor de la production de soja aux États-Unis et au Brésil dépendra de l’issue des négociations commerciales en cours entre la Chine et les États-Unis, qui pourrait encourager le Brésil à accroître ses superficies cultivées pour répondre à la demande chinoise et pousser les États-Unis à abandonner une partie de ses cultures de soja au profit du maïs. L’évolution de ces négociations pourrait également influencer la demande d’autres oléagineux produits ailleurs dans le monde, les effets de substitution et le volume des importations chinoises de tourteaux et d’huiles.
Les inquiétudes des consommateurs concernant le soja sont liées au fait qu’une grande part de la production est obtenue avec des semences transgéniques. Dans l’Union européenne en particulier, les dispositifs de certification des produits animaux fondés sur une alimentation garantie sans produits génétiquement modifiés prennent de l’ampleur et pourraient entraîner une réorientation de la demande d’aliments pour animaux vers d’autres sources de protéines. Les préoccupations environnementales se font également plus pressantes, notamment pour ce qui concerne le lien potentiel entre la déforestation et l’essor de la production de soja au Brésil et en Argentine. Ces inquiétudes ont amené le secteur privé à privilégier les terres déjà défrichées pour agrandir les superficies cultivées. En cas de succès, ces initiatives volontaires devraient dissuader les producteurs de soja de défricher de nouvelles terres pour pouvoir mener leurs activités.
La marge de progression de la production d’huile de palme en Indonésie et en Malaisie reposera de plus en plus sur les activités de replantation et d’accompagnement en vue d’améliorer les rendements (et non sur l’augmentation des superficies), qui ont pêché par manque de dynamisme ces dernières années compte tenu de la faible rentabilité du secteur, de l’ampleur limitée des programmes publics de replantation menés en Indonésie, et de la hausse du coût de la main d’œuvre en Malaisie. Les préoccupations liées à la durabilité pèsent également sur la production d’huile de palme étant donné que dans les pays développés, la demande privilégie les huiles non liées à la déforestation et cherche à ce que l’huile végétale utilisée pour produire du biodiesel et, de plus en plus, les huiles végétales alimentaires soient certifiées durables.
Les dispositifs de certification, l’étiquetage des produits et la législation environnementale pourraient freiner l’extension des superficies consacrées au palmier à huile dans les grands pays producteurs et porter un coup aux achats opérés par les principaux importateurs, ce qui finirait par peser sur l’offre. Ces préoccupations font obstacle à la poursuite de l’agrandissement des plantations de palmiers à huile et aux exportations d’huile de palme par la Malaisie et l’Indonésie.
La demande d’huile végétale en tant que matière première entrant dans la fabrication de biodiesel se stabilise, après une croissance rapide depuis l’année 2000 qui s’explique par les politiques menées dans un certain nombre de pays. Aux États-Unis, dans l’Union européenne et en Indonésie, ces mesures sont source d’incertitudes pour le secteur des huiles végétales, étant donné qu’environ 12 % de l’huile végétale produite mondialement est destinée à la production de biodiesel. Au sein de l’Union européenne, les réformes et l’émergence des biocarburants de deuxième génération vont probablement permettre de ne plus recourir aux matières premières alimentaires En Indonésie, rien ne permet d’affirmer avec certitude que l’obligation d’incorporation de 30 % du biodiesel pourra être atteinte, compte tenu des contraintes qu’elle va imposer en termes d’approvisionnement à moyen terme. L’augmentation des prix du pétrole, dont dépend la rentabilité du biodiesel, demeure par ailleurs source de profondes incertitudes pour le secteur des huiles végétales.
Les tourteaux protéiques rivalisent en partie avec d’autres produits dans la production d’aliments composés et sont, à ce titre, sensibles à toute variation des prix des céréales. En outre, de nouvelles habitudes d’alimentation des animaux – en particulier des bovins – peuvent modifier la demande de tourteaux protéiques. En Chine, les ajustements apportés actuellement aux prix intérieurs des céréales, par exemple, auront des retentissements sur la composition des aliments composés produits par le pays, qui contiennent pour l’heure davantage de tourteaux protéiques que dans les pays développés et dans les autres grandes économies émergentes.