Ce chapitre décrit la situation des marchés et présente les projections à moyen terme relatives aux marchés mondiaux des céréales sur la période 2019-28. Il passe en revue les évolutions prévues en termes de prix, de production, de consommation et d’échanges pour le maïs, le riz, le blé et les autres céréales secondaires, et examine en conclusion les principaux risques et incertitudes susceptibles d’avoir une incidence sur les marchés mondiaux des céréales dans les dix années à venir.
Perspectives agricoles de l'OCDE et de la FAO 2019-2028
Chapitre 3. Céréales
Abstract
3.1. Situation du marché
Ces dernières années, l'offre mondiale des céréales principales a dépassé la consommation totale, entraînant une accumulation sensible des stocks et une nette diminution des prix sur les marchés internationaux par rapport à la décennie précédente. Toutefois la production mondiale de céréales devrait diminuer au cours de la campagne 2018, pour la deuxième année consécutive, en raison d’une baisse des récoltes de blé et de céréales secondaires. La production de blé et d’orge a considérablement diminué suite aux mauvaises conditions météorologiques dans l’Union européenne, dans la Fédération de Russie et en Australie. En revanche, celle de maïs devrait augmenter du fait des conditions favorables en Ukraine, au Brésil et en Argentine. La production de riz devrait également être à la hausse en 2018 en raison de l’augmentation continue en Asie et de la reprise enregistrée au États-Unis. Du fait de la baisse du niveau de production et de la croissance soutenue de la demande, les stocks mondiaux de céréales à court terme devraient diminuer pour la première fois depuis six ans, entraînant une légère majoration des prix. Globalement, les échanges de céréales devraient s’accroître car l’augmentation de l’offre de maïs pourrait compenser celle en baisse du blé, du riz et des céréales secondaires dans certains pays se classant aux premiers rangs des exportations.
3.2. Principaux éléments des projections
Après plusieurs années de croissance de la production supérieure à celle de la consommation – d’où des stocks importants –, le prix international des céréales sur le court terme devrait se maintenir à un bas niveau (graphique 3.1). Au cours de la période de projection, les prix diminueraient en valeur réelle (mais augmenteraient en valeur nominale) car le volume des stocks et le ralentissement de l’augmentation de la demande de céréales par rapport à la précédente décennie continueront à exercer une pression à la baisse sur les marchés des céréales. La diminution attendue des prix risque d’affecter le revenu des producteurs et d’avoir une incidence sur les choix de culture et les réactions de l’offre.
La production mondiale de céréales devrait s’accroître de 367 Mt – pour atteindre 3 053 Mt en 2028 –, principalement en raison de l’augmentation des rendements. La hausse la plus forte serait enregistrée par le maïs (+181 Mt), puis le blé (+86 Mt), le riz (+66 Mt) et les céréales secondaires (+35 Mt). L’amélioration des variétés de semences continuera à pousser les rendements vers le haut, tandis que l’augmentation du nombre d’exploitations commerciales (en particulier en Afrique et dans la région de la mer Noire) facilitera l’accès aux nouvelles technologies, notamment les machines et les services de vulgarisation. Les exploitations de grande taille pourraient en outre accroître la productivité, plus particulièrement grâce à une utilisation plus efficiente des intrants comme les engrais et les produits agrochimiques. Par voie de conséquence, le rendement mondial des céréales progresserait de 1.1 % par an en moyenne au cours de la période examinée, contre 1.9 % au cours de la précédente décennie. Une légère progression de la superficie totale plantée est prévue, due principalement à l’extension des terres agricoles (Afrique, Fédération de Russie et Amérique latine), aux cultures multiples (Amérique latine) et à la conversion des prairies en terres cultivables (Inde). Ces changements résultent en partie des politiques nationales d’autosuffisance alimentaire.
La consommation mondiale de céréales devrait afficher une augmentation de 382 Mt entre la période de référence et 2028, atteignant 3 036.0 Mt en 2028. À moyen terme, la hausse de la demande globale de céréales devrait être plus modérée qu’au cours de la précédente décennie car la demande d’aliments pour animaux en République populaire de Chine (ci-après la « Chine ») devrait ralentir. L’usage industriel des céréales – surtout de l’amidon et des biocarburants – enregistrera sans doute une hausse plus modérée. S’agissant de l’alimentation humaine, la consommation par habitant de la plupart des céréales a atteint un niveau de saturation dans le monde entier ; pour autant, la demande en matière d’alimentation humaine devrait être forte sous l’effet de la croissance démographique rapide en Afrique et en Asie, où les céréales de base demeurent les principales composantes de l’alimentation. La consommation de blé devrait s’accroître de 93 Mt par rapport à la période de référence et continuera d’être destinée principalement à l’alimentation humaine. Celle de maïs devrait progresser de 189 Mt en raison du développement du secteur de l’élevage en Chine, dans les Amériques et en Asie du Sud-Est. La consommation humaine de maïs devrait augmenter de 27 Mt, en particulier en Afrique subsaharienne où le maïs blanc est un aliment de base important et où la croissance démographique est rapide. L’utilisation de céréales secondaires devrait augmenter de 32 Mt, avec une hausse de la consommation humaine attendue en Afrique. La consommation mondiale de riz devrait s’accroître de 67 Mt d’ici à 2028 – l’Asie et l’Afrique représentant la majeure partie de cette hausse –, principalement à destination de l’alimentation humaine.
À l’horizon 2028, les échanges mondiaux de céréales devraient croître de 76 Mt pour atteindre 503 Mt. La Fédération de Russie rejoint le devant de la scène internationale et s’est inscrite au premier rang des exportateurs de blé ces dernières années, supplantant en 2016 l’Union européenne à la première place. Le pays devrait conserver la première place pendant toute la période examinée, avec 20.3 % des exportations mondiales en 2028. S’agissant du maïs, les États‑Unis resteront en tête des exportations, même si leur part de marché évoluera à la baisse à mesure que le Brésil, l’Argentine, l’Ukraine et la Fédération de Russie occuperont une plus grande place sur les marchés mondiaux de cette céréale. L’Union européenne, l’Australie et les Amériques devraient se maintenir aux premiers rangs des exportations de céréales secondaires (principalement de seigle et de sorgho). Néanmoins, la hausse de leurs exportations sera limitée par les protections commerciales et l’intensification de la concurrence du maïs sur les marchés des aliments pour animaux. En ce qui concerne le riz, les principaux fournisseurs mondiaux resteront l’Inde, la Thaïlande, le Viet Nam et le Pakistan, tandis que le Cambodge et le Myanmar joueront un rôle accru.
Du fait des efforts déployés par la Chine – en particulier pour réduire ses stocks de maïs –les stocks mondiaux de céréales devraient se resserrer au cours de la période de projection. Cela entraînera une baisse du ratio mondial stocks/consommation de céréales, qui passera de 33 % pendant la période de référence à 27 % en 2028. Si ce fléchissement risque de provoquer une hausse des prix, les stocks mondiaux de céréales se maintiendront généralement à un niveau élevé au cours de la période considérée, voire augmenteront en ce qui concerne le blé et les céréales secondaires. La demande en Chine d’aliments pour animaux, ainsi que le niveau global de l’offre intérieure et les effets connexes sur les stocks, constitueront les principales incertitudes durant la période considérée.
3.3. Prix
Le prix international du blé – dont la référence est le prix f.a.b. du blé rouge d’hiver de catégorie n° 2, ports des États-Unis – devrait passer à 241 USD/t en 2018, ce qui représente la deuxième année consécutive de hausse après une tendance à la baisse amorcée en 2013. Avec des prix en termes réels du pétrole supposés faibles (et stationnaires), des prévisions de récolte moyennes et une croissance des exportations modérée, le prix international du blé devrait reculer en termes réels durant la période couverte par les projections, mais légèrement augmenter par rapport à la période de référence, pour atteindre 238 USD/t en 2028 (graphique 3.1).
Le prix international du maïs – dont la référence est le prix f.a.b. du maïs jaune de catégorie n° 2, ports des États-Unis – devrait s’élever en moyenne à 160 USD/t en 2018, soit un niveau inchangé depuis 2017. Bien que les stocks mondiaux de maïs diminuent, les efforts de déstockage de la Chine, les prévisions de baisse des prix de l’énergie et des intrants, ainsi que le ralentissement anticipé de la hausse de la demande des exportations par rapport à la précédente décennie auront pour effet de limiter l’augmentation en termes réels du prix international du maïs. Par conséquent, alors que le prix nominal devrait croître à 186 USD/t d’ici à 2028, cette hausse restera inférieure à l’inflation, ce qui signifie que le prix réel sera en baisse.
S’agissant des céréales secondaires, le prix sur le marché mondial, mesuré par le prix de l’orge fourragère (France, prix f.a.b. Rouen), devrait se hisser à 221 USD/t en 2018, ce qui représente la deuxième année consécutive de hausse après une tendance à la baisse amorcée en 2013. À moyen terme, le prix international des céréales secondaires devrait décroître en termes réels jusqu’à 216 USD/t en 2028, car les mesures de protection des échanges et l’intensification de la concurrence du maïs empêcheront la hausse de la demande d’importations en Chine.
Le prix international du riz (riz moyen complètement blanchi de Thaïlande, f.a.b. Bangkok) est passé à 447 USD/t en 2018, soit le plus haut niveau depuis 2014. Au cours de la période de projection, la demande d’importations de riz en Afrique subsaharienne (qui connaît une croissance démographique rapide) devrait être forte. Cependant, les importantes hausses de production – favorisées par l’action publique – dans les principaux pays importateurs d’Asie vont sans doute limiter l’augmentation des importations mondiales de riz à moins de la moitié du pourcentage enregistré lors de la précédente décennie. Le prix nominal progressera donc moins que l’inflation, et atteindra 470 USD/t en 2028.
3.4. Production
La production mondiale de céréales devrait croître de 1.2 % par an entre la période de référence et 2028 – où elle s’élèvera à 3 053 Mt –, une grande partie de cette hausse étant due aux rendements accrus (graphique 3.2). Au cours de la période de projection, le rendement moyen des céréales à l’échelle mondiale devrait progresser de 1.1 % par an (contre 1.9 % au cours de la précédente décennie) sous l’effet des progrès de la biotechnologie, des évolutions structurelles (vers des exploitations de plus grande taille), ainsi que de l’amélioration des pratiques agricoles. La superficie totale ne devrait augmenter que légèrement, principalement du fait de l’extension des terres agricoles (Afrique, Europe de l’Est et Amérique latine), des cultures multiples (Amérique latine) et de la conversion des prairies en terres cultivables (Inde). Dans le monde développé, l’augmentation de la superficie affectée aux céréales sera limitée par les restrictions imposées à la conversion de forêts ou de prairies en terres arables, l’urbanisation en cours et la faiblesse des prix des céréales par rapport à d’autres végétaux. La hausse de la production mondiale de céréales devrait avoir lieu majoritairement en Asie, Amérique latine, Afrique et Europe de l’Est (graphique 3.3), où les politiques nationales d’autosuffisance alimentaire encourageront non seulement l’extension des superficies mais aussi la recherche de variétés de semences permettant une augmentation plus rapide des rendements. Par le passé, ces politiques – qui incluaient également des subventions aux intrants, le soutien des prix, des paiements directs, des prêts agricoles, une assurance à taux préférentiel, l’accès à de meilleures variétés de semences et des services de vulgarisation – avaient un certain effet en matière de hausse de la production. Le problème est que leur succès dépendait en grande partie de leur chronologie et de leur mise en œuvre.
La production mondiale de blé devrait augmenter de 86 Mt pour s’établir à 838 Mt d’ici à 2028, soit un rythme plus modéré que celui de la décennie précédente. Dans le monde développé, c’est dans l’Union européenne que la hausse de cette production devrait être la plus forte, avec des rendements élevés, des prix compétitifs et des céréales de qualité. La production de blé devrait s’accroître de 41 Mt à l’horizon 2028 dans les pays développés, et de 45 Mt dans les pays en développement, ce qui représente une augmentation minime de la contribution de ces pays à la production mondiale. L’Inde, qui est le troisième plus gros producteur de blé, verra sa production augmenter de 15.5 Mt d’ici à 2028. Cette hausse est largement due à la politique indienne du prix de soutien minimum, qui garantit aux agriculteurs un revenu stable grâce à un programme d’achats publics. Il est supposé, dans ces Perspectives, que les terres irriguées continueront de représenter plus de 95 % de la zone de production. En plus de l’Inde, d’autres pays devraient également enregistrer une forte progression de la production : l’Union européenne (+13 Mt), la Fédération de Russie (+9 Mt), la Chine (+8 Mt) et l’Ukraine (+6 Mt). Dans la Fédération de Russie et en Ukraine, l’accroissement de la production s’explique par l’utilisation de semences hybrides et d’engrais produits domestiquement, les faibles coûts de l’énergie et l’existence de grandes exploitations commerciales.
La production mondiale de maïs devrait s’accroître de 183 Mt à 1311 Mt au cours de la prochaine décennie, les plus fortes augmentations étant enregistrées en Chine (+47 Mt), aux États‑Unis (+31 Mt), au Brésil (+25 Mt), en Argentine (+17 Mt) et en Ukraine (+6 Mt). Selon les projections, en Chine, la production de cette céréale progressera plus lentement (+2.1 % par an) que durant les dix précédentes années (+4.5 % par an) car les nouvelles mesures prises par les pouvoirs publics en 2016 ont mis fin au soutien des prix du maïs et au programme concomitant d’accumulation des stocks ; ces dispositions ont été remplacées par des subventions agricoles directes et des achats obéissant à la logique du marché. Par conséquent, sur le court terme, la Chine va délaisser la production de maïs pour se tourner vers d’autres céréales comme le soja et le blé, mais elle pourrait revenir au maïs dans quelques années lorsque les stocks seront redescendus à des niveaux plus viables. Aux États-Unis, la superficie plantée en maïs restera stable et l’augmentation de la production sera due surtout à la hausse des rendements. Au Brésil et en Argentine, la production augmentera à la fois du fait de l’extension de la superficie plantée (nouvelles terres agricoles et cultures multiples) et de la hausse de la productivité, toutes deux favorisées par des politiques intérieures incitatives (par exemple des prêts à taux préférentiel) et par la dépréciation des monnaies nationales. En Ukraine, la hausse de la production sera due en grande partie à l’utilisation de variétés indigènes à haut rendement et d’un système de culture pluviale.
La production mondiale d’autres céréales secondaires – comme le sorgho et l’orge – devrait atteindre 325 Mt d’ici à 2028, soit 34 Mt de plus que durant la période de référence. L’Éthiopie devrait représenter 16 % de la hausse de la production mondiale ; sa production d’autres céréales secondaires augmentera de 5 Mt – pour s’établir à 19 Mt à l’horizon 2028 –, le teff et le sorgho représentant la majorité de cette hausse. Une progression similaire est attendue dans l’Union européenne (+5 Mt), suivie par l’Inde, la Turquie et la Chine (+1.9 Mt chacune). Aux États-Unis, la production d’autres céréales secondaires (en particulier de sorgho) va continuer à diminuer au cours de la période de projection sous l’effet des mesures de protection des échanges et de la suppression des soutiens des prix du maïs en Chine, qui ont entraîné une baisse de la compétitivité du prix des aliments de substitution pour animaux par rapport au maïs. Globalement, la contribution du monde développé à l’augmentation mondiale de la production sera limitée (+9 Mt), en partie à cause d’un ralentissement de la hausse de la demande d’aliments pour animaux et de l’intensification de la concurrence du maïs sur les marchés de l’alimentation animale. En revanche, les gains de production seront importants dans les pays en développement (+25 Mt), en particulier en Afrique où la demande sera en hausse du fait de la croissance démographique et du développement du secteur de l’alimentation animale.
La production mondiale de riz devrait croître de 65 Mt pour se porter à 578 Mt en 2028. Si l’augmentation sera minime dans les pays développés (+1 Mt), elle sera au contraire relativement forte dans les pays en développement (+64 Mt). Pendant la période de projection, la production mondiale supplémentaire sera attribuable en majeure partie à l’Asie, qui contribuera pour 56 Mt à l’augmentation. La progression la plus importante devrait avoir lieu en Inde (+21 Mt), le deuxième plus gros producteur de riz au monde. Ce pays sera suivi par les pays d’Asie les moins avancés (+11 Mt), l’Indonésie (+7.6 Mt), la Chine et le Viet Nam (+4 Mt chacun), et la Thaïlande (+3 Mt).
En Inde, l’augmentation de la production de riz devrait être forte grâce à la hausse de rendements. Le gouvernement encourage activement l’utilisation de nouvelles variétés de semences et l’extension des systèmes d’irrigation. Il est présumé que cette tendance va se poursuivre, ce qui permettra à ce pays de combler son écart de rendement par rapport aux autres grands producteurs. Le maintien d’un prix de soutien minimum pendant la période de projection devrait inciter à planter du riz. En Chine, premier producteur de riz au monde, la production devrait croître à un rythme plus lent qu’au cours de la précédente décennie, car l’on anticipe une baisse de la superficie plantée en riz suite aux efforts des pouvoirs publics pour résoudre les problèmes d’excès de l’offre.
En Thaïlande et au Viet Nam, qui sont deux importants fournisseurs de riz, l’augmentation de la production dépendra de l’amélioration des rendements, en supposant que les efforts des pouvoirs publics pour promouvoir une évolution vers des cultures alternatives portent leurs fruits. Toutefois, comme pour d’autres producteurs de riz, les facteurs déterminants seront, outre les aspects liés à l’infrastructure et aux intrants, la structure variétale des plantations et l’utilisation de souches de semences améliorées. Les initiatives visant à promouvoir la production de variétés de meilleure qualité mais à plus faible rendement pourraient avoir des répercussions sur les améliorations futures du taux de productivité dans les deux pays.
Dans les pays développés, la production va stagner ou revenir au niveau de la période de référence en Corée, au Japon et dans l’Union européenne, mais elle va s’accroître aux États-Unis et en Australie – toutefois sans dépasser le niveau record de 2010 dans le premier pays, ni celui de 2001 dans le second. Les pays d’Asie les moins avancés – Myanmar, Cambodge, République démocratique populaire lao et Bangladesh – devraient continuer à accroître leurs niveaux de productivité à mesure qu’ils adopteront des variétés à plus haut rendement et amélioreront leurs pratiques agricoles. Alors que l’on s’attend à une hausse de la production dans de nombreux pays d’Afrique, le potentiel d’augmentation sera limité par le fait que, selon les prévisions, ces pays vont continuer à pratiquer une culture à sec, à utiliser peu d’intrants et à avoir une infrastructure agricole inadaptée.
3.5. Consommation
La consommation mondiale de céréales devrait s’accroître de 1.2 % par an au cours de la période de projection. C’est moins que les 2.1 % par an enregistrés lors de la précédente décennie car la demande en Chine, qui représentait 32 % de la hausse de la consommation lors de la période précédente , est anticipée à la baisse et ne devrait représenter que 22 % de la progression prévue. Pendant la période de référence, l’alimentation humaine représentait la plus grosse part de la consommation mondiale de céréales (42 %), suivie par l’alimentation animale (37 %) et l’utilisation industrielle (21 %). Au cours de la période de projection, l’alimentation animale devrait enregistrer une croissance absolue (+156 Mt) supérieure à celle de l’alimentation humaine (+147 Mt), d’où une légère augmentation de sa part dans la consommation totale de céréales à l’horizon 2028. S’agissant de la consommation humaine, l’essentiel de la demande supplémentaire viendra d’Afrique et d’Inde, où les céréales de base demeurent les principales composantes du régime alimentaire, et où la croissance démographique est rapide. Par ailleurs, alors que la consommation moyenne par habitant de céréales a atteint un niveau de saturation à l’échelle mondiale, elle est en forte hausse en Afrique, en particulier en Éthiopie (où la progression est d’environ 20 kg par habitant) et dans les PMA d’Afrique subsaharienne (avec +10 kg par habitant). Dans certaines régions d’Asie, en particulier l’Inde et l’Indonésie, la consommation annuelle de céréales par habitant devrait s’accroître de plus de 5 kg d’ici à 2028. En Amérique latine, la progression serait plus modérée, aux environs de 6 kg sur toute la période de projection.
Pour ce qui est de la consommation animale, la Chine continuera, selon les prévisions, de représenter une part très importante (25 %) de la demande supplémentaire. Toutefois, les Amériques – qui se situent dans les premiers rangs de la production et des exportations de viande – devraient voir leur consommation animale s’accroître considérablement et contribuer pour 17 % à la demande supplémentaire. L’Asie du Sud-Est, le Moyen-Orient, l’Afrique du Nord et l’Europe de l’Est enregistreront également une augmentation de la consommation animale, sous l’effet de l’extension des secteurs de l’élevage et de la production laitière. Enfin, l’utilisation industrielle des céréales, notamment pour la production d’amidon et de biocarburants, sera en faible hausse car les politiques existantes ne favoriseront sans doute pas une plus forte progression.
La consommation de blé devrait s’accroître de 94 Mt par rapport à la période de référence, et être destinée en grande partie à la consommation humaine. On prévoit que la Chine (+21 Mt), l’Inde (+12 Mt), l’Afrique continentale (+17 Mt) et le Moyen-Orient (+9 Mt) représenteront plus des deux tiers de l’augmentation de la consommation totale en raison de leurs régimes alimentaires à base de blé et de la croissance démographique. La consommation humaine, qui restera stable (environ deux tiers de la consommation totale), représentera 55 % de l’augmentation de la demande totale, la faible progression s’expliquant par la légère baisse de la consommation mondiale par habitant et le rythme modéré de la croissance démographique. La consommation animale devrait elle aussi s’accroître plus modestement (+21 Mt) que pendant la période de référence en raison du ralentissement de la production animale mondiale et de la plus grande compétitivité des produits pour l’alimentation animale à base de maïs. La production mondiale d’éthanol à base de blé devrait augmenter de 3 Mt, sous l’effet des efforts déployés par la Chine pour produire plus d’éthanol. Dans l’Union européenne – qui fut pendant la précédente décennie un gros utilisateur de blé aux fins de la production d’éthanol –, les politiques en matière de biocarburants ne devraient plus favoriser la poursuite de la croissance des biocarburants de première génération. La production mondiale de blé étant globalement plus élevée que sa consommation pendant toute la période de projection, le ratio stocks/consommation à l’échelle mondiale atteindrait 40 % en 2028, soit une progression de 1 point de pourcentage par rapport à la période de référence.
La consommation mondiale de maïs devrait augmenter de 189 Mt au cours de la période de projection, soit un peu moins que les 265 Mt de la précédente décennie. Le maïs étant principalement une culture fourragère (à 59 % pendant la période de référence), cette hausse plus faible de sa consommation est liée à l’évolution de la demande d’aliments pour animaux qui, durant la période de projection, se caractérise par une plus grande efficience de la consommation animale et un ralentissement de la croissance de la production animale. Par ailleurs, la hausse de la consommation de maïs pour la production de biocarburant, qui a plus que doublé au cours de la précédente décennie, devrait être limitée car les politiques actuelles en matière de biocarburants n’encourageront sans doute pas les gros producteurs à produire davantage. La consommation animale représente la majeure partie (63 %) de l’augmentation prévue en raison du développement du secteur de l’élevage en Chine, dans les Amériques et en Asie du Sud-Est. La consommation humaine de maïs devrait progresser de 27 Mt, sous l’effet à la fois de la croissance démographique et de l’augmentation de la consommation mondiale par habitant. C’est en Afrique subsaharienne, où le maïs blanc est un aliment de base important et où la croissance démographique est rapide, que la progression de la consommation humaine devrait être la plus forte (+13 Mt).
La Chine a modifié en 2016 sa politique relative au maïs en supprimant le dispositif de soutien des prix du marché qui était en vigueur depuis 2008. Cette modification était motivée par la nécessité de réduire les énormes stocks de maïs (qui, d’ailleurs, se dégradaient), de mettre fin aux pratiques agricoles non viables et de répondre aux préoccupations environnementales. La Chine a donc mis en place une subvention directe sur le maïs et remplacé le programme de stockage par des achats obéissant à la logique du marché. Selon les prévisions, ce changement de politique permettra d’écouler les stocks accumulés par la Chine, et ainsi de revenir à un ratio stocks/consommation plus viable (17 %) à l’horizon 2028. En partant de cette hypothèse, ce ratio passera, au niveau mondial, de 34 % pendant la période de référence à 18 % en 2028 (graphique 3.4).
La consommation mondiale d’autres céréales secondaires devrait augmenter de 32 Mt soit 1 % par an sur la période visée, ce qui est nettement plus rapide que la progression de 0.5 % par an enregistrée lors de la précédente décennie. Une progression similaire est prévue pour la consommation humaine et animale (+14 Mt chacune). La consommation dans les pays développés devrait rester stable en raison d’une hausse plus réduite de la demande d’aliments pour animaux, ce qui veut dire que les pays en développement – en particulier en Afrique – représenteront une part importante de l’augmentation de la consommation (graphique 3.5). La principale raison de la hausse de la consommation dans les pays africains est l’accroissement de la consommation humaine, lui-même dû à une augmentation de la consommation par habitant et une croissance démographique rapide. S’agissant de l’alimentation animale, les pays du Moyen-Orient (en particulier l’Iran et la Turquie) et l’Amérique latine contribueront pour une part importante à la hausse de la consommation du fait du développement des secteurs de l’élevage et de l’aviculture. Dans la mesure où la consommation humaine devrait augmenter davantage que la consommation animale, sa part dans la consommation totale passerait de 27 % environ pendant la période de référence à 29 % en 2028. Par ailleurs, la consommation étant inférieure à la production, le ratio stocks/consommation mondial passerait de 18 % pendant la période de référence à 20 % en 2028.
Encadré 3.1. Répercussions économiques des politiques de stockage public du riz en Asie
Au cours de la précédente décennie, un certain nombre de pays du monde entier ont eu de plus en plus recours à des programmes de stockage public consistant pour les pouvoirs publics à acheter, stocker et distribuer des produits alimentaires de base. Les objectifs de ces programmes vont de la stabilisation des prix au soutien de programmes de distribution régulière de denrées alimentaires, en passant par l’aide alimentaire temporaire en période de crise. Cela dit, tous ces programmes n’atteignent pas leurs objectifs. La plupart de ceux visant à constituer des « stocks régulateurs » (c’est-à-dire des stocks publics destinés à stabiliser les prix) n’ont pas réussi à réduire la volatilité des prix et certains l’ont même accrue, ce qui signifie que ces programmes – dans lesquels sont injectés des fonds publics – sont mis en place au détriment de politiques plus efficaces (Deuss, 2015 ; World Bank, 2012).
Outre leur efficacité variable, les programmes de stockage public peuvent aussi avoir des effets additionnels imprévus sur les marchés intérieurs et internationaux. De plus, aux effets sur les prix, la production, la consommation et les échanges peuvent s’ajouter des impacts sur les budgets publics et l’activité du secteur privé. L’ampleur de ces impacts dépend non seulement de la taille des programmes, mais aussi de leur fonctionnement, c’est-à-dire des circuits utilisés pour acquérir et écouler les stocks publics (graphique 3.6).
Le rapport intitulé The Economic Effects of Public Stockholding Policies for Rice in Asia (OCDE, 2018) compare le fonctionnement des programmes de stockage public du riz dans 8 pays d’Asie – Bangladesh, Chine, Corée, Inde, Indonésie, Japon, Philippines et Thaïlande – et examine leurs effets sur le plan économique. L’analyse simule, en prenant pour référence une situation de maintien des politiques existantes, les impacts sur le moyen terme (2018-2030) de la mise en œuvre d’un programme de stockage public de haut niveau (scénario « haut ») ou de bas niveau (scénario « bas »). Le niveau des stocks publics équivaut à trois mois de consommation intérieure de riz dans le scénario « haut », et à deux semaines dans le scénario « bas ».
L’analyse montre que ces programmes peuvent avoir de nombreux effets sur les marchés intérieurs et internationaux : dans le scénario « haut », la disponibilité du riz sur les marchés serait réduite, ce qui entraînerait une hausse des prix intérieurs (graphique 3.7) et mondiaux de cette céréale par rapport à la situation de référence, alors que c’est l’inverse qui se produirait dans le scénario « bas ». Ces effets seraient très prononcés au cours de la période transitoire de trois ans au cours de laquelle des modifications sont apportées aux programmes ; les impacts structurels persisteront toutefois – quoique de moindre intensité – sur le moyen terme. En plus de la modification du niveau des achats (le maintien de stocks élevés nécessite en effet d’acheter des volumes plus importants en continu) et des conséquences sur les prix et la disponibilité à l’échelle nationale et internationale, ces programmes auront une incidence sur les dépenses publiques et le niveau des stocks privés. Dans le scénario « haut » par exemple, les stocks privés seraient plus faibles à moyen terme que dans la situation de référence, car ils seraient mobilisés pour la constitution de stocks publics. La situation serait inverse dans le scénario « bas ».
Un dernier constat de première importance concerne la capacité des stocks publics à protéger les marchés contre les chocs survenant du côté de l’offre. L’analyse montre que si la constitution de stocks publics importants peut au début atténuer l’impact sur les prix et la disponibilité d’une baisse de la production mondiale, des stocks plus faibles favorisent en revanche une reprise plus rapide et le retour à une situation normale. De surcroît, le maintien de stocks publics peu élevés permet de réduire considérablement les dépenses de l’État, et ainsi de consacrer les fonds correspondants à d’autres stratégies d’atténuation des situations (d’urgence) de pénurie alimentaire.
Que doivent faire les pouvoirs publics ?
Lorsqu’ils envisagent de modifier le niveau des stocks publics, les gouvernements doivent évaluer avec soin non seulement les impacts éventuels à court terme sur le marché, mais aussi les conséquences à moyen terme sur les marchés intérieurs et internationaux. Ils doivent aussi prendre conscience qu’augmenter le niveau des stocks publics a un coût sur le plan budgétaire et peut dissuader le secteur privé de participer à la constitution de ces stocks.
Deuss, A. (2015), « Review of the performance and impacts of recent stockholding policies », in Issues in Agricultural Trade Policy, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264233911-5-en
OCDE (2018), The Economic Effects of Public Stockholding Policies for Rice in Asia, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264305366-en.
Banque mondiale (2012), Using Public Food Grain Stocks to Enhance Food Security, Report N° 71280- GLB, Septembre, 2012.
La consommation mondiale de riz devrait s’accroître de 67 Mt d’ici à 2028. Si l’alimentation humaine directe reste sa principale forme de consommation, le riz reste un aliment de base important en Asie, en Afrique, en Amérique latine et dans les Caraïbes. Selon les prévisions, la consommation totale de riz progressera d’environ 1.1 % par an – contre 1.4 % par an au cours de la précédente décennie –, principalement en raison de la croissance démographique. La hausse attendue de la consommation est presque entièrement attribuable à l’augmentation de la demande alimentaire dans les pays en développement (graphique 3.5), en particulier en Asie (+35 Mt) et en Afrique (+17 Mt). Du fait de la diversification des régimes alimentaires – due à la hausse des revenus –, la consommation de riz par habitant devrait stagner, ou n’augmenter que légèrement, dans la plupart des pays d’Asie, où la majeure partie de la production est consommée au niveau intérieur. La seule exception est l’Inde, où la consommation annuelle par habitant va s’accroître de 4 kg au cours des dix prochaines années, en partie sous l’effet de la politique sociale du gouvernement visant à améliorer la sécurité alimentaire des ménages défavorisés par la distribution publique de céréales alimentaires. En Afrique, où le riz acquiert une place de plus en plus importante parmi les aliments de base, la consommation par habitant devrait croître plus rapidement (d’environ 5 kg) au cours de la période de projection (tableau 3.1). À l’échelle mondiale, la consommation moyenne de riz par habitant pour l’alimentation humaine devrait augmenter de 1 kg, pour s’établir à 55 kg par an. Avec une augmentation de la consommation de riz légèrement plus rapide que l’offre mondiale, le ratio stocks/consommation mondial va quelque peu diminuer, d’un taux élevé de 34 % pendant la période de référence à 32 % à l’horizon 2028.
Tableau 3.1. Consommation de riz par habitant
KG/personne/an
|
2016-18 |
2028 |
Taux de croissance (% par an) |
---|---|---|---|
Afrique |
26.1 |
30.7 |
1.26 |
Asie et Pacifique |
77.8 |
78.7 |
0.11 |
Amérique du Nord |
12.8 |
12.9 |
0.23 |
Amérique latine et Caraïbes |
28.6 |
28.4 |
-0.03 |
Europe |
5.8 |
6.1 |
0.42 |
Source : OCDE/FAO (2019), « Perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO », Statistiques agricoles de l’OCDE (base de données), http://dx.doi.org/10.1787/agr-outl-data-fr.
3.6. Échanges
Le commerce mondial de céréales devrait s’accroître de 76 Mt au cours de la période de projection, pour atteindre 503 Mt à l’horizon 2028 (graphique 3.8). En adéquation avec les prévisions de ralentissement de la hausse de la demande, le volume des échanges de céréales progressera de 1.5 %, soit moins que les 5.0 % d’augmentation par an enregistrés lors de la précédente décennie, ce qui portera à environ 16 % la part des échanges dans la consommation mondiale au cours de la période de projection. De manière générale, les Amériques, la région de la mer Noire et l’Australie approvisionneront en céréales les pays situés au sein et en dehors de leurs régions, où la demande croissante de l’alimentation humaine et animale ne peut être satisfaite intérieurement. Cette situation devrait se poursuivre au cours de la prochaine décennie, car la part combinée des cinq principaux exportateurs de céréales devrait rester stable.
Les exportations de blé devraient augmenter de 27 Mt, pour s’établir à 203 Mt d’ici à 2028. La Fédération de Russie a supplanté l’Union européenne au premier rang des exportations en 2016, à la faveur de la compétitivité de ses prix et de sa proximité géographique avec les principaux pays importateurs du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord. L’Égypte, qui est le plus gros importateur de blé au monde, a récemment réduit son exigence concernant la teneur en protéines du blé importé, ce qui l’amène à préférer le blé de la mer Noire. Au cours de la précédente décennie, l’offre des principaux pays producteurs de blé de cette région – la Fédération de Russie, le Kazakhstan et l’Ukraine – avait été irrégulière, principalement à cause des fluctuations des rendements. La production s’est toutefois accrue plus vite que la consommation en raison de l’adoption de variétés de semences améliorées. Par voie de conséquence, une hausse de la production est attendue dans ces pays, ce qui entraînera une augmentation de leurs parts dans les exportations mondiales de blé (graphique 3.9). La Fédération de Russie devrait se maintenir à la première place d’ici à 2028 – avec une part d’environ 20 % dans les exportations mondiales de blé–, suivie par l’Union européenne (15 %), les États-Unis (13 %), le Canada (12 %) et l’Ukraine (11 %). La part des exportations de l’Union européenne augmentera légèrement en raison de la compétitivité des prix de l’UE, de la qualité de ses céréales et de sa proximité avec ses principaux marchés en Afrique et en Asie. Selon les prévisions, les importations de blé vont se répartir plus largement entre un grand nombre de pays, les cinq premiers – Égypte, Indonésie, Algérie, Brésil et Philippines – représentant une part cumulée d’environ 25-27 % au cours de la période de projection.
Les exportations de maïs devraient progresser de 33 Mt à 193 Mt en 2028. La part des exportations des cinq principaux exportateurs – États-Unis, Brésil, Ukraine, Argentine et Fédération de Russie – représentent 89 % pendant la période de référence et passeront à 91 % en 2028 sous l’effet de la hausse des quantités exportables au Brésil, en Argentine et en Ukraine. Les États-Unis devraient conserver la première place du classement – avec des exportations en hausse de 5 Mt, se situant donc à 66 Mt à l’horizon 2028 –, mais leur part dans les exportations sera en baisse (de 38 % à 34 %) car les acheteurs d’Asie du Sud-Est manifestent des préférences pour le maïs d’Amérique du Sud en raison de leur perception de son niveau d’humidité et de la dureté du grain. Dans son ensemble, l’Amérique latine devrait voir sa part dans les exportations mondiales passer de 36 % pendant la période de référence à 41 % en 2028 (graphique 3.9), du fait de l’augmentation de la production favorisée par les politiques intérieures (par exemple, des prêts à taux préférentiel) et de la dépréciation des monnaies locales. Selon les prévisions, l’Ukraine et la Fédération de Russie enregistreront une hausse de leurs exportations de maïs, car leur offre augmentera plus vite que la consommation intérieure, entrainant l’écoulement des excédents sur le marché mondial.
Pendant la période de référence, les cinq premiers pays importateurs de maïs – Mexique, Union européenne, Japon, Corée et Égypte – représentaient 43 % des importations mondiales. Le Viet Nam, qui enregistre un accroissement de ses importations de maïs depuis 2012, devrait remplacer la Corée au quatrième rang mondial, sous l’impulsion du développement de ses secteurs de l’élevage et de l’aviculture. La Malaisie devrait, du fait du développement continu de son secteur de l’élevage, accroître encore ses importations. En Chine, sous l’effet du changement de politique en 2016 (suppression du dispositif de soutien des prix et du programme de stockage qui y était associé), la hausse de la production de maïs devrait ralentir. À mesure que les stocks diminueront et reviendront à des niveaux plus viables, un resserrement de l’offre devrait favoriser la progression des importations à un niveau proche du contingent tarifaire de 7.2 Mt d’ici à 2028.
Contraint par les mesures de protection des échanges (particulièrement en Chine) et par l’intensification de la concurrence du maïs sur les marchés de l’alimentation animale, le volume des échanges internationaux d’autres céréales secondaires – telles que l’orge et le sorgho – ne devrait s’accroître que de 3 Mt durant la période concernée, contre presque 10 Mt enregistrés pendant la décennie écoulée. Entre 2012 et 2014, les importations par la Chine d’autres céréales secondaires ont augmenté de 2.9 Mt à 20.2 Mt, sous l’influence du prix intérieur élevé du maïs (dans le cadre du dispositif de soutien des prix) et des restrictions commerciales limitées. Depuis lors, la suppression des prix de soutien et l’écoulement qui s’en est suivi des stocks existants de maïs, ainsi que les tarifs douaniers, ont entraîné une baisse des importations d’autres céréales secondaires par la Chine. Pendant la période de référence, les cinq principaux exportateurs – Union européenne, Australie, Ukraine, Canada et États-Unis – représentaient 72 % des exportations mondiales ; ce pourcentage devrait fléchir à 71 % en raison de la baisse des exportations de sorgho par les États-Unis causée par les tarifs douaniers chinois. Par ricochet, la Fédération de Russie remplacera les États-Unis au cinquième rang des exportateurs d’autres céréales secondaires car son accès privilégié aux marchés d’Iran et des pays d’Asie centrale lui permettra de maintenir le niveau de ses exportations. Contrairement aux importations de maïs et de blé, les importations d’autres céréales secondaires sont beaucoup moins réparties entre les pays. Les cinq principaux importateurs – Chine, Arabie saoudite, République islamique d’Iran, Japon et États-Unis – absorbent 66 % des échanges mondiaux, la Chine en représentant 29 % à elle seule en 2028.
Les échanges mondiaux de riz devraient s’accroître de 2.3 % par an au cours de la période de projection, soit une hausse des volumes échangés de 12 Mt, à 164 Mt en 2028. La part de marché des cinq principaux exportateurs de riz – Inde, Thaïlande, Viet Nam, Pakistan et États-Unis – devrait passer, au cours de la période considérée, de 77 % à 75 %. L’Inde restera le premier exportateur de riz au monde, la demande de ses marchés traditionnels d’Afrique et du Proche-Orient assurant la hausse des exportations. La Thaïlande, dont le riz proposé à l’exportation est toujours majoritairement de qualité supérieure, devrait se maintenir au deuxième rang mondial des exportations. Quant au Viet Nam, l’augmentation prévue de ses exportations sera due en partie aux efforts engagés par le pays pour diversifier la composition variétale de l’offre de riz, qui pourrait entraîner un accroissement de ses livraisons au Moyen-Orient, en Afrique et en Asie de l’Est. Les trois pays susmentionnés pourraient toutefois être confrontés à une concurrence accrue sous l’effet des prévisions de croissance des exportations de riz chinois à destination de l’Afrique, ainsi que de l’importance accrue du Cambodge et du Myanmar en tant que fournisseurs de riz pendant la période de projection. Compte tenu de leurs prix compétitifs et de l’abondance des quantités exportables, les exportations totales de ces pays devraient croître de 4 Mt valeur de la période de référence à 7 Mt en 2028.
La plus forte hausse des importations sera enregistrée dans les pays africains, où la demande – stimulée par l’augmentation de la consommation par habitant et la croissance démographique rapide – devrait dépasser la production. Selon les prévisions, les importations totales dans cette région progresseront de 17 Mt pendant la période de référence à 29 Mt en 2028. Cela porterait la part de l’Afrique dans les importations mondiales de riz de 35 % à 49 %, et la région deviendrait la première destination des flux mondiaux de cette céréale. Le Nigéria, en particulier, devrait plus que doubler ses importations de riz à l’horizon 2028 et atteindre quasiment les mêmes quantités que celles anticipées pour la Chine, qui est le premier importateur de riz au monde. Les PMA d’Afrique subsaharienne enregistreraient une forte hausse de leurs importations, de 8 Mt pendant la période de référence à 14 Mt en 2028. Avec ses réserves abondantes et ses efforts poussés pour lutter contre le trafic de riz via sa frontière méridionale, la Chine devrait assister à une légère baisse de ses importations de riz ; elle restera néanmoins un important débouché commercial de cette céréale pendant la période de projection. Outre la Chine et le Nigéria, les cinq plus gros importateurs de riz sont les Philippines, l’Union européenne et l’Iran, qui représentent globalement quelque 26 % des importations mondiales pendant la période de référence.
S’agissant des Philippines, les prévisions ne tiennent pas compte du remplacement récent des restrictions quantitatives des importations de riz par des droits sur les importations, suite à l’adoption de la loi de la République N° 11203 en février 2019. Les modalités de mise en œuvre de ce texte ne sont en effet pas encore définies, notamment en ce qui concerne le stockage et la distribution publics de riz, ainsi que l’utilisation du fonds de promotion de la compétitivité du riz (doté de 10 milliards PHP) établi par la loi, qui fournira pendant six ans des aides aux producteurs locaux.
La variété Indica représente la majeure partie des échanges mondiaux de riz. La variété Japonica, cultivée sous des climats plus tempérés, représente quelque 13 % de la production mondiale de riz et environ 7 % des échanges. Le Japon, la Corée, l’Égypte et la Turquie produisent et consomment presque exclusivement du riz Japonica ; les prévisions relatives à ces pays représentent donc la projection à moyen terme de cette variété. Les plus gros exportateurs sont les États-Unis, l’Australie, l’Union européenne et la Chine, où le Japonica représente respectivement quelque 21 %, 80 %, 77 % et 35 % de la production de riz. S’agissant des importations, l’Asie du Nord-Est (Japon, Corée et Taipei chinois) reste la principale destination du riz Japonica, suivie par le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, où la demande s’accroît. De plus en plus de PMA interviennent dans le commerce du riz, l’Asie pour les exportations et l’Afrique pour les importations. Il s’agit d’un cas unique dans lequel un groupe de PMA devrait contribuer à l’amélioration de la sécurité alimentaire de PMA situés dans une autre région.
3.7. Principales questions et incertitudes
Bien que les hypothèses climatiques donnent lieu à des perspectives de production positives pour les principales régions céréalières, les ravageurs, les maladies des végétaux et les aléas météorologiques accentués par le changement climatique pourraient entraîner une plus grande volatilité des rendements des cultures, avec des conséquences sur l’offre et les prix au niveau mondial. Les variations historiques du rendement des cultures ont été plus marquées en Australie, au Kazakhstan, dans la Fédération de Russie et en Ukraine. Les rendements des cultures en Amérique du Sud – notamment en Argentine, au Brésil, au Paraguay et en Uruguay – affichent également une variabilité élevée. Ces dernières années, la participation accrue de la région de la mer Noire aux marchés mondiaux des céréales a atténué certains des risques associés à l’insuffisance des récoltes dans les principaux pays exportateurs. L’augmentation continue de sa participation aux exportations pendant la prochaine décennie pourrait réduire les risques de volatilité des rendements dans certaines régions. Par ailleurs, la survenue de maladies (comme celle causée par la chenille légionnaire d’automne) dans les grands pays producteurs et exportateurs pourrait avoir un impact considérable sur les marchés mondiaux.
Le développement futur des marchés mondiaux du maïs et du blé est encore incertain car les principaux pays exportateurs d’Amérique du Sud pourraient connaître une hausse sensible des prix due à la supposée dépréciation de leurs taux de change. Dans cette région, les prix internationaux exprimés en dollars pourraient chuter, et les producteurs et sociétés d’export pourraient bénéficier d’une majoration des prix – due à l’affaiblissement de leur monnaie nationale – qui stimulerait la production. L’incertitude des taux de change dans la région pourrait avoir une incidence sur la production et les quantités exportables.
La demande d’aliments pour animaux en Chine, ainsi que le niveau global de l’offre intérieure et les effets connexes sur les stocks, constitueront les principales incertitudes durant la période considérée. On ne dispose aujourd’hui d’aucun état exhaustif et officiel de l’équilibre du marché dans ce pays. S’appuyant sur le troisième recensement agricole national datant de 2018, les autorités chinoises ont revu leurs estimations de la production végétale, avec une nette évolution de la production de maïs (+266 Mt) au cours des dix dernières années. En revanche, aucun chiffre n’est fourni concernant l’alimentation animale ou les stocks. Le scénario de référence actuel utilise les estimations du ministère de l’Agriculture des États-Unis, dans lesquelles la production supplémentaire est répartie entre les estimations précédentes des stocks et de la consommation animale. Pour autant, malgré cette révision, la production de maïs en Chine est en baisse depuis trois ans sous l’effet du changement de politique introduit en 2016 – qui a remplacé le dispositif de soutien des prix du marché par un programme de subvention directe pour le maïs. On suppose que cette nouvelle disposition entraînera, au cours de la période de projection, un écoulement des stocks accumulés par la Chine (graphique 3.10). Toutefois, si le niveau des stocks descend en fait très en dessous des estimations actuelles, il est possible que la Chine devienne un gros importateur de maïs et ait par conséquent une grande influence sur les évolutions futures des marchés mondiaux des céréales. De surcroît, les récents changements intervenus dans la mise en œuvre du soutien aux producteurs de riz pourraient avoir une incidence sur les décisions de production, ce qui entraînerait l’écoulement des stocks de cette céréale. L’ampleur de cet écoulement est difficile à déterminer et pourrait différer de la tendance supposée dans ces Perspectives.
Les prix des céréales pourraient être affectés par la possibilité d’un nouveau ralentissement de la croissance économique des économies à croissance rapide et par une baisse des prix de l’énergie induite par l’utilisation de nouvelles sources d’énergie et les nouvelles technologies d’extraction. En outre, le renforcement des critères de sécurité alimentaire et de durabilité dans la réforme des politiques relatives aux biocarburants et dans leur élaboration (Union européenne, Brésil ou États-Unis) peut aussi avoir des effets sur la demande de céréales.
Le contexte du commerce international des céréales est marqué par une incertitude croissante qui risque d’avoir une incidence sur les flux commerciaux. Outre la protection des échanges, le règlement des différends en cours (par exemple entre les États-Unis et la Chine) et la perspective de nouveaux accords commerciaux au niveau régional pourront avoir d’importantes répercussions sur l’évolution future des marchés de céréales.