Ce chapitre donne un aperçu de la dernière série de projections quantitatives à moyen terme relatives aux marchés agricoles mondiaux et nationaux. Ces projections englobent la production, la consommation, les stocks, les échanges et les prix de 25 produits agricoles pour la période allant de 2019 à 2028. Le ralentissement de la demande devrait persister pendant la décennie à venir. Bien que la croissance démographique semble devoir fléchir, la population sera le principal moteur de la consommation de la plupart des produits. À l’échelle mondiale, la consommation par habitant de beaucoup de produits devrait stagner. Par conséquent, le ralentissement de la demande de bon nombre de produits agricoles de base devrait aller de pair avec des gains d’efficience dans la production, les prix réels demeurant ainsi relativement stationnaires. Le commerce international restera essentiel pour la sécurité alimentaire dans les pays importateurs de produits alimentaires. Outre les risques élevés auxquels l’agriculture est habituellement exposée, les marchés agricoles mondiaux font face à de nouvelles incertitudes, liées notamment à la propagation de maladies comme la peste porcine africaine et aux accords commerciaux qui pourraient être conclus entre plusieurs acteurs clés du secteur.
Perspectives agricoles de l'OCDE et de la FAO 2019-2028
Chapitre 1. Vue d’ensemble
Abstract
1.1. Introduction
Les Perspectives agricoles présentent un scénario de référence cohérent pour l’évolution des marchés des produits agricoles et du poisson aux niveaux national, régional et mondial au cours des dix prochaines années (2019-2028). Elles mettent donc l'accent sur le moyen terme et complètent ainsi les travaux sur le suivi des marchés et les perspectives à court terme, d'une part, et les projections à long terme, d'autre part1.
Les projections qui sous-tendent les Perspectives ont été établies par l'OCDE et la FAO en collaboration avec des experts de pays membres et d'organisations internationales spécialisées dans les produits. Le modèle AGLINK-COSIMO mis au point par l'OCDE et la FAO relie les différents secteurs étudiés et assure un équilibre global entre tous les marchés. Il permet en outre de procéder à une analyse de suivi, notamment en ce qui concerne les incertitudes sur l'évolution des marchés. Une présentation détaillée de la méthode utilisée pour établir les projections ainsi que d'autres informations sur le modèle AGLINK-COSIMO sont disponibles en ligne2. Les projections relatives aux produits sont présentées en détail dans la version en ligne des chapitres correspondants.
Les projections présentées ici reflètent à la fois la situation actuelle des marchés (cf. graphique 1.1) et une série d’hypothèses concernant l’environnement macroéconomique, les tendances démographiques et les politiques publiques (présentées dans l'encadré 1.4 à la fin du chapitre). Au cours de la période de projection, la croissance démographique devrait faire passer la population mondiale à 8.4 milliards de personnes en 2028, sous la poussée principalement de l’Afrique subsaharienne (+300 millions) et de l’Asie du Sud, notamment de l’Inde (+189 millions). La croissance économique sera inégalement répartie autour du globe, avec une hausse soutenue du revenu par habitant en Inde et en République populaire de Chine (ci-après la “Chine”) et une progression plus lente en Afrique subsaharienne notamment. Malgré la forte croissance de leur revenu par habitant, les pays émergents seront encore loin d'atteindre les niveaux de l'OCDE en 2028. Ces perspectives et les hypothèses dont elles découlent sont analysées plus en détail dans l'encadré 1.4.
Les incertitudes qui entourent les projections sont examinées en détail à la fin du chapitre et dans chacun des chapitres par produit disponibles en ligne.
1.2. Prix
Dans les Perspectives, les prix internationaux de référence sont ceux constatés sur les principaux marchés (par exemple, ports des États-Unis, Bangkok) pour chaque produit agricole. Sur le court terme, les projections relatives aux prix restent influencées par les événements récents (sécheresses, changements de politique). En revanche, plus on s’approche de la fin de la période de projection et plus elles sont déterminées par les conditions fondamentales de l’offre et de la demande. Les chocs qui peuvent survenir, tels que les sécheresses ou les récessions, sont une source de variabilité autour de ces trajectoires de prix. On étudiera leur incidence potentielle au moyen d’une analyse stochastique partielle plus loin dans le chapitre.
La plupart des produits examinés dans les Perspectives devraient voir leur prix réel baisser d’environ 1-2 % par an au cours des dix années à venir (graphique 1.3), du fait de la croissance de la productivité. Ces baisses seront sans doute plus marquées pour le bœuf et le mouton. Dans le cas du bœuf, les prix élevés de ces dernières années ont favorisé l’expansion du cheptel. Or, vu le temps qu’il faut pour élever des bovins, il va en résulter une offre supplémentaire qui fera pression à la baisse sur les prix dans les années à venir. Une évolution analogue se dessine pour les prix du mouton : ils ont augmenté de plus de 20 % en valeur réelle entre 2017 et 2018, mais devraient maintenant baisser pour revenir à leurs niveaux de 2017 au cours des deux prochaines années. Les prix réels de quelques produits (huile végétale, lait en poudre entier et écrémé, éthanol) devraient en revanche rester stationnaires ou monter légèrement par rapport à un point de départ relativement bas.
Le graphique 1.3 replace ces projections de prix réels dans le contexte de leur évolution récente. Les prix des céréales, des oléagineux, des produits laitiers et de la viande (entre autres produits agricoles) ont connu de fortes hausses entre le début des années 2000 et la période 2007-14, doublant même parfois en très peu de temps en valeur réelle (graphique 1.4). Les prix des produits agricoles sont toutefois orientés à la baisse depuis quelques années et les projections montrent qu’ils devraient rester à leurs niveaux actuels ou passer en dessous, dans la mesure où l’on prévoit une nouvelle baisse des coûts marginaux de production en termes réels durant la décennie.
La baisse prévue des prix réels concorde avec leur tendance sur le long terme (graphique 1.4). Rétrospectivement, les données montrent en effet que les prix des produits agricoles sont en général étroitement corrélés et tendent à suivre une courbe descendante sur longue période, tendance qui peut toutefois être interrompue par des épisodes de volatilité et de hausses des prix. C’est ce qui s’est passé dans les années 1970, et plus récemment aussi. Dans la présente édition des Perspectives, les projections de prix reflètent les tendances structurelles de la décennie à venir, mais des événements imprévus (mauvaises récoltes, chocs sur la demande) pourraient créer de la volatilité autour de ces tendances.
Des prix plus bas sont une aubaine pour des millions de consommateurs dans le monde entier, mais ils réduisent aussi les revenus des producteurs qui n’ont pas les moyens d’améliorer suffisamment leur productivité. Un contexte de faiblesse des prix pourrait donc se traduire par des demandes accrues de soutien aux agriculteurs, susceptibles de se répercuter à leur tour sur les projections.
Outre l’évolution des prix internationaux, les prix intérieurs des produits agricoles sont influencés par plusieurs facteurs tels que les coûts de transport, la politique commerciale, la fiscalité et les taux de change. Ces derniers sont peut-être la principale source de variabilité puisqu’ils peuvent eux-mêmes fluctuer sensiblement sur une courte période. Si les prix internationaux sont révélateurs des conditions de l’offre et de la demande au niveau mondial, les cours des produits de base sont généralement libellés en dollars des États-Unis, si bien que les variations de change par rapport à cette monnaie constituent un autre déterminant de l’évolution des prix. Les hypothèses relatives aux taux de change sont exposées dans l’encadré 1.4.
1.3. Consommation
Au cours des dix prochaines années, la demande de produits agricoles dépendra surtout des besoins de produits alimentaires et de matières premières d’une population mondiale croissante et plus aisée. Au niveau mondial, la consommation devrait être influencée en particulier par la demande alimentaire d’une population en pleine expansion en Afrique subsaharienne, par la demande de produits de valeur plus élevée et d’une plus grande quantité d’aliments transformés sous l’effet de la progression des revenus dans les économies émergentes, et par l’évolution des modes de consommation résultant d’une sensibilité toujours plus grande vis-à-vis des problèmes de santé, d’environnement et de durabilité dans les économies avancées. Par ailleurs, les hypothèses de croissance économique sont sujettes à un élément d'incertitude supplémentaire, compte tenu notamment des récentes révisions suggérant un ralentissement économique général.
Déterminants de la demande de produits agricoles
Les produits agricoles sont destinés à l’alimentation humaine et animale, à la production de carburant et à des applications industrielles qui les utilisent comme matières premières. Leur demande est déterminée par une série de facteurs communs, tels que la dynamique démographique, le revenu disponible, les prix et les préférences des consommateurs, ainsi que par des facteurs spécifiques, comme indiqué au graphique 1.5.
La population, le revenu et les préférences de consommation ont une influence directe sur la demande alimentaire, car ils déterminent le nombre de consommateurs, la composition souhaitée du panier alimentaire et la capacité d’achat. Étant donné les disparités géographiques considérables qui caractérisent chacun de ces facteurs, leur incidence relative sur la consommation varie d’un pays à l’autre et d’une région à l’autre. De plus, pour les usages tels que l’alimentation animale, la fabrication de carburants et d’autres applications industrielles, il existe aussi un certain nombre de facteurs spécifiques. Par exemple, la demande d’aliments pour animaux dépend à la fois de la consommation humaine de produits d’origine animale et des différents systèmes d’élevage, lesquels dépendent à leur tour des politiques sectorielles et des techniques de production. La demande de produits agricoles est aussi soumise aux politiques économiques générales qui déterminent le revenu disponible. Les biocarburants offrent un exemple caractéristique de ce qu’est une demande induite par l’action publique. Pour établir les prévisions de consommation les concernant et en déduire la demande potentielle des diverses matières premières agricoles utilisées pour les produire, il a fallu tenir compte de plusieurs facteurs d’ordre politique et économique (voir le chapitre consacré aux biocarburants pour plus de détails).
L’alimentation humaine est le principal débouché de la plupart des produits agricoles comestibles, mais l’alimentation animale et les usages énergétiques ont beaucoup progressé depuis quelques décennies. Avec notamment l’évolution des comportements alimentaires, l’augmentation de la part des produits d’origine animale dans la consommation et l’expansion de l’élevage qui en a résulté ont accru l’importance de l’alimentation animale. On prévoit que l’utilisation des céréales augmentera davantage pour l’alimentation du bétail que pour l’alimentation humaine au cours des dix prochaines années, tandis que la demande de matières premières agricoles destinées aux biocarburants restera forte, sans toutefois progresser (graphique 1.6).
Perspectives mondiales de la consommation alimentaire de produits agricoles
La consommation alimentaire totale des produits examinés ici devrait croître régulièrement au cours de la prochaine décennie, au rythme de 1.2 % par an pour les céréales, de 1.7 % pour les produits animaux, de 1.8 % pour le sucre et les huiles végétales, et de 1.9 % pour les légumineuses et les racines et tubercules. En ce qui concerne les produits alimentaires de base (céréales, racines et tubercules, légumineuses), la consommation par habitant s’est globalement stabilisée et son évolution, dorénavant, dépendra donc principalement de la croissance de la population, tandis que la demande de produits de valeur plus élevée (sucre, huiles végétales, viande, produits laitiers) sera fonction à la fois de la consommation par habitant et de la croissance démographique. Selon les projections, elle devrait donc augmenter plus vite que celle des produits alimentaires de base au cours des dix années à venir.
La consommation alimentaire de céréales s’accroîtra de 150 Mt sur la période de projection, essentiellement tirée par le riz et le blé, avec 50 Mt supplémentaires chacun d’ici 2028. Pour les produits animaux, la hausse de la consommation viendra surtout des produits laitiers, dont la demande en constante augmentation gonflera de 20 Mt (en équivalent extrait sec) sur le moyen terme, d’après les projections. La consommation de viande augmentera de 40 Mt et celle de poisson de 25 Mt d’ici 2028. Pour le sucre et les huiles végétales, on estime à 30 Mt environ le supplément de consommation dans chaque cas. Les différences constatées entre les régions, en termes de niveau et de taux de croissance de la consommation, continueront de refléter l’importance relative de chaque filière et de chaque déterminant (graphique 1.7).
La consommation de produits alimentaires de base dépendra de la croissance démographique
La population est le principal facteur de croissance de la consommation alimentaire de produits agricoles, telle qu’elle ressort des projections, en particulier pour les produits qui affichent des niveaux élevés de consommation par habitant dans des régions à forte croissance démographique. La consommation mondiale de céréales augmentera de 147 Mt sur la période de projection, dont 42 % (62 Mt) en Afrique, où la croissance démographique représentera environ 90 % de la demande supplémentaire.
L’importance relative des deux principaux déterminants de la demande totale de produits agricoles, à savoir la croissance de la consommation par habitant et la croissance démographique, varie beaucoup selon les régions et selon les produits (graphique 1.8). En ce qui concerne les céréales, la population reste généralement un facteur important dans toutes les régions, étant donné la stagnation de la demande par habitant, et même sa baisse dans plusieurs pays à haut revenu. Dans le cas de la viande et des produits laitiers, la croissance démographique a moins d’influence car le revenu et les préférences individuelles comptent davantage. En Asie, elle n’explique qu’environ 60 % de la consommation supplémentaire de viande. Dans certains pays et certaines régions, la croissance prévue de la consommation alimentaire totale est le résultat d’un accroissement de la population en partie compensé par une baisse de la demande par habitant. Ainsi, en Afrique, la consommation de viande ne devrait progresser que de 25 % malgré un taux de croissance démographique de 30 % au cours de la prochaine décennie. Des effets analogues sont attendus pour les aliments de base consommés dans de nombreux pays industrialisés, quoique pour des raisons très différentes, comme on le verra dans les sections suivantes.
Consommation alimentaire par habitant : perspectives et déterminants
Si les évolutions démographique sont un facteur de croissance de la demande qui compte dans de nombreuses régions, leur effet dépend toutefois de la composition de la consommation alimentaire par habitant dans chaque région, c’est-à-dire des préférences des consommateurs et de leur revenu disponible. Au cours des dix années qui viennent, les comportements alimentaires seront influencés par l’évolution des revenus, des modes de vie et d’autres déterminants tels que les problèmes de santé et d’environnement. Ils n'en continueront pas moins de présenter des différences selon les régions, ne serait-ce que parce que les préférences de consommation, qui sont le fruit de la culture et des traditions, n'évolueront sans doute que graduellement.
Le graphique 1.9 illustre l'évolution de la composition des régimes alimentaires dans différentes régions sur la période de projection, en termes de disponibilité de calories par jour et par habitant selon différents groupes d’aliments. Il révèle de grandes différences entre les régions : des aliments de base comme les céréales, les légumineuses et les racines et tubercules, par exemple, fournissent la majeure partie de l’apport calorique en Inde et en Afrique subsaharienne, alors que leur part est plus limitée en Chine, en Amérique latine et en Europe.
De même, l'importance relative des différentes sources de protéines varie selon les régions du monde (graphique 1.10). La viande et le poisson représentent une large part de l'apport protéique en Amérique latine et dans les Caraïbes, en Chine et en Europe, mais leur contribution est beaucoup plus limitée en Inde et en Afrique subsaharienne.
La composition du panier alimentaire selon les régions et les catégories de revenu ne devrait pas beaucoup changer, les habitudes de consommation à moyen terme n’évoluant guère. Dans les pays à faible revenu, les consommateurs continueront de tirer à peu près 70 % de leur apport total de calories et de protéines des produits alimentaires de base, et 20 % seulement de leur apport protéique de sources animales, tandis que dans les pays à revenu élevé, la part des aliments de base dans la consommation de calories se maintiendra aux alentours de 40 %, et les protéines animales représenteront encore plus de la moitié de l'apport protéique total.
Dans les pays à revenu intermédiaire ou élevé, la consommation par habitant de produits alimentaires de base comme le blé, le riz et les racines et tubercules tend à se stabiliser ou commence à reculer. Dans certains pays d'Asie et d'Amérique latine, la consommation de céréales devrait croître plus lentement que celle de produits de valeur plus élevée tels que la viande, les produits laitiers, le sucre et les huiles végétales, ce qui se traduira par une stagnation ou une diminution de leur part dans l'alimentation. En tant que composante essentielle du régime alimentaire de la population, les céréales continueront cependant de jouer un rôle important à moyen terme dans ces pays.
La stabilité générale des habitudes alimentaires masque toutefois des changements importants qui sont en train de se produire sous l'effet de la hausse des revenus, de l'urbanisation, des politiques publiques et des préoccupations en matière de santé et d'environnement.
Incidence de l'évolution des revenus sur l'alimentation
Au cours de la prochaine décennie, la croissance économique devrait augmenter les revenus moyens dans le monde (voir les hypothèses de croissance économique présentées dans l'encadré 1.4). Toutefois, les prévisions de croissance du revenu qui sous-tendent les perspectives actuelles semblent de moins en moins robustes, les données récentes indiquant un ralentissement économique plus prononcé. Des projections plus faibles à court terme pourraient se traduire par une croissance réduite à moyen terme et freiner davantage l’expansion prévue de la consommation alimentaire. En outre, la croissance et la distribution des revenus resteront inégales d'un pays à l'autre et au sein même des pays.
Ainsi, la région Asie de l'Est et du Sud-Est devrait voir son revenu par habitant augmenter de 60 % à 100 % d'ici 2028, ce qui se traduira par une hausse de la consommation de viande de 5 kg par habitant en Chine et de 4 kg par habitant en Asie du Sud-Est à moyen terme. Cette expansion concernera surtout la volaille et le porc, les deux viandes les plus consommées dans ces régions. Il y aura aussi une augmentation de la consommation de bœuf en Chine, de 0.5 kg par habitant sur les dix prochaines années, et donc un léger accroissement de la part du bœuf dans la consommation totale de viande, avec 4 kg en moyenne par habitant.
En Asie du Sud, en revanche, la croissance des revenus n'entraînera pas une augmentation comparable de la consommation de viande, mais sera plutôt associée, d'après les projections, à une hausse de la demande de produits laitiers, de sucre et d'huile végétale. Les produits laitiers et les légumineuses resteront les principales sources de protéines dans cette région. C'est au Pakistan que la croissance de la consommation de produits laitiers frais devrait être la plus forte au monde, avec une progression de 42 kg par habitant d'ici 2028, soit un niveau annuel moyen de 274 kg par habitant, représentant près de 30 % de l'apport de protéines quotidien total par habitant. La consommation de produits laitiers devrait également connaître une forte croissance en Inde, où elle fournira 15 % de l'apport protéique total par habitant d'ici 2028. Deuxième grande source de protéines dans ce pays, les légumineuses devraient compter pour 15 % de l'apport total de protéines en 2028, avec un niveau de consommation estimé à 17 kg par habitant.
Globalement, l'importance relative de la viande en tant que source de protéines varie d'une région à l'autre suivant les niveaux de revenu. Il est probable que ces différences subsisteront dans la mesure où la viande est en train de gagner du terrain dans des régions qui en sont déjà de grosses consommatrices, alors qu'elle ne semble pas devoir prendre une place beaucoup plus importante dans les régimes alimentaires d'autres populations.
Dans les pays à revenu élevé, la consommation de viande par habitant augmentera moins vite que dans les économies à faible revenu, mais comme elle atteint déjà un niveau relativement élevé, cette hausse sera plus importante en valeur absolue. Aux États-Unis, par exemple, la consommation de viande par habitant n'augmentera que de 2 %, mais avec plus de 2 kg supplémentaires chaque année par habitant, elle dépassera 100 kg par habitant en 2028, battant toujours le record du monde. Au total, la consommation de viande des États-Unis augmentera ainsi de 4 Mt, soit 10 % de la croissance totale enregistrée pour ce produit. Une croissance soutenue de la consommation de viande dans de nombreux pays à revenu intermédiaire ou élevé devrait creuser l'écart de consommation par habitant avec beaucoup de pays à faible revenu, surtout en Afrique subsaharienne.
La consommation totale de viande par habitant des pays d'Afrique subsaharienne devrait baisser de 0.6 kg, tombant à 12.9 kg en moyenne d'ici 2028. Dans cette région, les revenus n'augmenteront pas suffisamment à moyen terme pour que les produits carnés deviennent accessibles à l'ensemble de la population. La chute de la consommation devrait surtout concerner le mouton, le bœuf et le veau, tandis qu'une modeste croissance est attendue pour la volaille dans quelques pays de la région.
Au niveau mondial, la hausse des revenus devrait largement contribuer à la croissance de la consommation de sucre et d'huiles végétales. En 2028, la consommation mondiale de sucre atteindra 24 kg par habitant, soit une progression de près de 2 kg en dix ans. Une hausse comparable portera la consommation d'huiles végétales à près de 20 kg par habitant d'ici la fin de la période de projection. Comme ces évolutions toucheront surtout les pays à revenu intermédiaire ou faible, les sucres et les graisses contribueront pour une plus large part à l'apport de calories dans ces régions d'ici 2028.
L'urbanisation des modes de vie contribue à la demande de produits plus riches en calories
La hausse prévue de la consommation de sucre et d’huile végétale s'explique par la hausse des niveaux de revenu, ainsi que par l'urbanisation des modes de vie dans de nombreux pays à revenu faible ou intermédiaire. La concentration progressive des populations dans les centres urbains entraîne un changement structurel dans l'économie. La migration vers les villes s'accompagne généralement de nouvelles perspectives de revenus, mais elle ne va pas toujours de pair avec une amélioration du niveau de vie.
L’urbanisation allonge les filières alimentaires commerciales et les rend plus complexes. Les populations rurales qui migrent vers les villes ne peuvent plus avoir de contact direct avec les producteurs locaux, et si la migration permet parfois de découvrir un plus large choix de produits alimentaires, elle pose en même temps le problème de l’accès à des aliments nutritifs qui, en milieu urbain, sont souvent plus à la portée des catégories à hauts revenus3. De pair avec un mode de vie potentiellement caractérisé par davantage de contraintes de temps, une moindre présence au foyer et donc un plus grand besoin de solutions pratiques, l’urbanisation est en général associée à une consommation accrue d’aliments prêts à l’emploi, transformés ou préparés en dehors de chez soi, qui sont souvent plus riches en lipides, en sel et en sucre.
Alors que 55 % de la population mondiale vit actuellement en milieu urbain et que cette proportion passera à près de 60 % au cours de la prochaine décennie, la demande d’aliments préparés et transformés ne peut qu’augmenter, et avec elle la consommation de sucre et d’huiles végétales.
Les politiques de santé visent à modérer la consommation de sucre et de graisses
La modification des régimes alimentaires sous l'effet conjugué de la hausse des revenus et de l'adoption de modes de vie urbains caractérisés par le manque de temps et la recherche de solutions toutes prêtes a contribué à faire monter la prévalence de l'obésité et des maladies non transmissibles comme le diabète. En Amérique latine et dans les Caraïbes, région où la consommation de sucre et d'huile végétale a sensiblement augmenté, l'obésité touche à présent un quart environ de la population, et 60 % des habitants sont en surpoids.
L'augmentation des taux d'obésité et les préoccupations que suscitent plus généralement les effets sur la santé d'une alimentation trop grasse et trop sucrée ont conduit à l'adoption de politiques visant à limiter la consommation de graisse et de sucre. Des taxes sur le sucre ont été mises en place ou sont en projet dans de nombreux pays, tels que le Chili, la France, le Mexique, la Norvège, l'Afrique du Sud et le Royaume-Uni. Dans certains cas, comme au Chili, ces taxes s'accompagnent de nouvelles obligations en matière d'étiquetage des produits alimentaires à forte teneur en sel, en sucre et en graisse, ainsi que de réglementations limitant la publicité destinée aux jeunes pour ces produits. Si les premiers effets de ces interventions diffèrent d'un pays à l'autre, les nouvelles obligations d'étiquetage adoptées au Chili ont conduit les industriels à reformuler leurs produits pour en réduire la teneur en sucre ou en matières grasses, ce qui pourrait indirectement réduire la consommation de ces produits.
Des facteurs sociaux encouragent une alimentation plus saine et plus durable
Dans les pays à haut revenu, les préoccupations en matière de santé et d'environnement influent de plus en plus sur les décisions de consommation. C'est ainsi que s'explique, par exemple, la popularité croissante des viandes maigres telles que la volaille. Dans les pays développés, la consommation de volaille devrait s'accroître de près de 2 kg par habitant et atteindre 31 kg par habitant d'ici 2028, tandis que celle de bœuf et de veau devrait baisser dans des pays comme le Canada (-1.4 kg par habitant) et la Nouvelle-Zélande (-1 kg par habitant). Là aussi, la santé sera au cœur des préoccupations qui motiveront une hausse concomitante de la consommation de volaille : d'ici 2028, celle-ci augmentera de 1.2 kg par habitant au Canada et de 1.6 kg par habitant en Nouvelle-Zélande. Des substitutions analogues entre différents types de viande sont également prévues pour l'Union européenne, la Norvège, la Suisse et l'Australie.
Les préoccupations concernant la santé et le bien-être sont perçues comme favorisant une substitution continue des graisses de cuisson de l'huile végétale au beurre à moyen terme. Ces considérations, ajoutées aux problèmes environnementaux que pose la production d'huile de palme, contribueront au recul de la consommation d'huiles végétales au Canada, dans l'Union européenne et en Norvège, où le beurre connaîtra une évolution d'ampleur comparable en sens inverse. Au Canada, la consommation de beurre devrait augmenter de près de 1 kg par habitant au cours de la période de projection, tandis que la consommation d'huiles végétales diminuera de près de 4 kg par habitant, malgré leur prix avantageux.
Par conséquent, même si les habitudes alimentaires restent très différentes d'une région à l'autre, la consommation alimentaire par habitant évoluera du fait de la hausse des revenus, de l'urbanisation, des politiques publiques et des préoccupations en matière de santé et d'environnement. Certains de ces changements sont illustrés au graphique 1.11. Ainsi, la disponibilité de calories par jour et par habitant augmentera plus rapidement en Inde, en Chine et en Asie du Sud-Est que dans les autres régions, ce qui correspond dans une large mesure à l'évolution des revenus. De manière générale, l'apport quotidien de calories par habitant progressera lentement pour les aliments de base, mais plus vite pour les produits d'origine animale ainsi que pour les graisses et le sucre, reflétant l'influence de l'urbanisation et l'importance croissante des aliments prêts à consommer. Enfin, dans certaines régions (Europe, Amérique latine et Caraïbes), la croissance faible ou nulle de l'apport calorique provenant du sucre s'explique en partie par des préoccupations croissantes en matière de santé.
Perspectives mondiales de la demande fourragère
En 2016-18, environ 1.7 milliard de tonnes de produits agricoles ont été utilisés pour l'alimentation du bétail (principalement du maïs et d'autres céréales ainsi que des tourteaux protéiques d'oléagineux ; les Perspectives agricoles s'intéressent uniquement aux produits fourragers commerciaux et donc ne tiennent pas compte de l'herbe, du foin et des déchets de cuisine, examinés dans l'encadré 1.1). À moyen terme, la consommation totale d'aliments pour animaux augmentera de 1.5 % par an, plus vite que la production de viande qui ne devrait croître, quant à elle, que de 1.2 % par an, ce qui laisse entrevoir une nouvelle intensification dans le secteur de l'élevage. Les céréales représenteront la majeure partie de cette croissance de la demande fourragère, avec un supplément de 156 millions de tonnes, contre un accroissement de 147 millions de tonnes pour la consommation alimentaire totale.
Encadré 1.1. L’alimentation animale et l’alimentation humaine sont-elles en concurrence ?
Pour obtenir des produits animaux comme la viande, les produits laitiers ou les œufs, il faut utiliser des aliments pour animaux. Les ruminants comme les vaches, les moutons et les chèvres peuvent consommer de l’herbe et d’autres végétaux présents dans les prairies et les zones de parcours. Les non-ruminants tels que porcs et volailles, en revanche, ne peuvent trouver leur nourriture dans les pâturages, mais ont besoin d’autres types d’aliments. Dans les systèmes de production de subsistance de taille modeste, il peut s’agir en particulier de déchets alimentaires ; dans les systèmes de plus grande taille, l’alimentation peut être composée de céréales et tourteaux protéiques (fabriqués à partir d’oléagineux, notamment de soja). Les ruminants peuvent également recevoir ces tourteaux, soit en complément d’un régime à base d’herbe, soit comme élément principal du régime alimentaire (dans les parcs d’engraissement par exemple).
La production d’aliments pour animaux peut se faire au détriment de celle des aliments destinés à la consommation humaine. C’est particulièrement évident lorsque les terres agricoles sont affectées à la production d’aliments pour animaux. Cependant, même les pâturages peuvent dans une certaine mesure occuper des terrains susceptibles de recevoir des cultures vivrières.
Pour chiffrer ces arbitrages potentiels entre les aliments destinés à la consommation humaine et à la consommation animale, des chercheurs de la FAO ont étudié la consommation d’aliments pour animaux dans le monde1. Ils ont estimé que les animaux d’élevage avaient consommé en 2010 6 milliards de tonnes d’aliments environ en matière sèche. Sur ce total, 86 % ne convenait pas à la consommation humaine : il s’agissait d’herbes et de feuilles (46 % du total) ou de résidus végétaux (19 %). Les céréales constituaient 13 % environ de la consommation totale des animaux d’élevage, chiffre qui correspond à près d’un tiers de la production mondiale de céréales.
Il n’est pas étonnant que les données témoignent d’importantes différences entre ruminants et non-ruminants. Les fourrages (herbes et feuilles, résidus végétaux et ensilage) représentent près des trois quarts de la consommation totale d’aliments pour animaux, mais visent presque exclusivement les ruminants. En revanche, la volaille et les porcins consomment ensemble les deux tiers de tous les autres types d’aliments. Des différences géographiques apparaissent également : les pays de l’OCDE ne représentent que 16 % de la consommation mondiale de fourrage, tandis que leur part dans la consommation des autres aliments s’élève à 32 %.
Les auteurs de l’étude estiment aussi que, sur plus de 3 milliards d’hectares de pâturages dans le monde, 685 millions d’hectares pourraient en principe être affectés à des cultures, une superficie qui correspond à la moitié environ des terres arables mondiales à l’heure actuelle. En outre, 560 millions d’hectares de terres arables dans le monde servent à produire des végétaux destinés à l’alimentation animale, principalement des céréales et des oléagineux.
1. Mottet, A., C. de Haan, A. Falcucci, G. Tempio, C. Opio et P. Gerber (2017), « Livestock: On our plates or eating at our table? A new analysis of the feed/food debate », Global Food Security 14, pp. 1-8.
La demande fourragère totale résulte essentiellement de deux facteurs. Premièrement, la demande de produits d'origine animale (œufs, viande, produits laitiers et poisson), qui détermine le niveau de production du secteur de l'élevage et de l'aquaculture. Deuxièmement, la structure et l'efficacité des systèmes de production, qui déterminent la quantité de fourrage nécessaire pour obtenir la production demandée.
La demande fourragère augmentera plus vite que la production de viande
En Chine, on prévoit que la consommation d'aliments concentrés augmentera de 61 Mt d'ici 2028 (+1.5 % par an), soit la plus forte croissance en volume imputable à un seul pays au cours de la période de projection. Mais d'autres pays verront leur demande fourragère croître encore plus vite que celle de la Chine, notamment le Paraguay (4.0 % par an), le Pérou (3.3 % par an), le Viet Nam (3.0 % par an), l'Indonésie (2.9 % par an) et les Philippines (2.7 % par an). Dans leur cas, la croissance de la demande d’aliments pour animaux rapportée à celle de la production de produits d’élevage indique une nouvelle intensification de cette dernière. D'après les projections, la production d'œufs, de porc et de volaille devrait afficher une croissance annuelle de 1.3 % au Paraguay, 2.1 % au Pérou, 1.9 % au Viet Nam, 2.2 % en Indonésie et 2.0 % aux Philippines.
La restructuration des systèmes d’élevage influe sur la demande fourragère
Avec le passage des systèmes d'élevage traditionnels, en basse-cour, aux exploitations commerciales, l'alimentation des animaux s'intensifie et la demande globale d’aliments concentrés par unité produite augmente. Toutefois, le changement de système de production a également pour effet d'améliorer l'efficacité alimentaire et donc de réduire, dans un second temps, la demande d'aliments par unité produite. Conjuguées à la croissance respective de l'élevage et de l'aquaculture, ces deux phases de développement déterminent les projections de la demande fourragère dans chaque région, telles que présentées dans les Perspectives.
Le graphique 1.12, qui illustre les prévisions relatives à la production animale et à la consommation d’aliments pour animaux dans le secteur des non-ruminants, met en évidence les différences liées aux structures de production dans l'ensemble des régions. Dans les pays les moins avancés d’Afrique, par exemple, la consommation d’aliments pour animaux dans le secteur des non-ruminants augmentera plus vite que la production d’œufs, de volaille et de porc, ce qui laisse supposer que la modernisation des systèmes de production se poursuit. Aux États-Unis et dans l’UE14, en revanche, c’est-à-dire dans des pays qui possèdent des systèmes de production industrielle à grande échelle, la consommation d’aliments pour animaux progressera à peu près au même rythme que la production animale des non-ruminants, voire amorcera un déclin.
Déterminants de la demande de biocarburants : évolution des politiques publiques et des usages énergétiques
Les produits agricoles sont devenus une source importante de matières premières pour la production de carburants dans les transports à partir du début des années 2000, lorsque sont apparues les premières politiques nationales prescrivant l'utilisation de biocarburants au Brésil, dans l'Union européenne et aux États-Unis ; le maïs, la canne à sucre et l'huile végétale contribuent maintenant pour une large part à la fabrication de carburants renouvelables. Dans l’Union européenne et aux États-Unis, la demande ne devrait guère progresser, mais l'essor des biocarburants se poursuivra probablement, avec des obligations d'incorporation nouvelles ou renforcées, dans les pays émergents et en développement (graphique 1.13).
La consommation de biodiesel augmentera de 18 %, soit 6.6 millions de litres, au cours des dix prochaines années, en grande partie du fait de nouvelles prescriptions visant à porter à 30 % le taux de mélange du biodiesel en Indonésie. Motivée par des stocks intérieurs abondants et par les prix compétitifs de l'huile végétale sur le marché international, cette obligation d'incorporation s'accompagnera d'une taxe sur les exportations d'huile de palme destinée à soutenir le secteur national du biodiesel. Ces mesures ont aussi pour but de se prémunir contre la baisse potentielle des importations d'huile de palme de l'Union européenne, principal débouché du produit à l'étranger. Dans la mesure où l'Union européenne favorise de plus en plus les biocarburants de deuxième génération par rapport aux technologies actuelles, elle devrait en effet réduire sa consommation d'huile végétale pour la fabrication de biodiesel. Parallèlement, elle devrait aussi enregistrer une baisse de sa consommation totale de diesel à moyen terme, qui ferait reculer le biodiesel de 4 % d'après les prévisions.
La consommation mondiale d'éthanol progressera de 18 % environ d'ici 2028, soit 21 milliards de litres supplémentaires, principalement du fait de la hausse attendue en Chine (+5.4 milliards de litres). En 2017, le gouvernement chinois a annoncé un objectif d'incorporation d'éthanol de 10 % d'ici 2020, auquel il compte répondre en utilisant du maïs local et du manioc importé pour développer la production nationale. Si cet objectif a peu de chance d'être pleinement atteint, il laisse toutefois entrevoir une forte croissance de la production chinoise d'éthanol.
Le Brésil, deuxième consommateur mondial d'éthanol, verra quant à lui sa demande progresser de 7.6 milliards de litres, compte tenu de l'objectif de réduction des émissions liées au transport, fixé par la loi RenovaBio à 10 % d'ici 2028. Cette ambition devrait encourager le développement de la production de canne destinée aux biocarburants à moyen terme, d'autant plus que cela permettrait aussi de faire face à la crise des cours mondiaux du sucre qui sévit depuis dix ans.
Plusieurs autres pays continueront de favoriser la valorisation des cultures sucrières pour la production d'éthanol afin de soutenir les producteurs de canne, de respecter leurs engagements climatiques et de réduire leur dépendance à l'égard des combustibles fossiles importés.
Bien que le manioc soit encore loin d'occuper la même place que le maïs ou la canne à sucre dans la production d'éthanol, la valorisation bioénergétique de ce produit contribuera pour 17 % à la croissance totale de sa consommation, en grande partie liée aux importations de la Chine en provenance de la Thaïlande et du Viet Nam.
1.4. Production
La demande croissante de produits agricoles pose la question de savoir comment le secteur de l'agriculture pourra y répondre et, surtout, s'il sera en mesure d'y répondre de façon durable. L'agriculture utilise beaucoup de terres et d'eau, et son empreinte écologique est de ce fait considérable. Par exemple, la conversion des paysages naturels en terres agricoles entraîne des pertes de biodiversité et une augmentation des émissions de gaz à effet de serre, tandis que l'utilisation intensive d'intrants comme les engrais et les pesticides a des incidences sur les écosystèmes.
Avant la “Révolution verte”, au milieu du siècle dernier, la croissance de la production végétale résultait essentiellement de l'augmentation des surfaces mises en production (graphique 1.15). D'après les estimations de l'époque, jusqu'au milieu du XXe siècle, l'utilisation des terres agricoles augmentait proportionnellement à la population mondiale. Depuis les années 60, le recours croissant aux engrais et aux pesticides, l'irrigation et l'amélioration des variétés végétales se sont traduits par une hausse spectaculaire des rendements dans de nombreuses régions du monde. Depuis, l'accroissement de la production vient pour l'essentiel des gains de productivité, c'est-à-dire de l'augmentation des rendements et de l'intensification des cultures, bien davantage que de l'expansion des surfaces cultivées4. Dans le même temps, les progrès incessants de la sélection animale, l'utilisation plus intensive d'aliments à forte valeur énergétique et protéique ainsi que l'amélioration continue des mesures de lutte contre les maladies et de la gestion de la production en général ont accru la productivité dans le secteur de l'élevage.
Bien que la population mondiale ait plus que doublé depuis 1960 et que la production alimentaire mondiale ait plus que triplé, on estime que l'utilisation totale des terres agricoles (cultures et pâturages) n'a augmenté que d'environ 10 %. Pour la décennie à venir, les Perspectives prévoient une croissance de l'ordre de 14 % de la production agricole mondiale avec une utilisation des terres agricoles globalement inchangée. Cela suppose que l'intensification de la production est appelée à se poursuivre et que la quantité de nourriture par personne va augmenter (graphique 1.15).
Dans les dix années qui viennent, la croissance de la production se répartira essentiellement entre les pays émergents et les pays en développement, où elle résultera à la fois d'une hausse des investissements et du rattrapage technologique, mais aussi de la disponibilité des ressources (en Amérique latine) et, pour partie, de l'accélération de la demande (en Inde et en Afrique). La croissance de la production agricole devrait être beaucoup plus modeste en Amérique du Nord et en Europe, où les rendements et la productivité atteignent déjà, en général, des niveaux élevés, et où les politiques environnementales limitent les possibilités d'expansion.
La croissance de la production agricole n'aura qu'une incidence mineure sur l'utilisation des terres à l'échelle mondiale
A l'heure actuelle, l'agriculture utilise près de 40 % des terres de la planète (graphique 1.17), dont quelque 70 % de pâturages. La vocation agricole ou pastorale des terres varie selon les régions. En Océanie ou en Afrique, par exemple, une grande partie des terres ne peut être exploitée que pour le pâturage, tandis que dans d'autres régions, comme l'Europe, les terres cultivables sont plus abondantes. Ces différences sont principalement déterminées par des caractéristiques agro-écologiques (pluviométrie, sols, déclivité), qui limitent les possibilités de substitution entre pâturages et terres arables. Il convient toutefois d'être prudent dans ce que l'on entend par pâturage, tant il est difficile de définir cette notion ou de mesurer avec précision ce qu'elle représente5.
Dans le droit fil des tendances observées ces dix dernières années, la superficie agricole mondiale devrait rester à son niveau actuel au cours de la prochaine décennie, l'extension des terres cultivées étant compensée par une diminution des pâturages. Les tendances de l'utilisation des terres et leurs déterminants varient toutefois selon les régions du monde (graphique 1.18).
On prévoit une extension des terres cultivées comme des pâturages en Amérique latine et dans les Caraïbes. Dans cette région, ce sont essentiellement des exploitations commerciales à grande échelle et à bas coûts qui devraient rester suffisamment rentables pour investir dans le défrichage et la mise en culture de nouvelles terres, malgré le faible niveau des prix prévu sur le marché agricole pour les dix prochaines années.
L'utilisation totale des terres agricoles ne devraient pas augmenter de manière significative en Afrique, malgré la disponibilité de vastes étendues de terres dans la région subsaharienne. L'extension des surfaces agricoles sera principalement limitée par la structure du secteur, essentiellement composé de petites exploitations, par les conflits qui sévissent dans les pays où la terre est abondante, ainsi que par la perte de terres agricoles du fait de la dégradation des sols, des activités minières et de l'étalement urbain. Une partie des pâturages devrait néanmoins être convertie en terres cultivées, notamment en Tanzanie, par suite de l'extension de la superficie agricole des exploitations commerciales.
La croissance de la production végétale reposera avant tout sur l'amélioration des rendements
Au cours des dix années à venir, la production végétale mondiale devrait croître de 384 Mt pour les céréales, 84 Mt pour les oléagineux, 41 Mt pour les racines et tubercules, 19 Mt pour les légumineuses et 3 Mt pour le coton. Cette croissance résultera principalement d'investissements dans l'amélioration des rendements pour ce qui est des céréales et de l'huile de palme, et d'une extension des surfaces conjuguée à de meilleurs rendements dans le cas des oléagineux, du coton et de la canne à sucre6.
En ce qui concerne le blé, l'augmentation de la production sera particulièrement notable dans la région de la mer Noire. En Fédération de Russie (ci-après « Russie »), les investissements publics dans les infrastructures et les techniques agricoles, telles que l'amélioration des semences, ont poussé les rendements à la hausse ces dernières années, et cette tendance devrait se poursuivre. L'importance accordée au renforcement de l'agriculture nationale semble liée en partie aux sanctions en vigueur depuis 2014, qui ont limité les importations de produits de base en provenance des États-Unis et de l'Union européenne. Entre la dépréciation de la monnaie et l'amélioration de l'offre nationale d'intrants, les exportations de blé russe sont devenues compétitives sur les marchés mondiaux (voir la section consacrée aux échanges pour plus de détails).
La production de maïs et de soja, largement dominée par les Amériques, augmentera à la fois sous l'effet de changements d'affectation des terres et d'investissements dans l'amélioration des rendements. En Argentine et au Brésil, la pratique actuelle de la double culture de maïs et de soja devrait permettre d'accroître la production grâce à une utilisation plus intensive des terres déjà exploitées. En Amérique du Nord, au contraire, l'extension des superficies récoltées de maïs et de soja passe presque uniquement par la substitution à d'autres cultures. La hausse des rendements nord-américains devrait être tirée essentiellement par les progrès de la sélection végétale, la plupart des exploitations étant déjà parvenues à la frontière de production. Le graphique 1.20 illustre les projections relatives à l'extension des surfaces cultivées et à l'amélioration des rendements selon les régions. Malgré une hausse plus rapide dans les régions moins productives, les rendements du maïs présenteront encore des disparités considérables en 2028.
Les rendements des autres cultures resteront eux aussi très variables selon les pays, ce qui s'explique en partie par la diversité des conditions agro-écologiques, mais aussi par l'impossibilité d'accéder aux variétés améliorées, aux engrais et à d'autres intrants7. Depuis le début de la “Révolution verte”, dans les années 50, l'utilisation de ces intrants s'est considérablement développée dans la plupart des pays d'Asie et d'Amérique latine, alors que les progrès technologiques en Afrique subsaharienne ont toujours été beaucoup plus lents. La consommation d'engrais par hectare de terres arables en Asie de l'Est, en Asie du Sud et en Amérique latine est respectivement 20, 10 et 9 fois plus élevée qu'en Afrique subsaharienne8. Depuis quelques années, toutefois, la consommation d'engrais et d'autres intrants (en particulier des herbicides) progresse dans plusieurs pays de la région9. Des efforts soutenus pour mettre au point des variétés améliorées adaptées aux conditions locales et pour optimiser les pratiques culturales devraient permettre de nouvelles hausses des rendements en Afrique subsaharienne. Dans les régions où l'utilisation d'engrais et de produits phytosanitaires est déjà répandue, les variétés améliorées devraient être le principal levier de la progression continue des rendements10.
Encadré 1.2. Innovations en matière de sélection végétale
Depuis la révolution verte, les innovations de la sélection végétale, comme les variétés semi-naines de blé et de riz et les nouvelles techniques génétiques de renforcement de la résistance aux maladies et aux ennemis des cultures ont beaucoup amélioré les rendements, la qualité et la résilience des productions agricoles. Les nombreuses innovations qui voient le jour dans ce domaine depuis quelques années peuvent contribuer à répondre à ces besoins durables.
Au nombre de ces innovations figure l’hybridation de nouvelles espèces. Lorsque deux lignées consanguines sont croisées, il en résulte une semence dont la vigueur, les rendements et la stabilité des rendements sont renforcés, un phénomène appelé hétérosis. Autrefois, seules quelques cultures pouvaient faire l’objet d’une hybridation, notamment le maïs. De nouvelles techniques permettent aujourd’hui de créer des variétés hybrides, en particulier de blé et de riz. Certains chercheurs travaillent par exemple sur des hybrides de blé moins vulnérables au changement climatique. Des travaux récents sur un hybride de riz Japonica visent aussi à mettre au point des plantes hybrides qui produisent des semences clonées, ce qui permettrait de réduire les coûts de production de semences et d’encourager l’adoption de nouvelles variétés par les agriculteurs1.
L’amélioration des variétés par la sélection classique exige un très grand nombre de plantes et beaucoup de temps. Les techniques récentes de « sélection génomique » utilisent des modèles mathématiques et des marqueurs moléculaires pour prévoir et indiquer à quel moment certains gènes sont exprimés, et améliorer ainsi la sélection. On peut aussi se servir de la génomique pour repérer la présence de gènes bénéfiques dans les banques de gènes sous‑exploitées2.
Même les techniques tout à fait nouvelles comme CRISPR permettent de générer rapidement et facilement des mutations ciblées, et peuvent donc contribuer à accélérer le développement de caractères agronomiques utiles3. Des chercheurs ont récemment fait appel à cette technique pour créer une variété de blé résistante au mildiou. CRISPR sert aussi à accélérer l’instauration d’une résistance aux infections virales chez les végétaux.
Dans plusieurs cultures importantes comme le soja, le riz et le blé, le processus de photosynthèse est relativement peu efficace, ce qui limite la croissance de la plante. Des chercheurs ont récemment eu recours au génie génétique pour modifier le processus de photosynthèse du tabac (retenu comme modèle car il est facile à modifier). Il en est résulté une augmentation de 41 % de la biomasse, ce qui permet de penser que d’importants gains de rendement seraient possibles également dans les cas des grandes cultures vivrières4.
Mais ces découvertes en laboratoire ne sont que la première étape d’un long parcours jusqu’à l’exploitation agricole. Des caractéristiques nouvelles doivent pouvoir être conférées à des variétés à haute performance généralement bien adaptées à la zone agro‑écologique de culture. Des infrastructures de sélection, de multiplication et de diffusion des variétés obtenues sont nécessaires à cette fin. Pour cela, il faut pouvoir s’approvisionner en toute confiance en semences dont l’authenticité, la traçabilité et la qualité sont en général garanties par des systèmes d’inscription des variétés, de certification des semences et de collecte des redevances. Les systèmes de semences de l’OCDE constituent une composante essentielle du cadre réglementaire international qui permet de veiller à ce que les exploitants agricoles aient accès à des semences de qualité5. Il reste difficile d’offrir aux agriculteurs un plus large accès à l’innovation en matière de sélection. D’après les estimations réalisées, les 13 premiers producteurs mondiaux de semences n’atteignent pas plus de 10 % des 500 millions de petites exploitations agricoles présentes dans le monde6. Les innovations mentionnées ne seront donc sans doute pas visibles immédiatement dans les champs, mais elles présentent néanmoins de grandes potentialités à long terme.
1. Khanday et al. (2019), « A male-expressed rice embryogenic trigger redirected for asexual propagation through seeds », Nature 565, pp.91-95.
2. Yu et al. (2016) « Genomic prediction contributing to a promising global strategy to turbocharge gene banks », Nature Plants 2, pp. 1-7.
3. Schaart, J. et al. (2015), « Opportunities of New Plant Breeding Techniques », Wageningen University and Research, http://edepot.wur.nl/357723.
4. South et al. (2019) « Synthetic glycolate metabolism pathways stimulate crop growth and productivity in the field », Science 363, 6422
6. Indice de l’accès aux semences, https://www.accesstoseeds.org/.
En ce qui concerne l'huile de palme, le coton et la canne à sucre, les perspectives sont davantage influencées par des considérations concernant la disponibilité des terres, l'investissement et la durabilité.
D'après les projections, la production mondiale de coton augmentera de 10 % d'ici 2028. Les rendements sont stationnaires depuis 2004, plusieurs pays producteurs étant confrontés à des problèmes d'eau et de ravageurs. La hausse prévue de la production passera donc en grande partie par une utilisation accrue des terres, puisque ces difficultés continueront de peser sur les rendements.
Dans les grands pays producteurs d’huile de palme, les perspectives de baisse des prix réels et les préoccupations environnementales des consommateurs sur certains marchés limiteront encore les investissements. Les replantations et la création de nouvelles plantations devraient donc nettement ralentir, ce qui ramènera la croissance de la production à seulement 9 Mt d’ici 2028, contre 27 Mt au cours des dix années précédentes.
Malgré la faiblesse persistante des prix du sucre, la production mondiale de canne à sucre devrait augmenter d'environ 13 % sur la période considérée, face à la croissance continue de la demande de sucre et (surtout) d'éthanol dans le monde entier. Au Brésil, premier producteur de canne à sucre, le renouvellement des plantations prendra du temps, mais la production augmentera vigoureusement en Inde (en partie grâce aux soutiens publics dont bénéficie le secteur).
Les facteurs de croissance de la production animale varient en intensité selon les régions
Au cours de la période de projection, la production animale devrait croître de près de 15 % sous l’effet d’une série de facteurs. Dans la plupart des pays, l’accroissement de la production de viande, de lait et d’autres produits animaux résultera à la fois de l’augmentation des effectifs et de l’amélioration de la production annuelle moyenne par animal. Pour la viande, l’intensification de la production se traduira par une hausse du poids à l’abattage et une réduction du temps de finition des animaux. L’une et l’autre de ces dimensions peuvent être influencées par la sélection animale, l’utilisation d’aliments de meilleure qualité et l’amélioration des pratiques d’élevage.
Pour la viande de volaille et de mouton, la production mondiale augmentera plus ou moins proportionnellement à la croissance des effectifs, alors qu’elle croîtra plus vite dans le cas de la viande porcine, du bœuf et du veau, ainsi que du lait (graphique 1.21). À l’échelle mondiale, la croissance de la production animale ira de pair avec une diminution des pâturages, mais avec une forte hausse de la consommation d’aliments pour animaux. L’importance relative de l’augmentation du nombre d’animaux et de l’intensification de la production (par animal) variera en fonction non seulement des produits, mais aussi des régions : en général, les effectifs augmenteront plus vite dans les régions émergentes ou en développement qu’en Europe ou en Amérique du Nord (graphique 1.22).
La production de volaille devrait augmenter de 20 Mt, comptant pour environ la moitié de la production supplémentaire totale de viande au cours de la prochaine décennie. Elle devrait aussi s'intensifier grâce aux prix favorables des aliments pour animaux et simultanément à un élargissement de la base productive. La hausse de la production de volaille en Chine et en Amérique latine représentera près de 40 % de la croissance mondiale totale et résultera pour l'essentiel de l'augmentation des effectifs avicoles. En Europe, la croissance de la production de viande de volaille par animal a ralenti ces dernières années et la production devrait rester stationnaire dans les années à venir.
La production de viande ovine est beaucoup plus faible que celle des autres types de viande au niveau mondial, mais elle devrait afficher une forte croissance, chiffrée à 14 % (+2 Mt) dans les projections. La hausse des revenus en Chine et l'accroissement de la population en Afrique soutiendront la croissance de la demande, dont une bonne partie sera absorbée localement. La production ovine étant largement basée sur la pâture, sa croissance dépend principalement des progrès de la sélection et de l'expansion des troupeaux. En Afrique (non représentée sur le graphique 1.22), le cheptel ovin devrait croître de près de 2 % par an, tandis que la production par animal restera stable, étant donné les progrès jusqu'à présent limités de l'amélioration génétique dans la région.
La production de bœuf et de veau augmentera d'environ 9 Mt d'ici 2028. Les principales régions productrices, l'Amérique latine et les États-Unis, assureront plus de la moitié de la croissance mondiale. Les prix relativement bas de l'alimentation du bétail et l'expansion de la demande devraient conduire à une intensification de la production en Amérique du Nord et en Océanie.
La production de viande porcine devrait croître de 11 Mt d'ici 2028, largement tirée par la Chine, qui contribuera pour 42 % au total. En Chine, on estime que la croissance de la production proviendra aux deux tiers d'une intensification de l'élevage. Depuis quelques décennies, le petit élevage traditionnel en basse-cour tend à disparaître au profit de l'élevage commercial. Les récentes épidémies de peste porcine africaine devraient accélérer la restructuration du secteur autour d'exploitations plus grandes et plus productives (voir le chapitre consacré à la viande pour plus de détails), avec à la clé une hausse de la production moyenne par animal. Dans la filière porcine, l'intensification de la production sera donc la tendance dominante au niveau mondial. Toutefois, en Amérique latine, région qui a toujours joué un rôle beaucoup plus réduit dans le secteur du porc que dans celui de la volaille ou du bœuf, l'augmentation du cheptel devrait être un levier plus important pour répondre à la croissance rapide de la demande asiatique.
En Afrique, l'élevage devrait rester largement tributaire des petits producteurs. Le manque de capitaux à investir, la disponibilité limitée d'aliments pour animaux et des facteurs environnementaux tels que la désertification dans le nord du continent constituent autant de freins structurels à l'intensification de la production. Ces obstacles sont particulièrement sensibles dans le secteur des ruminants (bœuf et mouton), où la production de viande par animal devrait continuer de stagner dans les années à venir. La volaille constitue toutefois une exception notable. Dans certains pays, tels que l'Afrique du Sud et la Tanzanie, la modernisation de la filière avicole a entraîné une intensification de l'élevage qui devrait favoriser la croissance de la production dans les dix années à venir.
Dans le secteur de l'élevage, la production laitière devrait être la filière la plus dynamique ces dix prochaines années. Non seulement elle répond à une forte demande, en particulier de produits frais, dans les pays d'Asie, mais elle bénéficie aussi de prix favorables sur le marché des produits transformés tels que le beurre, le formage et les laits en poudre. Dans la plupart des régions productrices, la production de beurre et de fromage va augmenter grâce au lait produit par un cheptel en constante augmentation et à des systèmes d'alimentation plus intensifs.
En dépit des hausses de rendement prévues à l'échelle mondiale, la productivité de la filière laitière présente de fortes disparités entre les pays (graphique 1.23). Par exemple, en Inde, premier producteur mondial de lait, les rendements ne représentent à l'heure actuelle qu'un huitième du niveau atteint en Amérique du Nord, autre grand fournisseur mondial de lait et de produits laitiers. La forte croissance de la production attendue en Inde découlera en partie d'une hausse des rendements (grâce à de meilleures pratiques d'alimentation et de sélection génétique), mais l'écart avec l'Amérique du Nord devrait rester considérable.
L'aquaculture devrait prendre le pas sur la pêche dans les années à venir
La production de poisson et de produits de la mer provient aujourd’hui de deux sources d’égale importance – la pêche et l'aquaculture. Jusque dans les années 90, la quasi-totalité du poisson et des aliments d’origine marine étaient issus de la pêche, mais, depuis lors, l’aquaculture n’a pas cessé de gagner en importance, notamment en Chine. À l’heure actuelle, l’aquaculture compte pour 47 % de la production totale et elle devrait continuer à se développer, alors que la production halieutique est relativement stable depuis 20 ans et son expansion relativement limitée. L’aquaculture devrait donc ravir à la pêche sa place de première source mondiale de poisson et de produits de la mer au cours de la période de projection.
Des gains d'efficience sont prévus dans le secteur de l'aquaculture, où l'utilisation d'aliments de substitution tels que les tourteaux protéiques, les insectes ou les algues, en particulier, devrait se traduire par une réduction de la quantité de farine ou d’huile de poisson nécessaire pour obtenir une quantité donnée de produit d'élevage. La part relative des espèces sauvages (anchois) dans les aliments utilisés pour nourrir les poissons d’élevage continuera à baisser dans les dix prochaines années.
Impact des politiques sur les perspectives
Les politiques publiques ont une grande influence sur les marchés agricoles. Les mesures de soutien telles que les subventions, les prix minimums garantis ou les droits d’importation peuvent stimuler la production, même si elles le font de façon inefficace et, selon les circonstances, au détriment éventuellement des partenaires commerciaux. C’est pourquoi l’utilisation de ces mesures de soutien est encadrée par l’Accord sur l'agriculture de l’Organisation mondiale du commerce, en vigueur depuis 1995. Cet accord plafonne les mesures les plus génératrices de distorsions mais il laisse encore aux pays une marge de manœuvre considérable en matière de soutien interne. Pendant longtemps, ce sont surtout les pays à haut revenu qui soutenaient leurs agriculteurs, mais ces dernières années, cette pratique s’est également répandue dans les pays émergents, dans certains cas à l’appui d’un objectif d’autosuffisance nationale pour tel ou tel produit11. C’est le cas en Russie, par exemple, où le gouvernement fixe des objectifs de production pour plusieurs produits agricoles (notamment les céréales, la viande, le sucre, l’huile végétale et les produits laitiers) et dispense diverses formes d’aides financières aux producteurs. De même, presque tous les pays de l’Asie du Sud-Est membres de l’ASEAN ont un objectif d’autosuffisance alimentaire, le plus souvent pour le riz12.
Étant donné la quantité considérable de ressources naturelles que consomme l’agriculture et sa contribution aux émissions de gaz à effet de serre, la prochaine décennie devrait voir la montée en puissance de politiques de gestion durable de l'environnement qui pourraient peser sur la croissance de la production. Ainsi, le 13e plan quinquennal de la Chine (2016-2020) prévoit d'améliorer l'efficience et la durabilité de la pêche et de l'aquaculture, ce qui risque de se traduire par une réduction de la production halieutique chinoise et par une augmentation de la production aquacole moins importante qu'elle ne l'aurait été autrement. Sachant que la Chine représente à l'heure actuelle près de 40 % de la production mondiale de poisson, des politiques plus strictes dans ce pays impliquent aussi un ralentissement au niveau mondial (une analyse plus détaillée figure dans le chapitre consacré à la production halieutique et aquacole).
Les mesures de soutien à l'agriculture et de gestion environnementale durable ont un effet direct et visible sur la production. Toutefois, d'autres mesures peuvent avoir un impact plus important mais plus long à se manifester. Tel est le cas en particulier des incitations à l'investissement public et privé dans la recherche-développement agricole (R-D), lequel constitue, sur le long terme, le facteur le plus déterminant de la croissance de la productivité dans le secteur de l'agriculture et de l'élevage. Cet aspect est examiné plus en détail ci-après dans la section consacrée aux risques et incertitudes.
Conséquences du point de vue des émissions de gaz à effet de serre
On estime que les émissions de gaz à effet de serre imputables à l'agriculture, à la foresterie et aux autres affectations des terres (AFAT) représentent 24 % des émissions totales à l'échelle mondiale. 11% de ce total provient d’émissions directes de l’agriculture, mais celle-ci est aussi la source d'une grande partie des émissions indirectes liées au changement d'affectation des terres, par exemple lorsque l'extension des surfaces agricoles conduit à la déforestation ou au drainage des tourbières13. L'élevage (en particulier celui de ruminants comme les bovins, les ovins et les caprins) compte pour les deux tiers des émissions directes de l'agriculture (fermentation entérique et déjections), et il a en outre un effet indirect important sur l'affectation des terres. Les engrais de synthèse et la production de riz sont deux autres grands émetteurs14.
En postulant le maintien des politiques et des technologies actuelles au cours de la période de projection, les Perspectives prévoient une augmentation des émissions directes de GES de 0.5 % par an, ce qui est cohérent avec leur trajectoire entre 1990 et 2016, période durant laquelle elles se sont également accrues de 0.5 % par an, soit plus lentement que la production agricole (2.7 % par an). Cet écart implique une réduction de l'intensité de carbone au fil du temps, même s'il n'est pas suffisant pour parvenir à un découplage total entre émissions et production.
Près de la moitié de l'augmentation des émissions directes devrait venir des bovins, et 15 % des petits ruminants (moutons et chèvres). Sur le plan géographique , la hausse provient en premier lieu des pays en développement, l'Afrique comptant à elle seule pour plus de 40 % des émissions supplémentaires et l'Asie (y compris la Chine et l'Inde) pour 45 %. La forte contribution du monde en développement s'explique à la fois par une croissance plus rapide de la production agricole et par des systèmes d'élevage extensifs dont les taux d'émission par unité produite sont relativement élevés15.
Entre 2000 et 2010, les émissions directes que l'on peut voir sur le graphique 1.25 représentaient un peu plus de la moitié des émissions agricoles totales de GES, le reste étant dû aux effets de l'utilisation des terres, en premier lieu au brûlage de la biomasse et à la déforestation. Au fil du temps, ces émissions indirectes ont diminué, en particulier grâce à une réduction des taux de déforestation. Leur évolution future n'est pas modélisée dans les présentes Perspectives.
Il existe plusieurs options pour atténuer les émissions de l'agriculture : la tarification du carbone, la réduction ou la prévention de la déforestation, des solutions techniques pour diminuer l'intensité d'émission des pratiques de production agricole, la modification des régimes alimentaires aux dépens des produits à forte empreinte carbone ou encore la réduction des pertes et des déchets alimentaires16. Ces mesures doivent être soigneusement évaluées étant donné la complexité des interactions entre environnement, sources de revenu en milieu rural, et sécurité alimentaire et nutrition17.
1.5. Échanges
Les régions où l'agriculture est la plus productive ne sont pas toujours celles où se concentre la population (et donc la demande). Les échanges agricoles sont par conséquent essentiels à la sécurité alimentaire dans certaines régions, et constituent une importante source de revenu dans d'autres. Au fil des ans, le commerce agricole a induit une différenciation croissante entre exportateurs nets et importateurs nets, les exportations agricoles ayant souvent pour origine un nombre relativement limité de pays, alors que les importations agricoles sont en règle générale plus dispersées.
Depuis le début des années 2000, la croissance des échanges agricoles est portée par le recul des prix agroalimentaires et des mesures de soutien à la production qui faussent les échanges ainsi que par le dynamisme de l'activité économique en Chine18. Pour les dix années à venir, on prévoit une poursuite de cette expansion, mais à un rythme plus modéré du fait du ralentissement de la demande mondiale et des importations chinoises, en particulier. La tendance générale à la différenciation entre régions exportatrices ou importatrices nettes devrait toutefois se poursuivre dans les dix prochaines années (graphique 1.26).
Tout au long des années 2000, les Amériques, en particulier, ont renforcé leur position de fournisseur mondial de produits agricoles de base comme le maïs, le soja et la viande. Au cours des dix prochaines années, l'Amérique latine et les Caraïbes devraient voir leurs exportations augmenter, tandis que celles de l'Amérique du Nord enregistreront une croissance plus modérée, conforme aux tendances prévues de la production agricole. L'Océanie a longtemps été exportatrice nette de produits agricoles, mais ses exportations totales (après correction des variations de prix) stagnent depuis une vingtaine d'années, et cette tendance ne semble guère devoir changer.
L'Europe (qui inclut la Russie et l'Ukraine) est passée d'importatrice nette à exportatrice nette de produits agricoles au fil du temps, en partie du fait de la stagnation de sa population et d'une consommation par habitant atone qui limitent la demande intérieure. La croissance de la production est un autre facteur d'amélioration des performances à l'exportation, particulièrement pour l'Ukraine et la Russie, qui sont devenues en l'espace de quelques années des exportateurs compétitifs de maïs pour l’une et de blé pour l’autre, grâce à des gains de productivité très appréciables et à des mouvements de change favorables (graphique 1.27).
Parmi les régions dont la balance des échanges agricoles affiche un solde négatif, les importations nettes ont augmenté en Chine et en Afrique, quoique pour des raisons différentes. En Chine, une croissance économique vigoureuse a stimulé la demande alimentaire et fait bondir les importations dans les années 2000, mais les achats de la Chine à l'étranger devraient enregistrer une progression beaucoup plus modérée dans les dix années qui viennent. Depuis le début des années 2000, la part de la Chine dans les importations mondiales de soja est passée de moins de 30 % à plus de 60 %, et sa part dans les importations mondiales de lait écrémé en poudre, de moins de 10 % à environ 20 % sur la même période. Ces proportions ne devraient pas changer au cours des dix prochaines années.
En Afrique, la hausse des importations est liée à la poussée démographique et elle devrait se poursuivre pendant toute la décennie à venir (même si les présentes Perspectives ne couvrent pas les produits tropicaux, dont l'Afrique est exportatrice nette). Comme le montre le graphique 1.28, l'Afrique du Nord et l'Afrique subsaharienne sont toutes deux importatrices nettes de céréales, utilisées pour assurer la sécurité alimentaire directement mais aussi à travers l'alimentation du bétail. En Afrique du Nord, le maïs et les autres céréales secondaires sont surtout utilisées comme fourrage, tandis que le blé et le riz servent à l'alimentation humaine. La région est importatrice nette de ces quatre catégories de produits, et elle devrait le rester au cours de la prochaine décennie. La croissance des importations de céréales en Afrique du Nord profite aux exportateurs de Russie et d'Ukraine, qui bénéficient de leur proximité avec la région. En Afrique subsaharienne, le maïs (en particulier le maïs blanc) et les autres céréales secondaires (dont des céréales locales comme le teff) sont principalement destinés à l'alimentation humaine, et la région en produit suffisamment pour couvrir ses besoins. Avec la hausse des revenus, la demande de riz et de blé augmente et fait gonfler les importations. Ce phénomène sera particulièrement marqué dans le cas du riz, dont la part de l'Afrique dans les importations mondiales devrait passer de 35 % à 50 % sur la période de projection.
La balance des échanges agricoles de l'Inde mérite d'être signalée car le pays, malgré sa taille, ne figure à l'heure actuelle ni parmi les grands importateurs ni parmi les grands exportateurs de produits agricoles. Toutefois, en raison précisément de sa taille, les variations du solde commercial de l'Inde pourraient avoir d'importantes répercussions sur les marchés. Dans les dix années à venir, la production intérieure devrait suivre la croissance de la population et des revenus, sans grand changement de la position commerciale globale. Par exemple, la forte croissance de la consommation et de la production indiennes de produits laitiers aura sans doute peu d'effet sur les marchés mondiaux. Quelques produits font toutefois exception tels que l'huile végétale, dont l'Inde est un importateur majeur, ainsi que le riz et la viande de buffle, dont elle est l'un des principaux exportateurs. Ces positions sont appelées à se renforcer dans les dix années à venir.
Les accords de libre-échange influent sur les projections des échanges agricoles
En moyenne, les obstacles aux échanges sont bien plus élevés dans l'agriculture que dans le secteur manufacturier. En effet, alors que plusieurs cycles de négociations commerciales multilatérales ont permis de faire baisser les droits de douane sur les produits manufacturés, le recul du protectionnisme agricole, lui, a été plus limité. L'Accord de l'OMC sur l'agriculture qui est entré en vigueur en 1995 a marqué une avancée importante en améliorant l'accès aux marchés et en limitant les mesures de soutien à la production ayant des effets de distorsion sur les échanges. Malgré cela, les produits agricoles étaient encore soumis, ces dernières années, à des droits d'importation de l'ordre de 16 % en moyenne, contre 4 % pour les produits industriels19. De plus, certains produits agricoles sont souvent frappés de droits beaucoup plus élevés dans les pays où ils sont considérés comme sensibles. Les négociations multilatérales étant au point mort, la plupart de ces restrictions commerciales devraient continuer de peser sur les flux d'échanges pendant toute la prochaine décennie. Cela étant, les accords commerciaux bilatéraux et régionaux qui se sont multipliés ces dernières années pourraient avoir un effet sur les projections du commerce agricole. Dans l'ensemble, la part des échanges dans la production agricole totale devrait rester constante tout au long des dix prochaines années.
Depuis la dernière édition des Perspectives agricoles, deux grands accords de libre-échange ont été ratifiés : l'Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP) et l'Accord de partenariat économique entre l’Union européenne et le Japon (APE UE-Japon). Ces deux instruments prévoient, entre autres dispositions, des engagements concernant l'amélioration de l’accès aux marchés des produits agricoles. (L'accord de libre-échange entre le Canada, les États-Unis et le Mexique qui doit remplacer l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) n'ayant pas encore été ratifié, les Perspectives supposent que celui-ci continue de s'appliquer.)
Le PTPGP est un accord commercial entre 11 pays : Australie, Brunei Darussalam, Canada, Chili, Japon, Malaisie, Mexique, Nouvelle-Zélande, Pérou, Singapour et Viet Nam, qui prévoit l'élimination de la majeure partie des droits de douane dans tous les secteurs20. En 2016, ces pays représentaient environ 20 % des exportations et des importations agricoles mondiales. Pour certaines catégories de produits comme le beurre, le fromage et les autres oléagineux, les échanges entre pays du PTPGP comptent déjà pour une part importante de leurs échanges totaux (graphique 1.29).
Bien que la présente édition des Perspectives ne contienne pas de projections détaillées concernant l'effet positif de l'accord sur les échanges, on estime que ses retombées commerciales les plus importantes concerneront la viande, les produits laitiers et, dans une moindre mesure, les céréales. Les droits d'importation sur ces produits peuvent être relativement élevés. À titre d'exemple, le bœuf importé au Japon est soumis à un droit de douane de 38.5 %, qui sera ramené à 9 % dans le cadre du PTPGP. Les droits d'importation visant les produits laitiers au Canada et la volaille au Mexique peuvent atteindre respectivement 250 % et 234 %. Ils baisseront eux aussi grâce au PTPGP. Le Japon étant le plus gros importateur net, en valeur, de la plupart de ces produits, il devrait être le premier concerné par les retombées du PTPGP sur les approvisionnements.
L'accord de partenariat économique entre l'Union européenne et le Japon (APE UE-Japon), qui est entré en vigueur le 1er février 2019, supprime les droits de douane sur la plupart des lignes tarifaires de l'Union européenne et du Japon. Pour L'Union européenne, ce partenariat économique devrait avoir des avantages considérables dans le secteur agricole21. L'Union européenne est déjà un fournisseur important du Japon en ce qui concerne le beurre, le sucre blanc, le porc et le fromage (les courants d'échanges en sens inverse sont plus limités). L'APE devrait se traduire par un accroissement des exportations agricoles de l'Union européenne vers le Japon, en particulier pour le porc, le bœuf, la volaille et les produits laitiers. Bien que les flux d'échanges bilatéraux ne soient pas modélisés dans les Perspectives, ces effets potentiels ont été pris en compte dans les projections relatives aux exportations de l'Union européenne et aux importations japonaises.
Le commerce international des produits agricoles est actuellement soumis à divers risques et incertitudes liés au conflit commercial entre les États-Unis et la Chine ainsi qu'aux modalités de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, entre autres. Ces facteurs sont examinés plus en détail dans la section suivante.
1.6. Risques et incertitudes
Analyse de sensibilité
Les projections présentées dans la présente édition des Perspectives se fondent sur un ensemble d’hypothèses relatives à l’évolution probable des variables démographiques et macroéconomiques (présentées en détail dans l’encadré 1.4) et sur une hypothèse de conditions météorologiques moyennes. Le modèle Aglink-Cosimo sur lequel reposent les Perspectives peut servir à la réalisation d’analyses de scénario permettant d’examiner les effets des différentes hypothèses sur les projections. Une étude récente réalisée avec ce modèle s’affranchit de l’hypothèse des conditions météorologiques moyennes pour modéliser les conséquences d’événements météorologiques extrêmes sur les marchés agricoles, comme l’explique l’encadré 1.3.
On a réalisé une analyse stochastique partielle pour évaluer l’effet de la variation « habituelle » des variables macroéconomiques sur les projections. Cette analyse repose sur 1 000 simulations différentes utilisant des combinaisons aléatoires de variation de variables telles que le prix du pétrole, les taux de change, la croissance économique et les chocs de rendement. Les variations sont choisies en fonction de la variabilité passée par rapport à la tendance à long terme.
L’analyse est partielle, car il n’est pas possible de rendre compte de toutes les sources de variabilité des marchés agricoles. Par exemple, les épizooties comme la peste porcine africaine peuvent avoir d’importantes conséquences sur les marchés mais ne sont pas intégrées dans les variables. Les résultats de ces scénarios donnent cependant une indication de la sensibilité des projections à certaines des sources de variabilité des marchés agricoles les plus importantes.
L’analyse stochastique fait apparaître en premier lieu que les projections de consommation sont plutôt moins sensibles aux chocs que les projections de production, à leur tour moins sensibles que les échanges, les niveaux de stocks ou les prix. Cette conclusion est illustrée dans le graphique 1.30 relatif au maïs, qui compare la projection de référence pour 2028 à l’ensemble des valeurs observées dans l’analyse stochastique ainsi qu’à l’intervalle à 90 % (c’est-à-dire l’intervalle incluant 90 % des scénarios simulés). L’offre et la demande agricoles sont relativement peu sensibles aux évolutions des prix, ce qui signifie que les chocs peuvent entraîner de grandes variations des prix. L’analyse stochastique indique ainsi que les chocs peuvent entraîner des variations des prix de 40 %, à la hausse ou à la baisse, par rapport aux projections du scénario de référence.
L’analyse stochastique donne aussi des indications sur l’importance relative des différents types de chocs. Le graphique 1.31 compare les effets sur le prix du maïs en 2028 de l’application de l’ensemble des chocs ou de différents sous-ensembles de chocs dans l’analyse stochastique. Les prix apparaissent plus sensibles aux chocs de rendement dans les simulations qui n’incluent que les chocs de rendement, le prix du maïs en 2028 peut être supérieur ou inférieur de 20 % à la projection de référence. Les taux de change et les prix du pétrole sont aussi d’importantes sources de variation. Il est intéressant de constater que, dans les deux cas, les simulations font apparaître une réponse asymétrique des prix. Les chocs de taux de change entraînent des hausses des prix pouvant s’élever à 10 % alors que les baisses des prix peuvent atteindre 20 %. Les chocs passés sur les taux de change (sur lesquels l’analyse stochastique est fondée) sont asymétriques dans de nombreux pays, et les dépréciations par rapport au dollar des États-Unis sont plus fréquentes que les appréciations de même ampleur. Comme les prix des produits de base sont indiqués en dollars des États-Unis, ces fortes dépréciations ont tendance à stimuler les exportations et à décourager les importations. Les exportations agricoles ne concernent souvent que quelques pays, de sorte que les dépréciations subies par les grands exportateurs peuvent conduire à de fortes hausses des exportations mondiales et par conséquent à un recul assez marqué des prix mondiaux. Les chocs sur les prix du pétrole, d’un autre côté, entraînent des majorations des prix de plus de 10 % mais des baisses de 6 %, car les chocs passés sur les prix du pétrole sont asymétriques, avec une plus grande fréquence des fortes hausses par rapport aux baisses de même ampleur. Enfin, les chocs sur les revenus font monter ou baisser les prix de 10 % par rapport à la projection de référence, bien que la plupart des résultats simulés se trouvent dans une fourchette plus étroite, de quelques points de pourcentage autour de la projection de référence.
L’analyse stochastique apporte ainsi des précisions quant à la sensibilité des projections à différents chocs. Diverses autres incertitudes sont cependant plus difficiles à chiffrer. L’impact potentiel de certaines d’entre elles est examiné ci‑dessous.
Encadré 1.3. Effets possibles des événements météorologiques extrêmes.
La fréquence et la durée des événements météorologiques extrêmes, tels que vagues de chaleur, sécheresse et fortes précipitations, qui ont souvent des effets considérables sur la production agricole, vont probablement s’accentuer dans de nombreuses régions1. Les projections des Perspectives agricoles reposent habituellement sur des hypothèses de conditions agro-climatiques pendant la période végétative. Les rendements des cultures suivent en général les tendances antérieures et par conséquent ne rendent pas compte des effets possibles d’événements biophysiques rares et intenses.
Des chercheurs du Centre commun de recherche de la Commission européenne, dans le cadre d’une étude récente, ont élargi le modèle AGLINK-COSIMO de façon à tenir compte des variations des rendements imputables à des anomalies au niveau des températures et des ressources en eau, au moyen d’informations sur les événements extrêmes antérieurs2. En simulant de façon expérimentale la récurrence de 58 cas d’événements extrêmes régionaux ayant touché les cultures de blé, de maïs et de soja, de la période 1980-2010 à la campagne 2019-20, ils ont examiné les impacts économiques qui pourraient être observés sur les grands marchés nationaux et internationaux de produits de base.
En fonction des caractéristiques (de durée et d’intensité, par exemple) des événements extrêmes analysés, ils ont estimé que les impacts sur la production intérieure variaient de ‑28 % (Australie) à +41 % (Kazakhstan) pour le blé, de ‑49 % à +68 % (Afrique du Sud) pour le maïs et de ‑12 % à +13 % (États-Unis) pour le soja. Ces variations se traduiraient par d’importants écarts des prix intérieurs et internationaux des produits visés par rapport à une situation correspondant à des conditions moyennes. Dans l’ensemble, les prix intérieurs du blé pourraient varier de ‑10 % (Kazakhstan) à +125 % (Pakistan), ceux du maïs de ‑21 % à +31 % (Afrique du Sud) et ceux du soja de ‑24 % à +58 % (Inde). La transmission des prix aux marchés mondiaux apparaît très prononcée dans le cas des grands exportateurs et importateurs ayant connu des chocs importants. Les prix internationaux de référence du blé pourraient ainsi varier de ‑6 % à +10 % sous le seul effet des événements extrêmes en Russie, tandis que ceux du maïs (–13 % à +35 %) et du soja (–14 % à +15 %) seraient fortement affectés par de tels événements aux États-Unis. Des incidences considérables sur les échanges sont également observées dans un sens comme dans l’autre. Les événements dommageables pourraient aboutir en définitive à une baisse de la compétitivité des exportations, à une hausse de la dépendance à l’égard des importations, à un recul de l’autosuffisance et parfois à une instabilité temporaire des prix.
Dans l’ensemble, les prix agricoles sont plus sensibles aux événements dommageables qu’aux événements bénéfiques. Les échanges et les stocks ne sont donc pas toujours suffisants pour atténuer les préjudices causés par de mauvaises récoltes simultanées et récurrentes qui risquent d’aggraver encore la sensibilité des prix par la suite. Pour formuler des mesures qui permettent de faire face aux événements agro-climatiques extrêmes, par exemple au moyen de réserves d’urgence constituées par plusieurs pays, il faudra cependant une connaissance plus approfondie de deux facteurs : la probabilité et l’ampleur d’événements simultanés et récurrents dans le monde entier, et la faculté des différentes régions à s’adapter, à l’aide de variétés végétales résistantes, de systèmes d’alerte précoces et de dispositifs efficaces d’utilisation de l’eau. En l’absence d’informations sur ces aspects, il serait difficile aux pouvoirs publics des régions en situation d’insécurité alimentaire, non seulement de définir et d’approuver des niveaux optimaux de stocks à détenir, mais aussi de gérer en pratique les systèmes de stocks régulateurs destinés à stabiliser l’offre ou les prix.
1. GIEC (2012), « Managing the Risks of Extreme Events and Disasters to Advance Climate Change Adaptation », Rapport spécial des Groupes de travail I et II du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat.
2. Chatzopoulos T., Pérez Domínguez I., Zampieri M., Toreti A. (2019), « Climate extremes and agricultural commodity markets: A global economic analysis of regionally simulated events », dans Weather and Climate Extremes, https://doi.org/10.1016/j.wace.2019.100193.
Incertitudes des projections
Demande
Les Perspectives agricoles examinent l’évolution probable des préférences de consommation. Des hypothèses différentes, par exemple celle d’un développement des modes de vie végétariens, « véganes », ou « flexitariens », modifieraient la tendance de la projection à moyen terme. Les chocs à court terme, comme les inquiétudes sanitaires autour de l’alimentation, qui ne sont pas pris en compte dans les projections, entraîneraient des fluctuations des projections de consommation alimentaire des Perspectives.
Les Perspectives considèrent que les politiques sont fixées à moyen terme et évaluent leur efficacité à venir. Ces conventions constituent elles aussi une source d’incertitude. Par exemple, les mesures prises pour réduire la consommation globale de calories ou pour orienter les consommateurs vers des régimes alimentaires plus sains pourraient influer à la fois sur la demande totale de produits alimentaires et sur la demande relative de certains produits alimentaires, dans des proportions qui restent imprévisibles aujourd’hui. De même, les politiques destinées à encourager des régimes alimentaires plus durables pourraient avoir sur les modes de consommation des effets qui ne correspondent pas à ceux dont sont convenus les experts et sur lesquels reposent les Perspectives.
L’évaluation de l’efficacité des politiques relatives aux biocarburants reste également incertaine. Par exemple, le gouvernement chinois a annoncé que la teneur en éthanol de l’essence serait portée à 10 % à l’échelle du pays en 2020. L’hypothèse des Perspectives porte sur un taux de 4 % environ seulement qui serait atteint en 2028. Si la Chine veut atteindre son objectif de 10 %, il lui faudra de grandes quantités supplémentaires de maïs, de manioc et/ou de canne à sucre, d’où une modification des perspectives d’évolution des productions végétales et animales.
Offre
Les projections de ces Perspectives sont sensibles aux flambées de maladies des végétaux et des animaux, qui sont impossibles à prévoir mais peuvent avoir des effets considérables et durables. On peut citer l’exemple de l’apparition de la chenille légionnaire d’automne, un insecte originaire d’Amérique qui s’est répandu en Afrique subsaharienne en 2016. Ce ravageur s’attaque principalement au maïs, mais aussi à de nombreuses autres cultures comme le riz, le coton et la canne à sucre. La FAO estime que les dommages causés par la chenille légionnaire d’automne en Afrique représentent aujourd’hui un montant compris entre 1 milliard et 3 milliards USD. Selon les projections, l’infestation peut être en grande partie maîtrisée et ne causera pas de dégâts de grande ampleur à moyen terme. En juillet 2018, l’insecte a été repéré en Inde et au Yémen ; en janvier 2019, il avait atteint le Sri Lanka, le Bangladesh, le Myanmar, la Thaïlande et la Province chinoise du Yunnan. Bien que les données concernant l’Asie ne soient pas encore disponibles, les projections supposent que les effets seront moins graves qu’en Afrique, en raison d’une plus grande disponibilité des produits phytosanitaires22. Aucune autre flambée de maladie n’est prévue dans les Perspectives, mais de tels événements aboutiraient à des chocs à court terme sur les tendances projetées ou, dans les situations les plus graves, les modifieraient à long terme.
Des épizooties ont perturbé les marchés de la volaille, du bœuf et d’autres animaux d’élevage par le passé et peuvent le faire à nouveau dans la décennie à venir. Une épidémie touche à l’heure actuelle la production animale, la peste porcine africaine, mortelle pour les porcs et les sangliers, mais non transmissible à l’homme. En août 2018, la Chine a déclaré pour la première fois une flambée de peste porcine africaine. La maladie a également été détectée dans d’autre pays d’Asie, et elle est réapparue en Europe (où des cas avaient été repérés en 2007 et 2014). Les effets à moyen terme de la maladie sur la production mondiale de porcs sont incertains. Les mesures prises pour contenir cette flambée devraient faire modérément baisser la production mondiale à court terme. Comme leur succès est incertain, l’épidémie pourra cependant avoir des effets plus graves que prévu à moyen terme.
Les tendances de rendement et les tendances de la productivité animale projetées dans les Perspectives reposent sur l’hypothèse d’une amélioration continue des potentialités génétiques des plantes cultivées et des animaux d’élevage et sur la poursuite des innovations en cours en matière de technologies de production, qui dépendront de leur côté du maintien des investissements publics et privés dans la recherche et le développement (R‑D). De nombreuses études ont montré les avantages sociaux considérables qui résultaient des investissements publics dans la R‑D agricole, ce qui semble indiquer que les niveaux actuels d’investissement sont trop faibles23. Dans les pays à haut revenu, les investissements publics ont néanmoins chuté depuis la crise financière de 2008-0924. Comme ces pays représentaient la moitié des dépenses publiques mondiales de R‑D agricole en 2008, cette tendance pourrait conduire à un affaiblissement de la croissance de la productivité dans les décennies à venir. D’un autre côté, les dépenses publiques de R‑D s’accroissent dans les économies émergentes, notamment en Chine et en Inde25. En outre, les investissements mondiaux du secteur privé dans la R‑D ont augmenté ces dernières années plus rapidement que les dépenses de R‑D du secteur public26. Ces tendances soutiennent l’hypothèse d’une croissance continue de la productivité adoptée dans ces Perspectives, mais tout scénario différent concernant le taux de croissance modifierait les projections.
Dans la décennie à venir, la production agricole dépendra de toute une série de mesures visant à guider les pratiques de production. Ces mesures répondent à des objectifs variés, comme la lutte contre le changement climatique, la protection du bien-être animal et de la santé humaine, l’amélioration de l’autosuffisance intérieure ou la réalisation d’objectifs d’exportation. Les Perspectives incluent des prévisions sur les effets de toutes les mesures connues, mais leurs résultats effectifs sont incertains et les mesures prises sont susceptibles d’être modifiées.
Commerce international
Les tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine continuent d’accentuer les incertitudes entourant les projections des Perspectives. Au cours de l’été 2018, les droits de douane adoptés en représailles par la Chine sur le soja des États-Unis ont fait baisser les exportations américaines. D’après les estimations du ministère de l’Agriculture des États‑Unis, les exportations de soja vers la Chine ont diminué de 22 millions de tonnes en glissement annuel27. Les exportations vers d’autres destinations ont augmenté de 7 millions de tonnes environ, soit une réduction nette de 13.5 millions de tonnes environ. Les droits de douane chinois ont entraîné au cours de l’été 2018 un écart entre les prix à l’exportation du soja des États-Unis et du Brésil, qui a disparu vers la fin de l’année lorsque la Chine s’est engagée à procéder à des achats supplémentaires de soja et d’autres produits des États‑Unis. Au moment de la rédaction, des négociations étaient en cours entre les États‑Unis et la Chine. Comme aucune échéance particulière n’a été fixée concernant l’application des droits de douane chinois, les projections reposent sur l’hypothèse qu’ils resteront en place pendant toute la période de projection, conformément à l’approche générale des Perspectives qui consiste à considérer l’orientation des politiques comme constante. Toute résolution négociée de ce différend influera probablement sur les importations chinoises et les exportations américaines de soja, ainsi que sur les prix mondiaux du soja et les parts de marchés d’autres pays, compte tenu de l’importance de la Chine et des États-Unis sur le marché mondial du soja.
Le 29 mars 2017, le gouvernement britannique a officiellement annoncé son intention de quitter l’Union européenne, départ communément désigné sous le nom de Brexit. Au moment où s’élaboraient les Perspectives agricoles, les conditions de ce départ restaient peu claires. Les Perspectives font par conséquent l’hypothèse de relations commerciales non perturbées entre le Royaume-Uni et l’Union européenne. Le Brexit pourrait avoir des conséquences de grande ampleur car le Royaume-Uni entretient de fortes relations commerciales avec l’Union européene. En 2018, plus de 70 % des importations agricoles du pays venaient de l’Union européene et 62 % de ses exportations agricoles lui étaient destinées. Le pays est globalement importateur net de produits agricoles et a enregistré en 2018 un déficit de 27 milliards USD de ses échanges agricoles avec le reste de l’Union européene. Les échanges avec les États membres de l’Union européenne sont exempts de droits de douane, mais le Brexit pourrait entraîner d’importants obstacles aux échanges qui se répercuteraient sur les prix agricoles et sur la production du Royaume-Uni et de l’Union européene. En outre, le secteur agricole britannique reçoit 60 % de ses revenus en moyenne sous forme de subventions au titre de la Politique agricole commune (PAC) de l’Union européene. Bien que le gouvernement se soit engagé à maintenir ces subventions jusqu’en 2020, leur retrait par la suite pourrait porter atteinte à la production et aux prix intérieurs. Le Brexit pourrait avoir des retombées sur les marchés mondiaux du fromage, du beurre, de la viande porcine et ovine, produits dont le Royaume-Uni est un gros importateur net. Il est notamment le premier importateur net de fromage du monde Sur d’autres marchés, le principal effet pourrait être une réorientation des flux d’échanges vers d’autres partenaires commerciaux, qui aurait des effets moins marqués sur les volumes totaux.
L’AEUMC (Accord États-Unis-Mexique-Canada) est l’accord commercial préférentiel entre les États-Unis, le Mexique et le Canada qui doit remplacer l’ALENA. Signé le 30 novembre 2018, il n’a pas encore été ratifié, et n’est donc pas inclus dans les projections de référence. Par rapport à l’ALENA, il ne prévoit dans le secteur de l’agriculture que de modestes améliorations de l’accès au marché. Les produits agricoles importés en franchise de droits dans le cadre de l’ALENA resteront exempts de droits avec l’AEUMC. Ce dernier maintient entre les trois pays les engagements en matière d’agriculture qui existaient dans l’ALENA, et qui prévoient une assez grande ouverture des marchés. Les principales améliorations portent sur l’accès plus large dont bénéficieront les États-Unis au marché canadien des produits laitiers, de la volaille et des œufs. Le Canada a obtenu de son côté une plus grande ouverture du marché des États‑Unis pour certains produits laitiers et, sous forme de contingents tarifaires, pour le sucre raffiné et les produits contenant du sucre. Le nouvel accord n’entraînera pas de changements conséquents de l’accès aux marchés agricoles pour le Mexique.
Données
Les Perspectives agricoles reposent sur un ensemble complet de données relatives à la production, à la consommation, aux échanges et aux prix mondiaux des produits agricoles, et incluent des données provenant de sources statistiques nationales, d’organisations internationales (la FAO en particulier), d’organismes spécialisés dans les produits de base (comme le Conseil international des céréales) et de fournisseurs privés de données. Si les données mondiales et régionales sur les pays développés, agrégées ou non, sont généralement fiables, les données antérieures sont parfois des estimations qui présentent un potentiel d’erreurs. Elles sont régulièrement actualisées lorsque des révisions sont mises à disposition, ce qui, normalement, influe peu sur le tableau général.
Les récentes révisions des données en Chine suscitent cependant une incertitude particulière. À la suite du recensement mené en 2017, le Bureau national chinois des statistiques a publié des estimations révisées de la production agricole remontant à 2007 et 2009 pour la pêche et l’aquaculture. Ces révisions font apparaître une production céréalière chinoise sensiblement plus élevée ces dix dernières années que ne l’indiquaient les estimations antérieures. Dans le cas du maïs, la révision cumulée représente 266 millions de tonnes, soit une augmentation de 10 % environ. Des révisions à la hausse ont également été annoncées pour d’autres céréales. En revanche, les nouvelles estimations relatives aux produits laitiers indiquent une production qui pourrait être inférieure de 15 % aux hypothèses antérieures.
Les estimations plus élevées de la production de maïs amènent à se demander ce qu’il est advenu de cette production supplémentaire. On ne sait pas si elle a servi à l’alimentation animale (ce qui impliquerait une production animale plus élevée ou une plus forte consommation d’aliments pour animaux qu’on ne l’estimait auparavant). Par ailleurs, la possibilité que la production supplémentaire ait servi à constituer des stocks pose d’autres problèmes, car on ignore qui détiendrait ces stocks et où ils se trouveraient28.
Les révisions des statistiques chinoises influent non seulement sur les données antérieures, mais suscitent également des questions sur la transparence des marchés agricoles mondiaux. Il est essentiel de disposer de données fiables sur les stocks pour évaluer la résilience des marchés agricoles mondiaux face aux chocs. La révision des niveaux de production en Chine met ainsi en évidence un problème plus général d’incertitude relative aux estimations des stocks. Souvent, ces stocks (qu’il s’agisse de la Chine ou d’autres pays) ne sont pas connus directement, mais les variations annuelles sont estimées sur la base de la différence entre production et consommation, de sorte que les stocks estimés sont particulièrement vulnérables aux erreurs de mesure. Compte tenu de l’importance de la fiabilité des données sur la disponibilité de produits alimentaires à l’échelle mondiale, il faudrait s’efforcer d’améliorer les estimations des stocks mondiaux, par exemple au moyen d’enquêtes directes29.
Encadré 1.4. Hypothèses concernant la situation macroéconomique et les politiques publiques
Principales hypothèses sur lesquelles repose le scénario de référence
Les Perspectives présentent un scénario considéré comme plausible sur la base des hypothèses retenues concernant l’environnement macroéconomique, les politiques publiques et la situation démographique, qui sert de soubassement aux prévisions d'évolution de l'offre et de la demande sur le marché des produits de l'agriculture et de la pêche. Les données détaillées sont disponibles dans l'annexe statistique et les principales hypothèses sont décrites ci-après dans le présent encadré.
Croissance démographique
Pour les projections démographiques, les Perspectives agricoles utilisent les estimations de la variante moyenne tirées de la base de données des perspectives de la population mondiale des Nations Unies, révision de 2017 (United Nations World Population Prospects 2017).
Au cours de la période de projection, la population mondiale passera de 7.5 milliards de personnes en 2016-18 à 8.4 milliards en 2028, soit un taux de croissance moins rapide au cours des dix prochaines années (1 % par an) que durant les dix précédentes (1.2 % par an). Cette croissance se concentrera dans les régions en développement, en particulier l’Afrique subsaharienne, qui connaîtra la hausse la plus rapide (2.4 % par an), et l’Inde, où la population augmentera de 0.9 % par an. L’Inde, qui comptera 136 millions d’habitants de plus en 2028, devrait dépasser la Chine et devenir le pays le plus peuplé de la planète.
Croissance du revenu par habitant
Les estimations de la croissance du revenu par habitant sont tirées des Perspectives économiques de l'OCDE, n° 104 (novembre 2018) et des Perspectives de l’économie mondiale (octobre 2018) du FMI. Elles sont exprimées en termes de parité de pouvoir d’achat, en dollars constants de 2011.
La demande alimentaire dépend du revenu disponible des ménages, que l'on mesure ici par approximation en se fondant sur la croissance du PIB par habitant. Toutefois, comme les effets de la croissance économique ne sont pas toujours également répartis, la consommation moyenne peut s'en ressentir. Ainsi, comme l'indique le Rapport 2018 sur la pauvreté et la prospérité partagée publié par la Banque mondiale, dans plusieurs pays d'Afrique subsaharienne, les revenus des 40 % les plus pauvres n'ont pas crû aussi vite que le revenu moyen. C'est la raison pour laquelle les projections de la demande établies pour les présentes Perspectives s'écartent parfois de la trajectoire attendue sur la base de la croissance moyenne.
Globalement, le revenu par habitant devrait augmenter de 2.5 % par an en termes réels sur la période de projection. En Inde, on prévoit un doublement du revenu par habitant (6.6 % par an) grâce à une croissance économique vigoureuse, tandis qu'en Chine, le revenu par habitant devrait croître de 63 % (4.1 % par an), malgré le ralentissement prévu de l'activité. Pour d'autres pays en développement d'Asie, les projections à moyen terme tablent sur la poursuite d’une croissance rapide : la hausse du revenu par habitant devrait se situer entre 4 % et 6 % au Viet Nam, en Indonésie et aux Philippines, et autour de 3.3 %, en Thaïlande. Elle sera plus lente au Pakistan (1.2 % par an). En Afrique subsaharienne, on prévoit une croissance du revenu par habitant de 14.2 % sur la période de projection, en particulier du fait de la forte croissance économique attendue en Éthiopie (7.6 % par an). En Amérique latine et dans les Caraïbes, la croissance du revenu par habitant au cours des dix prochaines années sera très contrastée selon les pays. Elle sera relativement lente au Brésil et au Mexique (aux alentours de 2 % par an), mais atteindra 2.8 % par an dans des pays comme le Pérou, le Paraguay et la Colombie.
Dans les pays de l'OCDE, le revenu par habitant devrait croître d'environ 1.9 % par an dans les dix années à venir. Aux deux extrémités de l'échelle, la progression sera de 3.1 % par an en Turquie et de seulement 1.3 % par an au Canada.
Croissance mondiale
Les hypothèses de croissance du PIB sont fondées sur les Perspectives économiques de l’OCDE, n° 104 (novembre 2018) et sur les Perspectives de l’économie mondiale (octobre 2018) du FMI.
L’économie mondiale connaîtra un taux de croissance de 3.4 % en moyenne au cours des dix prochaines années. Le graphique 1.34 montre les taux de croissance du PIB des principales régions et de quelques pays d'Amérique latine, sujet du chapitre spécial de cette année. C'est en Inde que la croissance sera la plus rapide (7.7 % par an), et au Paraguay qu'elle atteindra le niveau le plus élevé d'Amérique latine (4.0 % par an).
Le graphique 1.34 présente aussi une décomposition des hypothèses de croissance du PIB entre deux éléments : la croissance du PIB par habitant et la croissance de la population. On peut y voir que la croissance économique suit globalement celle du revenu par habitant, particulièrement dans les pays de l'OCDE et en Chine. La forte croissance démographique enregistrée en Afrique subsaharienne, en revanche, signifie que le taux de croissance économique relativement élevé de la région (près de 4 % par an) ne correspond qu'à une modeste hausse du revenu par habitant (environ 1.3 % par an).
Taux de change et inflation
Les hypothèses de taux de change sont fondées sur les Perspectives économiques de l’OCDE, n° 104 (novembre 2018) et sur les Perspectives de l’économie mondiale (octobre 2018) du FMI. Sur la période 2019-28, on suppose que les taux de change réels seront globalement stables, de sorte que les taux nominaux évolueront surtout en fonction du différentiel d'inflation par rapport aux États-Unis. Certaines monnaies devraient s'apprécier en valeur réelle vis-à-vis du dollar des États-Unis c'est le cas au Mexique, au Paraguay et en Uruguay. En revanche, on prévoit une dépréciation de la monnaie en valeur réelle pour l'Argentine, le Brésil et l'Australie.
Les projections d'inflation reposent sur le déflateur des dépenses de consommation privée tiré des Perspectives économiques de l’OCDE, n° 104 (novembre 2018) et sur les Perspectives de l’économie mondiale (octobre 2018) du FMI. D'après les projections, l'inflation augmentera dans les prochaines années aussi bien dans les économies avancées que dans les économies en développement, en raison du rebond de la demande et de la hausse des prix réels des produits de base. Aux États-Unis, l'inflation devrait s'élever à 2.1 % par an au cours des dix prochaines années, et elle atteindra 1.7 % par an dans la zone Euro. Dans les autres pays de l'OCDE, l'inflation devrait s'établir en moyenne à 3.5 % par an. En ce qui concerne les grandes économies de marché émergentes, la Chine devrait connaître une inflation stable d’environ 2.9 % par an, tandis que celle du Brésil redescendra lentement à 4.6 % par an. De même, en Inde, la hausse des prix à la consommation accusera un ralentissement qui fera passer son taux annuel de 6.8 % à 4.1 % par an au cours des dix prochaines années.
Malgré une inflation légèrement plus élevée aux États-Unis que dans la zone Euro, l'Euro devrait se déprécier par rapport au dollar des États-Unis, tant en valeur nominale qu’en valeur réelle. Une dépréciation nominale de la monnaie sera enregistrée en Chine, au Canada, en Corée, en Nouvelle-Zélande, en Australie, dans la Fédération de Russie et au Japon, et des dépréciations relativement fortes sont prévues pour l'Argentine, le Brésil, la Turquie, l'Uruguay et l'Inde.
Coûts des intrants
Les projections des Perspectives agricoles reposent sur des hypothèses concernant les coûts de production, c'est-à-dire les coûts des semences, de l'énergie, des engrais ainsi que de divers autres intrants faisant ou non l'objet d'échanges internationaux. Elles sont déterminées par l'évolution d'un indice composite basé sur le coût de ces intrants et construit en utilisant leur part respective des coûts totaux pour chaque pays et chaque produit (maintenue constante pendant toute la durée de la période de projection). Les prix de l'énergie sont représentés par le cours international du brut exprimé en monnaie nationale. L'évolution des coûts des intrants échangeables comme les machines et les produits chimiques est estimée à partir des variations du taux de change réel, et celle des intrants non échangeables (principalement les coûts de main-d'œuvre), à partir des variations du déflateur du PIB. Pour les semences et les engrais, on procède de façon itérative car les coûts de ces intrants dépendent en partie des prix des produits agricoles (et, dans le cas des engrais, des prix du brut).
Les données concernant les cours mondiaux du pétrole jusqu'en 2017 correspondent au prix du pétrole brut Brent et sont tirées de la version actualisée des Perspectives économiques de l'OCDE, n° 104 (novembre 2018). Pour 2018, on a utilisé la moyenne annuelle des prix mensuels au comptant et, pour 2019, la moyenne des prix au jour le jour en décembre 2018. Pour le reste de la période de projection, on suppose que les prix du pétrole resteront inchangés en termes réels, ce qui implique une hausse en termes nominaux, avec un baril passant de 58 USD fin 2018 à 70 USD en 2028.
Politiques publiques
Les politiques publiques et leurs réformes ont des conséquences importantes sur les marchés des produits agricoles, des biocarburants et de la pêche, souvent même en termes structurels. Les hypothèses retenues dans la présente édition des Perspectives tablent sur le maintien des politiques en vigueur pendant toute la période de projection. La décision du Royaume-Uni de sortir de l'Union européenne n’est pas prise en compte dans les projections, car les modalités de cette sortie n’étaient pas encore arrêtées au moment de leur préparation. Les projections relatives au Royaume-Uni sont toutefois traitées séparément du reste de l'Union européenne dans le présent rapport.
Les accords commerciaux bilatéraux ne sont pris en compte que s'ils ont été ratifiés ou mis en œuvre. Tel est le cas de l’Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP), qui a été signé en mars 2018 et mis en œuvre, après ratification par la majorité des pays signataires, à la fin de 2018 (voir la section consacrée aux échanges dans le présent chapitre pour un examen de ses effets) ainsi que de l'Accord de partenariat économique entre l’Union européenne et le Japon, qui est entré en vigueur en février 2019. L'Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l'Union européenne, qui est partiellement mis en œuvre mais n'a pas encore été ratifié, est également pris en compte dans les projections. En revanche, l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) ne donne lieu à aucun changement pendant la période de projection, car le nouvel accord commercial qui doit le remplacer — l'accord Canada- États-Unis - Mexique — n'a pas encore été ratifié.
L'embargo imposé par la Fédération de Russie sur les importations en provenance de certains pays ayant été annoncé comme une mesure temporaire, l'hypothèse retenue ici est qu'il sera révoqué à la fin de 2019. En revanche, les hausses temporaires des droits de douane décidées par les États-Unis et par la Chine sont maintenues pendant toute la durée de la période de projection car aucune date officielle n'a été annoncée pour leur suppression. Les hypothèses relatives aux politiques énergétiques sont décrites dans le chapitre consacré aux biocarburants.
Notes
← 1. Pour le suivi des marchés et les perspectives à court terme, voir en particulier le Système d’information sur les marchés agricoles (www.amis-outlook.org) et le Système mondial d’information et d’alerte rapide de la FAO (http://www.fao.org/giews/fr/). Pour les projections à long terme, jusqu'en 2050, voir par exemple : FAO (2018), The Future of Food and Agriculture – Alternative pathways to 2050 Adenäuer, M., J. Brooks et J.T. Saunders (2019), « Analysis of Long-term Challenges for Agricultural Markets », OECD Food, Agriculture and Fisheries Papers, à paraître ainsi que d'autres travaux examinés par Hertel, T.W. et al. (2016) in « Predicting Long-Term Food Demand, Cropland Use, and Prices », Annual Review of Resource Economics, vol. 8, pp. 417 441.
← 3. Voir Reardon, T. et C.P. Timmer (2012), « The Economics of the Food System Revolution », Annual Review of Resource Economics, vol. 4, pp. 225‑264.
← 4. Pour une décomposition de la croissance de la production entre extension des surfaces et hausse des rendements dans les pays en développement, et une étude des différents facteurs d'amélioration des rendements, voir par exemple Evenson, R. et D. Gollin (2003), « Assessing the Impact of the Green Revolution, 1960 to 2000 », Science, vol. 300, n° 5620, pp. 758‑762.
← 5. Voir Phelps, L.P. et J.O. Kaplan (2017), « Land use for animal production in global change studies : defining and characterizing a framework », Global Change Biology, vol. 23, n° 11, pp. 4457-4471. Les Perspectives agricoles reprennent la définition que FAOSTAT donne des pâturages.
← 6. La contribution relative de la hausse des rendements et de l'extension des surfaces à l'augmentation de la production agricole est importante pour comprendre l'évolution probable du terrritoire agricole et les pressions qui pourraient en résulter sur l'environnement. Toutefois, augmenter les rendements n'est pas toujours une solution économiquemenet optimale, par exemple lorsque les intrants supplémentaires nécessaires coûtent plus cher que ce que rapporte le supplément de production. De plus, l'augmentation des rendements peut être en soi néfaste pour l'environnement, par exemple lorsqu'une utilisation accrue d'engrais entraîne une pollution des eaux par l'azote. Par conséquent, bien qu'ils soient un indicateur important, les rendements ne donnent qu'une image partielle de la croissance de la productivité et de ses effets sur l'environnement dans le domaine de la production végétale. Voir par exemple Beddow et al. (2015), « Rethinking Yield Gaps », University of Minnesota College of Food, Agricultural and Natural Resource Sciences – Staff Paper P15-04.
← 7. Voir par exemple les données du Global Yield Gap Atlas (www.yieldgap.org) et l'analyse présentée dans Fischer, T., D. Byerlee et G. Edmeades (2014), « Crop yields and global food security: Will yield increase continue to feed the world? », Australian Centre for International Agricultural Research and Grains Research & Development Corporation.
← 8. Chiffres de 2016, d'après les Indicateurs du développement dans le monde de la Banque mondiale (AG.CON.FERT.ZS), http://wdi.worldbank.org.
← 9. Voir par exemple Christiaensen, L (2017), « Agriculture in Africa – Telling myths from facts: A synthesis », Food Policy n° 67, pp. 1-11 Haggblade et al. (2017), « The Herbicide Revolution in Developing Countries: Patterns, Causes, and Implications », European Journal of Development Research, vol. 29, n° 3, pp. 533-559 et International Fertilizer Association (2018), Fertilizer Outlook 2018-2022.
← 10. Une comparaison entre les vingt premières années de la Révolution verte (1961-1980) et les années suivantes (1981-2000) montre que la contribution des variétés améliorées à la croissance des rendements a augmenté en valeur relative comme en valeur absolue. À mesure que l'utilisation d'autres intrants se généralisera, il est probable que l'augmentation des rendements dépendra de plus en plus des variétés améliorées. Voir Evenson, R.E. et D. Gollin (2003), « Assessing the impact of the Green Revolution, 1960-2000 », Science, vol. 300, n° 5620, pp. 758‑762.
← 11. À propos des politiques agricoles des BRIC, voir par exemple Brink et al. (2017) “BRIC Agricultural policies through a WTO lens” in A. Bouët et D. Laborde, Agriculture, Development and the Global Trading System: 2000-2015, IFPRI, et OCDE (2018), Politiques agricoles suivi et évaluation 2018.
← 12. À propos de la Russie, voir le ministère de l'Agriculture des États-Unis – Foreign Agricultural Service (2018), « Russian Federation – Agricultural Economy and Policy Report », GAIN Report RS1819, https://gain.fas.usda.gov pour l'Asie du Sud-Est, voir OCDE (2017), Building Food Security and Managing Risk in Southeast Asia, Éditions OCDE, Paris (pp. 107 108)..
← 13. Voir Smith et al. (2015) “Agriculture, Forestry and Other Land Use,” dans IPCC’s Fifth Assessment Report, https://www.ipcc.ch/report/ar5/wg3/.
← 14. Les chiffres de 2016 sont tirés de FAOSTAT, http://www.fao.org/faostat/fr/#home.
← 15. Voir par exemple Herrero, M. et al. (2013), « Biomass use, production, feed efficiencies, and greenhouse gas emissions from global livestock systems », Proceedings of the National Academy of Sciences, décembre 2013, vol. 110, n° 52, pp. 20888-20893.
← 16. Voir, par exemple, Blandford, D. et K. Hassapoyannes (2018), « The role of agriculture in global GHG mitigation », OECD Food, Agriculture and Fisheries Papers, n° 112, Paris, éditions OCDE, Paris; World Resources Institute (2018), Creating a Sustainable Food Future, https://www.wri.org/publication/creating-sustainable-food-future; Smith, P. et al. (2015), « Agriculture, Forestry and Other Land Use » in IPCC’s Fifth Assessment Report, https://www.ipcc.ch/report/ar5/wg3/.
← 17. Voir OCDE (2019), « Options for Climate Change Mitigation in the Agricultural Sector : A Partial Equilibrium Analysis », à paraître.
← 18. Voir OCDE (2019), « The changing landscape of agricultural markets and trade », OECD Food, Agriculture and Fisheries Papers, n° 118, éditions OCDE, Paris.
← 19. Voir Bouët, A et D. Laborde (2017), « Assessing the potential cost of a failed Doha Round », in A. Bouët et D. Laborde, Agriculture, Development and the Global Trading System: 2000-2015, IFPRI, Washington D.C.
← 20. Le PTPGP est entré en vigueur en Australie, au Canada, au Japon, au Mexique, en Nouvelle-Zélande et à Singapour le 30 décembre 2018. Il est entré en vigueur au Viet Nam le 14 janvier 2019. Il entrera en vigueur dans les quatre pays restants (Brunei Darussalam, Chili, Malaisie et Pérou) 60 jours après l'achèvement de la procédure de ratification propre à chacun. La plupart des lignes tarifaires (environ 86 %) des pays parties au PTPGP seront exemptées de droits dès l'entrée en vigueur de l'Accord. Certains droits de douane seront éliminés graduellement au cours de périodes “d'élimination progressive” qui varient d'un pays à l'autre et d'un produit à l'autre, et un petit nombre de lignes tarifaires ne seront pas exemptées de droits. Au total, 99 % environ des lignes tarifaires des pays membres du PTPGP seront exemptes de droits d'ici 15 ans.
← 21. Dans le cadre de cet accord de partenariat économique, l'Union européenne accepte de supprimer les droits de douane sur 99 % de ses lignes tarifaires et 100 % de ses importations, tandis que le Japon supprime les droits de douane sur 97 % de ses lignes tarifaires et 99 % de ses importations. Une fois que l'accord sera pleinement mis en œuvre, le Japon aura éliminé les droits de douane sur environ 84 % des produits agricoles de l’Union européenne (en termes de lignes tarifaires) et l'Union européenne aura éliminé les droits de douane sur pratiquement tous les produits agricoles du Japon, à l'exception du riz (qui fait l'objet d'une exclusion mutuelle) et de quelques produits transformés.
← 22. La FAO, en collaboration avec les autorités des deux régions, s’emploie à informer les agriculteurs et à les former à la lutte contre ce ravageur. Voir : http://www.fao.org/asiapacific/news/detail-events/en/c/1186008/
← 23. Voir par exemple Alston, J.M. et al. (2000), « A meta-analysis of rates of return to agricultural R&D: Ex pede Herculem? », IFPRI Research Report Hurley, T.M. et al. (2014), « Re-examining the reported rates of return to food and agricultural research and development », American Journal of Agricultural Economics, vol. 96, n° 5, pp. 1492‑1504 Nin-Pratt, A. et E. Magalhaes (2018), « Revisiting rates of return to agricultural R&D investment », IFPRI Discussion Paper n° 01718.
← 24. Voir Heisey, P.H. et K.O. Fuglie (2018), Agricultural Research Investment and Policy Reform in High-Income Countries, ministère de l'Agriculture des États-Unis – Economic Research Service, mai 2018.
← 25. Voir ASTI (2012), ASTI Global Assessment of Agricultural R&D Spending, Agricultural Science and Technology Indicators, https://www.asti.cgiar.org/globaloverview.
← 26. Voir Fuglie, K.O. et al. (2012), « The contribution of private industry to agricultural innovation », Science, n° 338, vol. 6110, pp. 1031-1032.
← 27. Johannson, R. (2019), « The Outlook for U.S. Agriculture », discours prononcé au Forum sur les Perspectives de l’agriculture au ministère de l’Agriculture des États-Unis (21‑22 février 2019).
← 28. Les travaux en cours du Secrétariat de l’AMIS s’appuient sur des estimations des besoins biologiques des animaux d’élevage pour évaluer quelle part de la production céréalière supplémentaire a pu être affectée à l’alimentation des animaux. Voir AMIS Market Monitor n° 65 (février 2019), disponible à l’adresse : www.amis-outlook.org.
← 29. Pour plus d’informations, voir AMIS Market Monitor n° 64 (décembre 2018), disponible à l’adresse : www.amis-outlook.org.