Andrea Bassanini
Andrea Garnero
Agnès Puymoyen
Andrea Bassanini
Andrea Garnero
Agnès Puymoyen
Les mesures adoptées par les pays de l’OCDE pour parvenir à la neutralité carbone d’ici à 2050 auront des retombées considérables sur les marchés du travail : réduction du nombre d’emplois dans les secteurs à forte intensité d’émissions, nouveaux débouchés dans les secteurs plus respectueux du climat, et transformation de nombreuses professions existantes. Le changement climatique lui-même aura une incidence sur la demande de main-d’œuvre et les conditions de travail, principalement du fait de la hausse des températures et de la fréquence accrue des phénomènes météorologiques extrêmes. Ce chapitre porte sur les emplois qui devraient profiter de la transition vers la neutralité carbone, et les compare à ceux qui se concentrent dans les secteurs à forte intensité d’émissions. Outre les caractéristiques des travailleurs qui occupent ces emplois et leur localisation, le chapitre examine la qualité de ces emplois en termes de rémunération, de sécurité de l’emploi et de qualité de l’environnement de travail.
Les pays de l’OCDE mettent en place des programmes d’action ambitieux de lutte contre le changement climatique, dans l’objectif de parvenir à la neutralité carbone à l’horizon 2050. Les effets nets de ces mesures sur l’emploi global devraient être limités, étant donné que l’emploi dans les secteurs à forte intensité d’émissions ne représente qu’une petite fraction de l’emploi total, et que de nouveaux débouchés s’ouvriront dans les professions et les secteurs plus respectueux du climat, notamment ceux qui produisent des biens et des services intermédiaires à l’appui des activités écologiquement durables. Néanmoins, de véritables recompositions devraient avoir lieu dans les secteurs d’activité, les professions et les régions.
Le présent chapitre commence par rappeler que l’inaction des pouvoirs publics face au changement climatique a, et aura, des conséquences de plus en plus graves sur le marché du travail, et particulièrement sur les groupes les plus vulnérables. Il montre également que dans les pays européens de l’OCDE et aux États-Unis, 13 % des travailleurs sont très gênés par la chaleur, en particulier ceux qui travaillent en extérieur ou dans l’industrie de transformation et l’industrie lourde, ce qui peut altérer leur santé et leur productivité. Par ailleurs, les régions où la proportion de travailleurs exposés à des températures élevées est déjà supérieure à la moyenne sont aussi celles où les températures devraient le plus augmenter d’ici à 2050.
Le chapitre aborde ensuite la question des emplois susceptibles de connaître un véritable essor du fait de la transition vers la neutralité carbone, et les compare à ceux qui sont les plus exposés aux risques de perturbations. Pour ce faire, il a recours à une nouvelle notion, celle des « professions portées par la transition écologique », qui va au-delà du concept habituel d’« emploi vert » pour englober aussi les emplois qui ne contribuent pas directement à réduire les émissions, mais qui devraient faire l’objet d’une forte demande, car ils fournissent des biens et des services indispensables aux activités vertes.
Les principales conclusions de l’analyse présentée dans ce chapitre sont les suivantes :
Dans les pays de l’OCDE, entre 2015 et 2019, 20 % environ des travailleurs exercent des professions portées par la transition écologique. Parmi ces professions :
46 % sont des professions existantes, dont les compétences évoluent sous l’effet de la transition écologique (« professions dont le niveau de qualification est tiré par la transition écologique »).
40 % sont des emplois existants qui feront l’objet d’une forte demande, car ils fournissent des biens et des services indispensables aux activités vertes (« professions recherchées dans le cadre de la transition écologique »).
14 % seulement de ces professions peuvent être qualifiées à juste titre de « professions vertes nouvelles ou émergentes ».
À l’inverse, au cours de cette même période, 6 % environ des emplois dans les pays de l’OCDE correspondent à des professions à forte intensité d’émissions de GES, c’est-à-dire des professions concentrées plus particulièrement dans les secteurs à forte intensité d’émissions. Les professions portées par la transition écologique et les professions à forte intensité d’émissions de GES ne s’excluent pas mutuellement : près de 10 % des professions portées par la transition écologique sont en fait concentrées dans des secteurs à forte intensité d’émissions, principalement dans la catégorie des « professions dont le niveau de qualification est tiré par la transition écologique ».
Les professions à la fois portées par la transition écologique et à forte intensité d’émissions de GES sont plus répandues dans les zones rurales que dans les zones urbaines. Toutefois, les régions où l’on trouve davantage de professions à forte intensité d’émissions de GES ne sont pas nécessairement les mêmes que celles où l’on observe davantage de professions portées par la transition écologique. Faute d’intervention des pouvoirs publics, il existe un véritable risque de creusement des inégalités régionales sur le plan économique et du marché du travail.
Les professions portées par la transition écologique rassemblent des emplois très variés : les professions vertes nouvelles et émergentes correspondent généralement à des emplois très qualifiés (directeurs, cadres de direction et gérants, professions intellectuelles et scientifiques, professions intermédiaires) occupés par des travailleurs très instruits dans des zones urbaines, tandis que les autres professions portées par la transition écologique regroupent principalement des emplois moyennement et peu qualifiés occupés par un nombre plus important de travailleurs peu instruits.
Les professions vertes nouvelles et émergentes sont celles qui ont enregistré la croissance la plus rapide ces dix dernières années. Entre 2011 et 2022, leur part dans l’emploi total a augmenté de 12.9 % en moyenne dans les pays européens de l’OCDE et aux États-Unis, tandis que la part de l’ensemble des professions portées par la transition écologique dans l’emploi total n’a progressé que de 2 %. Néanmoins, cette progression s’élève à 5 % si l’on exclut les professions portées par la transition écologique qui se concentrent dans les secteurs à forte intensité d’émissions. Sur la même période, la proportion des professions à forte intensité d’émissions de GES a reculé de 18 %.
Les professions portées par la transition écologique se caractérisent souvent par des rémunérations plus élevées et un moindre recours aux contrats temporaires que les autres, même si les travailleurs qui occupent ces emplois sont souvent exposés à un risque de chômage plus important. En outre, les emplois qui ne contribuent pas directement à la réduction des émissions, mais qui seront probablement recherchés en raison du caractère nécessaire des produits ou services qu’ils fournissent (c’est-à-dire les professions recherchées dans le cadre de la transition écologique) se distinguent souvent par une plus forte incidence de stress au travail (insuffisance des ressources pour exécuter les tâches requises).
L’avantage qualitatif des emplois portés par la transition écologique par rapport aux autres emplois concerne souvent principalement les emplois très qualifiés, ce qui donne à penser que les travailleurs dotés des compétences spécifiques requises par ces emplois en plein essor bénéficient d’un atout sur le marché du travail par rapport à leurs pairs. À l’inverse, les emplois exigeant peu de qualifications parmi ceux portés par la transition écologique se caractérisent généralement par une rémunération et une sécurité de l’emploi nettement inférieures à celles des autres emplois peu qualifiés, ce qui permet de penser qu’en l’absence d’action des pouvoirs publics, ils pourraient offrir des débouchés relativement peu attractifs aux travailleurs peu qualifiés.
Même si de nombreux travailleurs des secteurs à forte intensité d’émissions sont relativement bien rémunérés (voir le chapitre 3), les professions les plus concentrées dans ces secteurs (professions à forte intensité d’émissions de GES) se caractérisent, en moyenne, par une plus forte fréquence des bas salaires et une moindre qualité de l’environnement de travail que dans un emploi moyen. En revanche, elles ne présentent pas jusqu’à présent un risque de chômage plus élevé que les autres, ce qui concorde avec le constat selon lequel les emplois à fortes émissions de GES sont des emplois qui sont souvent relativement stables (jusqu’à ce qu’ils soient supprimés sous l’effet d’un redimensionnement dans le secteur – voir le chapitre 3). Cependant, les débouchés s’offrant aux travailleurs qui exercent ces emplois seront probablement moins importants en dehors des secteurs à fortes émissions de GES qui réduisent leur voilure, ce qui peut peser encore davantage sur leur pouvoir de négociation et donner lieu à une rémunération inférieure à la moyenne.
Les travailleurs exerçant des professions à forte intensité d’émissions de GES en perte de vitesse présentent des caractéristiques singulièrement semblables à celles des travailleurs plus exposés à la chaleur. Si les mesures d’atténuation du changement climatique ont probablement un coût pour certaines catégories de travailleurs, l’inaction est donc elle aussi coûteuse pour ces mêmes catégories.
Globalement, ces résultats donnent à penser que la transition vers la neutralité carbone crée déjà des emplois de qualité, et qu’elle continuera de le faire. Pour autant, ces emplois sont souvent concentrés dans les professions très qualifiées, et offrent des débouchés intéressants aux travailleurs urbains très qualifiés principalement, qui sont dotés des compétences requises pour exercer ces emplois. À titre de comparaison, les emplois portés par la transition écologique ne représentent pas toujours une option suffisamment attractive pour les travailleurs peu qualifiés par rapport aux emplois du reste de l’économie (y compris dans les secteurs à forte intensité d’émissions), d’où l’importance des mesures visant à améliorer la qualité des emplois portés par la transition écologique, ainsi que des politiques publiques pour faciliter et accompagner la transition, comme les politiques de formation (chapitre 4) et d’autres politiques actives du marché du travail, le dialogue social et la négociation collective (chapitre 3).
À l’avenir, pour pouvoir suivre et analyser correctement les effets des politiques d’atténuation du changement climatique sur le marché du travail, il conviendra de disposer de données plus actuelles et granulaires. En particulier, les pays de l’OCDE devraient envisager de collecter et de publier des données d’enquête et des données administratives plus détaillées, de mener des enquêtes ad hoc sur l’utilisation des technologies et des pratiques écologiques par les travailleurs, et d’élaborer des inventaires nationaux des tâches vertes par profession – comme O*NET aux États-Unis.
Il est aujourd’hui plus urgent que jamais d’agir contre le dérèglement climatique, qui représente l’un des plus grands défis à venir dans tous les secteurs de l’économie. Le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Arias et al., 2023[1]) est très clair : le changement climatique induit par les activités humaines progresse rapidement et nécessite une action collective immédiate pour accélérer la transition vers la neutralité carbone, mais aussi pour faire face aux conséquences de plus en plus importantes des perturbations liées au dérèglement climatique.
Cette action aura un effet direct sur les marchés du travail des pays de l’OCDE. Jusqu’à présent, la plupart des analyses se sont concentrées sur l’incidence de la transition écologique sur le nombre d’emplois, afin de déterminer si elle créera davantage d’emplois qu’elle n’en détruira. Si les estimations précises des modèles macroéconomiques divergent, on s’accorde largement à penser que la transition vers la neutralité carbone aura un effet net limité sur l’emploi global – voir Encadré 2.1. Mais cette question risque de masquer la reconfiguration très prononcée du marché du travail induite par la transition écologique : certains emplois disparaîtront et de nouveaux débouchés s’ouvriront, avec à la clé des remaniements de grande ampleur à l’échelle des secteurs d’activité et des régions et au-delà. Par ailleurs, de nombreuses professions existantes seront transformées et redéfinies à mesure que les tâches courantes et les méthodes de travail deviendront plus respectueuses de l’environnement. Enfin, le changement climatique lui-même aura des répercussions sur la demande de main-d’œuvre et les conditions de travail, essentiellement à travers la hausse des températures et de la fréquence des phénomènes météorologiques extrêmes.
Si le coût économique des mesures d’atténuation du changement climatique est probablement considérable, notamment pour certaines catégories de travailleurs, l’inaction climatique engendre également des coûts importants et peut conduire à une aggravation des inégalités (OCDE, 2021[2]) : dans un article récent, Bilal et Känzig (2024[3]) estiment que le PIB mondial par habitant serait aujourd’hui supérieur de 37 % si aucun réchauffement ne s’était produit depuis 19601, et que ces coûts élevés du réchauffement climatique sont majoritairement supportés par les groupes vulnérables. Par exemple, la multiplication des canicules imputable au changement climatique représente une menace sérieuse pour les personnes travaillant à l’extérieur ou régulièrement exposées à la chaleur, qui sont souvent des personnes à revenu moyen ou faible – voir Encadré 2.2. En outre, certaines études mettent en évidence les effets néfastes de la pollution atmosphérique sur les personnes peu qualifiées travaillant à l’intérieur (Chang et al., 2016[4] ; Adhvaryu, Kala et Nyshadham, 2019[5] ; Chang et al., 2016[6]). En outre, l’effet du changement climatique sur la productivité des secteurs vitaux des économies rurales, comme l’agriculture et la pêche, pourrait également creuser les disparités entre le milieu urbain et le milieu rural.
Les responsables de l’action publique sont donc confrontés à un double défi : concevoir des politiques à même de faciliter et de gérer le redéploiement de la main-d’œuvre induit par les politiques d’atténuation du changement climatique, mais aussi renforcer la capacité des travailleurs, des entreprises et des collectivités à s’adapter à la hausse des températures et à des phénomènes météorologiques extrêmes aux conséquences de plus en plus graves (Keese et Marcolin, 2023[7]).
L’ampleur exacte de ces défis reste incertaine, et dépendra de la mise en œuvre des engagements et des objectifs des pouvoirs publics, de l’adoption à grande échelle des technologies plus respectueuses de l’environnement existantes, et de l’innovation dans ce domaine (captage, utilisation et stockage du CO2 par exemple – ci‑après CUSC) dans les différents secteurs et entreprises. Mais il ne fait aucun doute que le changement climatique et les mesures d’atténuation adoptées auront des retombées considérables sur les marchés du travail des pays de l’OCDE, bien au-delà de leurs effets nets sur l’emploi global. En outre, la transition vers la neutralité carbone s’effectue au moment même où le marché du travail des pays de l’OCDE connaît d’autres transformations sous l’effet des avancées technologiques, notamment en lien avec l’intelligence artificielle (IA) générative, de la réorganisation des chaînes de valeur mondiales, et d’un vieillissement démographique rapide, tout autant de facteurs qui affectent les ménages et mettent nombre de travailleurs sous pression. Elle a cependant ceci de particulier qu’elle est en grande partie la résultante de politiques publiques. Les décideurs ont donc plus que jamais l’obligation de garantir une transition juste, ne laissant personne de côté.
La transition vers la neutralité carbone entraînera des transformations structurelles à l’échelle des secteurs et de l’économie dans son ensemble, notamment au regard des processus et technologies de production, de la demande, des échanges internationaux et de la compétitivité. L’une des grandes préoccupations est de savoir quelles seront ses répercussions sur le plan de l’emploi, puisqu’elle entraînera une réduction de l’utilisation de combustibles fossiles et des activités économiques connexes. Les emplois créés dans les secteurs qui participeront à la transformation du mix énergétique et à la réduction des émissions suffiront-ils à compenser les pertes d’emplois dans les secteurs à forte intensité d’émissions ? La réponse dépend de divers facteurs. Certains d’entre eux sont connus ou peuvent être anticipés, comme la taille des secteurs qui réduisent leur voilure par rapport à ceux qui devraient se développer, ou les tendances démographiques. D’autres sont difficiles à anticiper pleinement à long terme, comme les progrès technologiques et les mesures prises par les entreprises pour s’adapter à l’évolution de la réglementation et de la demande.
Il existe un large éventail d’estimations des effets nets sur l’emploi à partir de modèles macroéconomiques d’équilibre général. En s’appuyant sur un certain nombre d’hypothèses simplificatrices (en règle générale, la modélisation du fonctionnement du marché du travail est plutôt simple), ces modèles simulent l’incidence des politiques d’atténuation du changement climatique (par exemple via une hausse de la taxe sur le carbone) – voir aussi le chapitre 5.
À l’OCDE, le modèle ENV-Linkages sert à réaliser des projections des activités économiques et des émissions sur plusieurs décennies afin d’apporter un éclairage sur les effets à moyen et long terme des politiques environnementales. En s’appuyant sur ce modèle, Chateau et al. (2018[8]) simulent l’effet d’une taxe carbone de 50 USD par tonne de CO2 dans toutes les régions du monde et constatent qu’en dépit de retombées importantes dans certains secteurs, l’effet global des politiques de décarbonation sur l’emploi est généralement modeste et positif ; il devient négatif lorsque la taxe carbone considérée est supérieure à 100 USD par tonne de CO2 et que les recettes tirées de la taxe carbone ne sont pas utilisées pour réduire les prélèvements sur le travail. Plus récemment, Borgonovi et al. (2023[9]) ont utilisé le modèle ENV-Linkages pour estimer les effets du paquet « Ajustement à l’objectif 55 » de l’UE, un train de mesures ambitieux adopté par l’Union européenne pour atteindre un objectif de réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre de l’UE d’ici à 2030 par rapport à 1990 (ce qui correspond à une taxe carbone de 202 USD par tonne de CO2 dans le modèle). Résultat : la croissance de l’emploi devrait être un peu plus faible que dans un scénario ne tenant pas compte du paquet « Ajustement à l’objectif 55 » (à 1.3 % entre 2019 et 2030 dans le scénario intégrant le paquet « Ajustement à l’objectif 55 », contre 3 % dans le scénario de référence).
Les conséquences probables du paquet « Ajustement à l’objectif 55 » ont aussi été simulées au moyen d’autres modèles. Selon l’analyse d’impact réalisée par la Commission européenne (2020[10]) à l’aide du modèle d’équilibre général JRC-GEM-E3, le paquet « Ajustement à l’objectif 55 » aurait un effet négatif limité sur l’emploi global à l’horizon 2030 (‑0.26 %) par rapport au scénario de référence (le cadre législatif existant en matière de climat et d’énergie à l’horizon 2030) ; toutefois, si l’on utilise les recettes tirées de la taxe carbone pour réduire les prélèvements sur le travail, l’impact pourrait être légèrement positif (0.06 %). Ces effets sur l’emploi varient selon les professions, les niveaux de qualifications et les options retenues pour concevoir les moyens d’action (prix du carbone contre mesures réglementaires) (Weitzel et al., 2023[11]). Avec le modèle GEM-E3‑FIT, Eurofound (2023[12]) met également en évidence un léger effet positif à l’horizon 2030. D’autres modèles macroéconomiques aboutissent à des résultats un peu plus positifs : le modèle macroéconomique E3ME, utilisé pour simuler et évaluer les effets à moyen et long terme des politiques environnementales et économiques en Europe, ne prévoit aucun changement sur le front de l’emploi dans l’hypothèse d’un versement forfaitaire aux ménages à partir des recettes liées à la taxe carbone. Si les recettes tirées de la taxe carbone sont recyclées pour soutenir les investissements dans l’efficacité énergétique et réduire la TVA, l’effet positif sur la consommation et le PIB entraînerait une hausse de l’emploi qui pourrait atteindre 0.2 % par rapport au scénario de référence. E‑QUEST, un modèle multirégional fondé sur des microdonnées couvrant les secteurs de l’énergie, estime que le recyclage des recettes tirées de la taxe carbone en vue d’alléger les prélèvements sur le travail pour les travailleurs peu qualifiés aboutirait à une hausse de 0.45 % de l’emploi (Commission européenne, 2020[10]).
Des estimations sont également disponibles à l’échelon national. Par exemple, Fontaine et al. (2023[13]) estiment l’effet sur l’emploi d’une taxe carbone de 100 EUR à l’aide d’un modèle de simulation (ThreeMe2) spécialement conçu pour analyser les conséquences à moyen et long terme des politiques énergétiques et environnementales au niveau national. Ils observent un effet négatif (‑0.6 %) à l’horizon 2030, qui devient positif (+0.3 %) si les recettes tirées de la taxe carbone sont intégralement redistribuées aux ménages (sous la forme d’une réduction de l’impôt sur le revenu) et aux entreprises (via une baisse des cotisations de sécurité sociale). Aux États-Unis, Finkelstein, Shapiro et Metcalf (2023[14]) estiment l’impact d’une réduction des émissions de carbone de 35 % (objectif globalement conforme à l’engagement pris par le pays dans le cadre de l’Accord de Paris) ; il ressort de la simulation que, dans le cadre d’un dispositif prévoyant un versement forfaitaire aux ménages à partir des recettes tirées de la taxe carbone, cette réduction pourrait avoir un effet positif modeste à long terme sur l’emploi, grâce à une hausse de la consommation et de la production et à une augmentation de l’utilisation des technologies vertes.
Ce chapitre n’a pas vocation à passer en revue l’intégralité des études publiées, mais il est raisonnable de conclure que, selon les estimations disponibles fondées sur des modèles macroéconomiques, l’effet global net de la transition vers la neutralité carbone sera probablement modeste. Les variations constatées dans les résultats s’expliquent notamment par le type de modèles utilisés, la panoplie de mesures d’atténuation du changement climatique retenue pour la simulation, la rigueur de l’action climatique dans le reste du monde et les mesures d’accompagnement mises en œuvre. D’une part, les modèles qui donnent des résultats légèrement négatifs sont fondés sur l’hypothèse selon laquelle les recettes tirées de la taxe carbone ne sont pas utilisées pour faire diminuer les prélèvements sur le travail, et la coordination internationale des politiques d’atténuation du changement climatique entraîne un ralentissement général de la croissance économique (même si elle garantit des règles du jeu équitables entre les entreprises dans le monde entier). D’autre part, les études qui donnent des résultats légèrement positifs sont souvent fondées sur l’hypothèse d’un recyclage des recettes fiscales qui dynamise le marché de l’emploi. Néanmoins, tous les modèles concordent sur le fait que la transition vers la neutralité carbone entraînera un redéploiement des emplois des secteurs axés sur les combustibles fossiles vers d’autres activités économiques jouant un rôle clé dans la décarbonation de l’économie, comme la production d’électricité renouvelable et les activités du secteur de la construction qui améliorent l’efficacité énergétique des bâtiments, de même que sur le fait que si les pouvoirs publics tiennent leurs engagements, ces transformations atteindront une certaine ampleur à court terme (à l’horizon 2030).
Ce chapitre porte sur les emplois qui devraient profiter de la transition vers la neutralité carbone, et les compare à ceux qui risquent le plus d’être supprimés. La plupart des analyses publiées sont axées sur les « emplois verts », c’est-à-dire les emplois qui contribuent directement à la réduction des émissions. Or il n’existe pas de consensus sur la définition d’un emploi vert. Par ailleurs, pour avoir une vision complète, il est aussi nécessaire de définir quels emplois risquent le plus de devenir obsolètes sous l’effet de la transition vers la neutralité carbone, c’est-à-dire les « emplois à forte intensité d’émissions », mais les approches utilisées pour définir ces emplois varient également. Enfin, la transition vers la neutralité carbone aura des retombées qui ne se limiteront pas aux seuls emplois verts et à forte intensité d’émissions : d’autres emplois qui sont recherchés pour appuyer les activités vertes seront également touchés. Pour prendre la pleine mesure des défis à relever, ce chapitre adopte une définition plus large que la plupart des analyses existantes et examine l’ensemble des emplois portés par la transition écologique, c’est-à-dire l’ensemble des emplois qui devraient profiter de la transition vers la neutralité carbone, même ceux qui ne sont pas verts en tant que tels.
Ce chapitre n’a pas pour seul objet l’estimation approximative des emplois susceptibles de profiter de la transition vers la neutralité carbone et de ceux qui sont le plus à risque, ainsi que la présentation des caractéristiques des travailleurs qui occupent ces emplois ; il examine aussi la qualité de ces emplois. Non seulement la transition réussie vers une économie sobre en carbone entraînera une hausse de la demande pour les professions portées par la transition écologique, mais elle supposera aussi que les travailleurs soient plus disposés à rechercher des emplois dans ces professions, et à les accepter. Les emplois dans les secteurs à forte intensité d’émissions (en déclin) sont généralement considérés comme des emplois de relativement bonne qualité, bien rémunérés et où les contrats à durée indéterminée et à temps plein sont majoritaires. La situation est moins claire pour les emplois qui seront créés dans le cadre de la transition vers la neutralité carbone. En fait, l’un des principaux enjeux de l’action publique, qui a déjà donné lieu à des conflits sociaux et suscite de plus en plus de questionnements parmi les responsables de l’action publique et les partenaires sociaux, est que la réduction des effectifs dans les emplois traditionnels des secteurs à forte intensité d’émissions et l’essor des emplois portés par la transition écologique pourraient entraîner une détérioration de la qualité des emplois. Ce chapitre montrera que seules quelques-unes de ces préoccupations pourraient être fondées, en examinant la qualité des emplois portés par la transition écologique par rapport aux autres2.
La suite du chapitre est structurée comme suit : la section 2.1 propose tout d’abord un tour d’horizon des méthodes adoptées jusqu’à présent pour mesurer les emplois verts et à forte intensité d’émissions, et décrit la démarche suivie dans le présent chapitre. La section 2.2 présente un panorama des emplois portés par la transition écologique et des emplois à forte intensité d’émissions, en mettant plus particulièrement l’accent sur les caractéristiques des travailleurs qui occupent ces emplois et sur leur localisation. La section 2.3 propose une analyse détaillée de la qualité des emplois qui tirent parti de la transition écologique, en mettant l’accent sur les trois dimensions du cadre d’analyse de la qualité de l’emploi de l’OCDE, à savoir les salaires, la sécurité de l’emploi et la qualité de l’environnement de travail (OCDE, 2014[15]). Enfin, la section 2.4 conclut en examinant les données et les améliorations méthodologiques nécessaires pour affiner notre compréhension des conséquences de la transition vers la neutralité carbone sur le marché du travail.
Si la présente édition des Perspectives de l’emploi met principalement l’accent sur les conséquences des politiques d’atténuation du changement climatique, le changement climatique lui-même aura des répercussions sur les marchés du travail de l’OCDE. En particulier, l’ensemble des travailleurs subiront les effets du réchauffement climatique, mais à divers degrés, en fonction de leur situation professionnelle et de leur exposition ainsi que leur vulnérabilité aux risques climatiques.
Le changement climatique entraîne non seulement une hausse progressive des températures à l’échelle mondiale, mais aussi une augmentation de l’intensité et de la durée des canicules. Le stress thermique peut être une cause de fatigue ou d’épuisement et entraîner des problèmes cardiovasculaires et respiratoires. L’exposition à la chaleur altère les capacités des travailleurs et a un effet négatif sur la productivité, que ce soit dans le cadre d’activités complexes à fort contenu cognitif ou d’activités relativement simples et routinières nécessitant une attention et une vigilance particulières (Benhamou et Flamand, 2023[16]). Il a été démontré que la chaleur réduit la productivité (Day et al., 2019[17] ; OIT, 2019[18]), accroît l’absentéisme (Somanathan et al., 2021[19]), aggrave le risque d’accidents du travail (Fatima et al., 2021[20] ; Park, Pankratz et Behrer, 2021[21])1 et nuit au fonctionnement des machines et des infrastructures (Benhamou et Flamand, 2023[16]).
Rares sont les données exhaustives sur la part des travailleurs exposés aux risques liés aux épisodes de chaleur extrême. Pour disposer de telles données, il est en effet nécessaire de connaître en détail les missions spécifiques de ces travailleurs, ainsi que leurs conditions et leur lieu de travail. Il est possible d’accéder à certaines de ces informations au moyen des enquêtes sur les conditions de travail, qui permettent d’obtenir une estimation approximative de la proportion de travailleurs actuellement exposés à la chaleur. La partie A du Graphique 2.1, qui prend appui sur l’analyse de Benhamou et Flamand relative à la France (2023[16]), montre que dans les pays européens de l’OCDE et aux États-Unis, en 20152, une fois prises en compte des différences de calendrier entre les enquêtes3, 13 % des travailleurs étaient exposés à la chaleur pendant au moins la moitié de leur temps de travail, un pourcentage qui culmine à 26 % en Türkye, 25 % en Espagne et 22 % en Grèce. En moyenne, 10 autres pour cent étaient exposés à la chaleur pendant au moins un quart de leur temps de travail.
Les caractéristiques des secteurs et des professions contribuent à expliquer la majeure partie des variations observées d’un pays à l’autre : partout, les travailleurs qui exercent leur activité à l’extérieur (par ex. vendeurs de rue, ouvriers de la construction, agriculteurs et pêcheurs) sont les plus touchés par la chaleur (et par le froid), de même que les travailleurs de l’industrie de transformation et de l’industrie lourde. Compte tenu des types de professions et de secteurs concernés, ce sont les travailleurs des zones rurales et les travailleurs peu et moyennement qualifiés qui sont les plus exposés aux fortes chaleurs (par ex. vendeurs, métiers qualifiés de l’agriculture, de l’artisanat et de l’industrie) – voir Graphique 2.1, partie B. Étant donné leur concentration professionnelle, les hommes sont généralement plus exposés à la chaleur que les femmes, tandis que les travailleurs âgés sont généralement un peu moins exposés que les jeunes – une analyse plus approfondie des résultats figurant dans le présent encadré est disponible dans OCDE (2024[22]).
Outre les caractéristiques professionnelles et l’environnement de travail (un exemple typique étant la présence d’un système de climatisation), la répartition géographique des travailleurs joue également un rôle : il est inquiétant de constater que les régions dans lesquelles les travailleurs font déjà état d’un inconfort lié à la chaleur, généralement des régions du sud de l’Europe pour la plupart, sont également celles qui devraient subir une aggravation du stress thermique au cours des décennies à venir, selon les projections de Casanueva et al. (2020[23]) et García-León et al. (2021[24]) – voir Graphique 2.2. Toutefois, dans d’autres pays et régions où les canicules sont un phénomène plus récent, les effets du stress thermique peuvent être tout aussi problématiques, si ce n’est plus, les bâtiments et l’organisation du travail étant moins préparés à y faire face.
La réglementation sur la santé et la sécurité au travail (SST) en vigueur dans les pays de l’OCDE aborde déjà la question de la température, du stress thermique et des conditions météorologiques extrêmes au travail. Toutefois, certains pays, souvent en concertation directe avec les partenaires sociaux, ont adapté la législation aux enjeux du changement climatique (ex. : Lituanie) ou instauré des programmes et outils spécifiques de SST (ex. : Allemagne, Espagne, Lituanie et Slovénie). Dans quelques pays (ex. : Belgique, Espagne, Italie), les entreprises peuvent, si certaines conditions sont réunies, recourir au dispositif de chômage partiel lorsque les températures atteignent un niveau exceptionnellement élevé. Dans plusieurs pays, les organismes compétents en matière de SST (ex. : Safe Work Australia, le Centre canadien d’hygiène et de sécurité au travail, l’EU-OSHA, le HSE au Royaume‑Uni et le NIOSH aux États-Unis) ont publié des guides pratiques sur la gestion de ces risques. Des initiatives particulières ont également été prises dans certains des secteurs les plus exposés (par ex. le secteur agricole en Lituanie ou celui de la construction en Allemagne, en Autriche et en Lituanie), comme la conception de nouveaux outils (par ex. un système d’alerte en Slovénie qui permet aux employeurs et aux salariés d’accéder à des prévisions locales) – pour plus d’informations sur les politiques en vigueur, voir l’analyse de la Commission européenne (2023[25]).
Note : Satoshi Araki a participé à l’élaboration de cet encadré. Pour des résultats plus détaillés, voir OCDE (2024[22]).
1. D’après Park, Pankratz et Behrer (2021[21]), estiment que chaque jour enregistrant une température supérieure à 40 degrés Celsius accroît le risque d’accident du travail de plus de 10 % par rapport à un jour enregistrant des températures normales.
2. L’édition 2021 de l’Enquête européenne sur les conditions de travail ne contient aucune information relative à l’exposition à la chaleur. Dans l’édition de 2015, la chaleur est définie comme un niveau de température auquel les répondants transpirent même s’ils ne travaillent pas.
3. Les informations relatives à l’exposition à la chaleur sont autodéclarées par les travailleurs. La comparaison entre les pays peut donc être influencée par une certaine variation de la manière dont la chaleur est perçue d’un pays à l’autre. Les écarts observés entre les pays peuvent également traduire des différences d’adaptation à la chaleur, certains pays ayant probablement plus difficultés à faire face à la chaleur que d’autres (Heutel, Miller et Molitor, 2021[26]). En outre, le calendrier des enquêtes varie d’un pays à l’autre et peut avoir une influence sur l’exposition déclarée à la chaleur. Pour corriger les écarts imputables aux différences de calendrier, les estimations présentées dans cet encadré correspondent aux prévisions de l’exposition à la chaleur pour le mois de mai, obtenues en effectuant une régression de l’exposition à la chaleur au niveau des pays par rapport à la part des répondants par mois d’enquête.
Malgré quelques tentatives d’harmonisation à l’échelon international3, il n’existe pas encore de définition universellement reconnue d’un emploi vert dans les travaux publiés (OCDE, 2023[27] ; Cedefop, 2019[28]). Toutefois, l’ensemble des approches utilisées peuvent globalement être qualifiées de « descendantes » (dite bottom-up) et « ascendantes » (dite top-down), ou les deux à la fois (Valero et al., 2021[29]):
Les approches descendantes comptent parmi les emplois verts l’ensemble des emplois au sein de secteurs, d’établissements ou d’activités spécifiques qui apportent une contribution majeure à la protection ou à la restauration de la qualité de l’environnement, au maintien des émissions à un faible niveau ou à leur réduction, et à la limitation de la production de déchets et de la pollution. Elles peuvent prendre la forme d’une méthode fondée sur les processus, qui tient compte des émissions directes et indirectes et considère donc comme verts tous les processus de production et de prestation de services utilisant des technologies plus économes en ressources ou respectueuses de l’environnement, par rapport à un critère de référence défini (Bontadini et Vona, 2023[30] ; Verdolini et Vona, 2022[31])4. Il est toutefois plus courant d’adopter une méthode descendante fondée sur la production, en vertu de laquelle les activités environnementales sont limitées à la production et à la fourniture de biens et de services liés à l’environnement. Par exemple, le Système de comptabilité économique et environnementale (SCEE) des Nations Unies définit ‘les activités économiques liées à l’environnement’ comme celles associées à la protection de l’environnement et à la gestion des ressources5 ainsi qu’à la production de biens et services strictement liés à ces activités (Nations Unies, 2012[32]). Conformément à cette définition, Eurostat collecte des statistiques sur le secteur des biens et services environnementaux – fondé sur les données des comptes nationaux et décrit comme un secteur économique qui génère des produits environnementaux, c’est-à-dire des biens et services produits aux fins de la protection de l’environnement ou de la gestion des ressources – et estime l’emploi global dans ce secteur, c’est-à-dire l’ensemble des travailleurs employés dans ce secteur (Commission européenne, 2016[33] ; Vandeplas et al., 2022[34]). Le Bureau des statistiques nationales du Royaume‑Uni (ONS) utilise une méthode similaire6. Une autre approche descendante consiste à considérer comme des « emplois verts » l’ensemble des emplois des secteurs en expansion mis en évidence à l’aide de modèles macroéconomiques simulant les effets des politiques vertes – voir Encadré 2.1 et Borgonovi et al. (2023[9]). Quelles que soient la méthode et les définitions précises, tous les emplois dans le secteur de la production d’énergie renouvelable, par exemple, sont verts en vertu de ce type de méthode, y compris les emplois administratifs et de soutien7.
Les approches ascendantes, à l’inverse, prennent pour point de départ les caractéristiques des emplois et des professions, indépendamment du secteur de l’économie auxquels ils appartiennent. Les chercheurs ont appliqué cette approche de différentes manières, par exemple en calculant la part des tâches vertes spécifiques à un sous-ensemble d’emplois et en ne considérant comme verts que les emplois dont l’intensité des tâches vertes8 est raisonnablement élevée – par ex. Peters (2013[35]), Elliott et al. (2021[36]), Bureau des statistiques nationales (2022[37]) et OCDE (2023[27]), qui prennent tous comme point de départ la liste des tâches vertes par profession publiée et régulièrement mise à jour par O*NET jusqu’en 20199 (voir Encadré 2.3) – ou en examinant la présence de mots-clés « verts » (tels que, par exemple, « solaire », « photovoltaïque » ou « éolien ») dans les offres d’emploi en ligne – par ex. Saussay et al. (2022[38]), Curtis et Marinescu (2023[39]) et Curtis, O’Kane et Park (2023[40]). Selon cette approche, l’emploi d’un technicien éolien est considéré comme un emploi vert même si ce technicien travaille pour une entreprise principalement active dans la production d’électricité à partir de combustibles fossiles, tandis que l’emploi d’un agent de sécurité par une entreprise de production d’électricité à partir d’énergies renouvelables ne sera pas considéré comme un emploi vert. Cette approche peut également aboutir à une mesure non binaire du caractère écologique, fondée par exemple sur l’intensité des tâches vertes de chaque emploi examiné – par ex. Vona et al. (2018[41]), Vona, Marin et Consoli (2018[42]) et Scholl, Turban et Gal (2023[43]).
En pratique, de nombreuses tentatives de mesure des emplois verts conjuguent approches descendantes et ascendantes. Par exemple, la Green Jobs Initiative du Bureau des statistiques sur l’emploi des États‑Unis, aujourd’hui abandonnée, prenait appui sur une définition élargie des emplois verts, englobant à la fois la production verte (« emplois dans des entreprises qui produisent des biens ou fournissent des services bénéfiques pour l’environnement ou qui préservent les ressources naturelles ») et les emplois intervenant dans l’écologisation des processus de production d’établissements neutres ou polluants (« emplois dans lesquels les tâches des travailleurs consistent à rendre les processus de production de leur établissement plus respectueux de l’environnement ou à utiliser moins de ressources naturelles ») – voir BLS (2013[44]). Le projet Greening of the World of Work d’O*NET (Dierdorff et al., 2009[45] ; 2011[46]) prend en compte à la fois les secteurs et les activités « liées à la réduction de l’utilisation de combustibles fossiles, à la diminution de la pollution et des émissions de gaz à effet de serre, à l’amélioration de l’efficacité énergétique, au recyclage des matériaux et au développement et à l’adoption de sources d’énergie renouvelables » (Dierdorff et al., 2009, p. 3[45])10, et les professions susceptibles d’être davantage recherchées sous l’effet de ces activités et technologies, qui vont également influencer les conditions de travail et les exigences de compétences, ou en créer de totalement nouveaux.
La base de données O*NET a été élaborée en 1998 par le département du Travail des États-Unis à partir du Dictionary of Occupational Titles (DOT). Elle est mise à jour régulièrement. O*NET contient une mine d’informations sur les professions, notamment sur les tâches les caractérisant ainsi que sur les compétences et aptitudes requises pour exercer chacune des quelque 1 000 professions recensées (Handel, 2016[47])1.La plupart de ces informations sont recueillies au travers d’enquêtes auprès des titulaires des emplois concernés et des spécialistes de ces professions, et actualisées régulièrement. D’autres renseignements concernant la base de données O*NET, ainsi que ses versions actuelles et archivées, sont disponibles en ligne2.
Le réseau O*NET ayant été établi par le National Center for O*NET Development sous la supervision de l’Administration de l’emploi et de la formation des États-Unis, il est axé sur le contenu des emplois disponibles sur le marché du travail de ce pays. Il n’en a pas moins été régulièrement utilisé pour l’analyse d’autres pays. L’hypothèse selon laquelle les informations relatives aux professions d’un pays sont généralisables à d’autres a été testée et se vérifie largement. Handel (2012[48]), par exemple, constate que les intitulés des professions se rapportent à des activités et des demandes de compétences très similaires dans différents pays. Par conséquent, les informations contenues dans O*NET concernant les tâches, les compétences et les capacités sont largement utilisées dans le cadre des travaux de recherche sur le marché du travail menés dans les pays à revenu élevé – voir par ex. Deming (2017[49]) ; Brynjolfsson, Mitchell et Rock (2018[50]) ; Dingel et Neiman (2020[51]) ; et Webb (2020[52]), ainsi que de nombreuses études sur les « emplois verts », notamment par ex. Peters (2013[35]) ; Elliott et Lindley (2017[53]) ; Vona et al. (2018[41]) ; Vona, Marin et Consoli (2018[42]) ; Bowen, Kuralbayeva et Tipoe (2018[54]) ; et Popp et al. (2021[55]). L’utilisation d’O*NET pour décrire les compétences et les tâches associées aux différentes professions dans les pays à faible revenu nécessite toutefois de faire preuve de davantage de circonspection, les contextes réglementaire et technologique de ces pays étant susceptibles de différer considérablement de ceux des États-Unis – voir également Biagi, Vona et Bitat (2021[56]).
Note : Julie Lassebie a participé à l’élaboration de cet encadré.
1. See O*NET Taxonomy at: www.onetcenter.org/taxonomy.html#latest.
L’une des raisons expliquant l’absence de consensus sur la définition d’un « emploi vert » tient au fait que ce concept est utilisé pour tenter de répondre à des questions de fond très disparates. D’une part, le concept d’emploi vert peut être utilisé pour mesurer la contribution du marché du travail à la transition vers une économie sobre en carbone (ou plus généralement une économie peu polluante ou « verte »), comme une sorte de thermomètre indiquant l’ampleur de la transition – par ex. Elliott et Lindley (2017[53]), Georgeson et Maslin (2019[57]). Dans le même ordre d’idées, il peut être utilisé pour cerner et caractériser les emplois dans les secteurs bénéficiant directement des politiques d’atténuation du changement climatique, comme des incitations en faveur de produits et de technologies « propres » ou « verts », ou pour déterminer la facilité avec laquelle les travailleurs s’orientent vers des activités à faibles émissions – par. ex. Bluedorn et al. (2022[58]), Maison-Blanche (2023[59]) et Commission européenne (2023[60]) – voir également chapitre 3. Logiquement, dans de tels cas, la définition de l’« emploi vert » exclut généralement les emplois de soutien qui ne contribuent pas directement à la production de biens verts ou à la prestation de services ou de processus verts, mais qui devraient être de plus en plus recherchés en raison de liens en amont dans le contexte de la mise en œuvre des politiques d’atténuation du changement climatique11. L’OIT exige en outre que les emplois verts aient un caractère « décent », accolant à la dimension écologique une exigence relative aux principes et droits fondamentaux du travail, aux conditions de travail, notamment de salaire, et à l’accès à la protection sociale. Le concept d’emplois verts fait alors office de « double thermomètre » de la transition vers des emplois décents et à faibles émissions (OIT, 2016[61] ; van der Ree, 2019[62]).12
D’autre part, le terme « emploi vert » est également utilisé pour cerner le type d’emplois qui gagneront probablement du terrain dans le cadre de la transition vers une économie sobre en carbone (ou plus généralement une économie peu polluante ou verte) induite par l’action publique. Cette démarche nécessite de prendre en compte à la fois les emplois directement liés à des activités vertes ou sobres en carbone, tels que définis ci-dessus, et ceux liés à des activités vertes ou sobres en carbone par des liens en amont ou des activités de soutien, et donc pas nécessairement associés à des tâches vertes. Les emplois dans les secteurs et professions en croissance sont souvent mis en lumière à l’aide de modèles macroéconomiques – par ex. Vandeplas et al. (2022[34]) ; Eurofound (2023[12]) ; et Borgonovi et al. (2023[9]) – ou d’analyses sectorielles ou professionnelles – par ex. Dierdorff et al. (2009[45] ; 2011[46]) ; Asikainen et al. (2021[63]) ; Popp et al. (2021[55]) ; et Causa et al. (2024[64]).
Dans le même ordre d’idées, les décideurs se demandent souvent si les travailleurs possèdent les compétences requises par la transition. Pour répondre à cette question, les chercheurs ont examiné les compétences requises dans le cadre des emplois directement liés aux activités vertes/sobres en carbone (Consoli et al., 2016[65] ; Vona et al., 2018[41] ; Tyros, Andrews et de Serres, 2023[66]). Toutefois, cela nécessite probablement de prendre en compte tous les types d’emplois qui seront recherchés, dans la mesure où un manque de compétences adéquates chez les fournisseurs d’intrants intermédiaires des produits et services verts peut également compromettre la transition – voir Borgonovi et al. (2023[9]) et chapitre 4.
Les estimations de l’incidence des emplois verts dans l’économie varient considérablement, en fonction de la définition adoptée. Les approches descendantes fondées sur la production donnent généralement lieu à des estimations basses de la part des emplois verts dans les économies de l’OCDE, de l’ordre de 2 à 4 % – voir par ex. Elliott et Lindley (2017[53]) ; Georgeson et Maslin (2019[57]) ; et Bluedorn et al. (2022[58]). Il en va de même pour les approches ascendantes qui s’appuient sur des mots-clés « verts » ou mesurent en continu l’intensité des tâches. Par exemple, Saussay et al. (2022[38]) estiment que moins de 1.5 % des offres d’emploi en ligne publiées aux États-Unis entre 2010 et 2019 concernent des emplois sobres en carbone, c’est-à-dire verts. Vona, Marin et Consoli (2018[42]) estiment que dans ce même pays, les tâches vertes représentent environ 3 % de l’ensemble des tâches. Toutefois, le Bureau des statistiques nationales du Royaume‑Uni, qui tient également compte du temps consacré à chaque tâche, estime qu’environ 7 à 8 % des heures travaillées au Royaume‑Uni ont été consacrées à des tâches vertes en 2019 (Office national de statistique, 2022[37]). À l’opposé du spectre, les approches ascendantes et binaires reposant sur les caractéristiques des professions et incluant les emplois indirectement verts (c’est-à-dire qui seront probablement recherchés en raison de la transition sans comporter nécessairement des tâches vertes) donnent généralement lieu à des estimations plus élevées, de l’ordre de 20 % – voir par ex. Bowen, Kuralbayeva et Tipoe (2018[54]) et Valero et al. (2021[29])13. Les approches binaires excluant les emplois indirectement verts se situent quelque part entre ces deux extrêmes : l’OCDE (2023[27]), par exemple, en fixant un seuil minimum d’intensité des tâches de 10 %, estime la part des emplois verts aux États-Unis à 13 % en 2021, tandis qu’en utilisant une approche similaire, Causa et al. (2024[64]) l’estiment à 8 % dans les pays européens.
La présente édition des Perspectives de l’emploi de l’OCDE met l’accent sur l’effet des politiques d’atténuation du changement climatique sur l’emploi et les revenus, au lieu d’examiner la question symétrique de la contribution du marché du travail à la transition écologique, en tant que facteur habilitant. Ainsi, la définition opérationnelle adoptée dans ce chapitre est plus vaste que celles de nombreuses études menées antérieurement, y compris par l’OCDE (voir section 2.1.1). Elle prend en compte l’ensemble des emplois susceptibles d’être affectés par la transition vers la neutralité carbone, et pas seulement ceux qui peuvent être considérés comme verts en tant que tels14.
Idéalement, pour circonscrire un groupe d’emplois aussi vaste, il conviendrait de recourir à un modèle d’équilibre général afin de classer les secteurs et les emplois en croissance et en déclin dans le sillage de la mise en œuvre des politiques d’atténuation – c’est-à-dire en utilisant une approche descendante telle que définie dans la section 2.1.1. Toutefois, si de nombreux modèles macroéconomiques existants permettent de désigner précisément les secteurs caractérisés par des niveaux élevés d’émissions de gaz à effet de serre, qui devraient réduire leur voilure, ainsi que les professions concentrées dans ces secteurs (voir Encadré 2.4 et chapitre 3), ces modèles ne publient pas de résultats suffisamment détaillés sur les secteurs en croissance – dont la plupart sont regroupés au sein de secteurs génériques sobres en carbone (Borgonovi et al., 2023[9] ; Eurofound, 2023[12] ; Fragkiadakis, 2022[67]). Si l’on prenait en compte l’ensemble des emplois concentrés dans ce grand secteur peu polluant, la liste des emplois bénéficiant d’effets positifs serait trop longue15.
C’est pourquoi, à l’instar de la plupart des études tentant de déterminer quelles professions sont susceptibles de tirer parti de la transition vers la neutralité carbone, le présent chapitre prend appui sur le projet Greening of the World of Work d’O*NET qui, comme indiqué dans la section 2.1.1, recense un ensemble de professions susceptibles de gagner du terrain et/ou de se transformer dans le cadre de la transition. Plus précisément, ce projet distingue trois groupes de professions concernées, et une catégorie résiduelle :
Professions vertes nouvelles et émergentes : professions nouvelles (entièrement nouvelles ou « dérivées » d’une profession existante) associées à des exigences de compétences des travailleurs et à des tâches uniques (par exemple, ingénieurs biomasse ; analystes des marchés du carbone ; installateurs de panneaux solaires photovoltaïques).
Professions dont le niveau de qualification est tiré par la transition écologique : professions existantes dont les tâches, les compétences, les connaissances et les éléments externes, tels que les diplômes, évoluent généralement dans le cadre de la transition vers la neutralité carbone (par exemple, arbitres, médiateurs et conciliateurs, architectes, techniciens spécialisés du secteur automobile, agriculteurs et éleveurs). Il convient toutefois de noter que même si la transition vers la neutralité carbone modifie les caractéristiques de ces emplois, dans les secteurs non écologiques de l’économie (par exemple, certains secteurs à forte intensité d’émissions de GES – comme l’industrie chimique, la production d’énergie à partir de combustibles fossiles), ces professions pourraient continuer d’être associées à l’ancienne liste (non écologique) de tâches, de compétences, de connaissances et de qualifications, et ne seront donc pas nécessairement plus recherchées à court terme16.
Professions recherchées dans le cadre de la transition écologique : professions existantes dont la demande augmente en raison de la transition vers la neutralité carbone, mais dont les tâches ou les exigences de compétences n’évoluent pas de manière significative. Certaines professions de ce groupe peuvent être considérées comme contribuant directement à la réduction des émissions, et sont clairement associées à des tâches vertes (par exemple, scientifiques et spécialistes de l’environnement ; travailleurs de la foresterie et de la conservation) mais la plupart n’y contribuent pas et devraient plutôt être considérées comme des soutiens des activités économiques écologiques (par exemple, travailleurs de la construction ; chauffeurs ; chimistes et scientifiques spécialistes des matériaux).
Autres professions : toutes les autres professions, notamment les emplois associés à des activités à forte intensité d’émissions (par exemple, opérateurs de compresseurs de gaz et de stations de pompage de gaz) et les emplois peu polluants à faibles émissions qui ne sont pas directement ou indirectement liés à la réduction de l’utilisation des combustibles fossiles, de la pollution et des émissions de gaz à effet de serre, à l’amélioration de l’efficacité énergétique, au recyclage des matériaux, ou au développement de sources d’énergie renouvelables (par exemple, actuaires ; techniciens en maintenance d’équipements médicaux).
Conformément aux travaux publiés antérieurement (voir chapitre 3), la présente édition des Perspectives de l’emploi définit les secteurs à forte intensité d’émissions sur la base des émissions de gaz à effet de serre (GES), en utilisant les données à deux chiffres de la CITI rév. 4 pour les pays de l’UE‑27 ainsi que pour le Royaume‑Uni, la Norvège, l’Islande et la Suisse, sur la période 2009‑20. Pour tous les pays (y compris ceux pour lesquels aucune donnée n’est disponible), un secteur est considéré « à forte intensité d’émissions » s’il se classe dans les deux déciles supérieurs d’émissions par unité de valeur ajoutée dans au moins 10 des pays pour lesquels des données sont disponibles. Ces secteurs représentent au moins 70 % des émissions de GES dans chaque pays de l’OCDE pour lequel des données sont disponibles. Ce groupe de secteurs invariant d’un pays à l’autre correspond étroitement au groupe de secteurs en perte de vitesse dans la simulation des effets du paquet « Ajustement à l’objectif 55 » de l’Union européenne réalisée à l’aide du modèle ENV-Linkages de l’OCDE (Borgonovi et al., 2023[9]). Pour améliorer la cohérence avec le modèle ENV-Linkages, le secteur de l’assainissement et de la collecte des déchets est toutefois retiré de la liste finale des secteurs à forte intensité d’émissions, car il n’est pas prévu qu’il réduise ses effectifs – voir le chapitre 31.
Les professions à forte intensité d’émissions de GES sont définies comme les professions particulièrement concentrées dans les secteurs à forte intensité d’émissions de GES. Pour obtenir une liste de professions à forte intensité d’émissions de GES comparable aux professions portées par la transition écologique, en évitant que l’agrégation vienne obscurcir les comparaisons, ces professions sont d’abord définies comme suit dans la Standard Occupational Classification (SOC) des États-Unis. Premièrement, la liste des secteurs à forte intensité d’émissions de GES est mise en correspondance avec le niveau à 6 chiffres du Système de classification des industries de l’Amérique du Nord (SCIAN), en adaptant la méthode de Dingel et Neiman (Dingel et Neiman, 2020[51]) – voir Encadré 2.5 et Annexe 2.A pour plus de détails2. Deuxièmement, les données relatives aux secteurs à forte intensité d’émissions de GES sont agrégées en secteurs SCIAN à 4 chiffres (en gardant les 6 chiffres pour les secteurs de production d’énergie) et, à ce niveau d’agrégation, le groupe des secteurs à forte intensité d’émissions de GES est dénommé « secteur à forte intensité d’émissions de GES »3. Troisièmement, à l’aide des statistiques de 2019 des États-Unis sur l’emploi et les salaires (Occupation Employment and Wage Statistics) relatives au nombre de salariés par secteur et par profession SOC à 6 chiffres, une profession à forte intensité d’émissions de GES est définie comme une profession fortement concentrée dans le secteur à forte intensité d’émissions de GES -– c’est-à-dire une profession dont la part des salariés dans le secteur à forte intensité d’émissions de GES est au moins 7 fois supérieure à la part du secteur à forte intensité d’émissions de GES dans l’emploi salarié total, comme dans Vona et al. (2018[41]). Quatrièmement, en ce qui concerne les pays autres que les États-Unis, les professions à forte intensité d’émissions de GES fondées sur la SOC sont ensuite mises en correspondance avec d’autres classifications professionnelles en utilisant la même méthodologie que pour les professions portées par la transition écologique – voir Encadré 2.5 et Annexe 2.A.
1. Il existe une autre différence avec la simulation « Ajustement à l’objectif 55 » du modèle ENV-Linkages : le secteur agricole est maintenu dans la catégorie des secteurs à forte intensité d’émissions alors qu’il n’est pas prévu qu’il réduise ses effectifs dans la simulation « Ajustement à l’objectif 55 ». Même si le paquet « Ajustement à l’objectif 55 » de l’UE ne prévoit pas d’action d’envergure dans le secteur agricole, on peut affirmer qu’en raison du niveau élevé des émissions de GES de ce secteur, les politiques d’atténuation devront cibler certains de ses sous-secteurs à l’avenir pour atteindre l’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050. Voir par exemple la déclaration de la COP28 sur l’alimentation et l’agriculture, signée par 159 pays, dont la plupart des pays de l’OCDE (www.cop28.com/en/food-and-agriculture).
2. À cette fin, on utilise les données sur l’emploi de 2015‑19 issues des enquêtes européennes sur les forces de travail (EFT-UE), pour la CITI, et les données sur l’emploi de 2019 issues des statistiques du recensement trimestriel de l’emploi et des salaires (QCEW) des États‑Unis, pour le Système de classification des industries de l’Amérique du Nord (SCIAN).
3. Pour améliorer la cohérence avec le modèle ENV-Linkages (et par mesure de bon sens), le secteur (modeste mais en plein essor) de la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables est exclu de la liste des secteurs à forte intensité d’émissions de GES à ce stade (cela est possible au niveau à 6 chiffres de la classification du SCIAN, mais ne le serait pas dans la classification CITI).
Bien que la transition vers la neutralité carbone risque d’avoir des effets hétérogènes, les trois premiers groupes énumérés ci-dessus englobent tous des professions susceptibles de tirer parti des politiques d’atténuation du changement climatique. Sur la base de la dernière version de la base de données O*NET (2019)17, ces professions seront donc dénommées ci‑après « professions portées par la transition écologique », afin de souligner le fait que certaines d’entre elles ne contribuent pas directement à la réduction des émissions mais que, malgré cela, on s’attend à ce qu’elles soient toujours recherchées en raison de liens en amont.
L’approche adoptée ici s’écarte donc considérablement de l’approche des emplois verts fondée sur les tâches, utilisée dans la plupart des publications prenant appui sur les données d’O*NET. Il y a deux explications à cela. D’une part, comme indiqué plus haut, les professions dont la demande augmente en raison de la transition vers la neutralité carbone peuvent ne comporter qu’un petit nombre de tâches en lien avec l’écologie, voire aucune. D’autre part, O*NET classe dans la catégorie verte et non verte uniquement les tâches associées aux professions vertes nouvelles et émergentes, et aux professions dont le niveau de qualification est tiré par la transition écologique. Pourtant, de simples inspections de la liste des descriptions des tâches (« task statements » selon la terminologie O*NET) associées aux professions recherchées dans le cadre de la transition écologique donnent à penser que quelques-unes d’entre elles sont clairement intensives en tâches vertes mais sont de facto exclues de manière arbitraire par les études figurant dans ces publications parce qu’O*NET ne fournit pas de classification des tâches vertes/non vertes pour ce groupe. Par exemple, au moins la moitié des tâches principales des techniciens de la foresterie et de la conservation – une profession recherchée dans le cadre de la transition écologique – sont liées à la préservation des forêts et donc au maintien du potentiel d’absorption du carbone des forêts, ce qui a un impact positif direct et sans équivoque sur les objectifs verts. Pour toutes ces raisons, l’intensité des tâches vertes n’apparaît pas ex ante comme une bonne variable prédictive de l’incidence potentielle des politiques d’atténuation sur la croissance des emplois. Une approche binaire – à savoir la classification des emplois dans les catégories des emplois portés par la transition écologique et des autres emplois, tout en faisant la distinction entre les trois catégories O*NET susmentionnées – est donc préférée ici à une approche cardinale.
La classification des professions portées par la transition écologique utilisée dans ce chapitre est définie par O*NET dans le cadre de la Standard Occupational Classification (SOC) des États-Unis. Elle est très détaillée (8 chiffres – quelque 1 000 professions). Tous les autres pays de l’OCDE, toutefois, collectent des données sur l’emploi au moyen d’autres classifications (notamment la Classification internationale type des professions (CITP)), généralement à un niveau plus agrégé (4 chiffres – environ 400 professions dans le cas de la CITP). Les classifications se recoupant généralement de telle manière que chaque profession d’une classification correspond à plusieurs professions d’une autre classification et inversement – une situation souvent qualifiée de « correspondance plusieurs à plusieurs » – les estimations du nombre et des caractéristiques des professions portées par la transition écologique en dehors de l’Amérique du Nord sont souvent disparates – voir Biagi, Vona et Bitat (2021[56]) et section 2.1.1 ci-dessus. Dans le sillage de travaux menés précédemment par l’OCDE (Basso et al., 2020[68] ; Scholl, Turban et Gal, 2023[43] ; Tyros, Andrews et de Serres, 2023[66] ; Causa, Nguyen et Soldani, 2024[64] ; 2024[69]), ce chapitre utilise donc la méthodologie élaborée par Dingel et Neiman (2020[51]), qui permet d’améliorer la précision des correspondances existantes et d’obtenir des estimations non faussées de la part des emplois portés par la transition écologique et des autres emplois dans les pays qui n’utilisent pas la SOC des États-Unis (voir Encadré 2.5)18.
Les correspondances entre les diverses classifications des professions utilisées dans les différents pays de l’OCDE sont généralement des correspondances plusieurs à plusieurs, ce qui signifie que chaque profession d’une classification correspond à plusieurs professions d’une autre classification, et que la correspondance entre deux professions n’est, par conséquent, que partielle. Dans le sillage des travaux menés précédemment par l’OCDE, ce chapitre adapte et applique la méthodologie élaborée initialement par Dingel et Neiman (2020[51]) pour les indicateurs des caractéristiques professionnelles communes à tous les emplois d’une même profession, telle que définie dans la classification type des professions d’un pays (par exemple, la proportion de travailleurs occupant des emplois portés par la transition écologique, qui prend la même valeur – 0 ou 100 % – au sein de chaque profession à 8 chiffres de la SOC). Cette méthodologie attribue une pondération à chaque combinaison entre une profession de la classification d’origine (profession d’origine ci‑après) et une autre de la classification cible (profession cible) dans un pays donné (par exemple CITP à 4 chiffres et Allemagne), entre lesquelles il existe une correspondance partielle. Cette pondération est fonction de la part des professions d’origine et des professions cibles dans l’emploi de leurs pays respectifs. La valeur moyenne des indicateurs (c’est-à-dire, pour poursuivre cet exemple, la proportion de travailleurs occupant des emplois portés par la transition écologique) de chaque profession cible et de chaque pays est ensuite calculée en faisant la moyenne pondérée de toutes les combinaisons incluant cette profession cible1 – voir Annexe 2.A pour plus de détails.
L’un des avantages de la procédure décrite ci-dessus est que la moyenne pondérée par l’emploi des moyennes des groupes étant la moyenne globale, on n’observe pas de biais d’agrégation systématique en ce qui concerne les moyennes par pays de chaque indicateur invariant au sein de chaque profession d’origine. Par conséquent, le calcul de l’incidence des professions portées par la transition écologique directement à partir des données à 8 chiffres de la SOC ou sous la forme d’une moyenne pondérée de l’incidence estimée dans chaque profession cible (par exemple professions CITP à 4 chiffres) donnerait le même résultat – voir la démonstration à l’Annexe 2.A. Il s’agit d’une étape de validation cruciale de la procédure : comme l’affirme Biagi, Vona et Bitat (2021[56]), un test de validation rationnel de la mise en œuvre de toute correspondance exige en effet que, pour un même pays, les indicateurs agrégés élaborés à partir des correspondances et des données originales soient approximativement les mêmes.
Évidemment, l’une des principales hypothèses et limites de cette approche est que les professions seront affectées de la même façon par la transition vers la neutralité carbone d’un pays à l’autre. Il s’agit d’une hypothèse approximative, et il est possible de trouver des contre‑exemples de professions pour lesquelles il est peu probable qu’elle se vérifie2. En ce qui concerne les statistiques moyennes, toutefois, cette hypothèse est vraisemblablement moins problématique dans le cas des indicateurs binaires (comme les professions portées par la transition écologique ou autres) que celui des mesures continues de l’intensité des tâches vertes, étant donné que l’intensité des tâches vertes est susceptible de varier en fonction des différences d’adoption des technologies d’un pays à l’autre (Biagi, Vona et Bitat, 2021[56]).
Les données au niveau de la profession cible peuvent ensuite être mises en correspondance avec d’autres ensembles de données du pays cible (par ex. les enquêtes sur la population active) afin de calculer la moyenne de l’indicateur choisi pour les groupes présentant des caractéristiques différentes – par exemple, la fréquence des professions portées par la transition écologique chez les femmes. On obtiendra une moyenne pondérée des indicateurs pour la profession cible, l’emploi des différents groupes dans chaque profession servant de facteur de pondération – c’est-à-dire, si l’on reprend le même exemple que ci-dessus, une moyenne pondérée de la proportion des emplois portés par la transition écologique dans chaque profession, l’emploi des femmes dans chaque profession servant de facteur de pondération.
1. Cette méthode ne donne pas nécessairement lieu à un indicateur binaire final pour chaque profession cible du pays cible, même lorsque l’indicateur d’origine est binaire. Par exemple, la proportion de professions portées par la transition écologique est soit de 0 %, soit de 100 % dans les professions d’origine et le pays d’origine. Pourtant, dans la profession et le pays cibles, la plupart des professions cibles enregistreront une proportion d’emplois portés par la transition écologique comprise entre ces deux valeurs.
2. Par exemple, si les conducteurs de poids lourds et de semi-remorques sont considérés comme une profession recherchée dans le cadre de la transition écologique aux États-Unis, qui ne disposent pas d’un vaste réseau de chemin de fer électrifié, il est peu probable que ce soit le cas dans des pays comme la Suisse ou la Belgique, où le réseau de chemin de fer électrifié est très étendu.
Cette section analyse la répartition des emplois portés par la transition écologique dans la zone OCDE par rapport aux professions à forte intensité d’émissions de GES, en examinant leur incidence d’un pays, d’une région et d’un secteur à l’autre, leur évolution au cours de la dernière décennie, et les caractéristiques des travailleurs qui occupent ces emplois. Cette analyse donne un aperçu de la répartition des professions portées par la transition écologique et à forte intensité d’émissions de GES entre 2015 et 2019 (afin d’éviter les très fortes fluctuations du marché du travail engendrées par la pandémie de COVID‑19 et la reprise qui a suivi). Elle ne vise pas à prévoir le nombre de ces emplois à l’avenir ni à définir leurs caractéristiques futures, mais plutôt à recenser les pays, les régions ou les groupes de travailleurs qui sont surreprésentés dans les professions portées par la transition écologique et, par conséquent, probablement mieux placés pour tirer parti des débouchés créés par cette transition, ou, à l’inverse, sont surreprésentés dans les professions à forte intensité d’émissions de GES et, par conséquent, plus exposés au risque dans le cadre de la transition vers la neutralité carbone.
Dans l’ensemble de l’OCDE, entre 2015 et 2019, quelque 20 % des travailleurs exercent des professions portées par la transition écologique (Graphique 2.3, partie A), leur part s’échelonnant d’environ 15 % en Grèce à 25 % en Estonie. En moyenne, parmi ces travailleurs, environ 46 % exercent des professions dont le niveau de qualification est tiré par la transition écologique, c’est-à-dire des professions existantes dont l’ensemble de compétences évolue en raison de la transition vers la neutralité carbone, et 40 % des professions recherchées dans le cadre de la transition écologique, c’est-à-dire des professions existantes dont la demande augmente en raison de cette transition, mais dont les tâches ou les exigences de compétences n’évoluent pas de manière significative (Graphique 2.3, partie B). Seulement 14 % de ces professions sont des professions vertes nouvelles ou émergentes. La très grande majorité des travailleurs exerçant des professions portées par la transition écologique occupent donc des emplois qui ne sont pas nouveaux. En réalité, environ deux emplois sur cinq n’observent aucune évolution majeure des exigences professionnelles19.
Les professions concentrées dans les secteurs à forte intensité d’émissions emploient environ 6 % des travailleurs, une part qui s’échelonne de près de 4 % au Luxembourg à plus de 10 % en Pologne (Graphique 2.3, partie A). Le pourcentage de travailleurs occupant ces emplois est donc nettement plus faible que celui des travailleurs exerçant une profession portée par la transition écologique. Il dépasse cependant la proportion de travailleurs exerçant une profession nouvelle ou émergente (2.9 %)20.
Il est important de rappeler que les professions portées par la transition écologique et les professions à forte intensité d’émissions de GES ne s’excluent pas mutuellement – voir la section 2.1.2 ci-dessus. En effet, 2.3 % des travailleurs, en moyenne, exercent des professions à la fois portées par la transition écologique et à forte intensité d’émissions de GES (Graphique d’annexe 2.C.1). Ces professions « mixtes » se retrouvent surtout21 dans le groupe des professions dont le niveau de qualification est tiré par la transition écologique, qui sont en fait des professions pour lesquelles on observe une évolution des compétences et des exigences professionnelles en raison de la transition vers la neutralité carbone, mais qui peuvent encore être concentrées dans des secteurs à fortes émissions.
Entre 2011 et 2022, la part des professions portées par la transition écologique dans l’emploi total a augmenté de 2 % en moyenne dans les pays européens de l’OCDE et aux États-Unis (Graphique 2.4). Ce résultat global masque des évolutions divergentes au sein des professions portées par la transition écologique : en particulier, le Graphique 2.4 montre que l’incidence des professions vertes nouvelles et émergentes a augmenté de 12.9 % au cours de cette même période22, tandis que les professions recherchées dans le cadre de la transition écologique et les professions dont le niveau de qualification est tiré par cette transition ont également gagné du terrain, mais à un rythme nettement moins rapide. Toutefois, si l’on exclut les professions à la fois portées par la transition écologique et à forte intensité d’émissions de GES, la croissance des professions restantes portées par la transition écologique (qualifiées de professions « vertes résiduelles » dans le graphique) est plus de deux fois supérieure (5 %). En effet, les professions concentrées dans les secteurs à forte intensité d’émissions, notamment celles qui sont à la fois portées par la transition écologique et à forte intensité d’émissions de GES23, ont reculé de 18 % au cours de la même période24.
Le Graphique 2.4 suggère que les parts des professions portées par la transition écologique et à forte intensité d’émissions de GES sont corrélées positivement d’un pays à l’autre25, ce qui est lié dans une certaine mesure au tissu industriel des pays. La transition vers la neutralité carbone n’influence pas toute l’économie de la même manière. Si l’ensemble des secteurs comptent des professions portées par la transition écologique, le Graphique 2.5 montre que si l’on compare la répartition des emplois d’un secteur à l’autre, ces professions sont plus susceptibles de se trouver dans l’industrie manufacturière, les services d’intérêt public et l’exploitation minière, la construction et les transports. Les professions à forte intensité d’émissions de GES, en partie du fait de la définition elle‑même (voir Encadré 2.4 ci-dessus) sont encore plus concentrées dans ces macrosecteurs et dans le secteur agricole (auxquels appartiennent les secteurs à forte intensité d’émissions). Les autres services, qui représentent plus de deux tiers de l’emploi total, se composent principalement de professions qui ne sont ni portées par la transition écologique ni à forte intensité d’émissions de GES.
Compte tenu de ces profils sectoriels marqués, il n’est pas surprenant que dans les pays dans lesquels le secteur des services pèse lourd, comme au Luxembourg, la part des professions portées par la transition écologique et à forte intensité d’émissions de GES soit plus faible que dans les pays où l’agriculture et l’industrie manufacturière jouent un rôle plus important, comme c’est le cas dans plusieurs pays d’Europe centrale et orientale. Néanmoins, le Graphique 2.3. montre que l’écart entre la proportion de travailleurs occupant des emplois portés par la transition écologique et la proportion de travailleurs occupant des emplois à forte intensité d’émissions de GES varie d’un pays à l’autre, ce qui donne à penser qu’en l’absence d’action des pouvoirs publics, la transition vers la neutralité carbone pourrait être relativement plus difficile dans les pays où cet écart est réduit, comme la Grèce, où l’on compte moins de deux emplois portés par la transition écologique pour chaque emploi à forte intensité d’émissions de GES, que dans les pays où cet écart est important, comme le Royaume‑Uni, qui compte près de cinq emplois portés par la transition écologique pour chaque emploi à forte intensité d’émissions de GES.
La corrélation positive entre la part des professions portées par la transition écologique et celle des professions à forte intensité de gaz à effet de serre que l’on peut observer dans les différents pays ne se vérifie pas à l’échelon infranational. De précédents travaux de l’OCDE (2023[27] ; 2023[70]) ont déjà montré qu’il existe une grande hétérogénéité entre les régions des pays de l’OCDE, certaines d’entre elles ayant déjà tiré parti de la transition vers la neutralité carbone, quand d’autres comptent une forte proportion de secteurs à forte intensité d’émissions, particulièrement à risque. Le Graphique 2.6 montre que dans tous les pays de l’OCDE, les professions concentrées dans ces secteurs sont plus fréquentes dans les zones rurales26 (ou les zones non métropolitaines aux États-Unis), où se concentrent généralement les secteurs de l’agriculture, de l’exploitation minière et l’industrie manufacturière. Toutefois, les données montrent également les professions portées par la transition écologique sont également plus répandues dans les zones rurales, sauf en Grèce et au Luxembourg27. Pourtant, les zones concentrant les professions portées par la transition écologique ne sont généralement pas les mêmes que celles où l’on retrouve les professions des secteurs à forte intensité d’émissions, comme l’ont déjà montré Vona, Marin et Consoli (2018[42]) et Lim, Aklin et Frank (2023[71]) aux États-Unis. En réalité, la corrélation entre la part des professions à forte intensité d’émissions de GES et celle des professions portées par la transition écologique est faible à l’échelle des régions (0.21) et, lorsque l’on exclut les professions à la fois portées par la transition écologique et à forte intensité d’émissions de GES, elle est proche de zéro (Graphique 2.7). OCDE (2023[27] ; 2023[70]) montre que les différences entre les régions sont liées à leur degré d’innovation, à leur tissu industriel et au niveau d’instruction de la main-d’œuvre. En outre, les zones rurales ne concentrent pas tous les types de professions portées par la transition écologique : les professions nouvelles et émergentes qui emploient, en moyenne, davantage de travailleurs très qualifiés et très instruits, et offrent de meilleurs salaires et des emplois de meilleure qualité (voir les sections 2.2.2 et 2.3) sont, en réalité, concentrées dans les zones urbaines. En l’absence de stratégie efficace visant à atténuer les désavantages des régions les plus spécialisées dans les activités à forte intensité d’émissions de GES et les moins spécialisées dans les professions portées par la transition écologique (voir Encadré 2.6), il existe un risque important que la transition vers la neutralité carbone aggrave les disparités régionales et mette en péril la cohésion sociale.
Le Graphique 2.7 présente la part des professions portées par la transition écologique nette des professions à forte intensité d’émissions de GES (lesdites professions « vertes résiduelles »), et des professions à forte intensité d’émissions de GES à l’échelon de la région ou de l’État, en écart en points de pourcentage par rapport à la moyenne nationale. Cela permet de mettre en évidence les régions dans lesquelles les emplois sont relativement plus menacés par la transition vers la neutralité carbone, et celles qui sont relativement mieux placées pour en tirer parti. Le quadrant supérieur gauche présente les régions/États dans lesquels les professions à forte intensité d’émissions de GES s’écartent davantage de la moyenne nationale que les professions portées par la transition écologique, c’est-à-dire les régions/États qui, en l’état actuel des choses, par rapport à la moyenne nationale, risquent davantage d’être laissés pour compte dans le cadre de la transition vers la neutralité carbone. Le quadrant inférieur droit présente les régions/États dans lesquels les professions à forte intensité d’émissions de GES s’écartent nettement moins de la moyenne nationale que les professions portées par la transition écologique, c’est-à-dire les régions/États qui, en l’état actuel des choses, sont les mieux placés par rapport à la moyenne pour tirer parti de la transition vers la neutralité carbone. Le Graphique 2.7 donne à penser que les questions d’inégalité géographique peuvent être particulièrement pertinentes en Pologne, un pays présent à la fois dans le quadrant supérieur gauche et dans le quadrant inférieur droit, ce qui signifie qu’il comporte aussi bien des régions bien placées pour tirer parti de la transition vers la neutralité carbone que des régions faisant face à des difficultés plus importantes. Des problèmes similaires de répartition géographique se posent dans une moindre mesure pour la Grèce, le Portugal et les États-Unis.
Les secteurs et les professions à forte intensité d’émissions de GES sont généralement concentrés dans des régions spécifiques. Ces régions sont souvent différentes de celles concentrant les professions portées par la transition écologique et dont la population active est globalement dotée des compétences requises par la transition vers la neutralité carbone – voir Graphique 2.7, chapitre 4 et OCDE (2023[27]). En outre, une transition réussie vers la neutralité carbone nécessite de nouvelles formes de production et, dans certains cas, de nouveaux vecteurs énergétiques et matières premières. Par ricochet, ces derniers nécessitent des transformations majeures, notamment de nouveaux investissements et infrastructures d’envergure et neutres sur le plan climatique. Parallèlement, il convient d’abandonner les investissements dans des actifs de production incompatibles avec l’objectif de neutralité climatique. Les conditions d’accès à ces infrastructures diffèrent d’une région à l’autre, par exemple en raison de leur éloignement et/ou des économies d’échelle et d’agglomération. Par exemple, les pipelines sont le meilleur moyen de transport de l’hydrogène (ainsi que du dioxyde de carbone émis, lorsqu’il est acheminé vers des sites de stockage). Cela signifie que les sites de production concentrés, comme les pôles chimiques en Belgique et en Allemagne, seront probablement mieux desservis par les pipelines (nouveaux ou reconditionnés) et feront face à des coûts inférieurs à ceux des sites dispersés. En outre, l’emplacement des pipelines existants peut être très différent de celui des pipelines nécessaires à la croissance de la production à faibles émissions (OCDE, 2023[70]). Par ailleurs, les régions abritant les secteurs qui ont le plus de difficultés à parvenir à la neutralité climatique sont souvent relativement fragiles d’un point de vue socio-économique1.
Pour être efficaces, les politiques visant à faciliter les transformations nécessaires et à soutenir les travailleurs doivent tenir compte du fait que ces régions, ainsi que leurs travailleurs et leurs entreprises dans les secteurs clés, ont besoin de soutien pour mener ces transformations. Cela permettra d’éviter un nouveau creusement des inégalités économiques régionales et de prévenir l’apparition d’une « géographie du mécontentement », (Rodríguez-Pose, Dijkstra et Poelman, 2023[72]), qui risquerait de nuire gravement à l’action climatique. En outre, la répartition spatiale de ces activités peut évoluer en fonction des nouveaux profils d’avantage comparatif des différentes régions. C’est pourquoi de nombreux pays mettent l’accent sur des politiques territorialisées afin de garantir une transition équitable. Comme l’indiquent Neumark et Simpson (2015, p. 1198[73]), les politiques territorialisées peuvent être définies comme des interventions des pouvoirs publics « visant à améliorer les performances économiques d’une zone relevant de leur autorité, généralement au travers d’un renforcement des débouchés professionnels » – voir également OCDE (2018[74]). Les politiques territorialisées sont particulièrement adaptées aux interventions dans le cadre d’une transition juste vers la neutralité climatique, car elles peuvent mobiliser les acteurs locaux autour de la mise en commun de nouvelles infrastructures neutres sur le plan climatique. Deux approches complémentaires peuvent être grossièrement distinguées dans le contexte de l’atténuation du changement climatique.
Subventions et dépenses vertes ciblées favorisant la transition vers une production verte dans les régions les plus vulnérables aux effets des transformations menées en faveur de la neutralité climatique, parce qu’elles sont spécialisées dans les secteurs à forte intensité d’émissions de GES, par exemple.
Interventions compensatoires ciblant les régions et les personnes les plus durement touchées, mais sans être spécifiquement axées sur des activités vertes, tout en conservant des politiques d’atténuation du changement climatique territorialement indifférenciées pour la plupart2. Dans ce cas, les interventions territorialisées des pouvoirs publics viseront à exploiter l’avantage comparatif relatif des personnes et des régions, et seront axées sur les transitions les plus réalisables vers des activités à forte croissance, qui peuvent s’avérer prometteuses indépendamment des politiques d’atténuation du changement climatique.
La première approche est au cœur de la loi des États-Unis de 2022 sur la réduction de l’inflation (IRA)3. L’IRA combine des subventions, des prêts, de dispositions fiscales et d’autres incitations visant à accélérer le déploiement d’énergies, de véhicules, de bâtiments et d’activités manufacturières propres. Au total, quelque 370 milliards USD seront consacrés à des mesures visant à améliorer la sécurité énergétique et à accélérer la transition vers des énergies propres, une grande partie de ce montant étant destinée aux communautés recensées comme victimes de l’abandon progressif des technologies et des productions à forte intensité d’émissions4. En pratique, cela nécessite de stimuler la transition des régions les plus touchées, qui délaisseront les activités à forte intensité d’émissions de gaz à effet de serre pour se spécialiser dans les activités vertes.
La stratégie de l’Union européenne, qui s’articule autour du pacte vert pour l’Europe5 et d’un certain nombre d’instruments de promotion de la cohésion6, conjugue en quelque sorte ces deux approches. D’une part, environ un tiers du Fonds européen de développement régional et du Fonds de cohésion de l’UE est spécifiquement consacré à des actions visant à parvenir à la neutralité climatique à l’horizon 2050. D’autre part, le Mécanisme de transition juste fournit un appui ciblé pour aider à mobiliser quelque 55 milliards EUR sur la période 2021‑27 afin d’atténuer l’impact socio-économique de la transition dans les régions les plus touchées, mais il englobe tous les types de projets ne causant pas un préjudice trop important aux objectifs environnementaux7.
Quelle que soit l’approche adoptée, les interventions des pouvoirs publics sur le marché du travail visant à accompagner et à épauler les travailleurs et les acteurs locaux tout au long de la transition vers la neutralité carbone doivent intégrer la dimension locale, par exemple en axant les transitions sur les secteurs et les professions dans lesquels des pénuries de main-d’œuvre existent déjà localement ou qui devraient voir le jour grâce aux programmes locaux d’investissement et d’infrastructure. Les exercices d’anticipation des compétences à l’échelon local peuvent jouer un rôle clé à cet égard – voir par exemple OCDE (2023[27]).
Dans certains cas, toutefois, l’économie des régions, qui sont pour la plupart touchées par la contraction des secteurs à forte intensité de gaz à effet de serre, peut être dans l’incapacité de fournir suffisamment d’emplois de bonne qualité à court terme. Le cas échéant, des politiques de mobilité géographique complémentaires pourraient être nécessaires. Il conviendrait alors de mettre en œuvre une approche intégrée permettant de surmonter tous les obstacles à la mobilité (communication d’informations, aide à la recherche d’emploi, aide au logement, aide à la garde d’enfants, etc.), puisqu’il a été démontré que les incitations financières à la mobilité risquent de ne pas suffire à elles seules et d’aboutir à des emplois de mauvaise qualité et instables dans le lieu de destination – voir par exemple Caliendo, Künn et Mahlstedt (2023[75]). Par exemple, en Suède, le projet « Relocate and React EU Relocate » financé par l’UE, qui a pris fin en 2023, a contribué à la mise en place d’un réseau de services publics de l’emploi dans les villes et régions à fort taux de chômage. Ce réseau a informé, recruté et accompagné des adultes sans emploi souhaitant s’installer dans la région de Skellefteå, une ville du nord du pays confrontée à une importante pénurie de main-d’œuvre en raison de l’essor considérable des activités vertes – voir le chapitre 4. Toutefois, la politique de mobilité géographique de la plupart des pays est totalement dissociée de leur stratégie verte. D’après les réponses au questionnaire de l’OCDE sur les politiques sociales et de l’emploi en lien avec la transition vers la neutralité carbone8, seuls 7 pays sur 35 ayant répondu disposent de programmes d’aide à la réinstallation des travailleurs et ils ne sont pas spécifiquement liés à la transition vers la neutralité carbone.
1. Par exemple, dans l’UE, leur PIB par habitant et leurs salaires sont inférieurs de plus de 30 % aux moyennes nationales. Les entreprises des secteurs à forte intensité d’émissions de GES peuvent être moins en mesure d’investir dans les nouvelles technologies nécessaires, tandis que les travailleurs sont souvent non qualifiés. Dans certaines de ces régions, de nombreux jeunes travailleurs sont titulaires de contrats temporaires, ce qui complique l’accès aux formations nécessaires.
2. Les politiques territorialement indifférenciées peuvent être définies comme des politiques qui ne sont pas axées sur les spécificités d’un lieu particulier (Banque mondiale, 2008[76]).
4. Voir également www.iea.org/policies/16156-inflation-reduction-act-of-2022.
5. Voir https://commission.europa.eu/strategy-and-policy/priorities-2019-2024/european-green-deal_fr.
8. Un questionnaire sur les politiques sociales et de l’emploi mises en œuvre ou en cours d’élaboration par les pays membres de l’OCDE pour accompagner la transition vers la neutralité carbone a été distribué à la fin de l’année 2023. La présente édition des Perspectives de l’emploi rend compte de certaines réponses. Les réponses seront présentées en intégralité dans une prochaine note d’information.
Quelle est la situation des travailleurs exerçant des professions portées par la transition écologique par rapport à celle des travailleurs exerçant des professions concentrées dans des secteurs à forte intensité d’émissions ? Quels sont les travailleurs les mieux placés pour tirer parti des possibilités offertes par la transition vers la neutralité carbone ? Et, inversement, qui sont les personnes les plus à risque du fait qu’elles occupent des emplois concentrés dans des secteurs à forte intensité d’émissions ? Le Graphique 2.8 résume les principales caractéristiques tandis que l’Annexe 2.C présente les résultats par pays. Les conclusions suivantes se dégagent :
En moyenne, les hommes sont plus susceptibles d’exercer des professions portées par la transition écologique. Dans le même temps, les hommes sont également plus susceptibles d’occuper des emplois concentrés dans des secteurs à forte intensité d’émissions. Ce résultat est conforme aux analyses menées précédemment et traduit le fait que les professions portées par la transition écologique et à forte intensité d’émissions de GES sont concentrées dans les secteurs de l’agriculture, de l’industrie manufacturière, de l’exploitation minière, des services publics et des transports. Quant aux femmes, elles sont principalement employées dans d’autres secteurs des services. Il est intéressant de constater que l’écart entre les hommes et les femmes est tout aussi marqué dans l’ensemble des pays de l’OCDE (Graphique d’annexe 2.C.2)28. Cela donne à penser que les hommes sont à la fois plus exposés au risque de perte d’emploi dans les industries à forte intensité d’émissions (voir chapitre 3), mais aussi mieux placés pour tirer parti de la transition vers la neutralité carbone. À l’inverse, la concentration des femmes dans les services les expose moins au risque de perte d’emploi induit par la transition29, mais met en doute à leur capacité à tirer parti des possibilités d’emploi qui se présenteront. En particulier, la sous-représentation actuelle des femmes dans les filières d’enseignement des sciences, des technologies, de l’ingénierie et des mathématiques (STIM) et les stéréotypes sexistes persistants interrogent également la capacité des femmes à tirer parti des possibilités d’emploi croissantes dans les secteurs en expansion les mieux rémunérés (OCDE, 2021[2]).
Les écarts entre les groupes d’âge sont très faibles (Graphique 2.8), mais, en moyenne, les jeunes travailleurs (âgés entre 15 et 34 ans) sont généralement légèrement moins susceptibles d’exercer des professions portées par la transition écologique et à forte intensité d’émissions de GES. Cette tendance se vérifie dans la grande majorité des pays de l’OCDE (Graphique d’annexe 2.C.3) et dans tous les types d’emplois portés par la transition écologique, à la seule exception des professions recherchées dans le cadre de cette transition, qui sont légèrement plus susceptibles d’employer des jeunes travailleurs que des travailleurs d’âge très actif et des seniors (Graphique d’annexe 2.C.4). En revanche, les travailleurs d’âge très actif (âgés entre 35 et 54 ans) sont légèrement plus susceptibles d’exercer une profession portée par la transition écologique, tandis que les seniors (plus de 54 ans) sont plus susceptibles d’exercer des professions concentrées dans des secteurs à forte intensité d’émissions. Si, d’une part, cela donne à penser que l’enjeu du redéploiement est probablement plus important pour les travailleurs qui, en moyenne, rencontrent déjà des difficultés pratiques et culturelles pour se requalifier et trouver un nouvel emploi, ces résultats laissent également supposer qu’une partie du processus de redéploiement pourrait s’inscrire dans le cadre de la diminution naturelle des effectifs imputable au départ à la retraite des seniors à l’âge normal.
En termes de catégories professionnelles, le Graphique 2.8 montre que les professions portées par la transition écologique ne sont pas plus susceptibles de se trouver parmi les professions situées au sommet de la distribution des salaires et des compétences (ci‑après les « professions très qualifiées », à savoir les cadres, les professions libérales et les techniciens et professions intermédiaires), mais plutôt parmi les professions situées au milieu de la distribution des salaires et des compétences (ci‑après les « professions moyennement qualifiées », à savoir le personnel administratif, les travailleurs agricoles qualifiés, les artisans et ouvriers des métiers de type artisanal, et les conducteurs d’installations et de machines et ouvriers de l’assemblage). À l’inverse, la part des professions portées par la transition écologique dans les professions situées au bas de la distribution des salaires et des compétences (ci‑après les « professions peu qualifiées », à savoir le personnel des services et de la vente et les professions élémentaires) est nettement inférieure à la moyenne. Ces résultats valent également pour les professions concentrées dans les secteurs à forte intensité d’émissions, qui sont plus fréquentes au milieu qu’en haut et en bas de la distribution des salaires et des compétences. Les tendances sont très similaires d’un pays à l’autre (Graphique d’annexe 2.C.5). Ces résultats diffèrent de ceux d’analyses comparables étroitement axées sur un sous-ensemble d’emplois portés par la transition écologique : en réalité, la structure des emplois varie considérablement d’un type d’emploi à l’autre. Le Graphique d’annexe 2.C.6 montre que dans tous les pays, les professions nouvelles et émergentes sont beaucoup plus répandues parmi les professions très qualifiées, tandis que les professions recherchées dans le cadre de la transition écologique et celles dont le niveau de qualification est tiré par cette transition sont plus répandues parmi les professions moyennement qualifiées.
Enfin, l’examen du niveau d’études brosse un tableau différent : les travailleurs ayant un faible niveau d’études sont plus susceptibles d’exercer des professions portées par la transition écologique et à forte intensité d’émissions de GES que les travailleurs ayant un niveau d’études moyen ou élevé (Graphique 2.8), les tendances étant remarquablement similaires d’un pays à l’autre (Graphique d’annexe 2.C.7). Ce résultat global est une fois encore imputable aux groupes de professions dont le niveau de qualification est tiré par la transition écologique et recherchées dans le cadre de cette transition, tandis que les professions nouvelles et émergentes sont plus répandues parmi les travailleurs ayant un niveau d’études élevé, sauf en République slovaque – voir Graphique d’annexe 2.C.8.
En conclusion, la mise en œuvre de mesures ambitieuses pour lutter contre le changement climatique entraînera une baisse des niveaux d’emploi dans les secteurs à forte intensité d’émissions de GES au bénéfice de la production d’énergie renouvelable, ainsi que d’un plus grand nombre de secteurs qui joueront un rôle déterminant dans la transition, comme certains segments de la construction et des transports. Ce redéploiement peut également donner lieu à des disparités entre les travailleurs et entre les régions. L’analyse présentée dans cette section donne à penser que, même si le processus de redéploiement sera loin d’être limité aux deux groupes relativement restreints de professions à forte intensité d’émissions de GES et de professions portées par la transition écologique, ces deux groupes présentent certaines similitudes en termes de caractéristiques des travailleurs, ce qui pourrait contribuer à faciliter la gestion de la transition. Pourtant, le risque d’aggravation des inégalités entre les groupes démographiques et entre les zones géographiques est réel – voir Botta (2019[77]) ; OCDE (2021[2]) ; et chapitres 3 et 4. En particulier, l’analyse a montré que les professions portées par la transition écologique forment un groupe d’emplois hétérogène : les professions vertes nouvelles et émergentes à croissance rapide sont généralement très qualifiées et emploient des travailleurs très instruits dans les zones urbaines, alors qu’en moyenne, les professions dont le niveau de qualification est tiré par la transition écologique et celles recherchées dans le cadre de cette transition, qui forment des groupes beaucoup plus vastes mais moins dynamiques, comptent davantage de professions moyennement et peu qualifiées et emploient beaucoup plus de travailleurs peu instruits.
Il est intéressant de noter que les travailleurs exerçant des professions à forte intensité d’émissions de GES en perte de vitesse présentent des caractéristiques singulièrement semblables à celles des travailleurs plus exposés à la chaleur, comme indiqué dans l’Encadré 2.2. Si les mesures d’atténuation du changement climatique ont probablement un coût pour certaines catégories de travailleurs, l’inaction est donc elle aussi coûteuse pour ces mêmes catégories sur le marché du travail.
Dans quelle mesure les emplois portés par la transition écologique sont-ils attractifs ? Non seulement la transition réussie vers une économie sobre en carbone entraînera une hausse de la demande pour les professions portées par la transition écologique, mais elle supposera aussi que les travailleurs soient plus disposés à rechercher des emplois dans ces professions, et à les accepter. Comme l’ont montré les récentes données sur les pénuries de main-d’œuvre, l’attractivité d’un emploi ne dépend pas uniquement de sa rémunération, mais aussi d’autres aspects de la qualité de l’emploi (OCDE, 2022[78] ; OCDE, 2023[79]). En effet, les travailleurs tiennent compte à la fois du salaire et des conditions de travail lorsqu’ils évaluent les emplois et les offres d’emploi, et sont prêts à renoncer à une partie de leur salaire en contrepartie de conditions d’emploi qu’ils jugent plus favorables – voir par ex. Mas et Pallais (2017[80]) ; Taber et Vejlin (2020[81]) ; Albanese et Gallo (2020[82]) ; et Bassanini et al. (à paraître[83]). Les emplois dans les secteurs à forte intensité d’émissions de GES (en déclin) sont généralement considérés comme des emplois d’assez bonne qualité, relativement bien rémunérés (voir également le chapitre 3) et sont majoritairement des emplois permanents à temps plein. Globalement, l’une des principales préoccupations des pouvoirs publics est que le développement des emplois portés par la transition écologique risque d’entraîner une détérioration de la qualité de l’emploi (Verdolini et Vona, 2022[31]).
La présente section étudie donc la qualité des professions portées par la transition écologique en suivant la structure du cadre de qualité de l’emploi de l’OCDE, qui est axé sur les revenus, la sécurité de l’emploi et la qualité de l’environnement de travail (voir chapitre 1)30. De toute évidence, la qualité des emplois portés par la transition écologique va probablement s’améliorer, ces emplois étant de plus en plus recherchés : en effet, les entreprises vont se retrouver en concurrence pour recruter des travailleurs. Néanmoins, la qualité actuelle de l’emploi est probablement une bonne variable prédictive de son attractivité actuelle et de sa qualité future. Toutefois, dans la mesure où pour la plupart des pays, les données relatives aux professions portées par la transition écologique sont construites à l’aide d’un tableau de correspondance complexe entre la classification SOC des États-Unis et les classifications des professions adoptées dans d’autres pays (voir Encadré 2.5), les différences moyennes entre les variables de performance sur le marché du travail (comme les salaires) des professions portées par la transition écologique et celles des autres professions sont susceptibles de souffrir d’un biais d’agrégation important (voir Encadré 2.7). Pour réduire le plus possible ces problèmes de biais, les variables relatives à la qualité de l’emploi sont transformées en catégories distinctes dans ce chapitre (par exemple travailleurs à salaire élevé et à bas salaire), et la part des professions portées par la transition écologique est estimée pour chacune de ces catégories. Il est alors facile de déterminer les incidences qualitatives des différences de qualité d’emploi entre les professions portées par la transition écologique et les autres professions. Par exemple, une part relativement élevée de professions portées par la transition écologique parmi les travailleurs à haut salaire (et une faible part parmi les travailleurs à bas salaire) serait révélatrice d’un écart salarial moyen positif entre les professions portées par la transition écologique et les autres professions.
Aucun des pays figurant dans l’analyse de ce chapitre n’utilise la SOC, à l’exception des États-Unis. Dans ces pays, la procédure de mise en correspondance élaborée par Dingel et Neiman (2020[51]) est donc adaptée et appliquée pour obtenir les parts estimées des professions portées par la transition écologique (ou autres) dans les cellules agrégées définies sur la base de la classification des professions de chaque pays – voir Encadré 2.5, et Annexe 2.A pour plus de détails. Pour une cellule donnée, ces estimations peuvent être considérées comme une estimation de la probabilité que l’emploi de chaque individu dans cette cellule soit une profession portée par la transition écologique (ou autre). Les données peuvent ensuite être mises en correspondance avec les données individuelles en se rapportant à la cellule à laquelle chaque individu appartient.
Une fois les données mises en correspondance, il peut sembler naturel d’utiliser les parts estimées des professions portées par la transition écologique (ou autres) dans chaque cellule comme pondérations pour estimer le niveau moyen des variables qui fluctuent à l’échelon individuel mais ne sont pas une caractéristique invariante de la profession. Par exemple, le salaire moyen des professions portées par la transition écologique (ou autres) pourrait être obtenu en agrégeant les salaires moyens au niveau des cellules en utilisant, pour chaque cellule, le produit de la part de la cellule dans l’emploi total multipliée par la proportion estimée d’emplois portés par la transition écologique (ou autres) dans cette cellule en guise de facteur de pondération. L’écart salarial moyen peut alors être obtenu en faisant la différence entre les deux variables moyennes.
Comme le montre l’Annexe 2.B, cette méthode sous-estimerait toutefois l’écart salarial moyen entre les professions portées par la transition écologique et les autres professions, la marge d’erreur étant d’autant plus importante que la part dans l’emploi des cellules dans lesquelles l’incidence des emplois portés par la transition écologique est proche de 50 % est élevée. Il en va de même pour l’écart entre toute variable fluctuant au sein des professions. C’est pourquoi, dans ce chapitre, l’analyse des différences entre les indicateurs de la qualité de l’emploi, comme les salaires, est réalisée en définissant un petit nombre de catégories de population distinctes (lorsqu’elles n’existent pas déjà dans les données) et en estimant les différences d’incidence des professions portées par la transition écologique et des autres professions au sein de ces catégories. Par exemple, dans le cas des salaires, trois catégories (salaires bas, moyens et élevés) sont recensées, la catégorie des salaires élevés (ou des bas salaires) étant définie comme un salaire horaire brut supérieur ou égal à une fois et demie le salaire médian du pays (ou inférieur à deux tiers de ce salaire). On calcule ensuite la proportion de professions portées par la transition écologique et d’autres professions dans chaque catégorie. Une incidence des emplois portés par la transition écologique plus forte (ou plus faible) dans la catégorie des salaires élevés (ou des bas salaires) que dans l’ensemble de l’économie serait alors prudemment interprétée comme la preuve d’un écart salarial positif1 – et plus la part des emplois portés par la transition écologique dans la catégorie des salaires élevés (ou des bas salaires) est importante (ou faible), plus l’écart salarial est important2. Il peut être démontré que, d’un point de vue mathématique, le risque de biais d’agrégation est limité dans ce cas, et les tests empiriques sur les données des États‑Unis donnent à penser qu’un tel biais est, au pire, minime – voir Annexe 2.B.
1. Tous les graphiques comportent une note de lecture pour faciliter l’interprétation des résultats.
2. Strictement parlant, une condition de régularité (une faible monotonicité de l’écart salarial en fonction des catégories salariales utilisées dans l’analyse) est nécessaire pour que cette interprétation soit valable.
Les professions portées par la transition écologique offrent généralement des salaires horaires supérieurs à la moyenne. En moyenne, dans les pays de l’OCDE pour lesquels des données sont disponibles, l’incidence des professions portées par la transition écologique est en effet plus élevée chez les travailleurs à salaire élevé31 (22 %) que chez les travailleurs à bas salaire (18.8 %) – Graphique 2.9, partie A. Entre ces deux valeurs, l’incidence des professions portées par la transition écologique chez les travailleurs à salaire moyen (20.6 % en moyenne) est proche de leur incidence dans l’ensemble de l’économie. L’écart entre les travailleurs à salaire élevé et à bas salaire demeure robuste lorsque l’on tient compte des caractéristiques telles que l’âge, le genre et le niveau d’études (Graphique 2.9, partie B)32. À l’inverse, les professions à forte intensité d’émissions de GES sont plus fréquentes chez les salariés à bas et moyen salaires que chez les salariés à salaire élevé – voir également Graphique d’annexe 2.C.9. Néanmoins, les données disponibles donnent à penser que l’écart salarial négatif entre les professions à forte intensité d’émissions de GES et les autres professions est relativement plus marqué chez les hommes que chez les femmes, alors qu’on n’observe pas de différences significatives entre les genres en termes d’écarts salariaux entre les professions portées par la transition écologique et les autres professions – voir Graphique d’annexe 2.C.10. Cela donne à penser que la transition vers la neutralité carbone pourrait conduire à un recul plus important des emplois faiblement rémunérés chez les hommes que chez les femmes et, mécaniquement, à un ralentissement de la convergence globale des salaires entre les genres (même si le rythme de convergence spécifique à l’emploi n’est pas affecté)33.
Les chiffres globaux concernant les professions portées par la transition écologique cachent toutefois une importante hétérogénéité d’un pays à l’autre. L’incidence de ces professions est plus importante chez les travailleurs à salaire élevé que chez les travailleurs à bas ou moyen salaire dans 16 des 26 pays de l’OCDE pour lesquels des estimations sont possibles (Graphique 2.9, partie A). C’est dans les pays nordiques et anglophones que l’on observe la plus grande différence entre les travailleurs à salaire élevé et à bas salaire, et donc le plus grand écart salarial entre les professions portées par la transition écologique et les autres professions, qui s’échelonne de 7 points de pourcentage en Finlande à 16 points de pourcentage en Norvège, où plus de 30 % des travailleurs à salaire élevé exercent des professions portées par la transition écologique34. Dans six autres pays, la plus forte incidence des professions portées par la transition écologique est observée chez les travailleurs à salaire moyen. Toutefois, en Hongrie, en Italie, aux Pays-Bas et en Slovénie, les professions portées par la transition écologique sont plus fréquentes chez les travailleurs à bas salaires, ce qui donne à penser que dans ces pays, l’écart salarial entre les professions portées par la transition écologique et les autres professions est négatif. En revanche, dans tous les pays, à l’exception de la Norvège et de la Grèce, les données présentées dans le Graphique d’annexe 2.C.9 mettent en évidence un écart salarial en défaveur des professions à forte intensité d’émissions de GES35.
L’écart salarial en défaveur des professions à forte intensité d’émissions de GES peut sembler surprenant étant donné que les emplois dans les secteurs à forte intensité d’émissions de GES36 sont généralement considérés comme des emplois relativement bien rémunérés, un fait stylisé confirmé par les données (voir chapitre 3). Toutefois, comme le montre le chapitre 3, un travailleur typique exerçant une profession à forte intensité d’émissions de GES possède un niveau d’études très inférieur et occupe un emploi moins qualifié qu’un travailleur moyen de ces secteurs. En outre, par définition, les travailleurs exerçant des professions à forte intensité d’émissions de GES ont moins de possibilités d’emploi en dehors des secteurs à forte intensité d’émissions de GES en perte de vitesse, ce qui peut exercer une pression supplémentaire sur leur pouvoir de négociation. Cet argument ne vaut pas pour les travailleurs de ces secteurs occupant un emploi que l’on rencontre également fréquemment dans d’autres secteurs, et qui peuvent donc changer plus facilement de secteur d’activité.
Compte tenu de la composition des trois types d’emplois portés par la transition écologique examinés dans la section précédente, il n’est pas surprenant que, dans tous les pays, les professions vertes nouvelles et émergentes soient beaucoup plus fréquentes chez les travailleurs à salaire élevé : l’incidence de ces professions est, en moyenne, quatre fois plus élevée (ou supérieure de 3.9 points de pourcentage) chez les travailleurs à salaire élevé que chez les travailleurs à bas salaire (voir Graphique d’annexe 2.C.11). En revanche, c’est l’inverse pour les professions recherchées dans le cadre de la transition écologique : dans tous les pays, ces professions sont plus fréquentes chez les travailleurs à bas ou moyen salaire que chez leurs homologues mieux rémunérés – l’incidence de ces professions est 40 % plus élevée (ou supérieure de 2.8 points de pourcentage) chez les travailleurs à bas salaire que chez les travailleurs à salaire élevé37. Les professions dont le niveau de qualification est tiré par la transition écologique se situent quelque part entre ces deux extrêmes, puisqu’elles sont plus fréquentes chez les travailleurs à salaire élevé que chez les autres salariés dans 16 pays sur 26 pour lesquels des données sont disponibles38.
Une partie des différences observées entre les travailleurs à salaire élevé et les travailleurs à bas salaire en termes d’incidence des différents types de professions portées par la transition écologique est due à la sélection des travailleurs – par exemple, les travailleurs très instruits, qui sont généralement mieux rémunérés, sont plus nombreux dans les professions vertes nouvelles et émergentes – voir section 2.2.2. De fait, la prise en compte des caractéristiques démographiques efface l’effet négatif subi par les emplois recherchés dans le cadre de la transition écologique et réduit l’effet positif dont bénéficient les professions nouvelles et émergentes, qui reste néanmoins très important (Graphique 2.9, partie B). Pourtant, la différence moyenne estimée entre les travailleurs à salaire élevé et les travailleurs à bas salaire est plus importante dans le cas des professions dont le niveau de qualification est tiré par la transition écologique, ce qui laisse penser que la sélection des travailleurs est loin d’expliquer entièrement les écarts de salaires39.
Un autre facteur explicatif est que, dans tous les pays, les professions vertes nouvelles et émergentes sont principalement des professions très qualifiées40, ce qui signifie qu’elles appartiennent à une catégorie de professions généralement mieux rémunérées, alors que les deux autres types d’emplois portés par la transition écologique sont plutôt concentrés dans des professions moyennement ou peu qualifiées, généralement moins bien rémunérées – voir section 2.2.2. En tenant également compte des principales caractéristiques de l’emploi (secteurs et professions CITP à 1 chiffre), l’écart entre travailleurs à bas salaire et les travailleurs à salaire élevé en termes d’incidence des emplois portés par la transition écologique, quel que soit leur type, se réduit (Graphique 2.10)41, ce qui montre que les résultats du Graphique 2.9 sont principalement dus à cet effet de composition42.
Une analyse plus approfondie donne toutefois à penser que tous les types de professions très qualifiées et portées par la transition écologique, à l’exception des professions dont le niveau de qualification est tiré par la transition écologique, sont mieux rémunérés que les autres professions très qualifiées (Graphique 2.10). Si l’on prend en compte des caractéristiques démographiques et professionnelles, les parts des professions vertes nouvelles et émergentes et des professions recherchées dans le cadre de la transition écologique sont, d’après les estimations, respectivement 46 % et 43 % plus élevées chez les travailleurs très qualifiés et à salaire élevé que chez les travailleurs très qualifiés et à bas salaire43. Des tendances similaires se dégagent pour les professions moyennement qualifiées. Ces résultats sont probablement imputables aux compétences scientifiques et techniques spécifiques qui sont encore rares sur le marché du travail mais sont requises pour exercer ces professions émergentes (voir également le chapitre 4). Dans le même temps, l’ensemble des professions peu qualifiées portées par la transition écologique sont moins fréquemment exercées par des travailleurs à salaire élevé (et plus fréquemment par des travailleurs à bas salaire) que les autres professions peu qualifiées – bien que les résultats soient statistiquement non significatifs pour les professions nouvelles et émergentes – ce qui donne à penser que les professions peu qualifiées portées par la transition écologique sont en moyenne moins bien rémunérées que les autres emplois peu qualifiés44. Ce dernier constat peut résulter du fait que les compétences requises pour exercer ces emplois ne sont pas différentes de celles requises par les autres emplois (et, en particulier, par les professions à forte intensité d’émissions de GES en déclin), de sorte que l’offre de main-d’œuvre pourrait bien excéder la demande dans ces segments du marché du travail. Les salaires inférieurs dans les emplois peu qualifiés peuvent également résulter d’un pouvoir de négociation plus faible des travailleurs, par exemple en raison d’un taux de syndicalisation inférieur dans les professions portées par la transition écologique (voir les données relatives aux États-Unis à l’Encadré 2.8), et d’un faible pouvoir de négociation des travailleurs peu qualifiés lorsqu’ils ne sont pas protégés par une représentation collective – voir par exemple Cahuc, Postel-Vinay et Robin (2006[84]) et Caldwell et Danieli (à paraître[85]).
Dans l’ensemble, la bonne nouvelle est qu’en moyenne, les emplois portés par la transition écologique sont généralement mieux rémunérés (ou du moins, pas moins rémunérés) que les autres emplois. En outre, pour de nombreux types de professions très et moyennement qualifiées portées par la transition écologique, notamment les emplois de soutien, il existe un avantage salarial considérable, qui les rend non seulement attractives, mais probablement accessibles à un niveau de compétences similaire (voir chapitre 4). La mauvaise nouvelle, c’est que cela ne vaut pas pour les professions peu qualifiées portées par la transition écologique : les emplois dans ces professions sont généralement moins bien rémunérés que d’autres emplois peu qualifiés. Ces résultats soulignent l’importance non seulement des politiques de renforcement des compétences (chapitre 4), mais aussi d’autres politiques du marché du travail, y compris, éventuellement, de certaines formes d’assurance salariale (chapitre 3), pour faciliter et accompagner la transition.
Dans certains pays, les syndicats craignent que le redéploiement des travailleurs exerçant des activités à forte intensité d’émissions vers des activités à faible intensité d’émissions ne donne lieu à un délaissement des emplois les plus susceptibles d’être syndiqués au profit de nouveaux emplois moins susceptibles d’être syndiqués et risquant donc d’offrir des conditions de travail plus défavorables? C’était l’une des questions au cœur de la longue grève des United Auto Workers (UAW – Syndicat des travailleurs unifiés de l’automobile) aux États-Unis à l’automne 2023 : l’UAW voulait des garanties que les les conventions collectives existantes s’appliqueraient également aux nouvelles usines de batteries dont la construction est prévue dans les années à venir, afin de garantir que les travailleurs des usines dédiées aux moteurs à combustion interne puissent être transférés dans les nouvelles usines tout en conservant la même structure de salaires et d’avantages1. Toutefois, même dans les pays dans lesquels les taux de syndicalisation et de couverture conventionnelle sont élevés, la transition vers la neutralité carbone risque d’entraîner un recul des secteurs les plus organisés. En Suède, par exemple, le constructeur de voitures électriques Tesla a fait face à sa première grève à l’échelon mondial en novembre 2023 en raison de sa « politique anti-syndicat » et de son refus de négocier une convention collective pour ses ateliers de réparation et d’entretien à l’échelle du pays2.
Dans les pays de l’OCDE où les conventions collectives sont majoritairement négociées au niveau sectoriel, le risque d’abandon des conventions existantes est plus limité car, dans certains pays, les conventions collectives sont, suivant certains critères, appliquées à toutes les entreprises, et/ou les organisations patronales ont également intérêt à ce que toutes les entreprises appliquent les dispositions fixées dans les conventions collectives afin de garantir des conditions de concurrence équitables entre elles. En revanche, dans les pays où les conventions collectives sont négociées exclusivement au niveau des entreprises, il peut être plus difficile de s’assurer que leurs dispositions continuent de s’appliquer aux nouvelles entreprises et usines. C’est notamment le cas aux États-Unis, où un vote offensif, usine par usine, est souvent nécessaire pour créer un syndicat et négocier une convention collective.
Le Graphique 2.11 montre qu’aux États-Unis du moins, ces préoccupations sont justifiées : les travailleurs exerçant des professions concentrées dans des secteurs à fortes émissions sont plus souvent couverts par une convention collective que les autres travailleurs (en d’autres termes, les professions à forte intensité d’émissions de GES sont plus susceptibles d’être couvertes par une convention collective), tandis que les travailleurs exerçant des professions portées par la transition écologique, en particulier ceux exerçant des professions nouvelles et émergentes et des professions dont le niveau de qualification est tiré par la transition écologique, sont moins susceptibles de bénéficier d’une convention collective. Si les pratiques de syndicalisation des États-Unis ne sont probablement pas représentatives des pays de l’OCDE, une analyse similaire menée par Zwysen (2024[86]) pour l’Union européenne montre que, malgré des contextes institutionnels très différents, le taux de couverture conventionnelle est également nettement supérieur dans les professions à forte intensité d’émissions de GES que dans les autres professions ; par conséquent, faute d’amélioration de la couverture conventionnelle de ces dernières, ce taux devrait diminuer au fur et à mesure de la contraction des secteurs à forte intensité d’émissions de GES.
Pour remédier, au moins en partie, aux préoccupations des syndicats qui craignent que la transition vers la neutralité carbone ne se traduise par un recul des salaires et des avantages des travailleurs directement concernés, l’Inflation Reduction Act, une loi fédérale adoptée par les États-Unis pour (entre autres objectifs) promouvoir l’énergie propre, contient des dispositions en faveur des entreprises qui versent des salaires équivalents à ceux fixés dans les conventions collectives en vigueur.
Autre aspect de la qualité de l’emploi : la sécurité de l’emploi, mesurée en combinant le risque de perte d’emploi au coût individuel global de la période de chômage qui s’ensuit, en termes de perte de salaire (Nickell, Jones et Quintini, 2002[87]). Le risque individuel de chômage peut donc être considéré comme une mesure synthétique de l’insécurité de l’emploi (voir chapitre 1)45. Dans le cas des chômeurs justifiant d’une expérience professionnelle antérieure, les enquêtes sur les forces de travail menées dans l’UE et aux États-Unis fournissent des informations sur la dernière profession exercée avant la période de chômage. Il est donc possible d’estimer le pourcentage de chômeurs dont le dernier emploi était une profession portée par la transition écologique et de le comparer au pourcentage de professions portées par la transition écologique parmi les travailleurs dans l’emploi46. Un pourcentage plus élevé chez les chômeurs mettrait en évidence un risque plus important de périodes de chômage prolongées et une moindre sécurité de l’emploi, dans le cas des emplois portés par la transition écologique. Voici ce qui ressort en réalité des données : en moyenne, dans les pays pour lesquels des données sont disponibles, les professions portées par la transition écologique représentent 23 % des derniers emplois occupés par les chômeurs, alors qu’elles n’en représentent que 21.1 % chez les travailleurs dans l’emploi – Graphique 2.12, partie A.
Les emplois portés par la transition écologique sont en moyenne plus précaires que les autres emplois dans la plupart des pays de l’OCDE : dans cinq d’entre eux seulement (Danemark, Finlande, Royaume‑Uni, Suède, Suisse), les données laissent supposer que ces emplois sont moins fréquents parmi les derniers emplois des chômeurs que parmi ceux des travailleurs dans l’emploi. Ces résultats semblent également remarquablement stables une fois prises en compte les caractéristiques individuelles – Graphique 2.12, partie B. En revanche, les professions à forte intensité d’émissions de GES ne sont que marginalement plus fréquentes chez les chômeurs que chez les travailleurs dans l’emploi (3 % plus fréquentes une fois les caractéristiques démographiques observables prises en compte), et cette différence n’est pas statistiquement significative. Cela est cohérent avec le fait que ces emplois sont relativement stables jusqu’à ce qu’ils soient supprimés à la suite d’une restructuration (voir chapitre 3). C’est pourquoi, lorsque la transition s’accélérera, on peut s’attendre à ce que la sécurité de ces emplois se détériore.
L’écart entre les professions portées par la transition écologique et les autres en termes de sécurité de l’emploi est néanmoins entièrement dû à la plus grande insécurité des professions recherchées dans le cadre de la transition écologique : la part de ces professions parmi les derniers emplois des chômeurs est supérieure de 13 % à leur part chez les travailleurs dans l’emploi – Graphique 2.12, partie B47. En revanche, en ce qui concerne la part des professions vertes nouvelles et émergentes et des professions dont le niveau de qualification est tiré par la transition écologique présente, soit l’écart entre les travailleurs dans l’emploi et les chômeurs est négligeable, soit ces derniers enregistrent une part inférieure, ce qui indique une insécurité de l’emploi équivalente ou inférieure pour ces deux groupes de professions.
Toutefois, comme dans le cas des salaires, une analyse plus approfondie donne à penser que les différences entre les trois types de professions portées par la transition écologique sont principalement imputables au fait que les professions nouvelles et émergentes sont majoritairement des professions très qualifiées offrant une plus grande sécurité de l’emploi, alors que c’est exactement l’inverse pour les professions dont les compétences sont tirées par la transition écologique et, en particulier, pour les professions recherchées dans le cadre de cette transition. Une fois les caractéristiques démographiques et professionnelles observables prises en compte, toutes les professions portées par la transition écologique semblent un peu plus précaires que les autres professions. Si l’on tient compte du secteur et des professions de la CITP à un chiffre, on estime que les professions nouvelles et émergentes, celles dont les qualifications sont tirées par la transition écologique et les professions recherchées dans le cadre de cette transition sont respectivement 2.7 %, 0.2 % et 10 % plus fréquentes chez les chômeurs que chez les personnes dans l’emploi (Graphique 2.13)48.
Toutefois, sauf dans le cas des professions dont le niveau de qualification est tiré par la transition écologique, les niveaux d’insécurité de l’emploi sont principalement imputables aux professions peu qualifiées : pour ces emplois portés par la transition écologique, la sécurité de l’emploi semble en effet moindre pour les professions peu qualifiées recherchées dans le cadre de la transition écologique que pour les autres professions peu qualifiées, alors qu’on n’observe pas de différences significatives au sein des professions très qualifiées – voir Graphique 2.1349. En revanche, on observe exactement l’inverse pour les professions dont le niveau de qualification est tiré par la transition écologique50.
La différence d’incidence des contrats à durée déterminée est l’un des facteurs susceptibles d’expliquer les divergences entre les différents types de professions portées par la transition écologique en matière de sécurité de l’emploi. Les données laissent effectivement supposer qu’en moyenne, les contrats à durée déterminée sont souvent associés à une moindre sécurité de l’emploi, et en particulier à un risque plus élevé de perte d’emploi – voir par exemple OCDE (2014[15])51. Conformément à cette hypothèse, la tendance observée pour les professions peu qualifiées en matière de sécurité de l’emploi et présentée dans le Graphique 2.13 se reflète dans les résultats similaires obtenus au regard du type de contrat. Au sein des professions peu qualifiées, les contrats à durée déterminée sont en moyenne plus fréquents dans les professions recherchées dans le cadre de la transition écologique et dans les professions nouvelles et émergentes (de 24 % et 26 %, respectivement), alors que c’est l’inverse pour les professions dont les qualifications sont tirées par la transition (voir Graphique 2.14). Au contraire, les tendances décrites dans le Graphique 2.13 et le Graphique 2.14 divergent en ce qui concerne les professions très qualifiées. Quel que soit leur type, les professions très qualifiées et portées par la transition écologique sont systématiquement moins fréquentes que les autres professions très qualifiées chez les salariés titulaires un contrat à durée déterminée, mais pas chez les chômeurs , ce qui laisse supposer que le type de contrat n’est pas le principal facteur de sécurité de l’emploi dans ces professions très qualifiées. En d’autres termes, ces résultats donnent à penser que le travailleur typique exerçant des professions très qualifiées et portées par la transition écologique est plus susceptible d’être titulaire d’un contrat à durée indéterminée que les travailleurs d’autres professions très qualifiées, mais que souvent il ne bénéficie pas d’une meilleure sécurité de l’emploi52.
Ces résultats peuvent s’expliquer par le fait que les travailleurs très qualifiés dans les professions portées par la transition écologique occupent généralement des postes de haut niveau dans des start-ups ou des activités innovantes caractérisées par une croissance moyenne élevée, mais aussi par des taux d’échec et des abandons importants, et donc par un risque relativement élevé de destruction d’emplois. Toutefois, les avantages salariaux compensent probablement le manque de sécurité de l’emploi. En outre, les professions très qualifiées dont le niveau de qualification est tiré par la transition écologique se caractérisent probablement par des taux élevés de restructuration en raison de l’évolution des compétences et des exigences professionnelles – voir section 2.1.2. Les travailleurs incapables de s’adapter aux nouvelles exigences risquent donc d’avoir des difficultés à maintenir leur employabilité53. Parallèlement, d’autres professions très qualifiées (non liées à l’environnement), comme les professionnels de santé ou les développeurs de logiciels, enregistrent une part relativement élevée de contrats à durée déterminée, mais bénéficient toujours d’une grande sécurité de l’emploi (faibles taux de chômage) car elles font face à une importante demande de main-d’œuvre. En revanche, la situation des travailleurs peu qualifiés est probablement différente : à l’instar de leur avantage salarial négatif (voir section 2.3.1), leur risque de chômage plus élevé et l’incidence des contrats à durée déterminée reflètent probablement la faiblesse de leur position dans le marché du travail.
La troisième dimension de la qualité de l’emploi est la qualité de l’environnement de travail, qui englobe les aspects non économiques des emplois, notamment la nature et le contenu du travail effectué, les horaires de travail et les relations professionnelles. Dans le Cadre de l’OCDE pour la qualité de l’emploi, la qualité de l’environnement de travail est mesurée par la fréquence du stress au travail, qui résulte de ressources insuffisantes sur le lieu de travail (par exemple, autonomie professionnelle, soutien social au travail ou possibilités d’apprentissage) pour exécuter les tâches requises (par ex. intensité du travail ou facteurs de risque pour la santé physique) – voir chapitre 1 pour une analyse plus approfondie.
La mesure de la qualité de l’environnement de travail nécessite des informations détaillées sur les conditions de travail qui ne sont généralement disponibles que dans le cadre des enquêtes ad hoc menées à intervalles irréguliers à l’échelon international ou national. En outre, la mise en relation de ces enquêtes et de la taxonomie O*NET des catégories professionnelles vertes nécessite des informations sur les professions à un niveau très détaillé, une exigence contraignante qui n’est souvent pas respectée dans les enquêtes ad hoc. Par conséquent, seules les informations relatives à 2021 pour les pays européens54 et à 2015 pour les États-Unis sont disponibles dans cette section55. En outre, la taille de l’échantillon de ces enquêtes est relativement restreinte et, par conséquent, seuls les résultats agrégés sont présentés dans le corps du texte.
Même en gardant ces limites à l’esprit, les données disponibles fournissent des informations utiles. Le Graphique 2.15 montre qu’en moyenne, les emplois portés par la transition écologique sont caractérisés par des niveaux de stress au travail similaires à ceux des autres emplois (plus précisément, le graphique montre que la part des professions portées par la transition écologique est similaire parmi les travailleurs soumis ou non à du stress), ce qui signifie que la qualité de l’environnement de travail n’est ni meilleure ni pire qu’ailleurs. Comme pour les autres composantes du Cadre de l’OCDE pour la qualité de l’emploi (voir les sections 2.3.1 et 2.3.2), les moyennes révèlent une importante hétérogénéité d’un pays à l’autre (Graphique d’annexe 2.C.12.) : dans des pays tels que la Grèce, le Portugal ou la Tchéquie, le stress au travail est plus élevée dans les professions portées par la transition écologique que dans les autres professions, alors qu’elle est moindre en Belgique, en Italie et en Suède.
Le Graphique 2.15 montre qu’il existe également une forte hétérogénéité entre les trois composantes des professions vertes, comme l’a déjà souligné Eurofound (2022[88]) : les professions nouvelles et émergentes et les professions dont le niveau de qualification est tiré par la transition écologique sont nettement moins soumises à du stress, tandis que les professions recherchées dans le cadre de la transition écologique y sont nettement plus soumises. Contrairement aux deux autres dimensions de la qualité de l’emploi, les différences entre les trois types de professions portées par la transition écologique ne sont pas imputables au fait que les professions nouvelles et émergentes sont concentrées parmi les professions très qualifiées : même en tenant compte des principales caractéristiques de l’emploi, les résultats pour les trois types de professions portées par la transition écologique demeurent inchangés sur le plan qualitatif, ce qui donne à penser que les différences en termes de stress au travail sont une caractéristique plus structurelle de ces groupes que les différences en termes de salaires et de sécurité de l’emploi (Graphique d’annexe 2.C.13).
À l’inverse, les professions concentrées dans les secteurs à fortes émissions se caractérisent par des niveaux plus élevés de stress au travail que les autres emplois (encore une fois, plus précisément, le Graphique 2.15 montre que la part des professions à forte intensité d’émissions de GES est plus élevée parmi les emplois soumis à du stress au travail que parmi ceux non soumis à du stress), ce qui signifie que la qualité de l’environnement de travail est moindre qu’ailleurs. Dans tous les pays, à l’exception de la Slovénie, le stress au travail est plus importante dans les professions à forte intensité d’émissions de GES que dans les autres professions (Graphique d’annexe 2.C.12.).
En conclusion, les professions concentrées dans les secteurs à forte intensité d’émissions bénéficient d’un environnement de travail de moindre qualité que les autres professions. Cela peut pousser certains travailleurs à chercher de meilleurs emplois ailleurs. Par conséquent, comme nous l’avons indiqué plus haut lors de l’examen du profil d’âge des travailleurs employés dans les secteurs à forte intensité d’émissions de GES (voir la section 2.2.2), le problème du redéploiement peut être résolu en partie par une certaine diminution naturelle des effectifs. En revanche, le tableau est plus mitigé pour les professions portées par la transition écologique : les professions nouvelles et émergentes et les professions dont les qualifications sont tirées par la transition écologique bénéficient clairement d’un environnement de travail de meilleure qualité, tandis que le groupe des professions recherchées dans le cadre de cette transition semble moins attrayant que les autres en termes d’environnement de travail, ce qui soulève de nouvelles questions quant à sa capacité à attirer les travailleurs nécessaires à la transition.
La présente édition des Perspectives de l’emploi est consacrée aux effets de la transition vers la neutralité carbone sur les emplois et les revenus. Si l’on s’accorde généralement à penser que l’effet net de la transition écologique sur l’emploi global sera modeste, les redéploiements qu’elle entraînera à l’échelle des secteurs, des professions et des régions seront considérables. Ce chapitre met l’accent sur les emplois qui devraient profiter de la transition vers la neutralité carbone, et examine leur répartition et leur attractivité. Pour ce faire, il introduit la notion de professions portées par la transition écologique, qui va au-delà du concept plus traditionnel d’« emplois verts » pour englober aussi les emplois qui ne contribuent pas directement à réduire les émissions, mais qui devraient être recherchés en raison de liens en amont.
Si 20 % environ des travailleurs exercent des professions portées par la transition écologique dans les pays de l’OCDE, le chapitre montre que moins d’une sur six est nouvelle ou émergente. Le reste correspond à des emplois dont les compétences évoluent sous l’effet de la transition vers la neutralité carbone, et à des emplois qui seront recherchés car ils fournissent des biens et des services nécessaires aux activités vertes. À titre de comparaison, 6 % environ des emplois concernent des professions à forte intensité d’émissions de GES. Les professions portées par la transition écologique et les professions à forte intensité d’émissions de GES sont souvent concentrées dans les zones rurales, mais dans des régions différentes, d’où un risque réel de creusement des disparités géographiques lors de la transition vers la neutralité carbone.
Ce chapitre met plus particulièrement l’accent sur la qualité des emplois portés par la transition écologique, en s’appuyant sur le cadre d’analyse de la qualité de l’emploi de l’OCDE. L’analyse montre que ces emplois sont généralement mieux rémunérés et comptent une plus faible proportion de contrats temporaires, mais sont plus précaires. Ceux qui devraient être très demandés parce qu’ils fournissent des services de support et des biens et services intermédiaires indispensables aux activités vertes (professions recherchées dans le cadre de la transition écologique) se caractérisent aussi par de moins bonnes conditions de travail.
Néanmoins, le secteur d’activité et le niveau de qualification de la profession influent considérablement sur ces résultats : l’écart entre les emplois portés par la transition écologique et les autres se réduit lorsque les caractéristiques observables de l’emploi sont prises en compte. Seule exception, la qualité de l’environnement de travail (c’est-à-dire les aspects non économiques des emplois, comme la nature et le contenu du travail effectué, les horaires de travail et les relations professionnelles), qui reste inchangée. Par ailleurs, l’avantage qu’ont les emplois portés par la transition écologique, y compris les emplois de support, par rapport aux autres en termes de qualité concerne souvent principalement les emplois très qualifiés, ce qui donne à penser que les travailleurs dotés des compétences spécifiques requises par ces emplois disposent d’un avantage concurrentiel sur le marché du travail et sont bien placés pour récolter les fruits de la transition écologique. À l’inverse, les professions peu qualifiées portées par la transition écologique se caractérisent souvent par une rémunération et une sécurité de l’emploi moindres, ce qui donne à penser que les emplois portés par la transition écologique pourraient sembler moins attractifs que d’autres ou inaccessibles pour les travailleurs peu qualifiés sans une montée en compétences importante. L’augmentation de la demande pour les professions portées par la transition écologique contribuera très probablement à améliorer la qualité des emplois, en intensifiant la concurrence à laquelle se livrent les entreprises pour attirer les travailleurs dotés des compétences requises. Toutefois, la qualité actuelle des emplois est un indicateur de l’attractivité des emplois et une bonne variable prédictive de leur qualité future. Dans ces conditions, les politiques du marché du travail seront essentielles pour faire en sorte que la transition vers la neutralité carbone soit juste et que ses avantages et ses coûts soient équitablement partagés. Les mesures visant à améliorer la qualité des emplois portés par la transition écologique (par ex. conditionnalité des subventions vertes en fonction des conditions de travail), ainsi que les politiques en matière de compétences, les politiques actives du marché du travail, le dialogue social et la négociation collective pourraient avoir un rôle important à jouer dans ce processus et seront examinés en détail dans les deux chapitres suivants.
Pour suivre les effets de la transition vers la neutralité carbone sur le marché du travail, il faudra toutefois impérativement disposer de données de meilleure qualité. Comme indiqué dans la section 2.1, dans la plupart des pays, les données existantes ne sont pas suffisamment détaillées, ce qui se traduit inévitablement par un manque de précision et une forte incertitude. Pour permettre un suivi et une évaluation rapides et efficaces des effets de la transition écologique sur le marché du travail, la plupart des pays devraient revoir le niveau de ventilation des statistiques relatives au marché du travail collectées et mises à disposition pour la recherche, comme les enquêtes sur la population active et les données des registres. Les classifications internationales existantes des professions et des secteurs d’activité, comme la CITP et la CITI, ne permettent pas de recenser précisément les travailleurs qui occupent des emplois verts en plein essor. Il serait donc souhaitable de disposer d’enquêtes sur la population active et d’autres données sur le marché du travail à un niveau de ventilation plus poussé pour certaines professions et certains secteurs. Par exemple, les professions et les secteurs liés à l’utilisation des énergies renouvelables pourraient être séparés de ceux liés aux combustibles fossiles56. Dans la mesure où le travail effectué par des travailleurs comparables peut être plus ou moins respectueux de l’environnement selon la manière dont les tâches sont exécutées et l’activité globale de leur usine, cela pourrait être insuffisant. C’est pourquoi des enquêtes ponctuelles auprès des employeurs et des salariés portant sur l’utilisation des technologies et des pratiques vertes par les travailleurs – comme l’enquête GTP de 2012 aux États-Unis (BLS, 2013[44]) – ou des inventaires nationaux des tâches vertes par profession – comme O*NET aux États-Unis – devraient être nécessaires en complément. Par ailleurs, il est essentiel d’envisager la possibilité de croiser les données issues de ces enquêtes avec les données employeur-salarié couplées qui sont mises à jour régulièrement, à des fins de suivi et d’analyse.
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Les correspondances entre les diverses classifications des professions utilisées dans les différents pays de l’OCDE sont généralement des correspondances plusieurs à plusieurs, ce qui signifie que chaque profession d’une classification correspond à plusieurs professions d’une autre classification, et inversement. Par conséquent, la correspondance entre deux professions n’est souvent que partielle. Ce chapitre adapte et applique la méthodologie élaborée initialement par Dingel et Neiman (2020[51]) pour les indicateurs des caractéristiques professionnelles communes à tous les emplois d’une même profession, telle que définie dans la classification type des professions d’un pays (par exemple, la proportion de travailleurs occupant des emplois portés par la transition écologique, qui prend la même valeur – 0 ou 100 % – au sein de chaque profession à 8 chiffres de la SOC). Cette méthode permet d’estimer de manière fiable la moyenne de ces indicateurs pour les professions relevant d’un système de classification différent utilisé dans un autre pays. À l’origine, ce sont Dingel et Neiman (2020[51]) qui ont élaboré la méthode permettant de transposer tout indicateur spécifique à une profession relevant du système de la SOC des États-Unis dans le système CITP en établissant une correspondance pondérée, mais la méthode peut être appliquée plus généralement.
Pour présenter plus simplement la méthode, prenons un exemple dans lequel les professions du système de la SOC sont définies comme les professions d’origine, les États-Unis comme le pays d’origine et le système de la CITP comme les professions cibles. Pour chaque pays cible utilisant le système CITP (par ex. un pays européen), la méthode suit quatre étapes.
1. Les cellules CITP-SOC sont déterminées sur la base d’une correspondance standard plusieurs à plusieurs. Ces cellules seront dénommées ci‑après cellules de connexion.
2. Pour chaque pays cible, la part dans l’emploi aux États-Unis de chaque cellule de connexion CITP-SOC ic est déterminée à l’aide de la formule suivante :
où i (ou c) désigne les catégories de la CITP (ou de la SOC des États-Unis), indique la part de la profession de la SOC c dans l’emploi aux États-Unis, indique la part de la profession de la CITP i dans l’emploi du pays cible, et indique toutes les professions de la CITP (désignées par k) correspondant à la profession de la SOC c. En d’autres termes, la part dans l’emploi aux États-Unis est « distribuée » entre les professions proportionnellement à leurs parts dans l’emploi du pays cible.
3. La valeur de l’indicateur défini au niveau de la SOC (par ex. indicateur établissant l’appartenance ou non à une profession portée par la transition écologique) est attribuée à l’ensemble des cellules de connexion CITP-SOC correspondant à la même catégorie de la SOC.
4. Pour chacune des professions de la CITP, la valeur de chaque indicateur présentant un intérêt (par ex. la proportion d’emplois portés par la transition écologique) est obtenue sous la forme d’une moyenne pondérée de l’indicateur dans chaque cellule de connexion CITP-SOC, servant de facteur de pondération, c’est-à-dire :
où X représente l’indicateur choisi et et indiquent l’ensemble des professions de la SOC (désignées par j ou c) correspondant à une profession de la CITP i. En d’autres termes, peut être considéré comme un facteur de pondération de la correspondance (spécifique au pays).
Cette méthode permet d’obtenir une correspondance pondérée par pays. La moyenne nationale de l’indicateur X sera estimée pour chaque pays en agrégeant les professions de la CITP :
où X représente l’indicateur choisi.
Il est important de noter que, puisque la moyenne pondérée par l’emploi des moyennes des groupes est la moyenne globale, dans le cas particulier où dans l’équation ci-dessus et l’indicateur est constant dans tous les emplois de chaque catégorie professionnelle de la SOC (par ex. la proportion de salariés occupant des emplois portés par la transition écologique), la moyenne de l’indicateur mesurée pour l’ensemble de l’économie est la même, qu’elle soit calculée à partir des données originales ou converties57. En d’autres termes, lorsque les données des États-Unis sont converties de la SOC vers la CITP, puisque , il s’ensuit que :
Cela signifie que la part de ce type d’emploi (par ex. les emplois portés par la transition écologique) dans l’emploi aux États-Unis calculée à partir du système de la SOC peut être comparée avec la part de ce type d’emploi dans l’emploi dans d’autres pays, lorsqu’elle est calculée en suivant la méthode décrite ici58.
Cette méthode ne donne pas nécessairement lieu à un indicateur binaire final pour chaque profession cible du pays cible, même lorsque l’indicateur d’origine est binaire. Par exemple, par construction, la proportion de professions portées par la transition écologique est soit de 0 %, soit de 100 % dans les professions d’origine et le pays d’origine. Pourtant, dans le pays cible, la plupart des professions cibles enregistreront une proportion estimée d’emplois portés par la transition écologique comprise entre ces deux valeurs.
Les données aux niveaux des professions cibles peuvent ensuite être mises en correspondance avec d’autres ensembles de données du pays cible (par ex. les enquêtes sur la population active) afin de calculer la moyenne de l’indicateur choisi pour les groupes présentant des caractéristiques différentes – par exemple, la fréquence estimée des professions portées par la transition écologique chez les femmes. On obtiendra une moyenne pondérée des indicateurs pour les professions cibles, l’emploi des différents groupes dans chaque profession servant de facteur de pondération – c’est-à-dire, si l’on reprend le même exemple que ci-dessus, une moyenne pondérée de la proportion des emplois portés par la transition écologique dans chaque profession, l’emploi des femmes dans chaque profession servant de facteur de pondération.
La méthode originale a été appliquée par Dingel et Neiman aux catégories à 6 chiffres de la SOC et aux catégories à 2 chiffres de la CITP59. Toutefois, rien n’empêche de mieux exploiter les informations disponibles dans les enquêtes sur la population active et d’établir des correspondances pondérées spécifiques aux pays et à d’autres dimensions susceptibles d’être des déterminants clés de la distribution des professions (comme le genre et le secteur). Dans ce chapitre, pour calculer la part des professions portées par la transition écologique et à forte intensité d’émissions de GES, la méthode est appliquée aux professions à 8 chiffres de la SOC puis aux professions à 4 ou 3 chiffres de la CITP, généralement associées à d’autres dimensions, comme le genre et les secteurs à 1 chiffre de la CITI. Pour ce faire, on utilise un nouveau tableau de correspondances « plusieurs à plusieurs » élaboré par la Commission européenne (Secrétariat de l’ESCO) et le département du Travail des États-Unis (The O*NET Network, sous les auspices de l’Administration de l’emploi et de la formation)60.
Rien n’empêche d’appliquer cette méthode à d’autres correspondances. Dans ce chapitre, elle est utilisée pour mettre en correspondance le système de la SOC des États-Unis avec les classifications des professions utilisées dans d’autres pays (par ex. CTP du Canada et ANZSCO). Elle est également utilisée pour mettre en correspondance les secteurs à 2 chiffres de la CITI et les secteurs à 6 chiffres du SCIAN.
Une façon naturelle de calculer les écarts entre les variables individuelles des professions portées par la transition écologique et des autres professions lorsque les données individuelles sont agrégées par cellules (chaque cellule incluant à la fois les professions portées par la transition écologique et les autres professions) serait de calculer les différences en pourcentage entre les moyennes calculées pour chaque profession, ces dernières prenant la forme d’une moyenne pondérée des moyennes au niveau des cellules, le nombre estimé d’individus dans chaque groupe servant de facteur de pondération. Toutefois, si les données individuelles varient à l’intérieur des cellules, cela donne lieu à un biais d’atténuation.
Considérons le cas des salaires individuels comme un exemple pratique et supposons que l’écart salarial réel est positif et, pour simplifier, constant d’une profession à l’autre. L’écart salarial peut alors s’écrire comme suit :
où w représente les salaires moyens (salaires moyens globaux lorsque aucun exposant n’est indiqué), c la profession de la SOC, g les emplois portés par la transition écologique (G étant la part totale des emplois portés par la transition écologique), n les emplois non portés par la transition écologique (N étant la part totale de ces autres emplois), s la part des emplois portés par la transition écologique (dans la cellule c lorsque l’indice c est indiqué) et l’emploi dans la cellule SOC. À noter que dans le système SOC, vaut soit 0, soit 1 , de sorte que quand et quand , qui implique et
Pour donner un exemple concret, utilisons la CITP comme classification professionnelle cible – voir Annexe 2.A. L’application des mêmes formules à la CITP introduit un biais par défaut dans à chaque fois que la part estimée des emplois portés par la transition écologique dans une profession de la CITP diffère de 0 ou de 1. Cela s’explique par le fait que (i désignant la profession de la CITP) :
Le terme du côté droit de l’égalité la plus à droite représente la manière naturelle d’estimer le salaire moyen des professions portées par la transition écologique à partir des données agrégées de la CITP (puisque n’est pas observable). La dernière égalité provient du fait que :
De la même manière, on peut montrer que :
Cela implique que le numérateur de l’écart salarial estimé à partir des données agrégées de la CITP est affecté d’un biais vers zéro. Il convient de noter que plus ce biais est important, plus le nombre d’emplois dans les cellules est élevé, de sorte que est proche de son maximum, c’est-à-dire proche de Cela se vérifie quelles que soient la relation entre les salaires et la précision des parts agrégées de la CITP dans chaque cellule. En d’autres termes, pour que cette méthode donne lieu à une estimation précise de l’écart salarial, la plupart des parts agrégées de la CITP doivent être proches de 0 ou de 1.
En principe, le même problème se pose avec les variables discrètes, s’il est nécessaire d’agréger les données en parts par cellule mais que les données originales varient d’un individu à l’autre au sein d’une même cellule. Dans ce cas, le biais est d’autant plus important que la part dans l’emploi des cellules dans lesquelles la proportion d’emplois portés par la transition écologique est proche de 50 % est élevée.
Lorsque l’on calcule la proportion d’emplois portés par la transition à l’intérieur d’un intervalle de salaire ou d’une catégorie spécifique (par ex. niveau d’études), le problème d’agrégation évoqué plus haut est moins marqué. Considérons la proportion P d’emplois portés par la transition écologique dans une catégorie donnée S :
où j désigne les individus de la catégorie S, est la part réelle des emplois portés par la transition écologique correspondant à la profession de l’individu dans la SOC (est donc égale à 0 ou 1), tandis que représente la pondération de l’individu j dans l’emploi. Supposons maintenant que P soit estimée par :
où représente la somme des pondérations individuelles pour chaque catégorie i et catégorie S de la CITP, tandis que indique la part des emplois portés par la transition écologique dans la catégorie i. Pour chaque individu j dans la catégorie S, l’erreur de mesure serait soit ou Par conséquent, pour chaque catégorie de la CITP, l’erreur moyenne serait exprimée par , où représente la proportion réelle d’emplois portés par la transition écologique dans la catégorie S de la cellule i de la CITP. Pour que cela génère un biais important et systématique, devrait être très supérieur ou très inférieur à en moyenne pour toutes les catégories de la CITP. En d’autres termes, la précision moyenne des parts agrégées de la CITP dans chaque cellule devrait être très faible. Il s’agit d’une condition beaucoup plus forte (et moins probable) que celle qui s’applique aux écarts. Une analyse effectuée par le Secrétariat au moyen des données de la Current Population Survey par catégories de salaires élevés/moyens/bas et professions de la CITP en lieu et place des professions de la SOC donne en effet des erreurs de mesure de 15 % ou moins61, tandis que l’erreur sur l’écart salarial, directement calculé sous la forme d’une moyenne pondérée des salaires moyens au niveau des cellules, est de l’ordre de 70 %.
← 1. En outre, les coûts estimés seraient encore plus importants si l’on prenait en compte une définition plus large du bien être : par exemple, Heutel, Miller et Molitor (2021[26]) estiment que si l’on ne fait rien pour lutter contre le changement climatique, la mortalité des personnes âgées dans un pays comme les États-Unis pourrait augmenter de plus de 2 % d’ici à la fin du siècle.
← 2. Les parcours individuels suivis pour quitter les emplois à forte intensité d’émissions seront examinés au chapitre 3.
← 3. En 2012, la Commission de statistique des Nations Unies (Nations Unies, 2012[32]) a adopté le Cadre central du Système de comptabilité économique et environnementale (SCEE). Ce cadre permet d’estimer l’emploi dans le secteur des biens et des services environnementaux. Prenant appui sur le Cadre central du SCEE, l’OIT (OIT, 2013[90]) propose une définition des emplois verts adoptée à la 19e Conférence internationale des statisticiens du travail (CIST). Cette définition établit une distinction entre l’emploi dans le secteur de l’environnement (emploi dans les processus environnementaux et emploi dans la production de produits environnementaux) et les emplois verts, qui englobent ces catégories mais doivent également répondre aux critères du travail décent. Les difficultés conceptuelles et pratiques liées à la mise en œuvre de cette définition ont limité son adoption dans les travaux publiés.
← 4. Cette méthode utilise généralement les émissions directes et indirectes de gaz à effet de serre générées lors de la production d’un bien ou d’un service, et considère comme vertes les activités dont les émissions sont les plus faibles. Toutefois, bien que cette approche soit intéressante, le manque de données rend difficile son utilisation systématique, en particulier pour recenser les emplois verts (Rodrigues et al., 2018[89] ; Bontadini et Vona, 2023[30]).
← 5. Ces dernières sont définies comme : i) les activités visant principalement à prévenir, réduire et éliminer la pollution et les autres formes de dégradation de l’environnement ; et ii) les activités visant principalement à préserver le stock de ressources naturelles et, par là même, à éviter son épuisement – voir par exemple Keese et Marcolin (2023[7]).
← 6. Voir www.ons.gov.uk/economy/environmentalaccounts/methodologies/thechallengesofdefiningagreenjob.
← 7. Cela signifie que l’emploi d’un agent de sécurité travaillant pour une centrale de production d’énergie renouvelable serait considéré comme vert, tandis que l’emploi d’un technicien éolien travaillant pour une centrale principalement active dans la production d’électricité à partir de combustibles fossiles ne le serait pas.
← 8. Les tâches vertes peuvent être définies comme des activités typiques associées à une profession particulière qui ont un impact positif direct sur les objectifs écologiques et sont directement associées à des activités écologiques, telles que : la réduction des intrants, l’efficience, et l’utilisation des énergies renouvelables ; la réduction, la réutilisation et l’atténuation des déchets ; la réduction, la prévention et l’atténuation de la pollution et des gaz à effet de serre ; la conservation et la restauration des ressources naturelles ; et la défense et l’analyse de l’environnement (Peters, 2013[35]). Une définition plus large pourrait englober toute tâche exécutée à l’aide de technologies économes en ressources ou respectueuses de l’environnement (Biagi, Vona et Bitat, 2021[56]).
← 9. La plupart, sinon la totalité, des études qui examinent l’intensité des emplois en termes de tâches vertes prennent pour point de départ cette liste des tâches vertes par profession publiée par O*NET.
← 10. Production d’énergie renouvelable ; transports verts (activités liées à l’accroissement de l’efficience et à la réduction de la pollution dans les transports) ; efficacité énergétique ; écoconstruction (construction d’écobâtiments neufs, mise en conformité et installation d’autres technologies vertes dans les bâtiments) ; négoce d’énergie ; stockage de l’énergie ; CUSC ; recherche, conception et services de conseil liés à l’énergie ; protection de l’environnement ; agriculture et sylviculture naturelles ou à haut rendement ; fabrication de technologies vertes et processus de fabrication à haut rendement énergétique ; administrations gouvernementales et réglementaires associées à la conservation et à la prévention de la pollution, à l’application de la réglementation, à l’analyse des politiques et à leur défense.
← 11. Par exemple, la plupart des catégories de travailleurs du secteur de la construction, comme les maçons et les finisseurs de béton, seront probablement recherchés du fait de la nécessité de construire de nouvelles infrastructures, même si leur emploi n’est pas directement lié à une activité verte ou sobre en carbone, comme décrit plus haut – voir par ex. Dierdorff et al. (2011[46]).
← 12. L’OIT a également inscrit également les activités d’adaptation au climat sur la liste des activités verts.
← 13. Quelques études menées en Europe donnent lieu à des estimations beaucoup plus importantes, de l’ordre de 40 % – par ex. Bowen et Hancké (2019[92]) et Eurofound (2022[88]). Toutefois, comme l’ont montré Valero et al. (2021[29]), si ces estimations sont aussi élevées, c’est principalement parce qu’il est très difficile d’établir des correspondances entre les informations contenues dans une classification des professions (SOC des États-Unis) et celles contenues dans une autre (CITP), et parce que chaque profession de la CITP correspondant à au moins une profession de la SOC a été classée dans la catégorie « verte », ce qui est un choix discutable. Plus généralement, comme l’affirme Biagi, Vona et Bitat (2021[56]), le fait que l’emploi vert pèse beaucoup plus lourd dans les autres pays qu’aux États-Unis montre que la mise en correspondance des classifications professionnelles a été mal réalisée – voir également Annexe 2.A.
← 14. Il convient de souligner que cette définition est purement opérationnelle, car elle sert à caractériser les emplois sur lesquels la transition vers la neutralité GES a vraisemblablement une incidence positive, et ne doit pas être considérée comme une définition normative des emplois souhaitables.
← 15. France Stratégie et la Dares (2022[95]) ont réalisé un exercice de prévision de croissance des professions dont les résultats ont été publiés à un niveau relativement détaillé (83 professions). Cet exercice inclut des prévisions relatives à un scénario sobre en carbone utilisé par France Stratégie (2023[96]) pour mettre en évidence les professions auxquelles la transition vers la neutralité GES est susceptible de donner un coup de fouet. Toutefois, il n’existe pas de correspondances claire entre la classification utilisée dans ces publications (FAP87) et la CITP (ni d’autres classifications professionnelles courantes), et la classification en question reste relativement agrégée par rapport aux classifications utilisées plus couramment dans ce chapitre. Pour ces raisons, ces données ne sont pas exploitées dans ce chapitre.
← 16. Plus précisément, il est probable que, dans chaque profession de ce groupe, de nouveaux emplois assortis de tâches modifiées et plus écologiques (nécessitant des compétences et des qualifications différentes) gagneront du terrain, et que les anciens emplois associés aux anciens types de tâches et exigences de compétences reculeront.
← 17. La version 2019 de la base de données O*NET utilisée ici pour définir ces professions est la plus récente, et actualise les emplois et les tâches associés aux activités de l’économie verte (version 24.1 de la base de données O*NET) – www.onetcenter.org/dictionary/24.1/excel/).
← 18. Toutefois, contrairement aux précédents travaux de l’OCDE, pour les pays utilisant la CITP, le présent chapitre prend appui sur un nouveau tableau de correspondance élaboré à un niveau très détaillé dans le cadre d’un effort conjoint de la Commission européenne et du département du Travail des États-Unis – Commission européenne, Direction générale de l’emploi, des affaires sociales et de l’inclusion, par l’intermédiaire du Secrétariat de l’ESCO, et département du Travail des États-Unis, Administration de l’emploi et de la formation, par l’intermédiaire du réseau O*NET. Ce tableau établit des correspondances entre les professions à 8 chiffres de la SOC et les 3 008 catégories de l’ESCO, qui représentent une ventilation plus poussée des professions de la CITP au niveau à 4 chiffres. Il est disponible aux adresses suivantes : https://esco.ec.europa.eu/en/about-esco/data-science-and-esco/crosswalk-between-esco-and-onet et www.onetcenter.org/crosswalks/esco/ESCO_to_ONET-SOC.xlsx. En outre, ce chapitre prend davantage de pays en compte en établissant d’autres correspondances entre la SOC des États-Unis et la Classification nationale des professions (CNP) du Canada, ainsi que l’Australian and New Zealand Standard Classification of Occupations (ANZSCO). Voir https://github.com/thedaisTMU/NOC_ONet_Crosswalk et https://labourmarketinsights.gov.au/media/pmukn3qt/ anzsco-2013-to-onet-soc-2019.xlsx.
← 19. Les estimations globales des travailleurs exerçant des professions portées par la transition écologique présentées dans le Graphique 2.3 sont plus élevées que la plupart de celles figurant dans les analyses précédentes des « emplois verts » – voir section 2.1.1 ci-dessus – notamment certaines études de l’OCDE (Causa, Nguyen et Soldani, 2024[64] ; 2024[69]), essentiellement parce que le concept utilisé est plus général, cette analyse englobant toutes les professions susceptibles de tirer parti de la transition vers la neutralité GES. Les estimations des professions à forte intensité d’émissions de GES, au contraire, concordent largement avec les travaux antérieurs, et les petites différences peuvent s’expliquer par la sélection de secteurs à forte intensité d’émissions et par les différences de correspondances entre les diverses classifications professionnelles utilisées.
← 20. Il est montré plus bas que les professions vertes nouvelles et émergentes sont le groupe de professions portées par la transition écologique qui enregistre la croissance la plus rapide.
← 21. En moyenne, deux tiers des emplois « mixtes » concernent des professions dont le niveau de qualification est tiré par la transition écologique, un tiers des professions recherchées dans le cadre de cette transition, et moins de 0.2 % des professions nouvelles et émergentes.
← 22. Pourtant, comme nous l’avons vu plus haut, les professions nouvelles et émergentes ne représentent qu’une toute petite part du stock total des professions portées par la transition écologique.
← 23. Pour ce dernier groupe, la dynamique de l’emploi est susceptible de résulter d’un effet de composition, peut-être temporaire, car le segment (plus vaste) soumis aux anciennes exigences dans les secteurs en déclin recule, tandis que les emplois soumis aux nouvelles exigences dans le secteur plus respectueux de l’environnement (de taille plus modeste) gagnent du terrain. Une fois que la transition atteint un stade avancé, il est probable que la croissance de l’emploi dans ces professions reprendra.
← 24. Si l’on exclut les professions concentrées dans le secteur agricole, le taux moyen de déclin est deux fois inférieur mais reste important.
← 25. Le coefficient de corrélation entre les professions portées par la transition écologique et les professions à forte intensité d’émissions de GES atteint 0.41 (zéro correspondant à une absence de corrélation et 1 à une corrélation positive parfaite), et tombe à 0.29 si l’on exclut les professions pouvant être considérées à la fois comme portées par la transition écologique et à forte intensité d’émissions de GES.
← 26. D’après la définition d’Eurostat, une zone rurale est une zone dont plus de 50 % de la population vit dans des cellules rurales, c’est-à-dire en dehors des centres urbains ou des grappes urbaines.
← 27. Toutefois, l’écart entre zones rurales et urbaines est plus important dans le cas des professions à forte intensité d’émissions de GES que des professions portées par la transition écologique, ce qui donne à penser que les professions à forte intensité d’émissions de GES sont beaucoup plus concentrées dans les zones rurales que les emplois portés par la transition écologique.
← 28. En Australie, où cet écart est le plus important, la part des professions portées par la transition écologique chez les hommes est supérieure de 11.6 points de pourcentage à la moyenne nationale, alors qu’elle est inférieure de 13 points de pourcentage à la moyenne nationale chez les femmes. En Grèce, où l’écart est le plus réduit, la part des professions portées par la transition écologique chez les hommes est supérieure de 4.4 points de pourcentage à la moyenne nationale, alors qu’elle est inférieure de 6 points de pourcentage à la moyenne nationale chez les femmes.
← 29. Comme indiqué dans OCDE (2021[2]), les femmes, même si elles ne sont pas directement concernées, peuvent tout de même subir les effets indirects des fermetures d’usines. Au Royaume‑Uni, Aragon et al. (2018[94]) montrent que l’emploi des femmes a été touché une génération après la fermeture des mines. Les auteurs de l’étude attribuent ce décalage à la possibilité que les anciens mineurs aient rejeté certains emplois perçus comme des « travaux réservés aux femmes », alors que la génération suivante s’est montrée plus encline à saisir ces possibilités d’emploi.
← 30. Cette section reprend les trois dimensions du cadre de l’OCDE sur la qualité de l’emploi, mais les applique légèrement différemment afin de tenir compte du contexte et de la disponibilité des données. En particulier, alors que la mesure de la qualité des revenus d’activité tient compte à la fois des salaires horaires moyens et de leur distribution à l’échelon national, le présent chapitre, qui s’intéresse aux travailleurs individuels, ne prend en compte que les salaires horaires moyens.
← 31. Les travailleurs à salaire élevé (ou à bas salaire) sont définis comme ceux dont le salaire horaire brut est supérieur ou égal à une fois et demie le salaire médian du pays (ou inférieur à deux tiers de ce salaire). Les travailleurs à salaire moyen constituent la catégorie résiduelle incluant la médiane.
← 32. Comme le montre la partie B du Graphique 2.9, la statistique moyenne inconditionnelle présentée dans la partie A du Graphique 2.9 se situe dans l’intervalle de confiance à 95 % de l’estimation internationale obtenue par des méthodes de régression, en tenant compte des caractéristiques individuelles. Les estimations de régression présentées dans le reste de ce chapitre sont obtenues en ajustant des modèles de régression linéaire dans lesquels les variables dépendantes ont été multipliées par 20 et transformées au moyen d’une fonction sinus hyperbolique réciproque. La prémultiplication par 20 vise à s’assurer que les moyennes des échantillons sont supérieures à 10 pour l’ensemble des variables dépendantes, ce qui permet de garantir la fiabilité de l’estimation (Bellemare et Wichman, 2019[93]). Les effets en pourcentage sont obtenus en appliquant l’approximation logarithmique standard (Halvorsen et Palmquist, 1980[91]).
← 33. Compte tenu du nombre d’emplois dans les professions à forte intensité d’émissions de GES, l’effet sur l’écart salarial global entre les hommes et les femmes serait toutefois minime.
← 34. Les résultats de la Norvège ne sont pas imputables aux activités extractives en mer. Lorsque ce secteur est totalement exclu de l’échantillon, les résultats demeurent inchangés.
← 35. Il est intéressant de noter que dans 12 pays sur 26, les travailleurs à salaire moyen enregistrent la part la plus élevée de professions à forte intensité d’émissions de GES.
← 36. Voir Encadré 2.4 pour une explication détaillée de la différence entre les travailleurs des secteurs à forte intensité d’émissions de GES et les ceux des professions à forte intensité d’émissions de GES.
← 37. Voir section 2.1.2 pour des exemples d’emplois appartenant à chacune de ces catégories professionnelles.
← 38. Malgré ces différences, les corrélations, dans tous les pays, entre les avantages (désavantages) salariaux par type de professions portées par la transition écologique sont élevées (toujours supérieures à 0.6) et le classement des pays est relativement stable – le coefficient de corrélation de rang de Spearman le plus faible (0.6) est observé entre les professions vertes nouvelles et émergentes et les professions dont les compétences sont tirées par la transition écologique, mais il reste largement significatif aux seuils habituels. En d’autres termes, lorsqu’un type de profession portée par la transition écologique est mieux rémunéré dans un pays, tous les autres types de professions portées par la transition écologique bénéficieront également de salaires plus élevés.
← 39. Les résultats sont similaires d’un point de vue qualitatif si des professions portées par la transition écologique mais concentrées dans des secteurs à forte intensité d’émissions de GES sont exclues des différents types d’emplois portés par la transition écologique.
← 40. Voir Graphique d’annexe 2.C.6. Des exemples typiques de professions nouvelles et émergentes représentant une part significative de l’emploi sont par exemple les ingénieurs des eaux/en traitement des eaux usées et les représentants et évaluateurs d’équipement solaire. Toutes ces professions sont très qualifiées.
← 41. À l’exception des professions dont les qualifications sont tirées par la transition écologique, pour lesquelles cet effet s’accentue légèrement, tout en restant contenu.
← 42. Les résultats changent même de signe dans certains cas : les différences estimées sont de 19 %, ‑4 % et 27 % pour, respectivement, les professions nouvelles et émergentes, les professions dont le niveau de qualification est tiré par la transition écologique, et les professions recherchées dans le cadre de cette transition.
← 43. Ces résultats sont obtenus en fractionnant les échantillons en professions très, moyennement et peu qualifiées, et en ajustant les modèles de régression aux échantillons fractionnés.
← 44. Les résultats sont assez similaires pour les professions à forte intensité d’émissions de GES qui, au sein des professions très qualifiées, sont plus fréquentes chez les travailleurs à salaire élevé que chez les travailleurs à bas salaire (l’écart étant estimé à 25 %).
← 45. À ce risque s’ajoute en principe le taux effectif de remplacement des prestations de chômage (voir chapitre 1). Toutefois, les microdonnées utilisées dans ce chapitre ne permettent pas d’estimer ce taux au niveau individuel.
← 46. L’hypothèse sous-jacente, sur laquelle reposent ces estimations, est que tous les chômeurs qui travaillaient auparavant ont perdu leur précédent emploi. Pour apprécier ces résultats, il est important de garder à l’esprit que, sur des marchés du travail dynamiques, les travailleurs peuvent quitter leur emploi pour rechercher de meilleures possibilités d’emploi pendant leur période de chômage. Dans la mesure où certains sous-segments du marché des professions portées par la transition écologique sont très dynamiques, les statistiques présentées dans le Graphique 2.12 sont donc susceptibles de surestimer le niveau de précarité de ces emplois. Néanmoins, le fait que les professions portées par la transition écologique ne soient pas plus fréquentes parmi les périodes de chômage de courte durée (moins de 6 mois) que parmi toutes les autres donne à penser que le risque de surestimation est extrêmement limité.
← 47. En tenant compte des caractéristiques démographiques.
← 48. Bien que cette différence ne soit pas significative dans le cas des professions dont les qualifications sont tirées par la transition écologique.
← 49. Plus précisément, on estime que les emplois verts peu qualifiés, nouveaux et émergents, et les emplois recherchés dans le cadre de la transition écologique sont, respectivement, 12.7 % et 18 % plus fréquents chez les chômeurs que les autres emplois peu qualifiés.
← 50. Ces professions sont 31 % plus fréquentes parmi les chômeurs, lorsqu’elles sont très qualifiées, et 11 % moins fréquentes lorsqu’elles sont moyennement ou peu qualifiées.
← 51. Si cela se vérifie en moyenne, il existe néanmoins des emplois et des cas spécifiques dans lesquels les contrats temporaires sont associés à des emplois stables et de bonne qualité – voir par ex. OCDE (2014[15]) et plus bas pour une analyse.
← 52. Et la sécurité de l’emploi est encore moindre dans le cas des professions dont les qualifications sont tirées par la transition écologique.
← 53. Malheureusement, les données disponibles ne permettent pas de vérifier ces hypothèses.
← 54. Pour les pays européens, l’édition 2015 de l’enquête européenne sur les conditions de travail aurait également pu être utilisée. Toutefois, la méthode d’enquête (jusqu’en 2015, les travailleurs étaient interrogés en face à face, alors qu’en 2021, en raison de la pandémie de COVID‑19, l’enquête a été réalisée par téléphone), et la formulation de certaines des questions présentant un intérêt et des réponses possibles ayant changé, il est déconseillé de compiler les éditions de 2015 et de 2021.
← 55. Les enquêtes de l’UE et des États-Unis sur les conditions de travail sont largement comparables, mais la formulation et les réponses possibles présentent certaines différences qui incitent à faire preuve d’une certaine prudence au moment de comparer les résultats des deux enquêtes.
← 56. S’agissant des professions de la CITP, on pourrait y parvenir en utilisant des catégories plus détaillées de l’ESCO (European Skills, Competences and Occupations) pour certaines professions, par exemple, en recueillant des données allant jusqu’à la catégorie ESCO à 6 chiffres pour certaines professions comme les « conducteurs d’installations de production d’énergie » (CITP/ESCO 3131). Il faut noter que jusqu’au 4e chiffre, les classifications CITP et ESCO sont les mêmes. S’agissant des secteurs d’activité de la CITI, les catégories de la classification CReMA pourraient être utilisées pour les diviser plus finement. Mise au point par Eurostat, la Classification des activités de gestion des ressources (CReMA) classe les activités, les produits, les dépenses et les autres opérations visant à préserver et à renforcer le stock de ressources naturelles (Eurostat, 2020[97]). Ainsi, la catégorie « Production d’énergie à partir de sources renouvelables » (CReMA 13A) peut être distinguée des autres activités correspondant à la catégorie « Production, transport et distribution d’électricité » (CITI 3510).
← 57. En revanche, cette propriété n’est pas valable si l’ensemble de la profession i qui correspond à la fois à la profession verte c et aux professions non vertes c’ est considérée comme verte, comme c’est le cas dans certains travaux publiés précédemment – voir la section 2.1.
← 58. En d’autres termes, pour tout indicateur présenté sous la forme d’une proportion avec l’emploi total au dénominateur, le problème de biais évoqué à l’Annexe 2.B ne se pose pas.
← 59. Ces travaux et la plupart des travaux antérieurs de l’OCDE – par exemple OCDE (2023[27]) – ont pris pour point de départ un ancien tableau de correspondance plusieurs à plusieurs du Bureau of Labor Statistics entre les catégories à 6 chiffres de la SOC et les catégories à 3 chiffres de la CITP – voir www.bls.gov/soc/ISCO_SOC_Crosswalk.xls.
← 60. https://esco.ec.europa.eu/en/about-esco/data-science-and-esco/crosswalk-between-esco-and-onet et www.onetcenter.org/crosswalks/esco/ESCO_to_ONET-SOC.xlsx.
← 61. Aucun biais n’est observé pour les catégories de niveau d’études.