Sidney K. D’Mello
Université de Colorado Boulder, États-Unis
Perspectives de l'OCDE sur l'éducation numérique 2021
4. Technologies d’apprentissage numériques : Comment améliorer l’implication des élèves ?
Abstract
L’apprentissage ne va pas sans une implication de soi, mais arriver à véritablement mobiliser l’élève et à encourager un apprentissage en profondeur n’est pas chose facile. Les technologies numériques sont‑elles un atout en ce sens ? Ce chapitre propose de passer en revue certaines pistes prometteuses pour mesurer le niveau d’implication des élèves au cours de leur apprentissage grâce aux technologies numériques et d’examiner comment ces technologies peuvent être amenées à renforcer l’implication au début de l’apprentissage ou dès les premiers signes de désinvestissement. Il explique pourquoi l’implication est essentielle dans l’apprentissage, comment mesurer cette implication à l’aide des technologies numériques, et liste différentes méthodes d’utilisation des données et de la technologie en vue d’améliorer le niveau de mobilisation et l’apprentissage des élèves.
Introduction
Améliorer l’implication durable des élèves dans l’apprentissage est devenu un objectif clé en éducation pour au moins deux raisons : (1) elle est une condition préalable à un apprentissage efficace ; et (2) réussir à la maintenir demande des compétences cognitives et socio-émotionnelles qui sont des objectifs d’apprentissage en soi. Les technologies numériques ont fait de grands progrès, notamment avec les capteurs, les techniques avancées d’analyse de données, et les expériences d’apprentissage numérique innovantes ; elles ouvrent de nouveaux horizons dans les domaines de la mesure, du développement théorique, et de la conception des interventions pédagogiques qui peuvent contribuer à maintenir l’élève mobilisé dans ses activités d’apprentissage.
Au cours des deux dernières décennies, les chercheurs et les développeurs ont considérablement progressé dans la conception des technologies d’apprentissage afin d’encourager la participation et l’apprentissage. Ce chapitre brosse un tableau de ces technologies émergentes et examine certaines pistes prometteuses pour la décennie à venir. Il s’attarde principalement sur les environnements d’apprentissage numériques plutôt qu’aux salles de classe traditionnelles, même si certaines technologies s’adapteront bientôt à la salle de classe. À ce stade, une majeure partie des technologies d’apprentissage numériques qui ont été mises au point pour mesurer et favoriser l’implication ont été testées en situation de laboratoires de recherche, mais on assiste à une multiplication progressive des études en milieux réels. Jusqu’à maintenant, les résultats sont plutôt mitigés, ce qui est plutôt normal dans un domaine aussi récent.
L’implication est un concept facile à comprendre mais difficile à définir. En conséquence, après avoir souligné la pertinence de l’implication dans l’apprentissage, ce chapitre aborde les difficultés que pose sa définition scientifique. Il donne ensuite un aperçu des approches actuelles en matière de mesure de l’implication et examine comment les technologies numériques et les progrès dans les méthodes et technologies informatiques permettent des améliorations rapides dans ce domaine. Une fois les questions de définition et de mesure cernées, nous décrivons comment les technologies d’apprentissage ont tenté d’améliorer la participation et l’apprentissage par le biais de stratégies proactives et d’interactions réactives. Ces approches, que des exemples et des études de cas illustrent, esquissent ce qui pourrait bien devenir réalité prochainement, quand ce n’est pas déjà largement répandu dans les environnements d’apprentissage numérique. Pour finir, le chapitre discute des prochaines étapes importantes de ce programme de recherche et des transformations qu’il pourrait apporter dans les pratiques pédagogiques à l’avenir.
La valeur de l’implication
Voilà des décennies qu’on reconnait la valeur de l’implication dans l’apprentissage et qu’on cherche à en comprendre les mécanismes. La recherche a largement confirmé la conclusion suivante : un élève motivé est un élève qui est prêt à apprendre ; un élève démotivé ne l’est pas. L’ennui notamment, qui est en quelque sorte l’antithèse de l’implication, n’est pas simplement un sentiment désagréable. Il va de pair avec le manque d’attention (Danckert et Merrifield, 2018[1] ; Eastwood et al., 2012[2] ; Hunter et Eastwood, 2018[3]) et est systématiquement corrélé négativement aux résultats d’apprentissage (Pekrun et al., 2014[4] ; Putwain et al., 2018[5]). Par exemple, une récente méta-analyse portant sur 29 études (N = 19 052 élèves) a révélé un effet global négatif significatif r = -0.24 de l’ennui sur les résultats scolaires (Tze, Daniels et Klassen, 2016[6]). Il est évidemment inutile, et même irréaliste, d’attendre d’un élève qu’il soit investi en permanence ; il y aura toujours des moments de désinvestissement, mais cela ne devrait pas poser de problème s’ils sont peu fréquents. Par contre, le désinvestissement durable est associé à une série de résultats négatifs, notamment de faibles niveaux de réussite, une efficacité personnelle moindre, une baisse d’intérêt dans les activités éducatives, l’adoption de comportements à haut risque et surtout une augmentation de l’abandon et du décrochage scolaire (Baker et al., 2010[7] ; Csikszentmihalyi, 1975[8] ; Daniels et al., 2009[9] ; Farrell et al., 1988[10] ; Finn et Voelkl, 1993[11] ; Griffiths et al., 2012[12] ; Mann et Robinson, 2009[13] ; Patrick, Skinner et Connell, 1993[14] ; Pekrun et al., 2010[15] ; Perkins et Hill, 1985[16]) (Wasson, 1981[17]). D’un point de vue plus positif, l’implication scolaire est associée à plusieurs résultats bénéfiques au-delà de la réussite scolaire elle-même.
Une grande partie de la recherche à ce sujet s’est concentrée sur l’apprentissage classique tel que dispensé dans la salle de classe et les établissements scolaires. Le manuel Handbook of Research on Student Engagement (Christenson, Reschly et Wylie, 2012[18]) présente de manière détaillée une série de questions relatives à l’implication dans ces environnements d’apprentissage. Toutefois, avec l’avènement des appareils mobiles, l’Internet et les médias sociaux, une grande partie de l’apprentissage se fait par le biais de ces dispositifs numériques. Mais comment faire quand on sait à quel point il est particulièrement compliqué de mobiliser les élèves lorsqu’ils interagissent avec les technologies d’apprentissage numérique, souvent de manière isolée ? Les cours en ligne ouverts à tous (MOOCS), par exemple, ont atteint un niveau de rayonnement impressionnant en ouvrant leur contenu à des millions de personnes dans le monde. Pourtant, les MOOCS classiques (xMOOCs), principalement destinés au visionnement de vidéos, à remplir des auto-évaluations et peut-être à participer à des discussions en ligne connaissent de gros problèmes en termes d’implication et de décrochage (Yang et al., 2013[19]). Là où un enseignant talentueux ou un tuteur expérimenté peut concevoir des activités collaboratives afin d’augmenter la motivation et adapter le cours lorsqu’il remarque une baisse de la motivation, les technologies d’apprentissage numériques ont du mal à encourager et à maintenir une motivation élevée chez tous les apprenants. Même si une technologie d’apprentissage réussit au début à captiver les élèves, celle-ci offre peu de solutions quand l’aspect de la nouveauté s’estompe, que l’élève reste bloqué ou que l’ennui finit par s’installer.
La conception d’expériences d’apprentissage numériques qui favorisent la mobilisation et l’apprentissage conceptuel approfondi est une tâche difficile, car il faut pour cela combler le fossé existant entre apprentissage et envie, qui sont souvent en opposition. C’est un véritable casse-tête. D’une part, il est très facile de faire plaisir aux élèves avec des puzzles, des jeux et d’autres astuces « ludo-éducatives », et, nul doute qu’ils trouvent ces expériences très intéressantes, mais rien ne dit qu’ils apprennent quelque chose d’important, particulièrement à des niveaux de compréhension plus élevés (Charsky, 2010[20] ; Papert, 1998[21]). En outre, les méthodes qui cherchent à susciter l’intérêt en travaillant à l’aide de matériel pédagogique (p. ex., couverture d’événements, images très réalistes) peuvent, en fait, nuire à l’apprentissage en détournant l’attention et les ressources cognitives du contenu d’apprentissage (Rey, 2012[22]). D’autre part, plusieurs décennies de recherche en science cognitive de l’apprentissage ont permis de dégager des principes d’apprentissage efficaces, (Bransford, Brown et Cocking, 2000[23] ; Karpicke et Blunt, 2011[24] ; Roediger et Karpicke, 2006[25]), qui peuvent être mis en œuvre dans les technologies d’apprentissage, comme les systèmes de tutorat intelligents (STI). Toutefois, malgré les avantages largement connus des systèmes de tutorat intelligents, (Steenbergen-Hu et Cooper, 2014[26]) et d’autres technologies en matière d’apprentissage, qui mettent en œuvre des principes d’apprentissage approfondi (McNamara et al., 2006[27]), les élèves estiment que l’interaction avec ces technologies est assez fastidieuse (Baker et al., 2010[7] ; Craig et al., 2008[28]) mais voir également (Rodrigo et Baker, 2011[29]) où exceptionnellement les systèmes de tutorat intelligents sont considérés plus intéressants que les jeux). Au cœur du problème, il y a le fait que l’apprentissage est ardu, qu’il exige de faire des efforts considérables et beaucoup de pratique pour arriver à le maîtriser (Ericsson, Krampe et Tesch-Römer, 1993[30]). La satisfaction arrive plus tard, alors qu’il est beaucoup plus gratifiant (à court terme) de se désinvestir de l’apprentissage et de s’investir dans quelque chose de plus immédiatement gratifiant, comme les médias sociaux (Duckworth et al., 2019[31]). Bien entendu, le désengagement se paie cher plus tard, comme mentionné plus haut.
Définition de l’implication
Au contraire des entités physiques, comme la température et la masse, l’implication est une entité conceptuelle, un concept qui peut être défini de manière opérationnelle (scientifique). Si l’on considère par exemple quatre élèves fictifs de l’enseignement secondaire qui suivent un cours de maths.
Keisha assiste au cours de maths tous les jours, elle écoute attentivement, pose de bonnes questions et fait ses devoirs. Si on le lui demande, elle dira que les maths sont la matière qu’elle aime le moins, mais elle reconnait que c’est important pour son avenir.
James manque souvent le cours de maths, essaie d’écouter consciencieusement lorsqu’il est présent, mais finit souvent par se déconcentrer. Il rend environ 50 % de ses devoirs de maths et éprouve un sentiment ambivalent à l’égard des maths et de l’école en général.
Raphaël assiste à chaque cours de maths, reste assis sans jamais parler, prend beaucoup de notes et termine toujours ses devoirs. Il aime les maths, mais ce qui le passionne ce sont les sciences, car il veut devenir biologiste.
Marc est passionné par les maths et passe son temps libre à faire des jeux mathématiques. Il est présent à chaque cours mais trouve que les exercices sont trop faciles, si bien qu’il s’ennuie régulièrement et essaie de trouver des erreurs dans les propos de l’enseignant pour passer le temps. Il essaie de terminer ses devoirs de maths chaque soir, mais il estime que c’est fastidieux et trop répétitif, alors il s’active sur les réseaux sociaux à la place.
Lequel de ces élèves est le plus investi et lequel ne l’est pas ? Est-ce que la définition du dictionnaire pourrait nous éclairer ? Le dictionnaire Merriam-Webster défini impliqué/implication comme « investi dans une activité », « très intéressé », et « participation ou investissement émotionnel ». Toutefois, comme le mentionnent Eccles and Wang (2012[32]), si ces définitions génériques rendent le concept plus compréhensible aux yeux des décideurs et des profanes instruits, elles sont beaucoup moins utiles pour la recherche scientifique qui accorde une grande valeur à des définitions précises notamment lorsqu’il s’agit d’éclaircir les relations de cause à effet.
Malheureusement, on est encore loin d’une telle définition scientifique de l’implication. Reschly et Christenson (2012[33]) remarquent que le mot implication a servi à décrire des comportements variés, des pensées, des perceptions, des sentiments et attitudes, et, en même temps, divers termes ont été utilisés pour faire référence à des concepts similaires. On comprend l’implication comme un concept large et complexe qui se rapporte à divers aspects de l’expérience éducative (p. ex., être présent, faire ses devoirs, avoir un sentiment d’appartenance, passer un bon moment) et à des échelles de temps multiples (p. ex., des périodes passagères d’intérêt, des tendances constantes telles que le désinvestissement général à l’égard de l’établissement scolaire et des conséquences plus sérieuses à long terme comme le décrochage scolaire). En conséquence, il vaudrait peut-être mieux étudier des aspects précis de ce concept complexe plutôt que de chercher une définition globale, mais par trop générale.
Les chercheurs s’accordent à dire dans l’ensemble que l’implication est un concept multidimensionnel, bien que le nombre et la nature de ces dimensions restent flous (Graphique 4.1). Dans un article très influent, Fredricks, Blumenfeld et Paris (2004[34]) proposent de décomposer ce concept en trois dimensions. Les sentiments et les attitudes d’implication émotionnelle à l’égard de la tâche d’apprentissage ou de l’environnement d’apprentissage, tels que l’intérêt porté à la matière spécifique ou à l’enseignant (Renninger et Bachrach, 2015[35]), ou la satisfaction globale à l’égard de l’établissement. L’implication comportementale qui correspond généralement à la participation des apprenants dans l’apprentissage, notamment l’effort, la persévérance et la concentration. L’implication cognitive qui relève de l’investissement des apprenants dans les tâches d’apprentissage, telles que la manière dont ils répartissent leurs efforts ainsi que leur compréhension et leur maîtrise de la matière.
Reeve et Tseng (2011[36]) ont récemment suggéré une quatrième dimension : l’implication agentique, par laquelle les apprenants contribuent de manière proactive au processus d’apprentissage. Par ailleurs, Pekrun et Linnenbrink-Garcia (2012[37]) proposent un modèle à cinq dimensions qui comprend les aspects d’implication cognitive (p. ex., les processus de l’attention et de la mémorisation), motivationnelle (p. ex., les motivations intrinsèque et extrinsèque), comportementale (p. ex., l’effort et la persévérance), socio-comportementale (p. ex., participation avec les pairs), et cognitivo-comportementale (p. ex., l’utilisation de stratégies et l’autorégulation).
Outre les dimensions de l’implication, l’élément temporel et l’influence des facteurs environnementaux sont également très importants. En ce qui concerne l’élément temporel un intérêt passager pour un sujet qui motive un élève pendant quelques minutes ou quelques heures diffère de l’intérêt qu’un élève maintient pendant des mois et des années (Hidi et Renninger, 2006[38]). Il est généralement admis que le contexte dans lequel se situe l’activité a une influence énorme sur les modèles d’implication qui en résultent. L’implication n’est pas une propriété intrinsèque des individus, mais elle émerge des interactions entre les individus et leurs environnements que ce soit avec les pairs, les enseignants, la famille et les structures scolaires (Christenson, Reschly et Wylie, 2012[18]).
En conséquence, Sinatra, Heddy et Lombardi (2015[39]) proposent un cadre qui englobe les dimensions de l’implication, l’élément temporel, et les influences contextuelles de l’implication (Graphique 4.2). Ce cadre schématise l’implication selon un continuum, qui s’appuie, à une extrémité, sur des perspectives centrées sur la personne, à l’autre extrémité, sur le contexte, et, entre les deux sur une perspective centrée sur la personne dans son environnement. La perspective centrée sur la personne s’intéresse aux états cognitifs, affectifs et motivationnels de l’élève pendant l’apprentissage, ceux-ci pouvant être mieux appréhendés à l’aide de mesures physiologiques et comportementales très précises (p. ex., des comportements de réponses, des expressions faciales). La perspective centrée sur le contexte met l’accent sur le contexte environnemental comme unité analytique. À cet égard, on s’intéresse aux macrostructures comme les enseignants, les salles de classe et la collectivité plutôt que sur l’élève pris individuellement. L’élément intermédiaire, la perspective centrée sur la personne dans le contexte, se penche sur l’interaction entre les élèves et l’environnement (p. ex., comment les élèves interagissent les uns avec les autres ou avec la technologie). Ce niveau d’analyse examine, par exemple, si certaines activités en classe (p. ex., le travail en petit groupe) motivent davantage que d’autres (p. ex., un cours magistral).
Si l’on s’en tient seulement à l’apprentissage numérique, on peut définir l’implication, sur un plan opérationnel, comme un état orienté vers un objectif de participation actif et ciblé avec les technologies d’apprentissage numérique. Cette opérationnalisation correspond au niveau d’analyse orienté vers la personne de Sinatra et al. (2015) dans lequel l’accent est mis sur l’état (et non sur les caractéristiques) des éléments affectifs, comportementaux et cognitifs de l’implication sur de courtes échelles de temps allant de quelques secondes à plusieurs minutes. Dans la plupart des cas, l’ennui, la somnolence et une distraction excessive seraient des signes de décrochage tandis que l’intérêt, la curiosité et l’expérience optimale au cours de laquelle l’apprenant est tellement pris par son activité que la notion de temps et d’espace disparaît (Csikszentmihalyi, 1990[40]) signaleraient l’implication. Toutefois, dans certains cas, les états mentaux spécifiques (et leurs niveaux) liés à l’implication fluctuent en fonction de ce que peut offrir la technologie d’apprentissage. Ainsi, la frustration, émotion négative, qui naît en jouant à un jeu éducatif compliqué pourrait indiquer que l’élève est investi, car cette émotion fait partie intégrante du « plaisir ardu » d’apprendre par le jeu (Gee, 2003[41]), alors que la frustration ressentie au cours d’une simple activité d’apprentissage de vocabulaire peut signaler tout autre chose qu’une implication dans l’apprentissage.
Mesure de l’implication
L’efficacité de toute approche permettant d’améliorer l’implication repose sur la validité de la mesure de l’implication. Alors comment mesure-t-on l’implication habituellement ? Le Graphique 4.3 présente une vue d’ensemble des diverses approches à cet égard.
Les approches classiques
Les mesures de l’implication les plus répandues dans deux formes d’éducation, classique et numérique, sont les questionnaires d’auto-évaluation (Fredricks et McColskey, 2012[42] ; Greene, 2015[43] ; Henrie, Halverson et Graham, 2015[44]). Dans ces questionnaires, on demande aux élèves de cocher des items tels que « Lorsque je suis en classe, j’écoute très attentivement » (un item concernant l’implication comportementale) ou « j’aime apprendre des choses nouvelles en classe » (un item concernant l’implication émotionnelle). Généralement relativement peu couteux, faciles à administrer et fiables, les questionnaires ont cependant des limitations bien connues (Duckworth et Yeager, 2015[45] ; Krosnick, 1999[46]). Par exemple, lorsqu’ils cochent les items, les répondants doivent comparer le sujet (p. ex., un élève se notant lui-même) par rapport à une norme implicite, sachant que les normes peuvent varier d’un répondant à un autre. Pour un élève « je suis investi dans mon cours de maths » peut signifier passer cinq heures par jour à faire ses devoirs, alors que pour un autre, la même affirmation signifie simplement être présent au cours. Ainsi, les biais qui émergent de ces cadres de référence hétérogènes diminuent la validité des questionnaires d’auto-évaluation (Heine et al., 2002[47]). Le biais de désirabilité sociale est une autre limitation importante (Krosnick, 1999[46]), que ce soit lorsque les répondants veulent se montrer sous leur plus beau jour aux autres ou qu’ils enjolivent leurs réponses pour préserver leur propre estime. De même, les limites du rappel de la mémoire et le biais d’acquiescement peuvent avoir une influence sur les auto-évaluations du questionnaire (Podsakoff et al., 2003[48]).
Plusieurs mesures d’implication sans utilisation de questionnaires ont également été mises au point. Parmi celles-ci, on trouve les méthodes d’échantillonnage de l’expérience (MEE) (Csikszentmihalyi et Larson, 1987[49]), de reconstruction de la journée (Kahneman et al., 2004[50]), et des entretiens (Turner et Meyer, 2000[51]). Toutefois, parce qu’elles reposent encore sur des auto-évaluations, elles sont également susceptibles d’être affectées par les mêmes biais que les questionnaires. Par exemple, la MEE est soumise à des biais de désirabilité sociale mais pas à ceux de rappel de la mémoire.
Les méthodes d’observation sont une alternative intéressante aux auto-évaluations, car plus objectives (Nystrand et Gamoran, 1991[52] ; Pianta, Hamre et Allen, 2012[53] ; Renninger et Bachrach, 2015[35] ; Ryu et Lombardi, 2015[54] ; Volpe et al., 2005[55]). Malheureusement, ces méthodes supposent des efforts humains considérables, ce qui pose un énorme défi pour la mise en œuvre de mesures répétées à grande échelle. En outre, il est impossible de mener des observations dans certains environnements d’apprentissage comme le domicile des élèves. On pourrait remédier à certaines limitations en combinant la collecte des données automatiques avec un codage semi-automatique ou manuel des données. Par exemple, l’enregistreur activé électroniquement (EAR) sélectionne de manière aléatoire des clips audio dans des environnements naturels (Mehl et al., 2001[56]). La collecte de données avec l’EAR est efficace et économique ; cependant, les données doivent être transcrites et codées par les humains, ce qui en augmente le coût et en diminue la flexibilité. De même, on peut coder l’implication à partir des vidéos prises par les chercheurs (Lehman et al., 2008[57]) ou même par les enseignants (D’Mello et al., 2008[58]), mais le codage de vidéos est un effort qui demande beaucoup de travail et de temps. Pour remédier à cet obstacle, certaines expériences ont été faites pour analyser automatiquement les vidéos afin d’en extraire les éléments de l’implication de l’élève (Aung, Ramakrishnan et Whitehill, 2018[59] ; Bidwell et Fuchs, 2011[60] ; Klein et Celik, 2017[61] ; Raca, Kidzinski et Dillenbourg, 2015[62]), mais la recherche en est à ses premiers balbutiements, en partie en raison de la difficulté d’enregistrer des vidéos en classe et des problèmes de confidentialité qui s’y rattachent.
Enfin, les dossiers scolaires et les relevés de comportements permettent de repérer l’implication, comme les devoirs remis à temps, les absences, les résultats aux tests de performance, le temps passé sur les plateformes numériques, etc. (Arnold et Pistilli, 2012[63] ; Lehr, Sinclair et Christenson, 2004[64] ; Skinner et Belmont, 1993[65]), mais ces instruments de mesure sont limités quant à ce qu’ils révèlent sur les éléments cognitifs et affectifs de l’implication. Ainsi, dans le monde de la technologie, l’implication s’apparente souvent à l’utilisation, et il est quantifié par le nombre de connexions, de clics, etc. Cette caractérisation, qui ne rend compte que de comportements manifestes, est clairement insuffisante en ce qu’elle se concentre sur une seule dimension (comportementale) d’un concept multidimensionnel (voir ci-dessus).
La mesure numérique automatisée
Les avancées scientifiques sur la compréhension de l’implication et les interventions permettant de la stimuler sont freinées par des méthodes qui sont coûteuses ou dont les biais et limites sont connus. Renforcer l’implication dans le contexte de l’apprentissage numérique représente d’abord et avant tout un défi au niveau de la théorie et de la mesure, que les progrès dans le domaine des capteurs et des technologies numériques sont susceptibles de surmonter. L’une des conclusions les plus pertinentes en termes de politiques, de pratiques, de recherche et de conception qui a émergé des rapports récents sur l’implication et autres facteurs similaires (Atkins-Burnett et al., 2012[66] ; Shechtman et al., 2013[67]) est l’usage excessif des instruments d’auto-évaluation des élèves et la trop grande confiance qu’on leur accorde. Ceci fausse les conclusions et théories actuelles même lorsqu’elles sont issues de modèles de recherches rigoureux et d’échantillons de grande taille fournis par le monde de la recherche et du développement, des politiques et des pratiques en éducation. Dans le passé et encore aujourd’hui, la théorie et les interventions de programme reposent sur les données d’auto-évaluation des élèves et utilisent ces mesures pour évaluer les programmes et influer sur la théorie. Les technologies numériques et les méthodes d’analyse de données avancées permettent de briser ce cercle vicieux et de progresser dans notre compréhension de l’implication de manière systématique et significative en dépassant l’utilisation des seules mesures d’auto-évaluation des élèves. Des mesures fiables, valides, justes et efficaces provenant de diverses sources et analysées par des chercheurs chevronnés qui appliquent des méthodes et techniques adéquates permettront de faire fructifier les travaux de recherche et évaluations de programme.
D’Mello, Dieterle et Duckworth (2017[68]) ont récemment proposé l’approche avancée, analytique et automatisée (AAA) pour mesurer l’implication comme méthode alternative particulièrement adaptée à l’étude des interactions avec les technologies d’apprentissage numériques. Cette approche AAA met l’accent sur l’opérationnalisation de l’implication axée sur la personne en tant qu’états affectif et cognitif momentanés qui surviennent tout au long du processus d’apprentissage (ce qui est cohérent avec la définition opérationnelle fournie ci-dessus). Les mesures reposant sur l’AAA ont de nombreux avantages par rapport aux autres. En premier lieu, elles sont automatisées, ce qui signifie qu’elles peuvent s’appliquer à grande échelle. En deuxième lieu, elles sont plus cohérentes, car ce sont les ordinateurs qui fournissent les mesures, permettant d’éviter en partie les biais de référence, de désirabilité sociale, d’acquiescement, et autres biais associés aux déclarations d’observateurs et aux auto-évaluations. Ces mesures ne sont pas non plus affectées par des défaillances momentanées de l’attention ou par la fatigue, comme cela peut se produire si elles étaient fournies par les humains. Elles réduisent considérablement les pertes de temps et les efforts, ce qui n’est pas le cas pour la MEE, la reconstruction d’une journée, le codage de vidéos et les observations humaines.
L’idée au cœur de l’approche AAA (Graphique 4.4) est de faire en sorte que les machines déduisent les états mentaux latents associés à l’engagement (p. ex., la concentration, l’intérêt) à partir de signaux lisibles par la machine et d’éléments du contexte environnemental. Cette approche fait appel à l’apprentissage automatique qui nécessite des données d’entraînement pour apprendre un modèle informatique (programme informatique) qui peut s’appliquer sur des données collectées dans le futur (données invisibles). En conséquence, l’approche AAA commence par la collecte de données d’entraînement.
La première étape consiste à enregistrer les signaux (vidéo, physiologiques, de fichiers-journaux, etc.) au fur et à mesure que les élèves accomplissent leur activité dans un environnement d’apprentissage spécifique (étape 1a), puis à traiter des représentations d’ordre supérieur (appelées caractéristiques) des signaux (étape 1b). Une vidéo est un exemple de signal dont on peut extraire automatiquement des caractéristiques comme les sourires, les hochements, les froncements de sourcils, etc. à l’aide de techniques de vision par ordinateur (Valstar et al., 2012[69]). Les modèles d’interactions des élèves (c’est-à-dire les flux de clics) avec les technologies d’apprentissage offrent d’autres signaux révélateurs de l’implication de l’élève (Baker et Ocumpaugh, 2015[70]).
Au cours de la deuxième étape, on obtient auprès des élèves eux-mêmes ou via des observateurs externes ou par une autre méthode, les annotations des états mentaux reflétant divers éléments de l’implication (voir (Porayska-Pomsta et al., 2013[71]) pour une synthèse). À titre d’exemple, on peut demander aux élèves de déclarer leur niveau d’intérêt toutes les cinq minutes (Sabourin et Lester, 2014[72]) ou un observateur humain chevronné peut observer les interactions qui s’ensuivent et coder l’affect perçu par les élèves à intervalles de cinq minutes (Ocumpaugh, Baker et Rodrigo, 2015[73]). Les caractéristiques et annotations doivent être synchronisées dans le temps pour pouvoir les associer. Par exemple, le nombre de clics avec la souris et de sourires à chaque intervalle de cinq minutes peut être corrélé aux déclarations de l’apprenant ou de l’observateur sur l’implication au cours du même intervalle.
La troisième étape de cette approche AAA implique l’apprentissage supervisé (un sous-domaine de l’apprentissage automatique) qui apprend à associer les caractéristiques (extraites des signaux enregistrés par les capteurs comme mentionné ci-dessus) avec les annotations des états mentaux synchronisées dans le temps (p. ex., provenant des déclarations de l’élève ou de jugements de l’observateur) et collectées à plusieurs moments différents au cours d’une séance d’apprentissage et/ou auprès de plusieurs élèves, idéalement dans des environnements différents. Il en résulte un modèle informatique (ou un programme informatique) qui produit des annotations générées par ordinateur, qui remplacent les annotations fournies par l’homme. Comme résumé ci-dessous :
1. caractéristiques + annotations fournies par l’humain → modèle informatique
2. caractéristiques + modèle informatique → annotations générées par ordinateur
Dans la quatrième étape, les annotations générées par ordinateur sont comparées aux annotations fournies par l’humain afin de valider le modèle. Le but est que les annotations générées par ordinateur correspondent à celles fournies par l’humain (fiabilité) quand elles sont appliquées aux données nouvelles ou invisibles, par exemple provenant d’un ensemble différent d’élèves (généralisabilité). Une fois le modèle suffisamment validé, il peut être déployé. À partir des données collectées par le capteur à un moment ultérieur et/ou à partir d’un nouvel ensemble d’apprenants, le modèle génère automatiquement des estimations (annotations) de l’implication. Le Graphique 4.4 présente une vue d’ensemble de cette approche.
Il est important de tenir compte des problèmes de confidentialité pour les mesures qui utilisent des signaux biométriques (p. ex., une image du visage, un échantillon audio). Certains capteurs peuvent également enregistrer par inadvertance des informations sensibles, comme dans le scandale du « WebcamGate » où les autorités scolaires d’un district américain ont eu accès à distance aux ordinateurs portables prêtés par l’établissement aux élèves et ont pris des photos des élèves chez eux, de leur historique de chat, et des informations sur les sites web qu’ils visitaient sans en informer les élèves ou leurs parents (Martin, 2010[74]). La meilleure façon de protéger la confidentialité est de ne retenir que les caractéristiques non identifiables des signaux, en écartant les signaux eux-mêmes comme l’ont fait Bosch et D’Mello (Bosch et D’Mello, 2019[75]). En plus de la confidentialité, d’autres questions demeurent concernant la partialité et l’équité des modèles sous-jacents. Il est donc essentiel que les données d’entraînement soient représentatives de différents sous-groupes et que les modèles présentent des performances équivalentes pour tous les sous-groupes (REFS) (Gardner, Brooks et Baker, 2019[76] ; Jensen, Hutt et D’Mello, 2019[77]). La façon dont les mesures sont utilisées soulève également des inquiétudes éthiques. Leur utilisation pour les évaluations d’enseignants ou d’élèves n’est pas recommandée, car ces mesures sont imparfaites et des facteurs échappant au contrôle des élèves et des enseignants influencent l’implication. L’utilisation continue n’est pas non plus recommandée, car elle peut donner l’impression, légitime, aux élèves d’être surveillés par ces technologies – une préoccupation que l’on retrouve surtout parmi les populations d’élèves marginalisés. Comme nous l’expliquons dans la section suivante, c’est dans l’amélioration des technologies d’apprentissage que ces mesures sont les plus efficaces, soit en mesurant passivement les périodes de désinvestissement en vue d’un examen rétrospectif et d’un perfectionnement (Miller et al., 2014[78]), ou, de manière plus dynamique, en remobilisant les élèves désinvestis (D’Mello et al., 2016[79] ; De Falco, Baker et D’Mello, 2014[80]). Leur utilisation devrait être limitée et idéalement reposer sur le consentement explicite des élèves et des aidants.
Exemples de mesures d’implication à l’aide de l’approche avancée, analytique et automatisée
D’Mello, Dieterle et Duckworth (2017[68]) examinent 15 études qui ont fait appel à l’approche AAA pour mesurer l’implication par le biais d’une variété de technologies d’apprentissage, (p. ex., système de tutorat intelligent, jeu éducatif), de matières (p. ex., l’algèbre, la biologie), de populations d’élèves, d’opérationnalisations de l’implication, de méthodes appliquées pour obtenir des annotations humaines, de méthodes de classification supervisées et de méthodes de validation. Leur examen repose sur les capteurs utilisés pour les mesures. Les mesures sans l’aide de capteurs analysent les traces numériques enregistrées dans les fichiers-journaux, (Bixler et D’Mello, 2013[81] ; Gobert, Baker et Wixon, 2015[82] ; Hutt, Grafsgaard et D’Mello, 2019[83] ; Pardos et al., 2013[84]), alors que les mesures reposant sur des capteurs utilisent des capteurs physiques. On peut classer ces derniers dans la catégorie des capteurs légers s’il s’agit de capteurs qui sont déjà intégrés dans les appareils numériques actuels, tels que les webcams et les microphones (Bosch et D’Mello, 2019[75] ; Bosch et al., 2016[85] ; Forbes-Riley et Litman, 2011[86] ; Monkaresi et al., 2017[87] ; Pham et Wang, 2015[88] ; Whitehill et al., 2014[89]), ou la catégorie des capteurs lourds s’il s’agit de capteurs non standardisés comme les traceurs oculaires (Bixler et D’Mello, 2016[90] ; Conati, Aleven et Mitrovic, 2013[91] ; Hutt et al., 2019[92]), les capteurs de pression (D’Mello et Graesser, 2009[93] ; Mota et Picard, 2003[94]) et les capteurs physiologiques (Blanchard et al., 2014[95] ; Dindar et al., 2017[96] ; Mills et al., 2017[97]). À l’heure actuelle, les méthodes sans capteurs sont les plus fiables pour les technologies d’apprentissage, mais les méthodes reposant sur des capteurs légers gagnent du terrain et devraient devenir de sérieux concurrents au cours des dix prochaines années. Certaines recherches conjuguent les deux (Bosch et al., 2015[98] ; D’Mello et Graesser, 2010[99] ; Grafsgaard et al., 2014[100] ; Kapoor et Picard, 2005[101]). Une liste d’exemples de mesures de l’implication reposant sur l’AAA est énumérée ci-dessous :
Modèles d’interaction permettant de détecter le désinvestissement par rapport aux objectifs de la tâche
Gobert, Baker et Wixon (2015[82]) ont mis au point une mesure reposant sur l’AAA pour la plateforme Inq‑ITS, un environnement d’apprentissage assisté par ordinateur ayant un système de tutorat intelligent pour aider les élèves à développer leurs compétences en matière de recherche scientifique. Ils se sont penchés sur la détection du désinvestissement des apprenants par rapport à l’objectif de la tâche, défini comme l’implication dans la tâche, mais d’une manière qui n’est pas liée aux objectifs de conception de la tâche d’apprentissage ou à la structure d’incitation (p. 48). Ils ont recueilli des données d’entraînement auprès d’élèves de 144 établissements du premier cycle de l’enseignement secondaire aux États-Unis qui utilisaient Inq-ITS dans leurs cours de sciences. Deux personnes ont codé le désinvestissement par rapport à l’objectif de la tâche, à partir d’extraits lisibles par l’homme (appelés clips) de fichiers-journaux de Inq-ITS. Le nombre total d’actions, le temps écoulé entre les actions, la durée de la plus longue pause, et le nombre de simulations effectuées figuraient parmi les caractéristiques qui ont servi à la classification supervisée. Les chercheurs ont obtenu des précisions modérées (environ 41 % au-dessus de la supposition) en différenciant le désinvestissement de l’objectif de la tâche des clips sans désinvestissement, soulignant l’utilité de l’approche.
Analyse et suivi des mouvements oculaires pour détecter la distraction
Hutt et al. (2019[92]) ont utilisé des traceurs oculaires disponibles sur le marché, et repéré ainsi les signes de distraction, auprès d’élèves du secondaire qui suivaient un cours à l’aide d’un système de tutorat intelligent en biologie (GuruTutor) (Olney et al., 2012[102]) dans leur classe régulière de biologie (Graphique 4.5). Ils ont demandé aux élèves d’auto-évaluer leur distraction en répondant à la question de savoir si leur esprit était concentré sur l’environnement d’apprentissage ou s’ils pensaient à autre chose pendant toute la séance d’apprentissage. Ils ont enregistré les caractéristiques oculaires (p. ex., le nombre de fixation, la durée de fixation, les clignements) dans des intervalles de 30 secondes précédant le sondage et ont formé des classifieurs supervisés pour distinguer les réponses au sondage positives des réponses négatives à partir des caractéristiques oculaires. Les modèles se sont avérés excellents pour détecter la distraction, avec des exactitudes plus de deux fois supérieures à celles de la chance (estimation). Il est important de noter que les prédictions des modèles sur la distraction sont négativement corrélées aux résultats d’apprentissage similaires à la distraction auto-évaluée. Les chercheurs ont intégré les modèles dans GuruTutor afin d’obtenir une estimation de la rêverie en temps réel à des fins d’évaluation et pour orienter les interventions (voir l’approche réactive ci-dessous).
Caractéristiques faciales, mouvements du corps et modèles d’interaction pour détecter l’affect
Bosch et al. (2016[85]) ont développé une mesure de l’implication reposant sur l’AAA pendant que les élèves jouaient à un jeu éducatif appelé Physics Playground (Shute, Ventura et Kim, 2013[103]) ; la section suivante présente une description de ce jeu. Ils ont recueilli des données d’entraînement auprès de 137 élèves de 8e et 9e années aux États-Unis au cours de deux séances de 55 minutes sur deux jours. Des observateurs chevronnés ont fourni des annotations en direct sur l’ennui, la concentration, la confusion, la frustration et le plaisir, en suivant un protocole d’observation, (Ocumpaugh, Baker et Rodrigo, 2015[73]), qui étaient synchronisées avec les vidéos des visages des élèves et du haut de leur corps. Les chercheurs ont extrait les mouvements du corps et diverses expressions faciales des vidéos (p. ex., les sourires) et les ont combinés avec les caractéristiques d’interaction (p. ex., le nombre de redémarrages) extraites des fichiers-journaux du jeu. Les modèles d’apprentissage supervisé entraînés à distinguer chaque état affectif des autres (p. ex., l’ennui par rapport à la confusion, la frustration, la forte concentration et le plaisir) ont donné des exactitudes modérées (environ 37 % d’amélioration par rapport au hasard).
Une approche sans capteur pour mesurer l’implication pendant l’apprentissage en ligne
Les trois exemples ci-dessus décrivent une variété de mesures fondées sur l’AAA. Toutefois, ces mesures et toutes celles qui existent ont été développées à partir de données provenant d’un petit nombre d’élèves au cours d’une ou deux séances de cours. En conséquence, elles permettent de valider l’idée générale, mais peuvent s’avérer insuffisamment robustes pour une utilisation pratique. Au contraire, Hutt, Grafsgaard et D’Mello (2019[83]) se sont servi de l’approche AAA pour développer une mesure sans capteur de l’implication de l’élève dans l’optique de l’étendre à l’échelle de dizaines de milliers d’élèves sur des périodes de temps correspondant à une année scolaire complète et plus. La recherche a été menée dans le cadre de la plateforme d’apprentissage des maths en ligne, Algebra Nation (Graphique 4.6) qui accompagne plus de 150 000 élèves étudiant l’algèbre niveau 1, l’algèbre niveau 2 et la géométrie. Pour chaque sujet, on propose aux élèves de suivre un cours sur vidéo dispensé par un ou plusieurs tuteurs humains. Ils peuvent également s’essayer à la fonction Test Yourself (fais un test) qui sélectionne de manière aléatoire 10 questions correspondant aux normes nationales. Les élèves peuvent consulter les commentaires suscités par leurs réponses ou regarder des vidéos proposant des solutions. Enfin, ils peuvent obtenir une aide supplémentaire grâce à un forum de discussion où ils peuvent interagir avec d’autres élèves et des experts spécialisés engagés par Algebra Nation. Ils peuvent gagner des points de Karma en répondant aux questions publiées par d’autres élèves.
Les chercheurs ont collecté un vaste ensemble de données à grande échelle auprès de 69 174 élèves qui utilisent Algebra Nation dans leurs cours de maths réguliers pendant un semestre. Ils ont eu recours à l’échantillonnage par expérience pour collecter 133 966 questionnaires d’auto-évaluation (sur une échelle de 1 à 5) de 18 états mentaux relatifs à l’implication (p. ex., l’ennui, la confusion, la rêverie, la curiosité, l’intérêt). Ils ont informatisé les caractéristiques d’activité générique (p. ex., regarder une vidéo, interrompre la vidéo pour faire un test) extraites des fichiers-journaux d’Algebra Nation ; ces caractéristiques ne nécessitant pas de capteurs spécialisés et étant (dans une certaine mesure) indépendantes de la matière et du système. Au total, ils ont compté 22 occurrences de telles caractéristiques dans un intervalle de 5 minutes avant un questionnaire d’auto-évaluation. Ils ont formé des modèles d’apprentissage supervisés pour prédire chaque état affectif à partir des caractéristiques. La précision des prédictions, quantifiée à l’aide de la corrélation de Spearman (un coefficient de corrélation allant de -1 à 1), était faible et allait de 0,08 (pour la surprise) à 0,34 (pour la joie), avec une moyenne de 0,25.
Les chercheurs ont testé la généralisibilité des modèles de l’implication de différentes façons. En premier lieu, ils ont montré que les modèles testés sur les élèves étudiant l’algèbre pouvaient se généraliser à un autre ensemble de données d’élèves étudiant la géométrie (n = 28 458) de la même plateforme. Ils ont également étudié la généralisibilité des modèles à des groupes d’élèves en s’appuyant sur l’utilisation type de la plateforme et les caractéristiques démographiques. Il en est ressorti que les modèles testés sur un groupe fonctionnaient tout aussi bien lorsque testés sur d’autres groupes, même s’il y avait un léger avantage à tester des modèles de sous-populations d’individus par rapport à un modèle général (toute la population).
Ces résultats montrent qu’il est possible d’élargir la détection de l’implication fondée sur l’AAA sans capteur à l’échantillon d’élèves le plus large et le plus hétérogène à ce jour, en utilisant des caractéristiques d’activités génériques qui ne sont pas spécifiques à une matière ou à un système particulier. Les modèles ont été intégrés dans la plateforme d’apprentissage Algebra, où on les utilise comme les éléments d’un système personnalisé qui recommande des activités aux élèves en fonction de leur capacité et de leur niveau d’implication (à partir des modèles actuels). L’étude est en cours et il faut en attendre les derniers développements pour mesurer l’efficacité de l’approche.
Renforcer l’implication
Les technologies d’apprentissage se sont en général contentées de renforcer les compétences et les savoirs. L’affirmation non explicite qui sous-tend cette approche est que la cognition est tout ce qui importe, ou à tout le moins, ce qui importe réellement, ce qui a, par conséquent, relégué l’émotion et la motivation à l’état de considérations secondaires, si tant est qu’elles soient prises en compte. Cette hypothèse avait du sens lorsque les technologies d’apprentissage en étaient à leurs balbutiements, car les théories d’apprentissage dominantes de cette époque mettaient l’accent sur l’acquisition des savoirs et des compétences (Anderson, 1982[105] ; Brown et VanLehn, 1980[106] ; Sleeman et Brown, 1982[107]). Avec le recul, nous savons que cette hypothèse était problématique puisque les élèves ont besoin d’être impliqués pour apprendre et qu’il s’avère ardu de mobiliser les élèves avec ces technologies d’apprentissage classiques. Par exemple, les systèmes de tutorat intelligents, qui copient l’enseignement individuel du tuteur humain, sont efficaces en favorisant l’apprentissage des méta-analyses (Ma et al., 2014[108] ; Steenbergen-Hu et Cooper, 2013[109] ; Steenbergen-Hu et Cooper, 2014[26]), et pourtant les élèves éprouvent un ennui mortel lorsqu’ils étudient à l’aide de systèmes de tutorat intelligents (Craig et al., 2004[110] ; D’Mello, 2013[111] ; Hawkins, Heffernan et Baker, 2013[112]). En outre, le fonctionnement de base du système humain cognitif fait qu’il est difficile de maintenir l’attention – élément central de l’implication – même quand on est motivé à le faire. Par exemple, les élèves connaissent des baisses d’attention et sont « dans la lune » environ 30 % du temps lorsqu’ils apprennent à l’aide de la technologie (D’Mello, 2019[113]). Alors qu’il est normal d’être un peu dans la lune et d’éprouver d’autres formes de démotivation au cours de l’apprentissage, rêvasser trop souvent est négativement relié aux résultats d’apprentissage (Randall, Oswald et Beier, 2014[114] ; Risko et al., 2013[115]).
Est-il possible de concevoir des environnements d’apprentissage favorisant une implication durable et par là même améliorant l’apprentissage des élèves ? Ce n’est qu’au cours des deux dernières décennies que les chercheurs se sont efforcés de concevoir des environnements en ce sens (del Soldato et du Boulay, 1995[116]). Les chercheurs se rejoignent sur deux stratégies principales visant à améliorer l’implication dans les technologies d’apprentissage : des structures qui l’encouragent dès le départ (proactives) ou qui intègrent des mécanismes pour la suivre en temps réel et qui permettent de réagir rapidement lorsque survient le désengagement ou qu’il est imminent (réactifs). Les deux approches peuvent aussi se combiner.
Les approches proactives
Les technologies d’apprentissage numériques proactives sont particulièrement conçues pour favoriser l’implication et l’apprentissage. De tels systèmes ont pour vocation d’augmenter la probabilité que l’apprenant éprouvera des états cognitifs et affectifs qui sont généralement associés de manière positive à l’implication (p. ex., l’intérêt, la curiosité, la profondeur du raisonnement, la pensée critique, la vigilance) tout en diminuant ceux qui sont normalement associés au détachement (p. ex., l’ennui, la rêverie, la réflexion superficielle).
Il faut établir une distinction entre les approches subtiles ou souples qui suscitent une implication de surface et les tentatives visant à mobiliser les élèves en profondeur. Par exemple, la ludification – en introduisant des éléments de jeux dans les technologies d’apprentissage classiques par le biais de points, de défis à relever, d’insignes, de tableaux de classement et autres éléments (Gibson et al., 2015[117] ; Kapp, 2012[118]), voir l’Encadré 4.1 à titre d’exemple – peut légèrement renforcer l’implication à court terme, mais il est peu probable qu’elle permette de maintenir une profonde implication sur une longue période. Certaines expériences de ludification peuvent avoir un effet trompeur, quand l’élève a l’impression qu’on a mis du « chocolat pour masquer le brocoli ». Une autre approche subtile est la conception émotionnelle qui implique de modifier le matériel pédagogique numérique pour déclencher un léger affect positif (p. ex., en ajoutant des anthropomorphismes humains à des éléments graphiques non humains et/ou des couleurs agréables dans les médias numériques (Plass et al., 2014[119] ; Um et al., 2012[120]). Une récente méta-analyse (Brom, Stárková et D’Mello, 2018[121]) montre que la conception émotionnelle s’est révélée étonnamment efficace dans l’amélioration de l’apprentissage tout en renforçant également l’implication, tel que mesuré par la motivation intrinsèque, l’appréciation/le plaisir, et l’affect positif.
Encadré 4.1. Encourager le bon comportement et l’apprentissage social grâce à des jeux vidéo au Canada et aux États-Unis
Les fans de la série de Harry Potter comprennent ce que signifie gagner des points pour bonne conduite. Les enseignants à l’école des sorciers de Hogwarts octroient ou retirent des points aux élèves en guise de récompense ou de punition en fonction de leur conduite. Les élèves peuvent obtenir des points pour leur maison en accomplissant de bonnes actions, en répondant correctement aux questions, et, bien sûr, en gagnant les matchs de Quidditch. Dans le cas contraire, les élèves risquent de perdre des points (et de décevoir leurs camarades de la même maison). À la fin de l’année scolaire, la maison qui a remporté le plus de points gagne la prestigieuse Coupe des quatre maisons.
La vraie vie ne propose pas les tours de magie astucieux des professeurs de Hogwarts, mais la compagnie Classcraft, basée à Québec et à New York s’est efforcée de traduire l’implication dans l’apprentissage par des méthodes semblables. S’inspirant de jeux vidéo comme World of Warcraft, cette plateforme sur le Cloud qui vise l’enseignement secondaire est décrite comme un « jeu de rôle pour la gestion de la classe » (Sanchez, Young et Jouneau-Sion, 2016[122]).
Cette plateforme a pour but de familiariser les élèves avec les bons comportements, comme de faire ses devoirs ou ne pas arriver en retard en classe. Le jeu n’a aucun lien avec une matière spécifique ; on peut y jouer dans un seul cours ou durant une année scolaire. Classcraft est avant tout une application web à utiliser en classe, même si les élèves peuvent télécharger l’application sur leur téléphone portable pour y jouer en dehors de la classe. Au contraire de la plupart des jeux vidéo, Classcraft ne propose pas un univers de jeux en 3D. Il offre plutôt une forme de réalité augmentée : en ajoutant des couches numériques au monde réel, le jeu propose de nouvelles interactions entre enseignants et élèves.
Les élèves jouent en équipes de 4 à 6 joueurs. Au début du jeu, ils doivent chacun choisir différents avatars (guérisseurs, mages, guerriers) avec leurs forces et leurs faiblesses. Leur but est de gagner des points d’expérience et d’empêcher leurs avatars de perdre des points de vie. En agissant en fonction des critères de bonne conduire, ils gagnent des points qu’ils peuvent, par exemple, employer pour renforcer leurs avatars ou pour aider leurs coéquipiers. La conduite inverse peut bien sûr les amener à perdre des points, ce qui peut avoir un impact sur toute l’équipe. Les enseignants agissent à titre de « maîtres du jeu » : ils distribuent ou enlèvent des points, et peuvent créer certains événements aléatoires dans le jeu ou certaines dynamiques dans la vie réelle (comme demander d’exécuter des tâches particulières) qui affecteront tous les élèves. Les mises à jour du jeu apparaissent en temps réel dans l’application de chaque joueur. L’interaction avec la vraie vie est au cœur de ce modèle : gagner ou perdre des points virtuels peut entraîner des actions de l’enseignant dans la vraie vie, notamment des félicitations, des récompenses, voire même des réprimandes. Comme le jeu connecte également les points de vie de chaque élève aux autres élèves de l’équipe, les élèves sont encouragés à travailler ensemble. L’utilisation de Classcraft – ainsi que d’autres programmes comparables pour la gestion de classe – peut avoir un impact positif sur l’implication de l’élève, la collaboration et même sur le climat de l’établissement (Edweek).
Si l’on veut favoriser une implication profonde et durable, il faut envisager une reconceptualisation approfondie de l’expérience d’apprentissage. Le cadre interactif-constructif-actif-passif (ICAP) (Chi et Wylie, 2014[123]) est un excellent point de départ à cet égard. Il présente quatre niveaux d’implication et d’apprentissage fondés sur le niveau d’interactivité qu’offre l’activité d’apprentissage. Les niveaux, par ordre décroissant d’implication et d’apprentissage attendus, sont Interactif > Constructif > Actif > et Passif (Graphique 4.7). Une activité passive consisterait à assister à un cours magistral ou à regarder une vidéo sans comportement manifeste, alors que la prise de note sans formuler de nouvelles idées ou sans organisation serait considérée comme active. Écrire un résumé ou un compte-rendu de cours en y formulant de nouvelles idées ou en réorganisant les idées déjà émises serait qualifié de constructif. Les activités interactives comprennent des formes d’interaction ou de dialogue qui se rattachent à une activité constructive, par exemple, un tutorat entre pairs, où les élèves s’entraident à tour de rôle. Selon ICAP, l’intégration d’expériences plus constructives et interactives dans les technologies d’apprentissage serait un moyen de renforcer à la fois l’implication et l’apprentissage.
Les jeux éducatifs constituent un exemple de ces technologies d’apprentissage (Gee, 2003[41]). Bien pensés, ils peuvent renforcer la participation et l’apprentissage : grâce à eux le travail devient jeu, l’ennui s’amenuise, l’implication est décuplée ; ils présentent des défis qui sont atteignables avec de la réflexion, de la créativité et de l’effort, et procurent du plaisir et des surprises agréables (Lepper et Henderlong, 2000[124] ; Plass, Homer et Kinzer, 2015[125] ; Ritterfeld, Cody et Vorderer, 2009[126]). Leur conception peut s’avérer très difficile, car il s’agit de trouver un compromis entre des environnements de jeux qui sont attrayants mais où l’élève n’apprend pas grand-chose et des environnements qui encouragent l’apprentissage en profondeur mais qui ne réussissent pas à stimuler l’implication (Johnson et Mayer, 2010[127]). Des jeux éducatifs bien pensés concilient ces objectifs en intégrant des principes ancrés dans la théorie (résolution de problèmes, règles/contraintes, défis, contrôle, retour d’information permanent et stimulation sensorielle) (Shute et al., 2014[128]) qui favorisent intrinsèquement la motivation et donc l’implication (Fullerton, Swain et Hoffman, 2008[129] ; Malone et Lepper, 1987[130] ; Shute, Rieber et Van Eck, 2011[131]).
Bien pensés, ils intègrent également des expériences d’apprentissage significatives dans le jeu. Ainsi, le fait de jouer à des jeux éducatifs bien pensés est positivement associé à des compétences et résultats d’apprentissage divers comme des aptitudes spacio-visuelles et l’attention (Green et Bavelier, 2012[132] ; Green et Bavelier, 2007[133] ; Shute, Ventura et Ke, 2015[134]), de meilleures notes dans les établissements d’études supérieures (Skoric, Teo et Neo, 2009[135]) (Ventura, Shute et Kim, 2012[136]), la persévérance (Ventura, Shute et Zhao, 2013[137]), la créativité (Jackson et al., 2012[138]) et la participation civique (Ferguson et Garza, 2011[139]), ainsi qu’à des contenus et compétences académiques précieux, (p.ex., (Coller et Scott, 2009[140] ; DeRouin-Jessen, 2008[141]); pour une synthèse, voir (Tobias et Fletcher, 2011[142] ; Wilson et al., 2009[143] ; Young et al., 2012[144]).
Deux exemples : Physics Playground et Crystal Island
À titre d’exemple, prenons le jeu Physics Playground (Shute, Ventura et Kim, 2013[103]), jeu éducatif hautement motivant pour apprendre les lois de Newton sur la force d’attraction et le mouvement, l’inertie, la dynamique et les actions réciproques (Graphique 4.8). Le jeu suit les règles de base de la physique par le biais d’une simulation formelle d’un « monde » physique virtuel et répond de manière dynamique aux interactions des joueurs avec le jeu. Premier objectif du jeu : les joueurs doivent guider une balle verte vers un ballon rouge, ce qui permet de « résoudre » le niveau, et en agissant ainsi, les joueurs peuvent créer des agents – des rampes, des pendules, des leviers et des tremplins – qui « prennent vie » sur l’écran. Le réalisme (obtenu par une simulation formelle détaillée du « monde » physique virtuel), les retours d’information continus, la résolution de problèmes interactive et des difficultés adaptives font partie intégrante du jeu. Ce dernier offre aussi aux joueurs la liberté d’essayer/d’échouer en expérimentant une variété de solutions. Physics Playground réussit à renforcer à la fois l’implication et l’apprentissage en intégrant des concepts de physique au déroulement du jeu. L’Encadré 4.2 montre que Physics Playground est aussi un bon terrain d’étude des relations entre les émotions des élèves et l’apprentissage dans différents contextes internationaux.
Il est possible d’améliorer l’apprentissage par le jeu en intensifiant l’immersion et le réalisme de l’expérience. Dans les salles de classe classiques, l’apprentissage par projet (APP) permet aux élèves ou à des équipes d’élèves de résoudre des problèmes réels, utiles et concrets sur une longue période (Blumenfeld et al., 1991[145]). Des équipes d’élèves peuvent, par exemple, s’attaquer au problème de l’amélioration de la qualité de l’eau dans leur collectivité ; il leur faut pour cela une compréhension du système hydraulique, des polluants, de l’assainissement, des politiques, de la chimie, etc. Par conséquent, non seulement un bon APP permet de garder les élèves impliqués grâce au choix, au réalisme et à la collaboration qu’il suppose, mais il permet aux élèves d’acquérir des connaissances sur les contenus ainsi que des compétences pratiques (p. ex., travail d’enquête, collaboration, raisonnement scientifique (Schneider et al., 2020[146])). Malheureusement, la mise en place de ces expériences d’apprentissage nécessite des programmes d’enseignement beaucoup plus vastes, un accès à des ressources physiques et un soutien humain : ils sont difficilement réalisables par le biais des technologies numériques uniquement. Pour relever ce défi, les chercheurs se sont penchés sur l’utilisation de la réalité augmentée et virtuelle pour développer des expériences d’apprentissage numérique immersives à l’intention des élèves. On entend par immersion la perception subjective de l’expérience de la réalité – semblable à la suspension de l’incrédulité – et l’on suppose qu’elle renforce l’implication et l’apprentissage (Dede, 2009[147]). Des jeux comme River City (Dede, 2009[147]), Quest Atlantis (Barab et al., 2005[148]) et Crystal Island (Sabourin et Lester, 2014[72]), ce dernier étant examiné brièvement ci-dessous, en sont des illustrations.
Le jeu Crystal Island (Rowe et al., 2009[149] ; Spires et al., 2011[150]) est un jeu éducatif immersif qui s’appuie sur le principe de la narrativité. Il pose l’hypothèse que les apprenants tirent le plus grand profit des jeux éducatifs qui intègrent un thème narratif dans l’expérience de jeu. Ainsi, l’apprenant endosse le rôle d’un protagoniste, Alex, qui débarque sur une île. Alex découvre que les membres d’une équipe de recherche tombent malades et il est chargé de trouver la source d’une maladie infectieuse. Il se rend dans les différents endroits de l’île au cours de son enquête (réfectoire, labo, infirmerie, dortoir), interroge les autres habitants de l’île, tout en manipulant des objets. En formulant des questions et des hypothèses, en collectant et en analysant des données, les apprenants progressent peu à peu dans la recherche de la cause de la maladie. Crystal Island intègre donc l’apprentissage des connaissances en microbiologie, le développement de la pensée critique et les compétences d’apprentissage par la recherche dans une plateforme narrative attrayante.
Les interactions des apprenants avec le jeu démontrent que ce dernier est très motivant et qu’il peut améliorer les résultats d’apprentissage (Rowe et al., 2009[149] ; Rowe et al., 2010[151]). Ainsi, Sabourin et Lester (2014[72]) ont mené une étude auprès de 450 élèves de 8e année qui ont joué sur Crystal Island pendant 55 minutes. Les élèves ont déclaré avoir expérimenté l’un des sept états affectifs (anxiété, ennui, confusion, curiosité, excitation, concentration, et frustration) à des intervalles de cinq minutes durant le jeu. Les chercheurs ont constaté que les déclarations d’ennui (8 %) étaient nettement inférieures aux déclarations d’excitation (13 %) et de curiosité (19 %). La confusion (16 %) et la frustration (16 %) revenaient fréquemment, impliquant que le jeu motivait profondément les élèves, puisqu’on retrouve fréquemment ces états dans les activités d’apprentissage en profondeur (D’Mello et Graesser, 2012[152]). En outre, les élèves ont démontré des gains d’apprentissage significatifs de l’ordre de 30 %, entre les résultats du post-test et ceux avant le test.
Encadré 4.2. L’utilisation d’environnements numériques dans la recherche sur les émotions liées à l’apprentissage aux Philippines
Le jeu Physics Playground a servi aux Philippines pour étudier les relations positives ou négatives de différents états affectifs avec l’apprentissage, notamment la frustration, l’état affectif exprimant l’agacement et le mécontentement. À l’aide d’un système de codification des émotions des élèves pendant le jeu (système normalisé assisté par l’humain), et d’une tâche (énigme) sans rapport avec celle déjà décrite dans le texte principal, Banawan, Rodrigo et Andres (2015[153]) ont constaté que, faisant suite à l’état de profonde concentration (79 % des états affectifs observés), la frustration (8 %) était le deuxième état le plus ressenti parmi les 8 autres états étudiés, et le seul qui avait une relation statistique significative avec la réussite – une relation négative. La recherche montre que la frustration ne se comporte pas comme la confusion, qui peut être liée positivement à la réussite une fois celle-ci dissipée. Elle souligne également la nature contextuelle de l’implication, car les élèves philippins n’ont pas expérimenté les mêmes niveaux de plaisir que les élèves nord-américains en jouant sur Physics Playground. D’où l’importance de concevoir des environnements d’apprentissage numériques sensibles à des manières différentes de gérer l’échec dans l’apprentissage et de concevoir les bons appuis pédagogiques pour que les étudiants puissent composer avec leurs sentiments négatifs.
Grâce aux récents progrès dans les technologies évolutives de réalité augmentée et virtuelle, le fossé entre le monde virtuel et le monde physique s’est considérablement amenuisé (pour une synthèse, voir (Martín-Gutiérrez et al., 2017[154]), surtout en termes d’immersion et de réalisme (Psotka, 1995[155]). Malgré l’enthousiasme suscité par ces technologies et certains premiers résultats prometteurs (p. ex., (Ibáñez et al., 2014[156])), il n’existe pas encore d’études rigoureuses évaluant leur efficacité en matière d’apprentissage, surtout lorsqu’il s’agit d’apprentissage conceptuel plutôt que d’apprentissage procédural ou par cœur.
Approches réactives
Considérons des scénarios hypothétiques d’approche réactive visant à renforcer l’attention : « imaginons que vous devez aider votre nièce à se préparer pour un examen en génétique. Les choses commencent plutôt bien, mais au bout d’un moment, vous vous rendez compte que son esprit est à des milliers de kilomètres de là. Bien que vous ayez prévu de modéliser ensemble les changements de fréquences génétiques dans les populations, vous remarquez que son attention a dérivé vers des sujets sans aucun rapport comme le déjeuner, le match de foot ou les prochaines vacances. Vous pouvez essayer de rediriger temporairement son attention en posant une question pointue. Toutefois, si son attention continue à baisser, vous vous rendez compte qu’il vous faudra adapter vos explications afin de la motiver davantage en modifiant le déroulement de la séance. Vous passez alors d’une discussion collaborative à une perspective centrée sur l’élève en lui demandant de développer une stratégie pour suivre les changements génétiques dans les populations. Cela fonctionne et elle semble s’attaquer à cette tâche avec un enthousiasme renouvelé et la séance se poursuit sans problème. Toutefois, un peu plus tard, vous remarquez qu’elle semble s’assoupir pendant que vous plongez dans les principes fondamentaux des fréquences alléliques. Vous lui proposez donc de changer de sujet, voire de prendre une pause, lui donnant ainsi la possibilité de refaire le plein d’énergie. »
L’exemple ci-dessus donne une idée de ce qu’un agent réactif – un humain dans ce cas – peut accomplir. Les approches réactives visant à renforcer l’implication cherchent à détecter automatiquement l’implication des élèves et à répondre de manière dynamique quand celle-ci semble faiblir, ou à fournir des retours d’information motivants quand elle est élevée (D’Mello et Graesser, 2015[157]). Ces approches partent du principe que l’implication est un processus fluide et dynamique qui a des hauts et des bas au fur et à mesure que progresse la séance d’apprentissage. Malgré les meilleures intentions du concepteur pour proposer une expérience motivante, il y aura des différences individuelles dans le degré auquel la technologie d’apprentissage réussit à motiver un apprenant. De plus, même si un apprenant est totalement motivé au début de l’apprentissage, son implication finira par diminuer avec le temps, au fur et à mesure que la nouveauté s’estompera et que la fatigue augmentera.
Les approches réactives sont plus sophistiquées que les approches proactives. D’une part, la forme d’adaptabilité dynamique décrite ci-dessus demande de pouvoir constamment vérifier la qualité de l’implication, afin de détecter le moment où celle-ci diminue, et pour adapter le cours en vue de faire face aux périodes de désengagement. Les technologies pourraient s’intéresser à une composante particulière de l’implication, ou pourraient mesurer le construct de manière plus globale. Comme on l’a vu précédemment, on peut mesurer l’implication à l’aide d’approches fondées sur l’AAA. Une technologie d’apprentissage réactive doit alors modifier ses stratégies pédagogiques/motivationnelles en fonction de l’implication ressentie. Plusieurs pistes s’ouvrent à elle. Elle n’a rien à faire si l’apprenant est motivé et suit une trajectoire positive d’apprentissage. Elle pourrait essayer de rediriger l’attention si elle détecte que l’apprenant est dans la lune ou distrait (D’Mello, 2016[158]). Elle pourrait prodiguer des conseils et fournir des explications immédiates lorsqu’elle détecte de la confusion ou de la frustration (Forbes-Riley et Litman, 2011[86]). Le système pourrait offrir des alternatives, encourager les pauses ou ajuster les niveaux de difficulté lorsqu’il détecte qu’un élève s’ennuie. Il peut également envoyer des messages d’encouragement ayant pour but de motiver les élèves à persévérer dans l’apprentissage (D’Mello et Graesser, 2012[159] ; DeFalco et al., 2018[160]). Si la technologie se présente sous une forme ou une autre, par exemple celle d’un agent pédagogique animé, elle peut alors faire appel à divers signaux sociaux pour stimuler l’implication, par exemple en reflétant les expressions faciales et les gestes (Burleson et Picard, 2007[161]) ou prendre un air malheureux lorsqu’elle détecte que l’élève se détache (Baker et al., 2006[162]). Nous examinerons ci-dessous des exemples de technologies d’apprentissage réactives qui mettent en place certaines de ces stratégies.
Comment Gaze Tutor réagit à l’inattention des élèves
Avec GazeTutor, D’Mello et al. (2012[163]) s’intéressent à l’implication comportementale pendant l’apprentissage multimédia. L’interface se compose d’un agent conversationnel animé qui donne des explications sur des concepts de biologie à l’aide d’un discours synthétisé qui est synchronisé avec des images annotées (Graphique 4.9). Grâce à un traceur oculaire, le système repère les moments où l’élève n’est pas attentif aux parties importantes de l’interface (c.-à-d. le tuteur ou l’image). GazeTutor présume simplement que les apprenants ont décroché lorsque leur regard n’est pas dirigé sur le tuteur ou l’image pendant au moins cinq secondes consécutives. Lorsque cela se produit, il tente de remotiver les élèves par des réflexions « piquantes » afin de rediriger leur attention vers l’agent ou l’image (p. ex., « Coucou, je suis là ! » et « Réveille-toi, c’est ici que ça se passe ! »). Des résultats préliminaires montrent que ces réflexions qui réagissent au regard parviennent à rediriger l’attention et améliorent les résultats d’apprentissage.
Comment UNC-ITSPOKE répond aux doutes des élèves
Forbes-Riley et Litman (2011[86]) ont examiné dans quelle mesure les réponses automatiques face au doute de l’apprenant pouvaient améliorer les résultats d’apprentissage lorsque les élèves travaillent dans un système de tutorat intelligent conversationnel en physique. Le doute est lié à la confusion, un état associé qui correspond aux deux éléments cognitifs et affectifs de l’implication (D’Mello et Graesser, 2014[164]). UNC-ITSPOKE repère automatiquement les certitudes/doutes des apprenants (par le biais de la parole et du langage à l’aide de l’approche AAA) en plus de la justesse/inexactitude d’une réponse. Il met en place un sous-dialogue explicatif quand l’élève a raison mais qu’il n’est pas certain d’une réponse, car c’est le signe d’une défaillance métacognitive. Une étude de validation a montré que cette forme d’adaptivité donnait des résultats d’apprentissage légèrement supérieurs (mais pas significatifs) que dans des conditions de contrôle.
Comment le lecteur de l’attention visuelle répond à la rêverie
D’Mello et al. (2017[165]) et Mills et al. (2020[166]) discutent de cas de distraction (rêverie) au cours d’une lecture sur ordinateur (Graphique 4.10). Il s’agit d’une approche AAA qui s’appuie sur le regard pour repérer les moments de distraction (Faber, Bixler et D’Mello, 2018[167]), en suivant le regard page par page (une page étant un écran de texte), et qui réagit de manière dynamique par des évaluations de la compréhension et des possibilités de relecture. Une première stratégie d’intervention consiste à poser des questions de compréhension de routine sur la page où l’élève était dans la lune et de donner la possibilité de la relire si l’élève n’a pas répondu correctement à la question. Une étude de validation (D’Mello et al., 2017[165]) a montré que cette intervention a eu l’effet escompté, à savoir qu’elle a diminué les déficits de compréhension dus à la rêverie dans des cas particuliers. Toutefois, comme les questions interpolées étaient des questions qui faisaient appel au par cœur, elles encourageaient chez l’élève le repérage de mots-clés et un traitement de la lecture superficielle. Afin d’y remédier, Mills et al. (2020[166]) ont remplacé les questions à choix multiples par des questions plus poussées auxquels les apprenants devaient répondre en s’expliquant dans un langage naturel. Ces réponses étaient automatiquement notées et le système fournissait des commentaires et des possibilités de relire et de réviser les explications. Les résultats montrent que cette stratégie d’intervention a un effet positif par rapport aux contrôles équivalents sur les acquis (c.-à-d. les évaluations d’apprentissage effectuées une semaine plus tard).
Les technologies réactives en classe
La plupart des recherches sur les technologies réactives ont été menées dans les laboratoires, mais ces travaux se déplacent progressivement vers les salles de classe. Aslan et al. (2019[168]) ont mis au point la technologie de l’analyse de l’implication des élèves (SEAT – Student Engagement Analytics Technology) pour aider les enseignants à suivre l’implication comportementale et émotionnelle des élèves et à y répondre en temps réel. Cette mesure fournit à l’enseignant une évaluation de l’implication des élèves, qui peut alors déterminer s’il doit intervenir et comment le faire. Cette recherche a été menée en Turquie auprès d’élèves travaillant sur une plateforme autonome d’enseignement des mathématiques dans le cadre de leur cours. Un dispositif s’appuyant sur l’AAA a permis de suivre les caractéristiques faciales extraites des caméras vidéos, les modèles d’interaction avec la plateforme et les journaux d’URL du navigateur. En combinant les évaluations de l’implication comportementale (élève centré ou non sur la tâche) et émotionnelle (élève s’ennuie, est content, est confus), on a obtenu une note d’implication globale.
On a entré cette mesure dans l’interface SEAT qui a permis aux enseignants d’estimer l’implication des élèves en temps réel grâce à des codes de couleur (vert, jaune, rouge) (Graphique 4.11). Grâce à ces données, les enseignants ont pu intervenir auprès des élèves individuellement, leurs premières stratégies d’interventions consistant à donner des avertissements verbaux, à fournir du renforcement positif, du soutien pédagogique (p. ex., expliquer la question, fournir un conseil) et un suivi attentif (suivre l’écran de l’élève pour vérifier qu’il est centré sur la tâche).
Les chercheurs ont testé SEAT au cours d’une étude qui a duré 16 semaines en s’appuyant sur des méthodes qualitatives et quantitatives. Les entretiens ont révélé que l’expérience sur cette plateforme s’est avérée positive tant pour les enseignants que pour les élèves. Les enseignants se sont montrés très proactifs avec cette interface et ont déclaré qu’elle leur facilitait le suivi des besoins des élèves individuellement dans une grande classe. Les élèves ont également déclaré bénéficier de l’attention individuelle dont ils avaient besoin et se sentaient beaucoup plus impliqués dans la séance d’apprentissage. En conclusion, les élèves d’une classe équipée d’une technologie SEAT ont enregistré des gains d’apprentissage plus élevés (mais non significatifs) par rapport à une classe parallèle d’élèves non équipée de cette technologie. Toutefois, il faut considérer ces résultats avec prudence, car l’étude s’est fondée sur une conception quasi-expérimentale et elle n’a porté que sur 37 élèves de deux classes confondues.
Conclusions et orientations futures
Les recherches sur l’implication pendant l’apprentissage se sont multipliées ces dernières années. L’étude de l’implication dans l’éducation fait des progrès, mais il en est de même en ce qui concerne les technologies et leur conception qui en font un élément central de leur configuration. L’idée que l’implication est un résultat digne de considération en tant que tel est largement répandue dans les milieux de la recherche scientifique et de la conception technologique. Le risque est, toutefois, que chaque communauté travaille indépendamment de l’autre, et par conséquent passe à côté des avantages évidents que procure la collaboration.
À des fins d’illustration, les deux dernières décennies ont vu fleurir des recherches théoriques et empiriques visant à définir l’implication, identifiant ses causes et ses conséquences, et échafaudant des interventions afin de la renforcer (Christenson, Reschly et Wylie, 2012[18]). Malheureusement, la science de la mesure de l’implication n’a pas suivi ; la plupart des chercheurs s’appuient exclusivement sur les questionnaires comme seule mesure de l’implication (Fredricks et McColskey, 2012[42]), parce que les auto-évaluations sont en partie plus commodes et bien maîtrisées, et peut-être parce que l’accès à des technologies avancées coûte plus cher et peut faire peur. En même temps, dans de nombreux pays, l’ordinateur est devenu un outil indispensable dans l’apprentissage quotidien (Vincent-Lancrin et al., 2019[169]). Au vu du débit croissant de l’information disponible dans des environnements d’apprentissage numérique il n’est peut-être pas judicieux de se reposer sur des méthodes du XXe siècle pour mesurer l’implication dans des environnements d’apprentissage numérique du XXIe siècle. La recherche scientifique sur l’implication gagnerait à prendre en compte les expériences d’apprentissage numérique et à intégrer les méthodes pertinentes dans la conception des études.
L’arrivée en masse des technologies dans les classes et l’essor des technologies d’apprentissage en ligne génèrent des volumes considérables de données, qui en principe, devraient conduire à des transformations innovantes dans la mesure et au renforcement de l’implication. Ce n’est malheureusement pas encore le cas. Malgré leur volume considérable, bon nombre de données issues de ces technologies sont superficielles et débouchent sur une mesure de l’implication centrée sur des modèles de comportements élémentaires, comme le nombre de connexions, de lectures de vidéos, etc. En outre, malgré de nombreux avantages, le développement de l’apprentissage en ligne a plusieurs effets secondaires, le plus troublant étant le retour à un mode de transmission de l’enseignement aux stratégies d’apprentissage passif inefficaces et l’absence de véritable collaboration, celle-ci figurant pourtant parmi les moyens d’apprentissage les plus motivants et les plus productifs (Dillenbourg, 1999[170] ; Stahl, Koschmann et Suthers, 2006[171]). Les technologies éducatives auraient tout intérêt à intégrer dans leur conception des principes issus de la recherche scientifique sur l’implication.
Quel horizon pour les 10 ou 15 années à venir ? D’un point de vue pessimiste, la recherche poursuivra son chemin, les travaux sur l’implication suivant une direction et ceux sur les technologies éducatives en suivant une autre, les deux ne se rejoignant que rarement. Dans une perspective plus optimiste, les communautés de recherche travailleront de concert, produisant des technologies permettant d’impliquer davantage les élèves et générant encore plus de recherches sur l’implication des élèves avec les technologies d’apprentissage numériques. Dans cette vision, les jeux d’apprentissage – l’une des meilleures façons de favoriser une implication profonde (comme on l’a vu ci-dessus) – intègrent des stratégies telles que le soutien pédagogique qui favorisent l’apprentissage conceptuel en profondeur tout en maintenant l’implication et la motivation des apprenants. Les approches réactives, qui réagissent activement en fonction de l’implication détectée, seront plus faciles à déployer à mesure que les capteurs deviendront omniprésents, portables et peu coûteux, que des garanties rigoureuses seront mises en place pour protéger la vie privée, que des efforts seront faits pour garantir que les modèles d’IA intégrés dans les technologies sont impartiaux et équitables et que les collaborations interdisciplinaires entre les chercheurs en éducation et en informatique se multiplieront.
Il faut souligner que ces technologies doivent être développées en tenant compte de l’éthique, de l’équité et de la justice comme des considérations centrales dès la conception, et non comme des réflexions après-coup, et que les concepteurs doivent sérieusement répondre à la question de savoir ce que les technologies intelligentes devraient faire plutôt que ce qu’elles peuvent faire. Il faut soigneusement réfléchir à la nature des données collectées et à la durée de leur stockage, le cas échéant, et les utilisateurs finaux (élèves, parents, enseignants) devraient avoir le dernier mot quant à la question de savoir s’il faut évaluer l’implication et à quel moment. Dans le futur, les idées et les recherches décrites dans ce chapitre sortiront du huis clos des laboratoires de recherche et délaisseront les expériences à petite échelle pour entrer dans le monde réel afin de devenir un élément central de l’apprentissage numérique au profit de millions d’élèves dans le monde. Dans ce contexte, la mesure de l’implication à des fins formatives et non évaluatives (tout en protégeant la vie privée des élèves) combinée à des stratégies intelligentes pour renforcer l’implication constitueront des éléments essentiels des technologies d’apprentissage numériques. L’avenir nous réserve un apprentissage numérique efficient, efficace et motivant.
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