Ce chapitre expose la méthodologie et les résultats principaux des Perspectives mondiales des plastiques : Scénarios d’action à l’horizon 2060. Il présente des projections pour l’utilisation de plastiques, la gestion des déchets plastiques et des rejets de plastiques en l’absence de mesures nouvelles, et, d’autre part, une série de propositions de mesures ambitieuses pour infléchir la courbe des plastiques. Ce deuxième volume des Perspectives mondiales des plastiques vient compléter un premier volume, Perspectives mondiales des plastiques : Déterminants économiques, répercussions environnementales et possibilités d’action, publié en février 2022, qui présentait un bilan chiffré des tendances autour du plastique, incluant l’utilisation de plastiques, la production de déchets et les rejets de plastiques dans l’environnement, sur les dernières décennies jusqu’en 2019 et isolait quatre leviers – les marchés du plastique recyclé, l’innovation, les politiques nationales et la coopération internationale – pour réduire les effets du plastique sur l’environnement.
Perspectives mondiales des plastiques
1. Vue d’ensemble et synthèse
Abstract
1.1. Introduction
L’utilisation du plastique a connu une formidable expansion depuis le milieu du XXe siècle. Mais aujourd’hui, il faut se rendre à l’évidence : les plastiques rejetés dans l’environnement constituent l’une des plus graves menaces écologiques de ce XXIe siècle.
Le rapport de l’OCDE sur les plastiques, dans son premier volume publié en février 2022 sous le titre Perspectives mondiales des plastiques : Déterminants économiques, répercussions environnementales et possibilités d’action (OCDE, 2023[1]), établit qu’en à peine soixante-dix ans, entre 1950 et 2019, la production de plastique est passée de 2 millions de tonnes (Mt) à 460 Mt – soit une multiplication par 230. Le rapport conclut que, malgré les mesures volontaristes prises récemment pour « boucler la boucle » du cycle de vie des plastiques, le cycle de vie du plastique n’est circulaire qu’à 8 %.1 Il met en évidence que la production de déchets plastiques a plus que doublé entre 2000 et 2019, passant de 156 Mt à 353 Mt. Cependant, en 2019, 15 % seulement des déchets plastiques ont été collectés pour être recyclés et seuls 9 % l’ont effectivement été. La moitié des déchets plastiques a été mise en décharge et près d’un cinquième a été incinéré. Une part importante (22 %) des déchets plastiques a été mal gérée (élimination inadaptée), finissant dans des décharges sauvages ou brûlée à ciel ouvert et entraînant des rejets dans l’environnement. En 2019, 22 Mt de déchets plastiques ont été rejetés dans l’environnement.2 La grande majorité de ces déchets (en poids) étaient des macroplastiques (88 %),3 la part des microplastiques4 étant plus faible (12 %). La quantité de plastique accumulée dans les cours d’eau en 2019 était estimée à 109 Mt et celle présente dans les océans à 30 Mt. Le rapport révèle également que la pandémie de COVID-19 en 2020 a bouleversé temporairement les tendances de la production de plastique et de déchets associés. Malgré une poussée de la demande pour certaines applications spécifiques telles que les équipements de protection individuelle (EPI), le recul de l’activité économique a fait chuter de 2,2 % l’utilisation globale de plastiques. Néanmoins, avec la reprise de l’économie, la production de matières plastiques et de déchets de plastique est repartie à la hausse.
Depuis la publication du premier volume des Perspectives mondiales des plastiques, les États membres des Nations Unies ont convenu, lors de la 5e Assemblée des Nations Unies pour l’environnement (ANUE-5.2), de négocier un instrument international juridiquement contraignant d’ici à 2024 pour mettre fin à la pollution plastique. Pendant ce temps, la reprise mondiale postpandémie s’est poursuivie, toujours inégale, tandis que les perspectives géopolitiques s’assombrissaient avec la guerre en Ukraine. Dans ces circonstances, il est judicieux de se demander quels sont les scénarios plausibles pour l’évolution de l’utilisation de plastiques ainsi que de la production de déchets et des rejets de plastiques au cours des prochaines décennies, en l’absence de mesures supplémentaires ainsi qu’en présence de mesures coordonnées pour lutter contre la pollution au plastique.
Le rapport Perspectives mondiales des plastiques : Scénarios d’action à l’horizon 2060 se livre à cette réflexion prospective. Ce deuxième volume des Perspectives mondiales des plastiques présente un ensemble de scénarios cohérents s’étendant jusqu’en 2060 sur l’utilisation de plastiques et la production de déchets plastiques ainsi que sur les impacts environnementaux liés aux plastiques, en particulier leurs rejets dans la nature. Ces perspectives sur les plastiques pour les décennies à venir peuvent aider les responsables politiques à comprendre l’ampleur de l’enjeu que constitue la mise en place d’une économie plus durable et circulaire des matières plastique ainsi que la nécessité de mesures supplémentaires pour lutter contre les rejets de plastiques. En identifiant des ensembles de mesures qui peuvent contribuer à infléchir la courbe des effets du plastique, les Perspectives permettent de mieux saisir les avantages écologiques et les retombées économiques de l’adoption de politiques plus strictes.
Ensemble, les deux volumes des Perspectives mondiales des plastiques tracent une feuille de route détaillée pour améliorer la circularité des matières plastiques sur l’ensemble de leur cycle de vie et parvenir à l’élimination des rejets de plastiques dans l’environnement.
1.2. Présentation générale du cadre de modélisation
Les analyses présentées dans cet ouvrage se fondent principalement sur des simulations effectuées à l’aide d’ENV-Linkages, le modèle d’équilibre général calculable (MEGC) dynamique multirégional et multisectoriel de l’OCDE (Château, Dellink et Lanzi, 2014[2]). ENV-Linkages a été élargi pour l’occasion à 14 catégories de polymères et à la production de plastiques primaires aussi bien que secondaires (recyclés) (voir l’annexe A).
L’intérêt des modèles MEGC tels que ENV-Linkages est qu’ils intègrent les déterminants de la consommation sectorielle et régionale de plastique – par exemple, les évolutions de la structure de la demande, des modes de production (notamment les activités de recyclage) et de la spécialisation commerciale – dans un cadre cohérent (voir le chapitre 2). Il existe déjà des projections de l’utilisation de plastiques dans différents travaux publiés,5 mais ce rapport présente les premières projections fondées sur un cadre MEGC. Dans ces études, les volumes projetés de matières plastiques suivent les tendances globales de la croissance économique ou démographique, ou les deux, sans considérations sectorielles. L’approche de modélisation adoptée dans ce rapport permet d’établir un lien plus précis entre l’utilisation de plastiques et les activités économiques, et de mieux comprendre les conséquences de l’intervention des pouvoirs publics. Elle considère le plastique non seulement comme un bien de consommation finale, mais surtout comme un bien intermédiaire dans un processus de production dans différents secteurs de l’économie, rendant ainsi compte de la complexité des interactions entre secteurs et régions et tout au long du cycle de vie des matières plastiques (voir le chapitre 3).
Le cadre de modélisation ENV-Linkages est également utilisé pour calculer les flux de déchets plastiques. La production de déchets est étroitement liée à l’utilisation des plastiques et dépend de la durée de vie moyenne de chaque produit. Celle-ci peut être très courte, comme pour les emballages, ou s’étendre sur plusieurs décennies, comme pour les matériaux utilisés dans la construction (Geyer, Jambeck et Law, 2017[3]). Le commerce international des déchets plastiques, c’est-à-dire les déchets produits dans un pays qui sont traités dans un autre, est également modélisé.
Le modèle ENV-Linkages a également été amélioré pour distinguer le devenir des plastiques en fin de vie, lequel dépend fortement des capacités de gestion des déchets et de la réglementation du lieu où les déchets sont produits et traités. Quatre devenirs en fin de vie sont modélisés : les déchets recyclés, les déchets incinérés, les déchets mis en décharge (dans des décharges contrôlées) et les déchets mal gérés (y compris les déchets sauvages non collectés) (voir le chapitre 4).
Enfin, ces Perspectives présentent des projections jusqu’en 2060 des conséquences environnementales de l’utilisation et des déchets plastiques. Le chapitre 5 suit la même méthodologie que le volume 1 (OCDE, 2023[1]) ; il présente des projections concernant les rejets de plastiques dans l’environnement, qui combinent les estimations de quatre groupes de chercheurs éminents.6 Ces experts ont affiné et adapté leurs approches analytiques respectives afin de produire des estimations de rejets qui soient cohérentes avec les projections de l’activité économique, de l’utilisation de plastiques et de la production de déchets selon le modèle ENV-Linkages (voir l’annexe A). Le chapitre 6 explore d’autres impacts environnementaux, notamment les émissions de gaz à effet de serre (GES) de l’ensemble du cycle de vie des plastiques et une analyse des plastiques biosourcés. Enfin, une analyse du cycle de vie (ACV) est utilisée pour évaluer d’autres impacts environnementaux des plastiques.7
1.3. Analyse de scénarios pour les projections sur les plastiques
Les projections à long terme sont, par définition, entourées d’incertitude, puisqu’il n’est pas possible de prévoir avec un degré élevé de précision les changements socioéconomiques qui pourraient se produire à l’horizon 2060. Néanmoins, les projections présentées ici peuvent mettre en évidence les conséquences futures des choix politiques actuels et les avantages d’une politique publique plus ambitieuse.
Reconnaissant ces incertitudes, les Perspectives mondiales des plastiques adopte une approche par scénario. Différents scénarios spécifiques et chiffrés définissent une palette de trajectoires futures possibles, qui sont à la fois plausibles et présentent une cohérence interne. Cela permet une évaluation quantitative des principales évolutions économiques et environnementales et, singulièrement, de l’incidence des politiques relatives au plastique. La modélisation fournit des projections sur les plastiques en reliant soigneusement les volumes de plastiques à la consommation et à la production de plastique dans l’économie, en se concentrant sur l’évolution des déterminants économiques sectoriels et régionaux de l’utilisation de plastiques.
L’établissement de projections concernant l’utilisation future des matières plastiques, les déchets et les conséquences environnementales comprend quatre étapes, comme l’illustre le Graphique 1.1. La première étape consiste à projeter les déterminants économiques qui déterminent l’utilisation de plastiques, sur la base des tendances socioéconomiques et de diverses hypothèses concernant les changements de politiques publiques. La deuxième étape relie l’utilisation de plastiques par catégorie de polymère et par application (type d’utilisation) à différentes activités économiques. La troisième étape établit le lien entre l’utilisation de plastiques et la production de déchets plastiques, en faisant la distinction entre les différentes techniques de gestion des déchets. Enfin, les rejets de plastiques et les principaux impacts environnementaux liés à la production, à la consommation et à l’élimination des plastiques sont calculés.
Les Perspectives présentent les résultats d’un scénario de référence, qui sert à montrer les conséquences environnementales à l’horizon 2060 des politiques actuelles en matière de plastique et de gestion des déchets.8 Afin de mettre en évidence les incertitudes, d’autres scénarios de référence sont explorés pour certaines des principales tendances déterminant l’utilisation de plastiques et la production de déchets plastiques au cours des prochaines décennies.
Parallèlement, les scénarios de politiques quantifient les effets positifs sur l’environnement et les conséquences économiques d’interventions publiques ambitieuses dans le domaine des plastiques, en étudiant comment leur utilisation, la gestion des déchets et les impacts sur l’environnement varient en fonction du niveau d’exigence des mesures prises. Les interactions avec les politiques en matière climatique sont également analysées. Ces scénarios de politiques évaluent les effets de différents ensembles de mesures, qui varient dans leur portée et leur niveau d’exigence, par rapport au scénario de référence.
1.4. Projections à 2060 dans le scénario de référence
1.4.1. Le PIB mondial devrait plus que tripler d’ici 2060
La population mondiale devrait atteindre 10 milliards de personnes en 2060. Cependant, il existe des différences importantes entre les pays. De nombreux pays européens, le Japon, la Corée et la République populaire de Chine (ci-après « la Chine ») sont confrontés à un déclin démographique. À l’inverse, d’autres pays, notamment en Afrique subsaharienne, devraient enregistrer une forte croissance de leur population. Le niveau de vie devrait augmenter dans tous les pays, les pays non membres de l’OCDE convergeant progressivement, d’ici à 2060, vers les niveaux des pays de l’OCDE en 2019. Avec la croissance démographique et l’amélioration du niveau de vie, le produit intérieur brut (PIB) mondial devrait plus que tripler entre 2019 et 2060. À mesure de leur développement, les économies connaissent aussi d’importants changements structurels. Le secteur des services devrait enregistrer la croissance la plus rapide, sous l’effet de l’évolution de la demande des ménages et de la transformation des modes de production. La « servicisation » des économies a également des répercussions importantes sur l’utilisation de plastiques et donc sur les déchets plastiques.
1.4.2. L’utilisation de plastiques devrait presque tripler d’ici 2060
Selon les projections, l’utilisation de plastiques devrait être quasi multipliée par trois, passant de 460 Mt à 1231 Mt entre 2019 et 2060. En l’absence de nouvelles politiques, au cours de la même période, l’utilisation de plastique connaîtra une croissance supérieure à celle des autres matériaux, à l’exception du bois d’œuvre et des autres produits du bois. Le principal moteur de cette poussée est la croissance économique, mais la croissance démographique y contribue également de manière importante. En revanche, les changements structurels et technologiques font baisser l’utilisation de plastiques. En raison des changements dans la structure de l’économie, la quantité moyenne de plastique utilisée, à l’échelle mondiale, pour produire 1 USD de PIB devrait baisser de 16 % entre 2019 et 2060, ce qui implique un léger découplage relatif entre l’utilisation de plastiques et le PIB. Toutefois, le rythme auquel les économies se remettent de la pandémie de COVID-19 est susceptible de modifier ces projections (Encadré 1.1).
L’utilisation des plastiques primaires9 restera prédominante (88 % en 2060). Même si les plastiques secondaires (recyclés) devraient croître à un rythme plus rapide que les plastiques primaires, ils ne devraient toujours représenter que 12 % de la part totale de l’utilisation de plastiques en 2060.
1.4.3. Les taux de croissance seront toutefois très hétérogènes entre les régions
Alors que les pays de l’OCDE devraient doubler leur consommation de plastique, les économies émergentes devraient connaître des augmentations beaucoup plus importantes, allant d’un triplement en Asie10 à une multiplication par six en Afrique subsaharienne, comme l’illustre le Graphique 1.3. Malgré cette croissance rapide, les pays de l’OCDE devraient rester les plus gros consommateurs de plastiques en 2060 en moyenne par habitant. L’intensité d’utilisation de plastique devrait diminuer entre 2019 et 2060 à l’échelle mondiale grâce aux changements technologiques entraînant une baisse de l’intensité par secteur et à une mutation au profit de secteurs moins consommateurs de plastique.
Encadré 1.1. Les effets de la pandémie de COVID-19 sur l’utilisation de plastiques pourraient perdurer pendant des décennies
La pandémie de COVID-19 et les perturbations de l’activité économique qu’elle a entraînées ont provoqué une importante contraction du PIB mondial, dont la croissance annuelle est tombée à ‑4 % en 2020, contre environ +4 % en 2019. De nombreuses économies ont rebondi depuis, leur PIB ayant retrouvé, voire dépassé, les niveaux pré-COVID. Néanmoins, à bien des égards, des effets persisteront. La pandémie de COVID-19 devrait entraîner une baisse permanente de 2 % de l’utilisation de plastiques et de la production de déchets plastiques par rapport aux projections réalisées avant la pandémie. Les différences d’une région à l’autre sont nombreuses. Dans les pays connaissant une croissance relativement forte postpandémie, un rebond des volumes de plastiques est possible, tandis que les économies subissant des effets négatifs persistants dus à la pandémie, l’utilisation de plastiques et la production de déchets plastique pourraient diminuer sensiblement à moyen et long terme par rapport aux projections antérieures à la pandémie. Par exemple, si le retour aux taux de croissance pré-COVID-19 s’avérait plus lent que prévu dans le scénario de référence, l’utilisation de plastiques et la production de déchets plastiques dans le monde en 2060 pourraient être inférieures de 4 %.
1.4.4. La croissance des volumes par polymère et par application est également hétérogène
Si l’utilisation mondiale de plastiques devrait augmenter pour toutes les applications, la plus forte croissance devrait se produire dans les trois secteurs représentant actuellement 60 % de l’ensemble de l’utilisation des plastiques : les transports, notamment composants de véhicules en plastique (multiplication par plus de trois d’ici à 2060), la construction et l’emballage (multiplication par plus de deux d’ici à 2060). Par conséquent, si l’utilisation de plastiques augmente pour tous les polymères (Graphique 1.4), les augmentations les plus importantes concernent les polymères utilisés pour ces applications. Par exemple, le PET (polyéthylène téréphtalate) et le PE (polyéthylène) employés dans les emballages devraient plus que doubler d’ici 2060.
1.4.5. Un quasi-triplement des déchets plastique d’ici 2060 est projeté, dont la moitié toujours mis en décharge et moins d’un cinquième recyclés
La production de déchets plastiques devrait presque tripler, passant de 353 Mt en 2019 à 1014 Mt en 2060. Les applications à courte durée de vie, telles que les emballages, les produits de consommation et les textiles, domineront les flux, représentant près des deux tiers des déchets plastiques en 2060. La part des déchets provenant des secteurs de la construction et des transports, par exemple des composants de véhicules mis au rebut, restera également importante, notamment en raison de l’accélération de la croissance dans plusieurs économies en développement et émergentes. Une grande partie des déchets plastiques sera produite dans les pays non membres de l’OCDE (65 %), notamment dans les économies émergentes d’Asie et d’Afrique, où, par ailleurs, la production de ces déchets devrait croître le plus rapidement.
Le recyclage devrait croître à un rythme plus rapide que toutes les autres méthodes de gestion des déchets, les taux de recyclage passant de 9 % en 2019 à 17 % en 2060 (Graphique 1.5). Toutefois, il continuera de représenter une part plus faible de la gestion des déchets que l’incinération (18 %) et la mise en décharge contrôlée (50 %).
Malgré les améliorations apportées aux infrastructures de gestion des déchets et à la collecte des dépôts sauvages, les déchets mal gérés devraient augmenter en volume absolu, passant de 79 Mt en 2019 à 153 Mt en 2060. Le taux de mauvaise gestion des déchets plastiques baisse à 1 % en 2060 dans les pays de l’OCDE, mais reste à des niveaux relativement élevés dans les pays non membres de l’OCDE (23 %). La forte augmentation des déchets plastiques mal gérés sera due à la croissance rapide des économies africaines et asiatiques, il est peu probable que l’amélioration des infrastructures soit assez rapide pour empêcher la mauvaise gestion des déchets plastiques.
1.4.6. Les rejets de plastiques devraient doubler, multipliant par plus de trois l’accumulation de plastique dans les milieux aquatiques d’ici à 2060
Même si un découplage, plus ou moins net, est prévu à l’échelle mondiale entre l’utilisation de plastiques et les rejets dans l’environnement, ces derniers devraient presque doubler, passant de 22 Mt (entre 16 à 28 Mt) en 2019 à 44 Mt (entre 34 et 55 Mt) en 2060.11
Les rejets de macroplastiques continueront de représenter une part importante du total des rejets (87 %), mais la part des microplastiques devrait plus que doubler en poids absolu et représenter 13 % des rejets dans l’environnement en 2060. Alors que près de 99 % des macroplastiques sont rejetés à cause d’une mauvaise gestion des déchets, les rejets de microplastiques restent un problème aux origines diverses, notamment les boues d’épuration, l’abrasion des pneus et l’usure du marquage routier. Les dépôts sauvages pourraient devenir la source de rejets de déchets dans l’environnement qui croîtra le plus rapidement.
Le volume des rejets de macroplastiques devrait diminuer dans les pays à revenu élevé et intermédiaire avec l’amélioration des conditions de vie ; il devrait en revanche augmenter dans les pays à faible revenu (Graphique 1.6). En effet, même si, dans un premier temps, l’augmentation du revenu entraîne un accroissement de l’utilisation de plastiques, de la production de déchets plastiques et des rejets dans l’environnement, à la longue, elle s’accompagne d’un renforcement de la demande en meilleurs systèmes de gestion des déchets et d’une volonté de combattre les incidences environnementales visibles, telles que les rejets de macroplastiques. Cette évolution suit la courbe environnementale de Kuznets, également observée dans le cas d’autres polluants. En revanche, la pollution aux microplastiques semble suivre une trajectoire différente, avec des rejets qui continuent d’augmenter, même si une certaine saturation se produit à des niveaux de revenu élevés. Les interventions visant à réduire les émissions de microplastiques (dues, par exemple, à l’abrasion des pneus) sont généralement moins avancées, car cette forme de fuite n’a pas encore fait l’objet du même examen que les macroplastiques, elle se produit tout au long du cycle de vie des produits, le rapport coût-efficacité des interventions d’atténuation n’est pas encore totalement compris et l’action politique reste actuellement limitée.
Pour ce qui est des tendances régionales, si les rejets de plastiques devraient baisser à 2,5 Mt en 2060 dans les pays de l’OCDE, ils augmenteraient considérablement, à 41,6 Mt, dans les pays non membres de l’OCDE – pour une large part, du fait des déchets mal gérés dans les économies émergentes du Moyen-Orient, d’Afrique et d’Asie. Tous les pays contribueront à l’augmentation des rejets de microplastiques dans l’environnement, mais les pays de l’OCDE seront responsables de près d’un tiers de ces rejets à l’échelle mondiale en 2060.
Les prévisions sont sombres pour les milieux aquatiques, tels que les ruisseaux, rivières, lacs, mers et océans, où l’accumulation de plastiques devrait plus que tripler, passant de 140 Mt en 2019 à 493 Mt en 2060 (Graphique 1.7). Les flux vers les milieux aquatiques devraient également doubler au cours de cette période, ce qui aggravera un problème environnemental déjà très inquiétant. La répartition géographique des contributions aux rejets de déchets plastiques vers les milieux aquatiques devrait encore évoluer. La Chine, l’Inde, les autres pays d’Asie non membres de l’OCDE et les autres pays d’Afrique seront à l’origine de 79 % de l’ensemble des rejets dans l’environnement aquatique. Alors que la Chine devrait être le plus grand émetteur de plastiques dans les milieux d’eau douce, d’autres économies émergentes d’Asie contribueront de manière notable aux rejets de plastique dans l’environnement marin.
1.4.7. Les effets du plastique sur l’environnement et la santé devraient s’aggraver considérablement
L’ensemble du cycle de vie des plastiques contribue significativement aux émissions de GES, ce qui devrait continuer à l’avenir en l’absence de nouvelles mesures. Actuellement, 1,8 gigatonnes d’équivalent en dioxyde de carbone (Gt éq. CO2) d’émissions de GES peut être attribué au cycle de vie des plastiques, mais ce chiffre devrait plus que doubler pour atteindre 4,3 Gt éq. CO2 d’ici à 2060. Environ 90 % de ces émissions proviennent de la production et de la transformation, avec des différences importantes entre les polymères : la production de fibres utilisées pour les textiles est le principal émetteur, juste devant le polypropylène (PP) et le polyéthylène basse densité (PEbd), qui sont employés dans diverses applications, notamment les emballages et les véhicules.
Les plastiques biosourcés sont loin d’être une panacée. Sans mesures politiques additionnelles, ils ne représenteront probablement qu’une fraction de la consommation totale de plastique en 2060, soit environ 0,5 %. En outre, même si les mesures de politique publique parvenaient à porter leur part de marché à 5 % d’ici à 2060, l’incidence sur les émissions de GES resterait incertaine. Bien que le remplacement de la production de plastiques d’origine fossile par des plastiques biosourcés permette une diminution des émissions directes de GES, les terres supplémentaires nécessaires pour la culture des matières premières peuvent conduire à la transformation de zones naturelles en terres arables, donnant lieu à des émissions ponctuelles de GES.
Les conséquences écologiques du plastique ne se limitent pas aux rejets dans l’environnement et aux émissions de gaz à effet de serre. Une grande variété d’autres incidences peuvent être associées au plastique, telles que la raréfaction des ressources, l’utilisation des sols, la formation d’ozone, l’eutrophisation, l’écotoxicité, la toxicité et l’acidification. Le Graphique 1.8 met en évidence les effets de différents polymères plastiques en utilisant l’analyse du cycle de vie (ACV) de l’extraction de la matière première à la sortie de l’usine et de la fin de vie. Ces effets tendent à différer selon les polymères : par exemple, le polyuréthane (PUR) peut entraîner l’eutrophisation marine, tandis que le polychlorure de vinyle (PVC) est cancérogène pour l’homme. Les incidences environnementales devraient plus que doubler d’ici à 2060, augmentant entre 132 % et 171 %, les effets sur l’utilisation des sols et l’eutrophisation des eaux marines et douces connaissant la plus forte augmentation. L’accroissement des effets observés au cours du cycle de vie résulte principalement d’une extension de la production et de la consommation de plastique d’ici à 2060. Ces effets ne seront que partiellement compensés par les améliorations apportées à la gestion des déchets d’ici à 2060, y compris dans le scénario de référence. Par exemple, l’incidence de la production de plastique sur l’acidification des terres augmentera de 5 % de moins en 2060 que les volumes produits, en raison de la part de marché croissante des plastiques secondaires. En outre, l’incidence de l’écotoxicité en eau douce de la phase de fin de vie augmente de 33 % de moins que la consommation de plastique d’ici à 2060 grâce à l’amélioration des pratiques de gestion des déchets.
1.5. Ensemble de mesures pour éliminer les rejets de plastiques
La section précédente dresse un tableau assez sombre : en l’absence de mesures politiques additionnelles, d’ici à 2060, le monde produira et consommera presque trois fois plus de plastique qu’aujourd’hui. Les incidences environnementales du plastique tout au long de son cycle de vie seront plus importantes que jamais. Le triplement des quantités de déchets plastiques produits est très préoccupant. S’ils ne sont pas gérés correctement, ces déchets pourraient entraîner un doublement des rejets dans l’environnement et une augmentation substantielle du stock rejets de plastiques accumulés dans les cours d’eau et les océans. D’autres préoccupations concernent le redoublement des émissions de gaz à effet de serre associées à la production et à la fin de vie des plastiques ainsi que l’augmentation substantielle des autres effets sur la santé et l’environnement tout au long du cycle de vie des plastique.
En l’absence de politiques nettement plus exigentes et coordonnées, la communauté mondiale reste loin de son objectif à long terme de mettre fin à la pollution plastique. La question du plastique doit être abordée de manière systématique, et les mesures au coup par coup doivent être remplacées par une action coordonnée. Ce rapport explore donc différents scénarios politiques susceptibles de modifier les perspectives en accroissant la circularité du cycle de vie des plastiques et de réduire les rejets de plastiques dans l’environnement.
1.5.1. Mesures constitutives des politiques
Des mesures de politique publique plus ambitieuses et coordonnées sont nécessaires tout au long du cycle de vie des plastiques, comme l’indique la feuille de route figurant dans le premier volume, Perspectives mondiales des plastiques : Déterminants économiques, répercussions environnementales et possibilités d’action (OCDE, 2023[1]). La feuille de route met l’accent sur la nécessité de recourir à des instruments réglementaires et économiques qui peuvent susciter des changements de comportement dans l’ensemble de l’économie. Ce deuxième volume des Perspectives s’appuie sur cette feuille de route pour proposer un ensemble de mesures qui, conjointement, peuvent modifier les fondements de l’économie actuelle du plastique.
Les mesures politiques peuvent être regroupées autour de trois piliers de l’action des pouvoirs publics : Limiter la demande de plastique et améliorer la circularité, Augmenter le recyclage et Fermer les voies de rejets. À chaque pilier correspondent plusieurs instruments de politique publique (Graphique 1.9).
Limiter la demande de plastique et améliorer la circularité impliquent des instruments de nature fiscale qui dissuadent la production et la consommation de plastique ainsi que d’autres politiques qui incitent à améliorer la conception des produits pour augmenter leur durabilité et favoriser leur réutilisation et leur réparation. Ces instruments comprennent une taxe sur les plastiques, notamment sur les emballages en plastique, un ensemble de mesures favorisant la conception circulaire, telles que l’augmentation de la durée de vie des produits en plastique, la diminution de la demande finale de biens durables, l’augmentation de l’efficacité de l’utilisation intermédiaire des plastiques ainsi que l’encouragement de la demande pour les services de réparation.
Augmenter le recyclage comporte des instruments qui influent sur le taux de recyclage des plastiques, par exemple des objectifs d’incorporation de matières recyclées, des systèmes de responsabilité élargie des producteurs (REP) et des objectifs de taux de recyclage par région.
Fermer les voies de rejets vise à réduire et, si possible, à éliminer les déchets plastiques mal gérés en investissant dans les infrastructures de gestion des déchets et en augmentant les taux de collecte des déchets, ce qui réduira considérablement les rejets de plastiques dans l’environnement.
1.5.2. Le niveau de rigueur des ensembles de mesures modélisés est variable
Deux scénarios fondés sur les mesures précitées ont été modélisés avec des niveaux de rigueur différents dans les Perspectives mondiales des plastiques afin de cerner leurs effets environnementaux et économiques à l’horizon 2060 (pour de plus amples détails, voir Tableau 1.1).
Le scénario d’Action régionale fait varier le niveau d’ambition de l’ensemble des mesures pour refléter les différentes circonstances et les défis auxquels sont confrontés les pays membres et non membres de l’OCDE. Cet ensemble de mesures vise à réduire les volumes de plastique tout au long du cycle de vie d’ici à 2060 tout en limitant le coût économique.
Le scénario d’Ambition mondiale porte sur une meilleure coordination des efforts à l’échelle internationale, l’ambition étant de réduire les rejets de plastiques à un niveau proche de zéro à l’horizon 2060. Cela reflète les objectifs de plusieurs initiatives internationales, notamment la résolution de l’Assemblée des Nations Unies pour l’environnement visant à élaborer un instrument international juridiquement contraignant relatif à la pollution aux plastiques, la « Vision d’Osaka pour un Océan Bleu » du G20 ou encore des actions volontaires du secteur privé. Les instruments sont les mêmes que dans le scénario d’Action régionale, mais ils sont assortis d’objectifs plus ambitieux et mis en œuvre plus rapidement et au niveau mondial. Cela permettrait de réduire considérablement les volumes de plastiques ainsi que leurs impacts environnementaux tout au long du cycle de vie, bien que le coût économique soit un peu plus élevé.
Tableau 1.1. Les niveaux d’ambition des mesures varient dans les deux scénarios principaux
Piliers de l’action |
Action régionale |
Ambition mondiale |
---|---|---|
Restreindre la demande |
Taxe sur les emballages en plastique, augmentant linéairement de 0 en 2021 pour atteindre USD 1000/tonne d’ici 2030 dans l’Union européenne (UE), d’ici 2040 dans le reste des pays de l’OCDE et d’ici 2060 dans les pays (hors UE) non membres de l’OCDE, pour rester constante par la suite. |
Taxe sur les emballages en plastique, augmentant linéairement de 0 en 2021 pour atteindre USD 1000/tonne d’ici 2030 à l’échelle mondiale, puis doublant à USD 2000/tonne d’ici 2060. |
Taxe sur toutes les autres utilisations des plastiques (hors emballage), introduite après 2030, commençant à USD 25/tonne pour atteindre USD 750/tonne d’ici 2040 dans les pays de l’OCDE et d’ici 2060 dans les pays non membres de l’OCDE. La taxe reste constante par la suite. |
Taxe sur toutes les autres utilisations des plastiques (hors emballage), atteignant USD 750/tonne d’ici 2030 à l’échelle mondiale, puis doublant à USD 1500/tonne d’ici 2060. |
|
Instruments de politiques publiques visant á encourager une conception qui favorise la durabilité et la réparabilité des produits en plastique, tels que l’allongement de 10 % de la durée de vie des produits, la diminution de 5 à 10 % de la demande intermédiaire et finale de biens durables d’ici à 2040 ainsi qu’un accroissement de la demande de services de réparation. |
Instruments de politiques publiques visant á encourager une conception qui favorise la durabilité et la réparabilité des produits en plastique, tels que l’allongement de 15 % de la durée de vie des produits, la diminution de 10 à 20 % de la demande de biens durables d’ici à 2030, l’amélioration de l’efficacité de l’utilisation intermédiaire des plastiques ainsi qu’un accroissement de la demande de services de réparation. |
|
Augmenter le recyclage |
Objectifs d’incorporation de matières recyclées fixés à 40 % pour les pays de l’OCDE et à 20 % pour les pays non membres de l’OCDE d’ici à 2060. |
Objectif d’incorporation de matières recyclées fixé à 40 % pour tous les pays d’ici à 2060. |
Programmes REP pour les emballages, l’électronique, l’automobile et la confection dans les pays de l’OCDE et les pays de l’UE non membres de l’OCDE ; REP non mise en œuvre dans les autres pays. |
Programmes REP pour les emballages, l’électronique, l’automobile et la confection dans tous les pays. |
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Objectifs de taux de recyclage par région : 60 % d’ici à 2030 et 70 % d’ici à 2060 pour l’UE et la région OCDE Pacifique, 60 % d’ici à 2060 pour les autres pays de l’OCDE et la Chine, 40 % d’ici à 2060 pour les autres pays. |
Objectifs de taux de recyclage par région : 60 % d’ici à 2030 et 80 % d’ici à 2060 pour l’UE et la région OCDE Pacifique, 80 % d’ici à 2060 pour les autres pays de l’OCDE et la Chine, 60 % d’ici à 2060 pour les pays restants. |
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Fermer les voies de rejet |
Investissement dans les systèmes de collecte mixte et les décharges contrôlées, les pays de l’OCDE éliminant tous les déchets collectés mal gérés, tandis que les pays non membres de l’OCDE réduisent de moitié les déchets mal gérés d’ici à 2060. |
Investissements dans les systèmes de collecte mixte et les décharges contrôlées, tous les pays devant éliminer les déchets mal gérés collectés d’ici à 2060. |
Amélioration des taux de collecte des dépôts sauvages pour parvenir à 90 % dans les pays à revenu élevé. |
Amélioration des taux de collecte des dépôts sauvages pour parvenir à 90 % dans les pays à revenu élevé, et augmentation des taux de collecte dans les pays à faible revenu de 65 % à 75 %. |
Source : modèle ENV-Linkages de l’OCDE.
1.5.3. Le renforcement des politiques nationales, même avec des niveaux d’ambition régionaux différenciés, peut apporter des gains environnementaux substantiels, mais ne suffit pas à éliminer les rejets
Les projections montrent que l’ensemble de mesures du scénario d’Action régionale, pourrait réduire l’utilisation mondiale de plastiques de près d’un cinquième par rapport au scénario de référence – de 1231 Mt à 1018 Mt – d’ici à 2060 (Graphique 1.10). Ce résultat est dû en grande partie aux effets de la taxation des utilisations du plastique, qui limite la demande et la production de plastiques. La fiscalité sur le plastique à usage unique entraîne une réduction sensible de l’utilisation de ces plastiques à courte durée de vie. Les déchets plastiques diminueraient également d’environ un cinquième par rapport au scénario de référence, passant de 1014 Mt à 837 Mt, principalement sous l’effet de la réduction de la demande. Malgré ces baisses, en 2060, l’utilisation de plastiques et les déchets plastiques devraient encore être bien supérieurs aux niveaux de 2019.
Les systèmes de gestion des déchets connaissant d’importantes améliorations, le taux de recyclage à l’échelle mondiale se hisserait à 40 % en 2060. Les mesures stimulant la demande de vieux plastiques et faisant augmenter l’offre de plastiques recyclés feraient bondir la part de marché des plastiques secondaires de 12 % à 29 %. Dans le même temps, les déchets mal gérés diminueraient de plus de 60 %, atteignant 59 Mt en 2060, un niveau inférieur à celui de 2019. L’amélioration des systèmes de gestion des déchets dans les pays non membres de l’OCDE permettrait d’obtenir une grande partie de ces résultats.
Les rejets de macroplastiques diminueraient par rapport aux projections du scénario de référence pour 2060, passant de 38 Mt à 15 Mt. En revanche, la réduction des rejets de microplastiques resterait assez faible : baisse de 4 % par rapport au scénario de référence, de 5,8 Mt à 5,6 Mt. Si cet ensemble de mesures réduit de moitié les rejets de plastiques dans l’environnement, y compris dans les milieux aquatiques, il ne peut pas les empêcher complètement. Cela est particulièrement vrai pour les pays non membres de l’OCDE, où des mesures supplémentaires et des politiques plus strictes sont nécessaires. Cela souligne l’importance d’une ambition et d’une coopération mondiales, selon la modélisation proposée dans le scénario d’Ambition mondiale.
1.5.4. Une ambition coordonnée à l’échelle mondiale est nécessaire pour stimuler radicalement le recyclage et éliminer les rejets de plastiques dans l’environnement
D’ici à 2060, cet ensemble de mesures devrait permettre de réduire d’un tiers l’utilisation de plastiques et les déchets plastiques par rapport au scénario de référence (Graphique 1.10). La consommation de plastique tomberait à 827 Mt, contre 1231 Mt dans le scénario de référence, les taxes entraînant une réorientation des activités économiques au détriment des secteurs utilisant le plastique, notamment dans les pays non membres de l’OCDE en Eurasie, au Moyen-Orient et en Afrique. De même, par rapport aux projections du scénario de référence, les déchets plastique diminueraient, de 1014 Mt à 679 Mt en 2060, les politiques de restriction de la demande et de la production jouant un rôle important.
Avec un taux de presque 60 %, le recyclage s’imposerait comme la principale solution de gestion des déchets. La part de marché des plastiques secondaires atteindrait 41 % en 2060, principalement grâce à d’importantes mesures de stimulation de la demande, comme le relèvement des objectifs d’incorporation de matières recyclées. D’autre part, les déchets mal gérés rejoindraient des niveaux proches de zéro (6 Mt en 2060 contre 153 Mt dans le scénario de référence). Cette forte diminution peut être attribuée à des améliorations massives des infrastructures de gestion des déchets dans les pays non membres de l’OCDE, où les déchets mal gérés sont ainsi ramenés à 4 Mt.
Les améliorations apportées par les mesures du scénario d’Ambition Globale réduiront considérablement les rejets de déchets dans l’environnement, avec une diminution de 85 % par rapport au scénario de référence (de 44 Mt à 6 Mt), les rejets de macroplastiques étant presque totalement éliminés. Les rejets vers les milieux aquatiques sont aussi presque totalement éliminés, passant à 0,2 Mt contre 11,6 Mt dans le scénario de référence. Les rejets de microplastiques sont également limités, même s’ils ne sont réduits que de 9 % par rapport aux projections du scénario de référence. Cependant, même avec des mesures politiques aussi ambitieuses à l’échelle mondiale, dans l’intervalle, le stock de rejets de plastiques continueront de s’accumuler dans les milieux aquatiques, atteignant 300 Mt en 2060, soit un peu plus du double du niveau de 2019. Cet effet prolongé sur les milieux aquatiques fait ressortir la nécessité de prendre d’urgence des mesures politiques ambitieuses.
L’ensemble de mesures du scénario d’Ambition mondiale contribue également aux objectifs climatiques avec une diminution des émissions de GES associées au cycle de vie des plastique de 2,1 Gt éq. CO2 en 2060, soit une réduction de 50 % par rapport au scénario de référence. Cela souligne l’effet positif des politiques de circularité sur la baisse des émissions de GES associées au cycle de vie des plastiques. Les synergies importantes entre les politiques climatiques et les politiques relatives au plastique sont examinées plus en détail dans l’Encadré 1.2.
Encadré 1.2. Comment l’atténuation du changement climatique interagit-elle avec les politiques visant à réduire les rejets de plastiques dans l’environnement ?
Le cycle de vie des plastiques est fondamentalement lié au changement climatique. En effet, les plastiques sont en grande partie dérivés de combustibles fossiles, tandis que la production de plastiques et la gestion des déchets entraînent des émissions de gaz à effet de serre (GES). Il existe donc d’importantes synergies que les décideurs peuvent exploiter en tirant parti de la complémentarité des politiques relatives aux plastiques et au climat.
Pour examiner ces liens plus précisément, un troisième ensemble de mesures de politiques publiques – le scénario d’Atténuation du changement climatique – a été élaboré dans le cadre du présent rapport. Il modélise les effets d’un ensemble de mesures composé de deux instruments : la tarification du carbone et la transformation structurelle du secteur de l’électricité. Dans cet ensemble, le prix moyen mondial du carbone augmente progressivement pour atteindre 69 USD en 2060 (155 USD dans l’OCDE, 42 USD dans les pays non membres de l’OCDE). Dans le même temps, la transformation du secteur de l’électricité implique une réduction de la part de la production d’électricité d’origine fossile de 69 % en 2019 à 15 % en 2060 (contre 62 % dans le scénario de référence). Ce scénario prévoit une diminution des émissions mondiales de GES d’environ un tiers à l’horizon 2060 par rapport au scénario de référence, ce qui correspond à un niveau d’émissions brutes mondiales de 63 Gt éq. CO2 en 2060.
En combinant les ensembles de mesures du scénario d’Ambition mondiale pour les plastiques et du scénario d’Atténuation du changement climatique, les émissions de GES liées au cycle de vie des plastiques diminueraient de deux tiers par rapport au scénario de référence, soit 2,8 Gt éq. CO2. Cette réduction est obtenue grâce à la réduction de l’utilisation des plastiques, à la transition de la consommation d’énergie dans les activités liées aux plastiques (production et transformation, et, dans une moindre mesure, fin de vie) vers des sources à moindre intensité carbone et à la diminution des émissions indirectes de GES dues à la production d’électricité.
L’ensemble combiné de mesures réduit non seulement les émissions de GES associées au cycle de vie des plastique, mais il augmente aussi la part des plastiques secondaires dans la consommation totale de plastique atteinte dans le scénario d’Ambition Globale : la consommation de plastiques primaires et secondaires diminue, mais la consommation de plastiques primaires diminue davantage, car ces derniers sont caractérisés par une plus grande intensité énergétique. Par conséquent, si l’ensemble combiné ne réduit pas davantage la demande de plastique, il rend le cycle de vie des plastique plus circulaire.
En identifiant les synergies qui existent dans les politiques relatives au climat et au plastique, les pays seraient en mesure de se rapprocher de leurs objectifs climatiques, tout en tirant profit de la réduction des incidences environnementales des plastiques. Cependant, ces évolutions peuvent créer des conflits qui demandent à être examinés attentivement, tels que la possibilité d’une augmentation des émissions de GES due à une plus grande utilisation des techniques de recyclage.
1.5.5. Les coûts économiques des deux ensembles de mesures sont relativement modestes, mais leur mise en œuvre nécessitera des mécanismes de soutien financier
Par rapport au scénario de référence, le PIB mondial serait réduit de seulement 0,3 % en cas de mise en œuvre du scénario d’Action régionale (Graphique 1.11), ce qui représente un coût plutôt modéré pour l’économie. On observe toutefois d’importants écarts entre les régions, avec un coût inférieur à 0,1 % en Chine, mais allant jusqu’à 1,1 % en Afrique subsaharienne et à 1,8 % dans les pays de l’Union européenne non membres de l’OCDE.
L’ensemble des mesures du scénario d’Ambition mondiale réduirait le PIB mondial de moins de 1 % par rapport au scénario de référence, ce qui montre une fois de plus que les politiques publiques, même très ambitieuses, ont un coût économique assez limité. Le coût macroéconomique reste faible pour les pays de l’UE membres de l’OCDE et pour la Chine, mais il est plus élevé pour les pays de l’UE non membres de l’OCDE et l’Afrique. Les différences de coût macroéconomique s’expliquent principalement par les différences d’intensité de la production de plastiques ainsi que par les changements d’avantages comparatifs entre les régions. Les avantages comparatifs apparaissent lorsque les politiques qui favorisent l’écoconception améliorent l’efficacité et déplacent l’activité économique des secteurs moins productifs.
Une part importante du coût des mesures de politique est liée aux investissements nécessaires dans les systèmes de gestion des déchets.12 Pour l’ensemble de mesures du scénario d’Action régionale, les investissements dans les systèmes de gestion des déchets s’élèveraient à 320 milliards USD au niveau mondial. Dans les pays de l’OCDE, la majeure partie des investissements serait consacrée à l’amélioration des capacités de recyclage, tandis que les pays non membres de l’OCDE devraient investir à la fois dans le recyclage et dans la prévention de la mauvaise gestion des déchets. Les économies en développement devront faire face à des coûts plus élevés que la moyenne mondiale. L’aide publique au développement (APD) est déjà utilisée pour soutenir les actions de lutte contre les rejets de plastiques dans les pays en développement, mais les flux financiers ne représentent qu’une fraction de ce qui est nécessaire et des sources de financement supplémentaires seront requises. Un soutien accru sera nécessaire sous la forme d’un partage des bonnes pratiques et des technologies existantes pour aider les pays en développement rapide à améliorer leurs systèmes de gestion des déchets.
Par ailleurs, malgré une réduction radicale des rejets à un niveau proche de zéro, même dans le scénario d’Ambition mondiale, il serait nécessaire de nettoyer le stock existant de rejets de plastiques dans l’environnement. Les avantages environnementaux des activités de nettoyage sont évidents et les dommages évités pourraient être considérables, y compris sur le plan monétaire. Parallèlement, il ressort clairement que la prévention de la pollution est plus rentable que le nettoyage a posteriori. En effet, le nettoyage de la totalité du stock de près de 500 Mt de plastique dans les milieux aquatiques en 2060 dans le scénario de référence, à un coût supérieur à 1000 USD par tonne, serait bien plus onéreux que l’élimination des rejets grâce à une meilleure gestion des déchets. Dans l’ensemble, des politiques plus ambitieuses visant à prévenir les rejets de plastiques sont beaucoup plus rentables que de laisser les plastiques être rejetés dans l’environnement ; toutefois, le nettoyage reste plus rentable que de laisser les plastiques polluer les milieux naturels.
Références
[14] Borrelle, S. et al. (2020), « Predicted growth in plastic waste exceeds efforts to mitigate plastic pollution », Science, vol. 369/6510, pp. 1515-1518, https://doi.org/10.1126/science.aba3656.
[13] Britz, W. et D. van der Mensbrugghe (2018), « CGEBox: A Flexible, Modular and Extendable Framework for CGE Analysis in GAMS », Journal of Global Economic Analysis, vol. 3/2, pp. 106-177.
[2] Château, J., R. Dellink et E. Lanzi (2014), « An Overview of the OECD ENV-Linkages Model: Version 3 », Documents de travail de l’OCDE sur l’environnement, n° 65, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/5jz2qck2b2vd-en.
[5] Cottom, J. et al. (2022), « Spatio-temporal quantification of plastic pollution origins and transportation (SPOT) » University of Leeds, Royaume-Uni, https://plasticpollution.leeds.ac.uk/toolkits/spot/.
[15] Ellen Macarthur Foundation (2017), The New Plastics Economy:Rethinking The Future Of Plastics & Catalysing Action.
[12] Evangeliou, N. et al. (2020), « Atmospheric transport is a major pathway of microplastics to remote regions », Nature Communications, vol. 11/1, https://doi.org/10.1038/s41467-020-17201-9.
[3] Geyer, R., J. Jambeck et K. Law (2017), « Production, use, and fate of all plastics ever made », Science Advances, vol. 3/7, p. e1700782, https://doi.org/10.1126/sciadv.1700782.
[11] Gómez-Sanabria, A. et al. (2018), « Carbon in global waste and wastewater flows – its potential as energy source under alternative future waste management regimes », Advances in Geosciences, vol. 45, pp. 105-113, https://doi.org/10.5194/adgeo-45-105-2018.
[10] Jambeck, J. et al. (2015), « Plastic waste inputs from land into the ocean », Science, vol. 347/6223, pp. 768-771, https://doi.org/10.1126/science.1260352.
[9] Lau, W. et al. (2020), « Evaluating scenarios toward zero plastic pollution », Science, vol. 369/6510, pp. 1455-1461, https://doi.org/10.1126/science.aba9475.
[7] Lebreton, L. et A. Andrady (2019), « Future scenarios of global plastic waste generation and disposal », Palgrave Communications, vol. 5/1, p. 6, https://doi.org/10.1057/s41599-018-0212-7.
[8] Lebreton, L., M. Egger et B. Slat (2019), « A global mass budget for positively buoyant macroplastic debris in the ocean », Scientific Reports, vol. 9/1, p. 12922, https://doi.org/10.1038/s41598-019-49413-5.
[6] Lebreton, L. et al. (2017), « River plastic emissions to the world’s oceans », Nature Communications, vol. 8/1, https://doi.org/10.1038/ncomms15611.
[1] OCDE (2023), Perspectives mondiales des plastiques : Déterminants économiques, répercussions environnementales et possibilités d’action, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/5c7bba57-fr.
[4] Ryberg, M. et al. (2019), « Global environmental losses of plastics across their value chains », Resources, Conservation and Recycling, vol. 151, p. 104459, https://doi.org/10.1016/j.resconrec.2019.104459.
[16] SYSTEMIQ et The Pew Charitable Trust (2020), Breaking the Plastic Wave: A Comprehensive Assessment of Pathways Towards Stopping Ocean Plastic Pollution, https://www.systemiq.earth/breakingtheplasticwave/.
Notes
← 1. La circularité est calculée comme le rapport entre les matières plastiques secondaires (29 Mt) et les déchets plastiques (353 Mt) en 2019, soit 8 %.
← 2. Le rejet des plastiques dans l’environnement désigne les plastiques introduits dans les milieux aquatiques et terrestres, tandis que la pollution est un concept plus large qui englobe l’ensemble des émissions et des risques imputables à la production et à l’utilisation de plastiques, ainsi qu’à la gestion et aux rejets de déchets plastiques.
← 3. Objets en plastique reconnaissables tels que des emballages ou des bouteilles. Dans ce rapport, le terme désigne les plastiques de diamètre supérieur à 5 mm.
← 4. Polymères synthétiques solides de diamètre inférieur à 5 mm
← 5. Notamment Geyer, Jambeck et Law (2017[3]), Jambeck et al. (2015[10]), Ryberg et al. (2019[4]), Gómez-Sanabria et al. (2018[11]), Ellen Macarthur Foundation (2017[15]), SystemIQ et The Pew Charitable Trusts (2020[16]), Borrelle et al. (2020[14]), Lebreton et Andrady (2019[7]).
← 6. Ont collaboré : 1) des experts de l’Université technique du Danemark (DTU), qui ont dirigé les recherches sous-jacentes à une étude de Ryberg et al. (2019[4]), 2) des experts de l’Université de Leeds, qui ont contribué à l’étude de Lau et al. (2020[9]), 3) Laurent Lebreton, qui a rédigé plusieurs documents de recherche sur la production de déchets plastiques et leurs rejets (Lebreton et al., 2017[6] ; Lebreton, Egger et Slat, 2019[8] ; Lebreton et Andrady, 2019[7]) et a contribué à l’estimation des rejets figurant dans les travaux de Borrelle et al. (2020[14]) et 4) Nikolaos Evangeliou de l’Institut norvégien pour la recherche sur l’air (NILU), qui a rédigé l’article d’Evangeliou et al. (2020[12]).
← 7. Les émissions de gaz à effet de serre de l’ensemble du cycle de vie des plastiques sont calculées au moyen du modèle ENV-Linkages. L’analyse des plastiques biosourcés utilise le modèle CGE-Box (Britz et van der Mensbrugghe, 2018[13]). Enfin, l’analyse du cycle de vie est fondée sur une méthode mise au point par le groupe de recherche Sustainable Systems Engineering de l’université de Gand. Se reporter à l’Annexe A pour de plus amples renseignements sur ces méthodes.
← 8. Le scénario de référence reflète les tendances attendues à l’horizon 2060 pour plusieurs variables socioéconomiques clés, notamment les tendances démographiques ainsi que celles de l’urbanisation et de la mondialisation ; il inclut également les effets des politiques publiques mises en œuvre jusqu’en 2019 sur les tendances prévues. Les scénarios de référence présentés dans ce rapport ne tiennent pas compte des politiques encore en discussion en 2022.
← 9. Les matières plastiques primaires (ou vierges) sont fabriquées à partir de matières de base fossiles (pétrole brut, par exemple) ou biosourcées (maïs, canne à sucre, blé...) qui n’ont jamais été utilisées ou transformées auparavant.
← 10. Il s’agit des trois entités géographiques d’Asie non membres de l’OCDE (Chine, Inde et Autres pays asiatiques non membres de l’OCDE) c’est-à-dire l’Asie à l’exclusion du Japon et de la Corée.
← 11. À noter qu’en raison du manque de recherches robustes sur la part des déchets mal gérés qui sont perdus dans l’environnement, ces estimations comportent une forte incertitude, qui est représentée sous forme de fourchettes entre parenthèses.
← 12. Un investissement n’est pas un coût en soi dans la mesure où il crée de la valeur ajoutée et contribue au PIB. Cependant, les investissements moins productifs dans la gestion des déchets au détriment d’autres dépenses obligent l’économie à se réorienter vers des activités moins productives, ce qui s’avère en définitive coûteux.