Les marchés de capitaux et les intermédiaires financiers jouent un rôle central dans le secteur du logement. Ce chapitre décrit comment les dispositifs de financement du logement varient selon les pays de l’OCDE, avec des répercussions diverses, notamment en termes de partage des risques entre emprunteurs et prêteurs. Il fait le point sur l’évolution du financement du logement, en particulier sur l’essor des prêteurs non bancaires. Ce chapitre examine une série d’options de réformes des politiques publiques visant à ce que les marchés du crédit au logement offrent des financements adéquats, étayent l’efficience des marchés de l’immobilier d’habitation et contribuent à la décarbonation des logements.
Pierre par pierre (Volume 2)
3. Axer le financement du logement sur l’efficience, la résilience et la décarbonation
Abstract
Principaux enseignements pour l’action publique
Le financement du logement constitue un des principaux segments des marchés de capitaux. Des marchés de financement du logement fonctionnant bien sont essentiels pour financer l’acquisition et la construction de biens immobiliers d’habitation, ainsi que les volumineuses dépenses de rénovation nécessaires pour parvenir à la neutralité carbone. Un autre objectif essentiel est de veiller à ce que ce secteur contribue à renforcer, et non à amoindrir, la résilience des économies face aux chocs.
Les options envisageables pour améliorer le financement du logement sont les suivantes :
Les pouvoirs publics devraient cesser de se focaliser sur la promotion de l’accession à la propriété, qui repose souvent sur des allègements fiscaux accordés aux emprunteurs, et veiller en lieu et place à ce que des aides soient apportées, le cas échéant, pour tous les modes d’occupation des logements. Cela supposerait de garantir un accès inclusif à des logements de bonne qualité, grâce à la conjonction de marchés locatifs privés fonctionnant bien et d’une offre adéquate de logements sociaux et abordables.
Pour corriger le biais en faveur des propriétaires occupants, il faudrait supprimer progressivement la déductibilité des intérêts d’emprunt hypothécaire, lorsqu’elle est prévue par la législation fiscale. Cette déductibilité des intérêts hypothécaires est en effet à la fois inefficace et inéquitable, puisqu’elle tire vers le haut les prix des logements. Les autres formes de soutien des emprunteurs hypothécaires, telles que les assurances subventionnées ou les garanties publiques, ont également pour effet indésirable d’exercer des tensions à la hausse sur les prix de l’immobilier d’habitation et d’exacerber les risques de défaillance, entraînant des coûts budgétaires considérables.
Les ressources correspondant au manque à gagner dû aux allègements d’impôt accordés aux emprunteurs pourraient être utilisées pour financer des programmes légitimes, axés par exemple sur l’offre de logements sociaux et abordables, ainsi que pour améliorer la situation des finances publiques.
S’agissant des risques qui pèsent sur la résilience financière en cas de pressions à la baisse exercées sur les prix des logements, les autorités macroprudentielles devraient s’attacher à éviter les boucles de rétroaction négative enclenchées par les réajustements des prix des actifs ; à cet égard, les exigences de fonds propres et les plafonds de niveau de levier constituent des outils essentiels, qui doivent aller de pair avec une surveillance étroite des liens entre les banques et les détenteurs de titres adossés à des créances hypothécaires faisant jouer l’effet de levier.
Il faudrait évaluer de manière plus approfondie l’efficacité des instruments de réglementation applicables aux sociétés d’investissement immobilier hypothécaire et aux fonds communs de placement immobilier. Il serait justifié d’appliquer des approches plus globales, fondées sur les risques en matière de réglementation des établissements de crédit hypothécaire non bancaires et des gestionnaires non bancaires de prêts hypothécaires. L’objectif serait de remédier à des vulnérabilités naissantes sans remettre en cause les avantages des financements de marché. Les établissements financiers non bancaires devraient être incités de manière adéquate à internaliser leurs risques de liquidité et de transformation d’échéances, pour que puissent être évités des effets d’entraînement cycliques dispensables sur le reste du système financier et la sphère réelle de l’économie.
Il est nécessaire de renforcer la résilience des fonds communs de placement immobilier pour leur permettre d’absorber les sorties d’investisseurs sans recourir à des suspensions des remboursements de parts. Cela pourrait notamment passer par l’imposition de volants de fonds propres et d’exigences de liquidité supplémentaires, l’adoption d’un mécanisme d’ajustement de la valeur liquidative (swing pricing) et l’utilisation d’outils de gestion de la liquidité. Les risques des sociétés d’investissement immobilier hypothécaire sont essentiellement liés à l’asymétrie d’échéances et au refinancement de la dette, et l’on pourrait y remédier en utilisant des outils de gestion des risques pour renforcer leur capacité d’absorption de pertes et améliorer leurs positions de liquidité.
Il serait possible d’améliorer encore les règles prudentielles applicables aux établissements de crédit hypothécaire non bancaires et aux gestionnaires non bancaires de prêts hypothécaires, notamment en adoptant une approche fondée sur les risques, en phase avec le cadre réglementaire des banques. Il importe également d’ajuster les exigences supplémentaires de liquidité en fonction de la situation du marché, pour éviter une orientation procyclique qui contraindrait certains prêteurs à réunir des fonds en période de tensions financières.
Un objectif central de la finance verte est de financer la décarbonation du secteur immobilier. À cet égard, les pouvoirs publics doivent s’employer plus activement à promouvoir la transparence des divers systèmes d’évaluation environnementale des bâtiments, afin d’en améliorer la clarté et la comparabilité pour permettre aux différents marchés de fusionner et de s’approfondir à l’échelle internationale, ce qui permettra d’exploiter des économies d’échelle et de surmonter le problème de fragmentation qui ralentit la transition vers une économie bas carbone. De même, les décideurs publics devraient s’efforcer de renforcer les cadres relatifs aux obligations immobilières vertes et aux prêts hypothécaires. Ils devraient également favoriser le développement des instruments de financement vert de l’immobilier, afin d’étayer l’expansion des marchés du financement vert de l’immobilier nécessaire pour financer la transition vers la neutralité carbone.
Garder à l’esprit les spécificités nationales des marchés hypothécaires
Les marchés du financement du logement diffèrent à de nombreux égards selon les pays de l’OCDE1. La profondeur du marché hypothécaire, les caractéristiques des produits (telles que la durée d’amortissement, la présence d’emprunts en devises, le fait que les crédits soient assortis d’un taux fixe ou variable), le régime d’imposition, les mesures favorisant la souscription d’emprunts hypothécaires, le cadre macroprudentiel et les règles relatives aux saisies sont autant d’éléments qui varient d’une économie à l’autre. Ces caractéristiques structurent l’accès à la propriété et l’accessibilité financière du logement pour les propriétaires occupants. Néanmoins, devenir propriétaire n’est qu’une des voies pouvant être empruntées pour être bien logé : le marché privé locatif constitue une autre option envisageable, et les formes sociales et coopératives de logement peuvent également permettre aux catégories de population ayant des revenus modestes d’accéder à des logements de bonne qualité.
Le taux d’accession à la propriété et la proportion d’emprunteurs hypothécaires varient considérablement selon les pays de l’OCDE
Le taux d’accession à la propriété varie considérablement suivant les pays de l’OCDE et les groupes sociaux. Le taux de propriétaires occupants est particulièrement élevé dans les pays d’Europe centrale et orientale (Graphique 3.1). Parmi les propriétaires occupants, la proportion de ceux qui remboursent un prêt hypothécaire est inférieure à un sur dix en Colombie, mais elle est d’environ un sur deux en Norvège, en Islande et aux Pays-Bas. En outre, le taux d’accession à la propriété est plus faible parmi les jeunes ménages, même si les écarts constatés entre catégories d’âge à cet égard varient considérablement d’un pays à l’autre (Graphique 3.2, partie A). En outre, le taux d’accession à la propriété est corrélé au revenu : les différences de taux de propriétaires occupants entre catégories de revenu sont particulièrement marquées aux Pays-Bas, en Norvège et en France (partie B). On observe des écarts de proportion d’emprunteurs hypothécaires similaires entre catégories de revenu (partie C). La charge financière des emprunts hypothécaires tend également â être plus lourde en proportion du revenu disponible pour les ménages modestes (Graphique 3.3).
Les marchés hypothécaires sont également très différents suivant les pays. La proportion de crédits hypothécaires à taux fixe a sensiblement augmenté au cours des dix dernières années, compte tenu de la baisse des taux d’intérêt observée dans la plupart des pays, qui a réduit l’attrait des prêts hypothécaires à taux variable. Par ailleurs, l’échéance moyenne des nouveaux crédits au logement varie suivant les pays (Graphique 3.4), tandis que la proportion de prêts hypothécaires libellés en devises a reculé.
Parvenir à concilier soutien au crédit hypothécaire et promotion de la résilience financière
De nombreux systèmes d’imposition intègrent un régime de déductibilité fiscale des intérêts d’emprunt hypothécaire et d’autres mesures de soutien
Le système d’imposition contribue de manière sensible à déterminer la demande de logements (OCDE, 2022[3]). L’élément le plus important à cet égard est la déductibilité des intérêts d’emprunt hypothécaire. Les propriétaires occupants qui remboursent un prêt hypothécaire contracté pour acquérir leur logement bénéficient d’allègements fiscaux au titre de leurs intérêts d’emprunt dans 17 pays de l’OCDE sous la forme de déductions ou de crédits d’impôt (Tableau 3.1). Les taux marginaux d’imposition effectifs varient suivant les pays et tendent à être plus élevés lorsque les ménages sont fortement endettés (Graphique 3.5).
Tableau 3.1. Les emprunteurs hypothécaires sont aidés par les pouvoirs publics dans la plupart des pays
Programmes nationaux1
|
Déduction fiscale au titre des intérêts d’emprunt hypothécaire2 |
Dispositifs de garantie de prêt hypothécaire |
Prêts hypothécaires subventionnés |
Prêts hypothécaires publics |
Belgique |
X |
X |
|
|
Canada |
|
X |
X |
|
Chili |
X |
|
|
|
Costa Rica |
|
X |
|
|
République tchèque |
X |
|
X |
X |
Danemark |
X |
|
|
|
Estonie |
X |
X |
|
|
Finlande |
X |
X |
|
X |
France |
|
|
X |
|
Grèce |
X |
|
|
|
Hongrie |
|
|
X |
|
Irlande |
|
|
|
X |
Israël |
|
|
X |
|
Italie |
X |
X |
|
|
Japon |
X |
|
X |
|
Corée |
X |
|
|
|
Lettonie |
|
X |
|
|
Lituanie |
|
|
X |
|
Luxembourg |
|
X |
X |
|
Mexique |
X |
|
X |
|
Pays-Bas |
X |
X |
|
|
Nouvelle-Zélande |
|
X |
|
|
Norvège |
X |
|
|
X |
Russie |
|
|
X |
|
Espagne |
X |
|
|
|
Suède |
X |
X |
|
|
Suisse |
X |
|
|
|
Royaume-Uni |
|
|
|
X |
États-Unis |
X |
X |
X |
|
Note : (1) Seuls les programmes relevant de l’administration centrale sont pris en compte. Cela dit, de nombreuses collectivités locales et administrations régionales mettent également en œuvre des dispositifs d’aide aux emprunteurs hypothécaires.
(2) Il s’agit des déductions d’impôt au titre des intérêts d’emprunt hypothécaire accordées aux propriétaires occupants.
Source : Base de données de l’OCDE sur le logement abordable.
Il existe dans les pays de l’OCDE différents types d’aides aux emprunteurs hypothécaires destinés à faciliter l’accès au crédit au logement. Ainsi, aux États-Unis, l’Administration fédérale du logement (FHA, Federal Housing Administration) offre à 20 % environ des propriétaires une assurance plafonnée (Encadré 3.1), et diverses entreprises parapubliques interviennent sur le marché hypothécaire secondaire (voir ci-après). La Société coréenne de financement du logement joue un rôle similaire. La Nouvelle‑Zélande est dotée d’un dispositif de garantie qui permet d’appliquer des quotités de financement (ratios prêt/valeur du bien) plus élevées que celles qui résulteraient en leur absence des marchés de capitaux. Onze autres pays mettent également en œuvre divers mécanismes de garantie. Les plans d’épargne axés sur l’achat d’un logement bénéficiant d’un régime fiscal préférentiel sont également assez répandus. Enfin, il existe des prêts hypothécaires subventionnés ou octroyés par les pouvoirs publics dans 14 pays.
Un réexamen des mesures d’aide aux emprunteurs hypothécaires se justifie
Les autorités feraient bien de supprimer progressivement la déductibilité des intérêts d’emprunt hypothécaire dans les pays où elle existe. Dans la mesure où l’élasticité de l’offre de logements est imparfaite, cet allègement d’impôt est au moins en partie capitalisé dans les prix, ce qui bénéficie aux personnes déjà propriétaires de leur logement, qui sont généralement plus aisées que les acquéreurs potentiels, tout en réduisant les coûts d’emprunt. Les recettes fiscales supplémentaires découlant de la suppression ou du plafonnement de la déduction d’impôt accordée aux propriétaires occupants pourraient être utilisées pour réduire d’autres prélèvements distorsifs ou pour améliorer l’égalité des revenus après impôts, suivant les préférences sociales. D’autres instruments, tels que des assurances subventionnées ou des garanties de prêts hypothécaires, ont des effets de distorsion plus limités, mais ils risquent d’accentuer les risques de défaillance, allant de pair avec des coûts budgétaires non négligeables (Encadré 3.1). Les aides peuvent également être capitalisées sous la forme d’une augmentation des prix de l’immobilier, ce qui n’est pas souhaitable.
Encadré 3.1. Les risques que représentent les garanties de prêts hypothécaires pour les finances publiques : la FHA aux États-Unis et la SCHL au Canada
Un exemple historique important de matérialisation d’un risque pesant sur les finances publiques réside dans le transfert budgétaire de 1.69 milliard USD effectué le 30 septembre 2013 pour recapitaliser l’Administration fédérale du logement (FHA, Federal Housing Administration) aux États-Unis.
Cet organisme public fédéral, créé en 1934, assure les crédits hypothécaires souscrits par des primo-accédants et des acquéreurs aux revenus modestes pour acheter des maisons individuelles ainsi que ceux contractés pour construire des logements locatifs abordables. La FHA assurait environ 5 % de l’ensemble des prêts hypothécaires résidentiels émis en 2006, proportion qui a grimpé aux alentours de 40 % en 2011, avant de retomber à 11.4 % en 2019. En raison des répercussions inattendues de la crise financière mondiale sur le marché du logement, les effets cumulés des garanties de prêts de la FHA de 1992 à 2012 – période pendant laquelle elle a assuré 2 679 milliards USD de crédits hypothécaires résidentiels – ont été loin d’atteindre les 45 milliards USD d’économies prévus et se sont transformés en un coût estimé à 15 milliards USD. Selon le Service d’études budgétaires du Congrès des États-Unis (CBO, Congressional Budget Office), qui a également pris en compte l’année 2013, le montant cumulé des garanties de prêts de la FHA ne contribuerait qu’à hauteur de 3 milliards USD à ses réserves, soit un montant inférieur de 73 milliards USD à celui qui aurait résulté du taux de subventionnement initialement estimé.
Malgré les cinq hausses des taux de prime ayant eu lieu à partir de 2009, le durcissement des critères appliqués en matière de crédit et le renforcement des mesures d’application des lois, la Cour des comptes fédérale (GAO, Government Accountability Office) a intégré la FHA dans la liste des entités à haut risque au début de 2013 en raison de son exposition aux risques de fraude, de gaspillage, d’abus et de mauvaise gestion. Compte tenu d’une situation financière nette négative à hauteur de 16.3 milliards USD à l’époque et d’un ratio de fonds propres s’établissant à -1.44 % (alors que le niveau imposé par loi était de 2 %, ratio qui n’a jamais été atteint de 2009 à 2014), conjugués aux résultats d’un test de résistance réalisé par la Réserve fédérale mettant en évidence un besoin potentiel de 115 milliards USD de fonds supplémentaire en cas de fléchissement marqué de l’activité économique, la FHA a été forcée d’accepter un « renflouement ».
Un autre exemple intéressant est offert par la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), l’organisme public fédéral qui intervient sur le marché du logement au Canada. Elle n’a jamais représenté un coût budgétaire direct pour les contribuables, même si son niveau de levier est manifestement élevé, puisqu’elle se caractérise par près de 401 milliards CAD de contrats d’assurance en vigueur et 461 milliards CAD de cautionnements en vigueur (257 milliards CAD pour les obligations hypothécaires du Canada et 202 milliards CAD pour les titres hypothécaires) alors que ses capitaux propres ne se montent qu’à 13.2 milliards CAD. Le gouvernement fédéral a lancé voilà quelques années une consultation publique sur l’idée de faire assumer une part plus importante des risques aux émetteurs des prêts hypothécaires en mettant en place un système de partage des risques avec les prêteurs (Ministère des Finances Canada, 2017[5]), mais aucun changement majeur n’est intervenu depuis lors.
Pour toutes ces raisons, il serait légitime de réorienter le soutien des pouvoirs publics, qui vise aujourd’hui à promouvoir l’accession à la propriété, pour qu’il garantisse un accès inclusif à des logements de bonne qualité, en s’appuyant à la fois sur le logement social et abordable, les marchés locatifs privés et des marchés hypothécaires fonctionnant bien. Compte tenu de l’ampleur des ressources consacrées aux allègements fiscaux accordés aux emprunteurs hypothécaires, il est possible d’engager des réformes qui renforceront la stabilité financière, en réduisant les incitations à emprunter, amélioreront la situation des finances publiques et accroîtront l’offre de logements, via la construction de logements sociaux et abordables. La capacité des marchés locatifs privés d’offrir des biens immobiliers d’habitation abordables dépend de la mesure dans laquelle la réglementation permet de construire des logements (Molloy, 2020[6]) ; si l’offre n’est pas suffisamment flexible, il existe un risque que les investissements financiers réalisés dans le logement locatif puissent contribuer à porter les loyers à des niveaux élevés (Lima, 2020[7]).
L’offre de logements sociaux est un moyen très efficace d’améliorer l’accessibilité financière de l’immobilier d’habitation
La question de l’accessibilité financière du logement est problématique dans toute la zone OCDE, où elle a des répercussions importantes non seulement sur le bien-être, mais aussi sur le dynamisme économique et la compétitivité au niveau local. Les ménages à faible revenu sont soumis à des tensions financières croissantes par la montée des coûts de logement, malgré le fait que les coûts d’emprunt étaient très bas il y a peu encore. La précarité liée au logement est mesurée par le « taux de surcharge financière » liée au coût du logement, c’est-à-dire la proportion de la population appartenant au quintile inférieur de la distribution des revenus qui consacre au moins 40 % de son revenu disponible au logement. En moyenne, elle touche un quart des ménages de cette catégorie dans la zone OCDE. Les taux de surcharge financière liée au coût du logement sont plus faibles parmi les locataires à faible revenu, puisqu’ils s’établissent aux alentours d’un tiers sur le marché locatif privé et à 10-15 % dans le secteur du logement social subventionné.
La plupart des pays de l’OCDE offrent au moins une certaine quantité de logements appartenant à l’État (Graphique 3.6). Néanmoins, sachant que ceux-ci représentent en moyenne environ 7 % du parc immobilier d’habitation, leur poids relatif est inférieur à celui des logements locatifs privés. De manière générale, les dépenses publiques d’aide au logement social locatif ont diminué en proportion du PIB (Adema, Plouin et Fluchtmann, 2020[8]).
Par rapport à la propriété, la location présente l’avantage de favoriser davantage la mobilité de la main‑d’œuvre, ce qui contribue à approfondir le marché du travail. Cet avantage est cependant perdu dans le cas du logement (social) subventionné en raison d’effets de verrouillage, à moins qu’il n’aille de pair avec une transférabilité des droits d’accès à ce type de logement. Les allocations de logement constituent une autre option envisageable, mais elles sont capitalisées en partie dans les loyers. L’accessibilité financière du logement dépend également des règles d’occupation des sols et d’urbanisme (OCDE, 2021[9]), étant donné qu’un assouplissement des restrictions ouvre des perspectives de construction de logements correspondant plus étroitement aux évolutions socioéconomiques et démographiques (Phillips, 2020[10]).
Il faut préserver la stabilité financière face aux risques liés aux emprunts hypothécaires
Le logement fournit des services de consommation essentiels tout en constituant un investissement à long terme, une réserve de valeur et un bien pouvant être fourni en garantie. Son financement est un déterminant important des cycles économiques. Compte tenu du fait que les taux d’intérêt augmentent après une période prolongée de hausse rapide des prix des logements (Graphique 3.7), de l’ampleur de la dette des ménages et du fort effet de levier qui caractérise les établissements financiers, le rôle macroéconomique du financement du logement pourrait s’avérer particulièrement important. Par le passé, des déséquilibres similaires ont affecté la stabilité et la résilience des marchés de capitaux et provoqué des crises financières. Le déclenchement de la crise financière mondiale de 2007-2009 illustre on ne peut mieux ce type de conséquences. L’expérience montre que le coût économique de ces crises peut être considérable et rappelle que les pouvoirs publics doivent accorder une attention toute particulière aux risques associés à ce secteur.
Les mesures destinées à faciliter l’accès au crédit hypothécaire s’accompagnent souvent d’effets secondaires négatifs sur les prix de l’immobilier d’habitation, ainsi que sur la stabilité macroéconomique et financière, notamment lorsqu’elles favorisent un endettement excessif. Globalement, la dette des ménages varie sensiblement selon les pays de l’OCDE (Graphique 3.8, partie A) et l’évolution des prix des logements exerce sur elle une influence déterminante (partie B). Les autorités de nombreux pays interviennent sur les marchés hypothécaires en raison des risques financiers connexes, en particulier par le biais de règles macroprudentielles (voir OCDE (2021[9]) et l’Encadré 3.2 pour l’exemple de l’Italie). Celles-ci peuvent porter sur les emprunteurs, de manière à limiter leur endettement et à réduire les risques de défaillance, ou sur les prêteurs, de façon à limiter la prise de risques et à prévenir les effets de levier excessifs.
Dispositions macroprudentielles relatives aux emprunteurs
Les dispositions macroprudentielles utilisées dans ce domaine peuvent consister à plafonner les prêts au logement souscrits par les emprunteurs en proportion de leur revenu (ratio dette/revenu), le service de leur dette en proportion de leur revenu (ratio service de la dette/revenu) et le montant emprunté en proportion de la valeur du bien dont il finance l’achat (quotité de financement). Les plafonds applicables aux quotités de financement initiales varient de 50 % en Israël à 95 % en Finlande, au Canada, au Danemark et en Lettonie (Graphique 3.9). Les limites relatives au ratio service de la dette/revenu sont seulement recommandées dans certains cas, le dénominateur retenu varie (il peut s’agir du revenu brut ou du revenu net), et dans divers pays, les autorités permettent qu’une certaine proportion des crédits octroyés ne respecte pas le plafond prévu. Ces limites varient de 30 % du revenu en Colombie à 80 % en République slovaque (Graphique 3.10) et d’après les conclusions de travaux empiriques, elles sont plus efficaces pour restreindre la croissance du crédit que les plafonds applicables aux quotités de financement. Le plafonnement du ratio dette/revenu, qui présente l’avantage de ne pas être sensible aux variations des taux d’intérêt ni des prix des logements, a été plus rarement utilisé jusqu’ici (Van Hoenselaar et al., 2021[2]).
Encadré 3.2. Le cadre macroprudentiel de l’Italie
Un cadre réglementaire fondé sur des instruments relatifs aux emprunteurs permet à l’Italie de faire face aux risques systémiques pouvant trouver leur origine dans le marché immobilier et dans l’endettement des ménages ou des sociétés non financières. La Banque d’Italie peut imposer un certain nombre de restrictions concernant les nouveaux prêts, notamment en limitant la quotité de financement, le ratio dette/revenu, le ratio prêt/revenu, le ratio service de la dette/revenu, l’effet de levier et l’échéance maximale des crédits, ainsi qu’en fixant des obligations minimales d’amortissement des emprunts. Ces mesures sont définies de manière flexible, et ces limites peuvent être appliquées : (a) aux prêts octroyés aux ménages et aux entreprises ; (b) avec ou sans seuil d’exemption ; (c) de la même manière pour tous les crédits ou de façon différenciée en fonction des caractéristiques de l’emprunteur et du prêt ; (d) au niveau national ou pour des zones géographiques spécifiques ; et (e) seules ou conjuguées à d’autres dispositions.
La Banque d’Italie peut appliquer des dispositions relatives aux emprunteurs non seulement aux banques, mais aussi à d’autres intermédiaires financiers qui, comme les établissements bancaires, accordent des crédits sous une forme ou une autre au public. À la fin de 2022, les dispositions appliquées par les autorités macroprudentielles n’étaient pas restrictives, car elles estimaient que les risques inhérents au secteur de l’immobilier d’habitation italien étaient faibles.
Source : Communication des autorités nationales à l’OCDE.
Dispositions macroprudentielles relatives aux prêteurs
L’endettement hypothécaire crée également des risques pour les prêteurs et les détenteurs de prêts au logement reconditionnés. Les bilans des ménages sont aujourd’hui plus solides qu’avant la crise financière mondiale, mais les données agrégées peuvent masquer une forte hétérogénéité. Il subsiste des risques que la capacité de remboursement des emprunteurs à faible revenu puisse se dégrader, compte tenu du démantèlement des mesures d’aide au revenu liées à la pandémie, de l’accentuation de l’inflation et de l’augmentation des coûts de financement (OCDE, 2022[12]). Ces évolutions peuvent remettre en question l’efficacité des outils macroprudentiels destinés à prévenir les défauts de remboursement de crédit hypothécaire, comme les plafonds de ratio service de la dette/revenu ou de quotité de financement, mis en place à une période où les marchés du logement connaissaient une expansion rapide. Par conséquent, l’évolution des nouvelles défaillances d’emprunteurs devrait faire l’objet d’un suivi attentif, étant donné qu’une dégradation de la qualité de crédit des ménages pourrait déboucher sur des pertes substantielles pour les prêteurs hypothécaires et les détenteurs de titres adossés à des créances hypothécaires, qui auraient des effets négatifs sur la résilience du système financier.
La montée des taux d’intérêt entraînée par l’augmentation de l’inflation réduit la valeur des créances hypothécaires et des titres obtenus par reconditionnement de ces créances dans les bilans des établissements financiers, de sorte que la valorisation des actifs constitue un risque majeur à gérer pour les autorités macroprudentielles. Les instruments axés directement sur la santé des établissements financiers, tels que les exigences de fonds propres pondérées en fonction des risques et les plafonds de levier non pondéré en fonction des risques, sont adéquats pour faire face au risque de boucle de rétroaction négative pouvant être enclenchée par une réévaluation d’actifs. Ils doivent aller de pair avec une surveillance étroite des liens entre les banques et les détenteurs de titres adossés à des créances hypothécaires ayant recours à l’effet de levier. Par ailleurs, il faut prendre correctement en compte les risques associés aux crédits hypothécaires à taux variable et libellés en devises.
Adapter la politique macroprudentielle aux circonstances économiques
Pour conduire leur politique, les autorités macroprudentielles, qui peuvent s’appuyer sur un vaste ensemble de données d’expérience accumulées à l’échelle internationale (Encadré 3.3), doivent prendre en considération la montée de l’inflation et des taux d’intérêt. Il faut donc que les autorités fassent preuve d’anticipation lors de la définition des plafonds réglementaires applicables aux ratios service de la dette/revenu, en intégrant la probabilité que les charges d’intérêts associées aux prêts à taux variable s’alourdissent parallèlement à la hausse des taux d’intérêt. Dans un environnement de montée de l’inflation et des taux d’intérêt, les crédits hypothécaires à taux fixe représentent des risques pour la stabilité financière fondés sur des canaux de transmission différents de ceux qui ont caractérisé la récente période de faible inflation et de taux d’intérêt bas. Dans la mesure où les salaires, les revenus du capital et le revenu disponible des ménages suivent au moins en partie l’inflation, il devrait devenir plus facile pour les ménages d’assurer le service des prêts à taux fixes au fil du temps, même si l’effet de contraction résultant du renchérissement de l’énergie et des produits alimentaires peut compliquer temporairement le remboursement des crédits hypothécaires et si certains de ces prêts devront à terme être renouvelés à des taux plus élevés.
Encadré 3.3. Mener une politique macroprudentielle axée sur le logement : l’expérience de trois pays
Lituanie
En Lituanie, la crise financière mondiale a souligné l’importance de la mise en œuvre de la politique macroprudentielle pour garantir un financement satisfaisant du secteur de l’immobilier d’habitation et atténuer la dynamique intenable des prix des logements alimentée par le crédit.
Au cours de la période 2006-2009, le marché lituanien de l’immobilier résidentiel a connu une alternance de hausse et de baisse extrêmes, sur fond de conditions de prêt favorables et de sous-estimation du risque de crédit. Pour favoriser des pratiques de crédit plus responsables et renforcer la discipline de marché à la suite de la crise du secteur du logement, la Banque de Lituanie a adopté en 2011 un ensemble de règles relatives au crédit responsable. Ces règles reposaient sur un assortiment de mesures relatives aux emprunteurs limitant la quotité de financement (ratio prêt/valeur du bien), le ratio service de la dette/revenu et l’échéance des nouveaux prêts au logement octroyés. Étant donné que le marché hypothécaire est resté déprimé et que les normes d’octroi de prêts fixées par les établissements de crédit étaient extrêmement strictes à l’époque, cela a permis un calibrage non contraignant des mesures limitatives relatives aux emprunteurs visant à empêcher une accumulation ultérieure de vulnérabilités.
Ces mesures relatives aux emprunteurs se sont effectivement traduites par des pratiques de prêts responsables, puisque après 2011, la proportion de crédits caractérisés par une quotité de financement et un ratio service de la dette/revenu initiaux élevés est restée faible et que la dette des ménages a reflué nettement en deçà de son niveau d’avant la crise, malgré le redressement marqué du marché hypothécaire observé depuis 2016 (Graphique 3.11). Contrairement à l’épisode de 2006-2008, l’augmentation des prix des logements pendant la période consécutive à la pandémie a été alimentée par différents facteurs, notamment par une forte hausse des coûts de construction, la vigueur de la confiance des consommateurs et un accroissement sensible de la demande de biens immobiliers d’habitation (Karmelavičius, Mikaliūnaitė-Jouvanceau et Petrokaitė, 2022[13]).
La période prolongée de faiblesse des taux d’intérêt a rendu moins contraignants les plafonds de ratio service de la dette/revenu. Des taux d’intérêt plus bas permettent en effet aux emprunteurs de contracter une dette plus importante sans franchir ces plafonds. Pour éviter que des emprunteurs ne s’endettent excessivement lorsque les taux d’intérêt sont bas et préserver leur capacité d’assurer le service de leurs prêts en cas de remontée des taux d’intérêt, les autorités ont complété en 2015 le ratio maximal service de la dette/revenu fixé à 40 % par l’obligation de s’assurer que ce ratio n’excèderait pas 50 % si le taux d’intérêt s’établissait à 5 %. Cette exigence équivalait indirectement à plafonner le ratio dette/revenu à 7.8, et a donc ramené le niveau effectif du ratio maximal service de la dette/revenu à 35 % pour les personnes proches du plafond du ratio dette/revenu. En 2022, les crédits émis conformément à cette obligation représentaient 70 % du portefeuille de prêts hypothécaires, ce qui contribue à la résilience des emprunteurs face à la hausse des taux d’intérêt.
En 2017, du fait de la transposition dans le droit lituanien de la directive de l’Union européenne (UE) sur le crédit hypothécaire, les autorités ont élargi la portée des règles relatives au crédit responsable afin de faire en sorte que les mesures relatives aux emprunteurs soient applicables à tous les fournisseurs de crédit émettant des prêts au logement en Lituanie. Une telle application des mesures relatives aux emprunteurs en fonction des activités exercées assure une égalité de traitement entre tous les fournisseurs de crédit, ce qui réduit les possibilités d’arbitrage réglementaire.
L’augmentation des prêts au logement souscrits par des emprunteurs ayant déjà contracté au moins un premier crédit de ce type a suscité des préoccupations concernant leur impact sur la stabilité financière. Leur part dans les nouveaux prêts au logement s’est hissée de 10 % à 13 % entre 2019 et 2021 (Banque de Lituanie, 2022[14]). Pour réduire les risques liés à ces crédits et dissuader les ménages de contracter des prêts hypothécaires pour acquérir des logements autres que leur résidence principale, les autorités ont abaissé le plafond de la quotité de financement applicable aux prêts au logement souscrits par des emprunteurs ayant déjà contracté au moins un premier crédit de ce type, en le ramenant de 85 % à 70 % à compter du 1er février 2022.
L’accentuation du risque sur les marchés de l’immobilier d’habitation exigeait également que des mesures soient prises pour améliorer la résilience des fournisseurs de crédit. Afin de renforcer leur capacité d’absorption de pertes en cas de correction du marché du logement qui placerait des ménages dans l’incapacité d’honorer leurs engagements, un volant de fonds propres applicable au risque systémique fixé à 2 % est entré en vigueur le 1er juillet 2022 pour les créances intérieures sur les ménages garanties par un bien immobilier d’habitation.
En Lituanie, une part importante des transactions de logements est financée sur fonds propres, puisqu’elle représentait 50 % des coûts totaux d’acquisition en moyenne au cours de la période 2015‑2021. Par conséquent, les mesures macroprudentielles ne peuvent influer que sur une fraction des transactions effectuées sur le marché de l’immobilier résidentiel, et il est nécessaire de recourir à des dispositifs de portée plus large, tels qu’un impôt sur la propriété immobilière. Pour l’heure, seuls les ménages dont le patrimoine immobilier est supérieur à un seuil relativement élevé sont assujettis à l’impôt sur la propriété immobilière. Ces modalités d’application ne contribuent pas suffisamment à assurer la stabilité du marché du logement, et les autorités pourraient ajuster ce prélèvement pour en faire un impôt périodique appliqué à un plus large éventail de contribuables, tout en préservant la progressivité globale du système fiscal (Banque de Lituanie, 2022[15]).
Une multitude de facteurs influe sur le marché lituanien de l’immobilier d’habitation, notamment l’orientation de la politique monétaire. La meilleure façon de remédier aux problèmes qui se posent consiste à conjuguer l’utilisation de divers instruments macroprudentiels et fiscaux avec la mise en œuvre d’une politique d’urbanisme efficace et le développement du logement social, afin de garantir la flexibilité de l’offre de logements.
Norvège
L’ampleur de la dette des ménages et le niveau élevé des prix des logements constituent d’importants facteurs de vulnérabilité du système financier norvégien. Depuis 2010, la Norvège a adopté un certain nombre de mesures macroprudentielles pour favoriser une évolution plus viable de la dette des ménages et remédier aux risques liés à cet endettement et à d’autres facteurs de vulnérabilité.
Mesures relatives aux emprunteurs
Les premières mesures relatives aux emprunteurs ont été adoptées en 2010 sous la forme de lignes directrices non contraignantes sur les prêts hypothécaires élaborées par l’Autorité de surveillance financière (Finanstilsynet). Ces lignes directrices ont été remplacées par des règles relatives au crédit hypothécaire définies par le ministère des Finances en 2015. En 2019, le champ d’application de ces règles a été élargi aux prêts à la consommation. Ces dispositions sont régulièrement évaluées et donnent lieu à une consultation publique.
Les règles actuelles doivent arriver à expiration à la fin de 2024. Elles plafonnent la quotité de financement (ratio prêt/valeur du bien) des nouveaux emprunts hypothécaires à 85 % et leur ratio dette/revenu à 500 %. En outre, elles font obligation au prêteur d’évaluer la capacité de l’emprunteur d’assurer le service de sa dette, en posant l’hypothèse que le taux d’intérêt augmente de 3 points de pourcentage ou qu’il s’établit au moins à 7 %. Pour garantir que les banques puissent évaluer spécifiquement la situation de chaque client, on les autorise à accorder une certaine proportion de crédits ne respectant pas les exigences réglementaires.
Depuis que ces dispositions ont été adoptées, le nombre de prêts hypothécaires octroyés avec des quotités de financement et des ratios dette/revenu très élevés a diminué. Néanmoins, le ratio moyen dette/revenu a augmenté, de même que le nombre de crédits hypothécaires accordés à des emprunteurs caractérisés par un ratio dette/revenu proche de 500 %.
Exigences de fonds propres
L’évolution des prix de l’immobilier résidentiel et celle des prix de l’immobilier commercial sont des indicateurs importants pour évaluer les vulnérabilités cycliques. Ces deux indicateurs ont souvent enregistré des hausses sensibles à l’approche d’épisodes d’instabilité financière. Le niveau du volant de fonds propres contracyclique que doivent constituer les banques, destiné à renforcer leur capacité d’absorption de pertes sur prêts, a été revu à la baisse pendant la pandémie. Depuis lors, il a été rehaussé à plusieurs reprises, et il devrait atteindre 2.5 % en mars 2023. La détermination du volant de fonds propres contracyclique relève de la compétence de la banque centrale.
Un volant de fonds propres applicable au risque systémique a été instauré pour les banques en Norvège en 2013 et fixé à 3 %. En 2020, le niveau de ce volant a été porté de 3 % à 4.5 % et axé sur les expositions locales. Le volant de fonds propres applicable au risque systémique est dans une large mesure calibré en fonction des vulnérabilités structurelles découlant de l’endettement élevé des ménages et de la forte exposition des banques norvégiennes vis-à-vis de l’immobilier commercial.
Afin d’empêcher les grandes banques d’utiliser l’approche fondée sur les notations internes (NI) pour attribuer des coefficients de pondération des risques d’une faiblesse injustifiée à leurs expositions vis‑à‑vis de l’immobilier résidentiel et commercial norvégien, le ministère des Finances a adopté à la fin de 2020 des plafonds temporaires relatifs aux pondérations moyennes des risques concernant ces expositions, fixés respectivement à 20 % et 35 %. Ces plafonds sont revus tous les deux ans et ont été prorogés pour deux années supplémentaires à la fin de 2022.
Suisse
Pour réduire les risques inhérents aux marchés hypothécaires et immobiliers suisses, diverses mesures ont été adoptées entre 2012 et 2022. Ces mesures ont pris la forme d’un durcissement des exigences de fonds propres pour les prêts hypothécaires présentant une quotité de financement élevée, de plusieurs révisions des directives d’autoréglementation et de l’activation du volant anticyclique sectoriel de fonds propres.
Les directives d’autoréglementation ont été durcies en 2012, 2014 et 2020. Les modifications qui leur ont été apportées ont restreint la possibilité pour les emprunteurs d’utiliser leur épargne retraite comme apport personnel ou comme garantie (pour les financements hypothécaires, la part minimale requise de fonds propres sur la valeur de nantissement, ne provenant pas de la prévoyance professionnelle, était de 10 % aux termes des versions de 2012 et de 2014 des directives, et de 25 % pour les financements hypothécaires d’immeubles de rendement aux termes de la version de 2020). En outre, les directives stipulaient que la dette hypothécaire devait être ramenée aux deux tiers de la valeur de nantissement de l’immeuble dans un délai d’amortissement maximal (fixé à 20 ans dans les directives de 2012 et à 15 ans dans celles de 2014).
Le volant anticyclique sectoriel de fonds propres a été activé et fixé à 1 % des positions pondérées en fonction des risques garanties par des gages immobiliers sur des objets d’habitation situés en Suisse au début de 2013. En 2014, son niveau a été porté à 2 %. Après le déclenchement de la pandémie de COVID-19, les autorités ont désactivé ce volant anticyclique sectoriel en mars 2020 dans le but d’amortir son impact économique, dans le cadre des mesures prises pour accroître les marges de manœuvre des banques en termes d’octroi de prêts. Le volant anticyclique sectoriel a été réactivé en janvier 2022 (et fixé à 2.5 %) compte tenu des risques persistants auxquels étaient confrontés les marchés hypothécaire et immobilier suisses.
En définitive, la conjonction de mesures axées sur l’offre et sur la demande, associée aux mises en garde répétées adressées au public par les autorités, semble avoir eu un effet notable sur les risques liés au logement. Le volant anticyclique sectoriel de fonds propres, en particulier, a contribué à la résilience du système bancaire. En outre, le durcissement des exigences en matière d’apport personnel semble avoir influé sur la dynamique des marchés hypothécaire et de l’immobilier résidentiel.
Les systèmes juridiques doivent garantir un juste équilibre entre les droits des emprunteurs et ceux des prêteurs dans le cadre des procédures de saisie
Les procédures de saisie varient considérablement suivant les pays de l’OCDE. L’importance relative de la protection des droits des emprunteurs et des prêteurs détermine la façon dont la charge que représente une défaillance est répartie entre les ménages et les établissements émetteurs de prêts. L’OCDE a récemment mis au point un indicateur de réglementation des saisies, qui mesure l’importance relative de la protection des prêteurs et de celle des emprunteurs à partir de huit dimensions de la réglementation du crédit hypothécaire (Van Hoenselaar et al., 2021[2]). Les résultats obtenus pour 20 pays de l’OCDE et pays partenaires montrent que la Colombie et l’Italie ont les réglementations les plus favorables aux emprunteurs, tandis que la Suède et l’Autriche sont les deux juridictions les plus favorables aux prêteurs (Graphique 3.12).
Dans certains pays, la procédure de saisie peut débuter immédiatement après la première échéance impayée, tandis que dans d’autres, le délai d’ouverture de la procédure peut être nettement supérieur à un an. La durée des procédures varie de quelques semaines en Autriche et au Luxembourg à 120 semaines en moyenne en Italie. Cela accentue le risque qui pèse sur les prêteurs, étant donné que la qualité des garanties sous-jacentes est susceptible de se dégrader dans l’intervalle.
Il existe des procédures extrajudiciaires dans la moitié environ des pays considérés. Si des procédures judiciaires et extrajudiciaires coexistent, les secondes sont généralement les plus utilisées parce qu’elles sont plus rapides et moins coûteuses. Il n’existe des tribunaux spécialisés dans les faillites que dans cinq des pays examinés. La législation indique clairement que les débiteurs restent tenus de payer la fraction non remboursée du prêt dans neuf pays, et cette obligation peut s’appliquer dans cinq autres.
Les règles relatives aux saisies doivent établir un juste équilibre entre emprunteurs et prêteurs, car les cadres réglementaires qui penchent d’un côté ou de l’autre tendent à entraver le marché hypothécaire. Un cadre juridique autorisant l’utilisation de systèmes d’information sur la solvabilité des emprunteurs, qui permettent leur évaluation, présente également des avantages. Les juridictions caractérisées par une protection juridique plus forte et des systèmes d’information sur la solvabilité des emprunteurs de plus vaste portée ont généralement des marchés hypothécaires plus profonds.
Surveiller l’essor des financements immobiliers non bancaires
Depuis la crise financière mondiale, la qualité de crédit des produits de financement immobilier structurés s’est globalement améliorée. Les titres adossés des créances hypothécaires classiques ne sont plus garantis par des crédits à risque (subprime) et « Alt-A », relativement risqués et de faible qualité. Cela tient au changement de perception des risques sur les marchés qui a fait suite à la crise, ainsi qu’au renforcement de la réglementation et de la surveillance des activités de titrisation. Dans l’ensemble, les autorités nationales et les organisations internationales ont réalisé des progrès considérables en matière d’identification et de compréhension des activités d’intermédiation financière et des risques connexes. Cela s’est traduit par une nette amélioration de la qualité de crédit des prêts hypothécaires accordés par les banques, mais au prix d’une certaine réduction de l’offre et, partant, d’une augmentation du coût de ces crédits, au moins à la marge. Néanmoins, le bas niveau des taux d’intérêt qui a perduré jusqu’à une date récente a constitué le facteur prédominant, conjugué à la faiblesse de l’offre de logements neufs, et de nombreux territoires ont connu une flambée des prix de l’immobilier, qui s’est accompagnée d’une envolée de l’endettement des ménages et des sociétés.
Parallèlement, les financements immobiliers ont connu un profond changement structurel, les produits structurés ayant cédé la place à des organismes de placement collectif et des établissements qui font jouer l’effet de levier et réalisent de la transformation de liquidité, aux États-Unis et dans plusieurs autres pays, depuis la crise financière mondiale. La faiblesse des taux d’intérêt qui a caractérisé les dix dernières années a renforcé l’appétence des investisseurs pour le rendement et étayé la croissance des organismes de placement collectif, notamment des sociétés d’investissement immobilier hypothécaire et des fonds communs de placement immobilier. Dans le même temps, le durcissement des exigences de fonds propres applicables aux activités de crédit hypothécaire, en vertu du dispositif réglementaire de Bâle III, a affaibli les incitations des banques à accorder des prêts pour financer des achats immobiliers, ce qui a ouvert la voie à une montée en puissance des émetteurs et des gestionnaires de crédits hypothécaires non bancaires, se substituant aux acteurs traditionnels du crédit hypothécaire bancaire. En Europe et ailleurs, les investisseurs institutionnels (notamment les sociétés d’assurance et les fonds de pension) et les fonds de placement ont manifesté un intérêt croissant pour le crédit immobilier, tout en acceptant les risques baissiers associés à divers chocs connexes.
Des risques baissiers pourraient se matérialiser pour certains marchés de titres adossés à des créances hypothécaires (TACH)
Les marchés des financements immobiliers peuvent être vulnérables en cas de retournement du cycle du logement et compte tenu de la fragilité du secteur de l’immobilier commercial à la suite de la pandémie de COVID-19. L’orientation expansionniste des politiques monétaire et budgétaire ainsi que les mesures de renégociation de prêts qui ont suivi la pandémie ont atténué les problèmes qui se seraient posés avec acuité en leur absence, en particulier dans le secteur résidentiel, qui a bénéficié d’une forte protection (OCDE, 2020[16]). Quant aux prix de l’immobilier commercial, leur dynamisme s’est nettement réduit depuis le déclenchement de la pandémie, à la fois en raison de l’offre excédentaire d’espaces de bureaux, qui a résulté du vif développement du télétravail, et de la réduction de la fréquentation des magasins, due aux règles de distanciation sociale et à la tendance des individus à rester à leur domicile. En outre, les actifs immobiliers et, partant, les marchés des financements immobiliers sont exposés aux problèmes à moyen terme soulevés par les risques physiques et autres liés au changement climatique, qui peuvent entraîner une dégradation de la qualité de crédit des sociétés non financières et une perte de valeur des biens immobiliers fournis en garantie.
En outre les crédits hypothécaires émis par des établissements financiers non bancaires qui, au moins aux États-Unis, sont généralement de moindre qualité que ceux accordés par les banques, sont susceptibles d’être particulièrement vulnérables à de fortes augmentations de l’aversion pour le risque chez les investisseurs. Par conséquent, un recul des prix de l’immobilier, ou un choc se traduisant par une nette dégradation de la qualité de crédit des emprunteurs hypothécaires ou une réduction sensible de la valeur des biens immobiliers fournis en garantie, peut entraîner une baisse des cours des titres adossés à des créances hypothécaires (TACH), allant de pair avec des pertes, des remboursements de parts et des appels de marge pour un large éventail d’intermédiaires financiers et d’investisseurs. Bien que le marché des TACH soit international, il est dominé par les émissions réalisées aux États‑Unis (Encadré 3.4). Une montée de l’aversion pour le risque chez les investisseurs pourrait enclencher des boucles de rétroaction telles que la réduction souhaitée de l’effet de levier entraînerait des turbulences sur les marchés des TACH ainsi que des défaillances et, in fine, une réduction de l’offre de crédit hypothécaire, une baisse des prix de l’immobilier et un affaiblissement de la croissance économique globale.
Encadré 3.4. Les marchés de titres adossés à des créances hypothécaires : l’expérience des États-Unis
Les marchés de titres adossés à des créances hypothécaires (TACH) immobilières se sont bien redressés aux États-Unis à la suite de la crise financière mondiale, tandis que les émissions sont restées atones sur les autres grands marchés (Graphique 3.13). Une autre évolution notable réside dans la place prédominante occupée par les émissions de TACH des entreprises parapubliques aux États-Unis. Derrière le marché américain, l’Europe et la Chine sont les deux plus importants marchés de TACH. Le marché chinois des TACH immobilières reste étroit en termes nominaux, mais les émissions de TACH résidentielles et de TACH commerciales y ont toutes deux enregistré leurs taux de croissance les plus élevés au cours des dernières années.
Les effets de la pandémie sur les émissions de TACH ont été divers sur les principaux marchés de ces titres. Ainsi, les programmes d’achats de TACH émis par des organismes publics ou parapublics mis en œuvre par la Réserve fédérale depuis mars 2020 ont contribué aux niveaux records atteints par les émissions de TACH résidentielles et commerciales des organismes publics et parapublics aux États-Unis en 2020 et 2021. Néanmoins, les émissions de TACH résidentielles et commerciales ont fortement diminué dans la plupart des autres principaux marchés (exception faite des émissions de TACH commerciales en Australie et en Chine). Malgré la gravité de la crise liée au COVID-19, les impayés sur les crédits hypothécaires au logement n’ont généralement augmenté que de manière modérée en 2020 sur les principaux marchés de financements immobiliers, des garanties et des moratoires – appliqués dans de nombreuses juridictions – ayant permis d’éviter des défaillances pour un grand nombre de prêts, dont la situation aurait pu se dégrader en l’absence de ces mesures (Green, 2022[17]).
Sachant que leur encours s’élevait à 10 000 milliards USD, les TACH résidentielles émis aux États-Unis restent de loin le segment le plus important du marché mondial des titres adossés à des actifs, qui représentait 13 000 milliards USD en 2021 (Graphique 3.14). La Réserve fédérale des États-Unis détenait environ 2 600 milliards USD de TACH à la fin de décembre 2021. À titre de comparaison, en 2008, les marchés mondiaux des TACH immobilières étaient deux fois plus volumineux que les marchés d’obligations d’entreprises sur les principaux marchés des financements immobiliers. Or, en 2021, les marchés mondiaux des TACH immobilières représentaient 84 % de l’encours total d’obligations d’entreprises. Si les marchés mondiaux des TACH immobilières ont enregistré une croissance notable au cours des dix dernières années, les autres formes de financements de marchés ont connu une expansion encore plus rapide.
Le renforcement du cadre réglementaire et de la surveillance des entreprises parapubliques aux États-Unis à la suite de la crise financière mondiale a contribué à améliorer les critères d’octroi des prêts dans le pays, si bien que les TACH émis par des organismes publics ou parapublics sont aujourd’hui plus sûrs qu’ils ne l’étaient il y a dix ans. Néanmoins, les innovations financières continuent de fleurir sur les marchés des TACH commerciales, ainsi que l’illustre la part de marché croissante des obligations structurées adossées à des créances immobilières commerciales (CRE CLOs, commercial real estate collateralised loan obligations). Ces évolutions rappellent la thèse de l’innovation source de fragilité, selon laquelle les innovations financières constituent la cause profonde de la crise financière mondiale. Celle-ci a été caractérisée par la création de titres perçus comme sûrs, mais qui étaient en fait exposés à des risques négligés. Elles soulignent la nécessité de surveiller les risques connexes et d’adapter la réglementation.
Les activités de couverture réalisées sur les marchés de TACH, qui sont des titres à revenu fixe sensibles aux variations des taux d’intérêt, peuvent avoir des effets d’entraînement considérables sur les marchés des titres du Trésor des États-Unis. Néanmoins, le très volumineux portefeuille de TACH détenu par la Réserve fédérale réduit l’impact des fluctuations des taux d’intérêt. Lorsque les taux d’intérêt augmentent, le cours d’un TACH tend à diminuer à un rythme de plus en plus rapide et beaucoup plus vite que celui d’un titre du Trésor comparable, en raison de l’allongement de la duration des créances hypothécaires. Pour atténuer le risque lié aux fluctuations des taux d’intérêt, les détenteurs de TACH recourent soit à des contrats d’échange de taux d’intérêt, soit à des ventes de titres du Trésor, ce qui peut éventuellement être une source de volatilité sur le marché de ces valeurs du Trésor.
Les préoccupations se sont accentuées à la suite de la hausse généralisée des taux d’intérêt observée dans le contexte de l’accélération de l’inflation et de la réduction progressive des achats d’actifs des principales banques centrales, deux phénomènes qui se traduisent par un réajustement marqué des cours des titres du Trésor. Néanmoins, le portefeuille de TACH détenu par la Réserve fédérale pourrait contribuer à atténuer l’impact des activités de couverture sur la volatilité des marchés de TACH et de titres du Trésor. Ainsi, à la différence de nombreux investisseurs institutionnels, la Réserve fédérale ne se couvre pas contre le risque de remboursement anticipé, dans la mesure où elle n’a pas d’objectif de duration de son portefeuille.
Les obligations sécurisées demeurent un instrument de financement hypothécaire essentiel en Europe
Les obligations sécurisées (covered bonds) sont des titres de créance émis par une banque ou un établissement de crédit hypothécaire et garanties par un « portefeuille de couverture » (cover pool) composé de prêts hypothécaires immobiliers et de titres de créance du secteur public. Bien que les obligations sécurisées constituent une source de financement garanti et peu coûteux, elles peuvent accroître les risques de refinancement auxquels la banque émettrice s’expose avec des sources de financement de gros non garanti. Contrairement aux titres adossés à des créances hypothécaires (TACH), qui sont constitués d’un ensemble donné de prêts hypothécaires sous-jacents transférés à une entité ad hoc, les obligations sécurisées exigent de la banque émettrice qu’elle conserve un portefeuille d’actifs de qualité servant de couverture aux obligations. Étant donné que le portefeuille d’actifs garantissant les obligations sécurisées doit être régulièrement reconstitué, les détenteurs de créances non garanties doivent assumer l’essentiel du montant cumulé des pertes sur prêts hypothécaires qui dépasse les fonds propres de la banque. Par conséquent, plus une banque émet d’obligations sécurisées, plus le risque lié à ses créances non garanties est grand, ce qui l’expose à un risque plus élevé de refinancement de sa dette non garantie. Les obligations sécurisées diffèrent, sur ce point, des titres adossés à des créances hypothécaires, dont le risque hypothécaire est transféré aux acheteurs de ces titres. Un financement accru par obligations sécurisées pourrait ainsi exacerber le risque de liquidité bancaire et accentuer les tensions sur les marchés du financement de gros non garanti. Le soutien monétaire et budgétaire sans précédent, conjugué aux mesures de renégociation des prêts prises à la suite de la pandémie, a permis de limiter les défauts de remboursement de prêts hypothécaires et de préserver la résilience des marchés des obligations sécurisées. L’effet de la croissance négative du crédit sur les prêts hypothécaires résidentiels qui composent le portefeuille d’actifs garantissant l’obligation a notamment été modeste. L’impact de la pandémie sur le rendement des actifs immobiliers commerciaux pourrait en revanche s’avérer plus important, mais l’exposition des portefeuilles de couverture à ces actifs est limitée.
Le marché mondial des obligations sécurisées a connu une expansion considérable au cours de la dernière décennie (Graphique 3.15). Les obligations sécurisées adossées à des prêts hypothécaires représentent l’essentiel de l’encours des obligations sécurisées. Si l’Europe domine les marchés des obligations sécurisées, ceux-ci se sont néanmoins développés à l’échelle mondiale au cours de la dernière décennie, notamment dans la région Asie-Pacifique, en Amérique du Nord et dans plusieurs économies émergentes. En 2020, les banques européennes restaient néanmoins les principaux émetteurs de ces instruments. Les émissions se sont toutefois taries pendant la pandémie, car une grande partie des aides publiques n’a pas été dépensée, ce qui s’est traduit par une augmentation de l’épargne des ménages sous la forme de dépôts bancaires, qui constituent une source de financement bancaire particulièrement peu coûteuse. Les marchés des prêts hypothécaires résidentiels de première qualité devraient être peu perturbés par le démantèlement des mesures de soutien publiques et réglementaires, mais l’on ne peut pas en dire autant des actifs immobiliers commerciaux.
Les REITs et les REMFs jouent un rôle grandissant
Les sociétés d’investissement immobilier (REITs, real estate investment trusts) sont des structures de placement spécialisées qui tirent l’essentiel de leur revenu d’actifs liés à l’immobilier. Les REITs sont généralement spécialisées dans la détention d’actifs immobiliers physiques ou dans l’activité de prêt à des investisseurs ou promoteurs immobiliers. Elles émettent des titres assimilables à des actions qui donnent aux investisseurs accès à des investissements immobiliers plus liquides que des actifs immobiliers physiques. Durant la période prolongée de faiblesse des taux d’intérêt qui a suivi la crise financière mondiale, les REITs ont offert des possibilités d’investissement attrayantes car, dans de nombreuses juridictions, elles bénéficient d’un traitement fiscal favorable2, offrent des ratios de distribution de dividendes relativement plus élevés que ceux des actions et/ou proposent des investissements immobiliers diversifiés et liquides. Au cours de la dernière décennie, la capitalisation boursière mondiale du secteur des REITs a triplé (passant de 430 milliards USD en 2010 à plus de 1 300 milliards USD en 2021), les États-Unis représentant quelque 65 % de ce marché, même si une croissance rapide a aussi été enregistrée dans la région Asie-Pacifique (Encadré 3.5).
Encadré 3.5. Tendances et enjeux dans le secteur des sociétés d’investissement immobilier
Au sein du secteur des sociétés d’investissement immobilier (REITs, real estate investment trusts), il existe deux grands types de structures : les sociétés d’investissement immobilier direct (equity REITs) et les sociétés d’investissement immobilier hypothécaire (mortgage REITs ou mREITs). Les equity REITs investissent dans des biens physiques, tandis que les mortgage REITs investissent dans des prêts hypothécaires et des titres adossés à des créances hypothécaires (TACH), ce qui en fait des détentrices de dettes immobilières. Les mREITs se concentrent généralement soit sur des prêts hypothécaires résidentiels et des titres adossés à des créances hypothécaires résidentielles, soit sur des prêts hypothécaires commerciaux et des titres adossés à des créances hypothécaires commerciales.
La plupart des sociétés d’investissement immobilier hypothécaire résidentiel concentrent leurs investissements sur des titres adossés à des prêts hypothécaires émis par des organismes parapublics ; celles-ci sont souvent appelées Agency mREITs. À la suite de la crise financière mondiale, plusieurs mREITs ont élaboré des modèles d’activité leur permettant d’acheter des actifs hypothécaires (résidentiels et commerciaux) en difficulté auprès de banques et d’autres prêteurs, contribuant ainsi à recapitaliser le secteur bancaire, à restructurer ces dettes et à assurer leur gestion. La plupart des sociétés d’investissement immobilier cotées aux États-Unis sont des equity REITs (Graphique 3.16, partie A), mais les émissions de titres par des mREITs ont considérablement augmenté depuis la crise financière mondiale (partie B). Aux États-Unis, la capitalisation boursière des mREITs a notamment plus que triplé au cours de la dernière décennie (passant de 18 milliards USD en 2008 à 61 milliards USD en 2021). Bien que les sociétés américaines d’investissement immobilier hypothécaire résidentiel constituent toujours le plus gros segment de marché, représentant 63 % de la capitalisation des mREITs domiciliées aux États-Unis en 2021, les sociétés d’investissement immobilier hypothécaire commercial se développent elles aussi.
Des risques baissiers entourent les mREITs, qui recourent aux financements à court terme et à l’endettement. Le rendement des mREITs est généralement fonction des revenus générés par les prêts hypothécaires sous-jacents, ainsi que des variations de la valeur actualisée nette des prêts hypothécaires. Les financements garantis à court terme – notamment via des mécanismes d’octroi de crédits renouvelables par des banques et autres établissements financiers, ainsi que via des emprunts sur les marchés de financements garantis à court terme (aussi appelés mises en pension ou « repo ») et sur les marchés obligataires – fournissent aux mREITs des financements assortis de faibles taux d’intérêt aux fins de l’acquisition d’actifs à long terme générant des rendements plus élevés. Il est courant que les mREITS maximisent l’exploitation de l’écart entre le taux créditeur à court terme et le taux débiteur à long terme en s’endettant davantage. Pour ce faire, la société utilise tout d’abord les capitaux levés auprès des investisseurs pour acheter des TACH. Elle utilise ensuite ces TACH comme garanties pour financer par emprunt l’achat d’autres titres adossés à des créances hypothécaires, opération qu’elle effectue plusieurs fois. Le processus ne peut toutefois pas être répété à l’infini, car le prêteur qui prend les titres en pension exige une garantie sur chaque prêt (une marge qui permet de le protéger) ou peut imposer des clauses restrictives limitant l’endettement.
Les mREITs qui font jouer l’effet de levier sont généralement vulnérables face à des hausses importantes des taux d’intérêt, qui nuisent à leur rentabilité et compliquent le refinancement de leur dette. Les financements à court terme arrivant à échéance devraient être renouvelés à des taux d’intérêt plus élevés, ce qui contribuerait à une érosion de leurs marges bénéficiaires. Qui plus est, une hausse importante des taux d’intérêt réduirait les prix de marché et les valeurs actualisées nettes de l’encours des prêts hypothécaires et des TACH et, partant, la valeur des actifs des mREITs. Une chute de la valeur des actifs des mREITs utilisés comme garanties pour obtenir des financements garantis à court terme peut entraîner un appel de marge et, ultérieurement, un mouvement de désendettement, ce qui se traduirait par de nouvelles ventes de TACH et baisses de prix. Une spirale de désendettement pourrait occasionner des pertes importantes pour un large éventail d’intermédiaires financiers et d’investisseurs.
Le début de la pandémie a été marqué par une rupture des relations jusqu’alors stables entre les différents portefeuilles de prêts hypothécaires, du fait de la vague d’aversion extrême pour le risque et du regain de volatilité. Mais la Réserve fédérale américaine est intervenue directement en achetant des TACH émis par des organismes parapublics et en permettant un allègement temporaire des exigences de fonds propres applicables aux banques pour que celles-ci puissent continuer d’accorder des prêts. Conjuguée aux mesures de renégociation des prêts, cette intervention a permis de stabiliser le marché des TACH, ainsi que les marchés à court terme des opérations de pension et des billets de trésorerie. Toutefois, bien après la première vague de contaminations au COVID-19, certains types de biens se trouvaient encore en difficulté aux États-Unis, notamment les bureaux, les hébergements de loisirs et les complexes touristiques, et les bâtiments de santé. Plus récemment, alors que les marchés de capitaux craignaient une flambée d’inflation, accentuée par l’invasion russe de l’Ukraine, les opérateurs du marché ont été réconfortés par le fait que, dans le passé, l’immobilier et les REITs se sont relativement bien tenus durant les périodes d’inflation accrue, où les loyers ont généralement suivi le rythme global de la hausse des prix et où la valeur des biens immobiliers s’est appréciée.
Les fonds communs de placement immobilier (REMFs, real estate mutual funds), qui s’apparentent aux fonds de fonds, sont étroitement liés aux mREITS. Environ un sixième des REMFs sont cotés en bourse (notamment via des fonds indiciels cotés – ETFs, exchange-traded funds – axés sur l’immobilier). Les REMFs ont connu un essor fulgurant, le total des actifs sous gestion étant passé de 650 milliards USD en 2005 à 4 100 milliards USD en 2021 (ANREV / INREV / NCREIF, 2022[18]). Les ETFs axés sur l’immobilier réalisent de la transformation de liquidité, ce qui les rend vulnérables aux demandes de remboursement de parts de la part des investisseurs lorsque les conditions du marché se dégradent. Ils constituent des placements liquides permettant des remboursements de parts plus fréquents. Comme dans le cas des mREITs, la matérialisation du risque de remboursement peut pousser à la vente, ce qui accentue encore la volatilité. Dans la mesure où une incertitude particulièrement forte entoure souvent la valeur liquidative d’un REMF, les autorités réglementaires peuvent être poussées à inciter ces fonds à cesser leurs activités, comme cela s’est produit au Royaume-Uni à certains moments des négociations sur le Brexit. En 2020, les REMFs ont enregistré d’importantes sorties à la suite de l’affaiblissement des mREITs (SEC, 2020[19]). La dégradation de la liquidité de marché des actifs des REMFs a été particulièrement marquée pour les fonds en proie à des remboursements de parts plus importants. Les REMFs ont notamment tenté de recourir à une stratégie de gestion des liquidités en cascade (« liquidity waterfall ») pour répondre dans un premier temps à la demande accrue de remboursement en utilisant la trésorerie et les équivalents de trésorerie. Certains se sont toutefois retrouvés à court de liquidités, ce qui les a contraints à vendre des actifs immobiliers sur des marchés de moins en moins liquides. L’évolution de la situation depuis le début de la pandémie montre que des facteurs de vulnérabilité structurelle subsistent dans les produits de type « mREIT » et « REMF », qui contribuent à la volatilité des prix sur les marchés des TACH.
Le crédit hypothécaire non bancaire comporte des risques
Depuis la crise financière mondiale, la faiblesse des taux d’intérêt et le durcissement de la réglementation bancaire3 ont contribué à l’essor des établissements de crédit hypothécaire non bancaires et des gestionnaires non bancaires de prêts hypothécaires faisant jouer l’effet de levier, principalement aux États-Unis (Encadré 3.6). Ces établissements de crédit hypothécaire non bancaires réalisent de la transformation de liquidité et d’échéances. Leur montée en puissance a eu plusieurs retombées positives : intensification de la concurrence ; allongement des échéances (de la part des compagnies d’assurance et des fonds de pension), réduisant ainsi la nécessité de transformer les échéances ; et diminution probable du caractère procyclique de l’offre (aucune monnaie n’étant créée), même si le faible nombre de données empiriques peut laisser penser le contraire (BRI, 2020[20]). Toutefois, ainsi qu’il a été indiqué plus haut, la qualité moyenne des crédits hypothécaires des établissements financiers non bancaires est généralement inférieure à celle des prêts des banques.
Encadré 3.6. Financement non bancaire du logement : tendances et expérience internationale
L’essor des activités d’octroi et de gestion de prêts hypothécaires par des acteurs non bancaires depuis la crise financière mondiale s’est produit à des rythmes très différents selon les pays.
Aux États-Unis, les prêts hypothécaires au logement octroyés par des établissements de crédit hypothécaire non bancaires ont considérablement augmenté au cours de la dernière décennie, passant de 30 % en 2010 à 55 % du total des prêts octroyés en 2020. La part de marché des établissements bancaires est tombée en dessous de 50 % en 2024. À l’instar des banques, les établissements de crédit hypothécaire non bancaires fonctionnent selon le modèle « octroi puis cession » de crédits (originate-to-distribute)4 et vendent une part importante de leurs crédits hypothécaires à des organismes publics (dont Fannie Mae, Freddie Mac et Ginnie Mae), qui détenaient environ deux tiers de l’ensemble des crédits hypothécaires au logement en 2020. Fannie Mae et Freddie Mac, qui ont été placé sous la tutelle du Trésor américain en 2008, couvrent leur risque de crédit au moyen d’une assurance hypothécaire indépendante (PMI, private mortgage insurance) et en émettant des titres de transfert du risque de crédit (CRT, Credit Risk Transfer)5.
En Chine, les établissements non bancaires constituent les principales sources de financement des promoteurs immobiliers. Les fonds levés auprès des circuits non bancaires (c’est-à-dire via l’émission d’actions sur le marché primaire, l’émission d’obligations d’entreprise et les prêts de sociétés fiduciaires) représentaient 70 % du total des sources de financement des promoteurs immobiliers en 2020. La crise liée au COVID-19 a toutefois accéléré la chute des prêts de sociétés fiduciaires, qui avait déjà commencé à la fin de 2017. En 2019, la Commission chinoise de réglementation du secteur bancaire et de l’assurance a instauré un plafonnement plus explicite des prêts immobiliers octroyés par les sociétés fiduciaires afin de les empêcher de financer des promoteurs immobiliers qui ne disposent pas de toutes les autorisations nécessaires ou qui ne respectent pas les exigences relatives à l’actionnariat et au capital.
Sur les autres grands marchés du financement de l’immobilier, la part des prêts hypothécaires résidentiels octroyés par des établissements non bancaires est restée à peu près stable, à un niveau modéré (moins de 10 % au Japon, au Royaume-Uni et dans l’Union européenne).
S’agissant des prêts hypothécaires commerciaux, les données disponibles relatives aux principaux marchés du financement de l’immobilier font apparaître une proportion modérée de crédits non bancaires, qui allait de moins de 5 % en Australie à 16 % en moyenne dans l’Union européenne à la fin de 2020. On observe néanmoins une très grande hétérogénéité entre les économies européennes, où une part importante du financement provient de compagnies d’assurance dans certains pays (Allemagne, Belgique, Croatie) et de fonds de pension et de fonds de placement dans d’autres (Belgique, Irlande, Italie, Lettonie, Malte et Pays-Bas).
Les crédits fondés sur les technologies financières (crédits FinTech) se sont multipliés sur les principaux marchés du financement de l’immobilier, générant des gains d’efficience mais suscitant aussi d’éventuelles préoccupations concernant leur résilience financière. Le processus d’octroi des crédits a été rationalisé et automatisé par les nouveaux entrants, ce qui a permis d’accélérer les procédures d’approbation et de réduire les coûts, la fraude et les erreurs, au détriment toutefois d’une plus grande vulnérabilité face aux cyberattaques (Fuster et al., 2019[21]). Les crédits FinTech procurent une certaine commodité aux emprunteurs et permettent une évaluation plus précise des risques auxquels s’exposent les prêteurs. Les prêteurs traditionnels ont adopté certaines des innovations apportées par les FinTech, brouillant ainsi la distinction entre les deux types de prêteurs. Qui plus est, une certaine coopération a été mise en place ; ainsi, une banque peut conclure un contrat avec une FinTech pour que celle-ci lui fournisse l’infrastructure numérique nécessaire à l’émission de ses crédits hypothécaires. En 2020, les deux plus grands établissements de crédit FinTech comptaient à eux deux pour 30 % de l’ensemble des prêts résidentiels émis par les 25 premiers prêteurs aux États-Unis (qui représentaient les deux tiers du marché).
Parmi les autres types de prêts immobiliers non bancaires, on peut citer les prêts entre pairs ou le financement participatif par prêt, les prêts octroyés directement par des plateformes de financement et le financement participatif immobilier. Les émissions de ces types de prêts ont été suspendues ou réduites au premier semestre de 2020, à la suite du choc provoqué par la pandémie de COVID-19, mais elles semblent s’être redressées depuis. Les nouvelles technologies de prêt peuvent apporter des gains d’efficience en faisant diminuer les frais de gestion, en améliorant la précision des évaluations qui sous-tendent les transactions hypothécaires et en réduisant la fraude. Les plateformes numériques FinTech sont toutefois elles aussi exposées aux menaces externes et aux risques de cyberattaques ; les consommateurs sont donc davantage susceptibles de subir des pertes et d’autres préjudices, tels que la fraude par des tiers.
Le niveau élevé d’endettement des établissements financiers non bancaires et l’importante transformation de liquidité comportent des risques (Encadré 3.7). En outre, la performance de ces établissements dépend également des prix de l’immobilier, de la qualité et de la diversification de leurs actifs, de leur dépendance à l’égard des marchés de financement de gros, parfois volatils, des vagues périodiques de demandes de remboursement de parts et des liens entretenus avec d’autres marchés de capitaux.
Encadré 3.7. Financement non bancaire du logement : endettement, liquidité et autres risques principaux
États-Unis
Les établissements de crédit hypothécaire non bancaires sont exposés à un risque de liquidité en raison de leur modèle d’activité, qui combine fonds propres et sources de financement diverses6. Ils s’exposent à des asymétries de liquidité en recourant à des lignes de crédit à court terme renouvelables pour financer des prêts hypothécaires à long terme. Ils peuvent être confrontés à des pénuries de liquidités à la suite d’un choc inattendu entraînant un tarissement de la liquidité sur les marchés de titrisation. En cas de choc nuisant à la qualité des prêts hypothécaires et suscitant l’inquiétude des investisseurs à l’égard des établissements de crédit hypothécaire non bancaires, l’accès de ces derniers aux financements sera vraisemblablement réduit et plus coûteux. À la différence des banques, qui peuvent compter sur les dépôts comme source de financement relativement stable, les établissements de crédit hypothécaire non bancaires ne disposent pas d’une telle base de dépôts captifs et peuvent être exposés à de fortes variations des coûts de financement.
Les établissements de crédit hypothécaire non bancaires sont de plus en plus exposés à la volatilité du fait de la proportion croissante des droits de gestion de prêts hypothécaires (MSR, mortgage servicing rights) dans leur bilan. Ainsi, en 2021, ils ont ainsi assuré la gestion de 60 % des prêts hypothécaires, contre 6 % en 2011 (CSBS, 2021[22]). Ils ont également accru leur part de marché dans le secteur de la gestion des prêts hypothécaires, en grande partie via l’achat massif de MSR sur des portefeuilles de prêts non performants initialement détenus par des banques. Les gestionnaires non bancaires de prêts hypothécaires sont exposés à un risque de liquidité car, en cas de défaut de remboursement d’un prêt hypothécaire, ils perdent non seulement les revenus de gestion mais doivent aussi continuer de régler les sommes dues aux investisseurs, aux autorités fiscales et aux assureurs avec leurs propres fonds, et prendre en charge le coût élevé de la gestion des impayés sur les prêts hypothécaires7. En particulier, les gestionnaires de prêts Ginnie Mae sont exposés à un risque de liquidité encore plus important dans la mesure où ils sont susceptibles de devoir assumer une plus lourde charge découlant de la gestion de crédits dépréciés ou en défaut (Ginnie Mae, 2016[23]). S’agissant des prêts relevant des portefeuilles des entreprises parapubliques (telles que Fannie Mae et Freddie Mac) et de Ginnie Mae, la portion initiale des pertes est supportée par l’emprunteur. La compagnie d’assurance hypothécaire indépendante ou l’entité publique qui garantit le prêt prend ensuite à sa charge la deuxième portion des pertes. Les gestionnaires de prêts Ginnie Mae sont toutefois censés supporter la portion des pertes non couverte par l’État ou l’assureur.
Sachant qu’un effondrement de certains établissements de crédit hypothécaire non bancaires ou gestionnaires non bancaires de prêts hypothécaires domiciliés aux États-Unis pourrait amplifier les chocs négatifs, les autorités de réglementation, qui sont conscientes de ce risque, ont renforcé la surveillance réglementaire. Elles doivent évaluer dans un deuxième temps le risque de répercussion des tensions dans le secteur non bancaire sur le système bancaire réglementé, en particulier parce que les deux entretiennent des relations complexes et opaques8. La défaillance d’un grand nombre d’établissements de crédit hypothécaire non bancaires ou de gestionnaires non bancaires de prêts hypothécaires se traduirait par une diminution de l’offre globale de prêts hypothécaires et par un recul des prix de l’immobilier. Au début de la crise liée au COVID-19, la Réserve fédérale des États-Unis a ainsi soutenu le marché des TACH, tandis que les mesures de renégociation des prêts hypothécaires, la loi sur l’aide, le secours et la sécurité économique en temps de COVID-19 (CARES, Coronavirus Aid, Relief, and Economic Security) de mars 2020 et l’augmentation des allocations de chômage ont contribué à soutenir le secteur financier et l’économie réelle (GAO, 2021[24]). L’Autorité fédérale américaine du financement du logement (FHFA, Federal Housing Finance Agency) et Ginnie Mae ont annoncé plusieurs mesures visant à favoriser la liquidité en permettant aux établissements de crédit hypothécaire et aux gestionnaires de prêts hypothécaires de recevoir plus facilement divers types d’avances de trésorerie à court terme.
Europe
Dans un certain nombre de pays européens (Allemagne, Belgique, Bulgarie, Estonie, Lettonie, Lituanie, Pays-Bas, Portugal et Slovénie), les compagnies d’assurance et les fonds de placement sont exposés, via leurs investissements dans l’immobilier commercial, à des risques liés à la solvabilité ou aux remboursements de parts. En revanche, les fonds de pension sont, dans la plupart des pays européens, peu exposés au secteur immobilier. Les moins-values liées aux expositions sur l’immobilier commercial pourraient rendre les compagnies d’assurance et les fonds de placement concernés moins disposés ou moins en mesure d’octroyer de nouveaux financements dans plusieurs pays européens. Dans l’ensemble, toutefois, l’exposition directe relativement faible des fonds de pension et des compagnies d’assurance au secteur immobilier dans la plupart des pays et le fait que les investissements indirects dans l’immobilier sont, dans bien des cas, diversifiés à l’échelle internationale et couverts par des cadres de gestion des risques devraient réduire les risques de tensions financières.
Source : (OCDE, 2021[25]).
Il convient de gérer les risques liés au financement non bancaire des prêts hypothécaires
Il faudrait évaluer l’efficacité des instruments de réglementation applicables aux sociétés d’investissement immobilier hypothécaire (mREITs) et aux fonds communs de placement immobilier (REMFs) afin de déterminer s’il est nécessaire d’adopter une approche plus globale, fondée sur les risques, en matière de réglementation des établissements de crédit hypothécaire non bancaires et des gestionnaires non bancaires de prêts hypothécaires. Il conviendrait de remédier aux vulnérabilités naissantes sans remettre en cause les avantages des financements de marché. L’enjeu principal consiste à déterminer si suffisamment d’instruments existent pour inciter les établissements de crédit hypothécaire non bancaires faisant jouer l’effet de levier à être attentifs aux risques de liquidité et de transformation d’échéances, afin que puissent être évités des effets d’entraînement cycliques dispensables sur le reste du système financier et la sphère réelle de l’économie (Encadré 3.8). Outre des mesures visant à atténuer le risque de demandes de remboursement coordonnées ayant un effet préjudiciable, l’importante asymétrie de liquidité donne à penser qu’il faut élargir l’éventail des outils de gestion de la liquidité pour permettre aux REMFs d’absorber les sorties d’investisseurs sans recourir à des suspensions de remboursement de parts (FMI, 2021[26]). L’Irlande offre un exemple de réformes pouvant être prises pour réglementer les fonds de placement immobilier en vue de renforcer la stabilité financière (Encadré 3.9).
Encadré 3.8. Fonds ouverts : facteurs de vulnérabilité et réformes envisageables
En 2017-18, le Conseil de stabilité financière (CSF) et l’Organisation internationale des commissions de valeurs (OICV) ont déployé des efforts considérables pour recenser les principaux facteurs de vulnérabilité structurelle des fonds dits « ouverts », et l’OICV a formulé des recommandations détaillées à cet égard9. En octobre 2021, le CSF a publié des propositions de mesure visant à renforcer la résilience des organismes de placement collectif monétaires (OPC monétaires), notamment s’agissant de la pertinence de la structure du secteur et des marchés de financement à court terme sous-jacents (Conseil de stabilité financière, 2021[27]). À l’instar des fonds de placement ouverts, les fonds communs de placement immobilier (REMFs) sont exposés à des remboursements de parts. Par conséquent, parmi les principales mesures proposées par le CSF à l’intention des OPC monétaires, certaines pourraient aussi s’avérer pertinentes pour les REMFs, notamment :
L’imposition d’un volant de fonds propres suffisamment important ou d’un plafond d’endettement atténuerait le risque de pertes pour les investisseurs et inciterait moins ces derniers de demander à la hâte le remboursement de leurs parts. L’établissement de critères d’admissibilité des actifs permettrait de limiter l’incidence de remboursements massifs en réduisant la transformation de liquidité réalisée par les REMFs. Les REMFs devraient investir une plus grande proportion de leurs actifs dans des instruments à plus court terme et/ou plus liquides, ce qui les rendrait moins tributaires des conditions de liquidité sur les marchés des actifs qu’ils détiennent et réduirait l’avantage du premier arrivant dont les investisseurs demandant le remboursement de leurs parts pourraient bénéficier. Ainsi, la Banque centrale d’Irlande a plafonné à 60 % le ratio d’endettement (dette totale/total des actifs) des fonds de placement immobilier et formulé des orientations destinées à limiter les asymétries de liquidité dans ce type de fonds (Encadré 3.9).
L’adoption d’un mécanisme d’ajustement de la valeur liquidative (swing pricing)10 pourrait contribuer à atténuer le risque lié aux remboursements de parts et à réduire les avantages du premier arrivant découlant de la mutualisation des liquidités, si les coûts qui en résultent sont répercutés sur les investisseurs demandant le remboursement de leurs parts. Le fait de calculer la valeur du remboursement à partir d’un solde minimum pour risques (MBR, minimum balance at risk) pourrait en outre réduire l’avantage du premier arrivant lorsqu’un REMF subit des pertes, car celles-ci ne seraient plus supportées de manière disproportionnée par les investisseurs restant dans le fonds.
L’imposition d’exigences de liquidité supplémentaires et l’utilisation d’outils de gestion de la liquidité pourraient accroître le niveau de liquidité à l’actif des REMFs et offrir aux fonds des solutions flexibles de gestion des risques. Ces mesures pourraient être utiles pour renforcer la résilience des REMFs, mais il devrait être envisagé d’accorder la priorité à la mise en œuvre de diverses mesures dans le cadre d’un train de réformes afin de remédier aux facteurs de vulnérabilité des REMFs recensés dans chaque pays.
Encadré 3.9. Mesures visant à limiter les niveaux d’endettement et les asymétries de liquidité dans les fonds de placement immobiliers en Irlande
Les fonds de placement investissant dans l’immobilier sont devenus des acteurs clés du marché irlandais de l’immobilier commercial, sachant qu’ils détenaient quelque 22 milliards EUR de biens immobiliers en 202211. Cette forme d’intermédiation financière en plein essor peut avoir des effets positifs sur la stabilité macroéconomique et financière. Souvent créés et financés par des investisseurs étrangers, les fonds de placement immobilier offrent un autre canal d’intermédiation financière pour investir sur le marché de l’immobilier commercial, réduisant ainsi la dépendance à l’égard des sources nationales de capitaux.
Cette évolution de la nature de l’intermédiation financière risque aussi d’entraîner l’apparition de nouveaux facteurs de vulnérabilité ; il est donc important d’adapter le cadre macroprudentiel en conséquence. Compte tenu de l’essor du secteur des fonds de placement immobilier, la résilience de cette forme d’intermédiation financière revêt aujourd’hui une importance plus grande qu’il y a dix ans pour le bon fonctionnement du marché global de l’immobilier commercial. Toute perturbation sur ce marché est donc susceptible d’entraîner des conséquences macroéconomiques négatives et/ou d’amplifier celles-ci, via divers canaux. Il peut notamment s’agir de pertes sur les expositions des prêteurs, de contraintes de financement touchant les emprunteurs qui utilisent des biens immobiliers commerciaux à titre de garanties, ou de répercussions négatives sur l’activité du secteur de la construction.
Afin de rendre cette forme d’intermédiation financière en plein essor plus résiliente face aux chocs, la Banque centrale d’Irlande (CBI, Central Bank of Ireland) a mis en place, en novembre 2020, des règles macroprudentielles applicables aux fonds de placement immobilier. Il s’agissait des premières mesures adoptées au titre du troisième pilier de son cadre macroprudentiel, qui concerne les intermédiaires financiers non bancaires. Le ratio d’endettement (dette totale/total des actifs) des fonds de placement immobilier a notamment été plafonné à 60 %, et des recommandations visant à limiter les asymétries de liquidité dans ce type de fonds ont été publiées.
Ces mesures visent essentiellement à remédier au risque que des facteurs de vulnérabilité financière dans le secteur des fonds de placement immobilier entraînent des ventes forcées d’actifs en période de tensions. L’endettement excessif et l’asymétrie de liquidité constituent des sources potentielles de vulnérabilité des fonds de placement immobilier12. En effet, en cas de choc négatif, certains fonds de placement immobilier présentant un niveau élevé d’endettement et une asymétrie de liquidité risquent de se voir contraints de vendre des actifs immobiliers sur une période relativement courte, ce qui créerait des tensions sur les prix sur le marché de l’immobilier commercial et/ou amplifierait celles-ci.
La CBI prévoit une période de mise en œuvre de cinq ans pour permettre un ajustement progressif et ordonné de l’endettement des fonds de placement immobilier existants, et une période de dix-huit mois pour que ceux-ci puissent prendre les mesures qui s’imposent à la lumière des recommandations relatives aux asymétries de liquidité. Elle n’autorise de nouveaux fonds que s’ils respectent le plafond d’endettement de 60 %, et s’attend à ce que les fonds de placement immobilier autorisés à compter du 24 novembre 2022 se conforment à ses recommandations dès leur création.
Les mesures proposées visent à préserver la résilience de cette forme d’intermédiation financière en plein essor, afin que les fonds de placement immobilier soient mieux à même d’absorber les chocs négatifs, plutôt que de les amplifier. Et elles devraient du même coup contribuer à mieux armer le secteur pour qu’il continue de servir de source viable d’investissement dans l’activité économique.
En ce qui concerne les mREITs, les difficultés de gestion de la liquidité sont liées à l’asymétrie d’échéances et au risque de refinancement de la dette, qui s’expliquent par l’utilisation de financements garantis à court terme et/ou de lignes de crédit bancaire à court terme renouvelables aux fins du financement de TACH et de prêts hypothécaires à plus long terme. Le recours à des outils de gestion des risques pour renforcer leur capacité d’absorption de pertes et améliorer leurs positions de liquidité permettrait notamment d’atténuer leur sensibilité aux appels de marge.
Aux États-Unis, les établissements de crédit hypothécaire non bancaires et les gestionnaires non bancaires de prêts hypothécaires sont réglementés à des fins de sécurité et de solidité du système financier, et soumis à des exigences de fonds propres et de liquidité. Bien que ce secteur ne présente pas de risque de créance sur le fonds d’assurance des dépôts, les difficultés financières qu’il est susceptible de rencontrer peuvent constituer une menace de taille pour la résilience du système financier, à la fois directement et indirectement du fait de ses liens avec le système bancaire classique. En 2019, la Conference of State Bank Supervisors (CSBS) et l’American Association of Residential Mortgage Regulators (AARMR) ont conjointement publié des procédures d’examen de la sécurité et de la solidité de tous les établissements financiers, qui ont depuis été appliquées, dans leur intégralité ou en partie, par la plupart des États fédérés (CSBS, 2019[28] ; CSBS, 2021[22]).
Bien que ces normes prudentielles méritent d’être saluées, les modèles de normes prudentielles applicables aux gestionnaires non bancaires de prêts hypothécaires au niveau des États (Final Model Standards) pourraient être encore renforcés. Plus précisément, les normes réglementaires en matière de fonds propres ne sont pas définies selon une approche fondée sur les risques s’agissant des actifs des établissements de crédit hypothécaire non bancaires, contrairement au cadre réglementaire des banques, qui prend en compte de nombreux facteurs. En outre, les exigences de liquidité ne tiennent pas compte de la maturité et de la capacité des facilités de crédit de l’établissement, de l’efficacité de ses stratégies de couverture ou encore des particularités de son modèle d’activité. Par ailleurs, l’exigence supplémentaire de liquidité de 200 points de base applicable aux entreprises parapubliques lorsque les impayés atteignent un certain niveau peut obliger les gestionnaires non bancaires à lever davantage de fonds alors même qu’ils connaissent peut-être déjà des difficultés financières. Des exigences contracycliques seraient préférables. Dans ce contexte, il est à craindre que les exigences réglementaires applicables aux établissements de crédit hypothécaire non bancaires et aux gestionnaires non bancaires de prêts hypothécaires ne soient pas tout à fait adéquates au regard des risques posés par ces entreprises. Il faudrait tenir compte d’autres facteurs de risque pertinents pour définir les exigences de fonds propres et de liquidité applicables aux établissements de crédit hypothécaire non bancaires et aux gestionnaires non bancaires de prêts hypothécaires. Toutefois, si les autorités de réglementation décèlent des vulnérabilités croissantes dans un établissement particulier, elles peuvent décider, au cas par cas, de durcir les exigences de fonds propres et de liquidité afin d’atténuer les risques et les retombées propres à cet établissement qui seraient susceptibles de menacer la résilience du secteur et peut-être au-delà. Il semble donc nécessaire de poursuivre les efforts pour élaborer et mettre en œuvre divers outils permettant de remédier aux facteurs de vulnérabilité des établissements et gestionnaires de prêts hypothécaires. Une évaluation de l’utilisation et de l’efficacité de ces outils permettrait en outre de s’assurer qu’ils contribuent à atténuer les prises de risques excessives en matière de liquidité et d’endettement, et qu’ils améliorent la résilience en période de difficulté.
Utiliser le crédit hypothécaire au service de la décarbonation du logement
Le financement du logement a un rôle essentiel à jouer dans la réduction des émissions du secteur résidentiel, et cet effort nécessitera des investissements coûteux (Chapitre 2). Les établissements de crédit hypothécaire peuvent soutenir la décarbonation du logement à différents stades :
Pour les nouvelles constructions, les prêteurs hypothécaires peuvent tenir compte du fait que la construction de logements conformes à des normes compatibles avec l’objectif de neutralité carbone se traduira par une baisse des dépenses d’énergie récurrentes et éliminera le risque que les propriétaires doivent réaliser ultérieurement de coûteuses rénovations. Ces deux facteurs améliorent respectivement les flux de trésorerie et la valeur des garanties déposées par les emprunteurs, ce qui améliore aussi la qualité du crédit. Des certificats de performance énergétique transparents et fiables favoriseraient le recours à des prêts de construction intégrant le moindre risque associé à la haute qualité environnementale d’une construction.
Le même constat vaut pour les logements anciens : des certificats fiables permettraient aux banques de procéder plus facilement à un rehaussement de crédit à la suite d’une amélioration de l’efficacité énergétique du bien, compte tenu, là encore, de ses effets sur la valeur des garanties et les flux de trésorerie de l’emprunteur.
Il n’existe à l’heure actuelle aucun marché du crédit pour la rénovation. Le montant requis pour la rénovation d’un logement individuel est bien plus faible qu’un prêt hypothécaire, ce qui complique la couverture des frais administratifs et autres frais d’émission. Le marché du crédit à la consommation est en outre inadapté au financement de la rénovation : l’échéance de remboursement des rénovations est généralement plus longue que celle des prêts à la consommation, et le risque accru associé à un crédit à la consommation se traduit par des taux d’intérêt élevés qui peuvent rendre les investissements dans la rénovation non rentables. Des informations fiables et transparentes sur la performance énergétique des logements rénovés permettraient, là encore, de faire prendre conscience aux prêteurs des avantages spécifiques que présentent les crédits à la rénovation énergétique, par rapport aux crédits à la consommation, notamment la réduction des futures factures d’énergie et l’accroissement de la valeur du logement. Une telle avancée créerait des conditions plus propices au développement de marchés actifs pour le financement de la rénovation.
Les systèmes d’évaluation environnementale des bâtiments se sont multipliés
Divers systèmes d’évaluation environnementale des bâtiments (SEEB) ont été mis au point afin de fournir les informations nécessaires pour favoriser la prise en compte des objectifs environnementaux dans le secteur du bâtiment. Les SEEB correspondent généralement à des normes définies par des tiers, dont l’adoption est facultative et qui sont fondées sur le jeu du marché ; ils renseignent les investisseurs immobiliers et les détenteurs d’obligations immobilières sur la performance d’un bâtiment existant ou d’un projet de construction du point de vue de la durabilité et de l’environnement. Si un bien immobilier affiche une classe énergétique élevée, son prix tend à être plus élevé (Taruttis et Weber, 2022[29] ; Copiello et Donati, 2021[30] ; Fuerst et al., 2015[31] ; Hyland, Lyons et Lyons, 2013[32]). Les éléments attestant leur effet sur les prêts au logement sont toutefois plus rares, bien qu’un lien entre une plus grande efficacité énergétique et une moindre probabilité de défaut de paiement ait été constaté dans une étude des données sur les prêts hypothécaires au logement aux Pays-Bas (Billio et al., 2021[33]). Il ressort par ailleurs d’études réalisées sur les prêts hypothécaires commerciaux aux États-Unis (prêts pouvant financer des bureaux ou des immeubles d’habitation collectifs) que le risque de défaut est plus grand si les emprunteurs font face à des coûts énergétiques plus élevés (Mathew, Issler et Wallace, 2021[34]) et que ce risque diminue sensiblement une fois que les bâtiments financés obtiennent une certification énergétique (An et Pivo, 2018[35])).
Encadré 3.10. L’essor des systèmes d’évaluation environnementale des bâtiments : types et expérience internationale
Les systèmes d’évaluation environnementale des bâtiments (SEEB) peuvent être monocritères, c’est-à-dire ciblés uniquement sur l’eau et/ou l’énergie, ou multicritères et porter non seulement sur l’eau et l’énergie, mais aussi sur les émissions, la toxicité et la performance environnementale globale. Ils tendent toutefois vers le même objectif, à savoir de faire en sorte que les projets certifiés réduisent les effets de l’environnement bâti sur la santé de la nature, de l’environnement et des êtres humains tout au long de leur durée de vie.
Parmi les divers SEEB monocritères existants, le programme de certification ENERGY STAR, lancé aux États-Unis en 1992, et les certificats de performance énergétique (CPE), introduits en Europe en 2002, sont les labels de certification les plus reconnus pour les produits à grande efficacité énergétique, actifs immobiliers compris (Whole Building Design Guide, 2022[36]).
Ces systèmes sont des méthodes d’évaluation comparative permettant de déterminer les écarts de performance énergétique, soit entre la performance énergétique réelle et la performance estimée dans le cas des CPE, soit par rapport à une valeur de référence nationale de consommation d’énergie des bâtiments dans le cadre du système ENERGY STAR13. Dans les deux systèmes, rien ne garantit que les labels soient compatibles avec la réalisation des objectifs climatiques mondiaux. Les critères et les seuils de consommation d’énergie retenus dans les SEEB monocritères sont définis à l’aide de méthodes d’évaluation comparative de l’efficacité énergétique. Cependant, ces critères ne sont pas totalement en phase avec les objectifs internationaux de transition climatique, ce qui pourrait limiter l’intérêt des instruments existants : ceux-ci risquent en effet d’être insuffisants pour assurer la réalisation des objectifs convenus de réduction des émissions de carbone et la décarbonation des bâtiments, ainsi que pour promouvoir la construction de bâtiments verts.
Il existe aujourd’hui dans le monde des centaines de SEEB multicritères, dont les approches, procédures de demande et critères d’évaluation peuvent varier (Antonini, Marchi et Politi, 2021[37]). Les labels BREEAM, CASBEE, Green Star et LEED figurent parmi les plus courants.
Le critère de l’énergie est pris en compte dans tous les principaux SEEB et constitue le critère le plus important dans les quatre principaux SEEB multicritères. La pondération moyenne accordée à l’énergie (27 %) est beaucoup plus élevée que celle de tous les autres critères retenus (11 %), ce qui laisse penser que l’énergie joue un rôle primordial dans les SEEB. Bien que les SEEB multicritères tiennent compte de leur compatibilité avec les objectifs climatiques internationaux, le fait qu’ils soient axés aujourd’hui sur la performance énergétique plutôt que sur les sources d’énergie renouvelables et décarbonées limite la portée des avantages qu’ils procurent.
Les normes et principes pour un financement vert de l’immobilier sont encore assez éloignés d’un alignement complet sur l’objectif de neutralité carbone
Étant donné le large impact de l'immobilier sur l’environnement et le climat, les normes de classification des obligations vertes reposent sur plusieurs catégories qui sont utilisées pour définir les projets immobiliers verts éligibles (Encadré 3.11). Les effets sur l’environnement du secteur immobilier peuvent être mis en évidence tout au long de la chaîne de valeur économique, qu’il s’agisse des effets sur l’occupation des sols, l’approvisionnement en matériaux, la longueur et l’ampleur des chaînes d’approvisionnement, la demande de transport et d’infrastructure, l’énergie, la pollution de l’eau et la biodiversité, la santé et le bien-être des occupants, ou encore de l’impact communautaire. Les projets immobiliers verts éligibles devraient contribuer à la réalisation d’un ou plusieurs des cinq objectifs environnementaux globaux suivants : (i) atténuation du changement climatique, (ii) adaptation au changement climatique, (iii) conservation des ressources naturelles, (iv) conservation de la biodiversité, et (v) prévention et maîtrise de la pollution (ICMA, 2021[38]). Si la réalisation de deux de ces objectifs procurerait directement des bénéfices sur le plan climatique, pour d’autres, le bénéfice climatique serait un effet secondaire.
Il conviendrait de compléter les objectifs environnementaux globaux par un ensemble de mesures quantitatives et de critères qualitatifs permettant d’évaluer l’impact exact des projets de construction verte sur la réalisation des objectifs environnementaux et des objectifs de transition climatique. L’International Capital Market Association (ICMA) a élaboré des orientations générales et des définitions spécifiques pour appréhender et illustrer les bénéfices pour l’environnement et la durabilité des projets de construction verte, établies à partir de sept référentiels essentiels, à savoir : (i) les logements neufs, (ii) les logements rénovés, (iii) la consommation d’énergie, (iv) la consommation d’énergie primaire, (v) la consommation finale d’énergie, (vi) la superficie brute des bâtiments et (vii) les mécanismes de certification (ICMA, 2020[39]).
Cependant, la diversité des SEEB et des méthodologies publiées qui sont actuellement employés pour comptabiliser les émissions de GES et la réduction des émissions de carbone associées aux projets de construction est telle qu’il est compliqué d’arriver à une cohérence parfaite des mesures utilisées pour l’établissement de rapports. Globalement, l’efficacité de ces cadres à l’appui de la réalisation des objectifs de transition climatique pourrait se trouver limitée par l’absence d’une méthodologie solide alignée sur les objectifs de l’Accord de Paris sur le climat. En outre, le fait qu'il n’existe pas d’ensemble complet de mesures quantitatives axées sur les objectifs de réduction des émissions de carbone peut représenter un obstacle de taille à la contribution des actifs immobiliers et des produits de financement de l’immobilier sous-jacents à une transition climatique efficace et harmonieuse.
Encadré 3.11. Normes applicables aux prêts hypothécaires verts à l’appui de la décarbonation des actifs immobiliers
L’Alliance mondiale des bâtiments et de la construction, l’Agence internationale de l’énergie et le Programme des Nations Unies pour l’environnement ont établi une feuille de route pour une décarbonation totale à l’horizon 2050 dans laquelle figurent comme objectifs l’amélioration de l’efficience des marchés des obligations vertes et la réorientation des flux de capitaux vers des projets compatibles avec la décarbonation (GlobalABC/AIE/PNUE, 2020[40]). Ces organismes distinguent les bâtiments neutres du point de vue de l’efficacité d’exploitation, du bilan carbone d’exploitation et des émissions induites sur le cycle de vie du bâtiment.
Les avancées réalisées dans la mise en place de l’infrastructure d’évaluation requise sont également à mettre au crédit de l’International Capital Market Association et de la Climate Bonds Initiative, lesquelles ont défini des normes applicables aux obligations vertes, et de la Loan Market Association, de la Loan Syndication and Trading Association et de l’Asia Pacific Loan Market Association, lesquelles ont énoncé des principes applicables aux prêts hypothécaires verts (GML), similaires à ceux applicables aux obligations vertes.
Une décennie après l’entrée en scène des produits de financement vert de l’immobilier, ceux-ci font l’objet de nombreuses certifications qui, néanmoins, sont rarement axées sur la transition climatique grâce à des actifs immobiliers neutres en carbone. Diverses organisations, dont l’International Capital Market Association (ICMA) et la Climate Bonds Initiative, qui est une organisation à but non lucratif, ont élaboré des normes applicables aux obligations vertes. La Loan Market Association (LMA) a pour sa part défini,14 avec le concours de la Loan Syndications and Trading Association (LSTA) (États-Unis) et de l’Asia Pacific Loan Market Association (APLMA), des principes applicables aux prêts verts.
Les effets sur l’environnement des principes applicables aux obligations ou aux prêts verts destinés à financer des projets immobiliers verts sont appréhendés à travers le prisme des certificats de performance énergétique (CPE) et des systèmes d’évaluation environnementale des bâtiments (SEEB), qui sont des indicateurs de l’adhésion à des définitions précises des actifs immobiliers verts. De fait, les instruments de dette verts facilitent l’alignement des incitations adressées aux emprunteurs et aux prêteurs et sont un moyen pour les gestionnaires d’actifs de satisfaire plus facilement une demande croissante d’investissements labellisés ESG de la part des investisseurs. On dispose de données attestant que les investisseurs sont disposés à accepter des rendements financiers plus bas en échange de la satisfaction de détenir des actifs répondant à des critères ESG et que cette tendance permet aux fournisseurs d’actifs ESG de percevoir des marges plus élevées (Baker, Egan et Sarkar, 2022[41]).
C’est principalement en Europe, au Royaume-Uni et aux États-Unis que des normes applicables aux prêts hypothécaires verts ont été établies. Ces normes ont été définies en cohérence avec les principes applicables aux prêts verts qui partagent des dénominateurs communs essentiels avec les principes applicables aux obligations vertes et avec les normes applicables aux obligations climatiques élaborées par l’ICMA et la Climate Bonds Initiative. Constatant qu’en Europe, les performances énergétiques des trois quarts du parc immobilier étaient médiocres, l’Union européenne a lancé en 2015 l’initiative « Energy Efficient Mortgages » (EEMI), financée par son programme « Horizon 2020 ». Celle-ci prévoit des taux d’emprunt plus faibles ou des lignes de crédit supplémentaires pour le financement de bâtiments sobres en énergie, ou des remises sur les prêts en cours pour les propriétaires qui améliorent l’efficacité énergétique de leur logement. Le but était l’accélération de la décarbonation conformément à la Directive de l’UE sur les énergies renouvelables de 2018 (visant à promouvoir l’efficacité du chauffage urbain et de la climatisation urbaine), au Pacte vert pour l’Europe adopté en 2019 et à la stratégie relative à une vague de rénovations approuvée en 2020, grâce à une intensification de l’utilisation des énergies renouvelables et de la valorisation thermique des déchets. L’Union européenne a continué sur sa lancée en 2021 en adoptant la directive relative à l’efficacité énergétique et en lançant le label « Energy Efficient Mortgage » (EEM) . L’objectif est de porter la part des énergies renouvelables dans la consommation énergétique des bâtiments à 49 % d’ici à 2030.
Au Royaume-Uni, les débuts, à petite échelle, des prêts hypothécaires verts lancés par l’Ecology Building Society remontent à 2006. Des établissements financiers beaucoup plus grands se sont par la suite engagés dans cette voie, comme la banque Barclays en 2018. La Banque d’Angleterre vient tout juste de commencer à soumettre les banques commerciales à des tests de résistance au changement climatique dans le cadre de l’exercice de ses compétences réglementaires.
Aux États-Unis, Freddie Mac participe à la certification et au refinancement des investissements destinés à permettre aux propriétaires de logements de recourir à des énergies renouvelables. Fannie Mae reconnaît 40 certifications environnementales différentes des bâtiments, délivrées en référence à 13 SEEB différents, mais huit seulement d’entre elles requièrent la neutralité carbone. Le Japon a mis en œuvre en 2005 son programme de prêt immobilier à taux fixe sur 35 ans « Flat 35S ».15 Au Mexique enfin, l’Institut du fonds national pour le logement des travailleurs octroie des prêts hypothécaires verts grâce auxquels les ménages ont accès à des prêts supplémentaires pour financer l’amélioration des performances énergétiques de leur logement.
Les financements de marché ont été un moteur puissant de l’évolution des créances hypothécaires vertes
Les marchés de la finance durable se sont considérablement développés dans le monde ces dernières années. Les émissions de titres de dette durable se sont chiffrées à 1 600 milliards USD en 2021, soit huit fois le montant atteint en 2017. Les obligations vertes à elles seules représentaient 450 milliards USD, mais leur essor a cependant été plus modéré que celui d’autres formes de dette durable (Graphique 3.17, Partie A). Les marchés des titres de dette verte sont principalement des marchés européens, la Chine et les États-Unis venant compléter le reste du tableau (Graphique 3.17, Panel B). En outre, une part non négligeable (près de 30 % en 2021) des produits de l’émission de titres de dette verte servent à financer des bâtiments écologiques (OCDE, 2022[42]).
Ces montants peuvent paraître impressionnants au premier abord, mais ils le sont beaucoup moins si l’on tient compte : 1) du fait que l’évolution de l’urbanisation à l’échelle mondiale témoigne de la nécessité de construire quelque 13 000 bâtiments par jour pour suivre le rythme de la croissance démographique d’ici à 2050 ; 2) des dernières estimations (datant de 2019) de la chaîne de valeur mondiale de la construction et de la rénovation de bâtiments, dont moins de 3 % pourraient mériter un label vert (152 milliards USD sur 5 800 milliards USD) ; et 3) de la valeur des actifs immobiliers mondiaux, soit 310 000 milliards USD (0.05 %). Les obligations vertes et les TACH ont représenté 1.5 % seulement du total obligations classiques et des nouveaux prêts hypothécaires accordés en 2021.
Parmi les différents types d’actifs de crédit verts, les titres adossés à des actifs (ABS) verts englobent les titres adossés à des créances hypothécaires (TACH) immobilières. Ces cinq dernières années, les marchés des TACH verts ont connu une forte expansion, en particulier aux États-Unis et, dans une moindre mesure, sur d’autres grands marchés de TACH, y compris en Europe, en Chine et en Australie. Aux États-Unis, les marchés de TACH verts sont principalement alimentés par les émissions d’entreprises parapubliques et de municipalités, à l’origine destinées à financer des logements collectifs, mais finalement utilisées pour financer également des logements individuels. Cependant, leur expansion a été beaucoup plus lente que celle du marché des TACH dans sa globalité, et leur part a été ramenée à 0.3 % seulement en 2021 après avoir atteint un point culminant, soit 1.4 %, en 2017. L’activité a même été plus limitée encore dans le reste du monde. Les sociétés d’investissement immobilier ont elles aussi émis des obligations vertes, au départ surtout en Europe ; récemment, on a toutefois pu observer une croissance rapide de ce marché en Amérique du Nord, essentiellement pour financer des bâtiments à usage commercial.
De nombreuses plateformes de négociation d’obligations sont entrées sur le segment des obligations vertes, notamment en Europe et en Asie, mais aussi en Amérique latine. Certaines agences de notation ont créé des indices pour les obligations vertes, à commencer par Standard and Poor’s en 2014, même si aucun de ces indices ne concerne les obligations vertes émises par des émetteurs du secteur immobilier. Au fur et à mesure de l’amélioration des normes visant à promouvoir la neutralité carbone des actifs immobiliers et de l’expansion du marché, les indices sont appelés à jouer un rôle de plus en plus important dans la levée de certains des obstacles auxquels se heurtent les investisseurs institutionnels. Plus précisément, ces indices permettront aux investisseurs de mieux évaluer les performances des produits de financement vert de l’immobilier et le risque associé, et aideront les gestionnaires de fonds à rendre compte des performances comparées de leurs placements en obligations destinées au financement vert de l’immobilier.
Après une décennie de croissance, les marchés du financement vert de l'immobilier demeurent modestes comparés aux marchés du financement classique de l’immobilier. Plusieurs difficultés se présentent lorsqu’il s’agit d’aligner les pratiques en matière de financement vert de l’immobilier sur les objectifs de durabilité, notamment l’absence de définitions communes, de normes, de données de qualité et de produits financiers, autant de facteurs qui amoindrissent la capacité des acteurs du marché et des instances de réglementation de recenser, de suivre et de gérer les risques et les opportunités. C’est pourquoi il faudra redoubler d’efforts pour promouvoir les investissements dans des projets immobiliers verts afin d’opérer la transition vers un parc immobilier bas carbone et d’atteindre les objectifs climatiques définis dans l’Accord de Paris.
Les réformes peuvent accélérer la contribution du financement du logement à la transition climatique
Pour que la finance verte contribue à la décarbonation et à la réalisation d’autres objectifs environnementaux dans le secteur immobilier – économies d’énergie, lutte contre la pollution atmosphérique, limitation de l’utilisation de l’eau et traitement approprié des eaux usées, notamment –, la mission la plus importante des pouvoirs publics consiste à instaurer des conditions propices à un développement rapide de ce marché en expansion. Jusqu’ici, le marché a pu éclore à la faveur d’une multitude d’initiatives d’évaluation environnementale émanant principalement du secteur privé, mais cette mosaïque d’actions dispersées n’a pas permis d’aboutir à la normalisation, ni à l’intégration des marchés au niveau mondial qui auraient favorisé l’émergence et l’approfondissement des divers marchés par-delà des frontières, et ainsi ouvert la possibilité d’exploiter toutes les économies d’échelle existantes et de surmonter la fragmentation qui a entravé les progrès. Faute de progrès rapides, il semble peu probable que l’objectif de parvenir à la neutralité carbone à l’horizon 2050 inscrit dans l’Accord de Paris puisse être atteint, que ce soit dans le secteur immobilier ou dans l’ensemble de l’économie.
Il pourrait se révéler justifié de prendre des mesures pour renforcer l’alignement des actifs immobiliers verts sur la trajectoire de la transition vers une économie bas carbone. Elles pourraient être principalement axées sur le renforcement des cadres régissant les obligations immobilières et les prêts hypothécaires verts afin d’améliorer les outils, les méthodologies et les produits existants, d’éviter la fragmentation du marché du financement de l’immobilier et d’accompagner une transition climatique harmonieuse. L’adoption de principes et de bonnes pratiques au niveau sectoriel pourrait notamment apporter une contribution non négligeable à l’instauration de règles du jeu équitables sur ces marchés, et au renforcement de leur cohérence et de leur intégrité à l’appui de la décarbonation des actifs immobiliers.
Le déploiement et le partage de pratiques exemplaires, en particulier pour la classification, la fixation des prix et la titrisation des instruments financiers, concourrait également au déploiement d’instruments de financement vert de l’immobilier. Les investisseurs pourraient ainsi appréhender plus facilement les bénéfices climatiques à attendre de ces produits, et ils seraient mieux armés pour recenser, suivre et gérer les risques et opportunités associés. Compte tenu de l’appétance de plus en plus vive pour les actifs immobiliers verts, les orientations et incitations émanant des pouvoirs publics en faveur de l’émission d’obligations immobilières et de TACH verts pourraient apporter une contribution significative à la satisfaction des besoins de liquidités du secteur financier au niveau national et encourager l’essor des marchés du financement vert de l'immobilier. Ce serait par ailleurs un moyen d’adresser les bonnes incitations aux investisseurs et de faciliter l’accès aux marchés, et ce faisant, d’insuffler un véritable élan au développement de ces derniers.
Une intensification de la coopération internationale entre les instances de réglementation des marchés, les banques centrales et les acteurs du marché est également indispensable pour promouvoir la comparabilité internationale et l’alignement des actifs immobiliers verts sur la transition vers une économie bas carbone ainsi que pour accroître l’efficience des marchés, en réduire la fragmentation et en renforcer l’intégrité. La comparabilité des SEEB est une condition sine qua non de l’efficience et de l’efficacité des cadres de gestion des risques qui favorisera l’équité des règles du jeu et procurera aux investisseurs la confiance nécessaire pour devenir des acteurs à part entière sur ces marchés mondiaux en plein essor. Le bon fonctionnement des marchés du financement vert de l'immobilier sera primordial pour pouvoir répondre aux besoins de financement considérables suscités par le défi de la transition climatique et pour accompagner l’avènement d’une intermédiation financière résiliente au service de l’économie réelle.
Bibliographie
[8] Adema, W., M. Plouin et J. Fluchtmann (2020), Le logement social : un élément essentiel des politiques de logement d’hier et de demain, Éditions OCDE, Paris, https://www.oecd.org/fr/social/base-de-donnees-logement-abordable/logement-social-synthese-2020.pdf (consulté le 1 septembre 2022).
[18] ANREV / INREV / NCREIF (2022), Fund Manager Survey, https://www.inrev.org/system/files/2022-05/Fund-Manager-Survey-2022-Snapshot_2.pdf.
[37] Antonini, E., L. Marchi et S. Politi (2021), Green Building Rating Systems (GBRSs), Encyclopedia 2021, pp. 998–1009., https://doi.org/10.3390/encyclopedia1040076.
[35] An, X. et G. Pivo (2018), « Green Buildings in Commercial Mortgage‐Backed Securities: The Effects of LEED and Energy Star Certification on Default Risk and Loan Terms », Real Estate Economics, vol. 48/1, pp. 7-42, https://doi.org/10.1111/1540-6229.12228.
[41] Baker, M., M. Egan et S. Sarkar (2022), How Do Investors Value ESG?, National Bureau of Economic Research, Cambridge, MA, https://doi.org/10.3386/w30708.
[14] Banque de Lituanie (2022), Assessment of the riskiness of secondary housing loans.
[15] Banque de Lituanie (2022), Limiting real estate investment transactions by RE taxes.
[11] BCE (2020), Trends and risks in credit underwriting standards of significant institutions in the SSM, Banque centrale européenne, Francfort., https://www.bankingsupervision.europa.eu/ecb/pub/pdf/ssm.creditunderwriting202006~d2a9e3329c.en.pdf.
[33] Billio, M. et al. (2021), « Buildings’ Energy Efficiency and the Probability of Mortgage Default: The Dutch Case », The Journal of Real Estate Finance and Economics, vol. 65/3, pp. 419-450, https://doi.org/10.1007/s11146-021-09838-0.
[20] BRI (2020), Balancing the risks and rewards of fintech developments, Banque des règlements internationaux, https://www.bis.org/publ/bppdf/bispap113_t.pdf.
[1] Cerutti, E., J. Dagher et G. Dell’Ariccia (2017), « Housing finance and real-estate booms: A cross-country perspective », Journal of Housing Economics, vol. 38, pp. 1-13, https://doi.org/10.1016/j.jhe.2017.02.001.
[27] Conseil de stabilité financière (2021), Policy proposals to enhance money market fund resilience, Final Report, https://www.fsb.org/wp-content/uploads/P111021-2.pdf.
[30] Copiello, S. et E. Donati (2021), « Is investing in energy efficiency worth it? Evidence for substantial price premiums but limited profitability in the housing sector », Energy and Buildings, vol. 251, p. 111371, https://doi.org/10.1016/j.enbuild.2021.111371.
[22] CSBS (2021), Proposed prudential standards for non-bank mortgage servicers, Conference of State Bank Supervisors, https://www.csbs.org/sites/default/files/2021-08/Final%20Model%20Prudential%20Standards%20-%20July%2023%2C%202021%20Board%20Approved%20Aug_1.pdf.
[28] CSBS (2019), MMC mortgage examination manual, Conference of State Bank Supervisors, https://www.csbs.org/sites/default/files/2019-05/MMC%20Mortgage%20Examination%20Manual%20v2%20-%20May%202019.pdf.
[26] FMI (2021), Investment funds and financial stability: Policy considerations, Fonds monétaire international, Département des marchés monétaires et de capitaux, septembre, Washington D.C., https://www.imf.org/en/Publications/Departmental-Papers-Policy-Papers/Issues/2021/09/13/Investment-Funds-and-Financial-Stability-Policy-Considerations-464654.
[31] Fuerst, F. et al. (2015), « Does energy efficiency matter to home-buyers? An investigation of EPC ratings and transaction prices in England », Energy Economics, vol. 48, pp. 145-156, https://doi.org/10.1016/j.eneco.2014.12.012.
[21] Fuster, A. et al. (2019), The role of technology in mortgage lending, The Review of Financial Studies, vol. 32, n° 5, mai, pp. 1854–1899.
[24] GAO (2021), Mortgage forbearance and other federal efforts have reduced default and foreclosure risks, Organisme d’audit du Congrès des États-Unis, https://www.gao.gov/assets/gao-21-554.pdf.
[23] Ginnie Mae (2016), The Differences between Ginnie Mae and the GSEs and Why It’s Important, Document présenté au Sommet de la « Government National Mortgage Association (Ginnie Mae) », Washington D.C., septembre, https://www.ginniemae.gov/issuers/issuer_training/Summit%20Documents/gnma_gse_differences.pdf.
[40] GlobalABC/AIE/PNUE (2020), Feuille de route mondiale GLobalABC pour les bâtiments et la construction : tracer la voie vers un secteur des bâtiments et de la construction à zéro émission, efficace et résilient, Alliance mondiale pour les bâtiments et la construction, Agence internationale de l’énergie, Programme des Nations Unies pour l’environnement, https://globalabc.org/index.php/roadmaps-buildings-and-construction.
[17] Green, G. (2022), Who took out mortgage payment holidays during the pandemic?, https://bankunderground.co.uk/2022/08/02/who-took-out-mortgage-payment-holidays-during-the-pandemic/#more-10198.
[32] Hyland, M., R. Lyons et S. Lyons (2013), « The value of domestic building energy efficiency — evidence from Ireland », Energy Economics, vol. 40, pp. 943-952, https://doi.org/10.1016/j.eneco.2013.07.020.
[38] ICMA (2021), Green project mapping, Association internationale des marchés de capitaux, https://www.icmagroup.org/assets/documents/Sustainable-finance/2021-updates/Green-Project-Mapping-June-2021-100621.pdf.
[39] ICMA (2020), Handbook for harmonized framework for impact reporting, Green Bond Principles, Association internationale des marchés de capitaux, https://www.icmagroup.org/assets/documents/Regulatory/Green-Bonds/Handbook-Harmonized-Framework-for-Impact-Reporting-December-2020-151220.pdf.
[13] Karmelavičius, J., I. Mikaliūnaitė-Jouvanceau et A. Petrokaitė (2022), Housing and credit misalignments in a two-market disequilibrium framework, https://www.lb.lt/en/publications/housing-and-credit-misalignments-in-a-two-market-disequilibrium-framework.
[7] Lima, V. (2020), « The financialization of rental housing: Evictions and rent regulation », Cities, vol. 105, p. 102787, https://doi.org/10.1016/j.cities.2020.102787.
[34] Mathew, P., P. Issler et N. Wallace (2021), « Should commercial mortgage lenders care about energy efficiency? Lessons from a pilot study », Energy Policy, vol. 150, p. 112137, https://doi.org/10.1016/j.enpol.2021.112137.
[4] Millar-Powell, B. et al. (2022), « Measuring effective taxation of housing: Building the foundations for policy reform », Documents de travail de l’OCDE sur la fiscalité, n° 56, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/0a7e36f2-en.
[5] Ministère des Finances Canada (2017), Équilibrer la répartition des risques dans le système canadien de financement du logement.
[6] Molloy, R. (2020), « The effect of housing supply regulation on housing affordability: A review », Regional Science and Urban Economics, vol. 80, p. 103350, https://doi.org/10.1016/j.regsciurbeco.2018.03.007.
[12] OCDE (2022), « Deteriorating conditions of global financial markets amid high debt », OECD Business and Finance Policy Papers, n° 15, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/89757fae-en.
[3] OCDE (2022), La fiscalité immobilière dans les pays de l’OCDE, Études de politique fiscale de l’OCDE, n° 29, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/242b9308-fr.
[42] OCDE (2022), « Real estate finance and climate transition: Market practices, challenges and policy considerations », OECD Business and Finance Policy Papers, n° 09, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/fa86b326-en.
[9] OCDE (2021), Pierre par pierre : Bâtir de meilleures politiques du logement, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/78520651-fr.
[25] OCDE (2021), The rise of non-bank financial intermediation in real estate finance: Post-COVID-19 trends, vulnerabilities and policy implications, Éditions OCDE, Paris., https://www.oecd.org/daf/fin/financial-markets/The-rise-of-non-bank-financial-intermediation-in-real-estate-finance.pdf.
[16] OCDE (2020), Housing amid Covid-19: Policy responses and challenges, https://www.oecd.org/coronavirus/policy-responses/housing-amid-covid-19-policy-responses-and-challenges-cfdc08a8/.
[10] Phillips, L. (2020), « Decentralisation and inter-governmental relations in the housing sector », OECD Working Papers on Fiscal Federalism, n° 32, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/2d3c3241-en.
[19] SEC (2020), U.S. credit markets interconnectedness and the effects of the COVID-19 economic shock, Securities Exchange Commission, Division of Economic and Risk Analysis, https://www.sec.gov/files/US-Credit-Markets_COVID-19_Report.pdf.
[29] Taruttis, L. et C. Weber (2022), « Estimating the impact of energy efficiency on housing prices in Germany: Does regional disparity matter? », Energy Economics, vol. 105, p. 105750, https://doi.org/10.1016/j.eneco.2021.105750.
[2] Van Hoenselaar, F. et al. (2021), Mortgage Finance Across OECD Countries, Documents de travail du Département des Affaires économiques de l’OCDE, n° 44, Éditions OCDE, Paris, décembre, https://doi.org/10.1787/f97d7fe0-en.
[36] Whole Building Design Guide (2022), Green building standards and certification systems, https://www.wbdg.org/resources/green-building-standards-and-certification-systems.
Notes
← 1. Ce chapitre repose sur trois rapports qui contiennent davantage d’informations et des références complémentaires (OCDE, 2021[25] ; OCDE, 2022[42] ; Van Hoenselaar et al., 2021[2]).
← 2. À titre d’exemple, les REITs domiciliées aux États-Unis sont exonérées de l’impôt fédéral sur les sociétés si elles distribuent chaque année au moins 90 % de leur bénéfice net imposable à leurs investisseurs.
← 3. En janvier 2020, les règles de Bâle III ont toutefois été assouplies (OCDE, 2021[25]).
← 4. En juillet 2021, les autorités de réglementation financière des États américains ont approuvé des mesures visant à améliorer la solidité financière des gestionnaires non bancaires de prêts hypothécaires.
← 5. Les titres de transfert du risque de crédit (CRT, Credit Risk Transfer) ont été créés à la lumière des orientations formulées en 2013 par l’Autorité fédérale américaine du financement du logement (FHFA, Federal Housing Finance Agency) pour réduire les risques pesant sur entreprises parapubliques et, in fine, sur les contribuables américains. Le principal des titres de type CRT n’est pas garanti, et les tranches de rang inférieur sont fortement subordonnées. Bien que les titres CRT soient détenus par divers acteurs, notamment des fonds spéculatifs, des sociétés d’investissement immobilier hypothécaire, des fonds communs de placement immobilier, des banques, des compagnies d’assurance et des sociétés d’investissement, l’actionnariat est concentré. À la fin de 2019, Fannie Mae et Freddie Mac avaient émis des titres CRT sur un portefeuille de prêts hypothécaires pour maisons individuelles de 3 500 milliards USD et souscrit une assurance hypothécaire indépendante couvrant un portefeuille de 1 600 milliards USD supplémentaires. Au début mars 2020, les craintes des investisseurs concernant l’imminence d’un événement générateur de pertes importantes a entraîné la fermeture du marché des titres CRT. Freddie Mac a toutefois recommencé à émettre des titres CRT en juillet, et Fannie Mae au début 2021.
← 6. Les établissements de crédit hypothécaire non bancaires financent leurs activités en combinant des obligations vendues à des particuliers, des prêts de gros, des opérations de titrisation, des lignes de crédit à court terme renouvelables (warehouse lines) et via leur propre bilan (avec le soutien d’investisseurs en obligations et en actions). Ils peuvent recourir à diverses structures de financement s’appuyant sur un ensemble diversifié d’investisseurs : banques, gestionnaires d’actifs traditionnels, fonds spéculatifs, gestionnaires de patrimoine de familles fortunées (family offices) ou particuliers fortunés. Si certaines sociétés ont émis des actions cotées en bourse, la plupart restent détenues par des capitaux privés.
← 7. Ils doivent notamment continuer à assurer la gestion des prêts renégociés ou faisant l’objet d’une saisie des biens fournis en garantie.
← 8. Le principe I.B. du Cadre d’action publique de l’OCDE pour une réglementation financière efficace et efficiente souligne l’importance de la transparence du paysage financier pour toutes les parties prenantes.
← 9. En 2017, le Conseil de stabilité financière (CSF) a publié des recommandations pour remédier aux vulnérabilités structurelles des activités de gestion d’actifs (Recommendations to Address Structural Vulnerabilities from Asset Management Activities). En 2018, l’Organisation internationale des commissions de valeurs (OICV) et ses membres ont publié deux rapports, lun présentant des recommandations sur la gestion du risque de liquidité dans les fonds de placement collectif (Recommendations for Liquidity Risk Management for Collective Investment Schemes), et l’autre les bonnes pratiques en matière de gestion de la liquidité et des risques dans les fonds ouverts (Open-ended Fund Liquidity and Risk Management – Good Practices and Issues for Consideration).
← 10. Le « swing pricing » est un mécanisme d’ajustement de la valeur liquidative des fonds qui permet aux gestionnaires d’ajuster à la baisse la valeur liquidative d’un fonds lorsque les sorties dépassent un certain seuil. Les gestionnaires de fonds peuvent ainsi répartir les coûts de transactions en servant au mieux les intérêts de tous les investisseurs et assurer un traitement plus équitable en faisant supporter les coûts de transactions aux investisseurs sortants plutôt qu’à ceux restant dans le fonds.
← 11. L’immobilier commercial recouvre tout bien immobilier générateur de revenus, existant ou destiné à la promotion immobilière, logements locatifs y compris ; ou tout bien existant ou en cours de construction détenu par ses propriétaires afin d’y exercer leur activité commerciale ou à toute autre fin ou activité.
← 12. L’analyse de ces fonds par la CBI repose en grande partie sur une enquête, menée en 2020, exclusivement consacrée aux fonds de placement immobilier irlandais (intitulée « Deep Dive Survey »), ainsi que sur des données réglementaires et statistiques recueillies régulièrement par la banque centrale.
← 13. La durée de validité d’un CPE est de 10 ans et celle d’un label ENERGY STAR de 12 mois. Une fois la période de validité écoulée, le propriétaire qui souhaite conserver cette certification doit passer à nouveau par le processus de demande et d’évaluation pour démontrer que son bien présente toujours un niveau élevé de performance énergétique.
← 14. La LMA représente le marché des prêts syndiqués en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique.
← 15. Les emprunteurs bénéficiant du programme Flat 35S (ouvrant droit à un type particulier de crédits Flat 35) qui acquièrent des logements satisfaisant à des critères d’efficacité énergétique définis par l’Agence japonaise pour le financement du logement bénéficient également d’une réduction du taux d’intérêt. Cette réduction dépend du soutien budgétaire accordé par l'État et, depuis août 2015, elle est de 0.6 % pour les cinq premières années (le chiffre de 0.6 % est exceptionnel ; il était de 0.3 % dans le cadre des précédents programmes de relance économique).