Dans la littérature, différentes méthodes sont utilisées pour analyser l'impact de la fiscalité sur la situation respective des hommes et des femmes. Parmi les plus courantes figure celle qui a été élaborée par (Stotsky, 1996[1]), qui distingue les systèmes fiscaux réservant un traitement différent aux hommes et aux femmes en se fondant explicitement sur le critère du sexe et ceux qui, sans avoir directement fait ce choix, produisent des conséquences différentes pour les hommes et les femmes en raison de disparités sociétales ou économiques entre eux. (Gunnarsson, Spangenberg and Schratzenstaller, 2017[2]) notent que cette distinction correspond peu ou prou à la notion juridique de discrimination directe et indirecte : « La discrimination directe (fondée sur le sexe) est généralement définie comme un traitement moins favorable basé sur une distinction explicite entre les sexes. La discrimination indirecte désigne des dispositions, des critères ou des pratiques neutres en apparence mais qui créent (ou sont susceptibles de créer) un désavantage particulier pour l'un des sexes en raison de différences socioéconomiques existantes ».
Les biais explicites, le plus souvent liés à l'impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP), résultent de dispositions fiscales qui sont juridiquement liées au sexe ; ce peut être une exemption, une déduction ou un traitement fiscal préférentiel qui sont réservés à l’un des époux, ou la responsabilité de remplir la déclaration de revenus, ainsi que le décrivait (Stotsky, 1996[1]).
À l'inverse, les biais implicites se produisent lorsque le système fiscal est manifestement neutre et n’opère pas de distinction explicite entre les hommes et les femmes. On parle alors de biais implicite lorsque, combiné à des différences dans les caractéristiques économiques sous-jacentes ou le comportement entre les hommes et les femmes, comme le niveau des revenus, la participation au marché du travail, la consommation, la propriété, l’entrepreneuriat, l’épargne, le civisme fiscal et la discipline fiscale, le système fiscal, bien que neutre, a pour effet de renforcer les biais sexistes. (Barnett and Grown, 2004[3]) répartissent les différences entre hommes et femmes dans l’activité économique en quatre grands groupes : i) les différences en matière d’emploi rémunéré, (ii) le travail non rémunéré des femmes dans l’économie du soin des proches, (iii) les différences dans les dépenses de consommation et (iv) les différences en matière de droits de la propriété et de détention d’actifs.
Les biais implicites peuvent concerner tout type d'impôt, y compris ceux qui grèvent le travail, la consommation, l’entreprise et le capital. Pour remédier à ces biais implicites, ou indirects, il convient de ne pas s’arrêter à la neutralité apparente de la législation fiscale et d’évaluer l’impact de cette législation à la lumière des différences socioéconomiques entre les hommes et les femmes (Gunnarsson, Spangenberg and Schratzenstaller, 2017[2]).
En pratique, la plupart des travaux d’analyse des biais implicites ont porté sur des aspects de l’IRPP. L’OCDE a également mené ses propres travaux dans ce domaine en s’appuyant notamment sur les modèles des Impôts sur les salaires (OCDE, 2021[4]) et les indicateurs prélèvements-prestations de l’Organisation (OCDE, 2021[5]), qui couvrent divers avantages dans le domaine des incitations au travail, en sus des mesures fiscales. (Thomas and O’Reilly, 2016[6]) et (OCDE, 2016[8])montrent la façon dont certains aspects des systèmes fiscaux tels qu'ils sont conçus dissuadent davantage les seconds apporteurs de revenu (souvent des femmes) que les principaux apporteurs ou les célibataires de rejoindre le marché du travail, ce qui soulève des préoccupations en matière d’égalité entre les sexes. Sur un plan plus général, l’OCDE a souligné l'importance de tenir compte de l’égalité des sexes lors de la conception des politiques fiscales et de la considérer comme « une partie intégrante d’une politique fiscale favorisant la croissance inclusive » (Brys et al., 2016[9]) (OCDE, 2017[10]).
La composition des différents types d'impôts frappant les revenus peut également avoir un impact sur l’égalité femmes-hommes, en particulier sur une base dynamique. En effet, les conséquences en matière d’égalité peuvent être différentes selon le type d'impôt et les incitations économiques offertes à certains contribuables plutôt qu’à d’autres. La progressivité de la structure fiscale globale peut réduire la charge fiscale pour les contribuables dont les revenus sont les plus faibles, et ainsi profiter aux femmes. Tandis que des faibles niveaux d'imposition du capital ou des revenus du capital, ou un niveau élevé des impôts sur la consommation, peuvent produire l’effet opposé. (Gunnarsson, Spangenberg and Schratzenstaller, 2017[2]) notent par exemple que les changements intervenus dans l’UE depuis 1995 ont probablement eu pour effet de reporter la charge fiscale sur les femmes en raison de certaines tendances à long terme comme la baisse de la progressivité de l’IRPP et des impôts sur la fortune, la baisse des taux des impôts sur les revenus du capital et sur les sociétés, l'augmentation de la charge fiscale pesant sur les revenus du travail, notamment pour les groupes à revenus faibles et intermédiaires, et le recours accru aux impôts sur la consommation dans la structure fiscale.
Certains aspects de l’administration de l’impôt et de la discipline fiscale peuvent également avoir des incidences différentes pour les hommes et pour les femmes. Les processus d’administration de l’impôt peuvent être plus ou moins accessibles pour l'un des deux sexes, dirigés vers l’un d’eux en particulier, ou davantage utilisés, en pratique, par un sexe que par l’autre. La façon de traiter des comportements comme le non-respect des règles fiscales, la fraude ou l’évasion fiscale peut produire des effets différents pour les femmes ou les hommes suivant les programmes ciblés, ou si l’approche adoptée diffère selon le sexe du contribuable. Par exemple, le fait de se concentrer sur la fraude aux prestations de garde d’enfant peut avoir un effet délétère sur la participation des femmes au marché du travail comparé à la lutte contre la fraude dans d’autres domaines, comme le constatait (Parlementaire Ondervragingscommissie Kinderopvangtoeslag, 2020[11]). Dans un certain nombre de pays, dont les économies en développement, le manque de formalisation peut induire des difficultés supplémentaires : les redevances d'utilisation et les taxes informelles, souvent utilisés pour financer des biens essentiels comme l’éducation, la santé et l’approvisionnement en eau, peuvent constituer une charge financière importante pour les ménages.