Des progrès et des réformes importants ont été réalisés ces dernières années en ce qui concerne l’agenda économique global de la Tunisie. Cependant, en termes de politique de soutien aux PME et à l’entreprenariat, la Tunisie met toujours actuellement en place les premiers éléments de base. Premièrement, depuis 2016, il existe certes une nouvelle définition des PME dans le cadre de la nouvelle loi sur l’investissement mais cette définition est principalement fondée sur des critères financiers (une PME doit avoir un investissement total inférieur à 15 millions de dinars, soit environ 5 millions d’euros), sans distinction entre les micro-, les petites et les moyennes entreprises (Tableau 13.1). En outre, bien que la définition soit utilisée par l’Agence pour la promotion de l’industrie et de l’innovation (APII - une des institutions en charge de la politique relative aux entreprises) pour délimiter son champ d’action, il existe d’autres définitions utilisées par d’autres acteurs, tels que la Banque de financement des PME (BFPME) et l’Institut national de la statistique (INS).
Politiques en faveur des PME : Moyen-Orient méditerranéen et Afrique du Nord 2018
Chapitre 13. Tunisie
Les fondements de la politique en faveur des PME : définitions, statistiques et institutions
Tableau 13.1. Indiquez le titre ici
Type d’entreprise |
Employés |
Investissement |
---|---|---|
Très petite |
< 6 employés |
Capital libéré < 15 m TND (<5m EUR) |
Petite |
< 49 employés |
|
Moyenne |
< 199 employés |
Source : Institut national de la statistique et Loi sur l’investissement.
L’Institut national de la statistique publie un rapport annuel sur les statistiques concernant les PME établi à partir des données du Répertoire national des entreprises et utilisant une définition fondée sur le nombre d’employés1. Le répertoire est l’une des sources d’information les plus complètes de la région grâce à ses indicateurs de dynamisme structurel, démographique et commercial (création d’entreprises et cessations d’activité). Selon les consultations réalisées pour les besoins de cette évaluation intermédiaire, le Ministère de l’Industrie travaille actuellement à la mise en place d’un observatoire des PME qui va permettre de produire des statistiques officielles sur les PME.
Le cadre général de la politique économique tunisienne est fixé par le Plan national de développement 2016-20202 qui fixe un objectif de taux de croissance de 4 % par an, une réduction du taux de pauvreté à 2 % de la population totale, la création de 400 000 emplois et vise à réduire l’informalité à 20 % de l’économie et le chômage à 12 %. Le plan prévoit d’atteindre ces objectifs grâce au développement du capital humain et à l’amélioration des infrastructures pour mieux relier les régions intérieures. Comme indiqué précédemment, le gouvernement a également adopté en 2016 une nouvelle loi sur l’investissement dans l’espoir d’attirer les investissements en augmentant la liberté d’investissement et en renforçant la protection des investisseurs3.
En ce qui concerne le cadre institutionnel des politiques PME, comme en 2014, la coordination et la mise en œuvre du soutien aux PME continuent d’être fragmentées. Le ministère de l’Industrie est la principale autorité responsable de la promotion des PME et de l’entrepreneuriat, notamment par le biais de la Direction générale de promotion des PME (DGPME) et de l’Agence pour la promotion de l’industrie et de l’innovation (APII). La nouvelle loi sur l’investissement approuvée en septembre 2016 comprend certaines dispositions affectant les PME. Cette loi a créé une structure de gouvernance spécifique pour le régime d’investissement, mais il ne s’agit pas d’un instrument ou d’une stratégie spécifique pour le développement des PME. D’après les informations recueillies en Tunisie, il reste un problème non résolu de coordination des PME. Chaque ministère ou institution a pour mandat de travailler avec les PME, généralement par secteur. Par exemple, le ministère de l’Agriculture soutient les PME actives dans le secteur agroalimentaire, l’APII se concentre sur le secteur industriel, etc. Néanmoins, il n’existe pas de mécanisme de coordination fort.
En termes de mécanismes de suivi et d’évaluation des politiques PME, l’APII a lancé un premier « baromètre » pour mesurer l’impact des politiques publiques et les réformes selon la perception des PME. Ce travail a été conduit auprès des PME des secteurs industriels et de services liés à l’industrie.
Le dialogue public-privé, en revanche, a continué d’être fort. Il s’est appuyé sur le processus complexe de transition politique et économique et de dialogue entre nombreux acteurs qui a eu lieu au cours des dernières années. Ce dialogue s’est également traduit par d’importantes réformes économiques, telles que l’adoption de la nouvelle loi sur l’investissement. En ce qui concerne le cas spécifique de la politique de développement des entreprises, le National Business Agenda (NBA) a été mis en place en 2014 afin de créer une plateforme de dialogue public-privé en soutien aux réformes visant à améliorer le climat des affaires. Le NBA regroupe le gouvernement, l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (UTICA), l’Union tunisienne de l’agriculture et de la pêche (UTAP) et l’Institut arabe des chefs d’entreprise (IACE). De plus, le Regional Business Agenda (Programme régional de développement des entreprises) a été élaboré en deuxième phase du NBA pour évaluer les défis et les obstacles au niveau régional Cela représente un progrès important pour la mise en œuvre des réformes identifiées par l’Indice des politiques en faveur des PME en 2014.
Pour aller plus loin : Comme le recommandait l’Indice des politiques en faveur des PME 2014, la Tunisie pourrait commencer à mettre en place une politique plus cohérente en matière de PME et d’entrepreneuriat en élaborant et en mettant en œuvre une stratégie pluriannuelle pour les PME. Une telle stratégie pourrait définir un mécanisme spécifique de coordination entre les nombreux acteurs impliqués dans le soutien aux PME. La stratégie pourrait également aider à mieux cibler les différents types et besoins des PME (subsistance, faible productivité ou opportunité, potentiel élevé, micro, petit ou moyen, dans les services, le secteur manufacturier ou agricole, etc.). La stratégie en faveur des PME devrait également prendre en compte et faire partie intégrante de la réalisation des objectifs du cadre politique général. La stratégie pourrait également s’appuyer sur le NBA et servir à encadrer une plateforme officielle de dialogue public-privé pour les PME. La Tunisie pourrait également mettre en place une agence des PME efficace, laquelle pourrait être chargée de coordonner les politiques et de surveiller l’impact de ces politiques sur la santé de l’entreprise afin de les adapter aux besoins des PME. La mise en place d’une stratégie pour les PME constituerait également une base importante pour un système complet de suivi et d’évaluation du soutien aux PME.
Améliorer l’environnement des affaires pour les PME et les entrepreneurs
L’amélioration du cadre réglementaire et la simplification administrative pour les entreprises relève de la Direction générale des réformes administratives (DGRA), au sein du cabinet du chef du gouvernement. Un décret de mise en œuvre des analyses d’impact réglementaire (AIR) par le biais d’une guillotine réglementaire existe depuis 2014 et la DGRA travaillait alors sur un projet pilote de stratégie de réforme réglementaire. La DGRA avait réalisé un inventaire de plus de 1 000 lois et règlements commerciaux pour établir ensuite la guillotine réglementaire.
Depuis lors, la Tunisie a enregistré beaucoup de progrès dans ce domaine. Selon la DGRA, la stratégie a été développée par un processus de consultation entre le gouvernement (sept ministères), les organisations professionnelles et les organisations commerciales et régionales. Il en a résulté la suppression de 7 procédures ; la simplification de 147 et la conservation de 86 autres. L’exercice a ensuite été étendu à 5 autres ministères (décret de septembre 2014). En outre, le projet de guillotine réglementaire a été accompagné d’activités de renforcement des capacités, y compris des formations et des campagnes de sensibilisation aux niveaux national et local. Plusieurs ateliers ont été organisés pour les responsables gouvernementaux et les régulateurs au début du projet, ainsi qu’à la fin pour diffuser les résultats. Des ateliers ont été organisés dans trois régions différentes (Tunis, Sousse et Sfax) afin de sensibiliser les responsables des gouvernements régionaux à l’importance du projet et du processus de simplification.
L’une des initiatives qui a vu le jour grâce au NBA est une nouvelle ligne d’assistance téléphonique appelée « SOS Ijraat », créée en 2016 pour fournir des informations sur les procédures administratives aux entreprises confrontées à des obstacles administratifs. Grâce à cette hotline, les entreprises devraient être en mesure de signaler les problèmes à l’administration, et un mécanisme pour y remédier devrait être activé.
En ce qui concerne l’environnement opérationnel pour la création d’entreprises, l’Indice des politiques en faveur aux PME 2014 avait noté que le système d’enregistrement des entreprises était l’un des plus efficaces de la région. Le pays disposait d’un numéro d’identification unique pour trois administrations liées au Ministère des finances ; il n’y avait pas d’exigence de capital minimum pour les start-ups ; un réseau de guichets uniques existait dans 19 régions ; et un système d’enregistrement en ligne était en place mais il ne couvrait que Tunis et portait uniquement sur la déclaration de projets d’investissement.
Plus récemment, un projet de « loi sur les start-ups » a été introduit (2018), axé principalement sur les start-ups innovantes (partie intégrante de la stratégie générale Tunisie numérique 2020). La « loi sur les start-ups » vise à simplifier les procédures administratives, mais aussi à faciliter l’accès aux financements et les entreprises internationales4. La loi prévoit la création d’un point de contact unique où les entrepreneurs pourront obtenir des informations et effectuer les formalités requises pour l’enregistrement et le fonctionnement de leurs entreprises.
En ce qui concerne les procédures de faillite, une loi sur les procédures collectives (loi 2016-36 du 29 avril 2016 relative aux procédures collectives) a été promulguée en avril 2016. Les avis sur les effets de la loi, selon les consultations réalisées pour les besoins de cette évaluation intermédiaire, sont contrastés. Par exemple, certains voient cette loi comme étant plus concernée par la liquidation des entreprises que par leur restructuration pour un éventuel redressement. D’autres ont souligné ses aspects positifs, tels que les systèmes d’alerte pour les auditeurs des entreprises pouvant être en difficulté, ou encore de nouvelles règles de conduite à observer par les tribunaux et les experts judiciaires, et les différents partenaires de la société pendant les phases de règlement à l’amiable, de règlement judiciaire et, éventuellement, de dépôt de bilan.
Pour aller plus loin : Le mécanisme d’AIR pourrait être renforcé pour intégrer non seulement une guillotine réglementaire (inventaire des réglementations existantes) mais aussi un système prospectif d’évaluation du mérite et de l’efficacité de l’adoption de nouvelles réglementations commerciales par rapport à d’autres formes d’intervention. Un test PME pourrait être mis en œuvre pour examiner en particulier les réglementations et les exigences administratives pouvant avoir un impact disproportionné sur les PME. Le National Business Agenda pourrait devenir une plateforme puissante pour conduire le programme de réforme dans ce domaine.
Favoriser l’accès au financement
La Tunisie a enregistré des progrès en ce qui concerne l’environnement légal et réglementaire de l’accès au financement. Les mécanismes d’information en matière de crédit ont été améliorés au cours des dernières années et un certain nombre de réformes juridiques sont en cours. Premièrement, le registre du crédit a amélioré ses services en mettant les informations historiques à la disposition des particuliers, alors que celles-ci étaient auparavant réservées aux entreprises. Le registre du crédit couvre désormais près de 27 % de la population adulte, ce qui est supérieur à la moyenne de l’OCDE de 18 %.
En outre, une nouvelle centrale des risques dédiée au secteur de la microfinance (CRM) a également vu le jour en 2016 pour faciliter les évaluations de crédit. Grâce à ce mécanisme, les institutions de microfinance devraient pouvoir étendre leurs opérations de crédit, réduire leurs pertes et renforcer leur stabilité institutionnelle. On ne dispose pas de chiffres sur l’impact que cela a déjà eu sur le secteur de la microfinance, bien que le nombre d’utilisateurs soit passé de 280 en mars 2016 à 478 à la fin de cette année.
Deuxièmement, une nouvelle loi sur les bureaux de crédit (privés) a été élaborée par le gouvernement et présentée à l’Assemblée nationale5. Cette loi vise à établir un cadre juridique pour notamment autoriser le partage d’informations négatives et positives relatives au crédit ; établir les droits et les obligations de toutes les parties concernées (bureau de crédit, utilisateurs, consommateurs, etc.) ; et protéger le droit des utilisateurs et des entreprises à la confidentialité de leurs informations. L’approbation de la loi devrait ouvrir la voie à la création du premier bureau de crédit (privé) en Tunisie : Mitigan Credit & Insurance Bureau (Mitigan CIB).
En outre, une réforme du registre des actifs mobiliers est en cours en vue d’élargir la gamme des actifs qui peuvent faire l’objet de garantie, de permettre le nantissement sans dépossession, et d’établir un registre général des actifs mobiliers. L’objectif est d’informer les créanciers de toute inscription sur un bien mobilier donné et de déterminer les bénéficiaires d’un droit sur un actif donné. Aucune information n’a été fournie sur les résultats attendus de la réforme et son entrée en vigueur. Il n’y a pas d’information sur l’amélioration des registres des biens immobiliers (cadastres).
Une instruction administrative a également été publiée par la Banque centrale pour établir les règles pour le développement d’un système de notation de crédit par les institutions financières6.
Afin de faciliter l’accès des PME aux marchés de capitaux, les autorités tunisiennes ont lancé en 2016 un projet visant à modifier en profondeur la réglementation sur les fonds de placement privés et à adopter un code unique, le « Code des organismes d’investissement collectif ». Le projet de code est en cours d’examen à l’Assemblée nationale. D’autres initiatives ont été lancées entre 2016 et 2017 pour faciliter l’accès au financement des PME. L’APII a lancé une initiative pour instaurer le crowdfunding en associant les acteurs publics et privés concernés par le financement des PME. Un projet de loi sur le crowdfunding en Tunisie a été finalisé en février 2018 et est en attente d’approbation7. D’autre part, la Loi sur les start-ups (nouvelle law n°2018-20 du 17/04/2018) vise la création d’un Fonds de garantie pour les start-ups et d’autres sources de financement ont été lancées entre 2016 et 2017 pour faciliter l’accès des PME au financement.
Enfin, un projet de code pour les organismes de placement collectif a été élaboré pour améliorer le cadre réglementaire du capital-risque et promouvoir ces sources de financement (ce projet de code est en cours d’examen par le Parlement).
En ce qui concerne la disponibilité des sources de financement, l’Indice des politiques en faveur des PME 2014 a noté que les principaux acteurs dans ce domaine étaient des agences publiques, telles que la Banque de financement des PME (BFPME) pour l’octroi de crédits, la Société tunisienne de garantie (SOTUGAR) pour les garanties de crédit et la Banque Solidarité (BTS) pour le microcrédit. D’autres fonds publics sont toujours dédiés à renforcer l’assise financière des PME à l’instar du Fonds de Promotion et de Décentralisation Industrielle (FOPRODI), qui est géré par l’APII. En vertu de la nouvelle Loi de l’investissement, ce fonds sera incorporé dans un seul fond dénommé le Fonds Tunisien de l’Investissement (FTI).
Selon les données réunies pour cette évaluation intermédiaire, il n’y a aucune preuve d’un rôle accru du secteur privé dans l’octroi de financement. Au contraire, la BFMPE a créé de nouveaux fonds en coopération avec différents programmes internationaux et d’autres ministères8. Toutefois, la mise en œuvre pleine et entière des lois, réformes et instructions administratives mentionnées ci-dessus devrait offrir un environnement plus propice à la participation accrue des acteurs privés à l’accès au financement.
Les autorités tunisiennes développent actuellement un nouveau programme, « Investir PME », qui vise à faciliter l’introduction des PME sur les marchés alternatifs à travers le marché boursier. Le coût de l’accès à ce marché étant normalement élevé pour les PME, le nouveau programme s’attachera à réduire les barrières à l’entrée et à aider les PME à diversifier leurs sources de financement.
Enfin, plusieurs sites web ont été créés pour fournir des informations sur les programmes de soutien financier destinés aux PME9. Cependant, ces sites se limitent à répertorier les différentes institutions qui financent, de sorte que l’information pourrait être mieux organisée pour guider les PME vers les instruments adéquats en fonction de leurs besoins.
Pour aller plus loin : La Tunisie mène actuellement un grand nombre d’initiatives pour renforcer l’accès des PME au financement, mais la majeure partie des réformes juridiques attend toujours d’être définitivement approuvée. Par conséquent, l’adoption et la mise en œuvre de ces réformes par le gouvernement constitue donc l’une des toutes premières priorités. L’Indice des politiques en faveur des PME 2014 avait également noté la nécessité d’inciter les acteurs du secteur privé à fournir davantage de financements. De nombreuses réformes et lois en cours d’adoption vont dans ce sens ; à ce jour toutefois, il n’y a pas beaucoup de preuves d’un rôle accru des prestataires du secteur privé au cours de ces dernières années.
Favoriser l’entreprenariat et la croissance des PME
La fourniture de services d’appui aux entreprises (SAE) semble continuer d’augmenter. Le réseau tunisien des centres d’affaires et incubateurs s’est développé ces dernières années10. L’Agence pour la promotion de l’industrie et de l’innovation (APII) gère le réseau des incubateurs d’entreprises, fournissant des services dans les 24 gouvernorats. Le ministère de l’Industrie gère le réseau régional des centres d’affaires qui développent des services non financiers en collaboration avec des institutions financières. La banque BIAT a lancé un incubateur, B@labs, proposant des services de 4 à 16 mois à des start-ups innovantes11. Des accélérateurs internationaux tels que le Founder Institute12, Flat6Labs13 et Boost ont également ouvert des bureaux en Tunisie et fournissent des services de formation et de mentorat.
Plusieurs sites web fournissent des informations sur les programmes actuels de soutien à l’entreprenariat et de BDS. Par exemple, la plateforme Wajjahni a été créée pour fournir des informations aux entrepreneurs tandis que la Fondation BIAT a développé une carte interactive pour localiser les services d’appui dans tout le pays14. De plus, chaque institution impliquée dans le soutien aux PME possède son propre site internet avec des informations utiles, mais il n’existe pas de plate-forme unique.
Plusieurs initiatives ont été mises en œuvre ces dernières années pour encourager l’entreprenariat féminin. Un Plan national pour l’entreprenariat féminin, appelé « RAÏDA », a été adopté en 2017 par le ministère de la Femme et de la Famille. La société HP, en partenariat avec l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI) et avec l’APII, a mis en place un programme de « Formation et soutien à l’entreprenariat » appelé « HP-LIFE » destiné à aider les étudiants, futurs entrepreneurs et entrepreneurs à acquérir des compétences en TIC15. La Ligue des femmes d’entreprise a été créée pour aider les femmes entrepreneurs à développer de petits projets, y compris en zones rurales.
Les textes portant les réglementations des marchés publics prévoient l’obligation de réserver annuellement aux petites entreprises16 un pourcentage dans la limite de 20 % du montant estimé des marchés de travaux, de fournitures de biens et de services et d’études17. En cas d’impossibilité de réserver ces marchés dans la limite du pourcentage précité, l’acheteur public doit en indiquer les raisons dans un rapport qui est transmis à la Commission de contrôle des marchés compétente (conformément à l’article 169 du décret 1039-2014) et qui émet son avis à propos des raisons évoquées.
Les informations concernant les plannings prévisionnels annuels, les textes régissant la commande publique, les avis d’adjudication et les résultats des appels d’offres sont centralisés et accessibles aux acheteurs publics et soumissionnaires potentiels inscrits. TUNEPS et l’Observatoire national des marchés publics sont deux commissions qui font partie de la commission supérieure de contrôle et d’audit des marchés publics créés dans le but de mettre en place un système de bonne gouvernance des marchés publics.
La Tunisie est l’une des rares économies de la région où les organismes adjudicateurs doivent payer des intérêts moratoires au détenteur du marché en cas de retard de paiement des acomptes ou du règlement du solde. Les soumissionnaires ne sont pas tenus de s’inscrire sur un registre gouvernemental des fournisseurs et il existe une période légale d’au moins 30 jours pour la soumission des offres à compter de la date de publication de l’avis de marché. Cependant, certains aspects liés aux coûts peuvent constituer un obstacle pour les PME aux ressources limitées. Par exemple, les documents d’appel d’offres ne sont pas toujours accessibles gratuitement et le coût est laissé à la discrétion de l’entité adjudicatrice. De plus, les soumissionnaires sont tenus de verser une caution provisoire18 dont le montant est fixé par l’acheteur public en appliquant un pourcentage compris entre 0,5 % et 1,5 % du montant estimé de la prestation faisant l’objet du marché. Cette somme est restituée aux participants dans le marché dont les offres sont éliminées après publication des résultats. La somme est remplacée par une caution de bonne exécution versée seulement par le titulaire de marché après notification et signature du contrat (qui lui sera restituée après exécution du marché).
Le décret 1039-2014 a aussi prévu des dispositions spécifiques pour la passation électronique des marchés publics à travers TUNEPS, plateforme gérant le système d’achat public en ligne (dans le cadre des marchés ou pour des achats hors marchés). Il existe également des sessions de formation à l’utilisation de la plateforme destinées aux PME, ainsi qu’un guide pratique d’accès des PME aux marchés publics. L’UTICA, TUNEPS et les institutions publiques proposent des formations pour familiariser les PME aux procédures de passation de marchés publics avec les PME afin de leur faciliter leur accès. Un décret de 2018 prévoit l’obligation de passation de la commande publique seulement via TUNEPS à partir du 1er septembre 201819.
En ce qui concerne l’internationalisation des PME, afin de soutenir les liens entre les PME et les entreprises étrangères participant aux chaînes d’approvisionnement mondiales, le gouvernement et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) ont signé un accord de prêt d’un montant de 50 millions de USD pour accroître et diversifier les exportations des PME. Plusieurs fonds ont été créés, dont le fonds Primo-Export qui a aidé 30 nouvelles PME ces deux dernières années à exporter leurs produits et leurs activités. La Banque mondiale a lancé une série de projets pour soutenir les chaînes de valeur mondiales.
Plusieurs réformes et initiatives ont été entreprises pour développer les services d’exportation. En 2016, l’APII a lancé un projet en collaboration avec cinq autres institutions, y compris des associations d’entreprises pour faciliter l’internationalisation des entreprises du secteur de la technologie grâce à un meilleur accès aux données du marché. L’APII a participé à plusieurs conférences et événements internationaux afin de relier les entreprises tunisiennes aux marchés internationaux. La Tunisie a adhéré au réseau Enterprise Europe Network (EEN) en 2016 par la création d’un Consortium « EEN Tunisie » formé de cinq organisations nationales : l’APII en tant que coordinateur du consortium, le Centre de promotion des Exportations (CEPEX), la Chambre du commerce et de l’industrie de Tunis (CCI de Tunis), Technopark Elgazala et la Confédération des entreprises citoyennes tunisiennes (CONECT).
À travers les services et activités du réseau EEN, l’APII offre ainsi aux entreprises des services comme l’identification de partenaires commerciaux, la participation à des rencontres d’affaires interentreprises, ou encore la dissémination d’information sur la législation européenne.
Pour aller plus loin : La Tunisie possède un marché très développé de fournisseurs privés et publics de services d’appui aux entreprises (SAE). La mise en place d’un système d’information complet permettant de diffuser l’information auprès d’entreprises ciblées permettrait de renforcer la cohérence de ces différents efforts. Ce système pourrait prendre la forme d’une initiative plus large telle que la création d’un Observatoire des PME (outil utile pour la diffusion de statistiques, d’études et d’informations sur les PME) semblable à ceux qui sont en train d’être élaborés dans de nombreuses autres économies. L’information pourrait également inclure les nombreuses initiatives menées pour promouvoir l’internationalisation des PME et la participation aux chaînes de valeur mondiales.
Investir dans le capital humain entrepreneurial
Dans la précédente évaluation, la Tunisie disposait déjà d’un cadre politique clair pour promouvoir l’apprentissage de l’entrepreneuriat dans le second cycle de l’enseignement secondaire, tel que reflété dans la Loi 10/2008 sur la formation professionnelle. Depuis lors, le gouvernement a élaboré une nouvelle Charte pour promouvoir l’esprit d’entreprise et une Stratégie nationale pour l’entreprenariat. En 2016, le ministère de la Formation professionnelle et du Travail a nommé un secrétaire d’État à l’entrepreneuriat, ce qui reflète l’engagement politique en la matière.
Plusieurs initiatives ont récemment été développées en coopération entre les centres de formation et les entreprises. La plupart d’entre elles dépendent d’un soutien extérieur, comme celui fourni par la Fondation européenne pour la formation (ETF, promotion de l’entrepreneuriat comme compétence clé) ou par INJAZ20 (simulation de création de sociétés « CP Company Programme » et « EMC Entrepreneurship Master Class »). Le nouveau dossier « compétences non techniques (soft skills) » (adaptabilité, sens de l’efficacité, créativité, travail collectif, initiative) avec le ministère de la Formation professionnelle représente une approche innovante qui doit être consolidée.
La Tunisie a activement soutenu l’entrepreneuriat féminin ces dernières années à travers le Programme national pour l’entreprenariat des femmes 2016-2020 (RAÏDA), qui a fourni de nombreuses initiatives de soutien axées sur les start-ups et diversifiées géographiquement. Ces activités ont eu lieu dans le cadre d’un dialogue social dynamique impliquant la société civile, les bailleurs internationaux et le gouvernement.
Il existe une offre abondante de programmes de formation en faveur des femmes, bien adaptés à leurs besoins. Quelques exemples sont les formations dispensées par le réseau Entrepreneuriat Pluri’elles, ainsi que les initiatives menées par Women Entrepreneurship for Sustainability (WES) et l’Association tunisienne pour la gestion et la stabilité sociale (Tunisian Association for Management and Social Stability, TAMSS). Le Centre des femmes arabes pour la formation et la recherche (Center of Arab Women for Training and Researc, CAWTAR) est également particulièrement actif.
Dans le cadre du Programme de développement des exportations 2016-2020 (PDE-3), le Plan de compétences 2017-2020 reconnaît l’importance de la formation pour soutenir l’internationalisation des PME. Différentes institutions offrent ce type de formation, comme l’APII, qui travaille avec le réseau européen EEN-Tunisie, ainsi que le Centre pour la promotion des exportations (CEPEX), les chambres de commerce et d’autres acteurs, y compris l’UTICA. Une académie de l’exportation doit être créée. Cependant, il y a peu de coordination entre les différents acteurs actifs dans ce domaine.
La Tunisie a également adopté une approche sectorielle, en développant des programmes de formation adaptés par différents canaux. Le projet « Compétences pour le commerce et la diversification économique » (STED) est un exemple intéressant à cet égard. Les autres secteurs particulièrement actifs sont l’industrie textile, y compris la lingerie et les vêtements de denim, et les TIC.
Pour aller plus loin : Le gouvernement devrait élaborer des plans d’action pour la mise en œuvre du cadre stratégique, qui devraient inclure des mécanismes de suivi et d’évaluation et un financement adéquat. Ces plans pourraient être développés en collaboration avec des institutions nationales telles que l’Observatoire national de l’emploi et des qualifications (ONEQ). En outre, il convient de veiller à ce que le mécanisme de formation des enseignants et des formateurs concernant l’esprit d’entreprise comme compétence clé soit bien structuré. Sur ce point, le cadre européen EntreComp pourrait être un outil utile.
Le gouvernement et les acteurs locaux devraient développer des données de meilleure qualité et établir des mécanismes pour suivre et évaluer la mise en œuvre des initiatives qui soutiennent l’entrepreneuriat féminin et l’internationalisation des PME. Des initiatives de collecte de données pourraient être développées en collaboration avec les acteurs concernés du secteur privé, telles que l’UTICA. La coordination entre les différentes institutions offrant des cours de formation destinés à aider les PME à exporter pourrait être améliorée. En outre, l’utilisation de formations en ligne pourrait être utilisée pour augmenter l’offre et la portée des programmes de formation.
Recommandations pour l’avenir
L’évaluation de l’Indice des politiques en faveur des PME 2014 a été réalisée alors que la Tunisie était en pleine transition politique importante et préparait le terrain de sa transformation économique. Cette transformation est toujours en cours et les changements se sont pour l’instant concentrés sur de vastes domaines de la politique économique tels que le retour à la stabilité macroéconomique, le renforcement de la sécurité et la réactivation de l’investissement et de l’activité économique. Pour continuer à progresser, la Tunisie pourrait redoubler d’efforts pour améliorer le climat des affaires et adopter une politique des PME plus stratégique. Elle pourrait notamment mener les actions clés suivantes :
Développer et mettre en œuvre une stratégie pluriannuelle des PME avec des mécanismes de coordination institutionnelle et de dialogue ciblant les différents profils et besoins des PME et des entrepreneurs.
Adopter un mécanisme d’AIR à part entière et introduire le test spécifique pour les PME.
Encourager et faciliter la création de nouvelles entreprises au moyen de mécanismes techniques (par exemple, procédures en ligne, guichets uniques, etc.) et d’incitations bien conçues.
Mettre en œuvre les réformes et les initiatives relatives à l’accès au financement qui sont encore en attente d’approbation et évaluer si les sources de financement existantes répondent bien aux besoins des différents types d’entreprises et entrepreneurs.
Mieux diffuser l’information sur la grande variété de SAE et les possibilités d’accès des PME aux marchés publics.
Développer des plans d’action pour la mise en œuvre du cadre stratégique pour la promotion de l’apprentissage entrepreneurial, qui devrait inclure des mécanismes de suivi et d’évaluation et un financement adéquat.
Développer de meilleures données et établir des mécanismes pour suivre et évaluer la mise en œuvre d’initiatives qui soutiennent l’entrepreneuriat féminin ainsi que l’internationalisation des PME. Le secteur privé pourrait mener ces efforts à travers des organismes représentatifs tels que l’UTICA.
La coordination entre les différentes institutions offrant des cours de formation destinés à aider les PME à exporter pourrait être améliorée.
Notes
← 1. Statistiques Tunisie, http://www.ins.tn/en/themes/entreprises#sub-318
← 2. « Plan stratégique de développement économique 2016 -2020 ».
← 3. Loi n° 71-2016 datée du 30 septembre 2016, entrée en vigueur le 1er janvier 2017.
← 4. http://www.huffpostmaghreb.com/2017/04/13/startup-act-tunisie_n_15986206.html Consulté le 24 octobre 2017. Voir aussi Bouguerra, B. (25 avril 2017), « Tunisia’s #Startup Act catching the wave of Innovation », Voices and Views: Middle East and North Africa Blog, La Banque mondiale, http://blogs.worldbank.org/arabvoices/tunisia-startup-wave-innovation
← 5. Loi sur le crédit bureau.
← 6. Instruction administrative n°2016-06.
← 7. Le projet a été lancé en 2017 avec la collaboration du programme « Amélioration de l’environnement des affaires dans la région sud de la Méditerranée » (EBESM). Voir http://www.ebesm.eu/posts/developing-a-legal-framework-for-crowdfunding-for-tunisia.
← 8. Par exemple, le Fonds suisse, le Fonds Qatar Friendship Fund, le Fonds Intilak 2 (en coopération avec le ministère du Développement et de la Coopération), le Fonds BADER (en coopération avec le ministère des Finances), et le Fonds de responsabilité sociale des entreprises (en coopération avec l’Entreprise Tunisienne des Activités Pétrolières et la Compagnie des Phosphates de Gafsa).
← 9. Ces sites incluent Wajjahni, http://wajjahni.com/fr/categories/financement et Entrepreneurs of Tunisia https://www.eot.tn.
← 10. Agence pour la promotion de l’industrie et de l’innovation, portail de l’industrie tunisienne, http://www.tunisieindustrie.nat.tn/en/doc.asp?mcat=16&mrub=138.
← 11. B@labs, http://www.biatlabs.com.
← 12. Founder Institute, https://fi.co/about?target=tunis.
← 13. Flat6labs Tunis, http://www.flat6labs.com/location-offering/?l=2653#top.
← 14. Wajjahni, http://wajjahni.com/fr.
← 15. HP Inc., « HP Life creates hope and opportunity in Tunisia as Mashrou3i program expands », http://www.life-global.org/?q=node/112&language=en.
← 16. Entreprises en activité ou récemment constituées, telles que définies à l’alinéa 2 de l’article 20 du décret 1039 -2014.
← 17. Article 20 du décret 1039 -2014 en particulier qui a remplacé le décret 3158-2002.
← 18. Pour la participation sauf pour les marchés des études qui n’exigent pas le versement d’une caution provisoire pour y participer.
← 19. Décret 416-2018 du 11-05-2018 portant modification du décret 1039-2014 relatif à la réglementation des marchés publics.
← 20. Organisation à but non lucratif centrée sur les jeunes, établie en Jordanie en 1999, active dans l’Union européenne et dans le monde entier, y compris au Moyen-Orient, en Afrique du Nord et au Pakistan.