On trouvera dans ce chapitre une définition de la décentralisation qui englobe ces trois dimensions indissociables : la dimension politique, la dimension administrative et la dimension budgétaire. La décentralisation budgétaire ne peut (ou ne devrait) se concevoir sans décentralisation politique et administrative. Ce chapitre permet de cerner plus précisément ce que recouvre la notion de « décentralisation », que l’on confond parfois avec la « déconcentration ». Enfin, il brosse un tableau complet de la diversité des systèmes d’organisation territoriale et de décentralisation des pays de l’OCDE et au‑delà.
Réussir la décentralisation
Chapitre 2. Comprendre les systèmes de décentralisation
Abstract
Les données statistiques concernant Israël sont fournies par et sous la responsabilité des autorités israéliennes compétentes. L’utilisation de ces données par l’OCDE est sans préjudice du statut des hauteurs du Golan, de Jérusalem Est et des colonies de peuplement israéliennes en Cisjordanie aux termes du droit international.
Qu'est-ce que la décentralisation et comment peut-elle être mesurée ? Bien que très répandue et analysée en profondeur, la décentralisation a souvent des significations et des portées différentes. Plusieurs définitions existent, traduisant les sens différents que l'on donne à la notion de décentralisation, ce qui augmente encore la complexité de ce concept déjà difficile à appréhender. Ce qui reflète également la diversité des systèmes de gouvernance décentralisés dans le monde. Les formes et le degré de décentralisation varient grandement d'un pays à l'autre – et même au sein des pays. D'importants écarts existent en termes de responsabilités assumées par les administrations infranationales et par les décideurs locaux, notamment par rapport aux ressources disponibles pour répondre aux besoins et à la capacité à lever des recettes propres. On observe également différents degrés de responsabilité ascendante et descendante et de contrôle par l’administration centrale. L'hétérogénéité des expériences sur le terrain explique également la grande difficulté à mesurer (et à évaluer) la décentralisation. Les indicateurs budgétaires, bien qu'ils soient utiles, restent insuffisants pour tenir compte de cette diversité et doivent être complétés par d'autres types d'indicateurs relatifs aux institutions et à la gouvernance afin de bien rendre compte de la décentralisation.
Un concept multidimensionnel animé par des motivations différentes
Qu'est-ce que la décentralisation ? (et qu'est-ce qu'elle n'est pas)
Il importe de définir clairement ce que recouvre la notion de décentralisation dans la mesure où on la confond souvent avec d'autres notions telles que la déconcentration, le transfert de compétences et la délégation. Ces deux derniers correspondent à des degrés différents de décentralisation (Rondinelli, Nellis et Shabbir Cheema, 1983). Si certains pays ont associé à la notion de « décentralisation » d’autres dimensions telles que la délégation ou le localisme, la notion de décentralisation, prise dans son ensemble, est plus large. Globalement, il n'existe pas de frontière nette au sein des systèmes de gouvernance décentralisés, mais des degrés divers de décentralisation en fonction des prérogatives politiques, administratives et financières qui ont été transférées aux échelons d’administration inférieurs, et de l'équilibre des relations entre l'État central et les organes infranationaux.
Décentralisation et transfert de compétences
Le transfert de compétences est une sous-catégorie de la notion de décentralisation. Il s'agit d'une forme plus complète de décentralisation dans la mesure où elle consiste en un transfert de pouvoirs depuis l’administration centrale vers les autorités autonomes des échelons inférieurs qui constituent juridiquement des échelons administratifs distincts. C'est la voie qui a été choisie par le Royaume-Uni en 1998, lors de la création des trois nations que sont l'Irlande du Nord, le Pays de Galles et l'Ecosse, dotées d’une « assemblée nationale » / d’un parlement élu directement et de leur propre exécutif. Des compétentes et des responsabilités importantes leur ont été transférées, créant un système de décentralisation asymétrique entre ces nations (qui ne disposent pas des mêmes compétences) et l'Angleterre (qui ne dispose pas d’administrations régionales).
Décentralisation et fédéralisation
Après le transfert de compétences, le stade ultérieur est la fédéralisation, même si en réalité, certains pays fédéraux peuvent être des systèmes assez centralisés où les entités infranationales exercent des pouvoirs limités (encadré 2.1).
Encadré 2.1. Décentralisation dans les États fédéraux et les États unitaires
Les processus de décentralisation revêtent des formes différentes selon la structure institutionnelle de l’État, i.e. principalement unitaire ou fédérale (confédérations comprises), même s'il existe des formes intermédiaires de « quasi-fédéralisme » dans certains pays. Une minorité de pays ont un système fédéral : sur les 193 États membres de l'ONU, 25 sont régis par un système fédéral (40 % de la population mondiale) et 168 sont des pays unitaires (Forum des Fédérations : http://www.forumfed.org/countries/).
Les pays fédéraux ne sont pas nécessairement les plus décentralisés (« fédéralisme centralisé ») et il existe des pays unitaires davantage décentralisés que certains pays fédéraux.
Par ailleurs, dans les pays fédéraux, le degré de décentralisation peut varier au sein d'un même pays dans la mesure où les constitutions des États fédérés et les systèmes juridiques applicables aux collectivités locales diffèrent. Le degré d'autonomie des administrations locales peut varier considérablement d'un État à l'autre (ex. : en Inde).
Pays fédéraux
Dans les pays fédéraux (ou fédérations), la souveraineté est partagée entre l'État fédéral et les entités régionales autonomes (les États fédérés), qui disposent le plus souvent de leur propre constitution (le Canada constitue une exception), d’un parlement et d’un exécutif propres. Dans une fédération, le statut d'autonomie des États fédérés ne peut pas être modifié par une décision unilatérale de l’administration fédérale.
Les pouvoirs et les responsabilités sont attribués à l'État fédéral et aux États fédérés soit par la constitution soit par le biais d'une interprétation jurisprudentielle. En règle générale, l'État fédéral a des responsabilités exclusives et délimitées telles que la politique étrangère, la défense, la monnaie et le système de justice pénale tandis que les États fédérés sont dotés de compétences larges.
Par ailleurs, dans la plupart des pays fédéraux, notamment les plus anciens, les collectivités locales sont des « créations » des États fédérés et relèvent directement de leur compétence (tel n'est pas le cas dans toutes les fédérations : au Brésil, par exemple, les municipalités ne sont pas subordonnées aux États dans lesquelles elles sont situées). Le statut, l'organisation, les responsabilités et le financement des collectivités locales sont définis par la constitution et le droit de l’État fédéré, et sont souvent différentes d'un État à un autre. Comme elles sont régies par la législation de l’État, les collectivités locales n’ont pas de relations indépendantes avec l'État fédéral. Les réformes des administrations locales sont décidées par les États fédérés et non par l'administration fédérale, qui n'a aucun droit de regard en la matière (ex. : Australie, Canada et États-Unis).
Pays unitaires
Un pays unitaire est un État régi par une autorité unique dans lequel le pouvoir central détient l’ensemble des attributs de la souveraineté. Les pays unitaires sont des entités « qui forment un tout indivisible », et la souveraineté n'est pas partagée. Cela signifie que les citoyens sont soumis à un pouvoir unique sur l'ensemble du territoire national.
Cela n'exclut pas l’existence d’autorités infranationales, qui peuvent également être élues directement par la population et dotées d'une certaine autonomie politique et administrative. Toutefois, les administrations infranationales exercent uniquement les compétences que le pouvoir central choisit de déléguer. Les pays unitaires sont donc plus ou moins décentralisés, selon les compétences, les responsabilités et les ressources dont disposent les échelons infranationaux, et leur degré d'autonomie sur ces différents éléments. Dans un pays unitaire, des entités infranationales peuvent être créées et supprimées et leurs compétences peuvent être élargies et restreintes par l’administration centrale.
Certains pays unitaires reconnaissent l'autonomie de certaines régions et de certaines villes, qui ont plus de pouvoirs que d'autres collectivités locales en raison de facteurs géographiques, historiques, culturels ou linguistiques.
Pays quasi-fédéraux
Entre ces deux formes-types, on trouve une situation intermédiaire, celle du pays « quasi-fédéral ». Ce statut de « quasi-fédération » n'est toutefois pas reconnu comme tel. Il s'applique aux pays unitaires ayant des tendances fédérales, c'est-à-dire présentant certaines des caractéristiques d'un pays fédéral. Néanmoins, les régions autonomes ont moins de marge de manœuvre pour définir et réformer le fonctionnement des collectivités locales que les régions au sein des fédérations, et les éléments fondamentaux des fonctions et du financement des collectivités locales sont souvent énoncés dans les constitutions nationales. De plus, même si une autonomie substantielle est accordée aux régions autonomes par rapport aux échelons inférieurs à travers une compétence législative primaire et/ou secondaire, il s'agit souvent d'une compétence partagée avec le pouvoir central. C’est notamment le cas en Espagne et en Afrique du Sud. Bien qu'elle soit constitutionnellement un État unitaire, l'Espagne est en réalité une quasi-fédération, les régions bénéficiant d'un large degré d'autonomie. L'organisation des municipalités et des provinces et la modification des limites municipales au sein du territoire régional sont la prérogative exclusive des Communautés Autonomes, mais leurs attributions et leurs ressources financières sont décidées dans le cadre de la législation nationale (article 148 de la constitution).
Sources : OCDE (2017[1]), Multi-level Governance Reforms : Overview of OECD Country Experiences, https://dx.doi.org/10.1787/9789264272866-en ; OCDE-CGLU (2016[2]), Subnational Governments Around the World: Structure and Finance, http://www.oecd.org/fr/regional/politique-regionale/sngs-around-the-world.htm.
Décentralisation et « localisme »
La décentralisation peut être abordée dans un sens plus large comme en Angleterre avec la réforme de décentralisation de 2011, appelée « Localism Act ». Toutefois, il faut se garder de faire la confusion entre les notions de « localisme » et de décentralisation au sens traditionnel. S'inscrivant dans le projet plus large de réappropriation du pouvoir par les citoyens (« Big society », par opposition à la notion de « Big Government », concentration excessive du pouvoir aux mains des pouvoirs publics au détriment des citoyens) conçu par le gouvernement britannique, la réforme a consisté à transférer une série de responsabilités de l'État non seulement vers les autorités locales mais aussi vers la société civile, c’est-à-dire les coopératives, les communautés de quartier, les citoyens et groupes de bénévoles, les associations, les entreprises sociales, etc. en appelant à une meilleure « gouvernance participative » et à une responsabilisation accrue des collectivités.
Décentralisation et délégation
La délégation est une forme de décentralisation plus modérée que le transfert complet de compétences. Elle consiste pour le pouvoir central à transférer un certain pouvoir de décision et des compétences administratives en lien avec des missions spécifiques bien définies vers des entités de niveau inférieur semi-autonomes tels que des entreprises publiques ou des établissements régionaux d'aménagement urbain (PNUD, 1999[3]). Ces fonctions peuvent être déléguées par voie réglementaire ou contractuelle. Les entités semi-autonomes restent soumises au contrôle indirect de l’administration centrale et les missions qui leur sont déléguées peuvent leur être retirées de manière unilatérale.
Décentralisation et déconcentration
Les termes décentralisation et déconcentration sont parfois employés de manière interchangeable alors qu'ils sont radicalement différents. Dans le premier cas, il y a un transfert de compétences depuis l'État central vers les autorités infranationales autonomes / élues. Dans le second cas, on observe un déplacement géographique du pouvoir depuis l'État central vers les unités basées dans les régions (administration territoriale de l'État central, services ministériels, agences territoriales, etc.). Ces services déconcentrés de l’État relèvent de l'administration nationale et représentent l'État central au niveau territorial. À la différence des autorités infranationales, les services déconcentrés de l’État représentent un échelon hiérarchique de l'État central, et ne sont pas des entités juridiques ni des personnes morales. Par conséquent, les collectivités territoriales déconcentrées ne sont pas dotées d'une direction politique propre investie d’un pouvoir décisionnel. Elles n'ont pas la maîtrise de leur budget, qui figure ordinairement dans le budget national. Elles ne disposent pas de recettes fiscales, ne peuvent pas contracter d'emprunt ni effectuer des opérations financières et elles ne détiennent pas d'actifs propres. Leurs effectifs relèvent de la fonction publique nationale (OCDE, 2018[4] ; 2017[1] ; Boex, 2011[5]).
En pratique, il est difficile d'opérer la distinction entre les systèmes de décentralisation et de déconcentration. Des systèmes décentralisés et déconcentrés co-existent dans beaucoup de pays tels que l'Estonie, la Finlande, la France, l'Italie, la Pologne et la Suède. La décentralisation ne signifie pas que l'État central s'abstient de maintenir certaines fonctions au niveau local ou de les faire évoluer et de s'adapter aux évolutions institutionnelles du système de gouvernance. Dans un système décentralisé, le rôle des représentants de l'État au niveau territorial peut toutefois varier selon les pays, allant d’une simple fonction de représentation jusqu’à un rôle plus significatif. Les représentants de l'État au niveau territorial peuvent ainsi être responsables de la mise en œuvre des politiques nationales à l'échelon régional ou local, et veiller à ce qu'elles soient conformes aux politiques des autorités infranationales. Dans certains pays, les représentants de l'État au niveau territorial assurent également des fonctions de surveillance juridique et budgétaire sur l’action des pouvoirs publics locaux. Ils peuvent également jouer un rôle de coordination entre les différentes parties prenantes, en agissant comme « pivot » du système administratif, en favorisant le dialogue entre les différents échelons de la puissance publique sur le terrain, et parfois, en servant de conseillers et « médiateurs », aptes à rapprocher des points de vue différents. Enfin, les services déconcentrés de l’État peuvent également assurer la fourniture des services public nationaux au niveau territorial.
En France, par exemple, malgré les différentes lois de décentralisation, l’administration nationale reste très active sur la scène locale où elle joue un rôle de premier plan dans de nombreux domaines. Il existe, aux échelons régional et départemental, une administration préfectorale forte et puissante conduite par un préfet, ainsi que les services locaux de différents ministères (les « services déconcentrés »), placés sous l’autorité de celui-ci. En vertu de la Constitution, le préfet est le représentant direct du Premier ministre et de chaque ministère au niveau départemental, assurant la mise en œuvre des politiques gouvernementales et leur planification. Le préfet est responsable des intérêts nationaux, de la surveillance administrative et du respect des lois, ainsi que de l'ordre public (OCDE, 2017[1]).
Dans certains pays, la coexistence d'un système décentralisé et d'un système déconcentré peut être plus accentuée encore, ce qui rend complexe le système de gouvernance. Cette situation peut s'avérer déroutante, générer des tensions et réduire la transparence et la responsabilisation. Parfois, les administrations infranationales se caractérisent par leur mixité ou leur dualisme (elles sont à la fois déconcentrées et décentralisées), le même organe infranational étant à la fois une administration déconcentrée qui représente l'État central (le pouvoir exécutif) et un gouvernement autonome élu (l'organe délibérant). Tel est le cas en Turquie et en Ukraine (OCDE, 2018[4]).
Peut-on maintenant définir la décentralisation ?
La décentralisation correspond au transfert de compétences et de responsabilités depuis l'État central vers les autorités élues à l'échelon infranational (collectivités régionales, municipalités, etc.), qui bénéficient d'un certain degré d'autonomie. Les autorités infranationales sont des personnes morales élues directement au suffrage universel et disposant de leur propre budget, de leurs effectifs et d’un pouvoir de décision. Le transfert de compétences et la délégation des tâches répondent à cette définition, mais à des degrés différents.
Encadré 2.2. Définition de la décentralisation : l'approche de l'OCDE
La définition de la décentralisation utilisée par l'OCDE est la suivante : la décentralisation consiste en un transfert d'une série de compétences, de responsabilités et de ressources depuis l'administration centrale vers les administrations infranationales, définies comme des entités juridiques élues au suffrage universel et bénéficiant d'un certain degré d'autonomie. Les administrations infranationales sont ainsi gouvernées par des organes politiques (assemblées délibérantes et organes exécutifs) et disposent de leurs propres actifs et personnel administratif. Elles peuvent lever des recettes propres, telles que des taxes, des droits et des redevances et elles gèrent leur propre budget. Elles disposent d'un certain pouvoir de décision et ont notamment le droit d’adopter et de faire appliquer des arrêtés et des règlements de portée générale ou particulière.
Dans cette définition, la décentralisation consiste non seulement en un transfert de compétences, de responsabilités et de ressources, mais aussi en une reconfiguration des relations entre le pouvoir central et les administrations infranationales à travers une coopération et une coordination accrues. La gestion de la « dépendance mutuelle » nécessite un changement en profondeur de la structure, des pratiques et de la culture au sein même de l'administration centrale, ce qui représente un défi considérable pour les administrations centrales du monde entier (Devas et Delay, 2006[6]).
De manière générale, cette définition est associée au concept d'autonomie locale tel que défini dans la Charte européenne de l'autonomie locale (1985), dans les Lignes directrices internationales d'ONU-Habitat sur la décentralisation et le renforcement des autorités locales (2007) et plus récemment, dans la Charte Africaine sur les valeurs et les principes de la décentralisation, de la gouvernance locale et du développement local (2014).
Sources : OCDE (2018[4]), Practical Methodological Guide for the World Observatory on Subnational Government Finance and Investment, OECD, Paris ; Boex, J. (2011[5]), Exploring the Measurement and Effectiveness of the Local Public Sector: Toward a Classification of Local Public Sector Finances and a Comparison of Devolved and Deconcentrated Finances ; Devas, N. et S. Delay (2006[6]), « Local democracy and the challenges of decentralising the state: An international perspective », http://dx.doi.org/10.1080/03003930600896293.
Il importe de souligner que la décentralisation peut également être territoriale ou fonctionnelle. Les administrations infranationales ne se définissent pas toujours par leur territoire, c'est-à-dire par le périmètre géographique sur lequel elles exercent leur autorité et assument leurs responsabilités. Même si elles sont élues, les autorités infranationales peuvent également se définir uniquement par les fonctions spécifiques qu'elles remplissent. Parmi les exemples d’« administrations infranationales à vocation spécifique » figurent les conseils d’écoles, les districts des transports, les conseils de l’eau et de l’assainissement. On parle également de « décentralisation fonctionnelle » par opposition à la « décentralisation territoriale ». Aux États-Unis, par exemple, le Bureau du recensement reconnaît cinq types fondamentaux d'administrations locales, dont deux administrations à vocation spécifique : les districts scolaires et les « special districts ». Les dispositions législatives régissant ces deux types d’entités sont différentes et leurs caractéristiques fondamentales varient fortement d'un État à l'autre (OCDE, 2018[4] ; U.S. Census Bureau, 2012[7]). En Corée, le système d'administration locale comprend 17 bureaux chargés de l'éducation, qui sont des entités indépendantes élues. Aux Pays-Bas, les Offices des eaux sont des organismes publics infranationaux et leurs tâches autonomes sont définies dans la loi régissant les offices des eaux (Waterschapswet).
Un processus multidimensionnel
Le concept de décentralisation recouvre trois dimensions : politique, administrative et budgétaire. Ces dimensions sont interdépendantes : la décentralisation budgétaire s'accompagne (ou devrait s'accompagner) nécessairement d'une décentralisation politique et administrative. Parallèlement, sans décentralisation budgétaire, la décentralisation politique et administrative n'a aucun sens.
La décentralisation politique détermine le fondement juridique de la décentralisation. Elle implique une nouvelle répartition des compétences en application du principe de subsidiarité, entre différents niveaux d’administration, avec des objectifs différents, et souvent dans le but de renforcer la démocratie. Elle renvoie donc au mode de désignation des administrateurs infranationaux – par nomination ou par élection.
La décentralisation administrative implique une réorganisation et une attribution claire des missions et des fonctions entre les échelons territoriaux en vue d'améliorer l’efficacité, l'efficience et la transparence de l'administration territoriale de l’État. Elle est généralement liée au transfert vers les niveaux d’administration inférieurs des décisions de planification, de financement et de gestion de certaines fonctions publiques.
La décentralisation budgétaire correspond à la délégation de prérogatives en matière de fiscalité et de dépenses à des niveaux d'administration territoriale. Le degré de décentralisation dépend alors de l'importance des ressources déléguées et du degré d’autonomie dans la gestion de ces ressources. Par exemple, l'autonomie est d'autant plus grande que les administrations locales peuvent décider des bases imposables, des taux d'impositions et de l'affectation des dépenses.
En théorie, ces trois dimensions – la répartition des pouvoirs, des responsabilités et des ressources – sont complémentaires et étroitement liées (graphique 2.2). Cette relation doit être étudiée avec soin afin de maximiser les chances de réussite (chapitre 5). Dans la pratique, il est très difficile de trouver le bon équilibre et la bonne articulation entre ces dimensions qui permettraient de tirer le meilleur parti possible d'une réforme de décentralisation. Il y a souvent un ou deux chaînons manquants ou une articulation inadéquate. Dans certains processus de décentralisation, par exemple, la dimension politique est insuffisamment prise en compte ; on observe alors une faible légitimité démocratique des administrations infranationales, l’absence de véritables dispositifs de responsabilisation ou encore une participation insuffisante des citoyens au niveau local.
Motivations de la décentralisation
De nombreuses raisons ont motivé et continuent de motiver la mise en œuvre des réformes de décentralisation. D’après Ivanayna et Shah, des « facteurs extrêmement complexes tels que la transition politique en Europe de l'Est, la fin du colonialisme, la mondialisation et la révolution de l'information, la reconnaissance des droits fondamentaux des citoyens par les tribunaux, des politiques controversées, l’insatisfaction des citoyens vis-à-vis de la gouvernance qui appellent de leurs vœux une gouvernance réactive et responsable, ont contribué à cette situation explosive » (Ivanyna et Shah, 2014[8]). Comme le soulignent Hooghe et al. (2016[9]), la tendance à la décentralisation résulte également de la disparition de la centralisation excessive induite par les régimes autocratiques et nationalistes et les conflits qui ont marqué le XXe siècle.
La décentralisation a également été mise en œuvre dans le cadre de réformes menées par les États pour améliorer l'efficacité et la qualité des services publics, pour renforcer la productivité et la croissance aux niveaux régional et local, pour atteindre les objectifs de consolidation budgétaire après la récente crise économique, ou en réponse aux programmes institutionnels des organisations supranationales. Parfois, les motivations ne sont pas vertueuses : certains pays ont décentralisé les dépenses publiques pour alléger le déficit de l'État central au détriment des niveaux d'administration inférieurs. Historiquement, les systèmes fortement décentralisés sont souvent le résultat de compromis qui ont été nécessaires dans les pays aux populations diverses, et qui visaient entre autres à assurer la stabilité politique.
La tendance croissante à la décentralisation résulte de trois grandes catégories de facteurs : des facteurs politiques, des facteurs économiques et des mégatendances.
La décentralisation est avant tout un choix politique
Le lancement d'un processus de réformes de décentralisation relève in fine d'un choix politique et doit donc être élaboré et mené à bien dans le cadre d'un processus plus large de réformes, comprenant par exemple des réformes du développement territorial, du système judiciaire, de la fonction publique et du cadre réglementaire, tout en augmentant la responsabilisation et en réduisant l'instabilité politique. En théorie, les réformes de décentralisation visent à promouvoir une nouvelle conception de la gouvernance qui ne repose plus sur des relations hiérarchiques verticales descendantes, mais ouvre une perspective ascendante et coopérative, plus transparente, responsable et participative, en particulier pour les citoyens. Les principes de démocratie locale et de subsidiarité, définie comme un « précepte… selon lequel l’action publique et sa mise en œuvre doivent être confiées au plus bas niveau d’administration capable d'atteindre les objectifs », constituent le fondement de ce choix politique (Oates, 1999[10]). La décentralisation est inscrite dans plusieurs constitutions nationales en tant que principe fondamental visant à renforcer la démocratie, améliorer l’équilibre des forces entre les niveaux d’administration inférieurs et supérieurs et assurer la participation effective des citoyens à la prise de décision (encadré 2.3).
Encadré 2.3. La décentralisation, un principe constitutionnel dans plusieurs pays
La décentralisation est inscrite dans la constitution de plusieurs pays en tant que principe fondamental visant à renforcer la démocratie, à améliorer l’équilibre des pouvoirs entre les niveaux d’administration inférieurs et supérieurs et à assurer la participation effective des citoyens à la prise de décision. En théorie, ce statut constitutionnel protège la structure démocratique et le fonctionnement des administrations infranationales contre les tentatives d’ingérence ou de destitution de la part de l'État central. La Constitution offre donc une protection contre une destitution arbitraire des pouvoirs publics locaux (Shah, 2017[11]).
Au Pérou par exemple, le processus actuel de décentralisation a été engagé en 2002 lorsque Congrès, animé d’intentions démocratiques et économiques, a déclaré que le Pérou était constitutionnellement un « État décentralisé » (Article 43 de la Constitution). En Colombie, l’adoption de la nouvelle Constitution en 1991 a sensiblement accéléré le processus de décentralisation, en énonçant que « la Colombie est un État social légalement organisé sous la forme d'une République unitaire, décentralisée, composée d'entités régionales autonomes » (OCDE, 2014[12] ; 2016[13]).
Dans les États fédéraux, la constitution fédérale joue un rôle clé dans la définition des règles qui fixent la répartition des pouvoirs entre l’administration fédérale et les gouvernements des États, notamment dans le domaine budgétaire. Toutefois, la constitution fédérale ne tient pas toujours compte du principe de décentralisation au niveau de l’administration locale. En Australie par exemple, les municipalités ne sont pas explicitement reconnues par la Constitution du Commonwealth, malgré l'organisation de référendums en 1974, 1988 et 2013, qui proposaient une reconnaissance constitutionnelle – ces référendums ayant été abandonnés ou ayant vu la victoire du non. Dans certaines fédérations toutefois, le principe d'autonomie locale est garanti dans la constitution fédérale (ex. : Allemagne, Autriche, Belgique, Suisse et Mexique).
Sources : sur le base de Shah, A. (2017[11]), Horizontal Fiscal Equalization in Australia: Peering Inside the Black Box, http://dx.doi.org/10.13140/RG.2.2.29867.54564 ; OCDE (2014[12]), OECD Territorial Reviews: Colombia 2014, https://doi.org/10.1787/9789264224551-en ; OCDE (2016[13]), OECD Territorial Reviews: Peru 2016, OECD Territorial Reviews, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264262904-en.
En théorie, toute véritable décentralisation implique nécessairement un renforcement de la démocratie dans la mesure où la décentralisation implique des élections locales pluralistes et une participation accrue des citoyens. En pratique toutefois, on l’a vu, il se peut que la démocratie locale soit négligée de même que les mécanismes permettant une réelle implication de la population dans les affaires locales. La restauration ou la mise en place de systèmes démocratiques a été l'une des principales motivations des processus de décentralisation lancés dans plusieurs pays d'Asie, d'Amérique latine et d'Europe orientale et centrale. En Corée, la décentralisation a commencé en 1987 par la « Déclaration pour la démocratisation » et s'est accélérée en 1988 avec la réforme « Local Autonomy Act », suivie par l’organisation des premières élections locales en 1991 et 1995.
À travers le monde, plusieurs initiatives en faveur de la décentralisation ont été motivées par cette volonté de renforcer la démocratie locale. En Asie, dans une volonté de faire avancer la démocratie, plusieurs pays tels que la Corée, l'Inde ou l'Indonésie, où des mouvements en faveur de la démocratie et des mobilisations populaires exprimaient un rejet des gouvernements autocratiques centralisés et des dictatures, ont engagé des processus de décentralisation. Au Japon, les efforts en faveur de la décentralisation, qui apparaissait comme un moyen de rendre plus démocratique le système politique, ont commencé après la Seconde Guerre mondiale. La promotion d'un système démocratique d'administration locale figurait parmi les priorités nationales (Chatry et Vincent, à paraître[14]).
On a observé le même phénomène dans les pays d'Europe orientale et centrale au début des années 1990, en réaction à l'échec des États communistes centralisés depuis quatre décennies, et dans plusieurs pays latino-américains où le retour à la démocratie s'est assorti d'un processus de décentralisation. En Afrique, le processus de décentralisation de l'Afrique du Sud a été une composante essentielle de la transition entre le régime de l'apartheid et un régime démocratique (OCDE, 2008[15] ; 2011[16]).
La décentralisation a également été un moyen d'assurer une meilleure stabilité politique, en empêchant l'État-nation de voler en éclats dans les pays où les identités régionales sont fortes, ou dans ceux qui avaient engagé leur reconstruction à l'issue d'un conflit, tels que l'Ukraine (OCDE, 2018[17]).
Les motivations économiques sont également un moteur important de la décentralisation
L’approche économique de la décentralisation met l'accent sur l’amélioration des services publics au niveau local, l’idée étant que les collectivités locales sont plus au fait des besoins financiers et des préférences au niveau local, et donc mieux à-même que l'administration centrale de satisfaire certains besoins de la population, à un coût plus faible (chapitre 4).
La mise en œuvre d'un processus de décentralisation peut être motivée par la volonté d'améliorer l'efficacité des services publics, d'optimiser l'utilisation des ressources publiques et d'assurer l'efficacité des dépenses publiques (notamment dans un contexte de crise des finances publiques et des contraintes budgétaires qui en ont résulté), de rendre l'accès et les services plus équitables, et d'adapter les politiques aux contextes locaux et aux besoins de la population. Ces motivations ont joué un rôle important dans le soutien que des organisations multilatérales, telles que le FMI et la Banque mondiale, ont exprimé en faveur de la décentralisation.
Mégatendances et décentralisation
Les mégatendances à l’œuvre que sont la transformation numérique, la mondialisation de l'activité économique et l'urbanisation, contribuent à renforcer le rôle des administrations infranationales. Du fait de la mondialisation, les capitaux peuvent circuler librement dans les pays et entre eux, ce qui signifie que les villes peuvent se faire concurrence pour attirer les investissements étrangers, une mission qui était jadis la prérogative exclusive de l'État central (Olowu, 2003[18]). Parallèlement, la mondialisation a réveillé les identités culturelles locales, ce qui a augmenté le pouvoir économique et politique des entités infranationales. Ces dernières années, le rôle des États-nations a été remis à l'honneur dans un contexte de rejet de la mondialisation. Face à la crise démocratique que connaissent de nombreux pays, les collectivités locales jouent également un rôle de plus en plus important en tant que niveau d’administration le plus proche des citoyens, perçu comme plus apte à faire écho à leurs exigences et à leurs besoins. Ramener l'administration au niveau « local » peut apparaître comme une réponse aux forces de la mondialisation. L’articulation entre le mondial et le local est souvent appelée « glocalisation » (Sharma, 2018[19]).
L'urbanisation constitue une autre tendance mondiale majeure qui touche la décentralisation. Aujourd'hui, plus de 50 % de la population mondiale vit dans les villes, une proportion qui devrait atteindre 85 % en 2100. En 150 ans, la population urbaine sera passée de moins de 1 milliard de personnes en 1950 à 9 milliards en 2100. Cette période d'urbanisation rapide aura également vue la montée des mégalopoles, c'est-à-dire d'agglomérations ayant une population totale supérieure à 10 millions d'habitants. Si on ne comptait que deux mégalopoles en 1950, en l’occurrence New York et Tokyo, elles n’étaient pas moins de 28 en 2014 (OCDE, 2015[20]). À mesure qu'elles se développent en termes de population, d'infrastructures et de réseaux, les villes deviennent de plus en plus complexes.
La révolution de l'information et de la transformation numérique ont réduit la capacité des pouvoirs publics à contrôler les flux d'informations. Les TIC et les autres révolutions technologiques (blockchain, Système d’Information Géographique (SIG), robotique) ont également multiplié les possibilités pour les collectivités locales d'améliorer la manière dont elles communiquent avec les citoyens et dont elles sollicitent leur implication (démocratie électronique et participation à l’aide des TIC, responsabilité et transparence dans la gouvernance locale). Les outils numériques aident également les pouvoirs publics à fournir des services publics au niveau local (administration électronique), à gérer plus efficacement les ressources publiques (ex. : pour le recouvrement de l'impôt), à améliorer les moyens et la gestion des effectifs et à adopter de nouveaux modèles de gestion publique. Les TIC peuvent améliorer les relations entre l'État central et les administrations infranationales, facilitant la transition vers des pratiques de gouvernance plus décentralisées.
Les différents modes de décentralisation
Big bang ou approche progressive
Il existe différentes manières de mener les réformes de décentralisation : en optant pour une transformation radicale, de type « big bang », ou pour une approche progressive, par étapes ou par vagues (ex. : au Japon avec la première et la deuxième réforme de promotion de la décentralisation, ou en France avec les trois lois sur la décentralisation entre 1982 et 2015).
La méthode du « big bang » présente deux traits caractéristiques ; (a) elle suppose une démarche holistique (complète) qui intègre les trois principales composantes de la décentralisation (politique, administrative et budgétaire) (b) elle est mise en œuvre dans un délai court. L'un des principaux objectifs de cette approche est de s'assurer que les grandes mesures visant à mettre en œuvre la décentralisation politique, administrative et fiscale soient adoptées dans le cadre d'un paquet législatif unique, sans qu'aucune composante ne manque, et que « l'ensemble des pièces du puzzle s'assemblent – c'est-à-dire que l'équilibre souhaité en termes d'autonomie et de responsabilité soit obtenu tout en prévoyant des incitations pour réduire les coûts ». Il convient alors d'agir rapidement afin de profiter au mieux de la fenêtre d'opportunité qu’offre la mise en place de la décentralisation, sachant que les perdants de cette réforme, comme de toute réforme, pourront profiter d’une longue période de mise en œuvre pour s’organiser et se regrouper afin de contourner ou de bloquer la réforme (Shah et Thompson, 2004[21]).
Toutefois, la méthode du « big bang » peut comporter quelques inconvénients. Elle peut donner le sentiment d'être imposée trop rapidement par le pouvoir central et risque alors d'être rejetée comme une greffe qui n’a pas pris. Plusieurs pays ont dû battre en retraite parce que le processus de décentralisation qu'ils avaient lancé était trop rapide et trop vaste. Tel fut le cas, par exemple, dans les pays d'Europe orientale et centrale, ainsi que dans de nombreux pays en développement. Certaines lois de décentralisation n'ont jamais été mises en œuvre, ou seulement partiellement, parce que le programme était trop ambitieux et peu réaliste.
Ainsi, l'approche progressive comporte quelques avantages. L'introduction successive des différentes mesures peut aider à leur mise en œuvre et faciliter les ajustements nécessaires. Cela peut également permettre une mise à niveau progressive des moyens des administrations locales, ce qui les rend mieux à même d'assumer les nouvelles responsabilités qui leurs sont attribuées et de gérer efficacement leurs ressources. Un processus graduel de réformes peut donner de nouvelles occasions de convaincre et de mobiliser les citoyens autour de ce processus afin d'obtenir leur adhésion et de renforcer le consensus au moyen de consultations, d'une bonne information, de débats publics, etc. Enfin, chaque étape peut créer une force d'impulsion pour de nouvelles réformes émanant de l'État central, des autorités locales et de la société civile.
Les expériences pilotes (ex. : les expériences des « municipalités libres » au Danemark, en Finlande, et en Suède) et la régionalisation expérimentale (ex. : en Finlande, en France et en Suède) constituent des approches intéressantes de la décentralisation dans la mesure où elles peuvent démontrer l’efficacité des réformes et ouvrir la voie à de nouveau changements à une échelle plus large (OCDE, 2017[1]).
Quelle que soit la voie empruntée, la décentralisation est un processus sans fin : la modification du système de gouvernance implique une adaptation continuelle au nouveau système. Dans un système déjà décentralisé, la décentralisation consiste davantage en un processus de reconfiguration du système multiniveau, qui n’implique pas nécessairement de transferts majeurs de responsabilités, mais plutôt des ajustements du système actuel (réattribution de certaines fonctions ou ressources budgétaires) comme en France et aux Pays-Bas.
La décentralisation est également un processus dynamique. Les moteurs des réformes peuvent donc évoluer dans le temps en fonction des contextes politique, économique, social et budgétaire. Certains facteurs peuvent être cycliques et évoluer au gré des conditions économiques. Par exemple, la crise mondiale de 2008 a accéléré les réformes de décentralisation.
Par ailleurs, les expériences internationales montrent que la conception et la mise en œuvre sont les phases les plus difficiles d'une réforme de décentralisation. Beaucoup de ces réformes ont été bloquées, ont échoué, ont été abandonnées, retardées ou se sont soldées par une marche arrière. D'autres ont été modifiées et ajustées en cours de route, ou partiellement mises en œuvre. Pour obtenir les avantages escomptés, des réformes supplémentaires et complémentaires sont souvent nécessaires pour corriger les dérives éventuelles et améliorer les mécanismes de gouvernance multiniveau.
Les approches descendante et ascendante
Une réforme de la décentralisation peut être menée de manière descendante ou ascendante. Historiquement, les processus ascendants ont été la voie principale choisie pour la décentralisation en Amérique du Nord et en Europe du Nord. Aujourd'hui, il existe peu d'exemples de l'approche ascendante. La réforme régionale menée en Suède est l'un de ces exemples, les réformes étant initiées par le haut mais décidées par le « bas ». À la différence de beaucoup de pays, le gouvernement suédois n'a pas imposé un modèle unique de régionalisation, mais a mené des expériences sur des « régions pilotes » et permis aux régions de disposer d'organes de gouvernance et de responsabilités différents. Cette approche de la régionalisation a favorisé l'apprentissage, le réglage fin de la réforme et l'élaboration d'un consensus (OCDE, 2017[22]). L'approche descendante par laquelle l’administration nationale décide de déléguer une part de ses responsabilités, est plus fréquente et a été le processus le plus souvent adopté en Europe méridionale et dans l'ensemble des pays en développement et en transition (Shah et Thompson, 2004[21]). Dans ces pays, toutefois, la décentralisation a parfois été encouragée par les élites locales et régionales, en tant que stratégie permettant de mobiliser et de maintenir les appuis politiques dans les régions (Devas et Delay, 2006[6]).
Dans le cas des approches descendantes, les raisons qui ont motivé la décentralisation étaient loin d'être politiques ou économiques (démocratie locale, redevabilité, efficience, etc.) mais relevaient davantage de considérations à court terme (calculs politiques, rejet de la responsabilité de mesures impopulaires, déplacement de la charge budgétaire vers les niveaux inférieurs). Telle a par exemple été la voie empruntée par certains pays durant la récente crise financière, certaines tâches sociales ayant été décentralisées sans réelle compensation budgétaire, contraignant les collectivités locales à jouer le rôle d’« amortisseur social » (on parle alors de « décentralisation de la crise »). Le plus souvent, ce type d'approche aboutit à un processus de décentralisation inachevé, les dimensions politique ou budgétaire faisant alors défaut.
Les réformes de décentralisation ont également été fortement encouragées (voire imposées) par la communauté internationale (ex. : banques multilatérales, agences et donateurs internationaux). Lorsque la crise financière de 1997 a touché la Corée de plein fouet, le programme de sauvetage du FMI a imposé au gouvernement coréen de mener une réforme du secteur public en 1999 qui prévoyait un programme complet de décentralisation. Le même phénomène s'est produit plus récemment en Europe, certains pays sévèrement touchés par la crise financière et économique mondiale ayant demandé l'aide du FMI pour surmonter leurs déséquilibres budgétaires et externes. En 2008-09, le soutien apporté à la Grèce par le FMI, la Commission européenne et la Banque centrale européenne était conditionné à des réformes territoriales et institutionnelles (ex. : la réforme Kallikratis). Il s'agissait de rationaliser l'organisation territoriale, de réduire et d'optimiser les dépenses publiques en accentuant la décentralisation. La décentralisation a également été proposée en Afrique et en Asie par les banques multilatérales ainsi que les agences et les donneurs internationaux en réaction à l'inefficacité des services publics et de la lutte contre la pauvreté des États centraux. La promotion des avantages économiques de la décentralisation a parfois coïncidé avec un programme néolibéral visant à réduire le rôle de l'État central au nom de la « bonne gouvernance », mais a donné des résultats mitigés, les conditions préalables à une décentralisation efficace n'étant pas réunies (Devas et Delay, 2006[6]), (voir chapitre 4).
La décentralisation s'accompagne souvent d'autres réformes
La décentralisation n'est pas seulement une réforme du secteur public. Elle doit être abordée d'une manière globale et « polycentrique », notamment à travers l’observation des interactions entre entités publiques et acteurs du secteur privé (à but lucratif ou non lucratif), en particulier les citoyens et les entreprises (Ostrom, 2010[23]). Les réformes de décentralisation s'accompagnent souvent d'autres types de réformes de la gouvernance multiniveau, notamment de réformes de la gestion territoriale et publique (OCDE, 2017[1]). Ces trois catégories de réformes sont souvent interdépendantes et complémentaires (encadré 2.4 et graphique 2.4.).
Une réforme territoriale peut résulter en partie d'une réforme de décentralisation. Compte tenu du nombre croissant de missions transférées aux collectivités locales, une augmentation de leur taille et de leurs moyens s'impose de plus en plus pour faire face à ces responsabilités supplémentaires. Tel est le cas de la réforme actuelle en Ukraine où les regroupements de communes constituent une première étape et « un point de départ pour la décentralisation » (OCDE, 2018[17]). Pour obtenir de nouvelles responsabilités et de nouveaux financements, les municipalités doivent fusionner pour constituer des collectivités territoriales unifiées.
L'inverse est également vrai : une réforme de décentralisation peut résulter en partie d'une réforme territoriale. En France, par exemple, la réforme territoriale de 2015 a consisté avant tout à ramener de 22 à 13 le nombre de régions pour constituer des entités plus grandes et plus fortes. L’argument invoqué pour mener cette réforme était de réaliser des économies et d’obtenir des gains de productivité, de constituer des régions plus homogènes d'un point de vue socio-économique et de leur conférer un prestige suffisant pour favoriser la coopération aux niveaux international et européen. Huit mois plus tard, la loi relative à la « Délimitation des régions » a été suivie par une autre loi modifiant l’attribution des compétences entre les échelons d’administration, conduisant notamment à un renforcement des responsabilités régionales.
Enfin, les réformes de la gestion publique peuvent également être introduite dans le cadre de réformes institutionnelles et/ou territoriales, de manière simultanée ou successive, dans la mesure où elles donnent l'occasion de vérifier et de moderniser les processus de gestion et de gouvernance.
Encadré 2.4. Réformes institutionnelles, territoriales et de gestion : les trois catégories principales de réformes de la gouvernance multiniveau
Les réformes institutionnelles visent à réorganiser les pouvoirs et les responsabilités entre tous les échelons administratifs. Elles comportent donc des processus soit de décentralisation soit de recentralisation, qui consiste en un transfert de compétences, d'actifs, de moyens humains et budgétaires du pouvoir central vers les administrations infranationales et vice versa, et redéfinit donc les relations entre tous les niveaux administratifs.
Les réformes territoriales visent à réorganiser les structures territoriales, souvent à travers une mise à jour et un « redimensionnement » des prérogatives administratives des autorités régionales et locales, ce qui entraîne une modification de leurs frontières géographiques. Elles visent à obtenir une meilleure adéquation entre la taille des structures infranationales et leurs responsabilités et leurs fonctions.
Les réformes de la gestion publique visent à réorganiser les processus administratifs et exécutifs des administrations locales, notamment la gestion des ressources humaines, la gestion financière, l'administration électronique, etc.
Il est très difficile de mesurer la décentralisation
La diversité des définitions de la décentralisation, sa nature multidimensionnelle et l'hétérogénéité des expériences sur le terrain expliquent la grande difficulté à mesurer effectivement la décentralisation. Les indicateurs budgétaires sont utiles pour obtenir une vision macro-économique de la décentralisation, mais ils demeurent partiels – puisqu’uniquement centrés sur les aspects budgétaires – et peuvent donner une image erronée de la situation lorsqu'ils ne sont pas complétés par une analyse plus large. Les indicateurs budgétaires sont nécessaires mais non suffisants pour obtenir une idée fidèle de la décentralisation. Des approches complémentaires conjuguant indicateurs quantitatifs et qualitatifs sont indispensables pour prendre toute la mesure de la décentralisation, bien cerner les tendances à l’œuvre et évaluer l’impact et les conséquences de la décentralisation.
Autonomie budgétaire infranationale
L'évaluation de l'autonomie budgétaire est ardue (encadré 2.5). L'autonomie budgétaire concerne les deux aspects du budget : les dépenses et les recettes. L'autonomie en termes de dépenses peut se trouver limitée, soit parce que les administrations infranationales agissent en tant qu’« agent payeur », exécutant un programme de dépenses défini au niveau de l'État central avec un pouvoir de décision et une marge de manœuvre limités, voire nuls ; soit parce que les réglementations, les normes ou règles budgétaires imposent des plafonds ou des dépenses obligatoires. L’autonomie en termes de recettes est également une question complexe qui dépasse la simple autonomie budgétaire. Elle dépend, par exemple, de l'ampleur du pouvoir discrétionnaire dans les transferts intergouvernementaux (transferts préaffectés et conditionnels ou dotations générales fondées sur une formule de calcul), du type de recettes fiscales (recettes fiscales partagées avec un pouvoir fiscal limité, voire nul, ou recettes fiscales propres avec une certaine autonomie en terme de taux et d'assiette), de la capacité à fixer le niveau des droits et redevances ou de la possibilité d’obtenir des recettes à partir des actifs locaux.
L'autonomie budgétaire comprend également les possibilités d'accès aux financements externes (ex. : emprunt, mise en place de partenariats public-privé). Elle suppose également la capacité à gérer les budgets, à embaucher et licencier des salariés, à choisir les modes de prestation des services publics locaux ainsi que le contrôle et les mécanismes de communication d’information, d'évaluation des performances, etc. Enfin, des instruments de péréquation sont également susceptibles de limiter l'autonomie budgétaire des administrations infranationales, notamment la péréquation horizontale (des collectivités les plus aisées vers les plus démunies, également appelé le « principe Robin des Bois »).
L'autonomie en termes de recettes est au cœur de la décentralisation. La part des dotations par rapport aux recettes fiscales dans le revenu infranational et la maîtrise des recettes sont essentielles. Un défi particulier consiste à mettre en place la répartition verticale des recettes fiscales entre les échelons d’administration et de définir quelles taxes attribuer aux administrations infranationales, selon quels critères, et avec quelle marge de manœuvre quant à l'assiette et aux taux d'imposition.
Il importe de souligner qu'il n'existe pas de frontière claire entre les différentes sources de recettes. Il s'agit plutôt d'un continuum aux frontières imprécises, qui va d’un faible degré d'autonomie pour les dotations préaffectées (attribuées pour des missions ou des projets spécifiques et assorties de directives, de contrôles plus stricts et d'obligations de communication d’information) à un degré élevé, pour les recettes fiscales propres lorsque les administrations infranationales ont la liberté de fixer l'assiette et les taux d'imposition (ex. : typiquement les taxes foncières) (graphique 2.5). Même dans ce cas, la liberté de fixer les taux et les assiettes d'imposition peut également être réglementée et restreinte, ce qui réduit le pouvoir fiscal des administrations locales (ex. : à travers la fixation de plafonds ou d'exemptions par l'État central, etc.).
Entre ces deux extrêmes, il existe une gradation dont les différents stades sont le partage des recettes (dotations générales), le partage des recettes fiscales, l’application d’une surtaxe locale sur les taxes nationales telles que l'impôt sur le revenu des personnes physiques, l'impôt sur le revenu des sociétés ou la taxe sur la valeur ajoutée, jusqu’aux recettes fiscales propres avec plus ou moins de latitude pour fixer le taux et l'assiette (plafonnement des taux par exemple, ou limitation des exonérations).
Les indicateurs budgétaires ne sont pas suffisants pour mesurer la décentralisation
Les indicateurs budgétaires, tels que la part des dépenses, des recettes et des investissements revenant aux entités infranationales, donnent une indication très précieuse sur l'affectation des fonds. Toutefois, ils ne permettent pas de mesurer tous les aspects de l'autonomie en matière de dépenses et de recettes. En particulier, les indicateurs budgétaires peuvent s'avérer trompeurs dans la mesure où les dépenses décentralisées peuvent seulement être des dépenses déléguées pour le compte de l'État central. Dans de nombreux pays, les administrations infranationales n'ont guère d'autonomie en matière de dépenses, notamment lorsqu'elles jouent le rôle d’« agent payeur » pour l'administration centrale, par exemple pour verser les rémunérations des enseignants ou distribuer les prestations et les aides sociales aux ménages, en ayant très peu de marge de manœuvre, voire pas du tout, sur l'affectation des dépenses (ex. : au Danemark dans le secteur social). Souvent, les administrations infranationales ne disposent pas d'une autonomie et d'une capacité de décision entières dans leur domaine de responsabilité et elles fonctionnent parfois davantage comme des agences financées et réglementées par l'administration centrale que comme des décideurs indépendants. Les pays nordiques, par exemple, tendent en pratique à être moins décentralisés qu'il n'y paraît à la seule vue des indicateurs budgétaires (ex. : Danemark, Finlande, Suède). Dans beaucoup de pays, une part importante des dépenses publiques sont effectuées aux échelons d’administration inférieurs, mais cette information prise isolément donne une idée incomplète des actions que les collectivités territoriales peuvent réellement mener de façon autonome au service des personnes résidant sur leur territoire.
L’aspect budgétaire est l'une des dimensions de la gouvernance multiniveau et doit être complétée par d'autres indicateurs pour donner une image complète des systèmes de décentralisation. De fait, il existe plusieurs indicateurs qui traitent des autres dimensions1. L'indice de compétence régionale (ICP) et l’indice d’autonomie locale (IAL) s'inscrivent dans une démarche globale visant à mesurer le degré réel d'autonomie des administrations infranationales – au-delà des indicateurs budgétaires. Ils donnent une image de la gouvernance multiniveau qui est plus proche de la réalité que celle qui est donnée par les seuls indicateurs budgétaires.
Prenant la région comme unité d'analyse, l'indice de compétence régionale analyse 10 dimensions dans 81 pays sur une base annuelle de 1950 à 2010 (Hooghe, Marks et Schakel, 2010[24] ; Hooghe et al., 2016[9]). L'ICR opère la distinction entre les différents niveaux intermédiaires de gouvernance (cf. également chapitre 3)2. Parmi les 10 dimensions de l'ICR figurent notamment l'autonomie budgétaire, la liberté d'emprunt, mais aussi le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif (cf. annexe 1). L'indice d’autonomie locale (IAL) suit, le cas échéant, la méthodologie de l'ICR. Élaboré pour 39 pays européens, l’IAL présente les évolutions intervenues entre 1990 et 2014.
Encadré 2.5. L'indice de compétence régionale et l'indice d’autonomie locale
L'indice de compétence régionale (ICR) suit l’évolution du degré d'autorité régionale sur une base annuelle de 1950 à 2010 dans 81 pays. L'échantillon se compose de l'ensemble des États membres de l'UE, l'ensemble des pays membres de l'OCDE, l'ensemble des pays d'Amérique latine, dix pays d'Europe hors UE et onze pays de la région Pacifique et Asie du Sud-est. L’unité d'analyse est la région/l’échelon régional. La série de données comprend les collectivités ayant une population moyenne d'au moins 150 000 habitants. Les régions ayant un statut autonome spécial ou des accords asymétriques font également l'objet d'une codification séparée.
La compétence régionale est mesurée sur dix dimensions : la complexité institutionnelle, le périmètre des compétences, l’autonomie budgétaire, la liberté d’emprunter, la représentation, le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif, le pouvoir budgétaire, l’influence en matière d’emprunt et de réforme constitutionnelle.
Les sources primaires (constitutions, législation) ont été associées à la documentation secondaire et à une consultation d'experts des pays pour obtenir des estimations fiables et valides. La série de données régionales contient les scores annuels pour les administrations ou les autorités régionales et la série de données nationales agrège ces scores au niveau du pays.
Ayant démontré une solide validité convergente du contenu (Schakel, 2008), l'IAR a été utilisé en tant qu'instrument multidimensionnel pour mesurer le degré de régionalisation ou de décentralisation.
En ce qui concerne l'IAL, quelques adaptations ont dû être apportées pour tenir compte des caractéristiques spécifiques des autorités locales. Par exemple, il n'est pas opportun de parler d'administration locale non déconcentrée ou de l’existence d’un organe législatif indépendant étant donné que, par définition, ces aspects font partie de l'autonomie locale (cf. Charte européenne de l'autonomie locale). De plus, d'autres dimensions ont été prises en compte et certaines variables ont été revues (Ladner, Keuffer et Baldersheim, 2016, p. 325).
Sources : Hooghe, L. et al. (2016[9]), Measuring Regional Authority: A Postfunctionalist Theory of Governance, Oxford University Press, Oxford ; Regional Authority Index (http://garymarks.web.unc.edu/data/regional-authority/) ; Schakel, 2008 ; Ladner, Keuffer et Baldersheim 2016, p. 325.
Ivanyna et Shah ont également élaboré des indicateurs complets du pouvoir décisionnel au niveau local, c'est-à-dire à l'échelon d'administration le plus proche des citoyens (Ivanyna et Shah, 2014[8]). La série de données compilée par les auteurs couvre 182 pays et permet d'évaluer les dimensions institutionnelles de l'autonomie politique, budgétaire et administrative dont bénéficient les collectivités locales. Ces dimensions sont agrégées pour parvenir à un « indice de décentralisation » puis sont ajustées de l’hétérogénéité pour obtenir un « indice de proximité des pouvoirs publics ». L’analyse effectuée sur la base de cet indice montre que la gouvernance locale décentralisée telle que mesurée par l'indice de proximité des pouvoirs publics est associée à un développement humain plus élevé, à une corruption plus faible et à une croissance plus vigoureuse.
Une série d’indicateurs des dépenses infranationales a été élaborée en 2010 par le Réseau de l’OCDE sur les relations budgétaires entre les différents niveaux d’administration à partir d’une évaluation détaillée du contrôle institutionnel, réglementaire et administratif exercé par l'administration centrale sur les différents domaines de compétences des administrations locales (Bach, Blöchliger et Wallau, 2009[25]). Cinq catégories ont été établies : autonomie politique, budgétaire, de moyens, de résultats, et de suivi et évaluation. Elles permettent de mieux mesurer les différences entre indicateurs de dépenses, et de connaître le degré de compétence des administrations infranationales dans ces domaines de compétences particuliers.
Des systèmes de décentralisation très divers au sein de l'OCDE et partout dans le monde
Les administrations infranationales au sein de l'OCDE
En 2018, les pays de l'OCDE comptaient environ 136 800 administrations infranationales, dans neuf pays fédéraux et quasi-fédéraux et 26 pays unitaires. Le nombre d’administrations infranationales varie grandement d'un pays à l'autre (annexe 2). Ce nombre n'est pas nécessairement lié à la taille ou à la densité de population : la France et les États-Unis ont environ le même nombre d’administrations infranationales. Il en est de même pour la République Tchèque (ou la Suisse) et le Mexique, qui ont environ le même nombre d’administrations infranationales, alors que la République Tchèque est 11 fois moins peuplée que le Mexique (et la Suisse 15 fois).
Au total, la France et les États-Unis représentent 54 % de l'ensemble des administrations infranationales de l'OCDE, suivis par l'Allemagne, l'Espagne et l'Italie qui en comptent ensuite le plus grand nombre. Vingt pays de l'OCDE représentent moins de 4 % de l'ensemble des administrations infranationales de l'OCDE (graphique 2.6).
Le grand nombre de administrations infranationales reflète le nombre élevé de municipalités. De fait, on compte environ 132 300 municipalités au sein du l'OCDE, 4 000 administrations intermédiaires et 519 régions et administrations d'États fédérés. Au sein de l'OCDE, neuf pays ont un seul niveau d'administration infranational, celui des municipalités. Il s'agit principalement de petits pays en termes de population et/ou de territoire : ensemble, ils représentent 2,1 % de la superficie totale de l'OCDE et 2,7 % de sa population. Dix-neuf pays ont deux niveaux (municipalités et régions/États fédérés) et sept pays en ont trois (municipalités, régions/États fédérés et un niveau intermédiaire entre les deux comme les départements en France, les provinces en Espagne, les Kreise en Allemagne, les comtés aux États-Unis). L'Italie appartenait à ce dernier groupe jusqu'à la réforme de 2014-2015 qui a supprimé les collectivités territoriales des provinces, qui étaient élues au suffrage direct. Les pays à trois niveaux d’administration représentent un tiers de la superficie totale de l'OCDE et la moitié de sa population.
Certains pays de l'OCDE se caractérisent par un morcellement du territoire particulièrement important, ce qui rend inefficace la fourniture de services locaux et soulève la question de l'égalité d'accès aux services, et de la qualité variable de ces services. La taille des municipalités varie considérablement d'un pays à l'autre, ainsi qu'au sein d'un même pays. En moyenne, la taille d'une municipalité était d'environ 9 700 habitants au sein de l'OCDE entre 2017 et 2018 (graphique 2.7), et elle était comprise entre environ 1 700 habitants en République Tchèque et presque 225 000 habitants en Corée.
La plupart des pays ayant des municipalités de grande taille ont un niveau sous-municipal structuré qui leur permet de maintenir un certain degré de proximité et de démocratie locale malgré la grande taille des administrations municipales. Ces municipalités se caractérisent par des subdivisions administratives municipales civiles « de type paroissial » régies par le droit public et peuvent avoir leur propre budget délégué et leurs représentants élus (conseil municipal, maire). Elles ont aussi parfois leurs propres effectifs mais ne disposent pas d'une autonomie locale complète dans la mesure où elles sont une création de la municipalité. Ces réseaux de localités existent dans différents pays, notamment la Corée, la Grèce, l'Irlande, la Nouvelle Zélande, les Pays-Bas, le Portugal et la Slovénie.
Non seulement la taille moyenne et médiane des municipalités est faible dans plusieurs pays de l'OCDE, mais un nombre significatif de pays peuvent avoir une forte proportion de municipalités très petites, soit en termes de population, soit en termes de superficie, ou les deux. En France, en République slovaque, et en République Tchèque, plus de 85 % des municipalités comptent moins de 2 000 habitants (graphique 2.8).
Diversité des degrés de responsabilité en matière de dépenses parmi les administrations locales
Pour comprendre les systèmes de décentralisation, il est utile d'interpréter les indicateurs budgétaires sous l’angle des dépenses des autorités infranationales dans leurs différents domaines de compétences. Les pays de l'OCDE ont différents niveaux de décentralisation, mesurés soit par le degré de décentralisation des dépenses, soit par les recettes fiscales perçues par les administrations infranationales.
Les administrations infranationales représentent en moyenne une part importante des dépenses publiques au sein de l'OCDE. En 2016, les dépenses des administrations locales représentaient 16,2 % du PIB et 40,4 % des dépenses publiques au sein de l'OCDE. L’importance des administrations infranationales dans l’économie est particulièrement évidente si l'on considère leur rôle en tant qu'employeurs. La majeure partie des salariés du secteur public sont employés par le niveau infranational, 63 % des dépenses de personnel des pouvoirs publics étant supportées par ce niveau d’administration. Celui-ci joue également un rôle essentiel dans les marchés publics à travers les achats de biens et de services pour consommation intermédiaire et les commandes de travaux publics. En 2016, les administrations infranationales représentaient 49,5 % de la commande publique au sein de l'OCDE.
Les compétences des administrations locales en matière de dépenses varient d'un pays à l'autre, selon qu'il s'agit d'un pays fédéral ou unitaire, de sa taille et de son organisation territoriale, de son degré de décentralisation et de la nature des responsabilités assumées dans certains secteurs. En fait, certains postes de dépenses tels que l'éducation, les services sociaux et la santé sont plus conséquents que d'autres parce qu'ils supposent des dépenses courantes importantes (ex. : prestations sociales, salaires des enseignants, des travailleurs sociaux et du personnel hospitalier). Lorsque les administrations infranationales assument ces responsabilités, cela se traduit automatiquement par un niveau de dépenses élevé. Pourtant, cela ne signifie pas nécessairement un degré élevé de décentralisation. Dans certains cas, ces dépenses sont d’ailleurs déléguées par l'État central. Les dépenses des administrations locales peuvent également être contraintes par les réglementations, par les normes ou par des objectifs d'équilibre budgétaire.
Dans les pays fédéraux, les dépenses des autorités infranationales sont le plus souvent plus élevées que dans les pays unitaires parce qu'elles intègrent à la fois celles de l'État fédéré et celles des collectivités locales. Le Canada se distingue à cet égard. Certains pays unitaires ont également un niveau élevé de dépenses au niveau infranational tels que le Danemark, la Suède et la Finlande. En revanche, dans les pays où les pouvoirs publics locaux ont des compétences limitées, le niveau de dépenses est également limité (ex. : Irlande, Grèce, Turquie, Nouvelle Zélande, et Luxembourg).
La décomposition des dépenses infranationales par secteur économique permet de mesurer le rôle des administrations locales dans plusieurs domaines (graphique 2.10). L'éducation, qui représente en moyenne 25 % des dépenses des administrations locales dans les 32 pays de l'OCDE (4 % du PIB), est le plus gros poste de dépense. La santé est le deuxième poste budgétaire, à 18 % des dépenses infranationales (2,9 % du PIB). Les secteurs des services publics généraux (administration) et de la protection sociale viennent en troisième position du budget infranational, chacun représentant 14 % des dépenses infranationales (2,3 % du PIB). Vient ensuite le secteur des affaires économiques (principalement le transport, mais aussi les échanges et l’emploi, les interventions économiques, l'agriculture, l'énergie, les industries minière et manufacturière, la construction, etc.). Ce poste de dépenses représente 13,6 % des dépenses infranationales au sein de l'OCDE en moyenne (2,2 % du PIB).
Il est également intéressant d'examiner les responsabilités en matière de dépenses entre tous les échelons d’administration (graphique 2.9). Dans certains domaines, les administrations infranationales sont les principaux acteurs, à plus de 60 % des dépenses publiques (logement et équipements collectifs qui intègrent la distribution d'eau potable, l’éclairage public, la collecte des déchets ; environnement ; loisirs, culture et culte). Dans d'autres domaines, les responsabilités en matière de dépenses sont le plus souvent partagées avec l'État central. Tel est le cas de l'éducation, des affaires économiques et du transport, de l'ordre public, de la santé et de la protection sociale, même si ces secteurs représentent les parts les plus importantes des dépenses infranationales. Ces moyennes masquent d'importantes variations d'un pays à l'autre (OCDE, 2018[27]).
Diversité en termes d'investissement public infranational
Dans la plupart des pays de l'OCDE, les administrations infranationales jouent un rôle clé dans l'investissement public. L'investissement des administrations infranationales représentait 56,9 % de l'investissement public en 2016. Toutefois, les situations nationales sont diverses. Ce ratio tend à être plus élevé dans les États fédéraux que dans les États unitaires, même si les administrations infranationales jouent un rôle particulièrement important dans certains pays unitaires comme la Corée, la France, Israël et le Japon.
La diversité des modèles de financement
Il existe une grande variété de systèmes de financement des administrations gouvernements infranationales. Les modèles de financement dépendent d'une série de critères, notamment du caractère fédéral ou unitaire du pays, du degré et du type de décentralisation des dépenses, ainsi que de facteurs économiques, historiques et culturels. La structure des recettes des administrations locales varie également grandement d'un pays à l'autre (graphique 2.13).
En 2016, les impôts représentent la principale source de recettes (45 %) pour les administrations infranationales au sein de l'OCDE, avant les dotations et les subventions (37 %). Les recettes provenant des redevances et des droits afférents à la prestation de services publics, les revenus immobiliers (vente et exploitation d'actifs physiques et financiers) et les cotisations sociales représentaient respectivement 15 %, 2 % et 1 % des recettes des administrations locales.
La part des recettes fiscales dans les recettes infranationales varie grandement d'un pays à l'autre. Elle est particulièrement significative dans certains pays fédéraux, où les recettes fiscales proviennent souvent de recettes fiscales propres et de mécanismes de répartition des recettes fiscales entre l’administration fédérale et celle des États fédérés, ainsi que les collectivités locales dans certains cas. Aux États-Unis, il n'existe pas de système de partage des recettes fiscales entre l'administration fédérale et les administrations infranationales. Au Mexique et en Autriche, deux autres pays fédéraux, les recettes fiscales – qu’elles proviennent d'un partage des recettes fiscales ou de la fiscalité propre – ont contribué à hauteur de moins de 10 % aux recettes infranationales en 2016. Dans certains pays unitaires, les recettes fiscales ont représenté plus de 52 % des recettes fiscales locales en 2016 (ex. : France, Islande, Lettonie, Nouvelle Zélande et Suède). À l'opposé, les impôts ont représenté moins de 15 % des recettes locales en Turquie, aux Pays-Bas, en République slovaque et en Estonie.
La part des recettes fiscales ne reflète pas le degré d'autonomie budgétaire, qui dépend de nombreux facteurs – tels que le droit d'introduire ou de supprimer une taxe, de fixer les taux d'imposition, de définir l'assiette fiscale ou d'accorder des abattements ou des allègements fiscaux aux ménages et aux entreprises.
Les pays peuvent être regroupés en quatre familles en fonction du degré de décentralisation des dépenses et des recettes fiscales, indépendamment de la distinction entre pays fédéral et pays unitaire (tableau 2.1).
Tableau 2.1. Catégories de décentralisation budgétaire en fonction des dépenses et des recettes fiscales infranationales
Décentralisation des dépenses (en % du PIB et en % des dépenses publiques totales) |
Décentralisation des recettes fiscales (en % du PIB et en % des recettes publiques fiscales totales) |
||
---|---|---|---|
Dépenses très décentralisées |
Allemagne, Australie, Belgique, Canada, Danemark, Espagne, États-Unis, Finlande, Japon, Suède, Suisse |
Recettes fiscales élevées |
Allemagne, Canada, Danemark, Espagne, États-Unis, Finlande, Islande, Japon, Suède, Suisse |
Dépenses moyennement décentralisées |
Autriche, Colombie, Corée, Estonie, France, Islande, Italie, Lettonie, Mexique, Norvège, Pays-Bas, Pologne, République tchèque, Royaume-Uni, Slovénie |
Recettes fiscales moyennes |
Australie, Belgique, Colombie, Corée, République tchèque, France, Italie, Lettonie, Norvège, Pologne, Slovénie |
Dépenses peu décentralisées |
Chili, Grèce, Hongrie, Irlande, Israël, Luxembourg, Nouvelle-Zélande, Portugal, Slovaquie, Turquie |
Recettes fiscales faibles |
Autriche, Chili, Estonie, Grèce, Hongrie, Irlande, Israël, Luxembourg, Mexique, Nouvelle-Zélande, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni, Slovaquie, Turquie |
Sources : Allain-Dupré, D. . (2018[28]), Assigning Responsibilities Across Levels of Government: Trends, Challenges and Guiding Principles for Policy-makers, OCDE, Paris; OCDE (2017[29]), Subnational Governments in the OECD: Key Data, Brochure et Base de données, OCDE, Paris.
Tableau 2.2. Types de pays par degré de décentralisation selon les indicateurs budgétaires
Type 1 |
Dépenses très décentralisées et niveau élevé de recettes fiscales |
Allemagne, Australie, Belgique, Canada, Danemark, Espagne, États‑Unis, Finlande, Japon, Suède, Suisse |
Type 2 |
Dépenses moyennement décentralisées et niveau moyen de recettes fiscales |
Corée, France, Islande, Italie, Lettonie, Norvège, Pologne, République tchèque, Slovénie |
Type 3 |
Dépenses moyennement décentralisées et faible niveau de recettes fiscales |
Autriche, Estonie, Mexique, Pays-Bas, Royaume-Uni |
Type 4 |
Dépenses peu décentralisées et faible niveau de recettes fiscales |
Chile, Grèce, Hongrie, Irlande, Israël, Luxembourg, Nouvelle‑Zélande, Portugal, Slovaquie, Turquie |
Sources : Allain-Dupré, D. . (2018[28]), Assigning Responsibilities Across Levels of Government: Trends, Challenges and Guiding Principles for Policy-makers, OCDE, Paris ; OCDE (2017[29]), Subnational Governments in the OECD: Key Data, Brochure et Base de données, OCDE, Paris.
Les administrations infranationales au niveau mondial
Au niveau mondial, l'Observatoire mondial des finances et de l'investissement des collectivités territoriales né du partenariat entre l’OCDE et le CGLU a identifié environ 523 000 administrations infranationales dans 100 pays dans le monde entier qui représentent près de 6 milliards d’habitants, c'est-à-dire 82 % de la population mondiale et environ 88 % du PIB mondial. On observe une grande diversité dans les structures infranationales, qui peuvent avoir une incidence sur la manière dont les pays conçoivent et mettent en œuvre les réformes de décentralisation (graphique 2.14).
Au niveau mondial, les dépenses infranationales se sont élevées à 9 % du PIB et 24 % des dépenses publiques en 2013-2014 (OCDE-CGLU, 2016[2]). Le niveau des dépenses infranationales est inégal d'une région à l'autre, (graphique 2.15) et d'un pays à l'autre (graphique 2.16).
Les administrations infranationales apportent également une contribution très importante aux investissements publics (40 % en moyenne au niveau mondial, soit 1.5 % du PIB mondial). Ces chiffres démontrent qu'au niveau mondial, l'investissement public est une responsabilité partagée entre tous les échelons d’administration, rendant sa gouvernance particulièrement complexe. La Recommandation du Conseil de l'OCDE sur l'investissement public efficace entre niveaux de gouvernement, adoptée en 2014, reconnaît l’importance d'une meilleure gouvernance de l'investissement public. Cette recommandation est pertinente non seulement pour les pays de l'OCDE, mais partout dans le monde.
Attribution des responsabilités : des variations importantes au niveau régional, moindres au niveau local
L’attribution des responsabilités dépend de nombreux facteurs, notamment de la structure institutionnelle de chaque pays. Il est possible d'identifier certaines tendances communes en matière d’attribution des responsabilités (tableau 2.3). De manière générale, on observe plus d'écarts entre les pays dans la répartition des compétences au niveau régional qu’au niveau local (Allain-Dupré, 2018[28]). Contrairement aux collectivités locales, qui ont souvent une mission généraliste, il n'est pas rare que les niveaux intermédiaires soient déconcentrés, qu'ils soient dotés de deux exécutifs, ou qu'ils aient une autonomie limitée, notamment dans les pays unitaires. Dans certains pays, les entités locales ont également une vocation unique ou spécifique (ex. : conseils et agences chargés de l'éducation, de la santé et de l'assainissement, et sociétés publiques/privées de services aux collectivités).
Tableau 2.3. Répartition des responsabilités entre les niveaux d'administration locale : cadre général
Niveau municipal |
Niveau intermédiaire |
Niveau régional |
---|---|---|
Large éventail de responsabilités : ● Clause générale de compétence ● Autres attributions éventuelles conférées par la loi Services à la collectivité : ● Éducation (accueil des jeunes enfants (crèches, maternelles) et écoles primaires) ● Aménagement urbain ● Réseaux collectifs locaux (eau, assainissement, déchets, hygiène…) ● Réseau routier local et transports urbains ● Affaires sociales (aide aux familles et à l’enfance, aux personnes âgées, handicapées, en situation de pauvreté, prestations sociales…) ● Soins primaires et prévention ● Loisirs (sport) et culture ● Ordre public et sécurité (police municipale, brigades de pompiers) ● Développement économique local, tourisme, salons ● Environnement (espaces verts) ● Logement social ● Services administratifs et permis |
Responsabilités spécialisées et plus restreintes d’intérêt supramunicipal Rôle important d’assistance aux petites municipalités Exercice éventuel de responsabilités déléguées par les régions et l’administration centrale Responsabilités déterminées par le niveau fonctionnel et la zone géographique : ● Enseignement secondaire ou spécialisé ● Protection sociale et protection de la jeunesse à l’échelon supramunicipal ● Hôpitaux de soins secondaires ● Ramassage et traitement des déchets ● Routes secondaires et transports publics ● Environnement |
Responsabilités hétérogènes, plus ou moins larges en fonction des pays (notamment en fonction du statut fédéral ou unitaire du pays) Services d’intérêt régional : ● Enseignement secondaire/ supérieur et formation professionnelle ● Aménagement du territoire ● Développement économique régional et innovation ● Santé (soins secondaires et hôpitaux) ● Affaires sociales (ex. services de l’emploi, formation, inclusion, soutien à certains groupes) ● Routes régionales et transports publics ● Culture, patrimoine et tourisme ● Protection de l’environnement ● Logement social ● Ordre public et sécurité (ex. : police régionale, protection civile) ● Supervision des administrations infranationales dans les pays fédéraux) |
Source : OCDE (2017[30]), Making Decentralisation Work in Chile : Towards Stronger Municipalities, https://dx.doi.org/10.1787/9789264279049-en.
Dans de nombreux pays, le niveau municipal gère généralement les services collectifs. Les responsabilités des municipalités ne sont pas toujours définies de manière précise. Les réglementations font souvent référence à une clause générale de compétence ou au « principe de subsidiarité ». Ce principe donne explicitement aux autorités locales la liberté d'agir au mieux des intérêts de leurs administrés au niveau local. Il est alors rare que les lois limitent ou précisent les compétences locales. Elles énumèrent plutôt les fonctions générales, à moins qu'une responsabilité particulière ne soit dévolue par la loi à un autre niveau d'administration.
Dans les systèmes à deux niveaux d’administration infranationale, le niveau régional assure généralement les services d'intérêt régional car son périmètre d’action est plus vaste. Ces services bénéficient d'économies d'échelle, produisent des retombées, ont un effet redistributif et sont conditionnés par l’application homogène des normes dans la région toute entière. Le niveau régional peut également favoriser la coopération et la formulation d'un plan stratégique.
Dans les systèmes à trois niveaux, la répartition peut s'avérer complexe, donnant parfois lieu à un phénomène de doublons, de chevauchements et à des difficultés de coordination. Depuis quelques décennies, cependant, le niveau intermédiaire a perdu une grande partie de ses compétences et de ses responsabilités en faveur des régions, qui ont gagné en importance. Dans la majorité des pays, les niveaux intermédiaires sont désormais principalement responsables des tâches administratives et déléguées, ils disposent de budgets limités et n'ont généralement qu’un pouvoir fiscal limité, voire nul.
Il importe d'opérer la distinction entre les compétences et les fonctions. Pour chaque domaine de responsabilité, différentes fonctions clés peuvent être distinguées : la réglementation, l'exploitation, le financement et la communication d’informations. En ce qui concerne la fonction de financement, une autre distinction peut être opérée entre les dépenses courantes et les investissements. Au sein de l'OCDE, la santé, l'éducation, la protection sociale et le maintien de l'ordre public sont en grande partie financés par les autorités infranationales, les administrations infranationales étant chargées de rémunérer le personnel soignant, les enseignants, les travailleurs sociaux et les agents de police ou de fournir les prestations sociales pour le compte de l'administration centrale. Souvent, les administrations infranationales agissent en tant qu’« agent payeurs », accomplissant ces fonctions déléguées sans véritable pouvoir de décision ou marge de manœuvre, et ces responsabilités en matière de dépenses peuvent fortement peser sur leur budget.
Le plus souvent, les responsabilités ne font pas l'objet d'une répartition bien distincte et sont partagées entre tous les échelons d’administration. De fait, la tendance au partage des responsabilités s'est accentuée au cours des dernières décennies (cf. chapitre 3). Or, les administrations infranationales sont soumises aux cadres législatifs nationaux, et il est donc rare qu'elles disposent de compétences véritablement exclusives, même dans les pays fédéraux. Les compétences sont partagées soit en vertu d’une disposition législative explicite, soit par l’attribution de domaines d’action résiduels. La nécessité de partager les responsabilités peut être due à des raisons fonctionnelles — ce qui est courant entre les niveaux municipal et régional dans les domaines des transports et des infrastructures, de l'environnement et de l'eau, de la culture et du tourisme, de la communication, ou du développement économique. Elle peut également être liée à des facteurs financiers, comme c'est le cas pour les services sociaux. Cette dépendance mutuelle nécessite une répartition claire des fonctions, une bonne compréhension des responsabilités de l'ensemble des parties, et des mécanismes de coordination bien développés (cf. chapitre 5).
Références
[28] Allain-Dupré, D. (2018), Assigning Responsibilities Across Levels of Government: Trends, Challenges and Guiding Principles for Policy-makers, OCDE, Paris.
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[6] Devas, N. et S. Delay (2006), « Local democracy and the challenges of decentralising the state: An international perspective », Local Government Studies, vol. 32/5, pp. 677-695, http://dx.doi.org/10.1080/03003930600896293.
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[10] Oates, W. (1999), « An essay on fiscal federalism », Journal of Economic Literature, vol. 37/3, pp. 1120-1149, http://links.jstor.org/sici?sici=0022-0515%28199909%2937%3A3%3C1120%3AAEOFF%3E2.0.CO%3B2-A.
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[4] OCDE (2018), Practical Methodological Guide for the World Observatory on Subnational Government Finance and Investment, OECD, Paris.
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[29] OCDE (2017), Subnational Governments in the OECD: Key Data, Brochure et Base de données, OCDE, Paris.
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[15] OCDE (2008), OECD Territorial Reviews: Cape Town, South Africa 2008, OECD Territorial Reviews, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264049642-en.
[2] OCDE-CGLU (2016), Subnational Governments Around the World: Structure and Finance, http://www.oecd.org/fr/regional/politique-regionale/sngs-around-the-world.htm.
[18] Olowu, D. (2003), « Local institutional and political structures and processes: Recent experience in Africa », Public Administration and Development, vol. 23, pp. 41–52.
[23] Ostrom, E. (2010), Beyond Markets and States: Polycentric Governance of Complex Economic Systems, American Economic Association, https://www.jstor.org/stable/27871226.
[3] PNUD (1999), « Decentralization: a sampling of definitions », Working paper prepared in connection with the Joint UNDP-Government of Germany.
[11] Rondinelli, D., J. Nellis and G. Shabbir Gheema (1983), decentralising in Developing Countries: a Review of recent experience, World Bank.
[11] Shah, A. (2017), Horizontal Fiscal Equalization in Australia: Peering Inside the Black Box, http://dx.doi.org/10.13140/RG.2.2.29867.54564.
[21] Shah, A. et T. Thompson (2004), Implementing Decentralized Local Governance: A Treacherous Road with Potholes, Detours and Road Closures, http://dx.doi.org/10.1596/1813-9450-3353.
[19] Sharma, C. (2018), « Emerging dimensions of decentralization debate in the age of glocalization », Kurukshetra University, Kurukshetra, Haryana, Inde, http://mpra.ub.uni-muenchen.de/6734/.
[7] U.S. Census Bureau (2012), The Economics and Statistics Administration of the U.S. Individual State Descriptions: 2012, Department of Commerce, https://www2.census.gov/govs/cog/2012isd.pdf.
Notes
← 1. Voir Ivanyna et Shah (2014[8]) ; l'indice de décentralisation institutionnelle de Arzaghi et Henderson (2005) ; les niveaux de décentralisation politique de Brancati (2008) ; l'indice du fédéralisme de Lijphart (1999) ; la décentralisation de la prise de décision de Treisman (2002) ; l'indice d'autonomie de Woldendorp, Keman, et Budge (2000).
← 2. Sauf dans le cas particulier des capitales qui relèvent du niveau régional, l'IAR ne codifie pas la gouvernance municipale. Il n'évalue pas non plus l'usage que font les unités territoriales de leur autorité, mais s'intéresse aux accords formels de gouvernance multiniveaux.