La décentralisation donne souvent lieu à des débats passionnés entre les tenants de cette démarche, qui mettent en avant ses avantages, et ses opposants, qui en soulignent les inconvénients. Plusieurs décennies de mise en œuvre concrète ont heureusement permis d’accumuler une masse non négligeable d’informations sur les effets de la décentralisation. Ce chapitre examine les avantages et les défis de la décentralisation en s’appuyant sur les meilleures informations disponibles sur les résultats des recherches et sur les politiques publiques appliquées sur le terrain dans divers pays de l’OCDE. Après une brève introduction, il s’attacher à décrire des avantages et des possibilités qu’offre la décentralisation, avant d’en examiner les risques et les défis. Les aspects positifs et négatifs seront examinés sous l’angle économique, administratif et politique. On trouvera à la fin du chapitre une conclusion et un tableau récapitulant les principaux effets évoqués.
Réussir la décentralisation
Chapitre 4. Avantages et défis associés à la décentralisation
Abstract
Les données statistiques concernant Israël sont fournies par et sous la responsabilité des autorités israéliennes compétentes. L’utilisation de ces données par l’OCDE est sans préjudice du statut des hauteurs du Golan, de Jérusalem Est et des colonies de peuplement israéliennes en Cisjordanie aux termes du droit international.
Comme l’ont indiqué les chapitres 1 et 2, la décentralisation progresse un peu partout dans le monde (Hooghe et al., 2016[1]). En outre, les pratiques de divers pays montrent que la mise en œuvre de la décentralisation évolue à mesure que de nouveaux défis commencent à émerger. En témoignent, par exemple, les tendances de l’urbanisation et de la régionalisation. Par ailleurs, la crise économique qui a éclaté en 2008 et les mesures d’austérité et d’assainissement qui ont suivi ont eu de multiples répercussions sur le processus de décentralisation budgétaire. Ce chapitre examine brièvement les avantages de la décentralisation et les défis qu’elle soulève, et présente les résultats de quelques travaux empiriques récents consacrés à cette question.
Au fil des dernières décennies, des pays divers ont accumulé une solide expérience pratique en matière de réforme de décentralisation, dont les effets sont débattus par les chercheurs et les spécialistes du terrain. L’un des aspects majeurs de ces débats concerne l’incidence de la décentralisation sur la croissance économique et le bien-être. Bien que les statistiques nationales ne permettent pas de tirer des conclusions strictement causales, des données recueillies au cours des années récentes montrent que la compétence budgétaire des administrations infranationales peut être positivement associée à l’activité économique (Blöchliger, 2013[2]). Plus spécifiquement, des indicateurs tels que le PIB, les investissements publics en capital physique et humain et les résultats en matière d’éducation sont corrélés positivement avec la décentralisation. La décentralisation des recettes est plus étroitement associée à la hausse des revenus que ne l’est la décentralisation des dépenses (Blöchliger, 2013[2]). En outre, des exemples et des travaux de recherche portant sur différents pays montrent que la décentralisation peut stimuler l’efficience du secteur public et favoriser la démocratisation et la stabilité politique (Faguet, 2014[3] ; Ivanyna et Shah, 2014[4]). Cependant, ces effets dépendent fortement de la façon dont la décentralisation est conçue et mise en œuvre. Il convient de souligner que la réforme de décentralisation est toujours, in fine, un choix politique. Ce type de réforme devrait toujours s’inscrire dans le cadre d’un processus de réforme politique plus large, pour s’assurer que le pouvoir judiciaire, la fonction publique et les dispositifs réglementaires auront les capacités requises pour gérer les éventuels changements associés à la décentralisation.
La gouvernance multiniveau a donné lieu à un abondant corpus de théories économiques et de recherches empiriques. Les théories économiques du fédéralisme budgétaire dites de « première génération », élaborées dans les années 1950 et 1960, soulignaient les avantages de la décentralisation. Cette vision optimiste de la décentralisation était justifiée par la bienveillance supposée des prises de décision publiques ou, de façon peut être plus réaliste, par les effets positifs des pressions électorales rendues possibles par les régimes politiques démocratiques (Ahmad et Brosio, 2006[5] ; Oates, 2005[6]). Bon nombre de réformes de décentralisation engagées dans les années 1970, 1980 et 1990 ont été inspirées par les principes initiaux du fédéralisme budgétaire. Une autre motivation importante de la décentralisation était la volonté de faire avancer les processus de démocratisation. Les théories du fédéralisme budgétaire de « deuxième génération », qui ont commencé à émerger à la fin des années 1990, ont, pour l’essentiel, assoupli les hypothèses sur lesquelles reposaient les recherches antérieures. Les recherches sur les choix publics et l’économie politique donnent une vision plus critique et nuancée de la décentralisation, par exemple en admettant que les prises de décision publiques peuvent être motivées par l’intérêt personnel (Weingast, 2014[7] ; Lockwood, 2002[8]). La littérature de deuxième génération préconise de compléter les théories de première génération par des notions d’économie politique, de manière à rendre rigoureusement compte des avantages de la décentralisation en termes d’appariement en fonction des préférences et de responsabilisation (Oates, 2008[9]). Un autre pan important de la deuxième génération d’études sur le fédéralisme budgétaire trouve son origine dans les crises des finances publiques qu’ont provoquées les comportements budgétaires des administrations intergouvernementales de certains pays d’Amérique latine et d’Europe. Cette génération insiste sur les dangers inhérents aux réformes de décentralisation impartiales ou mal équilibrées et examine les conditions dans lesquelles les pays décentralisés peuvent garantir la discipline budgétaire (Rodden, Eskeland et Litvack, 2003[10]). Par ailleurs, les recherches sur le développement régional ont étudié les liens entre décentralisation et développement régional et les effets de la décentralisation sur les disparités entre régions (Ezcurra et Rodríguez-Pose, 2013[11] ; Tselios et al., 2012[12]).
Si de nombreux pays se considèrent comme étant décentralisés, la réalité peut être tout autre. Le degré de décentralisation observé peut varier dans une mesure considérable en fonction de l’indicateur de décentralisation utilisé (Hatfield, 2015[13]). La façon dont la décentralisation est conçue et mise en œuvre a un impact majeur sur ses résultats. Par exemple, de nombreux chercheurs font valoir qu’une « décentralisation partielle » peut produire des effets inattendus et entraîner une perte d’avantages potentiels. Un exemple typique de décentralisation partielle est une situation dans laquelle les fonctions de dépenses sont en grande partie déléguées aux exécutifs infranationaux, alors que les recettes infranationales propres demeurent très limitées. Il faut également savoir que la décentralisation des dépenses ou des recettes ne peut pas assurer ou garantir à elle seule la concrétisation de l’ensemble des avantages potentiels de la décentralisation. Pour que la décentralisation budgétaire porte ses fruits, d’autres conditions sont requises : les capacités des administrations infranationales doivent être suffisantes, les processus de décision publique locale transparents, et la gouvernance globale de bonne qualité (OCDE, 2013[14] ; Allain-Dupré, 2018[15] ; Kim et Dougherty, 2018[16] ; OCDE, 2017[17]).
Les avantages et défis associés à la décentralisation peuvent être directs ou indirects. Les effets directs comprennent les changements de niveaux de service, de la qualité et de l’efficience des services publics. Les effets indirects de la décentralisation, qui comprennent par exemple les retombées sur la croissance économique ou la stabilité sociale, découlent des résultats directs de la décentralisation, tels que l’élévation du niveau d’études ou le renforcement de la participation aux prises de décision politiques. Ces effets indirects étant influencés par différents facteurs, il est plus difficile, dans leur cas, de dissocier le rôle de la décentralisation de celui d’autres tendances et politiques.
Possibilités et avantages
L’essor des réformes de décentralisation a été motivé par une série de facteurs économiques, politiques et autres, qui sont très variables d’un pays à l’autre (voir chapitre 2). Dans certains pays, par exemple, la décentralisation a été engagée en réaction à l’extrême centralisation, voire aux tendances autocratiques, qui avaient cours par le passé (Hooghe et al., 2016[1]). Dans leur cas, la décentralisation a été un moyen de s’assurer que le processus de démocratisation ne serait pas remis en cause. Dans d’autres pays, la décentralisation est allée de pair avec la réforme du secteur public et visait notamment à rendre les services publics plus efficients, afin de juguler la croissance des dépenses publiques. Quant aux autres motivations, la décentralisation est souvent perçue comme porteuse d’un certain nombre d’effets positifs – responsabilisation et amélioration de la transparence de la gouvernance publique, baisse de la corruption, renforcement de la participation politique et innovation sur le plan des politiques. Ces avantages sont examinés plus en détail dans les paragraphes qui suivent.
Avantages économiques
La décentralisation peut faciliter la mise en place de services adaptés aux besoins locaux
L’avantage direct le plus important de la décentralisation réside peut-être dans les gains d’efficacité d’allocation qui découlent de la fourniture de services publics locaux. Les administrations infranationales détiennent généralement des informations précieuses sur les besoins et contextes locaux, qui leur permettent d’adapter au mieux la fourniture des services publics aux besoins des résidents. Les choix décentralisés offrent la possibilité d’améliorer le bien-être économique en adaptant la fourniture des services aux préférences hétérogènes de groupes de population plus restreints (Wallis et Oates, 1988[18]). Obtenir de telles informations serait coûteux pour l’administration centrale, qui est donc encline à fournir un niveau de prestations publiques uniforme dans l’ensemble des juridictions. En cas de préférences hétérogènes et de biens publics locaux, les exécutifs infranationaux parviennent à de biens meilleurs résultats que le pouvoir central sur le plan de l’allocation des ressources publiques (Oates, 2005[6]).
Il est important de noter que c’est pour les « services publics locaux » – définis comme un ensemble de tâches publiques qui produisent des avantages sur une zone géographiquement limitée – que la fourniture des services à l’échelon infranational engendre les gains d’efficacité d’allocation les plus élevés1. Dans l’idéal, ces « zones d’avantage » devraient coïncider avec les frontières administratives des collectivités locales. Les services publics qui produisent d’importantes externalités ou d’importantes économies d’échelle se prêtent moins à une fourniture localisée, même si des retombées positives restent possibles sur le plan de l’efficacité d’allocation. Dans le cas des services redistributifs, tels que l’éducation et les soins de santé, une coordination est généralement assurée à un échelon administratif plus élevé (encadré 4.1).
Encadré 4.1. Attribution des tâches d’allocation, de redistribution et de stabilisation : les principes du fédéralisme budgétaire
Les études traditionnelles sur le fédéralisme budgétaire répartissent les tâches publiques en trois grandes catégories : allocation, redistribution et stabilisation (Musgrave et Musgrave, 1980[19]). En vertu de cette classification, la fonction d’allocation – c’est-à-dire la fourniture des services publics – peut relever de la compétence de l’administration centrale ou des administrations infranationales. L’exercice centralisé de la fonction d’allocation est surtout indiqué pour les services qui ne présentent pas d’intérêt local particulier. A contrario, la délégation de cette fonction à l’échelon infranational se justifie lorsque les biens ou services procurent des avantages géographiquement limités. De plus, en vertu du « théorème de la décentralisation » (Oates, 1972[20]), l’échelon infranational est celui qui se prête le mieux à la fourniture des services et des biens, à moins que le pouvoir central ne bénéficie d’un avantage manifeste en la matière. Ce peut être le cas, par exemple, si la fourniture permet de dégager des économies d’échelle considérables.
D’après la classification de Musgrave, la redistribution et la stabilisation sont des fonctions qui relèvent essentiellement de la compétence du pouvoir central. Plus particulièrement, celui-ci apparaît comme le mieux placé pour conduire la politique monétaire et budgétaire (Musgrave et Musgrave, 1980[19]). Il est par ailleurs largement admis que la fonction de redistribution devrait échoir principalement à l’administration centrale, plus apte à redistribuer le revenu des plus riches aux plus pauvres et à établir des normes minimales de services publics valables pour l’ensemble des régions (King, 1984[21]).
En règle générale, on considère que les « biens locaux purs », tels que les infrastructures locales (éclairage public, routes locales), l’assainissement, l’aménagement du territoire ou l’enseignement de base, doivent être fournis de préférence par les administrations infranationales. Il n’est pas rare toutefois que les collectivités territoriales participent, au moins dans une certaine mesure, à la fourniture de services présentant une composante redistributive. Dans certains pays comme les pays nordiques, même les services de santé, d’éducation et de protection sociale ont été délégués du pouvoir central aux administrations infranationales. Lorsque la redistribution est décentralisée, l’État demeure généralement responsable de la coordination et doit veiller à l’équité territoriale des citoyens. Ces fonctions peuvent être assurées par exemple au moyen de transferts de l’administration centrale vers les administrations infranationales, de réglementations normatives (normes minimales) ou d’une combinaison des deux méthodes.
Sources : Boadway, R. et J. Tremblay (2012[22]), « Reassessment of the Tiebout model », http://dx.doi.org/10.1016/j.jpubeco.2011.01.002 ; Musgrave, R. et P. Musgrave (1980[19]), Public Finance in Theory and Practice, McGraw Hill Kogahusha ; Tiebout, C. (1956[23]), A Pure Theory of Local Expenditures, http://www.jstor.org/stable/1826343Accessed:28/07/200805:58 ; Oates, W. (1972[20]), Fiscal Federalism, Harcourt Brace Jovanovich, New York ; King, D. (1984[21]), Fiscal Tiers: The Economics of Multi‑level Government, Allen & Unwin.; Allain‑Dupré, D. (2018[15]), « Assigning responsibilities across levels of government: Trends, challenges and guiding principles for policy-makers », OCDE, Paris.
La décentralisation peut rendre la fourniture des services publics plus efficiente
A contrario d’une structure centralisée, la décentralisation contribue à une responsabilisation accrue dans la mesure où elle modifie les incitations adressées aux autorités qui délivrent les services aux populations locales. Dans un modèle décentralisé, les élus locaux doivent rendre des comptes aux résidents qui financent et consomment les services. Dans un système de fourniture centralisée des services publics, les administrateurs rendent compte non pas à la population locale mais à leurs supérieurs de l’administration centrale. La décentralisation inverse la chaîne de responsabilités, qui de « descendante » devient « ascendante », et a donc une incidence sur les motivations de l’ensemble des parties prenantes.
La décentralisation permet d’instaurer de multiples formes de concurrence politique et budgétaire, qui peuvent à leur tour améliorer l’efficience. D’un point de vue politique, elle augmente le nombre d’enceintes politiques, d’où une baisse des coûts d’entrée pour les nouveaux candidats politiques. Cette multiplication des forums politiques offre aux citoyens-électeurs un choix plus large dans les processus électoraux. Aussi les électeurs sont-ils mieux à même d’exprimer leurs préférences en matière de fourniture de services et d’informer les responsables politiques des problèmes rencontrés à l’échelon local.
Les élections locales et nationales sont le principal mécanisme par lequel les citoyens peuvent peser sur les politiques et faire entendre leur voix. Il est cependant important qu’ils aient accès à d’autres formes de participation citoyenne (Inman et Rubinfeld, 1997[24]) – par exemple, participation à des enquêtes, des réunions municipales ou des référendums locaux, ou participation directe à la fourniture des services (Azfar et al., 1999[25]).
Une mobilisation et un engagement accrus peuvent faciliter l’appropriation locale des programmes publics. En outre, le renforcement de la participation citoyenne générale peut contribuer à intensifier la concurrence politique non seulement à l’échelon local mais aussi lors des scrutins nationaux. Cette concurrence peut, à son tour, contribuer à l’amélioration générale des politiques et rendre la mise en œuvre des programmes publics plus efficiente.
La décentralisation peut stimuler la concurrence non seulement au sein des juridictions locales, mais aussi entre les juridictions. Le mécanisme qui sous-tend cet effet est le départ des contribuables dans une autre juridiction – ou la menace de leur départ. Plus les exécutifs infranationaux sont tributaires des recettes fondées sur des ressources mobiles, plus les collectivités risquent d’être en concurrence. Ce cas de figure est illustré par le modèle traditionnel de gouvernement décentralisé dit du « vote avec les pieds » (Tiebout, 1956[23]). Bien qu’en réalité, la mobilité des ménages et des entreprises soit loin d’être parfaite, la crainte de voir partir des contribuables exerce une pression supplémentaire sur les élus locaux, qui doivent donc s’employer à fournir des services adaptés aux besoins locaux tout en maintenant la charge fiscale à un niveau compétitif (Oates, 2005[6]). Globalement, cette forme de concurrence améliore l’adéquation entre services fournis et préférences locales, d’où une allocation plus efficace des ressources (encadré 4.2).
Encadré 4.2. Le modèle de Tiebout et la mobilité
Le célèbre article de Charles Tiebout « Une théorie pure des dépenses locales » (1956[23]) est l’une des toutes premières contributions à la théorie moderne du fédéralisme budgétaire et de la décentralisation. Ce modèle ne prétendait pas proposer une description théorique complète du gouvernement décentralisé. L’idée était plutôt de montrer de quelle manière les électeurs peuvent révéler leurs préférences en matière de services publics non pas par la « prise de parole » (« voice ») mais pas la « défection » (« exit »). Cependant, la notion de « vote avec les pieds » du modèle de Tiebout a ensuite été largement reprise comme hypothèse théorique dans les travaux de modélisation de la décentralisation.
Dans le modèle de Tiebout, la mobilité parfaite des ménages conduit à une répartition optimale des ménages entre les localités. Musgrave et Musgrave ont décrit les collectivités concurrentes de Tiebout en ces termes : « Les personnes qui aiment le sport choisiront d’habiter avec d’autres qui, comme elles, veulent bien financer des terrains de sports. Celles qui aiment la musique se regrouperont avec d’autres pour financer la construction d’une salle de concerts, et ainsi de suite. Chaque collectivité agira selon ses propres préférences, et tout le monde sera content ».
Les hypothèses qui sous-tendent le modèle de Tiebout sont strictes. Outre la mobilité parfaite des ménages, le modèle présuppose l’offre de biens publics locaux, un nombre endogène de collectivités et la taxation des avantages. Le modèle ne comporte qu’un niveau d’administration et ne prévoit aucun mécanisme de transfert.
Depuis la publication de l’article de Tiebout, la théorie du fédéralisme budgétaire a continuellement progressé, et bon nombre des hypothèses strictes du modèle initial ont été assouplies. Comme l’observent Broadway et Tremblay, le fédéralisme budgétaire doit en réalité s’envisager dans un monde qui comporte plusieurs niveaux d’administration autonomes. La mobilité des ménages est loin d’être parfaite, ce qui affaiblit les effets de la concurrence entre les collectivités. Les tâches prises en charge à l’échelon infranational sont sans doute moins hétérogènes que ne le supposait le modèle de Tiebout, dans la mesure où les autorités des États fédérés, des régions et des municipalités sont fréquemment amenées à fournir des services que leur a délégués le pouvoir central.
Pour Oates, les gains issus de la décentralisation budgétaire ne dépendent pas de la mobilité des ménages. La décentralisation peut générer des gains de bien-être même sans mobilité, dans la mesure où les administrations infranationales peuvent adapter les services aux demandes et à la situation locales. Cependant, la mobilité, si elle est mise en pratique, devrait renforcer les avantages attendus de la décentralisation.
Sources : Tiebout, C. (1956[23]), A Pure Theory of Local Expenditures, http://www.jstor.org/stable/1826343Accessed:28/07/200805:58 ; Boadway, R. et J. Tremblay (2012[22]), « Reassessment of the Tiebout model », http://dx.doi.org/10.1016/j.jpubeco.2011.01.002 ; Musgrave, R. et P. Musgrave (1980[19]), Public Finance in Theory and Practice, McGraw Hill Kogahusha ; Oates, W. (2008), « On the evolution of fiscal federalism: Theory and institutions », National Tax Journal, vol. LXI/2.
La « concurrence par comparaison » est une forme de concurrence qui ne fait pas intervenir la mobilité. Elle se produit quand les électeurs peuvent comparer les niveaux d’imposition et de qualité des services dans leur collectivité et les collectivités voisines. Si les électeurs constatent que le rapport services-charge fiscale est meilleur dans les collectivités voisines (ou dans d’autres localités comparables), ils pourront alors sanctionner leurs représentants élus en ne leur accordant pas leur suffrage aux élections locales suivantes. La concurrence par comparaison peut engendrer des gains d’efficience si les électeurs sont capables d’identifier véritablement et de réélire les « bons » responsables politiques et d’écarter les « mauvais » (Ahmad et Brosio, 2006[5]). La publication d’informations librement accessibles sur les résultats peut faciliter ce type d’évaluation comparative. (Weingast, 2014[7] ; Faguet, 2014[3]).
Ces mécanismes de responsabilité élémentaires seront plus efficaces si les résidents sont fortement incités à évaluer l’efficacité de leur administration locale. Cette motivation dépend essentiellement du mode de financement des services publics locaux et des informations disponibles sur la qualité des services fournis. Si une part considérable des services locaux est financée par les impôts locaux, les résidents seront d’autant plus attentifs aux performances de leur administration.
La décentralisation peut stimuler la croissance économique
Plusieurs travaux théoriques et empiriques ont étudié les liens entre croissance et décentralisation. Les recherches théoriques sur cette question peuvent être classées en trois grandes catégories, selon l’aspect qu’elles mettent en exergue : renforcement de la concurrence, amélioration de l’appariement selon les préférences et responsabilisation accrue (Hatfield, 2015[13]). Même si les résultats des travaux théoriques ne sont pas tous concordants, la conclusion générale est que la décentralisation peut stimuler la croissance à condition d’être judicieusement conçue et mise en œuvre (OCDE, 2016[26]), et notamment si la concurrence entre collectivités s’exerce d’une manière qui encourage l’efficience, la responsabilisation et l’appariement selon les préférences à l’échelon infranational.
Il existe un abondant corpus de recherches empiriques sur les effets de la décentralisation sur la croissance (Hatfield, 2015[13]). Une grande partie de ces travaux a consisté à faire régresser une mesure de la croissance économique sur des mesures de la décentralisation telles que la part des recettes locales ou la part des dépenses locales, en s’appuyant sur des données internationales. Par exemple, des analyses récentes de données provenant de pays de l’OCDE montrent que la compétence budgétaire des administrations infranationales est associée positivement à l’activité économique (Blöchliger, 2013[2] ; OCDE, 2016[26]). D’après l’étude, cette impulsion positive semble provenir de l’amélioration combinée de la productivité et du capital humain. Ainsi la décentralisation peut-elle améliorer l’efficience et la productivité du secteur public et, par effet d’entraînement, contribuer à accroître la productivité du secteur privé. Elle peut également déboucher sur une hausse des investissements dans l’éducation et un renforcement du capital humain, qui sont deux facteurs importants de la croissance économique (Blöchliger, Égert et Fredriksen, 2013[27]).
La part des investissements en capital physique et humain dans les dépenses des administrations publiques est sensiblement plus élevée dans les pays plus décentralisés. On estime qu’en moyenne, une augmentation de 10 points de pourcentage de la décentralisation induit une augmentation de la part des investissements dans les dépenses totales des administrations publiques de 3 % à 4 % (Blöchliger, Égert et Fredriksen, 2013[27]). La relation est plus étroite pour les investissements en capital humain que pour les investissements en capital physique, et pour la décentralisation des recettes que pour la décentralisation des dépenses.
Les résultats de recherches récentes donnent à penser que la décentralisation des recettes, en particulier, est liée à la croissance (Blöchliger, 2013[2] ; OCDE, 2016[26]). Le lien entre décentralisation des dépenses et croissance économique semble moins net. Ce résultat empirique pourrait s’expliquer par le fait que la part des recettes infranationales reflète mieux le degré de véritable autonomie budgétaire que la part des dépenses infranationales, qui peuvent être en grande partie imposées ou réglementées par le pouvoir central (Blöchliger, 2013[2]).
Le deuxième groupe d’études examine l’effet des variations de la part des recettes et des dépenses publiques locales entre provinces ou entre États fédérés sur les résultats dans un pays donné. Le troisième groupe de travaux empiriques se concentre sur les effets de la concurrence entre collectivités, en utilisant le nombre de collectivités au sein d’une unité géographique donnée comme mesure de la concurrence. Les résultats des études empiriques des deuxième et troisième groupes sont mitigés. En outre, la relation endogène qui peut exister entre croissance et décentralisation ne permet pas de tirer des conclusions causales. Cela étant, sur l’ensemble de ces études empiriques, un constat général semble émerger parmi les autres : il est important qu’une quantité minimum d’impôts soit prélevée à l’échelon local pour que la décentralisation budgétaire contribue à la croissance économique (Weingast, 2014[7] ; Hatfield, 2015[13] ; Ivanyna et Shah, 2014[4] ; Blöchliger, 2013[2]). S’il est à l’évidence difficile de définir une règle générale concernant le degré d’autonomie fiscale optimal, on s’accorde souvent à reconnaître que les autorités locales devraient compter sur leurs propres recettes pour financer leurs services à la marge. Ce principe contribue à garantir que si une autorité décide d’étendre un programme public, les surcoûts induits seront bien pris en compte (Oates, 2008[9]).
La décentralisation peut contribuer à atténuer les disparités régionales
Des données empiriques récentes indiquent que la décentralisation des recettes pourrait être associée à une diminution des disparités économiques régionales (Bartolini, Stossberg et Blöchliger, 2016[28]). La raison en est que la production de recettes propres pourrait stimuler la croissance en particulier dans les régions les plus pauvres, et favoriser ainsi leur convergence vers les régions les plus performantes (Blöchliger, Bartolini et Stossberg, 2016[29]) (graphique 4.1). Dans certains pays comme le Mexique, la décentralisation est motivée par la volonté de réduire la pauvreté et les disparités territoriales (Faguet, 2014[3]).
Il a été établi qu’une part élevée des transferts intergouvernementaux dans le total des recettes publiques infranationales était corrélée avec les disparités de PIB régional par habitant. Il semble donc que l’autonomie budgétaire et le recours à des ressources propres aident davantage les régions en rattrapage que celles qui se situent au-dessus de la moyenne nationale (Blöchliger, Bartolini et Stossberg, 2016[29]). Ce résultat est corroboré par une étude récente de Tselios et al., de laquelle il ressort que la décentralisation est associée positivement à une réduction des inégalités interpersonnelles à l’échelon régional. Cette relation semble s’affaiblir à mesure que le revenu global augmente (Tselios et al., 2012[12]). Pour autant, ces résultats ne signifient pas nécessairement qu’il existe une relation causale entre la décentralisation et les disparités régionales (encadré 4.3). Il est assurément nécessaire d’approfondir les recherches sur cette question.
Si les incitations adressées aux exécutifs infranationaux pour qu’ils génèrent leurs propres recettes sont utiles aux politiques régionales de croissance, bon nombre d’entre eux ont besoin de transferts financiers massifs du pouvoir central pour assurer les services dont ils ont la charge (Shah, 2017[30]). En conséquence, les systèmes de transferts sont fréquemment conçus de manière à aplanir les différences de coûts et les différences des bases de recettes. Des systèmes de péréquation bien conçus peuvent contribuer à assurer un niveau d’homogénéité raisonnable des services publics et des charges fiscales correspondantes. Dans le meilleur des cas, la péréquation peut contribuer à la croissance économique en instaurant des règles du jeu plus équitables, qui facilitent les flux inter-régionaux de travailleurs et d’entreprises motivés par des incitations économiques et retardent les flux qui ne répondent qu’à des considérations fiscales. Les transferts de péréquation soutiennent les objectifs nationaux et des États fédérés en établissant une union économique et sociale commune.
Encadré 4.3. Quelques données internationales sur les liens entre décentralisation et développement
L’étude OCDE-CGLU de 2016 montre qu’au niveau mondial, les pays les plus riches ont tendance à être plus décentralisés. La corrélation entre le PIB par habitant (mesuré en USD à PPA) et le niveau de décentralisation des dépenses (mesuré par la part dans le PIB) est encore une fois positive (graphique 4.2).
La décentralisation peut être un levier pour le développement régional
La décentralisation présente un autre avantage potentiel ; la possibilité d’améliorer les politiques de développement régional (Morgan, 2006[32]). Pour mobiliser le potentiel de rattrapage de productivité régional et faire en sorte que la croissance et la productivité soient mieux équilibrées et plus inclusives sur l’ensemble du territoire, il est donc nécessaire de disposer d’un système de gouvernance multiniveaux efficient – c’est-à-dire un système qui confère un rôle accru aux autorités infranationales, et plus particulièrement aux régions, capables de concevoir et mettre en œuvre des interventions adaptées au contexte (OCDE, 2017[33]).
Le lien entre décentralisation et développement régional pourrait expliquer au moins en partie pourquoi le processus de régionalisation a été aussi poussé dans les pays d’Europe centrale et orientale qui souhaitaient devenir membres de l’UE. Bien que l’UE ne leur ait préconisé aucun modèle de gouvernance décentralisée particulier, la perspective d’entrer dans l’Union a incité plusieurs pays à créer des régions autonomes, afin de pouvoir bénéficier des fonds de développement régional communautaires.
Le développement régional a également été un puissant moteur des premières réformes de décentralisation menées au Japon, qui voulait en particulier remédier à la concentration démographique excessive à Tokyo. Pour de nombreux observateurs, la création de nouvelles régions s’accompagnait d’une nécessité de corriger les disparités interrégionales, de donner aux acteurs régionaux et locaux les moyens de mettre en œuvre des politiques de développement régional adaptées aux nouvelles réalités économiques (les zones fonctionnelles préfectorales étant devenues caduques), et de réaliser des économies d’échelle dans le domaine des infrastructures et des services (OCDE, 2017[17] ; OCDE, 2016[34]). Au Chili, le processus de régionalisation, qui s’est traduit par la création de régions autonomes dirigées par des gouverneurs directement élus, était lié à la nécessité de corriger les disparités régionales (OCDE, 2017[33]). Dans ce pays, « l’hyper-centralisation » est allée de pair avec une « hyper-concentration » de la population, des ressources et des pouvoirs dans la région métropolitaine de Santiago. En Corée, la correction des déséquilibres régionaux entre Séoul et les régions voisines est également un objectif clé du programme de décentralisation lancé en 2017-2018 (annexe 3).
Avantages politiques
La décentralisation peut renforcer la participation des citoyens dans les affaires publiques
La décentralisation peut soutenir et étendre la participation citoyenne en rapprochant les autorités publiques des citoyens et en rendant les instances gouvernementales plus accessibles. La participation citoyenne est une condition essentielle du succès de la décentralisation. Un taux de participation élevé aux élections locales contribue à garantir l’adéquation entre les dépenses et les préférences des résidents. L’engagement actif des citoyens favorise également la responsabilisation dans les prises de décisions publiques locales.
La participation politique a été une motivation importante pour un grand nombre de réformes de décentralisation. Ce fut le cas notamment dans beaucoup d’anciens pays communistes, tels la Pologne (OCDE, 2009[35] ; Regulski et Drozda, 2015[36]), et dans de nombreux pays en développement (par exemple la Bolivie, le Cambodge, l’Ouganda et le Pérou) (Faguet, 2014[3]). Des données empiriques récentes portant sur des pays développés et en développement montrent qu’il existe une association positive entre la décentralisation et la participation politique (Stoyan et Niedzwiecki, 2018[37] ; Michelsen, Boenisch et Geys, 2014[38]). Une étude antérieure utilisant les données de 80 pays observait également une relation positive entre la décentralisation budgétaire et la participation citoyenne (Huther et Shah, 1998[39]).
La décentralisation peut améliorer la stabilité politique
La décentralisation peut maintenir la cohésion d’un pays en agissant comme un « ciment » (Bird, 2003[40]). La décentralisation des pouvoirs au profit des régions et des administrations infranationales peut contribuer à apaiser les tensions dues à divers facteurs culturels, historiques ou politiques. Cela tient aussi au fait que la décentralisation peut être menée de façon asymétrique, d’où la possibilité de prendre plus facilement en compte certaines spécificités territoriales.
Dans la mesure où les administrations décentralisées sont à même de proposer des services adaptés aux besoins et préférences locaux, la décentralisation peut apaiser les revendications déstabilisatrices des mouvements séparatistes. Il a aussi été avancé que les systèmes décentralisés pouvaient favoriser l’émergence d’un certain type de dirigeant politique, animé par la volonté de coopérer avec les autres acteurs étatiques (Faguet, 2014[3]).
Parce qu’elle entraîne la création d’enceintes politiques et de niveaux d’administration supplémentaires (en comparaison du modèle centralisé), la décentralisation atténue l’enjeu qu’il y a pour les candidats de gagner les élections nationales à tout prix. Cela peut réduire les tensions politiques de façon plus générale. En outre, les systèmes décentralisés sont souvent propices à une représentation accrue des acteurs indépendants dans les instances gouvernementales. De ce fait, les règles, lois et politiques peuvent être moins facilement et moins fréquemment modifiées, ce qui est un facteur de stabilité (Faguet, Fox et Pöschl, 2014[41]).
Avantages administratifs
La décentralisation peut réduire la recherche de rente et la corruption
La décentralisation peut réduire les possibilités de recherche de rente et de corruption dans l’administration publique (Boadway et Tremblay, 2012[22]). Cet effet peut s’expliquer par différentes raisons, parfois complémentaires. Une première explication est tout simplement que dans un système décentralisé, la puissance publique est plus restreinte. Par conséquent, la taille des rentes est plus limitée et la recherche de rente devient moins lucrative. Autre explication, l’intensification de la concurrence permise par la décentralisation réduit les possibilités de recherche de rente et de corruption. En d’autres termes, la décentralisation introduit une dimension locale dans les activités d’influence, qui réduit le « pouvoir monopolistique » de la recherche de rente nationale (Bordignon, Colombo et Galmarini, 2008[42]).
Les travaux empiriques apportent quelques éléments à l’appui de ces arguments théoriques. Une étude a constaté par exemple que la corruption était d’autant plus faible que la part infranationale des dépenses publiques était élevée (De Mello et Barenstein, 2001[43]). À partir de données sur la gouvernance et les indicateurs budgétaires de 78 pays, l’étude a relevé en particulier qu’une augmentation de la part locale des recettes publiques3 était associée à un niveau de corruption plus faible. Il est possible que ces résultats dépendent du modèle de décentralisation choisi et de la façon dont il est mis en œuvre. Par exemple, les modèles de gouvernance multiniveaux très compliqués, de type millefeuille administratif, dans lesquels la répartition des responsabilités est peu claire, apparaissent comme étant plus sujets à la corruption (Fan, Lin et Treisman, 2009[44]). S’appuyant sur des données tirées d’une enquête auprès des dirigeants d’entreprises menée dans 80 pays4 et sur les données relatives à plusieurs indicateurs budgétaires, parmi lesquels le nombre d’échelons administratifs, l’étude a constaté que dans les pays comptant davantage d’échelons administratifs, la corruption signalée était plus fréquente et plus coûteuse pour les entreprises. Selon l’étude, le niveau de développement du pays a une incidence sur la relation entre gouvernance et corruption. Ainsi l’association est plus ténue dans les pays développés que dans les pays en développement (Fan, Lin et Treisman, 2009[44]).
La décentralisation facilite l’expérimentation et l’innovation dans le domaine des politiques
La décentralisation peut servir de laboratoire pour l’expérimentation des politiques publiques. Dans le meilleur des cas, ce type de processus d’innovation décentralisée des politiques, fondé sur « l’apprentissage par la pratique », peut générer d’importantes retombées positives liées à la diffusion des informations sur les bonnes pratiques. Les « externalités cognitives » de la décentralisation peuvent profiter non seulement aux administrations infranationales mais aussi au pouvoir central.
Les collectivités locales seront d’autant plus incitées à innover si elles sont responsables non seulement des dépenses mais aussi de la levée des financements. Les activités d’innovation à l’échelon des territoires peuvent être également encouragées par la mise en place de cadres systématiques qui aident et incitent les administrations infranationales à créer leurs propres programmes (Oates, 2008[9]). La concurrence par comparaison entre les administrations infranationales peut favoriser l’adoption des méthodes les plus efficaces.
Dans nombre de pays, l’administration centrale a fini par adopter des pratiques qui avaient d’abord été expérimentées par les collectivités territoriales les plus performantes. Oates donne plusieurs exemples de mesures qui ont été transposées de l’échelon infranational à l’échelon central aux États-Unis (Oates, 2008[9]). Par exemple, l’assurance-chômage, la taxation de l’essence et les réglementations environnementales ont été mises en œuvre à l’échelon des États avant que le gouvernement fédéral n’applique des mesures ou normes similaires à l’ensemble du territoire national. Il existe de nombreux autres exemples de ce type partout dans le monde : ainsi, la budgétisation participative, qui a vu le jour à Porto Alegre au Brésil, est maintenant pratiquée par plusieurs pays (Campbell et Fuhr, 2004[45]). Ce « fédéralisme expérimental » peut améliorer l’efficience et la qualité des politiques publiques en général.
Certains pays ont opté pour des modèles de gouvernance expérimentale ascendants, c’est-à-dire pour un expérimentalisme d’État. Par exemple, les gouvernements se montrent de plus en plus réceptifs et favorables aux pôles d’innovation publics, qui sont un moyen d’encourager le développement territorial et la réforme des services publics. La fondation pour l’innovation NESTA, au Royaume-Uni, s’impose comme l’une des plus importantes structures d’innovation publique et sociale pionnières dans le domaine du traitement des enjeux de société axé sur l’expérimentation locale fondée sur des preuves (Morgan, à paraître[46]).
Risques et défis
Malgré les nombreux avantages potentiels de la décentralisation, ces réformes comportent également des risques qui doivent être dûment pris en compte. Certains de ces défis concernent la décentralisation en général, mais des problèmes peuvent également surgir quand la mise en œuvre du processus de décentralisation est incomplète ou déséquilibrée. La question n’est pas de savoir si la décentralisation est bonne ou mauvaise en soi, mais plutôt de déterminer dans quelles conditions elle peut favoriser le développement régional et la participation citoyenne. Les résultats des réformes de décentralisation dépendent dans une large mesure de la façon dont la décentralisation est conçue et mise en place.
La décentralisation peut donner du fil à retordre aux administrations infranationales, car elle requiert un minimum de capacités économiques, politiques et administratives. Faute de s’atteler au défi des capacités, la décentralisation risque d’exacerber les différences entre collectivités et de compromettre l’égalité d’accès et la qualité des services. La décentralisation partielle, telle qu’un transfert aux exécutifs infranationaux de responsabilités importantes en matière de dépenses publiques associé à des réglementations normatives strictes et une faible autonomie en matière de recettes, peut entamer la capacité des administrations infranationales d’adapter l’offre de biens publics aux exigences locales. Les collectivités territoriales qui sont largement tributaires des transferts de l’administration centrale risquent d’être moins incitées à adopter un comportement budgétaire responsable. Une décentralisation mal équilibrée, c’est-à-dire une situation dans laquelle des tâches étroitement liées ou complémentaires sont décentralisées à des échelons différents, peut affaiblir la gouvernance multiniveau. Ces aspects et d’autres défis liés à la décentralisation sont brièvement examinés dans les sections qui suivent.
Défis économiques
Manque de ressources et mandats sous-financés
L’un des défis les plus courants réside dans le décalage entre les missions confiées aux administrations infranationales et les ressources dont celles-ci disposent. Les cas les plus extrêmes, à savoir les mandats non financés, qui désignent des situations dans lesquelles l’administration infranationale est tenue de fournir certains services ou de prendre en charge certaines politiques sans disposer des ressources requises, sont loin d’être rares.
La dimension budgétaire est souvent le maillon faible, voire le chaînon manquant, de la décentralisation. Le transfert des responsabilités en matière de dépenses devrait normalement s’accompagner d’un transfert équivalent de ressources pour permettre aux autorités infranationales de s’acquitter correctement des nouvelles tâches qui leur incombent. Ces ressources peuvent leur être allouées sous la forme de transferts de l’administration centrale (généraux ou préaffectés), ou du versement d’une fraction des recettes fiscales nationales, par exemple des recettes de l’impôt sur le revenu des particuliers (accords de partage fiscal). Les autorités infranationales peuvent également se voir accorder le droit de générer leurs propres recettes, par exemple en prélevant des impôts locaux et des redevances d’utilisation, et de tirer des recettes d’actifs financiers et physiques infranationaux (par exemple, ressources naturelles, dividendes des entreprises locales, vente d’actifs immobiliers, etc.). Il s’agit du principe selon lequel « les ressources suivent les fonctions », également appelé principe de « connexion » ou « d’appariement ».
Dans la pratique, il y a souvent un décalage entre l’affectation des responsabilités en matière de dépenses et l’affectation des recettes, qui se traduit par des mandats non financés ou sous-financés.
Risques liés à la décentralisation partielle : le manque d’autonomie budgétaire
Le fait que les administrations infranationales ne disposent pas forcément de l’autonomie budgétaire requise pour exercer leurs responsabilités représente un défi majeur pour la décentralisation. Les territoires ont besoin d’un minimum d’autonomie budgétaire pour mieux utiliser les ressources publiques et répondre aux besoins locaux. La décentralisation budgétaire ne consiste pas seulement à confier des tâches aux administrations infranationales, mais aussi à leur accorder une autonomie qui leur permette de se procurer et de gérer des ressources.
Si la décentralisation au sens strict implique la délégation de véritables pouvoirs en matière de dépenses et de fiscalité de l’échelon central aux échelons infranationaux, dans les faits, la décentralisation est souvent mise en œuvre d’une manière qui ne satisfait que partiellement cette définition. Par exemple, du point de vue de la décentralisation budgétaire, les dépenses sont souvent beaucoup plus décentralisées que les recettes (OCDE, 2018[47]). C’est le cas dans tous les pays de l’OCDE (graphique 4.3). Si les administrations infranationales n’ont que peu de latitude pour choisir le niveau de biens publics locaux à fournir, et si, en particulier, les transferts s’accompagnent de mandats précisant comment les fonds doivent être alloués entre différentes catégories de dépenses, ou si la fourniture des services est strictement réglementée par des normes et des lois, la décentralisation ne sera que partielle (Brueckner, 2009[48] ; Borge, Brueckner et Rattsø, 2014[49]). Ce cas de figure se produit essentiellement dans les pays en développement, mais il est également observé dans de nombreux pays développés. Plus spécifiquement, les administrations infranationales ont souvent une capacité de production de recettes propres limitée, notamment parce que l’administration centrale réserve les bases d’imposition les plus rémunératrices au seul prélèvement des impôts nationaux. Par ailleurs, il est fréquent que les bases et les taux d’imposition infranationaux soient réglementés par le pouvoir central. En outre, si la fourniture des services à l’échelon infranational est étroitement encadrée par des réglementations normatives, l’autonomie en matière de dépenses sera également limitée. Ces « décentralisations partielles » peuvent produire des effets non désirés et entraîner la perte de certains avantages potentiels de la décentralisation.
La décentralisation partielle peut avoir toute une série d’effets indésirables sur les incitations adressées aux exécutifs infranationaux et leurs prises de décision. Le principal inconvénient d’une limitation rigoureuse de l’autonomie infranationale en matière de dépenses et de recettes est qu’elle restreint la capacité des autorités infranationales d’allouer les ressources publiques en fonction des demandes et de la situation locale. Selon des recherches théoriques récentes, les politiques qui limitent les pouvoirs fiscaux des collectivités territoriales amoindrissent l’efficacité d’allocation (Brueckner, 2009[48]).5 En outre, une étude empirique minutieusement mise en œuvre à l’aide de données norvégiennes est parvenue à la conclusion que la suppression des règles de préaffectation des dépenses infranationales imposées par le pouvoir central entraînait presque immédiatement des changements importants dans l’offre de services locaux. Ce résultat dénote une demande manifeste de pouvoir discrétionnaire local (Borge, Brueckner et Rattsø, 2014[49]).
Lorsqu’elles sont fortement tributaires des transferts centraux, les administrations infranationales peuvent être tentées de dépenser à l’excès et de s’endetter, en particulier si elles opèrent dans le cadre de contraintes budgétaires molles. Les contraintes budgétaires sont « molles » lorsque les autorités infranationales s’attendent à être renflouées par le pouvoir central en cas de difficultés économiques ou d’insolvabilité (Bordignon, Giglio et Turati, 2015[50]). Le problème des contraintes budgétaires molles est encore exacerbé lorsque les administrations infranationales sont responsables de la fourniture de services d’importance nationale, les soins de santé par exemple. En effet, dans ces situations, il est politiquement difficile pour les autorités centrales d’observer une politique stricte de non-renflouement. En outre, certaines collectivités territoriales, comme par exemple les très grandes métropoles, sont trop importantes pour que les autorités centrales les laissent faire faillite (l’argument « too big to fail », « trop gros pour faire faillite »). Dans le pire des cas, les problèmes budgétaires des administrations infranationales, lorsqu’ils sont couplés à des contraintes budgétaires molles, peuvent déstabiliser l’économie entière (Rodden, Eskeland et Litvack, 2003[10]). L’expérience de certains pays d’Amérique latine (l’Argentine et le Brésil) est fréquemment citée dans ce contexte. Dans ces pays, les puissantes autorités provinciales ont laissé s’accumuler des déficits budgétaires et un endettement de grande ampleur, obligeant le pouvoir central à les renflouer, ce qui s’est soldé par une crise financière nationale (Oates, 2008[9]).
Le poids élevé des subventions et des impôts partagés dans les ressources financières infranationales conduit à d’importants déséquilibres budgétaires verticaux, c’est-à-dire un décalage marqué entre les ressources propres des administrations infranationales (recettes fiscales propres, redevances d’utilisation et revenus de la propriété) et leurs obligations de dépenses. Pour mesurer les déséquilibres budgétaires verticaux, il est possible d’utiliser une variable indirecte comparant les niveaux des recettes fiscales et des dépenses.
Externalités des avantages et inadéquation d’échelle
Si, dans l’hypothèse théorique traditionnelle, les frontières administratives de la juridiction coïncident avec la zone de couverture des avantages associés aux services ou « zone d’avantage » (principe dit de « l’équivalence budgétaire »), en pratique, le débordement des avantages au-delà des frontières de la juridiction est un problème fréquemment rencontré dans les systèmes de fourniture décentralisée des services. Le débordement des avantages peut entraîner une offre de services publics insuffisante si les administrations infranationales ne tiennent pas compte des avantages dont bénéficient les résidents des autres juridictions. Le pouvoir central peut intervenir dans ces situations, en octroyant des subventions de contrepartie aux autorités infranationales pour les encourager à étendre leurs services. Face aux problèmes d’offre insuffisante et de débordement des avantages, d’autres solutions peuvent consister à fusionner les administrations infranationales les plus petites et à renforcer la coopération entre les juridictions locales. Ces mesures peuvent être mises en œuvre dans le cadre de réformes volontaires « ascendantes » ou de restructurations « descendantes » impulsées par le centre. Toutefois, les problèmes de débordement des avantages ne sont pas évidents à résoudre, notamment parce que la zone d’avantage optimale varie d’un service public à un autre et qu’internaliser des externalités dans une structure existante est souvent épineux.
La décentralisation peut entraîner la perte de certaines économies d’échelle (Oates, 1985[51]). Ce serait par exemple le cas si les administrations infranationales ne parvennaient pas à coopérer ou à externaliser la production à des collectivités voisines de plus grande taille ou à des entreprises privées. La probabilité de résultats inefficients sera plus faible si les autorités infranationales sont responsables à la fois des dépenses et du financement des services, car l’autofinancement fournit une puissante incitation à choisir les technologies de production de services les plus efficientes. Dans les pays où les administrations infranationales sont de petite taille, comme les pays nordiques, la France, la Slovaquie et l’Espagne, les partenariats entre collectivités, la création d’autorités communes et l’externalisation sont des options couramment utilisées pour tirer parti des économies d’échelle. L’une des pistes fréquemment envisagées par les pouvoirs publics pour résoudre les problèmes d’économies d’échelle et de débordement des avantages, en particulier dans les pays décentralisés, est la fusion de communes.
Pour déterminer la taille optimale des unités infranationales, il faut tenir compte du contexte, sachant que cette taille varie non seulement selon les régions ou les pays, mais aussi selon le domaine d’action considéré. La taille efficiente ne sera pas la même pour le traitement des déchets, l’éducation et les hôpitaux. En Finlande, des recherches sur les avantages en termes d’échelle d’une augmentation de la taille des collectivités locales sont parvenues à la conclusion que la fourniture des services était moins efficiente dans les grandes communes, et que la taille optimale se situait entre 20 000 et 40 000 habitants (OCDE, 2017[17] ; Moisio, Loikkanen et Oulasvirta, 2010[52]). Au Japon, en revanche, c’est dans les communes d’environ 120 000 habitants que le coût unitaire des services publics est le plus bas, les communes plus grandes et plus petites affichant des coûts supérieurs (OCDE, 2017[17]).
Les fusions de communes peuvent être utiles dans les grandes conurbations caractérisées par un degré de fragmentation municipale élevé, mais risquent d’être inefficaces lorsqu’elles concernent des communes déjà grandes ou situées dans des zones reculées, où la fourniture des services est largement déterminée par la géographie. Bien souvent, l’efficience peut être améliorée sans qu’il soit nécessaire de supprimer des échelons ou de fusionner des communes (OCDE, 2017[17]).
La décentralisation peut exacerber les disparités entre les administrations infranationales
En l’absence de mesures spécifiques visant à renforcer les capacités des régions pauvres, la décentralisation risque de profiter uniquement aux régions les plus développées et les plus prospères, d’où un creusement des disparités régionales. Les écarts de capacités financières et de compétences administratives entre collectivités peuvent être importants, compromettant les possibilités de rattrapage des régions à la traîne. Il a aussi été avancé que la décentralisation pouvait favoriser les effets d’agglomération et accentuer les disparités par ce biais également (Bartolini, Stossberg et Blöchliger, 2016[28]). Ces résultats dépendent sans doute des caractéristiques des pays et de leur niveau de développement économique. D’après certaines études, la décentralisation peut réduire les disparités régionales dans les pays à revenu élevé et les accroître dans les pays à faible revenu (Ezcurra et Rodríguez-Pose, 2013[11]). Cela étant, les mêmes résultats montrent que lorsque la décentralisation apporte des solutions adaptées au manque d’efficience d’un système, les inégalités interpersonnelles sont susceptibles de régresser plus vite dans les zones moins développées que dans les plus développées, même en présence de contraintes de capacités importantes (Ezcurra et Rodríguez-Pose, 2013[11]).
Dans ce contexte, il peut être utile de citer les résultats d’Albouy (Albouy, 2012[53]), qui affirme que les systèmes de péréquation budgétaire actuels conçus pour aider les régions les plus pauvres pourraient en réalité ralentir la croissance économique vivement espérée, à la fois dans les régions retardataires et dans les régions plus prospères. Une explication possible est que les transferts freinent peut-être les migrations entre régions, qui représentent une composante importante de la croissance économique, et qu’ils ne prennent généralement pas en compte les coûts occasionnés pour les grands centres urbains. Pour Blöchliger et Pinero-Campos, les transferts de péréquation pourraient réduire les disparités budgétaires à court terme, mais aussi affaiblir les incitations des territoires à se développer à long terme (Blöchliger et Pinero Campos, 2011[54]).
La décentralisation peut nuire à la bonne coordination des investissements publics
Les résultats de recherches récentes indiquent qu’il existe une association positive entre la décentralisation et le total des investissements publics régionaux. La décentralisation en termes d’autonomie des recettes, en particulier, entraîne une hausse des investissements publics dans les infrastructures (Kappeler et al., 2013[55]). Cependant, les responsabilités en matière d’investissements publics sont partagées entre plusieurs niveaux d’administration (OCDE, 2013), et toutes les administrations ne disposent pas des mêmes capacités pour planifier correctement les investissements et les mener à bon terme. Compte tenu des effets durables des décisions d’investissement, les erreurs commises au cours du processus de décision sont difficiles et coûteuses à corriger. En l’absence de coordination verticale et horizontale efficace, la décentralisation risque d’engendrer des problèmes d’inadéquation d’échelle et de signifier la perte de possibilités d’investissement public (OCDE, 2013[14]).
Trouver le bon équilibre entre recettes propres et transferts
Comment déterminer quel devrait être le niveau de recettes propres, et plus particulièrement le niveau de recettes fiscales propres ? Il n’existe pas de modèle idéal ou de règle fondée sur des seuils qui permette de définir le « bon » niveau d’autonomie en matière de recettes. Ce niveau dépend du système global, et notamment des types de responsabilités qui incombent aux administrations infranationales et des conditions institutionnelles, économiques, budgétaires et sociales. Par exemple, l’une des contraintes majeures à la production de recettes propres est le niveau de développement du pays. Il est difficile de solliciter les contribuables ou les utilisateurs des services locaux dans les pays pauvres, où le secteur informel est étendu ; où les contributeurs potentiels ne sont pas enregistrés ou ne le sont que partiellement et ont des revenus très faibles ; où les cadastres et registres d’entreprises sont inexistants ou lacunaires ; où peu de services et infrastructures locaux peuvent être tarifés et donner lieu à des redevances d’utilisation ; où l’administration fiscale est faible, tant à l’échelon local que national ; et où les autorités infranationales n’ont pas les capacités requises pour collecter et gérer des recettes, etc. Ces défis exigent une planification et une mise en œuvre minutieuses des politiques de décentralisation.
Par ailleurs, si l’augmentation du volume de recettes propres, notamment par le biais d’une autonomie fiscale accrue, peut procurer de nombreux avantages, elle comporte également son lot de difficultés. Il y a des avantages et des inconvénients, et certains contre-arguments peuvent justifier de limiter en partie la décentralisation fiscale (Ter-Minassian, 2015[56]) (tableau 4.1).
Risques politiques
Les motivations politiques des réformes de décentralisation – favoriser la démocratie locale, améliorer la qualité de la gouvernance, faciliter la participation et le contrôle des citoyens, promouvoir la responsabilité et la transparence – ont été quelque peu reléguées au second plan, la priorité étant donnée à une approche plus économique axée sur les domaines de résultats pertinents pour l’orientation des politiques, tels que l’éducation, la santé ou la viabilité des finances publiques (Faguet, 2011[57]). Cette situation s’explique en partie par le fait que, dans certains pays, la décentralisation a été confisquée par les élites locales et nationales, qui s’en sont servies stratégiquement pour mobiliser et maintenir les bases de pouvoir régionales (Devas et Delay, 2006[58]). Cette « capture par les élites » des structures de pouvoir locales a donné des résultats contreproductifs, par exemple sur le plan de la réduction de la pauvreté et de la corruption (Crook, 2003[59]), mais a également entaché la crédibilité des arguments politiques.
Tableau 4.1. Augmentation des recettes propres des administrations infranationales : avantages et inconvénients
Avantages |
Inconvénients |
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Sources : (OCDE, 2017[4]) ; OECD (2017) Multi-level governance reforms in OECD countries Ter-Minassian, T. (2015[56]), « Promoting responsible and sustainable fiscal decentralisation », dans Ahmad, E. et G. Brosio (dir. pub.), Handbook of Multilevel Finance, Edward Elgar Publishing.
L’appropriation par les élites locales ou centrales et la corruption peuvent compromettre les avantages potentiels de la décentralisation
Il a été avancé que, dans certains cas, la fourniture décentralisée des services profitait en majeure partie aux élites locales. Dans les pays en développement en particulier, les juridictions locales peuvent être vulnérables face aux pressions de prédation de certains groupes, qui s’adjugent parfois une part disproportionnée des dépenses consacrées aux biens publics (Bardhan, 2002[60]). Ces comportements malsains augmentent également les risques de corruption. Ils soulignent l’importance des institutions de démocratie locale et des mécanismes de responsabilisation politique au sens large.
Les comportements de prédation peuvent être le fait non seulement des élites locales, mais aussi du pouvoir central. Un État central prédateur peut annihiler la totalité ou la majeure partie des avantages associés à la décentralisation (Weingast, 2014[7]). Par exemple, les partis au pouvoir au niveau national peuvent essayer d’intervenir dans les processus décisionnels locaux pour éviter que les exécutifs infranationaux particulièrement performants ne leur fassent concurrence. Le système de transferts du gouvernement central peut être utilisé pour peser sur les prises de décision locales. Dans le pire des cas, un gouvernement prédateur peut même user de son pouvoir pour réduire l’autorité des gouvernements locaux, par exemple en prenant le contrôle du gouvernement local et en annulant ses politiques.
Défis administratifs
Manque de clarté dans la répartition des responsabilités
L’un des problèmes importants posés par la décentralisation est le chevauchement des compétences entre les différents niveaux d’administration. Les Examens territoriaux et les Études économiques de l’OCDE, ainsi que les études nationales du FMI et de la Banque mondiale sur les pays en développement, n’ont eu de cesse d’attirer l’attention sur ce défi crucial. Ce problème se pose dans les pays unitaires, mais aussi dans certains pays fédéraux tels que l’Australie et l’Allemagne par exemple.
Le manque de clarté dans la répartition des responsabilités accroît les coûts de fourniture des services et d’élaboration des politiques. Il contribue également à un déficit démocratique en créant la confusion parmi les citoyens, pour qui il est difficile de savoir quel organisme ou échelon administratif est responsable d’un service, d’une activité ou d’une politique spécifique. En l’absence d’une répartition claire des responsabilités, il est presque impossible de demander des comptes aux dirigeants en cas d’erreurs ou d’échec des politiques. Enfin, ce flou entrave les efforts visant à renforcer la transparence et la participation citoyenne (Allain-Dupré, 2018[15]).
Ces problèmes se posent de façon particulièrement aiguë dans les systèmes de gouvernance multiniveau qui comportent plusieurs échelons administratifs et un grand nombre de collectivités territoriales. S’il est possible d’y remédier en partie en planifiant les missions de service avec soin et en tenant compte des capacités variables des collectivités, les éviter complètement est pratiquement impossible dans les environnements décentralisés. De manière générale, il est important d’attribuer les fonctions aux échelons administratifs les plus appropriés pour réduire au maximum les effets de débordement inutiles et les chevauchements des responsabilités.
Plusieurs pays sont aux prises avec une répartition confuse des rôles. Au Brésil, le partage des responsabilités est flou dans plusieurs domaines, notamment les soins de santé, l’éducation, la sécurité sociale, la protection sociale, l’agriculture, la distribution des denrées alimentaires, la protection de l’environnement, l’assainissement et le logement. Au Chili, les communes ont peu de compétences exclusives, et il existe 13 domaines de compétences partagés entre le pouvoir central et les autorités municipales, dans lesquels les lignes d’intervention sont imprécises ou mal définies et sujettes à des changements. En France, dans un rapport de 2017, la Cour des comptes recommandait de simplifier davantage la répartition des compétences entre les départements et les échelons administratifs intermédiaires et de poursuivre la mutualisation des fonctions entre communes (OCDE, 2017[17]).
C’est dans les domaines d’intervention qui donnent fréquemment lieu à un « partage » de compétences entre différents échelons administratifs, en particulier les infrastructures (transports), l’éducation, l’aménagement du territoire, la santé et la politique du marché du travail, que le manque de clarté dans la répartition des responsabilités et des fonctions est le plus notable :
Transports : au Mexique, les compétences en matière de construction et d’entretien des routes sont partagées entre trois niveaux administratifs : la construction incombe principalement aux autorités fédérales et des états, tandis que l’entretien relève principalement de la responsabilité des états ou des communes. En Ukraine, les communes sont responsables de la construction et de l’entretien des infrastructures, mais la construction et la réfection des routes relèvent de la compétence du service des routes, un organisme public national. Aussi, pour donner un exemple, lorsque l’enrobé de la chaussée (route) d’un pont (infrastructure) doit être refait, le risque d’inaction est grand car chacun des deux niveaux d’administration peut considérer qu’il n’a pas à prendre ces travaux en charge (OCDE, 2018[61]).
Éducation : dans la plupart des pays de l’OCDE, la gestion et le financement des premiers niveaux du système scolaire (principalement l’enseignement préprimaire, primaire, et parfois le premier cycle de l’enseignement secondaire) incombent aux échelons inférieurs de l’administration, tandis que l’enseignement secondaire, et plus particulièrement le deuxième cycle, relève généralement de la compétence de l’administration provinciale/régionale ou du pouvoir central. Cette organisation qui place les différents sous-secteurs du système scolaire sous la responsabilité de différentes juridictions politiques et administratives peut soulever d’importantes difficultés sur le plan de l’utilisation efficiente des ressources (risques de concurrence, de dispersion des efforts et de chevauchement) et de la coordination des politiques et des acteurs.
Santé : le manque de clarté dans la répartition des rôles, les doubles emplois, les transferts de coûts et l’inefficacité d’échelle semblent grandement pénaliser les systèmes de soins de santé (OCDE, 2016, quality of public finance report).
Politique du marché du travail : il s’agit souvent d’une compétence partagée, qui donne lieu à des chevauchements fréquents entre les échelons administratifs. Le problème est encore plus aigu lorsque plusieurs niveaux d’administration se partagent les mêmes responsabilités fonctionnelles, au sein du même secteur de responsabilité.
Manque de clarté dans la répartition des rôles entre les exécutifs infranationaux et les administrations centrales déconcentrées
Un autre type de défi est lié au partage souvent flou des rôles entre les exécutifs infranationaux et les administrations centrales déconcentrées vers les territoires. Bien que la coexistence d’administrations centrales déconcentrées et d’exécutifs infranationaux autonomes sur un même territoire ait décliné au cours des dernières décennies, elle continue de représenter un défi important dans un certain nombre de pays comme l’Estonie, la Finlande, la France, la Grèce, la Hongrie, l’Italie, la Pologne, la Suède, la Turquie et l’Ukraine. Une remise à plat de ces arrangements complexes et souvent opaques permettrait de clarifier la répartition des responsabilités.
La coordination de la fourniture des services peut être problématique, en particulier pour les services redistributifs
Dans de nombreux pays, ce sont les collectivités territoriales qui sont responsables de la fourniture des services redistributifs tels que les soins de santé et l’enseignement secondaire. Lorsque c’est le cas, les autorités centrales sont généralement amenées à intervenir sur les questions d’équité et de coordination de la fourniture des services. En l’absence d’un guidage centralisé adéquat des collectivités territoriales et d’un mécanisme de transfert de ressources aux juridictions pauvres, la décentralisation peut conduire à des écarts de résultats marqués dans les domaines de la santé, de l’éducation et des services sociaux (Martinez-Vasquez, 2011[62]). Pour assurer la disponibilité des services partout sur le territoire et garantir une qualité de service minimale à tous les résidents, les pays ont fréquemment recours à des lois et d’autres mécanismes normatifs pour réglementer l’offre et le financement des services. Le problème, dès lors, est de trouver le bon équilibre entre coordination et autonomie locale. Une réglementation stricte peut amoindrir significativement les avantages de la fourniture décentralisée. De plus, ces mécanismes de régulation peuvent induire des coûts administratifs élevés. D’un autre côté, une réglementation peu contraignante peut entraîner des différences politiquement inacceptables entre les territoires.
Il convient également de noter que dans un cadre de gouvernance multiniveau, les décideurs se trouvent fréquemment confrontés à des « vides politiques » (Charbit et Michalun, 2009[63]) qui constituent autant d’écueils pour la gouvernance.
Des capacités infranationales insuffisantes peuvent limiter les avantages potentiels de la décentralisation
Le manque de capacités administratives, techniques ou stratégiques est probablement l’un des défis les plus épineux de la décentralisation. Aussi, des capacités insuffisantes peuvent être invoquées pour justifier la limitation ou le report de la décentralisation.
Au-delà des problèmes de capacités budgétaires, les études ne cessent de pointer du doigt une carence de capacités adéquates – en termes de personnel, de compétences et d’échelle – pour l’exécution de tâches complexes telles que la planification stratégique, la passation des marchés, les investissements en infrastructures, le contrôle de la fourniture des services publics locaux, le suivi des résultats, etc. Les capacités institutionnelles des administrations infranationales sont extrêmement variables au sein des pays, même les plus développés. (Tselios et al., 2012[12] ; OCDE/CoR, 2015[64])
Dans certaines administrations infranationales, les ressources humaines sont insuffisantes pour planifier, mettre en œuvre et gérer les services publics. La qualité professionnelle (niveau d’études et expérience professionnelle notamment) des fonctionnaires territoriaux est donc essentielle. Si, pour une raison une autre, les administrations infranationales ne parviennent pas à recruter le personnel de qualité requis pour fournir des services respectant les normes élémentaires, la décentralisation peut représenter un risque. Dans cette éventualité, le pouvoir central peut soutenir le renforcement des capacités en mettant en place des formations et des incitations financières. Cependant, l’impulsion locale, la participation de la communauté et l’appropriation locale des programmes de services ont un rôle tout aussi important à jouer dans le renforcement des capacités locales (Fiszbein, 1997[65]). Faute d’un engagement suffisant à l’échelon local, les ressources investies dans le renforcement des capacités infranationales risquent de l’être en pure perte.
Force est de reconnaître que le renforcement des capacités est une entreprise de longue haleine qui requiert un engagement durable des autorités centrales et infranationales. Même dans les pays développés, les différences de capacités demeurent considérables en dépit des efforts déployés pour les réduire. Par exemple, il ressort de la consultation conjointe menée par l’OCDE et le Conseil européen des régions auprès des gouvernements infranationaux des pays de l’OCDE que deux tiers des gouvernements infranationaux (65 %) déplorent l’absence dans leur ville ou région de capacités à élaborer des stratégies adéquates en matière d’infrastructures. Plus de la moitié des gouvernements infranationaux (56 %) indiquaient ne pas disposer d’une expertise propre suffisante en matière d’infrastructures. Les chiffres étaient particulièrement élevés pour les petites communes et les intercommunalités (OCDE/CoR, 2015[64]).
Conclusion
S’il appartient à chaque pays de trouver ses propres solutions pour tirer parti de la décentralisation et surmonter ses écueils, le bilan des politiques menées et les recherches conduites au cours des dernières décennies peuvent aider les décideurs à engager des réformes de décentralisation d’une manière qui leur évite de commettre les principales erreurs. Dans cette optique, l’OCDE a élaboré dix principes directeurs pour la mise en œuvre de la décentralisation, valables à la fois pour les pays fédéraux et les pays unitaires. Ces principes sont exposés dans le chapitre suivant. Ils ne se résument pas à de simples recommandations : chaque section décrit la logique présidant au principe considéré, les principales tendances, les bonnes pratiques, les écueils à éviter, ainsi que des exemples provenant de pays fédéraux et unitaires.
Tableau 4.2. Décentralisation : avantages et défis
Avantages |
Défis |
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Effets économiques et administratifs |
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– Efficacité d’allocation : les services sont en phase avec la demande locale dès lors que les autorités infranationales disposent d’une autonomie suffisante en matière de dépenses. – Efficience de la fourniture des services publics : les autorités infranationales sont mieux informées sur les caractéristiques et la situation locales et peuvent donc fournir les services avec un meilleur rapport coût-efficacité. – Qualité et caractère abordable des services : la concurrence par comparaison incite les élus locaux à faire en sorte que les services fournis soient de qualité élevée et d’un coût raisonnable. – Innovation et expérimentation : un nombre de juridictions plus élevé, combiné à l’autonomie des collectivités territoriales, facilite l’expérimentation locale et encourage l’innovation en matière de politiques, pour le bénéfice de tous les échelons administratifs. – Responsabilité budgétaire : l’autonomie des administrations infranationales en matière de dépenses et de recettes limite la croissance des dépenses et contribue ainsi à faire baisser les taux d’imposition. Le droit des exécutifs locaux de prélever des impôts et le financement d’une part considérable des dépenses par des recettes propres limitent les risques de dépenses excessives. – Gains d’efficience dans la collecte des recettes : mobilisation de ressources locales en cas de décentralisation du pouvoir de lever des impôts. – Croissance économique : la décentralisation contribue à améliorer les services publics en favorisant la concurrence et la responsabilisation. Cela peut être bénéfique à la croissance économique et au bien-être de la population. – Convergence régionale : la décentralisation peut faciliter le rattrapage des régions à la traîne. |
– Débordement des avantages : un nombre élevé de petites administrations infranationales peut exacerber les problèmes d’externalités. Des systèmes de péréquation ou de transferts étendus peuvent s’avérer nécessaires pour remédier à ce problème, mais cela ajoute à la complexité du système de financement. – Déséconomies d’échelle : si les autorités infranationales ne parviennent pas à coopérer entre elles et qu’elles ne sont pas autorisées à externaliser la production des services, la fourniture de ces derniers risque d’être inefficiente car réalisée à une trop petite échelle. – Chevauchement des responsabilités : une répartition des rôles insuffisamment claire peut entraîner des duplications de services, qui sont sources de coûts administratifs et de gaspillage. – Manque de capacités : le succès de la décentralisation est subordonné à l’existence de capacités humaines et techniques adéquates. En l’absence de capacités locales suffisantes, la décentralisation peut représenter un risque, en particulier du point de vue de l’équité. Néanmoins, la décentralisation peut aussi encourager la responsabilisation et l’appropriation locale des programmes publics, et par ce biais contribuer au renforcement des capacités. – Concurrence destructrice : l’âpre concurrence que se livrent les autorités infranationales pour attirer les contribuables peut aboutir à une « course vers le bas », potentiellement préjudiciable aux services. – Stabilité macroéconomique : un gouvernement central faible cèdera plus facilement aux demandes de renflouement des exécutifs locaux, ce qui aura pour conséquence possible d’assouplir les contraintes budgétaires des administrations infranationales. Si aucune limite n’est posée à l’accumulation des dettes locales, la viabilité des finances publiques risque d’être compromise. – Disparités : en l’absence de mesures visant à renforcer les capacités des régions pauvres, la décentralisation risque de profiter uniquement aux régions les plus développées et les plus prospères. |
Effets politiques |
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– Responsabilisation : la décentralisation modifie les incitations adressées aux autorités chargées de fournir des services aux populations locales. Les résidents peuvent exprimer leur opinion en votant (« voice ») ou en déménageant (« exit »). Ces mécanismes sont des moyens efficaces de promouvoir la responsabilité dans les prises de décision publiques. – Participation : la décentralisation entraîne une augmentation du nombre d’enceintes politiques et offre des possibilités accrues aux personnalités politiques locales. Les électeurs disposent de plus amples possibilités d’exprimer leur avis sur les services et les problèmes locaux. Cela peut renforcer la participation aux prises de décision aux échelons local et central. – Minorités : la décentralisation facilite la participation des minorités et améliore ainsi le statut et la situation des groupes minoritaires. – Recherche de rente et corruption : la décentralisation réduit la taille des exécutifs, ce qui peut amoindrir l’intérêt de la recherche de rente. Plus important encore, la décentralisation intensifie la concurrence entre juridictions, de sorte que les possibilités de corruption et de recherche de rente diminuent. |
– Appropriation par les élites locales : dans les pays pauvres, en particulier, les collectivités locales peuvent être vulnérables face aux manœuvres d’appropriation des élites locales, qui réussissent parfois à s’adjuger une part disproportionnée des dépenses consacrées aux biens publics. Cela peut également encourager la corruption. – Appropriation par les élites centrales : les administrations infranationales, en particulier dans les pays pauvres sans tradition démocratique solide, peuvent se révéler incapables de résister à l’éviction et aux pressions exercées par un gouvernement central corrompu, par exemple si le système de transferts est utilisé pour renforcer les partis au pouvoir. – Faible participation politique : la participation politique peut être faible, en particulier si les autorités infranationales ne disposent pas d’une véritable autonomie en matière de dépenses ou de fiscalité. – Non-solidarité : en l’absence d’un système de transferts de péréquation qui permette de corriger les disparités marquées, la décentralisation risque d’attiser les accusations de favoritisme. Cela peut affaiblir le consensus et l’entente entre les régions et, à terme, provoquer des tensions accrues dans la vie politique locale et nationale. – Risque de développement atone et de stagnation si la décentralisation entraîne une augmentation du nombre d’intervenants bénéficiant d’un droit de veto dans les décisions importantes. |
– Stabilité politique : la décentralisation peut atténuer les tensions dues à différents facteurs historiques, ethniques ou culturels en ouvrant la politique publique à la diversité. L’autonomie dans la prise de décision peut désamorcer les sources de conflits locaux avec l’administration centrale. – Nombre d’institutions politiques : la décentralisation augmente le nombre d’acteurs politiques indépendants, entraînant une division verticale et horizontale du pouvoir. Cela a un effet stabilisateur sur la société. |
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Notes
← 1. Ces services comprennent notamment toute une gamme de « services de proximité » tels que les infrastructures locales, les parcs, les jardins d’enfants, les écoles élémentaires, l’eau et l’assainissement.
← 2. La note de la Turquie : Les informations figurant dans ce document et faisant référence à « Chypre » concernent la partie méridionale de l’Ile. Il n’y a pas d’autorité unique représentant à la fois les Chypriotes turcs et grecs sur l’île. La Turquie reconnaît la République Turque de Chypre Nord (RTCN). Jusqu’à ce qu’une solution durable et équitable soit trouvée dans le cadre des Nations Unies, la Turquie maintiendra sa position sur la « question chypriote ».
La note de tous les États de l’Union européenne membres de l’OCDE et de l’Union européenne : La République de Chypre est reconnue par tous les membres des Nations Unies sauf la Turquie. Les informations figurant dans ce document concernent la zone sous le contrôle effectif du gouvernement de la République de Chypre.
← 3. Telle qu’elle figure dans les Statistiques de finances publiques du FMI.
← 4. L’enquête a été menée en 1999 et 2000 par une équipe de la Banque mondiale, à l’aide d’un questionnaire standard adressé aux dirigeants de plus de 9 000 entreprises situées dans plus de 80 pays.
← 5. Dans la même veine, en comparaison d’une fiscalité entièrement centralisée, la décentralisation partielle des recettes est préférable, si tant est que les décideurs soient « bienveillants » et que les autorités infranationales soient libres d’ajuster les niveaux de biens publics. Ce résultat s’explique principalement par les avantages que confère le pouvoir discrétionnaire local en termes d’allocation (Brueckner, 2009[48]).