Le présent chapitre examine la contribution de l’IDE au commerce, à l’intégration dans les chaînes de valeur mondiales (CVM), à la productivité et à l’innovation. Il analyse les différences de productivité entre les entreprises étrangères et Tunisiennes au niveau national et sectoriel ainsi que l’étendue des liens d’affaires entre les multinationales étrangères et les entreprises tunisiennes, un canal important de retombées de productivité. Il évalue également le rôle des entreprises étrangères dans l’innovation et la capacité locale des entreprises tunisiennes, en particulier des petites et moyennes entreprises (PME), à tirer parti de la diffusion des connaissances et des technologies apportées par l’IDE.
Revue des qualités des IDE en Tunisie
2. Impact de l’IDE sur la productivité et l’innovation
Abstract
2.1. Résumé
En tant que petite économie de marché, la Tunisie a bénéficié de l’ouverture au commerce et à l’investissement et de l’intégration dans les chaînes de valeur mondiales (CVM). L’économie est diversifiée, avec une contribution importante des services à la valeur ajoutée et un secteur manufacturier à forte intensité de main-d’œuvre. Les exportations manufacturières, en particulier de machines, d’appareils électroniques, de textiles et de vêtements, ont représenté un moteur important de la croissance, mais la plupart des activités économiques sont à faible valeur ajoutée. Par conséquent, la productivité du travail est modeste au regard des normes internationales et a même diminué depuis 2011. La réaffectation de capitaux vers des secteurs plus productifs, notamment les services, ou des segments à plus forte valeur ajoutée des chaînes d’approvisionnement a été limitée par des défis structurels qui entravent l’investissement et le dynamisme des entreprises, tandis que les turbulences mondiales et nationales ont affaibli la confiance des entreprises.
L’investissement privé, en particulier l’investissement direct étranger (IDE), pourrait contribuer davantage à la croissance de la productivité et à l’innovation dans l’ensemble de l’économie tunisienne. Les entreprises étrangères sont plus productives que leurs homologues tunisiennes dans la plupart des secteurs, y compris les produits chimiques, la finance et l’exploitation minière, qui sont tous d’importants bénéficiaires d’IDE. Au niveau national, cependant, les entreprises étrangères étaient 43 % moins productives que les entreprises tunisiennes en 2022. Les quelques secteurs dans lesquels les entreprises étrangères sont moins productives représentaient 45 % des revenus des entreprises étrangères et sont dominés par les fabricants d’équipement automobile et de produits électriques et électroniques opérant dans le régime offshore (le secteur électrique/électronique a attiré la majeure partie de l’IDE au cours de la dernière décennie). Les exportateurs étrangers de ces deux secteurs assemblent pour la plupart des composants importés et les réexportent avec peu de transformation et peu d’interaction avec les fournisseurs tunisiens, ce qui limite les gains de productivité et les retombées de l’IDE en matière de connaissances. Dans l’ensemble, les entreprises étrangères achètent 30 % de leurs intrants sur le marché tunisien, un pourcentage moindre que dans d’autres pays du sud de la Méditerranée.
La productivité des entreprises étrangères par rapport à celle des entreprises tunisiennes est plus élevée dans le secteur des services que dans le secteur manufacturier, mais elle s’est altérée au cours des dernières années. Les entreprises étrangères sont plus productives que les entreprises tunisiennes dans tous les secteurs des services, à l’exception de celui des TIC. Ce dernier a attiré le plus grand nombre d’IDE au sein du secteur des services entre 2013 et 2022, après les activités financières, et compte le nombre le plus élevé d’entreprises étrangères dans ce même secteur (12 % de l’ensemble des entreprises étrangères). Toutefois, les revenus des entreprises étrangères dans le secteur des TIC ont fortement chuté depuis 2019, tandis que l’emploi a augmenté, entraînant une forte baisse de la productivité.
Dans l’ensemble, la productivité du travail des entreprises étrangères en Tunisie a diminué de 17 % entre 2010 et 2022, en raison de la stagnation de leur niveau de productivité dans le secteur manufacturier et du déclin des TIC dans les services. Les politiques en place, notamment les incitations offertes aux exportateurs par le régime offshore et les restrictions à l’investissement étranger dans les services, peuvent avoir influencé les motivations et la composition de l’IDE et son impact mitigé sur la productivité. Des déclarations erronées des revenus par les entreprises, le travail informel et la fiabilité partielle des données existantes peuvent également influer sur ces résultats.
En plus de contribuer à l’amélioration de la productivité dans de nombreux secteurs de l’économie, l’IDE en Tunisie contribue également à faire progresser l’innovation. Malgré de faibles niveaux d’investissement en R&D, la diffusion de la technologie par les entreprises étrangères contribue à améliorer les résultats en matière d’innovation. Les entreprises étrangères investissent davantage dans la R&D que leurs homologues tunisiennes : en 2021, 20 % des entreprises étrangères ont investi dans la R&D contre 6 % des entreprises tunisiennes. Les entreprises étrangères sont également plus susceptibles d’initier une innovation de produit ou de procédé, mais elles ont tendance à être moins innovantes que dans d’autres pays comparables, ce qui s’explique en partie par leur spécialisation dans des activités à moins forte intensité de capitaux. La part d’IDE greenfield dans les activités de R&D est plus faible que dans les économies comparables telles que le Portugal, le Costa Rica ou la Lituanie. Peu d’IDE sont directement destinés aux activités de R&D, sauf dans les secteurs des TIC et de la mécanique et l’électronique, ce qui peut les aider à améliorer leur production et à exporter des biens et services à plus forte valeur ajoutée et, par conséquent, à accroître leur productivité. Les secteurs à plus forte intensité de R&D, tels que ceux de la biotechnologie, des dispositifs médicaux ou des moteurs et turbines, n’attirent que peu d’IDE en Tunisie.
Orientations de politiques publiques
Aligner la politique et la promotion de l’investissement sur la Vision Tunisie 2035 et les plans nationaux visant à faire de la Tunisie une économie du savoir, avec le capital humain comme source d’innovation. Cet objectif suppose de poursuivre les efforts de promotion afin d’attirer les IDE dans l’économie numérique et les services à haute productivité tels que les TIC, les services aux entreprises et les activités scientifiques. Dans le secteur manufacturier, accompagner l’expansion des activités à plus forte valeur ajoutée des secteurs de l’automobile et de l’électronique peut stimuler la sophistication des exportations, la productivité et les retombées en matière de connaissances, et pourrait être plus efficace que d’attirer de nouveaux investisseurs motivés par les incitations du régime offshore.
Améliorer les efforts visant à promouvoir le réseau de fournisseurs locaux afin de renforcer les liens entre les entreprises étrangères et tunisiennes, en particulier entre les entreprises étrangères offshore et tunisiennes onshore, afin de réduire la dépendance à l’égard des importations de biens et services intermédiaires. Cet objectif implique de réduire les obstacles administratifs et d’améliorer la coordination entre la politique d’investissement, d’innovation et de développement des PME et les institutions connexes, notamment la FIPA-Tunisia (Agence de Promotion de l’Investissement Extérieur), l’APII (Agence de Promotion de l’Industrie et de l’Innovation) et la TIA (Tunisia Investment Authority).
Poursuivre les efforts visant à réduire la dichotomie entre les régimes offshore et onshore afin d’étendre les motivations des investisseurs au-delà des activités à faible valeur ajoutée et de transformation des exportations, vers des segments plus productifs de la chaîne de valeur. Il s’agit notamment d’atténuer les différences fiscales et réglementaires entre les deux régimes, au-delà de l’impôt sur le revenu des sociétés, et d’intensifier les efforts visant à promouvoir les IDE en dehors du régime offshore tout en améliorant l’attrait du régime onshore, notamment en supprimant les obstacles tels que l’obligation pour les investisseurs étrangers de s’associer à des entreprises tunisiennes.
Renforcer les réformes favorables à la concurrence afin de libérer des gains de productivité à l’échelle de l’économie, conformément à la Stratégie nationale pour l’amélioration du climat des affaires 2023-2025. Envisager de réévaluer les restrictions réglementaires à l’investissement étranger, notamment les restrictions horizontales et celles dans les secteurs des services, tels que les services aux entreprises, les TIC et les transports, et, le cas échéant, les rationaliser ou les supprimer. Les restrictions dans le secteur des services peuvent freiner les gains de productivité dans l’ensemble de l’économie, y compris dans les activités manufacturières qui reposent sur des services compétitifs et de qualité.
Mettre en place des mécanismes de suivi et d’évaluation afin d’évaluer efficacement l’impact de l’IDE sur la productivité, l’innovation et l’intégration des CVM. Cet objectif exige la disponibilité et l’accès à des statistiques au niveau des entreprises, en s’appuyant sur le Répertoire national des entreprises (RNE), afin d’obtenir des informations sur la propriété étrangère, la valeur ajoutée, les exportations et les dépenses en R&D. Pour ce faire, une amélioration de la coordination institutionnelle entre l’INS et la FIPA-Tunisia est nécessaire.
2.2. Tendances et défis en matière de productivité en Tunisie
L’investissement privé en Tunisie et les politiques économiques passées ont contribué au développement d’une économie diversifiée et orientée vers l’exportation, avec des secteurs manufacturiers et de services solides et une activité agricole importante. L’intensité des échanges (la part des exportations et des importations dans le PIB) a atteint 111 % en 2022, soit deux fois plus que la moyenne de l’OCDE. Malgré un rythme soutenu de réformes et une économie diversifiée et bien intégrée au sein du commerce international, l’investissement privé a chuté et la productivité a stagné depuis 2011 (Zribi, Dhaoui et Faydi, 2016[1]). La concurrence et l’investissement privé sont entravés par un certain nombre d’obstacles de longue date tels qu’un environnement réglementaire surprotecteur, des charges bureaucratiques, la corruption et des difficultés d’accès au crédit (ITCEQ, 2023[2] ; OECD, 2022[3]). En outre, les changements successifs au sein du gouvernement depuis 2011 ont entraîné une incertitude qui a affaiblit la confiance des entreprises.
2.2.1. La croissance de la productivité du travail a stagné au cours de la dernière décennie
En 2022, l’investissement représentait 16 % du PIB, bien en deçà des valeurs de comparaison, contre 25 % en 2000. La croissance économique s’est ralentie après 2011 et le PIB réel par travailleur, une mesure de la productivité du travail, représentait environ 40 % de la moyenne de l’OCDE en 2022 (Graphique 2.1, panel A). L’économie continue d’afficher un niveau de productivité du travail comparable ou supérieur à celui d’autres économies émergentes, telles que la Colombie, le Maroc et la Thaïlande. La productivité du travail a augmenté régulièrement, à un taux de croissance moyen de 2,2 % entre 1991 et 2010, mais elle est depuis tombée en dessous de 1 %. La baisse de la croissance de la productivité n’est pas spécifique à la Tunisie, mais le rythme du ralentissement a engendré un système économique plus faible que celui de pays comparables et empêche une croissance forte et inclusive qui renforcerait le capital humain, génèrerait de meilleurs revenus et aiderait la Tunisie à atteindre les ODD (Graphique 2.1, panel B).
La stagnation de la productivité du travail en Tunisie est due à une croissance limitée de la productivité au sein des secteurs, mais également à une lente réaffectation des ressources (capital et travail) vers des secteurs plus productifs en raison des obstacles à l’entrée et à la sortie des entreprises, entravant le dynamisme des entreprises et décourageant la création d’emplois de meilleure qualité (Amara, Zidi et Jeddi, 2022[5] ; OECD, 2022[3]). La productivité réelle du travail, mesurée par la valeur ajoutée par travailleur, a stagné, voire diminué, dans tous les secteurs au cours de la dernière décennie. La finance et l’exploitation minière sont les secteurs les plus productifs. Cette donnée était attendue, car il s’agit de deux secteurs à forte intensité de capital, mais la productivité du travail dans le secteur minier a diminué de moitié entre 2011 et 2020, en raison de perturbations dans la production de phosphates, et la croissance a été quasiment nulle dans le secteur financier (Graphique 2.2).
La productivité du travail dans le secteur manufacturier correspond à environ 60 % de celle des services, ce qui reflète la spécialisation dans le secteur manufacturier à faible valeur ajoutée. La productivité dans d’importants secteurs manufacturiers, tels que le textile et le cuir, ainsi que la mécanique et l’électronique, est en baisse depuis 2011. Le secteur du textile et de l’habillement était autrefois la principale industrie d’exportation de la Tunisie, mais il a été confronté à une concurrence internationale croissante ces dernières années, en particulier de la part des pays d’Asie du Sud-Est (Ministère de l’Industrie, des Mines et de l’Énergie, 2022[7]). La productivité du secteur de la mécanique et de l’électronique a diminué au cours de la dernière décennie, chutant en dessous de la moyenne nationale. La réaffectation des ressources vers des secteurs à forte productivité tels que les TIC est limitée.
Les entreprises de grande taille et les plus jeunes sont plus productives en Tunisie (Amara, Zidi et Jeddi, 2022[5]). Toutefois, le dynamisme des entreprises est faible et peu de nouvelles entreprises ont fait leur entrée sur le marché. La plupart d’entre elles sont des micro-entreprises ou des petites entreprises, ce qui limite leur contribution à la croissance globale de la productivité. L’implication significative de l’État dans l’économie entrave également la productivité. De nombreux secteurs sont dominés par de grandes entreprises publiques ou privées qui jouissent d’un pouvoir de monopole et d’une protection du marché restreignant l’entrée de nouvelles entreprises plus jeunes. La part des entreprises publiques dans le chiffre d’affaires des 100 plus grandes entreprises de Tunisie dépasse 50 %, contre une moyenne de 13 % dans les pays de l’OCDE, et leurs ventes représentent près de 10 % du PIB (OECD, 2022[3]).
2.2.2. L’essentiel de l’activité économique est dans des secteurs à faible valeur ajoutée
La prédominance des secteurs à faible valeur ajoutée en Tunisie contribue à une croissance limitée de la productivité du travail. Au sein du secteur manufacturier, la mécanique et l’électronique, l’alimentation et les boissons, ainsi que le textile et le cuir constituent la base de l’industrie tunisienne, représentant 71 % de la valeur ajoutée totale dans le secteur manufacturier en 2022 (Graphique 2.3, panel A). Cette contribution est étroitement liée à la structure des exportations de biens tunisiens, qui ont été un moteur important de la croissance économique : près de la moitié de la production manufacturière est orientée vers l’exportation (Ministère de l’Industrie, des Mines et de l’Énergie, 2022[7]). Le secteur de la mécanique et de l’électronique représentait 42 % des biens exportés en 2022 et est aujourd’hui le principal moteur des exportations tunisiennes, produisant principalement des fils et des câbles électriques pour l’industrie automobile européenne. Les deux autres principaux secteurs manufacturiers, le secteur du textile et du cuir et l’industrie agroalimentaire, ont représenté respectivement 19 % et 12 % de l’ensemble des exportations de biens. De nombreux produits exportés sont simplement assemblés en Tunisie, à partir de pièces intermédiaires importées, limitant ainsi la valeur ajoutée dans ces secteurs (World Bank, 2014[8]). Cependant, au cours des dernières années, les exportations de produits manufacturés de moyenne et haute technologie dans le secteur mécanique et électrique ont augmenté.
Parmi les services, le secteur de la vente au détail et de la réparation, l’administration publique et l’éducation ont été les principaux contributeurs à la valeur ajoutée, suivis par les transports, les services de santé et les services sociaux, et les services financiers (Graphique 2.3, panel B). La part élevée des secteurs du commerce et de la réparation dans la valeur ajoutée totale résulte du grand nombre d’entreprises opérant dans ces secteurs plutôt que de leur potentiel de création de valeur. Ces secteurs représentent 42 % de toutes les entreprises du secteur privé en Tunisie, mais sont dominés par des micro-entreprises dont le potentiel de croissance et d’investissement est limité, ainsi que des niveaux élevés d'emploi informel, autant de facteurs qui entravent la croissance de la productivité (Dhaoui, 2022[9]). Dans son ensemble, la croissance importante des services est due à l’expansion de l’administration publique, et moins au dynamisme des activités tertiaires à forte valeur ajoutée (OECD, 2022[3]).
2.3. La contribution de l’IDE à la productivité du travail
L’investissement étranger peut contribuer à libérer les gains de productivité potentiels en Tunisie et à stimuler la croissance économique. Les entreprises étrangères sont généralement plus efficaces, à plus forte intensité technologique et de compétences que la moyenne des entreprises des pays d’accueil, et contribuent donc directement à la croissance de la productivité. Leurs activités peuvent également stimuler indirectement la productivité des entreprises locales (OECD, 2022[10] ; OECD, 2023[11]). Les entreprises locales qui approvisionnent les nouveaux acteurs étrangers sont en mesure de constater des gains de productivité grâce à un meilleur accès aux connaissances, à la technologie et au financement. D’autres entreprises tirent profit en reproduisant les schémas développés par leurs pairs ou en recrutant des travailleurs ayant acquis de nouvelles compétences grâce à leur collaboration avec des entreprises étrangères. Toutefois, les avantages peuvent ne pas se concrétiser automatiquement, et les politiques et les facteurs institutionnels jouent un rôle important. La réalisation de ce potentiel dépend en grande partie de la création de liens entre les entreprises étrangères et tunisiennes. Le type, les motivations et le secteur de l’investissement, ainsi que la taille, la structure et les avantages technologiques de l’entreprise investisseuse influent sur la mesure dans laquelle la Tunisie bénéficie des retombées de productivité.
2.3.1. L’investissement étranger est important dans les secteurs plus productifs
Une part importante de l’IDE en Tunisie se trouve dans les secteurs les plus productifs, avec une évolution progressive vers des secteurs à plus forte intensité technologique et de compétences (Dhaoui, 2022[9]). Le secteur financier, le plus productif, était classé en deuxième position en matière de flux entrants d’IDE. En outre, un quart de l’IDE sur la période 2013-2022 a profité aux quatre secteurs les plus productifs, à l’exclusion de celui de l’énergie : la finance, le tourisme et l’immobilier, les produits chimiques et l’alimentation et les boissons (Graphique 2.4, panel A). La plus grande part de l’IDE est allée au secteur mécanique et électrique, qui comprend également l’industrie métallurgique. Ce vaste secteur a eu une contribution limitée à la croissance globale de la productivité. Cette situation peut masquer les divergences en matière de productivité au sein des différents sous-secteurs. Certains secteurs relativement productifs, tels que l’alimentation et les boissons, sont soumis à des restrictions plus strictes en matière d’investissement étranger, limitant la contribution de l’IDE dans ces secteurs.
Alors qu’une part importante de l’IDE revient aux industries plus productives, il existe une relation inversement proportionnelle entre la productivité du travail et le nombre de projets d’IDE. Les secteurs les plus productifs ont représenté une part plus faible du total des projets d’IDE au cours de la période 2013-2022 et vice versa. Un nombre important de projets d’IDE est donc regroupé dans des activités à faible valeur ajoutée et à faible productivité du travail. À titre d’exemple, le secteur du textile et du cuir représentait environ 5 % des flux entrants d’IDE, mais près de 20 % de l’ensemble des projets d’IDE (Graphique 2.4, panel B). L’IDE est donc important dans ce secteur, mais comme il est moins intense en capital par nature, il a peu contribué aux niveaux de productivité globale. D’autre part, les secteurs financier, touristique et immobilier représentaient conjointement environ 10 % du total de l’IDE, mais seulement 2 % des projets d’IDE, ce qui confirme la nature hautement capitalistique de l’IDE dans ces secteurs.
2.3.2. Les entreprises étrangères sont plus productives que les entreprises tunisiennes dans la plupart des secteurs, mais pas dans ceux où elles sont largement présentes
Malgré une part importante d’IDE dans les secteurs productifs de l’économie, il est possible d’accroître la contribution des entreprises étrangères à la productivité du travail par le biais de leurs opérations directes. Le Répertoire national des entreprises tunisien, le RNE, indique que les entreprises étrangères étaient 43 % moins productives que les entreprises tunisiennes en 2022, une baisse considérable par rapport à 2010, année au cours de laquelle elles affichaient des niveaux de productivité similaires (Graphique 2.5) fournit plus de détails sur les données et leurs limites). Globalement, entre 2010 et 2022, la productivité du travail des entreprises étrangères a diminué de 17 %, tandis que celle des entreprises tunisiennes a augmenté de 30 %. Le secteur manufacturier, en raison de sa taille plus importante, est en grande partie responsable de la prime négative de productivité du travail des entreprises étrangères.
Encadré 2.1. Répertoire national des entreprises
Présentation du Répertoire
Le Répertoire national des entreprises (RNE), géré par l’Institut National de la Statistique (INS) de Tunisie, fournit une liste exhaustive des entreprises du secteur privé en Tunisie. La base de données repose sur des fichiers recueillis par les autorités fiscales (Direction générale des Impôts, DGI) en ce qui concerne les informations relatives aux entreprises et par la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) pour les informations relatives à l’emploi. Des statistiques récapitulatives sur les entreprises et l’évolution de l’emploi sont publiées chaque année par l’INS et comprennent des informations ventilées par secteur, taille de l’entreprise, emplacement, régime d’exploitation (offshore/onshore) et propriété (tunisienne/étrangère). Les renseignements sur les exportations, les importations, les revenus et la masse salariale des entreprises ne sont pas disponibles pour toutes les entreprises et ne sont pas publiés dans les rapports annuels.
Échantillon utilisé dans ce rapport
L’INS a fourni à l’OCDE un échantillon de données agrégées qui inclut uniquement les entreprises ayant fourni des informations sur l’emploi, les revenus et la masse salariale, afin d’assurer une couverture cohérente des variables relatives à la productivité du travail et aux salaires (chapitre 3). Malgré un nombre restreint d’entreprises par rapport à la base de données originale du RNE, l’échantillon offre une bonne couverture, représentant au moins 80 % de l’emploi et 70 % des entreprises comptant au moins un employé (voir les détails dans l’annexe A). Le fort taux d’emplois informels dans l’agriculture, la construction et le commerce de détail et de gros peut modifier les mesures globales de la productivité du travail. Dans le secteur agricole, plus de 80 % des travailleurs sont employés de manière informelle, tandis que la part dans les secteurs de la construction et du commerce est d’environ 70 % et 65 % respectivement (INS, 2020[13]). Il est probable que le nombre d’emplois dans ces secteurs soit fortement sous-estimé. Par conséquent, ces secteurs ont été exclus des calculs de la productivité totale du travail et des salaires des entreprises étrangères et tunisiennes.
Réserves concernant l’analyse
Biais de sélection : les données sur le chiffre d’affaires et la masse salariale n’étant pas obligatoires pour les entreprises, un biais de sélection quant aux entreprises incluses dans l’échantillon du RNE est possible.
Emploi informel : en Tunisie, le secteur informel touche l’ensemble de l’économie, avec un pourcentage estimé à 45 % de l’économie totale en 2019. Les données sur l’emploi sont donc susceptibles d’être sous-estimées.
Définition d’une entreprise étrangère : il n’existe pas de définition harmonisée des entreprises étrangères dans le RNE. Une entreprise peut être considérée comme étrangère à partir du moment où une participation étrangère existe dans la propriété de l’entreprise.
Utilisation des revenus pour la mesure de la productivité du travail : l’utilisation des revenus pour mesurer la productivité du travail est moins fiable que l’utilisation de la valeur ajoutée, car les revenus ne tiennent pas compte du coût des intrants utilisés par l’entreprise dans la production. Néanmoins, les revenus ont été couramment utilisés pour calculer la productivité en l’absence de mesures de la valeur ajoutée.
Source : INS, Répertoire national des entreprises.
La stagnation des niveaux de productivité du travail dans le secteur manufacturier, conjuguée à une forte baisse dans les secteurs des services, a contribué à la productivité relativement faible et en détérioration des entreprises étrangères (Graphique 2.6, panel A et B). Les écarts de productivité entre les entreprises étrangères et tunisiennes sont plus élevés dans le secteur manufacturier que dans celui des services. Toutefois, l’écart est resté constant au cours de la dernière décennie dans le secteur manufacturier, alors qu’il a augmenté dans le secteur des services au cours des dernières années. La disparité entre les niveaux de productivité des entreprises étrangères et tunisiennes reflète en partie la nature à forte intensité de main-d’œuvre de l’IDE : les entreprises étrangères représentent une part nettement plus élevée de l’emploi total que des revenus par rapport aux entreprises tunisiennes (Tableau 2.1).
Tableau 2.1. La part des entreprises étrangères dans l’emploi est plus élevée que dans les revenus
Moyenne 2010-2022
|
Part des entreprises étrangères dans les revenus |
Part des entreprises étrangères dans l’emploi |
---|---|---|
Total |
12,6 |
20,2 |
Secteur manufacturier |
20,5 |
31,6 |
Services |
7,8 |
9,8 |
Source : calculs de l’OCDE d’après le Répertoire national des entreprises (RNE) (INS, 2023[14]).
Malgré la prime négative de productivité étrangère au niveau national, les entreprises étrangères sont plus productives que leurs homologues tunisiennes dans la plupart des secteurs, y compris dans des secteurs importants tels que les produits chimiques, la finance, l’exploitation minière, les activités scientifiques et techniques et les textiles (Graphique 2.7). Les quelques secteurs au sein desquels les entreprises étrangères sont moins productives représentent toutefois 45 % des revenus des entreprises étrangères et sont dominés par les fabricants d’équipement d’automobiles et de produits électriques et électroniques, qui, ensemble, représentent près d’un tiers de tous les revenus des entreprises étrangères, ainsi que par les fournisseurs de services TIC (Encadré 2.2). L’écart entre les primes de productivité étrangères au niveau national et sectoriel est similaire aux résultats obtenus pour les entreprises offshore, où les primes de productivité existaient au niveau sectoriel, et non au niveau national (Dhaoui, 2019[15]).
La productivité plus faible des entreprises étrangères dans certains secteurs concorde avec le fait qu’elles se spécialisent dans des activités à faible valeur ajoutée. Ces entreprises opèrent principalement sous le régime offshore et importent une grande partie de leurs intrants, qui sont ensuite assemblés et réexportés (Joumard, Dhaoui et Morgavi, 2018[16]). Alors que des études antérieures ont identifié un lien positif entre le fait d’être une entreprise offshore et la performance de la productivité en Tunisie, l’inverse se produit dans le cas de l’offshoring bidirectionnel, c’est-à-dire lorsque les entreprises exportent et importent en même temps (Baghdadi, Kheder et Arouri, 2019[17]). Au lieu de cela, ces entreprises pourraient être poussées à délocaliser afin de réduire les coûts fixes associés à l’exportation et sont susceptibles de quitter le marché une fois les privilèges supprimés. Des résultats similaires ont également été observés en Chine, par exemple, où les entreprises exportatrices spécialisées dans la transformation et bénéficiant d’une exemption de droits de douane sur les marchandises importées étaient moins productives que les exportateurs et les non-exportateurs non spécialisés dans la transformation (Dai, Maitra et Yu, 2016[18]).
La faible prime de productivité des entreprises étrangères peut également résulter du manque de données. Dans quelques secteurs, les tendances de l’emploi et des revenus ne sont pas cohérentes. Dans le secteur des TIC, principal secteur de services pour les entreprises étrangères en matière de revenus, les revenus totaux ont fortement chuté en 2019, tandis que l’emploi a augmenté, entraînant une forte diminution de la productivité du travail. Il est possible que certaines entreprises sous-déclarent leurs revenus et surestiment leurs salaires. Une étude récente sur la Tunisie a révélé que près d’une entreprise sur dix ne soumet pas de déclaration fiscale malgré les déclarations de travailleurs à l’administration de la sécurité sociale, et que 15 % de celles qui déclarent des impôts communiquent un chiffre d’affaires anormalement faible (Rijkers, Arouri et Baghdadi, 2017[19]). En outre, l’évasion fiscale en Tunisie a été liée à la hausse des coûts de main-d’œuvre des entreprises (chapitre 3) (Baghdadi, Kheder et Arouri, 2019[17]). Il est possible que la sous-estimation du chiffre d’affaires soit plus répandue en l’absence de contrôles financiers et d’audits dans les entreprises. Les audits sont moins fréquents en Tunisie que dans les autres pays, avec 25 % des entreprises déclarant avoir fait examiner leurs états financiers par des auditeurs externes, contre 59 % dans les pays de la région MENA et 46 % dans les pays de l’OCDE (World Bank, 2024[20]).
Encadré 2.2. Évolution de la productivité dans les secteurs clés de l’économie tunisienne
Quatre secteurs, représentant environ la moitié des revenus totaux des entreprises étrangères, ont influencé l’évolution de la productivité du travail des entreprises étrangères entre 2010 et 2022 : i) la fabrication de produits mécaniques, électriques et électroniques, ii) l’automobile et autres matériels de transport, iii) le textile et l’habillement et iv) les services de TIC. À l’exception du textile et de l’habillement, la productivité du travail des entreprises étrangères dans ces secteurs est inférieure à celle de leurs homologues tunisiens (Graphique 2.8).
Dans le secteur de la mécanique et de l’électronique, la productivité du travail des entreprises étrangères a diminué de manière significative et était inférieure de 40 % à celle des entreprises tunisiennes en 2022. Dans le secteur automobile, la productivité des entreprises étrangères a légèrement augmenté, mais moins que celle des entreprises tunisiennes. Dans le secteur du textile et de l’habillement, la productivité des entreprises étrangères est plus élevée que celle des entreprises tunisiennes, mais l’écart s’est réduit à la suite des améliorations enregistrées par les entreprises tunisiennes. La productivité totale du travail des entreprises étrangères dans le secteur des TIC a considérablement diminué et, depuis 2018, est devenue inférieure à la productivité des entreprises tunisiennes de ce même secteur. En 2019, les entreprises tunisiennes du secteur des TIC ont enregistré une multiplication par six de leurs revenus alors que l’emploi n’a fait que doubler. Le Graphique d’annexe 2.B.1 montre l'évolution de la productivité du travail des entreprises étrangères et tunisiennes dans d'autres secteurs.
Note : la productivité du travail est mesurée en revenus par employé. Les valeurs réelles ont été obtenues en ajustant l’indice des prix à la consommation.
Source : calculs de l’OCDE d’après le Répertoire national des entreprises (RNE) (INS, 2023[14]).
2.3.3. La contribution de l’IDE à la productivité en Tunisie est plus faible que dans d’autres économies émergentes
Des données comparables au niveau international, basées sur des enquêtes réalisées auprès d’entreprises (Enquête auprès des entreprises de la Banque Mondiale, WBES), apportent un éclairage supplémentaire sur la performance des entreprises étrangères en Tunisie par rapport aux pays comparables. Les IDE contribuent positivement à la croissance de la productivité en Tunisie, mais moins que dans les autres pays de la région MENA. Les données WBES, dont la couverture sectorielle diffère de celle du RNE, indiquent que la productivité du travail des entreprises étrangères était en moyenne 50 % plus élevée que celle des entreprises tunisiennes (Graphique 2.9). Les données issues de l’enquête sont susceptibles d’être moins sensibles à la sous-déclaration que les données officielles de l’administration fiscale, car elles ne sont pas liées à des avantages fiscaux potentiels. En outre, elles mesurent la productivité du travail en matière de valeur ajoutée par travailleur et rendent donc compte de la création de valeur réelle d’une entreprise plutôt que de ce qu’elle vend. La prime moyenne de productivité étrangère reste néanmoins légèrement inférieure à la moyenne des pays de l’OCDE et nettement inférieure à celle d’autres pays de la région MENA tels que le Maroc, la Jordanie et l’Égypte.
2.4. La contribution de l’IDE à la R&D et à l’innovation
2.4.1. Les investissements en R&D et dans l’innovation peuvent faire l’objet d’améliorations
Les entreprises étrangères sont souvent plus grandes et disposent de plus de ressources pour s’engager dans des activités de R&D. Elles peuvent contribuer positivement à l’économie tunisienne par la diffusion de l’innovation. Les progrès technologiques, qui accroissent l’efficacité de la production ou conduisent à l’innovation des produits, permettent aux entreprises d’acquérir un avantage concurrentiel sur le marché. Une entreprise peut investir dans des activités de R&D, innover ou adopter une technologie déjà existante sur le marché. Plus les entreprises tunisiennes dépensent en R&D et innovent, plus le niveau global de concurrence sur le marché sera élevé. En outre, les développements technologiques au sein de l’ensemble de l’économie sont des moteurs importants de la croissance de la productivité (OECD, 2015[22]).
L’investissement dans les activités de R&D en Tunisie a été faible par rapport à la moyenne de l’OCDE (Graphique 2.10, panel A). Malgré des améliorations depuis le début des années 2000, 0,7 % du PIB a été consacré à la R&D en 2019, soit environ seulement un quart des 2,7 % du PIB dépensés en moyenne dans les pays de l’OCDE. Ce chiffre était supérieur à la moyenne de la région MENA au début des années 2000, mais ces dernières années, ces dépenses ont été au même niveau que la moyenne MENA. En effet, les dépenses en R&D dans d’autres pays MENA ont augmenté au cours des dernières années, tandis qu’elles sont restées au même niveau en Tunisie. Avec une proportion élevée de diplômés en sciences, technologie, ingénierie et mathématiques (STEM) et un secteur électronique en plein essor, la Tunisie dispose d'un fort potentiel pour attirer les IDE afin de soutenir l'innovation basée sur le capital humain. Cependant, les résultats en matière d'innovation sont encore relativement faibles par rapport aux pays pairs. La Tunisie a déposé 15 demandes de brevet par million d’habitants au cours de la période 2017-2020, contre une moyenne de 275 brevets par habitant dans les pays de l’OCDE. La moyenne de l’OCDE est tirée vers le haut par quelques pays très axés sur l’innovation, tels que la Corée du Sud, le Japon et les États-Unis ; toutefois, la Tunisie a également enregistré des résultats nettement inférieurs à ceux de pays comparables de l’OCDE, tels que le Portugal, la Lettonie ou la Slovaquie (Graphique 2.10, panel B). La Tunisie obtient de meilleurs résultats que les pays de la région MENA dans lesquels le nombre de demandes de brevet est plus faible.
2.4.2. Les entreprises étrangères sont plus innovantes que les entreprises tunisiennes
La présence d’entreprises étrangères en Tunisie peut contribuer à l’investissement global et à l’intensité des activités de recherche au sein du pays. Dans la plupart des pays, les entreprises étrangères sont plus susceptibles d’investir dans la R&D que les entreprises locales (Graphique 2.11, panel A). En effet, elles sont en moyenne plus grandes, disposent d’un meilleur accès au financement et à de la main-d’œuvre qualifiée et sont souvent plus proches de la frontière de la productivité. En Tunisie, la majeure partie de la recherche se déroule dans des institutions académiques publiques avec peu de collaboration et de transferts de savoir-faire au secteur privé (Ministère de l’Industrie, des Mines et de l’Énergie, 2022[7]). Le gouvernement a placé l’innovation au centre de sa stratégie industrielle. Cependant, malgré un certain nombre d’incitations en matière de R&D mises en place par le gouvernement, leur adoption par les entreprises a été relativement limitée. Ainsi, 20 % des entreprises étrangères interrogées en Tunisie ont investi en R&D contre seulement 6 % des entreprises tunisiennes (Graphique 2.11, panel A). Selon les entreprises, l’un des principaux obstacles à l’augmentation de l’investissement dans l’innovation est le manque de ressources financières et les difficultés d’accès au crédit (ITCEQ, 2023[2]).
En raison de l’augmentation des investissements, les entreprises étrangères sont plus susceptibles d’innover en Tunisie. Le niveau d’innovation reste inférieur à celui de nombreux pays de l’OCDE, mais est similaire à celui observé dans les pays de la région MENA. Parmi les entreprises interrogées en Tunisie, 17 % des entreprises étrangères ont lancé un nouveau produit ou service contre 11 % des entreprises tunisiennes (Graphique 2.11, panel B). Des résultats similaires sont observés en ce qui concerne les entreprises qui ont mis en place une innovation de procédé, même si leur nombre est encore relativement faible y compris pour les entreprises étrangères : 10 % d’entre elles ont mis en place une telle innovation, soit deux fois plus qu’au sein des entreprises tunisiennes (Graphique 2.11, panel C). L’innovation est également corrélée à l’ouverture des échanges, car les entreprises qui exportent sont plus susceptibles d’innover que celles qui vendent uniquement sur le marché intérieur, le secteur mécanique et électrique étant le moteur de l’innovation (Ministère de l’Industrie, des Mines et de l’Énergie, 2022[7]).
La raison pour laquelle les résultats en matière d’innovation des entreprises étrangères en Tunisie sont faibles par rapport à d’autres pays est lié au fait que la plupart d’entre elles opèrent dans des industries manufacturières à moindre intensité de capitaux. Néanmoins, comme elles obtiennent en moyenne de meilleurs résultats que les entreprises tunisiennes, il existe un potentiel de diffusion de l’innovation au sein de l’économie locale, à condition que les entreprises tunisiennes aient les capacités d’absorption nécessaires pour s’adapter aux nouvelles technologies ou aux nouveaux procédés. Des efforts supplémentaires pourraient contribuer à attirer davantage d’IDE à forte intensité technologique en Tunisie. Au Chili, le gouvernement a mis en œuvre le Programme de promotion des investissements dans les technologies de pointe afin d’attirer des IDE dans ce domaine susceptibles de diversifier la base productive du Chili et de positionner le pays en tant que plateforme d’exportation de services technologiques en Amérique latine (Encadré 2.3).
Encadré 2.3. Programme de promotion des investissements dans les technologies de pointe au Chili
Au début des années 2000, l’Agence de développement économique chilienne (CORFO) a mis en œuvre le Programme de promotion des investissements dans les technologies de pointe afin d’attirer des investissements dans ce domaine susceptibles de diversifier la base productive et de positionner le pays en tant que plateforme d’exportation de services technologiques dans la région de l’Amérique latine (Agosin, 2009[24]). Le programme prévoyait des incitations financières, associées à une assistance technique et à la fourniture d’informations, pour l’adoption de technologies de pointe, la mise en œuvre de programmes de formation des employés et la réalisation d’études de préfaisabilité ; des campagnes de promotion et des activités ciblées de création d’investissements dans les principaux pôles technologiques du monde entier ; et des initiatives de développement de réseaux pour transférer les meilleures pratiques internationales des marchés américain et européen au Chili.
La conception du programme s’est appuyée sur l’expérience d’autres pays, en particulier l’Irlande et le Costa Rica, dont l’approche en matière de promotion des investissements consiste à cibler des incitations sur des secteurs spécifiques, à mettre l’accent sur le contenu technologique des investissements encouragés et à recourir à des subventions directes plutôt qu’à des exonérations fiscales. Au Chili, la hiérarchisation des secteurs de haute technologie a été effectuée conformément aux objectifs stratégiques définis par le National Innovation Council for Competitiveness (Conseil national de l’innovation pour la compétitivité), un organe interinstitutionnel chargé de coordonner et de conseiller le gouvernement en matière de politique d’innovation, de science et de technologie (Agosin, 2009[24]). L’accent a été placé sur attirer des entreprises susceptibles de contribuer au développement des groupements d’entreprises identifiés par le Conseil comme ayant le plus grand potentiel de croissance économique, tels que les TIC, les biotechnologies et les nouveaux matériaux.
Bien que le budget et les effectifs du programme soient modestes au regard des normes internationales, la CORFO a réussi à tirer parti de l’expertise de divers acteurs gouvernementaux et différentes parties prenantes internationales. Une équipe d’agences gouvernementales a été créée pour faciliter les activités de promotion des investissements, réunissant la Commission nationale pour la science et la technologie, la Fundación Chile, une fondation à but non lucratif qui soutient les nouvelles applications technologiques dans un certain nombre d’industries, et l’API du Chili, le Comité des investissements étrangers (Nelson, 2007[25]). Pour garantir l’alignement du programme sur les priorités de l’industrie, la CORFO a également créé un réseau stratégique transnational composé d’une école de commerce aux États-Unis, d’experts sectoriels associés à des API performantes, de cabinets de conseil basés aux États-Unis et spécialisés dans les services aux entreprises, le développement de logiciels et les TIC, d’associations d’entreprises américaines et d’investisseurs étrangers établis au Chili. Tous ont joué un rôle important dans le développement efficace du programme.
Au cours de la période 2001‑2003, 219 entreprises ont bénéficié d’une assistance technique, notamment d’informations et de conseils pour l’évaluation des possibilités et des conditions d’investissement au Chili. Dans l’ensemble, pour chaque dollar américain de soutien financier public accordé aux investisseurs étrangers, le programme a rapporté 10 dollars d’investissements concrets (Agosin, 2009[24]). Grâce à ce programme, en 2007, 60 centres internationaux de services technologiques ont été mis en place dans le pays et des entreprises de premier plan dans les secteurs des TIC, des services aux entreprises et du développement de logiciels s’étaient installées au Chili.
Source : OCDE d’après Agosin (2009[24]) et Nelson (2007[25]).
La prévalence des activités de R&D en Tunisie dépend des secteurs dans lesquels les entreprises opèrent, certains secteurs étant par nature plus intensifs en technologie que d’autres. Elle dépend également de leur position dans les chaînes de valeur, car plus l’entreprise est positionnée haut dans la chaîne de valeur, plus le rôle de l’innovation est important. Seul un petit nombre de secteurs en Tunisie profitent d’IDE greenfield spécifiquement destinés à la R&D, contrairement à un plus grand nombre de secteurs dans les régions comparables (Graphique 2.12, panel A). Cependant, les investissements en R&D sont importants dans le secteur des logiciels et des services informatiques : le montant des IDE en R&D s’est élevé à 55 % de l’ensemble des IDE dans ce secteur sur la période 2003-2022. Dans le même temps, le secteur des logiciels et des services informatiques contribue peu à l’IDE global et la moitié de l’IDE en R&D provient d’un seul projet, ce qui ne permet pas nécessairement de définir une tendance dans le secteur. Dans le secteur automobile, 14 % de l’ensemble des IDE a été consacré à des activités de R&D, et des montants moins importants ont été enregistrés dans les secteurs des communications, des services aux entreprises et du textile. Parallèlement, les secteurs qui sont relativement intensifs en R&D, tels que la biotechnologie, les dispositifs médicaux ou les moteurs et turbines, n’attirent pas beaucoup d’IDE en général en Tunisie.
La part des IDE consacrée aux activités de R&D est plus élevée que dans la plupart des pays de la région MENA, mais elle est inférieure à celle de certains pays de l’OCDE comme le Portugal, le Costa Rica ou la Lituanie (Graphique 2.12, panel B). Il est possible de diversifier davantage les activités au sein des secteurs et d’attirer davantage d’IDE destinés aux activités de R&D dans les secteurs manufacturiers, tels que l’automobile ou les secteurs de la mécanique et de l’électronique. En Slovaquie, où les entreprises étrangères ont tendance à se focaliser sur des activités à faible valeur ajoutée, le gouvernement a mis en place des réformes visant à améliorer la collaboration en matière de R&D et de projets technologiques dans des secteurs clés, dans le but de diversifier l’économie au-delà du secteur manufacturier à faible valeur ajoutée (Encadré 2.3).
Encadré 2.4. Les politiques d’IDE et de diversification économique mises en œuvre par l’API slovaque
La Slovaquie présente un niveau élevé de spécialisation économique. La plupart de sa valeur ajoutée et de ses emplois sont concentrés dans quelques secteurs, principalement dans l’industrie automobile, et dans un certain nombre de secteurs à faible technologie, tels que le commerce de gros et de détail, les activités immobilières et la construction. Bien que l’industrie automobile représente à elle seule 20 % de la valeur ajoutée manufacturière totale, les filiales étrangères opérant dans ce secteur sont impliquées dans des activités à faible valeur ajoutée (fabrication et assemblage de composants automobiles importés). Leurs investissements ne génèrent donc qu’une faible diffusion des technologies locales, ce qui entrave le potentiel du secteur et de l’économie dans son ensemble à évoluer vers des activités à plus forte intensité de connaissances.
Les récentes réformes menées en Slovaquie ont été axées sur la diversification de l’économie au-delà de l’industrie manufacturière à faible valeur ajoutée et sur le renforcement de son potentiel d’innovation. Le régime d’aides régionales à l’investissement est le principal outil utilisé par le gouvernement slovaque pour soutenir les investissements qui se tournent vers des secteurs à forte intensité de connaissances et de haute technologie, laissant de côté l’industrie manufacturière à faible valeur ajoutée. Ce régime prévoit des aides sous la forme de subventions pour les immobilisations corporelles et incorporelles, d’allégements de l’impôt sur les sociétés, de subventions salariales pour les emplois nouvellement créés et de remises sur la location ou la vente de biens immobiliers. Le champ d’application sectoriel du régime d’aides régionales à l’investissement illustre le choix stratégique du gouvernement d’aider les secteurs à forte intensité d’IDE à progresser dans la chaîne de valeur et à s’engager dans des activités technologiquement sophistiquées avec un contenu local plus important dans leurs produits. Pour bénéficier de l’aide, les projets d’investissement doivent relever de l’une des catégories d’investissement définies, à savoir la production industrielle, les centres technologiques et les centres de services aux entreprises, chacune d’entre elles étant liée à des secteurs prioritaires (par exemple, la chimie, l’électronique, l’automobile, les services aux entreprises, etc.) et aux technologies intelligentes pertinentes de l’industrie (robotique, intelligence artificielle, big data, cloud, etc.).
Au cours des dernières années, les services de facilitation et de suivi des investissements se sont également attachés à encourager les entreprises étrangères et nationales à collaborer à la mise en œuvre de projets de R&D et de technologie. L’API slovaque, SARIO, a mis en place une plateforme de services d’innovation, qui met en relation certains de ses clients étrangers les plus avancés sur le plan technologique avec des entreprises slovaques innovantes pour entreprendre des activités de R&D. Outre les efforts politiques visant à accroître l’intensité des connaissances de l’IDE (voir la section sur l’IDE favorisant la productivité), des initiatives similaires ont récemment été lancées pour aider les PME slovaques à diversifier leurs activités vers des secteurs de pointe. En 2019, SARIO a commencé à fournir des services de diversification aux PME slovaques qui souhaitent étendre leurs activités aux secteurs de l’espace, de l’aviation, de la mobilité intelligente et des technologies médicales. Ce soutien comprend des services de conseil aux entreprises, des séminaires, des événements de mise en relation et des ateliers de collaboration B2B.
Source : OCDE (2022[27]).
2.5. La contribution de l’IDE à l’intégration de la Tunisie dans les chaînes de valeur mondiales
La participation aux CVM permet aux pays de s’intégrer dans le commerce mondial, d’étendre leur présence sur les marchés internationaux, de diversifier leurs exportations et de renforcer la concurrence intérieure, afin de favoriser des retombées positives en matière de croissance de la productivité et d’innovation. En outre, cette participation est susceptible d’accroître l’internationalisation des PME locales, qui sont généralement trop petites pour se développer au-delà des pays voisins, en établissant des liens avec de grandes entreprises étrangères. Le transfert de technologies et de capital humain peut contribuer aux retombées de la productivité sur les entreprises locales, à condition qu’elles aient la capacité d’absorption nécessaire pour bénéficier de ces liens.
2.5.1. La plupart des entreprises étrangères en Tunisie sont des entreprises totalement exportatrices qui n’entretiennent que peu de liens avec le marché intérieur
Après une période de libéralisation des échanges dans les années 1990 et son adhésion à l’Organisation mondiale du commerce en 1994, la Tunisie s’est bien intégrée dans les CVM. Le gouvernement a mis en œuvre un modèle de croissance axé sur les exportations et fondé sur des incitations à l’investissement, ce qui a entraîné une augmentation des flux d’IDE (World Bank, 2014[8]). L’ouverture des échanges a eu des effets généralement positifs sur la croissance économique, a accru la concurrence et a contribué à l’amélioration de la productivité. Le secteur manufacturier a été le principal moteur des exportations, soutenu par le secteur mécanique et électrique ainsi que par le secteur du textile et de l’habillement. Les exportations sont bien diversifiées en matière de produits, mais concentrées géographiquement, avec près de 60 % de toutes les exportations vers la France, l’Allemagne et l’Italie, ce qui rend la Tunisie vulnérable à la situation économique des pays partenaires.
L’intégration de la Tunisie dans les CVM a été en partie stimulée par le régime offshore, c’est-à-dire les entreprises totalement exportatrices qui bénéficient de privilèges spéciaux tels que des exonérations de droits et des privilèges fiscaux ou un accès avantageux aux ports. Les entreprises offshore ne sont pas bien intégrées aux entreprises onshore, limitant les retombées de l’IDE (Joumard, Dhaoui et Morgavi, 2018[16]). En moyenne, 45 % des entreprises du secteur manufacturier dotées d’au moins dix employés sont des entreprises exportatrices (APII, 2024[28]). Ce chiffre atteint 80 % dans le secteur du textile et de l’habillement et environ 70 % dans les secteurs du cuir et de la chaussure et de la fabrication de produits électriques et électroniques. Il existe également un lien étroit entre l’IDE et l’activité d’exportation, étant donné que bon nombre des entreprises offshore sont des entreprises étrangères. Cela est particulièrement vrai pour les grandes entreprises manufacturières étrangères, comptant au moins 10 employés et 100 % de capitaux étrangers, où les entreprises offshore représentent 94 % de toutes les entreprises étrangères Tableau 2.2). Dans les deux secteurs manufacturiers où opèrent la plupart de ces entreprises étrangères, à savoir le secteur du textile et du cuir et le secteur de l’électricité et de l’électronique, respectivement 98 % et 99 % des entreprises sont totalement exportatrices. Dans tous les secteurs manufacturiers, à l’exception du secteur des matériaux de construction, les entreprises offshore représentent au moins 80 % des entreprises étrangères, ce qui limite leur interaction avec le marché intérieur.
Tableau 2.2. Part des entreprises offshore parmi les entreprises manufacturières étrangères
Part et nombre d’entreprises offshore parmi les entreprises étrangères et tunisiennes, par secteur
ENTREPRISES ÉTRANGÈRES |
ENTREPRISES TUNISIENNES |
|||
---|---|---|---|---|
Part des entreprises offshore |
Nombre d’entreprises |
Part des entreprises offshore |
Nombre d’entreprises |
|
Industrie agroalimentaire |
86 % |
22 |
17 % |
872 |
Industries des matériaux de construction en céramique et en verre |
45 % |
20 |
2 % |
281 |
Industries mécaniques et métallurgiques |
93 % |
122 |
11 % |
391 |
Industries électriques, électroniques et électroménagers |
99 % |
155 |
32 % |
118 |
Industries chimiques |
80 % |
90 |
10 % |
355 |
Industries du textile et de l’habillement |
98 % |
362 |
71 % |
842 |
Industries du bois, du liège et du meuble |
80 % |
10 |
4 % |
125 |
Industrie du cuir et de la chaussure |
100 % |
58 |
55 % |
101 |
Autres industries |
93 % |
40 |
13 % |
188 |
Total |
94 % |
879 |
29 % |
3 273 |
Note: fait référence aux entreprises qui détiennent 100 % de participation étrangère ou 100 % de participation tunisienne. Seules les entreprises comptant au moins 10 employés sont incluses.
Source : Agence de Promotion de l’Industrie et de l’Innovation, (APII, 2024[29]), http://www.tunisieindustrie.nat.tn/fr/tissu.asp.
Les bonnes performances de la Tunisie en matière d’exportation et d’attraction d’IDE l’ont aidée à s’intégrer dans les CVM, principalement grâce à des importations de produits intermédiaires (OECD, 2021[30]). Les deux principaux indicateurs des CVM de l’OCDE, la participation en amont et la participation en aval, indiquent la position d’un pays au sein des chaînes d’approvisionnement mondiales. La participation en amont montre dans quelle mesure la valeur ajoutée générée dans un pays est intégrée dans les exportations d’un autre pays ; celle-ci est généralement élevée dans les pays spécialisés dans les phases de R&D ou de conception de la production (OECD, 2021[30]). Avec une part de 16 %, l’intégration de la Tunisie est inférieure à la moyenne de l’OCDE et à la plupart des pays comparables (Graphique 2.13, panel A) et reflète une contribution relativement faible des exportations tunisiennes dans les CVM. Malgré l’amélioration des niveaux de sophistication des exportations, seulement 7 % des exportations de produits manufacturés sont de type haute technologie, c’est-à-dire avec une forte intensité de R&D, contre 17 % en moyenne dans les pays de l’OCDE (World Bank, 2024[31]). D’autre part, l’intégration de la Tunisie par une participation en aval (35 %) est plus élevée que dans de nombreux pays comparables (Graphique 2.13, panel B). La participation en aval reflète la part de la valeur ajoutée étrangère dans les exportations brutes et suggère que de nombreux intrants intermédiaires pour la production en Tunisie proviennent de l’étranger, sont assemblés, puis réexportés. C’est notamment le cas dans les secteurs de la mécanique, de l’électronique et du textile et du cuir (Joumard, Dhaoui et Morgavi, 2018[16]).
2.5.2. Le renforcement des liens IDE-PME peut avoir des retombées positives
La participation aux CVM peut contribuer à favoriser les liens entre les entreprises étrangères et tunisiennes. La présence d’entreprises étrangères encourage généralement la concurrence et incite les entreprises locales à innover, avec des conséquences directes positives sur la productivité. Cependant, les entreprises tunisiennes, principalement des PME ou des micro-entreprises, sont souvent soumises à des contraintes financières et manquent de personnel qualifié. Les ressources adéquates pour innover peuvent donc leur faire défaut. Elles peuvent néanmoins tirer parti des retombées positives de l’IDE en matière de connaissances grâce à la mobilité de la main-d’œuvre entre leurs travailleurs et ceux des entreprises étrangères, aux liens commerciaux noués avec les fournisseurs ou les acheteurs étrangers ou aux transferts de technologie. La création de liens entre les entreprises étrangères et locales offre la possibilité aux entreprises locales de participer aux CVM, les entreprises étrangères étant souvent des multinationales orientées vers l’exportation qui desservent les marchés internationaux. Toutefois, la qualité des produits des entreprises tunisiennes, leurs capacités d’absorption et le secteur dans lequel elles opèrent déterminent la mesure dans laquelle les liens entre les entreprises étrangères et nationales se forment et les retombées positives se produisent. Les entreprises étrangères les plus productives sont plus exigeantes en ce qui concerne la qualité du produit qu’elles achètent et les fournisseurs locaux doivent être en mesure de répondre à ces besoins (OECD, 2023[11]).
Les entreprises étrangères disposent de liens d’approvisionnement limités avec les entreprises tunisiennes, en partie parce qu’une large majorité opère sous le régime offshore, et bénéficie donc d’exonérations fiscales sur les intrants importés tout en étant confrontée à des obstacles administratifs pour s’approvisionner auprès des entreprises onshore. En moyenne, les entreprises étrangères en Tunisie se procurent 30 % de leurs intrants auprès d’entreprises locales, le pourcentage le plus faible parmi les pays de la région MENA (Graphique 2.14). Dans une certaine mesure, il s’agit d’un indicateur de la part importante des entreprises étrangères dans le secteur offshore et des difficultés à établir des liens avec des PME. Les différences de réglementations entre le régime offshore et onshore et les coûts de transaction associés, ainsi que la faible compétitivité des produits fournis par le marché intérieur, encouragent les importations de produits intermédiaires de l’étranger (Joumard, Dhaoui et Morgavi, 2018[16]). En conséquence, 46 % des produits intermédiaires importés en Tunisie sont réexportés.
Les entreprises tunisiennes achètent deux tiers de leurs intrants auprès d’entreprises locales, traduisant une dualité dans les chaînes d’approvisionnement entre les entreprises tunisiennes et étrangères. Les retombées technologiques des entreprises étrangères vers les entreprises locales sont également limitées, 8 % seulement des entreprises tunisiennes utilisant une technologie sous licence d’une entreprise étrangère, contre 23 % des entreprises étrangères (Graphique 2.15). Les liens établis entre les entreprises étrangères et tunisiennes sont encore limités. Une marge de manœuvre existe pour que les entreprises nationales bénéficient davantage de la présence d’entreprises étrangères. La fourniture d’intrants technologiques par les entreprises étrangères aux entreprises locales peut être à l’origine d’une croissance de la productivité importante dans les économies émergentes (Newman et al., 2015[33]). Les décideurs politiques disposent des moyens de s’attaquer aux difficultés que rencontrent les entreprises locales pour accéder à la technologie étrangère et favoriser une meilleure intégration entre entreprises locales et étrangères afin de tirer pleinement parti du potentiel des liens IDE-PME. Voici quelques exemples de politiques favorables : la facilitation des contacts avec les fournisseurs nationaux, l’amélioration de leurs capacités ou un soutien financier, comme cela a été fait dans certains pays européens (voir Encadré 2.5).
Encadré 2.5. Favoriser les liens entre les chaînes de valeur et les partenariats stratégiques dans certains pays de l’UE
Services de mise en relation, plateformes en ligne et événements visant à mettre en relation les IDE et les PME
La plupart des API, y compris la FIPA et d’autres agences tunisiennes, proposent des services de mise en relation afin de réduire les obstacles à l’information qui empêchent les investisseurs étrangers d’identifier des fournisseurs ou des clients locaux. En Slovaquie, SARIO soutient plusieurs programmes de mise en relation destinés aux entreprises étrangères et à leurs filiales, notamment les événements phares Business Link et Slovak Matchmaking Fairs, mis en œuvre sous la houlette du ministère de l’Économie . Les outils et plateformes en ligne sont couramment utilisés dans ce domaine. En Bulgarie, l’agence nationale de promotion des PME, BSMEPA, gère une plateforme en ligne pour faire connaître les demandes des entreprises étrangères à la recherche de partenaires dans l’industrie nationale (par exemple, fournisseurs locaux, exportateurs locaux, partenaires commerciaux potentiels). L’agence hongroise de promotion des investissements (HIPA) gère quant à elle une base de données des entreprises locales afin d’aider les grandes entreprises à identifier les fournisseurs qui répondent à leurs besoins et qui pourraient intégrer leur chaîne de valeur.
De nombreux gouvernements de l’UE organisent ou soutiennent activement la participation des PME nationales à des événements d’échange de connaissances et d’informations, susceptibles d’offrir des possibilités de mise en relation avec des partenaires étrangers. L’agence espagnole Red.es, en collaboration avec ICEX Spain Export and Investment, met en place des stands nationaux lors d’événements internationaux afin de soutenir l’internationalisation des entreprises locales actives dans l’économie numérique. En Bulgarie, la BSMEPA gère un projet spécifique visant à soutenir la participation des PME nationales à des foires commerciales, des salons et des conférences dans le pays et à l’étranger, en vue de renforcer leurs activités d’exportation, de faciliter la prise de contacts directs et la création de liens commerciaux avec des partenaires étrangers, et de favoriser leur intégration sur les marchés européens et internationaux.
Aide à l’amélioration des capacités des fournisseurs nationaux
Les programmes de développement des fournisseurs, tels que le Supplier Club au Portugal (Club des fournisseurs) ou le Programme de développement de la chaîne d’approvisionnement de la Slovaquie, et d’autres programmes de conseil aux entreprises et de perfectionnement des compétences visant à aligner les capacités des fournisseurs nationaux sur les exigences des investisseurs étrangers sont des instruments couramment utilisés pour développer les liens entre les chaînes de valeur. Certains programmes ciblent spécifiquement les PME ou les startups. En Suède, le programme Leap Accelerator aide les startups technologiques à concevoir des plans de commercialisation sur mesure et à élaborer des stratégies d’internationalisation par le biais de divers services de formation, de conseil et d’apprentissage par les pairs (par exemple, des ateliers collaboratifs en ligne pour des groupes d’entreprises, des séances de coaching individuelles, des analyses de données adaptées aux besoins de l’entreprise).
Soutien financier pour permettre l’intégration des PME dans les CVM ou la R&D collaborative
L’internationalisation des PME par le biais du commerce peut faciliter l’expansion et la modernisation des marchés et contribuer à renforcer la base de fournisseurs nationaux. Le Dutch Trade and Investment Fund (DTIF, Fonds néerlandais pour le commerce et l’investissement), créé par le ministère des Affaires étrangères et administré par Invest International, fournit des prêts, des garanties et des financements à l’exportation aux entreprises locales qui souhaitent importer, exporter ou établir des filiales à l’étranger. En Finlande, les prêts à l’internationalisation proposés par Finnverra soutiennent les coûts d’établissement et d’exploitation de filiales de PME à l’étranger.
Un soutien financier est également accordé aux activités de R&D et d’innovation collaboratives impliquant des partenaires étrangers. Bon nombre de ces programmes ciblent spécifiquement les PME ou récompensent leur participation par des taux de subvention ou de prêt plus élevés. Le programme central allemand d’innovation pour les PME (ZIM) comprend deux sous-régimes (projets de coopération ZIM et réseaux de coopération ZIM) qui soutiennent par des subventions des projets conjoints de R&D et d’innovation menés par des consortiums de PME et d’instituts de recherche. Depuis 2018, les projets de coopération impliquant des partenaires étrangers sont également admissibles au financement.
Source : (OECD, 2021[34])
Références
[24] Agosin, M. (2009), « Se justifica una política industrial hacia la inversión extranjera? El Programa de Atracción de Inversiones de Alta Tecnología », Trabajos de Investigación en Políticas Públicas, Universidad de Chile.
[5] Amara, M., F. Zidi et H. Jeddi (2022), Structural Change, Productivity and Job Creation: Evidence from Tunisia, African Economic Research Consortium, http://publication.aercafricalibrary.org/handle/123456789/3431.
[29] APII (2024), Tissu Industriel Tunisien, http://www.tunisieindustrie.nat.tn/fr/tissu.asp.
[28] APII (2024), Tissu Industriel Tunisien, http://www.tunisieindustrie.nat.tn/fr/tissu.asp.
[17] Baghdadi, L., S. Kheder et H. Arouri (2019), « Assessing the Performance of Offshore Firms in Tunisia », Source: Journal of Economic Integration, vol. 34/2, pp. 280-307, https://doi.org/10.2307/26640595.
[18] Dai, M., M. Maitra et M. Yu (2016), « Unexceptional exporter performance in China? The role of processing trade », Journal of Development Economics, vol. 121, pp. 177-189, https://doi.org/10.1016/j.jdeveco.2016.03.007.
[9] Dhaoui, S. (2022), Pour un renouveau de la politique industrielle en Tunisie, ITCEQ, http://www.itceq.tn/files/investissement-et-croissance/renouveau-de-la-politique-industrielle.pdf.
[15] Dhaoui, S. (2019), « Offshore et productivité : Analyse économétrique à partir des données de l’enquête d’entreprises de la Banque Mondiale ».
[26] Financial Times (2024), fDi Markets database, https://www.fdimarkets.com.
[12] FIPA (2023), Rapports annuels des IDE.
[14] INS (2023), Répertoire National des Entreprises (RNE) database.
[6] INS (2023), Valeurs ajoutées par secteur d’activité.
[13] INS (2020), Indicateurs sur l’emploi informel 2019, https://ins.tn/publication/indicateurs-sur-lemploi-informel-2019 (consulté le 26 janvier 2024).
[2] ITCEQ (2023), Résultats de la 22eme enquete et positionnement de la Tunisie dans les rapports internationaux, http://www.itceq.tn/files/climat-des-affaires-competitivite/2023/rapport-resultats-enquete-2022.pdf.
[16] Joumard, I., S. Dhaoui et H. Morgavi (2018), « Insertion de la Tunisie dans les chaines de valeur mondiales et role des entreprises offshore », Documents de travail du Département des Affaires économiques de l’OCDE, n° 1478, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/546dbd75-fr.
[7] Ministère de l’Industrie, des Mines et de l’Énergie (2022), Stratégie Industrielle et d’Innovation 2035, http://www.tunisieindustrie.gov.tn/si2035/Livrable_7_Rapport_final.pdf.
[25] Nelson, R. (2007), « Transnational Strategic Networks and Policymaking in Chile: CORFO’s High Technology Investment Promotion Program », Latin American Politics and Society, vol. 49/2, pp. 149-181, https://doi.org/10.1111/j.1548-2456.2007.tb00410.x.
[33] Newman, C. et al. (2015), « Technology transfers, foreign investment and productivity spillovers », European Economic Review, vol. 76, pp. 168-187, https://doi.org/10.1016/j.euroecorev.2015.02.005.
[11] OECD (2023), Policy Toolkit for Strengthening FDI and SME Linkages, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/688bde9a-en.
[10] OECD (2022), FDI Qualities Policy Toolkit, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/7ba74100-en.
[3] OECD (2022), OECD Economic Surveys: Tunisia 2022, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/7f9459cf-en.
[27] OECD (2022), Strengthening FDI and SME Linkages in the Slovak Republic, OECD Publishing, https://doi.org/10.1787/972046f5-en.
[32] OECD (2022), Trade in Value Added (TiVA) Database, https://stats.oecd.org/.
[34] OECD (2021), EC/OECD Survey of Institutions and Policies enabling FDI-SME Linkages, http://www.oecd.org/industry/smes/fdi-sme.htm.
[30] OECD (2021), Middle East and North Africa Investment Policy Perspectives, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/6d84ee94-en.
[22] OECD (2015), The Future of Productivity, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264248533-en.
[19] Rijkers, B., H. Arouri et L. Baghdadi (2017), « Are Politically Connected Firms More Likely to Evade Taxes? Evidence from Tunisia », Supplement: PAPERS AND PROCEEDINGS OF THE ANNUAL BANK CONFERENCE ON DEVELOPMENT ECONOMICS, vol. 30, pp. 166-175, https://doi.org/10.1093/wber/lhw018.
[31] World Bank (2024), High-technology exports (indicator), https://data.worldbank.org/indicator/TX.VAL.TECH.MF.ZS.
[4] World Bank (2024), World Bank Development Indicators database.
[23] World Bank (2024), World Bank Development Indicators database, https://databank.worldbank.org/source/world-development-indicators.
[21] World Bank (2024), World Bank Enterprise Surveys, https://www.enterprisesurveys.org/en/data.
[20] World Bank (2024), World Bank Enterprise Surveys.
[8] World Bank (2014), The Unfinished Revolution: Bringing Opportunity, Good Jobs And Greater Wealth To All Tunisians, World Bank Group, Washington D.C., https://documents.worldbank.org/en/publication/documents-reports/documentdetail/658461468312323813/the-unfinished-revolution-bringing-opportunity-good-jobs-and-greater-wealth-to-all-tunisians.
[1] Zribi, Y., S. Dhaoui et N. Faydi (2016), Investissement privé en Tunisie: bilan et perspectives, ITCEQ, http://www.itceq.tn/files/investissement-et-croissance/investissement-prive.pdf.
Annexe 2.A. Comparaison de l’échantillon du RNE avec le Répertoire original
Le tableau ci-dessous compare le nombre d’entreprises et de salariés par secteur dans la base de données originale du RNE et l’échantillon fourni par l’INS à l’OCDE. Seules les entreprises comptant au moins un employé sont incluses.
Tableau d’annexe 2.A.1. Comparaison par secteur de l’échantillon du RNE avec le Répertoire original
2021
Nom du secteur |
Nombre d’entreprises dans le RNE |
Nombre d’entreprises dans l’échantillon |
Part des entreprises incluses dans l’échantillon |
Nombre d’employés dans le RNE |
Nombre de travailleurs dans l’échantillon |
Part des travailleurs couverts dans l’échantillon |
---|---|---|---|---|---|---|
Agriculture et pêche |
1 332 |
796 |
59,8 |
23 392,58 |
19 653,5 |
84,0 |
Exploitation minière |
424 |
266 |
62,7 |
7 383,41 |
4 600,4 166 |
62,3 |
Fabrication de produits agroalimentaires |
5 595 |
3 792 |
67,8 |
69 303,5 |
61 514,917 |
88,8 |
Fabrication de textiles et de vêtements |
3 354 |
2 466 |
73,5 |
161 938,75 |
141 980,75 |
87,7 |
Fabrication de cuir et de chaussures |
544 |
373 |
68,6 |
23 656,91 |
21 167,5833 |
89,5 |
Fabrication de papier et d’articles en papier ; imprimerie et reproduction |
769 |
602 |
78,3 |
13 931,92 |
12 931,083 |
92,8 |
Fabrication de produits chimiques et pharmaceutiques |
789 |
613 |
77,7 |
20 321 |
19 282,5833 |
94,9 |
Fabrication de produits en caoutchouc et en plastique |
674 |
536 |
79,5 |
22 013,42 |
19 700,584 |
89,5 |
Fabrication d’autres produits minéraux non métalliques |
806 |
567 |
70,3 |
23 635,08 |
21 201,25 |
89,7 |
Fabrication de métaux de base et de produits métalliques, à l’exception des machines et du matériel |
2 293 |
1 705 |
74,4 |
27 874,25 |
24 555,333 |
88,1 |
Fabrication de produits informatiques, électroniques et optiques ; fabrication de matériel électrique ; fabrication de machines et équipements n.c.a. |
975 |
800 |
82,1 |
98 896,75 |
96 742,5 |
97,8 |
Fabrication de véhicules automobiles, de remorques et semi-remorques et d’autres matériels de transport |
261 |
201 |
77,0 |
45 449,75 |
42 882,084 |
94,4 |
Réparation et installation de machines et d’équipements |
676 |
484 |
71,6 |
5176,25 |
3975,7501 |
76,8 |
Autre fabrication |
2632 |
1854 |
70,4 |
7 577,08 |
7 160,9167 |
94,5 |
Construction |
6 543 |
4 248 |
64,9 |
46 206,59 |
38 202,3337 |
82,7 |
Commerce de gros et de détail et réparation de véhicules automobiles et de motocycles |
3 666 |
2 786 |
76,0 |
16 261,92 |
13 197,75 |
81,2 |
Commerce de gros, à l’exception des véhicules automobiles et des motocycles |
10 138 |
7 800 |
76,9 |
65 473,5 |
57 866,417 |
88,4 |
Commerce de détail, à l’exception des véhicules à moteur et des motocycles |
14 263 |
11 183 |
78,4 |
65 576,33 |
57 290 |
87,4 |
Transport et stockage |
3 387 |
2 008 |
59,3 |
30 441 |
23 960,667 |
78,7 |
Activités d’hébergement et de restauration |
8 458 |
5 396 |
63,8 |
47 636,58 |
35 790,167 |
75,1 |
Information et communication |
2 746 |
1 953 |
71,1 |
33 774,75 |
28 634 |
84,8 |
Activités financières et d’assurance |
967 |
742 |
76,7 |
24 798,17 |
24 180,333 |
97,5 |
Activités professionnelles, scientifiques et techniques |
8 165 |
6 023 |
73,8 |
35 230,75 |
27 646,9164 |
78,5 |
Activités de services administratifs et de soutien |
3 250 |
2 171 |
66,8 |
95 385,25 |
70 955,5 |
74,4 |
Éducation ; santé et travail social |
12 657 |
9 885 |
78,1 |
49 497,5 |
40 611,417 |
82,0 |
Note: seules les entreprises comptant au moins un employé sont incluses.
Source : Répertoire national des entreprises.