Malgré les défis communs auxquels les pays de la région MENA sont confrontés, une analyse au niveau national sera nécessaire pour évaluer correctement l'impact de la guerre. Les résultats préliminaires sont résumés ci-dessous.
Traditionnellement, l'Algérie n'est pas fortement dépendantes des importations alimentaires en provenance d'Ukraine ou de Russie. Toutefois, le pays est exposé à la hausse des prix des denrées alimentaires en raison des fluctuations des marchés mondiaux. L'Algérie, qui était déjà confrontée à une flambée des prix depuis 2021, continuera très probablement à intensifier ses efforts pour atténuer l'inflation des produits alimentaires de base. Cela nécessitera d'augmenter les dépenses publiques dans un contexte de planification des ressources budgétaires, qui est un objectif pertinent du gouvernement depuis le début de la pandémie. Contrairement à d'autres pays voisins, l'augmentation des recettes d'hydrocarbures de l'Algérie, due à la flambée des prix internationaux du pétrole, facilitera les plans du gouvernement visant à réduire l'impact à court terme de l'inflation, mais pourrait retarder la mise en œuvre des réformes de planification budgétaire.
L'Égypte, premier importateur mondial de blé, dépend fortement de l'Ukraine et de la Russie pour satisfaire ses besoins nationaux en céréales et est un importateur net d'autres produits alimentaires de base, tels que les huiles de cuisson. Dans ce contexte, la flambée des prix, la chute du tourisme en provenance d'Ukraine et de Russie, une source importante de devises étrangères, et l'augmentation des désinvestissements, ont contraint l'Égypte à demander l'aide du FMI en mars 2022. Le financement du FMI devrait aider le pays à lutter contre l'inflation, tout en maintenant ses réserves de change et en mettant en œuvre un programme de rationalisation de la dette à partir de 2022.
La Jordanie a réussi à contenir l'inflation en dessous de 2 % au cours de l'année écoulée, mais l'impact du conflit en Ukraine reste à évaluer. En tant qu'importateur net de denrées alimentaires de base et de carburant, il faut s'attendre à ce que les ménages et les comptes publics jordaniens soient davantage mis à l'épreuve en raison de la hausse des prix des denrées alimentaires et du pétrole et de la réduction des flux touristiques due à la baisse du pouvoir d'achat mondial. Dans ce contexte, la Jordanie va très probablement accroître la dette publique, déjà en hausse depuis le début de la pandémie, augmenter les taux d'intérêt et accentuer la dévaluation de sa monnaie.
Le Liban devrait être l'un des pays de la région MENA les plus touchés par la guerre en Ukraine. Le Liban dépend fortement des importations de blé en provenance d'Ukraine et est un importateur net de pétrole. Comme le pays souffre toujours des conséquences de la crise du carburant en 2021, de la forte inflation et de la dévaluation de la monnaie, ainsi que des pénuries dans les supermarchés, une tension supplémentaire sur les prix des produits de base et des services qui dépendent beaucoup des coûts du pétrole (comme le transport ou la production d'électricité) va très probablement exacerber l'effondrement économique et accroître l'insécurité alimentaire. Le Liban discute actuellement avec le FMI d'une facilité de fonds étendue à quatre ans pour soutenir la stabilisation du pays.
Dans l'Autorité palestinienne, le coût du blé a augmenté de plus de 25 % depuis le début de la guerre, et d'autres produits alimentaires ont également connu une hausse significative des prix, ce qui a fortement affecté le pouvoir d'achat des ménages. Selon le PAM, l'insécurité alimentaire a atteint 31,2% (64% à Gaza, 9% en Cisjordanie). En outre, sans mesures spécifiques, les réserves de blé pourraient être bientôt épuisées (moins d'un mois selon Oxfam ; 2 à 3 mois selon le ministère de l'économie nationale).
Le Maroc dispose d'un secteur agricole solide, qui comprend la production de blé, bien qu'elle soit insuffisante pour répondre à la demande interne. Traditionnellement, le pays a importé environ 20 % de ses besoins en blé d'Ukraine et de Russie. Si les performances économiques du pays dépendront davantage de la demande des pays européens en produits manufacturés marocains, l'inflation des prix alimentaires et pétroliers affectera néanmoins les ménages et les activités économiques du pays, limitant les perspectives de croissance pour 2022.
En Tunisie, l'inflation a atteint 7,2% en mars 2022, en base annuelle, soit le niveau le plus élevé depuis trois ans. A l'instar des autres pays importateurs de produits alimentaires et non pétroliers de la région, la Tunisie est particulièrement sensible aux fluctuations des prix du pétrole et des produits alimentaires. La crise actuelle peut accentuée les faibles perspectives économiques de la Tunisie, qui sont restées faibles pendant la dernière décennie et ont été aggravées par la pandémie. Dans un contexte de faible création d'emplois et de chômage élevé, la Tunisie collabore avec le FMI pour étendre l'aide actuelle destinée à lutter contre les effets de la pandémie afin de faire face au scénario aggravé par la guerre.