Ce rapport analyse comment le cadre institutionnel et politique existant en Tunisie en matière de communication peut renforcer la transparence et la participation des citoyens. Compte tenu des changements socio-politiques importants intervenus depuis le Printemps arabe, le rapport s’intéresse à la contribution des écosystèmes médiatiques tunisiens aux initiatives du gouvernement ouvert. Il examine les opportunités et les défis rencontrés par les citoyens et les journalistes dans leurs tentatives pour accéder à l’information, et la capacité des médias en ligne, du journalisme civique et des médias associatifs et locaux de renforcer la transparence et de favoriser l’engagement des citoyens. Le rapport envisage diverses réponses possibles aux enjeux actuels de la désinformation et des discours de haine, et suggère des voies de réforme susceptibles d’être soutenues.
Voix citoyenne en Tunisie
Résumé
Synthèse
La communication publique joue un rôle essentiel dans la vie quotidienne des citoyens, qui exigent de plus en plus d’avoir un accès instantané à l’information du gouvernement et une interaction avec les autorités. Qu’il s’agisse de prendre des décisions pertinentes, de connaître leurs droits et devoirs, ou d’argumenter en faveur d’un changement politique, les citoyens attendent des gouvernements qu’ils diffusent une information utile. Mais la communication permet aussi aux gouvernements de convaincre la population de la nécessité des réformes et de faire changer les comportements. Produite de manière stratégique, elle peut favoriser une meilleure mise en œuvre des politiques et optimiser l’usage des services publics, en contribuant ainsi à une meilleure gouvernance.
L’usage croissant des téléphones mobiles et des réseaux sociaux permet aux administrations publiques d’atteindre de plus larges publics, plus rapidement et directement. En Tunisie, les réseaux sociaux et la technologie mobile ont déjà joué un rôle décisif lors du Printemps arabe, amenant des fonctionnaires du pays à mieux prendre la mesure de leur pouvoir. Les administrations reconnaissent de plus en plus l’importance de la communication publique pour atteindre les objectifs du gouvernement ; ils renforcent leur présence en ligne, tout en rendant possible une libéralisation de l’écosystème médiatique.
Cependant, la Tunisie peut faire un usage plus systématique de la communication publique, et ainsi renforcer la transparence et la participation. Seulement 8% des personnes ayant participé à l’enquête de l’OCDE considèrent le renforcement de la participation comme un objectif essentiel de leur stratégie de communication. Ainsi, le gouvernement a conçu un plan de communication dans la perspective de son Plan d’Action National OGP ; il s’efforce aussi d’impliquer le réseau national des communicants publics dans les efforts du gouvernement ouvert.
Compte tenu de l’incertitude politique, et des difficultés socio-économiques, les fonctionnaires tunisiens peuvent bénéficier d’une approche plus stratégique de la communication dans la conduite quotidienne de leurs missions. Il est essentiel qu’une stratégie d’ensemble soit activement diffusée dans ce domaine, et qu’elle soit accompagnée de plans d’action régulièrement examinés et évalués.
La Tunisie devra par ailleurs consolider la légitimité des fonctionnaires qui travaillent dans le secteur de la communication, en s’assurant qu’ils ont l’appui aux plus hauts niveaux. Le gouvernement devrait envisager de davantage investir dans le développement des compétences des agents publics, pour favoriser l’évolution de leurs pratiques, des relations avec la presse et de la communication de crise, aux réseaux sociaux, à l’implication des publics et à l’analyse des données. Il est enfin nécessaire de généraliser de telles compétences au sein du secteur public.
Afficher des orientations claires et concevoir des procédures fonctionnelles doit par ailleurs permettre de faire de la communication une opportunité au service de la transparence et de la participation, plutôt qu’un risque à gérer. Près de la moitié des pays de l’OCDE évoluent en ce sens, selon les résultats d’une enquête de 2017. Cela est particulièrement opportun en ce qui concerne les réseaux sociaux, qui sont un canal essentiel d’interaction avec les jeunes et les femmes.
Après l’adoption par la Tunisie d’une loi sur l’accès à l’information (AI) en 2016, de telles procédures sont plus que jamais requises pour renforcer l’accès des citoyens et des journalistes à l’information du gouvernement. En publiant volontairement l’information utilisable par les journalistes, les communicants publics aident à renforcer la transparence et la redevabilité. Il est aussi nécessaire de sensibiliser citoyens et journalistes aux dispositions en matière d’AI et à leur possible utilisation. Le gouvernement pourrait également envisager de renforcer les capacités des administrations locales à partager de manière proactive des informations avec les journalistes et citoyens.
L’examen a aussi montré que le gouvernement tunisien pouvait se saisir des opportunités créées par l’émergence des médias locaux, associatifs et en ligne, et du journalisme citoyen, pour consolider les principes du gouvernement ouvert. Les médias locaux et associatifs peuvent favoriser l’intensification de la participation des citoyens à l’échelle locale et assurer une prise en compte des voix des groupes sous-représentés. La Tunisie peut s’appuyer sur les efforts déjà mis en place à cet égard, comme par exemple la reconnaissance officielle du rôle de ces acteurs dans le cadre des politiques médiatiques du pays, ou l’adoption du Code des collectivités locales. Le pays doit toutefois mettre en place une vision claire quant à ce rôle, ainsi qu’œuvrer pour un modèle économique viable pour ces médias, tout en veillant à contribuer à la professionnalisation des journalistes dans ce secteur.
Une autre évolution déterminante de l’écosystème médiatique en Tunisie est la croissance des médias en ligne. Elle bouleverse la manière dont les journaux sont créés comme l’identité de ceux qui les créent, et fait émerger de nouvelles modalités de dialogues entre gouvernement et citoyens. Cependant, ces plateformes peuvent également accélérer la diffusion de « fausses nouvelles » et de discours de haine, diviser davantage les groupes sociaux, et accentuer la polarisation. Ce rapport insiste donc sur l’importance des initiatives d’éducation aux médias, lesquelles peuvent beaucoup contribuer au renforcement de la pensée critique et à un usage responsable des réseaux sociaux par les citoyens. La Tunisie pourrait aussi lancer un dialogue pour réfléchir aux politiques les plus adaptées de lutte contre les discours de haine et la désinformation et à la formulation d’une vision relative aux médias en ligne et à leur contribution aux principes du gouvernement ouvert.
Il n’existe pas de réponse unique aux problèmes posés par les nouvelles technologies et les réseaux sociaux ; toute réponse pertinente repose sur un partage de la responsabilité entre le gouvernement, les acteurs médiatiques et les organisations de la société civile. Le gouvernement tunisien doit ainsi travailler en collaboration avec tous les acteurs pertinents, afin de parvenir à une meilleure appréciation et compréhension du rôle de la communication publique et de l’écosystème des médias tunisien dans la concrétisation des principes du gouvernement ouvert.
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