La France a rationalisé le dispositif central de sa coopération, avec l’adoption d’une loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale, la création d’un espace de concertation et de redevabilité auprès du Parlement et de la société civile, une plus grande fréquence des réunions du CICID et la création d’Expertise France qui a regroupé six opérateurs. Le dispositif institutionnel du système de coopération français reste cependant complexe et fragmenté, ce qui complique le pilotage, la coordination et la cohérence de ses actions, et peut conduire à une duplication des efforts, notamment entre le MEAE et l’AFD. La France a d’autre part mis en place des mécanismes permettant de prendre en compte les thématiques transversales, elle dispose de solides systèmes de passations des marchés et de gestion des risques, mais elle devra veiller à mieux adapter ses procédures aux pays moins avancés, y compris aux contextes fragiles. L’AFD a consolidé ses ressources humaines, mais le MEAE devra s’assurer de pouvoir conserver ses capacités de pilotage de l’aide, et d’autre part le rôle et le modèle économique d’Expertise France devront être clarifiés.
Examens de l'OCDE sur la coopération pour le développement : France 2018
Chapitre 4. Structure et systèmes
Abstract
Compétence, mandat et coordination
Indicateur d’examen par les pairs : la compétence en matière de coopération pour le développement est clairement définie et les capacités nécessaires pour contribuer positivement aux résultats au regard du développement durable sont en place
La France a rationnalisé son dispositif central de coopération. Elle a adopté la loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale. Elle a créé un espace de concertation avec la société civile et le Parlement. Elle a augmenté la fréquence des réunions du Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID). Le dispositif institutionnel du système de coopération français reste cependant complexe et fragmenté, avec de nombreux acteurs qui interviennent directement dans la coopération, ce qui complique le pilotage, la coordination et la cohérence de ses actions, et peut conduire à une duplication des efforts, notamment entre le MEAE et l’AFD.
La France a rationnalisé son dispositif central de coopération en réponse aux recommandations de l’examen par les pairs de 2013 (OCDE, 2014). En 2014, elle a promulgué la première loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale (LOP-DSI) (JORF, 2014). La LOP-DSI fixe les objectifs et les orientations de la politique française de coopération internationale pour cinq ans, et définit les principes permettant d’assurer l’efficacité de la coopération (chapitre 2). La loi vise aussi à améliorer le contrôle et le suivi de l’aide au développement. Enfin, la loi prévoit plus de transparence, de concertation et de redevabilité avec les acteurs non-étatiques à travers la création du Conseil national pour le développement et la solidarité internationale (CNDSI) (chapitre 1).
Des efforts de rationalisation du dispositif institutionnel, qui reste néanmoins complexe et fragmenté
Le dispositif institutionnel du système français de coopération reste complexe. Il comprend une instance de coordination principale (le CICID) et trois acteurs principaux – le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (MEAE), le ministère de l’économie et des finances (MINEFI) et l’Agence française de développement (AFD) – auxquels s’ajoutent une dizaine de ministères, plusieurs opérateurs, et plusieurs instances spécialisées et partenariats (Graphique 4.1 et annexe D).
Présidé par le Premier ministre, le CICID définit les axes stratégiques, détermine les pays et les secteurs prioritaires de la coopération française, et veille à la cohérence des priorités géographiques et sectorielles des différentes composantes de la coopération. Le CICID se réunit plus régulièrement qu’auparavant (en 2013, en 2016 et plus récemment, en février 2018), mais il ne se réunit pas sur une base au minimum annuelle, comme stipulé dans le décret ayant présidé à sa création (JORF, 1998). Le secrétariat du CICID, composé du MEAE et du MINEFI, se réunit en revanche trois à quatre fois par an.
Au sein du MEAE, la Direction générale de la mondialisation, de la culture, de l’enseignement et du développement international est chargée du pilotage stratégique de la coopération. Au sein du MINEFI, la Direction générale du Trésor (DGT) gère les relations avec les institutions financières internationales, les questions relatives à la dette et la notification des données de l’aide publique au développement (APD). L’AFD, dont les deux ministères précités assurent la tutelle, est l’opérateur pivot et met en œuvre la majeure partie de l’APD française.
En théorie, le MEAE et le MINEFI assurent donc le pilotage stratégique de la coopération, tandis que les opérateurs (dont l’AFD) assurent sa mise en œuvre. En pratique, la frontière entre ces deux fonctions est floue. Les questions de leadership et de division du travail – par exemple, entre le MEAE et l’AFD, concernant le partenariat avec les organisations non gouvernementales (ONG) ou la gouvernance – ne sont pas toutes clarifiées et conduisent parfois à une duplication des efforts entre les institutions. De plus, les capacités de pilotage stratégique du MEAE sont fragilisées par la forte rotation du personnel technique au sein du ministère, alors que l’AFD a de son côté renforcé ses capacités stratégiques au cours des dernières années (section 4.3). Enfin, l’AFD s’est rapprochée depuis 2015 avec la Caisse des dépôts et consignations (CDC), organisme en charge des investissements de l’État sur le territoire français1, pour contribuer à créer une agence de développement plus importante et plus conforme aux ambitions du pays.
La coopération française réfléchit toutefois aux moyens de renforcer le pilotage. En février 2018, le CICID a décidé de créer le Conseil du développement, présidé par le Président de la République2; d’autre part, le Conseil d’orientation stratégique de l’AFD devrait se réunir au moins une fois par an, et une revue stratégique annuelle de l’AFD devrait être conduite3 (MEAE, 2018). Ces décisions visant à renforcer le pilotage politique de l’aide sont les bienvenues. La France devra veiller à leur mise en œuvre et s’assurer que les différentes instances concernées se réuniront effectivement et à un rythme assez soutenu. L’expérience récente montre une insuffisance dans ce domaine : le CICID ne s’est pour l’instant pas réuni au rythme prévu, et l’Observatoire des politiques de développement, créé en 2015, s’est réuni de manière formelle pour la première fois en 2018 (chapitre 6). Il importe que la France précise comment – et à quels niveaux – elle mesure l’efficacité du pilotage de son APD.
Une coordination complexe sur le terrain
La mise en œuvre sur le terrain de la politique française de coopération implique également un nombre important d’intervenants. Les trois principaux acteurs sont présents : le MEAE, à travers le Service de coopération et d’action culturelle (SCAC), qui gère la coopération scientifique et culturelle, ainsi que les Projets innovants des sociétés civiles et coalitions d’acteurs (PISCCA) appuyant les ONG locales ; le MINEFI, à travers la mission économique, qui gère les instruments de coopération économique ; et l’AFD, à travers son réseau d’agences et de bureaux à l’étranger. En outre, d’autres acteurs interviennent directement dans la coopération, comme par exemple l’Institut de recherche pour le développement, qui possède ses propres représentations dans de nombreux pays ; Expertise France, qui possède également des bureaux dans certains pays ; Campus France ; les Alliances françaises ; et France Volontaires.
L’ambassadeur de France coordonne l’ensemble des activités de coopération. Il examine et approuve les projets à plusieurs stades, et dispose d’un droit de veto sur tous les projets, y compris ceux de l’AFD. Cependant, l’ambassadeur n’a pas d’autorité sur le personnel de l’agence locale de l’AFD, alors que celle-ci met en œuvre la majorité des projets de l’aide française et que de nombreuses décisions relatives à l’instruction et la mise en œuvre de ces projets sont prises au siège de l’AFD à Paris. L’ambassadeur ne peut ainsi pas jouer pleinement son rôle de coordination. La France signe parfois avec le pays bénéficiaire un accord‑cadre de partenariat, qui ne comporte généralement pas de montants, ni d’indicateurs précis. Dans certains pays (par exemple le Maroc), l’AFD dispose d’un cadre d’intervention spécifique (chapitre 5).
Cette situation peut conduire à une duplication des efforts entre le MEAE et l’AFD. La collaboration repose souvent sur les relations informelles entre employés des deux institutions plutôt que sur une organisation systémique efficace4, ce qui peut créer des conflits dans certaines situations. Un partage plus clair des rôles (par exemple, le pilotage pour le SCAC et la mise en œuvre pour l’AFD) pourrait améliorer l’efficacité du pilotage et des activités sur le terrain.
Systèmes
Indicateur d’examen par les pairs : le membre a mis en place des processus et des mécanismes explicites et adaptés
La France a mis en place des mécanismes permettant de tenir compte des thématiques transversales. Elle a réalisé des progrès en matière de transparence de l’aide ; ces progrès devront être poursuivis. Grâce à l’AFD, la France dispose de solides systèmes de passation des marchés et de gestion des risques. Cependant, l’Agence devra veiller à adapter davantage ses procédures aux pays les moins avancés et aux contextes fragiles, envers lesquels la France s’est engagée à augmenter fortement le volume de son aide dans les prochaines années.
Des mécanismes d’approbation des politiques/des programmes adaptés au système français
Le co-secrétariat du CICID, co-présidé par le MEAE et le MINEFI, est chargé d’échanger sur les orientations stratégiques de la politique française d’aide au développement et leurs modalités de mise en œuvre, et de valider certaines orientations stratégiques, y compris celles concernant le champ géographique de l’AFD. Les comptes rendus des réunions du co-secrétariat du CICID ne sont pas publics. L’AFD signe avec l’État des contrats d’objectifs et de moyens pluriannuels qui ne sont pas publics, mais dont le projet est transmis au Parlement pour vote. Le prochain contrat d’objectifs et de moyens de l’AFD sera l’occasion de préciser le rôle et les moyens alloués à l’Agence pour accompagner les nouvelles ambitions de la coopération française. Expertise France5 et les autres opérateurs de la coopération signent également des contrats d’objectifs et de moyens avec l’État français.
Des mécanismes pour tenir compte en amont du développement durable et du genre
Le MEAE et l’AFD ont mis en place des mécanismes d’assurance-qualité afin de tenir compte des thèmes transversaux en amont. Par exemple, l’AFD a mis en place en 2013 un dispositif « avis développement durable » visant à faciliter la prise en compte des aspects de développement durable, y compris ceux liés à la lutte contre le changement climatique, dans les projets financés par l’Agence. En outre, elle a élaboré depuis 2015 des « boîtes à outils genre » par secteur afin d’améliorer les pratiques d’intégration du genre dans ses opérations (chapitre 2). En revanche, peu de mécanismes sont en place pour assurer une prise en compte des thèmes transversaux lors de la mise en œuvre et du suivi des projets. Il n’existe pas non plus de mécanisme de coordination et d’échange entre le MEAE et l’AFD quant à l’assurance qualité et la prise en compte des thématiques transversales.
Des progrès en matière de transparence, mais des efforts restent à faire
L’administration française répond de façon exhaustive aux questions posées par le Parlement et le Sénat sur l’APD. Des rapports annuels de performances (RAP) rendent compte, pour chaque programme, de l’exécution des engagements pris au moment de l’examen du projet de Loi de finances à l’euro près. L’APD étant composée de plusieurs programmes budgétaires, il n’existe pas de RAP pour l’ensemble de l’APD.6 Cela complique la tâche d’obtenir une vision d’ensemble de l’aide, et rend par conséquent plus difficile le travail de contrôle et de suivi de la Cour des comptes et du Parlement. En outre, bien que ces RAP constituent en théorie un bon outil, en pratique, ils varient assez peu d’une année sur l’autre et sont parfois considérés comme une formalité administrative plutôt que comme un facteur de contrôle réel.
Par ailleurs, les informations sur l’utilisation des recettes des différentes taxes (TTF et TSBA) étant désormais annexées à la loi de finances, la redevabilité sur les financements innovants (qui sont extrabudgétaires) s’est améliorée depuis 2017 (Chapitre 3). En revanche, les ONG souhaitent que soit publié le bilan comptable du Fonds de solidarité pour le développement, afin notamment d’accéder aux informations relatives à l’aide aux organisations financées par le Fonds. Par ailleurs, le COM de l’AFD ne comprend pas les activités de sa filiale Proparco – qui elle-même n’est pas dotée d’un COM, ce qui rend plus difficile d’assurer la transparence et le contrôle de ses activités (voir chapitre 3 pour davantage d’informations sur les activités de Proparco).
Enfin, la France est conforme à ses engagements en matière de transparence des financements (chapitre 5).
L’AFD dispose de solides systèmes de passation des marchés et gestion des risques, mais devra adapter ses procédures aux dons et aux situations de fragilité
L’AFD dispose de solides systèmes de passation des marchés : la plupart des projets qu’elle finance s’appuient sur des maîtrises d’ouvrage locales, et sont accompagnés d’une assistance technique et d’un renforcement des capacités pour la maîtrise d’ouvrage. En outre, l’Agence dispose d’un ensemble de règles permettant d’assurer l’intégrité de la passation des marchés et la qualité de son aide (avis de non‑objection à différentes étapes, déliement de l’aide, exigences sociales et environnementales, lutte contre la corruption). Cependant, comme il a été observé au Niger, le manque de délégation d’autorité opérationnelle et l’insuffisance des ressources humaines sur le terrain font que les projets sont largement instruits au siège, et pas toujours suffisamment en coordination avec les contreparties nationales (annexe C). D’autre part, l’AFD étant soumise à la réglementation bancaire, ses procédures ne sont pas toujours bien adaptées aux dons et aux situations de fragilité, et gagneraient parfois à être plus souples et rapides.7 Cela dit, l’AFD est passée le 30 juin 2017 du statut d’établissement de crédit à celui de société de financement. Ce changement de statut remet l’Agence sous le contrôle de la France8 et non plus de la Banque centrale européenne, et devrait lui permettre de gagner en souplesse dans le choix de ses investissements (Agence Ecofin, 2017).
La France a fait évoluer son cadre législatif afin de mieux lutter contre les risques de corruption (chapitre 1). Eu égard à son double statut d’établissement public et de société financière (donc astreinte aux règles de Bâle III), l’AFD a mis en place des systèmes solides de gestion des risques, également utilisés par Proparco9. Elle dispose, entre autres, d’une politique générale de lutte contre la corruption ; d’un Comité des risques groupe ; d’un cadre d’appétence aux risques et d’une cartographie des risques, alimentée par les structures en charge de leur suivi ; d’une base de données des incidents observés ; et de programmes de formation en matière de lutte contre la corruption et la fraude, obligatoires pour le personnel. De son côté, la Direction générale du Trésor (DGT) analyse les risques liés à la soutenabilité de la dette dans le cadre de son portefeuille d’intervention.
Dans les contextes fragiles, la Cellule crises et conflit de l’AFD adopte une approche de gestion des risques tout au long du projet, et analyse les différents risques dès la phase d’identification. Afin de capitaliser et diffuser l’expérience de programmation acquise dans ces contextes, l’Agence constitue actuellement une boîte à outils pour les chefs de projets et les chargés de mission qui couvre les différentes étapes du cycle de projet ; c’est une bonne pratique, dont l’utilisation devrait être systématique (AFD, 2017).
Un engagement pour l’innovation à concrétiser sur le terrain
Lors du CICID 2018, la France s’est engagée à « promouvoir l’innovation dans sa politique de développement et de solidarité internationale, en termes technologiques, financiers et opérationnels ». Les acteurs de la coopération française institutionnalisent actuellement la recherche d’innovation. En 2017, le MEAE a créé une « Task Force numérique ». Quant à l’AFD, elle a créé en 2017 une cellule dédiée à l’innovation au sein de la direction innovation, recherche et savoirs, et a développé ses relations avec d’autres institutions de développement (notamment la KfW) afin de faciliter l’échange de pratiques et d’innovations. Il sera intéressant de voir comment ces innovations se concrétiseront sur le terrain.
Capacités à l’échelle du système
Indicateur d’examen par les pairs : le membre dispose des compétences et des connaissances nécessaires pour assurer la gestion et la mise en œuvre de sa coopération pour le développement, et veille à ce qu'elles soient déployées là où il convient
La réforme engagée depuis 20 ans visant à confier à l’AFD la responsabilité première de la mise en œuvre de l’aide française a permis à l’Agence de consolider ses ressources humaines et renforcer leur gestion. En revanche, le MEAE a vu ses effectifs diminuer et fait face à une forte rotation du personnel, qu’il devra maîtriser afin de conserver ses capacités de pilotage de l’aide. De son côté, le MINEFI a créé un bureau dédié à l’APD afin de renforcer son pilotage stratégique. En outre, la création d’Expertise France a permis de rationaliser l’assistance technique française mais le rôle et le modèle économique de l’opérateur devront être clarifiés.
Le MEAE devra s’assurer les capacités nécessaires pour jouer pleinement son rôle de pilotage
En 2017, le MEAE disposait d’un effectif total de 1 693 personnes10 affectées à la coopération au développement, soit une baisse de 23 % par rapport à 201211. Cet effectif, dont une grande majorité (83 %) était en poste à l’étranger, est composé à la fois de diplomates et de contractuels experts dans différents domaines du développement, qui représentent plus de 70 % du personnel (MEAE, 2017). Ce niveau élevé de contractuels entraîne une forte rotation du personnel, ce qui pose des défis en matière d’apprentissage et de mémoire institutionnelle du MEAE. La Direction générale de la mondialisation souhaite créer davantage d’expertise en matière de développement dans son personnel. Afin de jouer pleinement son rôle de pilotage et de supervision, le MEAE devrait clarifier ses besoins en expertise du développement nécessaire à la formulation des directions politiques. Par exemple, il pourrait mettre en place des systèmes visant à retenir et fournir des opportunités de carrière aux professionnels du développement.
Le MINEFI a créé un bureau dédié à l’APD
Au MINEFI, 65 agents de la DGT (55 dans l’administration centrale et 10 dans les banques de développement), travaillent directement dans le domaine de la coopération au développement. La DGT emploie en outre 639 agents dans ses services à l’étranger qui participent ponctuellement à la politique d’aide au développement de la France. Faisant suite aux recommandations du dernier examen par les pairs (annexe A), la DGT a créé un bureau dédié à l’APD afin de renforcer son pilotage stratégique. Elle a recruté de nouveaux personnels pour gérer son portefeuille de finance climat. Elle travaille davantage avec les experts académiques et les ONG pour renforcer ses compétences. Et elle mobilise son réseau d’administrateurs dans les conseils d’administrations des institutions financières internationales pour que celles-ci soient plus proche des réalités du terrain.
L’AFD a consolidé ses ressources humaines et renforcé leur gestion
Suite aux recommandations du dernier examen par les pairs et à l’augmentation du volume de ses activités, l’AFD a consolidé ses ressources humaines : elle a recruté 400 nouveaux employés depuis 2016 et prévoit d’en recruter encore 400 d’ici à 2020. L’AFD dispose aujourd’hui d’un effectif de 2 350 personnes, dont 60 % sont employés au siège et 40 % sur le terrain. Ce dernier, en augmentation par rapport à 2012, répond également aux recommandations du dernier examen (annexe A). L’AFD souhaite maintenir cet équilibre. L’Agence éprouve peu de difficultés à trouver des candidats valables, car elle offre des conditions de travail attractives ; le taux de démission est par conséquent très faible12. Parmi les effectifs de l’AFD, 85 % sont des cadres, dont seulement 40% sont des femmes (comparé à 53 % pour l’ensemble des effectifs de l’Agence). Les perspectives de forte augmentation de la part des dons dans le portefeuille de l’AFD - dons principalement destinés aux pays prioritaires et dans les contextes fragiles - dans les années à venir pourraient inciter l’AFD à renforcer ses effectifs sur le terrain afin de davantage leur déléguer la responsabilité d’instruire et de gérer les projets.
L’AFD a renforcé ses systèmes de gestion des ressources humaines : elle a élaboré de nouvelles politiques de formation, mis en place un programme innovant d’intégration des nouvelles recrues (onboarding), développé un dispositif de médiation pour le personnel, instauré un système de mobilité interne (notamment entre le siège et le terrain) et au sein de l’administration française (y compris désormais avec la CDC), et noué des partenariats avec des institutions de développement étrangères. La gestion des performances a également fait l’objet de progrès, mais pourrait être améliorée afin de mieux récompenser les mérites. D’autre part, comme il a été observé au Maroc, l’AFD a renforcé sa politique de gestion du personnel local : elle utilise davantage les agents locaux, qui ont des opportunités de progression de carrière, ont accès à des formations à Paris et peuvent bénéficier d’une mobilité entre les pays.
L’architecture de la coopération technique doit continuer d’être rationalisée
Expertise France, créée en janvier 2015 par le regroupement de six opérateurs et placée sous la double tutelle du MEAE et du MINEFI, a pour ambition de devenir le principal opérateur français d’expertise technique. L’agence a connu une croissance importante. En 2016, son volume d’activités s’élevait à 121 millions EUR, dont 64 % d’origine multilatérale et 25 % provenant de commandes publiques françaises et de l’AFD13 (Expertise France, 2017). Expertise France vise une situation d’autofinancement d’ici à 2020 ; ce modèle économique est parfois difficile à tenir. L’agence compte aujourd’hui 270 salariés et plus de 200 experts sur le terrain, et gère environ 400 projets. Cependant, le rapprochement d’opérateurs issus de secteurs variés, la dispersion de ses activités sur de nombreux secteurs, ainsi que le manque de clarté de son modèle économique et de ses relations avec les autres acteurs de la coopération française à Paris et sur le terrain exercent une forte pression économique sur l’opérateur, créant ainsi certaines tensions avec le personnel (CFDT, CGT, Solidaires, UNSA, 2017).
Le projet d’élargir encore Expertise France en la regroupant avec d’autres opérateurs a été mis en veille, mais des conventions devraient être conclues entre l’agence et certains ministères disposant d’opérateurs non intégrés à Expertise France afin de lui permettre de mobiliser plus aisément l’expertise technique nécessaire (MEAE, 2018). En outre, Expertise France devrait être intégrée au Groupe AFD en 2019. Il conviendra alors de préciser le modèle économique d’Expertise France, ainsi que son rôle et ses relations au sein du système de coopération français, aussi bien à Paris que sur le terrain (Sénat, 2018).
Références
AFD (2017), Cadre d’intervention transversal vulnérabilités aux crises et résilience 2017-2021, unpublished.
Agence Ecofin (2017), L’Agence française de développement prend le statut de Société de Financement pour plus de souplesse dans ses interventions - Agence Ecofin, www.agenceecofin.com/investissements-publics/0607-48630-lagence-francaise-de-developpement-prend-le-statut-de-societe-de-financement-pour-plus-de-souplesse-dans-ses-interventions (consulté le 09 mars 2018).
CFDT, CGT, Solidaires, UNSA (2017), « Lettre ouverte à l’attention de Mme Cheremetinski et M. Bili », www.unsa-financesindustrie.org/publications/Lettre_Tutelle_Expertise_France_novembre_2017.pdf (consulté le 28 février 2018).
Expertise France (2017), Expertise France - Rapport annuel 2016, www.expertisefrance.fr/documents/20182/426622/Expertise+France+-+Rapport+annuel+2016/fafac866-f635-4f4c-8f81-788c8dce3ae6 (consulté le 09 mars 2018).
JORF (2014), Loi n° 2014-773 du 7 juillet 2014 d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale | Legifrance, Journal officiel de la République française, www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000029210384&categorieLien=id (consulté le 26 février 2018).
JORF (1998), Décret n°98-66 du 4 février 1998 portant création du comité interministériel de la coopération internationale et du développement | Legifrance, www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000753609&categorieLien=cid (consulté le 01 mars 2018).
MEAE (2018), « Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) 8 février 2018 Relevé de conclusions », www.diplomatie.gouv.fr/IMG/pdf/releve_de_conclusions_du_comite_interministeriel_de_cooperation_internationale_et_du_developpement_-_08.02.2018_cle4ea6e2-2.pdf (consulté le 23 février 2018).
MEAE (2017), « Mémorandum de la France sur ses politiques de coopération : Comité d’aide au développement, OCDE ».
OCDE (2014), Examen par les pairs de l’OCDE sur la coopération au développement - France 2013, OCDE, Paris, http://dx.doi.org/10.1787/9789264196216-fr (consulté le 28 février 2018).
Sénat (2018), « Rapport d’information sur la poursuite de la réforme de l’expertise internationale française », www.senat.fr/rap/r17-240/r17-2401.pdf (consulté le 08 mars 2018).
Notes
← 1. Les objectifs de l’AFD dans la mise en place de ce rapprochement sont d’accroître sa capacité d’intervention en lui donnant accès aux fonds de la CDC et de lui apporter des compétences supplémentaires et diversifiées, notamment en matière d’expertise territoriale.
← 2. Le conseil devrait se réunir à un rythme ad hoc pour prendre les décisions stratégiques dans la mise en œuvre de l’aide, et fournir un rapport annuel sur la mise en œuvre de la trajectoire d’APD.
← 3. En outre, la France souhaite mettre en place des « plans d’impact et de financement », qui porteront sur des secteurs ciblés tels que l’éducation. Ces plans définiront les actions envisagées et les moyens associés sur plusieurs années.
← 4. Au Maroc, par exemple, le MEAE/SCAC et l’AFD sont tous deux actifs dans la gouvernance et le soutien aux ONG marocaines.
← 5. Par exemple, voir : www.senat.fr/rap/r15-675/r15-675.html.
← 6. En revanche, le Document de politique transversale récapitule chaque année l’ensemble des actions et financements.
← 7. Consciente de ce problème, l’AFD a initié une réflexion dans le cadre de la mise en œuvre de l’Alliance Sahel et des quatre initiatives abondées par le fonds « Paix et Résilience », c’est-à-dire le Sahel, la République centrafricaine, le lac Tchad et le pourtour syrien et irakien.
← 8. Plus précisément, sous le contrôle de l’Autorité française de régulation des activités de banque et des assurances.
← 10. Équivalent temps plein travaillé.
← 11. Source : données fournies par le MEAE en mars 2018.
← 12. Environ 15 démissions par an.
← 13. Les 11% restants provenaient d’autres financements étrangers et français.