La France développe des partenariats variés avec une multitude d’acteurs y compris de pays émergents, et inscrit son aide dans des approches conjointes avec les autres donneurs, en particulier européens. D’autre part, l’aide française est presque entièrement déliée, sa transparence s’est améliorée au cours des dernières années, et les performances de la France en matière d’efficacité du développement sont bonnes, sauf en matière de prévisibilité à moyen terme. En outre, la coopération française est appréciée dans ses pays partenaires en raison de la valeur ajoutée que lui procurent ses liens historiques et culturels, son expertise technique et la multiplicité des instruments dont elle dispose. La France n’élabore cependant pas dans les pays de cadres détaillés de partenariat comprenant l’ensemble des activités financées et des résultats attendus, ce qui rend difficile le pilotage de la coopération et son suivi-évaluation. En outre, elle gagnerait à mieux utiliser ses atouts dans les contextes fragiles, et devra accomplir des progrès pour simplifier l’architecture budgétaire de son aide et rendre plus souple sa programmation.
Examens de l'OCDE sur la coopération pour le développement : France 2018
Chapitre 5. Modalités de mise en œuvre et partenariats à l’échelle mondiale, régionale et des pays
Abstract
Établissement de partenariats
Indicateur d’examen par les pairs : Le membre établit des partenariats au service de la coopération pour le développement, avec une pluralité d’acteurs (administrations nationales et locales, institutions des Nations Unies, banques de développement, organisations de la société civile, fondations, instituts de la connaissance, médias, secteur privé)
La France développe des partenariats nombreux et variés avec une multitude d’acteurs, y compris dans les pays émergents. Elle inscrit son aide dans des approches conjointes avec les autres donneurs, notamment européens. L’aide de la France est presque entièrement déliée et sa transparence s’est améliorée au cours des dernières années. Des progrès restent cependant à accomplir pour simplifier l’architecture budgétaire de l’aide et rendre sa programmation plus souple.
Des partenariats nombreux et variés
La France développe de nombreux partenariats de coopération, notamment avec les agences multilatérales, les banques de développement (y compris dans les pays émergents), la société civile, les collectivités territoriales, le secteur privé et le monde académique.
L’aide multilatérale française est principalement destinée aux institutions de l’Union européenne ; à des fonds thématiques dans le domaine de la santé, du climat et de l’éducation ; à quelques agences de Nations Unies (principalement par le biais des contributions obligatoires) ; et à des banques de développement (chapitre 3). La France participe au capital de ces banques, avec qui elle cofinance également des fonds et projets communs par le biais de l’Agence française de développement (AFD), comme est le cas au Maroc avec la Banque mondiale, la Banque européenne d’investissement, la Banque européenne de reconstruction et d’investissement et la Banque africaine de développement. En outre, elle échange de l’expertise et produit conjointement des études avec les autres institutions financières.
Des actions positives ont été conduites ces dernières années en faveur des acteurs non-étatiques. On peut citer comme initiative phare la création en 2013 du Conseil national pour le développement et la solidarité internationale (chapitres 1 et 2). Concernant la société civile plus spécifiquement, l’adhésion de la France en 2014 au Partenariat pour un gouvernement ouvert, dont l’objectif est de renforcer la concertation et la collaboration entre le gouvernement et les OSC est un signal positif. En outre, depuis 2015, l’AFD finance les fonds propres de certaines organisations non gouvernementales (ONG) françaises et internationales, leur permettant ainsi de rehausser la prévisibilité de leurs programmes et l’indépendance de leurs actions. La France a également créé le programme « Projets innovants des sociétés civiles et coalitions d’acteurs ». Ce fonds remplace le Fonds social de développement dans les pays. Il a pour objectif de faire émerger des organisations susceptibles d’intervenir efficacement sur le terrain, en coordination avec les services de l’État, les autorités locales et les intervenants extérieurs. Au Maroc et au Niger, toutefois, les ONG locales de taille moyenne ont fait part de leur impossibilité à accéder aux financements de l’AFD gérés depuis Paris, alors que l’enveloppe administrée par l’ambassade de France dans chaque pays est modeste et s’adresse plutôt aux ONG locales de très petite taille (annexe C). Augmenter l’aide transitant par les ONG constituerait un bon moyen de mobiliser davantage leur savoir-faire et leur capacité d’action auprès de la société civile. Cela permettrait également de mieux atteindre les plus démunis, un engagement de la France dans le cadre du Programme de développement durable à l’horizon 2030. À cet égard, l’engagement pris par le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) en 2018 de doubler l’aide transitant par les ONG et les collectivités territoriales est un élément favorable (MEAE, 2018a).
La France a élaboré de nombreux partenariats avec le secteur privé, principalement par le biais de l’AFD et sa filiale Proparco (chapitre 3). Elle a également mobilisé des partenariats avec les donneurs émergents dans le cadre de la coopération triangulaire, comme est le cas au Maroc dans différents domaines (climat, infrastructures, environnement, volontariat, éducation). Enfin, elle collabore avec les institutions financières des pays émergents (Encadré 5.1).
Encadré 5.1. Une coopération accrue avec les institutions financières des pays émergents
L’AFD a été en 2011 l’un des membres fondateurs de l’International Development Finance Club (IDFC). Le directeur général de l’AFD, Rémy Rioux, a été nommé président de l’IDFC en 2017. L’IDFC est un réseau mondial de 23 institutions publiques de financement du développement, dont 19 proviennent de pays émergents ou en développement. Avec 3 500 milliards USD (dollars des États-Unis) d’actifs cumulés et plus de 780 milliards USD de financements annuels, l’IDFC représente cinq fois la taille de l’ensemble des banques multilatérales.
Les objectifs de l’IDFC sont d’influencer, à travers des prises de position communes, les grands débats internationaux sur le développement et la finance climat ; d’identifier et de développer des opportunités commerciales communes ; et de partager le savoir-faire et bonnes pratiques en vue d’un apprentissage mutuel. L’IDFC engage par exemple chaque année 100 milliards USD de financements « verts » et climatiques, et a élaboré des méthodes communes de comptabilisation de la finance climat. Certains des membres d’IDFC, y compris de pays émergents, vont mettre en œuvre des financements issus du Fonds vert pour le climat.
À travers sa présidence, l’AFD souhaite faire monter en puissance le Club sur la finance climat, notamment par la mise en œuvre de l’Accord de Paris ; explorer les innovations liées aux Objectifs de développement durables (gouvernance, lutte contre les inégalités, développement urbain) ; et consolider le positionnement de l’IDFC comme troisième pilier de financement du développement, aux côtés des banques multilatérales et du secteur privé.
Doté d’une enveloppe de 300 millions EUR, le Fonds franco-chinois pour l’investissement dans les pays tiers, est un autre exemple de la volonté française de coopérer avec les institutions financières des pays émergents. Le Fonds a pour ambition d’atteindre les 2 milliards EUR dans les années à venir, avec pour objectif d’exploiter la complémentarité des entreprises françaises et chinoises pour investir dans les pays en développement.
L’adhésion en juin 2016 de la France (comme d’autres pays européens, mais contrairement au Canada, aux États-Unis et au Japon) à la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures, créée par la Chine en 2014, souligne également son ambition de renforcer sa coopération et ses capacités d’investissement dans les marchés émergents.
Sources: (Drif, 2016 et Nodé-Langlois, 2015)
L’État français a également renforcé ses partenariats avec les collectivités territoriales, grâce à l’adoption du Livre blanc Diplomatie et Territoire (chapitre 2) et la création en 2014 par l’AFD de la Facilité de financement des collectivités territoriales françaises, qui lui permet de financer directement des projets initiés puis mis en œuvre par les collectivités territoriales françaises1. D’autre part, l’alliance entre l’AFD et la Caisse des dépôts et consignations devrait permettre à l’Agence de renforcer ses liens avec les collectivités locales. Enfin, le CICID s’est engagé en 2018 à ce que la France double d’ici à 2022 les fonds de soutien à l’action extérieure des collectivités territoriales (MEAE, 2018a)2.
La France développe également de nombreux partenariats avec le monde de la recherche et les universités. Elle le fait à travers ses propres établissements (Institut de recherche pour le développement, Centre de coopération de recherche agronomique pour le développement, Institut national de la recherche agronomique et Institut Pasteur) dotés de représentations dans de nombreux pays en développement, et qui contribuent depuis de nombreuses années au renforcement des communautés scientifiques dans ces pays; à travers ses instituts spécialisés dans le développement international (Fondation pour les études et recherches sur le développement international et Institut du développement durable et des relations internationales) ; et à travers des projets de coopération avec des instituts de recherche français et étrangers (MEAE, 2017). En outre, la France développe sa coopération dans le domaine culturel en s’appuyant sur son réseau de 96 Instituts français et plus de 800 Alliances françaises.
La programmation budgétaire de l’aide publique au développement (APD) reste complexe et rigide
La structure budgétaire de l’APD française est complexe. Elle comprend 24 programmes budgétaires distincts, répartis entre 13 missions gérées par 14 ministères, auxquels s’ajoutent des crédits extrabudgétaires en hausse ces dernières années. Les deux principaux programmes budgétaires qui composent la mission « Aide publique au développement » (programme 209, « Solidarité à l’égard des pays en développement », géré par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères [MEAE] ; programme 110, « Aide économique et financière au développement », géré par le ministère de l’Économie et des Finances [MINEFI]) – représentent moins d’un tiers de l’APD totale française (Graphique 5.1)
Les deux tiers de l’APD française sont donc gérés dans le cadre de missions dont l’objectif principal n’est pas le développement - certaines d’entre elles représentant des montants importants, comme la mission « Recherche et enseignement supérieure », chiffrée à 1.07 milliard EUR en 2017 et dont la majorité est constituée de frais d’écolage et de bourses dans l’enseignement supérieur en France (MEAE, 2018b) - ou par des fonds extrabudgétaires (principalement la taxe sur les transactions financières et la taxe de solidarité sur les billets d’avion), et l’aide aux collectivités territoriales (chapitre 3). La complexité de la structure budgétaire rend difficile à appréhender la relation entre les budgets votés et ce qui est au final comptabilisé comme APD.
Les exercices budgétaires sont annuels, et la France ne partage pas de prévisions budgétaires à moyen terme avec ses partenaires bilatéraux et multilatéraux. Cela a un impact négatif sur la prévisibilité de son aide. Par exemple, comme il a été observé au Maroc et au Niger, la programmation annuelle du Fonds de solidarité pour les projets innovants à destination des ONG locales les empêche de prévoir leurs actions futures (annexe C).
La France s’inscrit dans les approches conjointes européennes
La loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale (LOP-DSI), promulguée en 2014, engage la France à s’inscrire dans la programmation conjointe européenne dans les pays bénéficiaires de l’aide. Cinquante-six pays, dont 12 des 17 pays prioritaires de l’aide française3, sont inscrits dans ce processus. Dans ces pays, la France ne produit plus de document de programmation bilatérale et souhaite ajuster ses cycles de programmation afin de s’intégrer à la programmation conjointe. Dans ce contexte, elle visera à faire ressortir les trois secteurs prioritaires de l’aide française (retenus parmi les dix secteurs prioritaires définis dans la LOP-DSI), ainsi que les deux priorités transversales, en faisant toutefois preuve d’une certaine souplesse (chapitre 2). Au Niger, par exemple, elle a participé au diagnostic conjoint et attend l’élaboration de la programmation européenne pour décider des allocations sectorielles de son aide. La mise en place de cette programmation conjointe, si elle est effective, sera l’occasion pour la France de réduire la fragmentation de son aide (annexe C).
La France participe activement aux mécanismes de coordination de l’aide dans les pays, comme au Niger dans le cadre du Fonds commun sectoriel Éducation. Elle est chef de file dans certains secteurs où sa valeur ajoutée est forte, comme au Maroc dans le secteur de l’eau et de l’assainissement. Elle utilise également la coopération déléguée, comme observé par exemple au Maroc entre l’AFD, la Banque européenne d’investissement et la KfW dans les domaines de l’eau et l’assainissement, et l’électricité (annexe C). En 2016, dans le monde, l’Union européenne a délégué à l’AFD la gestion de 541.2 millions EUR. 63.3 millions EUR a également été déléguée à Expertise France (MEAE, 2017).
Des progrès à poursuivre en matière de transparence de l’aide
La France a amélioré la transparence de son aide. Entre 2012 et 2016, elle a continué de la notifier de manière satisfaisante au Système de notification des pays créanciers (chapitre 3). Elle a également amélioré sa notification à l’enquête sur les dépenses prévisionnelles de l’OCDE, même si l’horizon des informations fournies pourrait encore être étendu (OCDE, 2017b). Elle a en outre adhéré en 2016 à l’Initiative internationale pour la transparence de l’aide, mais doit encore améliorer sa notification à cette dernière4 (OCDE/PNUD, 2017c). Le MEAE et l’AFD publient les informations sur les projets qu’ils financent sur une plateforme unique5 ; l’AFD s’apprête à publier ses prévisions de décaissements par projet. En outre, les informations sur les projets financés par l’AFD et Proparco sont publiées sur des cartes en ligne6, et l’AFD les publie également sur la plateforme ouverte des données publiques françaises7. L’Agence souhaite élargir le périmètre de la transparence aux financements non souverains et aux financements de Proparco et du Fonds français pour l’environnement mondial, ainsi qu’aux évaluations ex post décentralisées (chapitre 6)8. La France poursuit ses efforts dans le cadre du plan d’action du Partenariat pour un gouvernement ouvert avec un engagement spécifique sur la transparence de l’aide9.
L’APD de la France est presque entièrement déliée
Les montants d’aide liée de la France sont en baisse constante depuis 2013. En 2016, 96.3 % de l’aide bilatérale française était déliée (annexe B, Tableau B.6). La performance française dans ce domaine est supérieure à celle de l’ensemble du CAD pour lequel le pourcentage d’aide déliée s’élevait à 81.3 % en 2016 (OCDE, 2017a). En outre, l’APD de la France aux pays les moins avancés (PMA) et aux pays pauvres très endettés non-PMA est presque entièrement déliée (98.9 % en 2016, contre 88.3 % pour l’ensemble du CAD). Il faut noter qu’en 2014, 40 % du nombre de contrats émis par la coopération française ont finalement été attribués à des fournisseurs français, soit légèrement en dessous de l’ensemble des pays du CAD (42 % des contrats attribués à des fournisseurs du pays donneur). En volume, 38 % du montant total des contrats émis par la France ont été attribués à des fournisseurs français, soit bien en-dessous de l’ensemble des pays du CAD (46% du montant total des contrats attribués à des fournisseurs du pays donneur) (OCDE, 2017a).
Action au niveau des pays
Indicateur d’examen par les pairs : l’action du membre dans les pays partenaires est conforme à ses engagements nationaux et internationaux, y compris ceux qui s’appliquent spécifiquement aux États fragiles.
La France n’élabore pas dans les pays de cadres détaillés de partenariat comprenant l’ensemble des activités financées et des résultats attendus, ce qui rend difficile le pilotage de la coopération et son suivi-évaluation. D’autre part, les performances françaises en matière d’efficacité du développement sont bonnes, sauf pour la prévisibilité à moyen terme. La coopération française est appréciée par ses pays partenaires en raison de la valeur ajoutée de ses liens historiques et culturels, son expertise technique et la palette des instruments à sa disposition. La France gagnerait à mieux utiliser ses atouts dans les contextes fragiles.
L’absence de cadre global de coopération dans les pays partenaires complique le pilotage et le suivi des résultats de la coopération
Par souci d’harmonisation, la France a décidé de ne plus élaborer de document de programmation bilatérale dans les pays bénéficiant d’une programmation conjointe européenne. Dans les autres pays, elle signe parfois un accord-cadre de partenariat avec le pays bénéficiaire. Ce document d’ordre politique peut prendre différentes formes, mais ne comporte généralement ni montants ni indicateurs précis, et n’implique parfois pas suffisamment l’AFD, comme observé au Niger (Annexe C). L’AFD possède sa propre stratégie dans certains pays, comme au Maroc. Cette stratégie ne comporte pas non plus de montants détaillés ni prospectifs et ne porte que sur les projets de l’Agence. En outre, seules les grandes lignes des cadres d’intervention sont discutées avec les pays partenaires. La Direction générale du Trésor dispose également de quelques stratégies pays, qu’il ne partage pas non plus avec les pays. Enfin, les ministères sectoriels et les instituts actifs dans la coopération possèdent parfois aussi leurs propres stratégies pays.
La France pourrait élaborer avec les pays bénéficiaires de son aide des cadres de partenariat englobant l’ensemble des activités de coopération. Ces cadres faciliteraient le pilotage de la coopération par l’ambassade, soutiendraient le dialogue avec les autorités nationales et contribueraient au suivi des résultats. En faisant figurer des montants, des objectifs et des indicateurs pour toutes les activités, ils contribueraient à une vision d’ensemble et permettraient d’effectuer un meilleur suivi de la coopération française. La préparation de ces cadres pourrait se faire une fois la programmation conjointe européenne finalisée dans les pays où celle-ci existe.
De bonnes performances en matière d’efficacité du développement mais l’approche globale des crises est limitée par des procédures trop rigides
La France a participé à toutes les enquêtes de suivi de la mise en œuvre de la Déclaration de Paris et des engagements pris au Forum de Busan10. Le MEAE est chargé de coordonner et vérifier la qualité et la cohérence des données fournies. Les performances de la France en matière de déliaison de l’aide sont très satisfaisantes, et celles en matière de transparence sont en progrès. La France est également performante en matière d’appropriation et d’alignement : elle a augmenté la part de ses financements inscrits sur les budgets nationaux des pays (de 57.1 % en 2010 à 63.9 % en 2016) et elle achemine une grande partie de ses financements par le biais des systèmes nationaux (67.3 % en 2016), soit bien au-dessus de l’ensemble des pays du CAD (47.2 %) (Graphique 5.2). La France utilise en particulier très largement les systèmes budgétaires et les systèmes de passation des marchés des pays bénéficiaires (OCDE/PNUD, 2017c).
Les projets de l’AFD sont systématiquement réalisés en maîtrise d’ouvrage locale et selon les procédures des pays bénéficiaires. Les entretiens avec les représentants des gouvernements et les autres donateurs lors des missions au Maroc et au Niger ont confirmé la volonté française d’appropriation de son aide par les pays bénéficiaires et d’utilisation des systèmes nationaux (Annexe C). La performance de la France s’est en revanche dégradée en matière de prévisibilité à moyen terme, qui est passée de 82.2 % en 2013 à 58.7 % en 201611 ; cette baisse reflète l’absence d’enveloppe pluriannuelle dans les accords de partenariats avec les pays.
Le Centre de crise et de soutien est organisé de façon claire et permet d’engager une réponse rapide aux situations de crise, en coordination avec les ambassades concernées. Si le lien avec la Cellule crises et conflit de l’AFD est fluide à Paris, le circuit décisionnel n’est pas assez souple pour assurer un lien efficace entre l’aide d’urgence ou de stabilisation et le développement. Le doublement du montant alloué à la Facilité d’atténuation des vulnérabilités, décidé par le CICID de 2018 (MEAE, 2018a), nécessitera de réviser les procédures administratives. De même, la mise en place systémique d’équipes pluridisciplinaires pourrait aider à opérationnaliser les stratégies, et favoriser une approche globale et cohérente des crises.
Les pays bénéficiaires apprécient l’expertise technique, la palette des instruments et les conditions clairement énoncées de l’aide française
La valeur ajoutée de la France réside dans ses liens historiques et linguistiques avec la plupart de ses pays prioritaires, ainsi que dans son expertise technique et son engagement sur la durée. Ces facteurs lui permettent de s’adapter à l’évolution du contexte économique et social, et d’être à l’écoute des besoins exprimés par les contreparties nationales. La palette d’instruments disponibles – notamment le montage de projets prêt‑dons-assistance technique – constitue un atout de l’AFD par rapport aux autres donneurs, comme observé au Maroc et au Niger où l’assistance technique apportée par l’Agence est un facteur de choix des autorités par rapport aux autres banques de développement, bien que les conditions financières proposées par l’AFD ne soient pas toujours les plus avantageuses. L’intégration d’Expertise France au sein de l’AFD pourra soutenir l’apport d’assistance technique au sein de projets, notamment dans des domaines nouveaux pour l’AFD comme la gouvernance.
Les conditionnalités politiques s’appliquent principalement à l’aide bilatérale budgétaire, qui ne représente qu’une part limitée de l’APD française. Les conditions de l’aide délivrée aux ONG locales par le biais du Fonds de solidarité pour les projets innovants sont claires, mais sont parfois trop complexes et lourdes au regard des montant alloués12. L’AFD n’émet pas de conditions politiques concernant ses projets. Cependant, ceux-ci doivent respecter certains principes (en matière d’éthique, de responsabilité sociale, de respect de l’environnement et des droits de l’homme). Ils doivent aussi répondre à des conditions technico-économiques, et respecter la réglementation bancaire en matière de lutte contre la corruption, le blanchiment d’argent ou le financement du terrorisme (MEAE, 2017) (chapitre 1). Néanmoins, conformément à ses engagements pris à Busan, la France pourrait développer davantage des conditions axées sur les résultats, ce qui n’est pas encore le cas. Au Niger, par exemple, des ONG financées par l’AFD estiment que ses procédures administratives sont trop centrées sur la gestion financière et pas suffisamment sur les impacts des projets (annexe C).
Une analyse globale des fragilités doit permettre une prévention des crises plus élaborée
La France tient compte des multiples dimensions de la fragilité, y compris le cadre macro-économique, sur lequel elle peut influer dans les pays prioritaires13. L’appréciation régionale ou par bassin de crise constitue également un élément positif permettant de développer une vision régionale des facteurs de crises. L’analyse des fragilités se fait aussi bien au niveau du MEAE qu’au sein de l’AFD, avec des capacités qui se développent et une bonne coordination entre les deux entités, ainsi qu’avec le ministère des Armées (Ministère des Armées, 2016). Pour autant, la Facilité pour l’atténuation des vulnérabilités de l’AFD n’est pas encore assez souple, et le modeste Fonds de stabilisation du Centre de crise et de soutien reste le seul instrument permettant d’engager rapidement des fonds pour prévenir l’escalade des crises.
Références
AFD (2017), Responsabilité sociétale 2016, Agence française de développement, Paris, www.afd.fr/sites/afd/files/2017-09/rapport-responsabilite-societale-afd.pdf.
Drif, A. (2016) « La France et la Chine s’allient pour investir à l’international » Les Échos, www.lesechos.fr/14/11/2016/lesechos.fr/0211491747052_la-france-et-la-chine-s-allient-pour-investir-a-l-international.htm (consulté le 27 février 2018)
MEAE (2018a), « Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) 8 février 2018 Relevé de conclusions », www.diplomatie.gouv.fr/IMG/pdf/releve_de_conclusions_du_comite_interministeriel_de_cooperation_internationale_et_du_developpement_-_08.02.2018_cle4ea6e2-2.pdf (consulté le 23 février 2018).
MEAE (2018b), « La Politique Transversale: Politique française en faveur du développement », www.performance-publique.budget.gouv.fr/sites/performance_publique/files/farandole/ressources/2018/pap/pdf/DPT/DPT2018_politique_developpement.pdf (consulté le 06 février 2018).
MEAE (2017), Mémorandum de la France sur ses politiques de coopération : Comité d’aide au développement, OCDE.
MEAE (2015), Aide budgétaire globale 2015 – «La France en République centrafricaine», site de l’ambassade de France à Bangui, https://cf.ambafrance.org/Aide-budgetaire-globale-2015 (consulté le 03 mars 2018).
Ministère des Armées (2016), « Gagner la guerre ; gagner la paix », www.defense.gouv.fr/actualites/communaute-defense/gagner-la-guerre-gagner-la-paix (consulté le 26 février 2018).
Nodé-Langlois, F (2015) « Pourquoi la France rejoint la nouvelle banque chinoise de développement », Le Figaro, www.lefigaro.fr/conjoncture/2015/03/17/20002-20150317ARTFIG00309-pourquoi-la-france-rejoint-la-nouvelle-banque-chinoise-de-developpement.php (consulté le 27 février 2018).
OCDE (2018), Statistiques OCDE/CAD, http://www.oecd.org/dac/stats (consulté le 27 février 2018).
OCDE (2017a), « 2017 Report on the DAC Untying Recommendation », www.oecd.org/dac/financing-sustainable-development/development-finance-standards/2017-Report-DAC-Untying.pdf (consulté le 06 mars 2018).
OCDE (2017b), DAC statistical reporting issues in 2016. Non-publié.
OCDE/PNUD (2017c), « Vers une coopération pour le développement plus efficace », http://dx.doi.org/10.1787/9789264277601-fr (consulté le 27 février 2018).
Notes
← 1. Pour plus de détails, voir : www.afd.fr/fr/la-ficol-un-tremplin-pour-laction-exterieure-des-territoires-francais.
← 2. L’APD délivrée par les collectivités locales s’élevait à 91 millions USD en 2016 (OCDE, 2018).
← 3. Selon la liste définie par le CICID de 2016.
← 4. Dans le classement de l’index 2016 de transparence publié par Publish What You Fund, l’AFD, le MEAE et le MINEFI figuraient respectivement dans les groupes fair (correct), poor (mauvais) et very poor (très mauvais) (www.publishwhatyoufund.org/the-index/comparison-chart/).
← 5. Voir : www.opendata.afd.fr.
← 6. Voir : http://carte.afd.fr et http://carte.proparco.fr.
← 7. Voir : www.data.gouv.fr.
← 8. L’AFD a lancé en 2017 un dispositif de gestion des réclamations environnementales et sociales relatives aux projets de l’Agence, ainsi qu’une politique de responsabilité sociale comportant un volet de transparence à l’intention du personnel. En outre, elle publie depuis 2012 un rapport annuel de responsabilité sociétale dans le cadre de la Global Reporting Initiative (AFD, 2017).
← 9. Pour le MEAE, il s’agira d’étendre la publication des données de l’aide publique au développement à de nouvelles zones géographiques d’ici 2019.
← 10. Enquêtes réalisées en 2005, 2007, 2011, 2013 et 2016.
← 11. Vingt-deux pays ont fourni des données sur cet indicateur en 2013 et 29 pays en 2016. Si l’on prend en compte uniquement les 18 pays ayant répondu aux deux enquêtes, la baisse est du même ordre (de 83.0 % en 2013 à 61.8 % en 2016).
← 12. Inférieurs à 10 000 EUR pour la plupart des projets.
← 13. Par exemple, l’appui budgétaire à la République centrafricaine a permis : 1) de procéder aux paiements des salaires des fonctionnaires, avec un effet de prévention et de stabilisation ; et 2) d’organiser des élections (MEAE, 2015).