Ce chapitre décrit la situation des marchés et présente les projections à moyen terme relatives aux marchés mondiaux des produits laitiers sur la période 2019-28. Il passe en revue les évolutions prévues en termes de prix, de production, de consommation et d’échanges pour le lait, les produits laitiers frais, le beurre, le fromage, le lait écrémé en poudre et le lait entier en poudre, et examine en conclusion les principaux risques et incertitudes susceptibles d’avoir une incidence sur les marchés mondiaux des produits laitiers dans les dix années à venir
Perspectives agricoles de l'OCDE et de la FAO 2019-2028
Chapitre 7. Lait et produits laitiers
Abstract
7.1. Situation du marché
La production mondiale de lait (lait de vache : 81 %, lait de bufflonne : 15 %, autres types de lait (chèvre, brebis et chamelle) : 4 %) a augmenté de 1.6 % en 2018 pour s’établir à 838 Mt environ. En Inde, premier producteur mondial, elle a crû de 3.0 % pour atteindre 174 Mt. Toutefois, cette progression n’a eu que des retombées modestes sur le marché laitier mondial, car l’Inde ne participe que de façon marginale aux échanges de lait et de produits laitiers.
En 2018, les trois principaux exportateurs de lait et de produits laitiers — l’Union européenne, la Nouvelle-Zélande et les États-Unis — ont vu leur production augmenter respectivement de 0.8 %, 3.2 % et 1.1 %. Cette hausse est presque uniquement due à une amélioration des rendements par vache. En Nouvelle-Zélande, des conditions favorables à l’herbe ont également joué un rôle. Par conséquent, la disponibilité de produits laitiers frais1 et transformés pour l’exportation a également augmenté. Dans la République populaire de Chine (ci-après la « Chine »), premier importateur mondial de produits laitiers, la production de lait a augmenté pour la première fois en quatre ans (+1.1 % en 2018) ; fin 2018, les statistiques officielles de la production ont été révisées à la baisse de 15 % pour les dix dernières années.
Les cours laitiers mondiaux désignent les cours des produits laitiers, le lait cru n’étant pratiquement jamais échangé. Le beurre sert de référence pour la matière grasse du lait et le lait écrémé en poudre pour les autres constituants solides du lait. La matière grasse et les autres constituants solides représentent environ 13 % du poids du lait, le reste étant constitué d’eau. En 2018, les prix du beurre ont baissé par rapport à leur niveau record de 2017, tout en opérant un redressement important vers le milieu de l’année. La bonne tenue des prix de la matière grasse du lait (beurre) par rapport à ceux des autres constituants solides (lait écrémé en poudre) s’est confirmée en 2018, en raison d’une demande vigoureuse de crème, de beurre et d’autres produits laitiers entiers en Amérique du Nord et en Europe. Les prix du lait écrémé en poudre ont commencé à se redresser vers la fin de 2018, l’Union européenne ayant écoulé une bonne partie de son stock d’intervention, constitué principalement en 2016 lorsque les prix étaient tombés sous le seuil fixé à 1 698 EUR par tonne.
7.2. Principaux éléments des projections
La production mondiale de lait devrait croître de 1.7 % par an ces dix prochaines années (atteignant 981 Mt en 2028), plus vite que la plupart des autres produits agricoles. Contrairement à ce qu’il s’est passé ces dix dernières années, la croissance prévue des cheptels (1.2 % par an) est supérieure à celle de la moyenne des rendements (0.4 %), les cheptels de vaches laitières étant appelés à augmenter plus rapidement dans les pays où les rendements sont bas. Ainsi, l’Inde et le Pakistan, deux grands producteurs de lait, compteront pour plus de la moitié de la croissance de la production mondiale ces dix prochaines années et pour plus de 30 % de la production mondiale en 2028. La production de l’Union européenne, deuxième producteur mondial, devrait croître plus lentement que la moyenne mondiale, parce qu'elle est peu exportée et que la demande intérieure n’augmente que légèrement.
Le lait est un produit très périssable, qui doit être transformé rapidement après sa collecte. Il ne peut être stocké que quelques jours. Ainsi, l’essentiel de la production laitière est consommée sous forme de produits frais, qui ne sont pas ou presque pas transformés. La part de ces produits dans la consommation mondiale devrait croître au cours des dix prochaines années, en raison d’une forte demande portée par la hausse des revenus et la croissance de la population dans les pays en développement. D'après les projections, la consommation mondiale par habitant de produits laitiers frais augmentera de 1.0 % par an ces dix prochaines années, soit un peu plus vite qu'au cours des dix précédentes, sous l'effet de la hausse des revenus par habitant, en particulier en Inde. En Europe et en Amérique du Nord, la demande globale de produits laitiers frais par habitant recule, mais se réoriente depuis quelques années vers les matières grasses du lait. C’est dans ces deux régions que l'on consomme l’essentiel du fromage, deuxième produit laitier par ordre d’importance sur la base de l’extrait sec, et cette consommation devrait encore augmenter.
Les échanges mondiaux de lait portent principalement sur les produits transformés. La Chine en consomme de petites quantités par habitant, mais elle n'en est pas moins le premier importateur de produits laitiers, en particulier de lait entier en poudre. Le Japon, la Fédération de Russie, le Mexique, et la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord sont d’autres grands importateurs nets de produits laitiers. Les accords commerciaux internationaux (PTPGP, AECG et accord préférentiel entre le Japon et l’Union européenne) contiennent des dispositions précises sur les produits laitiers (comme les contingents tarifaires) qui favorisent les échanges commerciaux.
Depuis 2015, le prix du beurre dépasse largement celui du lait écrémé en poudre. Cette évolution reflète celle de la demande internationale, plus forte pour les matières grasses du lait que pour ses autres constituants solides, et l'on suppose qu'elle constituera une caractéristique structurelle du secteur au cours des dix prochaines années.
L'évolution de l’environnement commercial pourrait entraîner une modification sensible des échanges de produits laitiers. Le Brexit, par exemple, pourrait avoir une incidence sur les quantités importantes de fromage et d’autres produits laitiers qui s'échangent actuellement entre l’Union européenne et le Royaume-Uni, tandis que l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM) devrait se répercuter sur les flux d’échanges en Amérique du Nord. À ce jour, les grands pays consommateurs que sont l’Inde et le Pakistan sont peu présents dans le commerce mondial. S'ils participaient davantage aux échanges, cela pourrait avoir d’importantes retombées sur les marchés internationaux.
7.3. Prix
Les prix internationaux de référence correspondent aux prix des produits transformés des principaux exportateurs d’Océanie et d’Europe. Les deux principaux prix de référence sont celui du beurre et celui du lait écrémé en poudre. Depuis 2015, les cours du beurre ont augmenté bien davantage que ceux du lait écrémé en poudre en raison principalement d’une demande internationale accrue de matières grasses du lait par rapport à d’autres constituants solides. Cette tendance devrait se poursuivre ces dix prochaines années (graphique 7.2).
Actuellement, le prix du lait écrémé en poudre est relativement bas et devrait augmenter en valeur réelle durant la période de projection. La constitution d’importants stocks d’intervention dans l’Union européenne a mis un frein à la hausse, mais ces stocks ont été presque entièrement écoulés au second semestre 2018 et début 2019. Le prix annuel du beurre a atteint un niveau record en 2017 avant de redescendre. Il devrait se replier encore légèrement, en valeur réelle, comme les prix de la plupart des autres produits agricoles, pendant la période de projection. Les prix mondiaux du lait entier en poudre et du fromage devraient épouser la tendance du beurre et du lait écrémé en poudre, selon leur teneur respective en matière grasse et en autres matières solides.
La forte volatilité des cours internationaux des produits laitiers s’explique par la faible part de ces produits dans le commerce mondial (environ 8 % de la production mondiale de lait), par la prédominance de quelques pays exportateurs et importateurs, et par des politiques commerciales restrictives. La plupart des marchés domestiques sont assez déconnectés de ces prix, puisque l'on y consomme surtout des produits laitiers frais et que seule une part réduite du lait est transformée.
7.4. Production
La production mondiale de lait devrait croître de 1.7 % par an ces dix prochaines années (atteignant 981 Mt en 2028), soit plus vite que celle de la plupart des produits agricoles. Dans presque toutes les régions du monde, cette augmentation devrait provenir davantage de l'amélioration des rendements que de l'accroissement des cheptels (graphique 7.3). Si les moyennes mondiales semblent contredire cette projection, puisque la croissance des effectifs (1.2 % par an) est plus forte que la hausse des rendements (0.4 %), c'est parce que les cheptels augmentent plus vite dans les pays où les rendements sont relativement bas.
L’Inde et le Pakistan sont des producteurs de lait particulièrement prolifiques. Ils devraient compter pour plus de la moitié de la hausse de la production mondiale au cours des dix prochaines années et assurer plus de 30 % de cette production en 2028, essentiellement avec des troupeaux de quelques vaches ou de quelques bufflonnes. On prévoit que les rendements continueront d'augmenter rapidement et qu'ils contribuent davantage à la croissance de la production. Dans ces deux pays, la grande majorité de la production sera consommée sur place, car les produits laitiers frais sont rarement exportés.
Dans l’Union européenne, second producteur mondial de lait, la production devrait croître moins vite que la moyenne mondiale. À moyen terme, cette croissance résultera d'une modeste augmentation de la demande intérieure (fromage, beurre, crème et autres produits), mais aussi de la hausse de la demande mondiale de produits laitiers. L’accroissement de la production passera par une amélioration des rendements, estimée à 1.1 % par an ces dix prochaines années. Les cheptels laitiers devraient de nouveau s’orienter à la baisse (-0.5 % par an) après une augmentation au début de la période de projection, suite à la suppression des quotas laitiers. La production européenne est assurée par des animaux nourris à l’herbe ou avec d’autres aliments. En outre, une part croissante du lait produit devrait être d’origine biologique : les élevages biologiques regroupent à l’heure actuelle plus de 10 % des vaches laitières en Autriche, en Suède, en Lettonie, en Grèce et au Danemark. Environ 3 % de la production de lait de l’Union européenne proviennent d’exploitations biologiques, dont les rendements sont relativement faibles, mais qui bénéficient d’une majoration de prix considérable.
C’est en Amérique du Nord, où la production à l'herbe est limitée et l’alimentation du bétail axée sur les rendements, que la production moyenne par vache devrait être la plus élevée (graphique 7.4). Aux États-Unis et au Canada, les cheptels resteront globalement inchangés et la croissance de la production sera tirée par de nouvelles hausses de rendements qui sont déjà élevés. Alors que les marchés intérieurs sont saturés et que la demande de matières grasses du lait continue à s’accroître, les États-Unis exporteront principalement du lait écrémé en poudre.
La Nouvelle-Zélande est le pays où la production de lait, qui a fortement augmenté récemment, est la plus axée sur les exportations. Le système repose essentiellement sur l'herbe et les rendements sont beaucoup plus bas qu’en Amérique du Nord et en Europe. Une gestion efficace des prairies et le pâturage toute l’année permettent toutefois à la Nouvelle-Zélande d’être compétitive. Le manque de terres disponibles et les restrictions croissantes en matière d’environnement sont les deux principaux obstacles à la croissance. Une réorientation du système de production vers une plus grande utilisation d’autres aliments que l’herbe n’est toutefois pas prévue.
En Afrique, la production laitière devrait croître à un rythme soutenu, principalement du fait de l’expansion des cheptels. Les rendements sont généralement bas, mais le lait est surtout du lait de chèvre et de brebis. La plupart des vaches, des chèvres et des brebis pâturent et sont aussi élevées pour la production de viande et la traction, ou utilisées comme instruments d’épargne. Au cours de la période considérée, environ un tiers du cheptel mondial devrait se trouver sur le continent africain et fournir environ 5 % de la production totale.
Moins de 30 % de la production de lait sont transformés en beurre, fromage, lait écrémé ou entier en poudre, ou poudre de lactosérum. La demande directe de beurre et de fromage – surtout de fromage — est considérable. Ces deux produits représentent actuellement une large part de la consommation d’extrait sec de lait en Europe et en Amérique du Nord. Les échanges de lait écrémé et de lait entier en poudre sont florissants, et cette production est surtout destinée à l’exportation. Ces deux produits sont utilisés dans le secteur agroalimentaire, notamment dans la confiserie, les laits infantiles et les produits de boulangerie.
D’après les projections, seule la production de beurre progressera à un rythme plus rapide (1.9 % par an) que la production mondiale de lait. La production de lait écrémé en poudre devrait croître de 1.3 % par an, tandis que le fromage et le lait entier en poudre enregistreront une hausse de 1.2 % par an. Dans le cas du fromage, le ralentissement reflète celui des marchés alimentaires d’Europe et d’Amérique du Nord, sur lesquels il trouve ses principaux débouchés.
7.5. Consommation
L’essentiel du lait produit est consommé sous forme de produits frais. La part de ces produits dans la consommation mondiale devrait augmenter ces dix prochaines années, sous l’effet de l’accélération de la demande en Inde et au Pakistan en particulier, elle-même portée par la croissance des revenus et de la population. Ainsi, la consommation mondiale par habitant de produits laitiers frais devrait croître de 1.0 % par an sur la prochaine décennie, c’est-à-dire un peu plus vite que ces dix dernières années, du fait d’une amélioration rapide des revenus.
En termes d’extrait sec, la consommation de lait par habitant est très variable dans le monde (graphique 7.1). Cela tient en partie aux différences de revenus, mais il ne faut pas sous-estimer l’importance des préférences régionales. Ainsi, la consommation par habitant devrait être élevée en Inde et au Pakistan, mais faible en Chine. Quoi qu’il en soit, dans tous les pays, la part des produits laitiers transformés dans la consommation globale d’extrait sec de lait devrait être étroitement liée au niveau des revenus.
En Europe et en Amérique du Nord, la demande de produits laitiers frais par habitant décline, mais sa composition se modifie depuis quelques années au profit des matières grasses du lait, en l’occurrence le lait entier et la crème. Les études récentes qui ont mis en lumière les bienfaits des matières grasses laitières pour la santé, et les préférences croissantes des consommateurs pour des aliments plus goûteux et moins transformés expliquent en grande partie cette évolution.
Le fromage, deuxième produit laitier par ordre d’importance en termes d’extrait sec, est surtout consommé en Europe, en Amérique du Nord et en Océanie, où la consommation par habitant devrait continuer d’augmenter. En ce qui concerne le lait écrémé et le lait entier en poudre, l’industrie restera leur principal débouché, notamment pour la confiserie, les laits infantiles et les produits de boulangerie.
Si certains pays sont autosuffisants, comme l’Inde et le Pakistan, dans d’autres régions du monde, telles que l’Afrique, l’Asie du Sud-Est et le Moyen-Orient, la consommation devrait augmenter plus vite que la production, ce qui favorisera les importations. Le lait liquide étant plus coûteux à importer et à exporter, ce sont les laits en poudre, auxquels on ajoute de l'eau pour la consommation finale ou la transformation, qui absorberont la demande supplémentaire.
7.6. Échanges
Environ 8 % de la production mondiale de lait font l’objet d’échanges internationaux. Cette faible proportion s’explique avant tout par la nature périssable du lait et par sa teneur élevée en eau (plus de 85 %). Quoi qu’il en soit, ces dernières années, la Chine a considérablement augmenté ses importations de lait en provenance de l’Union européenne et de la Nouvelle-Zélande. Plus de 40 % de la production mondiale de lait entier et de lait écrémé en poudre sont échangés sur les marchés. Toutefois, ces poudres sont souvent produites dans le seul but de pouvoir stocker et négocier le produit sur de longues périodes.
Les quatre principaux pays exportateurs de produits laitiers de la période de référence sont la Nouvelle-Zélande, l’Union européenne, les États-Unis et l’Australie. Ensemble, ils devraient réaliser 75 % des exportations de fromage, 78 % de celles de lait entier en poudre, 79 % de celles de beurre et 81 % de celles de lait écrémé en poudre (graphique 7.5). L’Argentine est aussi un exportateur important de lait entier en poudre ; elle devrait compter pour 5 % des exportations mondiales en 2028. Ces dernières années, le Bélarus est également devenu un acteur important sur les marchés d’exportation, particulièrement sur le marché russe.
La Nouvelle-Zélande restera le premier fournisseur international de beurre et de lait entier en poudre, avec 39 % et 53 % respectivement de parts de marché attendues d’ici 2028. Étant donné que la Chine, qui est un grand importateur de lait entier en poudre, a réduit ses achats de façon spectaculaire, la Nouvelle-Zélande devrait voir sa production croître plus lentement, au rythme de 0.3 % par an ces dix prochaines années, contre 6.9 % les dix précédentes. La Nouvelle-Zélande devrait également diversifier et accroître légèrement sa production de fromage sur la période considérée.
L’Union européenne restera le principal exportateur mondial de fromage, suivie des États-Unis et de la Nouvelle-Zélande. Elle produira 48 % du fromage consommé dans le monde en 2028, cette performance étant soutenue par une hausse de ses exportations vers le Canada dans le cadre de l’accord AECG et vers le Japon suite à la ratification de l’accord commercial bilatéral en 2019.
Les importations de produits laitiers sont plus largement réparties entre les pays, mais leurs principales destinations sont le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord (MENA), les pays développés, l'Asie du Sud-Est, et la Chine (graphique 7.6). Le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord s’approvisionneront principalement auprès de l’Union européenne, tandis que les États-Unis et l’Océanie devraient être les principaux fournisseurs de lait en poudre de l’Asie du Sud-Est.
La Chine devrait rester le premier importateur de produits laitiers, en particulier de lait entier en poudre, qu'elle se procure pour l’essentiel auprès des pays d’Océanie. Ces dernières années, toutefois, elle a accru ses achats de beurre et de lait écrémé en poudre auprès de l’Union européenne. La Chine importe aussi beaucoup de produits laitiers frais : ses importations nettes s’élevaient à 0.7 Mt environ sur la période de référence et elles devraient augmenter de 2.7 % par an au cours des dix prochaines années.
Les pays développés importent un volume important de fromage et de beurre : environ 55 % et 39 % respectivement des importations mondiales en 2016-18. Ces pourcentages devraient être identiques en 2028. Le Royaume-Uni, la Fédération de Russie, le Japon, l’Union européenne et la Chine devraient être les cinq premiers importateurs de fromage en 2028. Le classement pourrait changer, mais les principaux pays importateurs de fromage seront des pays développés. Ces pays étant aussi souvent des exportateurs, leur participation aux échanges commerciaux se traduira par un choix plus vaste pour le consommateur.
7.7. Principales questions et incertitudes
La production mondiale pourrait pâtir d’événements météorologiques imprévus qui se répercuteraient sur la production de lait à l'herbe, système actuellement le plus répandu au monde. En effet, le changement climatique accroît le risque de sécheresse, d’inondation et de maladies qui peuvent nuire de différentes façons au secteur de l’élevage (volatilité des prix, rendement des vaches laitières et ajustement des cheptels).
Le caractère saisonnier de la production laitière en système pâturant entraîne une variation des cours internationaux selon les saisons, avec des pointes vers le milieu de l’année civile, surtout pour le beurre. La forte hausse du prix du beurre, ces dernières années, a mis en lumière ce phénomène.
La législation sur la protection de l’environnement conditionne dans une large mesure l’évolution de la production laitière. Dans certains pays, les activités du secteur laitier produisent une part considérable des émissions de gaz à effet de serre (Nouvelle-Zélande, Irlande). Toute réforme à cet égard pourrait avoir des répercussions sur la production de lait. Les pratiques durables en matière d’accès à l’eau et de gestion des effluents d’élevage sont un autre domaine où des changements d’orientation pourraient avoir un impact.
Dans l’Union européenne, la suppression des quotas laitiers en avril 2015 a relancé la spécialisation et la relocalisation de la production de lait. Dans plusieurs pays – Pays-Bas, Allemagne, Danemark, France et Italie –, les préoccupations liées à l’environnement pourraient faire obstacle à de futures hausses de la production de lait. Dans l’Union européenne, la nécessité de réduire les bilans minéraux au niveau de l’exploitation pourra créer des contraintes sur la production laitière, en particulier pour la production spécialisée basée sur d’autres aliments que l’herbe.
Les maladies du bétail peuvent avoir des répercussions considérables sur la production laitière. La mammite est l’infection la plus courante chez les bovins laitiers dans les exploitations du monde entier, quelle que soit leur taille. Il s’agit aussi de la pathologie la plus préjudiciable du point de vue économique, avec des retombées considérables sur les rendements et la qualité du lait. Les évolutions futures en matière de sensibilisation, mais aussi de diagnostic et de traitement, pourraient augmenter considérablement la production laitière par une diminution des pertes.
La lutte contre de nombreuses maladies, dont la mammite, passe le plus souvent par des traitements antibiotiques. Or, cette pratique suscite des inquiétudes concernant le développement de résistances bactériennes dû à une utilisation excessive, lesquelles risquent de réduire l’efficacité des traitements existants et de nécessiter l’élaboration de nouveaux médicaments. L'évolution de cette situation demeure une incertitude pour les dix années à venir.
Le prix relativement élevé des matières grasses du lait pourrait favoriser leur remplacement par des matières grasses végétales (poudres de lait réengraissées et autres produits laitiers) pour certaines utilisations et destinations. Cela crée des incertitudes supplémentaires concernant la valorisation relative de la matière grasse et de l’extrait sec dégraissé du lait à longue échéance.
Ces dernières années, les substituts d’origine végétale (boissons à base de soja, d’amande, de riz ou d’avoine) gagnent en importance dans la consommation de lait liquide de nombreuses régions du monde, notamment l'Amérique du Nord, l'Europe et l'Asie de l’Est. Cet engouement s’explique par une intolérance au lactose mais aussi par des interrogations sur les conséquences pour la santé et l’environnement de la consommation de lait et de produits laitiers. Les produits de substitution d’origine végétale connaissent une forte croissance, même si leur point de départ est bas, mais eux aussi suscitent un débat concernant leur impact sur l’environnement et leurs bienfaits pour la santé. Par conséquent, l’incertitude reste de mise quant à l'incidence à long terme de cette évolution sur la demande laitière.
L’évolution des politiques nationales constitue un autre motif d’incertitude. Au Canada, les projections concernant les exportations de lait écrémé en poudre sont difficiles à établir du fait de la réorganisation de la filière laitière nationale après la Décision de Nairobi adoptée par l’Organisation mondiale du commerce, qui supprime les subventions à l’exportation dans l’agriculture à compter de 2020. Dans l’Union européenne, les achats d’intervention de lait écrémé en poudre et de beurre à des prix déterminés, qui ont eu des répercussions importantes sur les cours du lait écrémé en poudre ces dernières années, restent une éventualité.
Les flux d’échanges laitiers pourraient être profondément modifiés par les transformations de l’environnement commercial. À ce jour, les plus grands pays consommateurs de produits laitiers, à savoir l’Inde et le Pakistan, ne sont pas présents sur le marché international, car leur production nationale est absorbée par une demande intérieure en plein essor.
La modification ou la mise en place d’accords commerciaux pourrait se répercuter sur la demande et les flux d’échanges de produits laitiers. Ainsi, l’Union européenne et le Royaume-Uni échangent des quantités importantes de fromage et d’autres produits laitiers, mais cela pourrait changer avec le Brexit, tandis que l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM) devrait se répercuter sur les flux d’échanges en Amérique du Nord. Quant à la Fédération de Russie, l’embargo qu'elle a imposé sur plusieurs produits laitiers en provenance de grands pays exportateurs devrait être levé en 2019 et ses importations devraient donc augmenter légèrement, mais il est peu probable qu'elles reviennent à leur niveau antérieur.
Note
← 1. Les produits laitiers frais comprennent tous les produits laitiers et le lait qui ne sont pas inclus dans les produits transformés (beurre, fromage, lait écrémé en poudre, lait entier en poudre et, dans certains cas, caséine et lactosérum). Les quantités sont exprimées en équivalent lait de vache.