Ce chapitre décrit la situation des marchés et présente les projections à moyen terme relatives aux marchés mondiaux des biocarburants sur la période 2019-28. Il passe en revue les évolutions prévues en termes de prix, de production, de consommation et d’échanges pour l’éthanol et le biodiesel, et examine en conclusion les principaux risques et incertitudes susceptibles d’avoir une incidence sur les marchés mondiaux des biocarburants dans les dix années à venir.
Perspectives agricoles de l'OCDE et de la FAO 2019-2028
Chapitre 9. Biocarburants
Abstract
9.1. Situation du marché
En 2018, la production mondiale de biocarburants a augmenté dans l’ensemble des grandes régions productrices, sauf en Argentine, où le biodiesel a atteint son niveau le plus faible en quatre ans, principalement à cause de la détérioration des perspectives d’exportation. Alors que les prix du pétrole brut ont grimpé en 2018, ceux de l’éthanol et du biodiesel ont baissé sous le poids de l’offre. Les prix des produits de base sont restés à des niveaux proches de ceux de 2017, sauf dans le cas des huiles végétales, où ils n’ont jamais été aussi bas. En 2018, l’augmentation du rapport entre les prix du biodiesel et ceux des produits utilisés dans sa fabrication a rendu ce biocarburant plus rentable, alors que les producteurs d’éthanol ont vu leurs profits s’éroder.
La demande de biocarburants a été soutenue par les obligations d’incorporation et par la hausse de la demande mondiale en carburant, due à la faiblesse persistante des prix de l’énergie. La convergence des prix des biocarburants et des carburants conventionnels a fait grimper la demande en biocarburants indépendamment des obligations d’incorporation, surtout au Brésil. En 2018, les pouvoirs publics de certains pays ont pris des décisions favorables pour les biocarburants, notamment en promulguant ou en annonçant l’augmentation des quantités prescrites ainsi que l’adoption de systèmes d’imposition ou de subvention différentiels.
9.2. Principaux éléments des projections
Les prix mondiaux des biocarburants sont étroitement liés à l’évolution des prix des matières utilisées pour les produire (dont la plupart baissent en termes réels) et des cours du pétrole brut (constants en termes réels). Par conséquent, les prix internationaux des biocarburants devraient, au cours de la période de projection, progresser en valeur nominale tout en continuant de reculer en valeur réelle.
Dans l’avenir, l’évolution des marchés des biocarburants restera fortement tributaire des mesures de soutien national. Deux grandes régions productrices, l’Union européenne et les États-Unis, destinent de plus en plus leur soutien aux biocarburants avancés non issus de produits agricoles traditionnels (biocarburants de deuxième génération). Dans son rapport World Energy Outlook (Perspectives mondiales de l'énergie), sur lequel reposent les projections des présentes Perspectives, l’AIE annonce une diminution de la demande totale de carburant dans ces deux régions, ce qui donne à penser que la croissance de la consommation de biocarburants sera limitée (graphique 9.1). Dans l’Union européenne, la baisse attendue de la consommation totale de diesel devrait faire fléchir celle de biodiesel. À l’inverse, aux États-Unis, la consommation de biodiesel devrait croître durablement du fait que le biodiesel produit à partir d’huiles végétales peut être considéré comme un biocarburant avancé en vertu de la Norme sur les carburants renouvelables (Renewable Fuel Standard - RFS) et que les taux obligatoires d’incorporation de biocarburants avancés et de biodiesel augmenteront en 2019 et 2020.
Au Brésil, en revanche, on prévoit une hausse de la consommation totale de carburant. Cette évolution et le programme RenovaBio – dont l’objectif est de réduire les émissions liées aux carburants de 10 % à l’horizon 2028 – sont de bon augure pour l’éthanol et le biodiesel. Dans les années à venir, la consommation de biodiesel devrait progresser au même rythme que celle du diesel, et l’éthanol marquer une légère accélération par rapport à l’essence. D’après les projections, 37 milliards de litres d’éthanol seront consommés en 2028, soit près d’un tiers de plus qu’aujourd'hui. Seule la République populaire de Chine (ci-après la « Chine ») devrait afficher une hausse relative plus forte. En septembre 2017, les autorités chinoises ont annoncé une nouvelle obligation concernant l’E10 applicable dans l’ensemble du pays à l’horizon 2020 et d’importantes capacités de production d’éthanol sont en cours de construction. Il est peu probable que l’obligation d’incorporation totale soit atteinte en 2020, les présentes Perspectives tablant sur un taux d’environ 4 % seulement pour cet horizon. Il n’empêche que, même dans ce cas, la consommation chinoise d’éthanol aura plus que doublé en une décennie.
Normalement, en Argentine, la teneur obligatoire de biodiesel, fixée à 10 %, sera respectée. En Indonésie, malgré la progression prévue de la part du diesel et du biodiesel dans la consommation totale de carburant au cours de la période de projection, il est peu probable que la demande permette d’atteindre les objectifs de 20 % ou 30 %. L’hypothèse retenue ici est que le taux d’incorporation du biodiesel plafonnera autour de 18 % en 2028. En Thaïlande, les autorités, anticipant une offre de manioc et de mélasse insuffisante pour atteindre les objectifs nationaux de production de biocarburants, ont revu à la baisse leurs objectifs de consommation d’éthanol et de biodiesel, qui sont ainsi passés de 4.1 milliards de litres à 2.6 milliards de litres. En Inde, il y a tout lieu de penser que l’éthanol ne progressera pas au même rythme que l’ensemble des carburants (dont la consommation va quasiment doubler au cours des dix prochaines années) puisque, malgré la hausse prévue de la consommation d’éthanol carburant, le taux d’incorporation d’éthanol devrait diminuer au cours de la période de projection.
Comme les mesures prises dans de nombreux pays en faveur des biocarburants tendent à soutenir le marché national, le volume des échanges internationaux est relativement faible. Au cours de la dernière décennie, les échanges mondiaux de biodiesel et d’éthanol, dominés par une poignée de pays, ont rarement représenté plus de 10 % de la production totale (qui devrait s’élever, en 2028, à 44 milliards de litres dans le cas du biodiesel et à 143 milliards de litres dans celui de l’éthanol). Les échanges de biodiesel devraient reculer du fait que l’offre croît plus vite que la demande aux États-Unis et dans l’Union européenne, tandis que ceux d’éthanol devraient rester stables. Les exportations de biodiesel devraient reculer en Argentine, et progresser en Indonésie.
Les principaux risques et incertitudes qui pèsent sur l’avenir du secteur des biocarburants sont liés au contexte dans lequel s’inscrit l’action des pouvoirs publics. D’après les présentes Perspectives, la plupart des biocarburants continueront d’être produits à partir de matières premières agricoles. Les annonces récentes semblent toutefois favorables aux biocarburants et mettent l’accent sur le rôle que les carburants renouvelables pourraient jouer dans l’atténuation des émissions de gaz à effet de serre imputables au secteur des transports (par exemple, dans l’Union européenne ou au Canada). Pour l’heure, rien n’indique que ces annonces se traduiront par des investissements supplémentaires dans la R-D liée à la production de biocarburants avancés à partir de biomasse lignocellulosique, de déchets ou de matières premières non alimentaires. Cela dit, compte tenu des investissements à réaliser pour disposer des capacités de production requises, l’essor des biocarburants avancés ne saurait intervenir avant le milieu de la période de projection.
9.3. Prix
Compte tenu de l’évolution des marchés des huiles végétales, les prix nominaux du biodiesel devraient grimper plus lentement (0.8 % par an) que ceux de l’éthanol (2.4 %). En valeur réelle, les prix du biodiesel devraient diminuer au cours de la période de projection, et ceux de l’éthanol repartir à la baisse à compter de 2023. Cette évolution des prix nominaux tient surtout au fait que les prix de l’éthanol n’ont jamais été aussi bas qu’à l’heure actuelle ; leur remontée est donc attendue pour les premières années de la période de projection. Toutefois, il ne faut pas perdre de vue que les prix internationaux et intérieurs des biocarburants sont généralement dissociés, le plus souvent à cause des mesures prises par les pouvoirs publics, parmi lesquelles figurent les avantages fiscaux et les prix garantis.
9.4. Production et consommation
Un déterminant majeur de la production et de la consommation mondiales de biocarburants est l’évolution du secteur des transports. D’après les projections que l’AIE présente dans son rapport World Energy Outlook (Perspectives mondiales de l'énergie), la demande mondiale d’essence se maintiendra autour de 1 120 milliards de litres tout au long de la période de projection, tandis que celle du diesel diminuera d’environ 8 %, passant ainsi de 762 milliards de litres à 703 milliards de litres. Pourtant, dans le même temps, la demande totale en carburant continuera probablement de croître dans de nombreux pays (Encadre 9.1).
À l’échelle mondiale, les Perspectives anticipent un fort ralentissement de la production de biocarburants par rapport aux décennies précédentes. La raison principale en est qu’aux États-Unis et dans l’Union européenne, les pouvoirs publics ont diminué la voilure du soutien au secteur des biocarburants. La demande devrait croître dans les principaux pays en développement du fait de l’élargissement attendu du parc de véhicules et des mesures prises pour stimuler la demande des consommateurs et favoriser les mélanges à forte teneur.
Encadré 9.1. Les biocarburants en bref
Les biocarburants (bioéthanol et biodiesel1) sont les carburants qui sont produits à partir de la biomasse. Environ 60 % de l’éthanol actuellement produit est issu du maïs, 25 % de la canne à sucre, 7 % de la mélasse, 4 % du blé, les autres céréales, le manioc et les betteraves sucrières se partageant le reste. Le biodiesel est obtenu à partir d’huiles végétales dans 77 % des cas (à raison de 30 % pour l’huile de soja, de 25 % pour l’huile de palme et de 18 % pour l’huile de colza) et d’huiles de cuisson usagées dans 22 %. Les biocarburants avancés issus de produits cellulosiques (par exemple, résidus de récolte, résidus du bois ou cultures dédiées à la production énergétique) occupent une place marginale dans la production totale de biocarburants. Pourtant, les technologies y afférentes sont souvent jugées prometteuses pour l’avenir, dans la mesure où elles sont censées amoindrir la concurrence pour les produits alimentaires et entraîner des niveaux moins dangereux d’émissions de gaz à effet de serre2. Les secteurs mondiaux des biocarburants sont extrêmement sensibles aux politiques nationales qui répondent aux trois objectifs suivants : soutenir les agriculteurs, réduire les émissions de gaz à effet de serre et/ou limiter la dépendance énergétique.
Tableau 9.1. Classement des producteurs de biocarburants et principales matières premières
|
Rang (période de référence) |
Principales matières premières |
||
---|---|---|---|---|
|
Éthanol |
Biodiesel |
Éthanol |
Biodiesel |
États-Unis |
1 (50 %) |
2 (19 %) |
Maïs |
Huile de soja / diverses autres huiles |
Union européenne |
4 (5 %) |
1 (36 %) |
Maïs/blé/betterave à sucre |
Huile de colza / huiles usagées |
Brésil |
2 (24 %) |
3 (12 %) |
Canne à sucre |
Huile de soja |
Chine |
3 (8 %) |
8 (3 %) |
Maïs |
Huiles usagées |
Inde |
5 (2 %) |
15 (0.5 %) |
Mélasse |
Huile de palme |
Canada |
6 (1.6 %) |
10 (1.4 %) |
Maïs |
Huiles usagées |
Indonésie |
23 (0.2 %) |
4 (10 %) |
Mélasse |
Huile de palme |
Argentine |
9 (1 %) |
5 (7 %) |
Maïs / canne à sucre |
Huile de soja |
Thaïlande |
7 (1.5 %) |
6 (4 %) |
Mélasse / manioc |
Huile de palme |
Colombie |
13 (0.4 %) |
9 (1.5 %) |
Canne à sucre |
Huile de palme |
Paraguay |
15 (0.3 %) |
19 (0.03 %) |
Maïs / canne à sucre |
Huile de soja |
Note : Les valeurs exprimées en pourcentage correspondent à la part représentée par les pays dans la production totale au cours de la période de référence.
Source : OCDE/FAO (2019), « Perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO », Statistiques agricoles de l’OCDE (base de données), http://dx.doi.org/10.1787/agr-outl-data-en.
1. Le biodiesel inclut le diesel renouvelable (appelé aussi huile végétale hydro-traitée HVH) dans les données de ces Perspectives, bien que les deux soient des produits différents.
2. Une analyse – réalisée avec Aglink-Cosimo – de la manière dont les biocarburants pourraient contribuer à atténuer les effets du changement climatique dans le secteur des transports (COM/TAD/CA/ENV/EPOC(2018)19/FINAL) fait toutefois apparaître qu’il est impératif, pour accroître sensiblement le rôle des biocarburants dans la décarbonation de ce secteur, de recourir à une panoplie de mesures d’incitation qui présentent un bon rapport coût-efficacité et qui ne compromettent ni la sécurité alimentaire, ni la viabilité écologique de l’utilisation des ressources.
D’après les projections, la production mondiale d’éthanol poursuivra sa croissance, pour s’élever à 143 milliards de litres en 2028 (contre environ 122 milliards de litres pendant la période de référence), quand celle de biodiesel atteindra à peine 44 milliards de litres, principalement du fait de la hausse imposée aux États-Unis au cours des premières années de la période de projection. Les matières premières traditionnelles domineront toujours dans la production de biocarburants, même si de nombreux pays sont de plus en plus sensibles à la viabilité écologique du secteur (graphique 9.3). L’éthanol continuera d’être essentiellement produit à partir de céréales secondaires – en particulier le maïs – et de canne à sucre et sa fabrication absorbera respectivement 14 % et 24 % de la production mondiale de maïs et de canne à sucre d’ici à 2028. Les huiles végétales devraient rester des matières premières de choix dans la production de biodiesel. Le biodiesel obtenu à partir d’huiles usagées et de suif conservera une place importante dans l’Union européenne, au Canada et aux États-Unis.
Dans seulement un pays, le Brésil, les biocarburants représentent plus de 10 % de la consommation d’énergie dans le secteur des transports. Or, bien souvent, en particulier dans les économies en développement, l’action des pouvoirs publics à l’égard des biocarburants vise à réduire la dépendance aux énergies fossiles. Peu y sont parvenus.
États-Unis
Aux États-Unis, la Norme sur les carburants renouvelables (Renewable Fuel Standard – RFS2) a été mise en place par la Loi de 2007 sur l’indépendance et la sécurité énergétiques (Energy Independence and Security Act – EISA), qui fixe quatre obligations d’incorporation, annuelles et chiffrées, à respecter à l’horizon 2022. Celles applicables à l’ensemble des biocarburants et aux biocarburants avancés doivent faire baisser les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 20 % et 50 % respectivement, tandis que celles relatives au biodiesel et aux biocarburants cellulosiques s’articulent avec l’obligation d’incorporation de biocarburants avancés. L’Agence pour la protection de l’environnement des États-Unis (Environmental Protection Agency – EPA) détermine les quantités minimales qui doivent être utilisées chaque année dans chacune des quatre catégories de biocarburants1.
En 2018, l’EPA a décidé de revoir à la hausse l’obligation d’incorporation des biocarburants avancés pour 2019 (+2.3 milliards de litres) et celle applicable au biodiesel pour 2020 (+1.3 milliard de litres). Comme par le passé, une part importante des niveaux définitifs initialement inscrits dans la loi EISA au sujet des biocarburants avancés et des biocarburants cellulosiques ont été abandonnés au motif que la capacité de production d’éthanol cellulosique était insuffisante ; l’écart à combler par des biocarburants conventionnels2, souvent qualifié d’obligation implicite d’incorporation de maïs, a été maintenu à 56.8 milliards de litres.
D’après les projections, les quantités requises pour toutes les catégories de biocarburants se maintiendront à leurs niveaux annoncés récemment – en volume – et ce malgré le recul attendu des carburants de transport, à l’exception des biocarburants cellulosiques pour lesquels les quantités prescrites devraient plus que doubler au cours de la période étudiée, même si elles ne représentent que 4.6 % du volume indiqué dans l’EISA pour 2028. On estime que les quantités de biocarburants cellulosiques seront atteintes, en majeure partie grâce au gaz naturel comprimé et au gaz naturel liquéfié renouvelables. Dans les projections, le taux maximal d’incorporation d’éthanol3 ne progresse que lentement pour s’élever à 11.2 % en 2028, car il n’a pas été tenu compte du débat en cours sur le déploiement des pompes à E15 dans l’ensemble du pays.
La hausse des prescriptions susmentionnées donne à penser que la production de biodiesel grimpera à 8.7 milliards de litres (graphique 9.5). La croissance de la production d’éthanol devrait se limiter à 0.1 % par an et découler en quasi-totalité de l’augmentation attendue des quantités prescrites de biocarburants cellulosiques ; il n’y a donc pas lieu de tabler sur un vaste potentiel d’exportation pour les États-Unis. Le pays restera le premier producteur mondial d’éthanol mais sa part dans la production mondiale passera de 50 % à 43 %.
Union européenne
Depuis 2010, le soutien aux biocarburants au sein de l’Union européenne est régi par la Directive de 2009 sur les énergies renouvelables (DER), qui fixe à 10 % la proportion minimale que les énergies renouvelables devront représenter dans la consommation finale d’énergie dans les transports à l’horizon 2020. En juin 2018, il a été convenu de porter cet objectif à 14 % ; les plafonds nationaux applicables aux biocarburants issus des cultures vivrières et fourragères sont fixés à un 1 point de pourcentage au-dessus des niveaux de 2020 et ne peuvent excéder 7 %. Le nouveau cadre, adopté en vertu de la Directive 2018/2001 du 11 décembre 2018, sera mis en place à l’horizon 20304. Les principaux indicateurs qui le composent, dont s’inspirent les présentes Perspectives, sont exposés dans le tableau 9.2.
Le scénario de référence de l’AIE utilisé pour les besoins des présentes Perspectives prévoit une diminution des parts du diesel et de l’essence dans la consommation totale d’énergie du secteur dans transports. Le recul des carburants diesel sera tel que, même si la proposition de DER II favorise comme prévu la hausse proportionnelle de la consommation des biocarburants, seul l’éthanol en tirera parti (+0.8 milliard de litres). En revanche, la consommation de biodiesel diminuera en valeur absolue (-0.4 milliard de litres). Cette baisse touchera essentiellement le biodiesel à base d’huile de palme, compte tenu des préoccupations de durabilité que la production de l’huile de palme suscite dans l’UE. Le biodiesel issu d’autres huiles végétales en pâtira également, mais dans une moindre mesure, tandis que la production de biodiesel à base d’huiles usagées ne devrait guère évoluer. Il y a donc tout lieu de penser qu’en 2028, l’Union européenne occupera toujours le premier rang dans le classement mondial des régions productrices de biodiesel, mais ne représentera plus que 30 % de la production mondiale, contre 36 % actuellement.
D’après les projections, la consommation totale de biocarburants aura légèrement augmenté en valeur énergétique en 2028 (+14 PJ), mais la part des biocarburants avancés devrait s’élever à 22 %, contre 15 % à l’heure actuelle (Graphique 9.3)
Tableau 9.2. Cadre décisionnel de l’UE concernant les biocarburants
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Cadre 2010-20 |
Cadre 2020-30 |
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DER / CIAS |
Accord sur les CIAS (DER II) |
Part des renouvelables dans les transports |
10 % |
14 % |
Plafond applicable aux biocarburants produits à partir de plantes |
7 % |
Niveau national de 2020 + 1 p. p., max. 7 % |
Objectif en matière de biocarburants avancés |
Pas d’objectif chiffré, double comptage possible |
3.5 %, double comptage possible |
Contribution des huiles usagées et graisses |
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max 1.7 %, double comptage possible |
Source : Perspectives des marchés et revenus agricoles de l’Union européenne, 2018-30. Commission européenne, DG Agriculture et développement rural, Bruxelles.
Brésil
Le Brésil fait partie des rares pays dotés d’un vaste parc de véhicules polycarburants. Ces véhicules fonctionnent indifféremment au bioéthanol (mélange d’essence et d’éthanol anhydre) ou à l’E100 (éthanol hydraté). La loi en vigueur impose que le bioéthanol se compose à 27 % d’éthanol. À cela s’ajoute un régime fiscal différencié, qui est plus favorable à l’éthanol hydraté qu’au bioéthanol dans les principaux États du pays. Dans le cas du biodiesel, le taux d’incorporation obligatoire est fixé à 10 %.
Le Brésil est le pays qui devrait contribuer le plus à la hausse mondiale de la consommation et de la production d’éthanol annoncée dans les présentes Perspectives (graphqiue 9.4), principalement en raison de son programme RenovaBio5, qui sera à mis à exécution au cours des deux prochaines années. Officiellement signé en janvier 2018, RenovaBio fixe à 40 % pour 2030 la teneur minimale obligatoire en éthanol anhydre. L’objectif est de réduire l’intensité en émissions dans le secteur brésilien des transports, conformément à l’engagement pris par le pays dans le cadre de la COP21. Pour créer les incitations structurelles nécessaires à cet effet, RenovaBio mettra en place un système d’échange de crédits fondé sur les émissions de carbone évitées semblable à celui instauré en Californie dans le cadre de son programme en faveur des carburants à faible intensité carbone. Il faudra probablement compter quelques années avant de voir la production monter en flèche. D’après les projections, la contribution du Brésil à la croissance de la production et de la consommation mondiales se chiffrera à 37 milliards de litres (+8 milliards de litres). On estime qu’en 2028, plus de la moitié de la production nationale d’éthanol servira à faire rouler les véhicules polycarburants avec un carburant à forte teneur en éthanol. D’où la multiplication attendue des véhicules de ce type qui circuleront dans le pays.
Contrairement aux États-Unis et à l’Union européenne, le Brésil devrait voir sa consommation totale de diesel et d’essence croître au cours de la prochaine décennie (graphique 9.1), ce qui soutiendrait le potentiel de croissance des deux types de carburants renouvelables. C’est pourquoi, les présentes Perspectives prévoient une progression du marché de l’éthanol en volume, mais aussi une hausse de la consommation de biodiesel. La consommation de biodiesel devrait augmenter au même rythme que celle du diesel dans la mesure où le taux d’incorporation obligatoire de 10 % a été atteint en 2018 et qu’en principe, il ne sera plus modifié.
Chine
La hausse attendue de la production mondiale d’éthanol devrait être alimentée en second lieu par la Chine. En septembre 2017, les autorités chinoises ont annoncé une nouvelle obligation concernant l’E10 applicable dans l’ensemble du pays à l’horizon 2020. Les mécanismes nécessaires à sa mise en place et au contrôle de son application n’avaient toujours pas été présentés en mars 2019. Selon les présentes Perspectives, l’ambition attachée à l’E10 ne sera pas concrétisée en 2028 ; il est supposé en revanche que l’essence contiendra 4 % d’éthanol. Si l’on considère que la demande d’éthanol correspondante sera essentiellement satisfaite par la production intérieure, cela signifie que le pays produira 5 milliards de litres supplémentaires. Le biodiesel chinois restera davantage produit à partir d’huiles de cuisson, dont le potentiel de croissance est limité.
Inde
La politique nationale sur les biocarburants (National Policy on Biofuels) est entrée en vigueur en mai 2018. L’objectif est d’atteindre un taux d’incorporation de 20 % pour l’éthanol et de 5 % pour le biodiesel, soit beaucoup plus qu’à l’heure actuelle, où ces taux sont respectivement de 1.4 % et 0.1 %. Fait nouveau, il sera possible d’utiliser des céréales impropres à la consommation humaine. L’éthanol continuera d’être principalement produit à partir de mélasse. La nouvelle politique porte sur l’utilisation des cultures non comestibles, les restrictions aux importations, la régulation des prix, les incitations fiscales ainsi que la R-D, en particulier eu égard aux biocarburants de deuxième génération.
Pourtant cinquième producteur mondial d’éthanol, l’Inde destine la majeure partie de sa production à l’industrie et à l’alimentation, les biocarburants ne représentant que 44 % de la demande totale. L’Inde étant un pays importateur net d’huiles végétales, sa production de biodiesel est marginale. Selon les présentes Perspectives, on estime que la consommation d’éthanol et de biodiesel carburant s’élèvera à 1.6 milliard de litres et 0.24 milliard de litres respectivement en 2028, mais aussi que les taux d’incorporation auront fléchi en raison d’une plus forte croissance de la demande en carburants conventionnels.
Au cours de la période de projection, le principal obstacle à la croissance de la production de biocarburants devrait venir de la disponibilité des matières premières. On estime que l’Inde ne produira pas suffisamment de mélasse pour faire face à la hausse de la demande du secteur des biocarburants. La canne à sucre pourrait être une solution, mais son utilisation dans la fabrication d’éthanol est actuellement marginale. L’absence d’indication claire sur la manière dont la nouvelle politique favoriserait le renforcement des capacités de transformation de canne à sucre incite à tabler sur une croissance négligeable. Il est certes autorisé, désormais, d’utiliser les céréales non comestibles pour produire de l’éthanol, mais la diminution attendue du rapport stocks/consommation de céréales fourragères (maïs et autres céréales secondaires) laisse augurer un resserrement des marchés, de sorte qu’aucune augmentation de la production d’éthanol fabriqué avec des céréales n’est attendue.
Canada
Aux termes du Règlement fédéral sur les carburants renouvelables, l’essence et le diesel doivent contenir respectivement 5 % et 2 % de carburant renouvelable (certaines provinces imposent un taux plus élevé pour l’essence). En principe, ces prescriptions seront remplacées à compter de 2022 par celles de la Norme sur les combustibles propres visant les combustibles liquides6. L’objectif de cette norme actuellement à l’examen est de réduire les émissions de gaz à effet de serre imputables à la consommation de carburants et combustibles avec la mise en place d’un système d’échange de crédits fondé sur les émissions de carbone évitées. Selon toute vraisemblance, le Règlement fédéral sur les carburants renouvelables (qui fixe à 5 % et 2 % la teneur exigée en carburant renouvelable dans l’essence et le diesel) ne sera pas supprimé et complètera la Norme sur les combustibles propres en prescrivant des seuils d’incorporation. L’objectif est toutefois que la Norme valorise les biocarburants grâce au système de crédits et en favorise l’incorporation et la consommation au Canada. Les projections des présentes Perspectives ne tenant pas compte des répercussions potentielles de la Norme sur les marchés des biocarburants, les taux d’incorporation de biodiesel et d’éthanol escomptés sont identiques à ceux actuellement en place.
Indonésie
En misant sur un taux d’incorporation de 30 % (B30), l’Indonésie espère s’affranchir de ses importations de combustibles fossiles. Ces dernières années, la production de biodiesel gagne du terrain sous l’effet du programme de soutien aux producteurs de biodiesel financé par un fonds pour l’huile de palme brute. D’après des informations publiées dans la presse, ce fonds disposait, au cours de la période 2016-17, d’environ 1.9 milliard USD, dont 1.5 milliard ont servi à financer le programme en faveur du biodiesel. La pérennité de la production de biodiesel dépend entièrement des exportations d’huile de palme et de la compétitivité des prix.
La politique nationale sur les biocarburants (National Policy on Biofuels) est entrée en vigueur en mai 2018. L’objectif est d’atteindre un taux d’incorporation de 20 % pour l’éthanol et de 5 % pour le biodiesel, soit beaucoup plus qu’à l’heure actuelle, où ces taux sont respectivement de 1.4 % et 0.1 %. Fait nouveau, il sera possible d’utiliser des céréales impropres à la consommation humaine. L’éthanol continuera d’être principalement produit à partir de mélasse. La nouvelle politique porte sur l’utilisation des cultures non comestibles, les restrictions aux importations, la régulation des prix, les incitations fiscales ainsi que la R-D, en particulier eu égard aux biocarburants de deuxième génération.
Argentine
En Argentine, les taux d’incorporation obligatoire sont de 10 % pour le biodiesel et de 12 % pour l’éthanol. Il est actuellement envisagé de relever l’obligation d’incorporation de biodiesel, notamment en raison de la mise en place, sur les deux plus grands marchés d’exportation, à savoir les États-Unis et l’Union européenne, de droits antidumping sur les importations en provenance d’Argentine. Selon toute vraisemblance, les obligations d’incorporation seront remplies en 2021. Les exonérations fiscales devraient continuer à accélérer le développement du secteur argentin du biodiesel, qui exporte plus de la moitié de sa production. Cela dit, les barrières commerciales érigées par les États-Unis à l’encontre du biodiesel argentin vont probablement limiter la demande extérieure. Il y a donc lieu de penser que la production argentine va redécoller sans toutefois atteindre les niveaux record de 2014 ou 2017.
Thaïlande
La Thaïlande cherche à réduire ses émissions de CO2 ainsi que sa dépendance à l’égard des carburants fossiles importés et comptait initialement y parvenir en produisant 4.1 milliards de litres d’éthanol et de biodiesel. Les problèmes de disponibilité des produits de base – dus aux obstacles à la production intérieure de mélasse, de manioc et d’huile de palme – l’ont obligée à revoir ses ambitions à la baisse en ramenant son objectif à 2.6 milliards de litres. La production intérieure de manioc serait théoriquement suffisamment élevée pour remplir l’objectif initial, mais elle est principalement destinée aux marchés extérieurs qui offrent des prix plus élevés que les producteurs locaux de biocarburants. En conséquence, l’offre intérieure disponible dans le secteur des biocarburants restera limitée tout au long de la période de projection. La canne à sucre pourrait constituer une solution de rechange, mais peu de moyens sont investis pour développer les distilleries et aucune mesure n’est envisagée pour y remédier.
Colombie
Le gouvernement colombien a fait part de son intention de développer l’E10 à l’échelle nationale. Les prescriptions relatives au biodiesel B10 sont en définitive difficiles à mettre en œuvre, car il faudrait pour cela un véritable essor de la production d’huile de palme. Ont également été mis en place des exonérations fiscales en faveur des mélanges et des dispositifs de régulation des prix pour soutenir les producteurs nationaux.
Selon les présentes Perspectives, les quantités prescrites d’E10 seront atteintes en 2028, où la demande sera de 1.5 milliard de litres. La canne à sucre est la principale matière première utilisée et, en principe, le restera tout au long de la période de projection. Compte tenu de l’évolution passée, l’éthanol est appelé à devenir une source de revenu de plus en plus importante pour le secteur de la canne à sucre. On estime qu’en 2028, environ 38 % de la canne à sucre produite en Colombie servira à fabriquer de l’éthanol. La réalisation d’un objectif si ambitieux suppose de doubler la capacité de production au cours de la période de projection. La demande de biodiesel devrait faiblement croître de 1.1 % par an au cours de la période de projection pour atteindre 0.7 milliard de litres en 2028, avec un taux d’incorporation maintenu aux alentours de 6 %. Bien que le biodiesel fasse l’objet d’exonérations fiscales, d’obligations d’incorporation et de dispositifs de régulation des prix, la production devrait rester limitée. En 2018, la Colombie a commencé à importer du biodiesel en faibles quantités ; les producteurs craignent donc une hausse de ces importations, qui mettrait en péril la viabilité du secteur national.
Paraguay
Au Paraguay, le taux moyen d’incorporation d’éthanol avoisine 18 %. Compte tenu de l’évolution passée et de la place prépondérante des véhicules polycarburants dans l’ensemble du parc automobile, le taux d’incorporation national pourrait être plus élevé dans l’avenir. D’après les projections, l’éthanol continuera d’être principalement produit à partir de canne à sucre, mais la part du maïs progressera car tout indique que le secteur de la canne à sucre ne sera pas en mesure de satisfaire la demande du secteur agro-alimentaire et de celui des biocarburants, malgré le recul de la consommation de sucre par habitant. La production de ces deux types de biocarburant devrait plus que doubler au cours de la période de projection.
9.5. Échanges
D’après les projections, la part de la production totale d’éthanol échangée à l’international restera faible et devrait même tomber à 8 % en 2028, contre 9 % pour la période de référence. Les États-Unis devraient conserver leur statut d’exportateur net d’éthanol de maïs et importer un peu d’éthanol de canne à sucre. Ces besoins d’importation découlent de la norme sur les carburants à faible teneur en carbone (Low Carbon Fuel Standard) en vigueur en Californie et de l’écart à combler pour respecter l’obligation relative aux biocarburants avancés. Les exportations d’éthanol par les États-Unis devraient reculer au cours de la période de projection sous l’effet conjugué de l’essor de la demande intérieure et de l’atonie de la demande extérieure. Les exportations brésiliennes d’éthanol ne devraient pas augmenter durant la période considérée car le secteur national de l’éthanol s’attachera surtout à répondre à une demande intérieure soutenue et parce que les prix seront donc légèrement plus élevés sur le marché intérieur qu’à l’international.
L’incertitude qui entoure l’issue des différends commerciaux en cours rejaillit sur l’évolution future des échanges de biodiesel. D’après les Perspectives, ces échanges diminueront au cours des dix prochaines années, car les nombreux pays concernés s’appuieront sur leur production nationale pour remplir leurs objectifs ou obligations liés au biodiesel ; la demande d’importations devrait donc baisser dans les pays développés, en particulier aux États-Unis et dans l’Union européenne.
L’Argentine devrait conserver sa position de premier pays exportateur de biodiesel, suivie par l’Union européenne (qui exporte principalement au Royaume-Uni) et le Canada. Le niveau des exportations argentines, actuellement bas, devrait s’élever au cours de la période de projection. Les exportations de l’Indonésie et de la Malaisie devraient chuter sous l’effet de la contraction des marchés d’exportation, en particulier celui de l’Union européenne.
9.6. Principales questions et incertitudes
Les risques et incertitudes qui pèsent sur le secteur des biocarburants tiennent principalement au contexte dans lequel s’inscrit l’action des pouvoirs publics. Ces incertitudes concernent la variation des quantités prescrites, les mécanismes d’application correspondants, l’investissement dans les produits non traditionnellement destinés à la production de biocarburants et l’évolution des exonérations fiscales.
Dans les présentes Perspectives, plusieurs hypothèses sont formulées quant au pourcentage des quantités prescrites qui seront véritablement atteintes et le chiffre retenu est généralement très loin de 100 %. Pour renforcer le potentiel des biocarburants, il faudrait investir plus massivement dans les capacités de production de biocarburants ou soutenir plus énergiquement le secteur.
Une autre incertitude tient à la capacité du secteur agricole à fournir les produits de base nécessaires pour satisfaire la demande de biocarburants qui progresse dans de nombreux pays et atteindre les quantités prescrites. La production de biodiesel est freinée par l’offre limitée d’huiles végétales, du fait de la concurrence directe de la demande alimentaire. La production d’éthanol pâtit des perturbations qui touchent le secteur de la canne à sucre en raison du caractère cyclique de cette culture. Malgré la possibilité d’y remédier par la diversification des produits de base, il n’est pas certain de parvenir à développer les capacités de transformation.
Suivant le principe de viabilité écologique adopté au début de l’année 2019, les États membres de l’Union européenne sont tenus de faire reculer la production de biocarburants à risque élevé de changement indirect d’affectation des sols (CIAS) à compter de 2024 afin qu’ils aient disparu en 2030. Les biocarburants à risque élevé de CIAS sont produits à partir de cultures vivrières et fourragères qui requièrent une forte expansion des surfaces cultivées sur des sols riches en carbone (forêts, zones humides et tourbières). L’incidence que ce critère aura sur le marché des biocarburants demeure incertaine, en particulier en ce qui concerne l’utilisation de l’huile de palme dans la mesure où les matières premières des biocarburants à faible risque de CIAS sont soumises à certification.
La consommation de biocarburants est fortement tributaire de l’évolution des flottes nationales de transport. Le secteur automobile a entrepris d’investir dans la voiture électrique et, selon l’accueil qui lui sera réservé (ce qui dépendra certainement des mesures adoptées par les pouvoirs publics), la demande totale de carburant pourrait être plus faible que prévu dans les présentes Perspectives, ce qui amoindrirait le potentiel des biocarburants.
Notes
← 1. https://www.epa.gov/renewable-fuel-standard-program/final-renewable-fuel-standards-2019-and-biomass-based-diesel-volume.
← 2. L’écart à combler par des biocarburants conventionnels correspond à la différence entre le total prescrit et le minimum à respecter pour les biocarburants avancés, aux termes de la Norme sur les carburants renouvelables (RFS2).
← 3. Ici, le taux maximal d’incorporation correspond à la moyenne nationale réalisable, étant entendu que la plupart des pompes du pays ne proposent que de l’E10. Cela suppose donc la mise en service de plusieurs pompes à E15 dans les années à venir.