Ce chapitre décrit la situation des marchés et présente les projections à moyen terme relatives aux marchés mondiaux du coton sur la période 2019-28. Il passe en revue les évolutions prévues en termes de prix, de production, de consommation et d’échanges, et examine en conclusion les principaux risques et incertitudes susceptibles d’avoir une incidence sur les marchés mondiaux du coton dans les dix années à venir
Perspectives agricoles de l'OCDE et de la FAO 2019-2028
Chapitre 10. Coton
Abstract
10.1. Situation du marché
La production mondiale de coton s’est repliée de 3 % pour atteindre 25.8 Mt durant la campagne 20181. Un recul a été enregistré en Inde, en République populaire de Chine (« Chine ») et aux États-Unis. Ces tassements s’expliquent notamment par la disponibilité limitée des ressources en eau, l’action des ravageurs et les conditions météorologiques défavorables. Parmi les grands producteurs, seul le Brésil a pris le contrepied de cette tendance, en particulier dans le Mato Grosso, où la surface cultivée est passée de moins de 600 000 hectares à 1 million d’hectares selon les estimations au cours des quatre dernières campagnes.
La consommation mondiale de coton a augmenté de 2 % pour s’établir à 27.3 Mt en 2018. La Chine demeure le principal consommateur de coton brut, puisqu’elle réalise environ un tiers des filatures (voir ci-dessous), suivie par l’Inde. Ces dernières années, la croissance vigoureuse des industries de filature et de confection a donné de l’élan à la transformation du coton brut au Bangladesh, en Turquie et au Viet Nam, une tendance qui s’est poursuivie en 20182.
Les stocks mondiaux estimés en fin de campagne ont baissé de 7 % pour atteindre 17.8 Mt, soit environ huit mois de consommation mondiale. L’évolution des stocks dépend essentiellement de la Chine, qui détient actuellement 40 % des réserves mondiales mais réduit ses stocks depuis 2014.
Les exportations mondiales de coton ont grimpé de 7 % pour s’élever à 9.5 Mt, soit 37 % de la production mondiale. Cette intensification des exportations a été observée aux États-Unis (premier exportateur mondial) ainsi qu’au Brésil, qui fournit de plus en plus l’Asie du Sud et de l’Est. Du côté de la demande, les importations se sont accrues en Chine ainsi qu’au Viet Nam et au Bangladesh. Ces deux derniers pays produisent peu de coton et leurs importations suivent une courbe parallèle à celle de leur consommation, en hausse.
L’indice Cotlook A, la principale référence des prix internationaux du coton, est passé de 1 750 USD/t en août 2017 à près de 2 200 USD/t un an plus tard, avant toutefois de faire marche arrière ces derniers mois, ce qui devrait l’amener en moyenne à 1 960 USD/t sur 2018 d’après les prévisions3. Le coton continue d’afficher des prix élevés par rapport à son principal substitut, le polyester, dont le prix a fluctué entre 1 200 USD et 1 700 USD/t en 2018.
10.2. Principaux éléments des projections
Si le coton est utilisé comme oléagineux grâce à ses graines, il est cultivé essentiellement pour ses fibres (aussi appelées coton égrené), qui sont transformées en fil dans des filatures. Ces usines peuvent aussi le plus souvent traiter des fibres synthétiques. Les fils sont transformés en étoffe par tissage ou tricotage pour confectionner ensuite des vêtements ou autres produits textiles. À l’échelle de la planète, la consommation de textiles en coton devrait croître moins rapidement que la population dans les dix années à venir, l’expansion démographique étant concentrée dans des régions où ces produits sont utilisés en moindre quantité par habitant, tandis que la consommation par habitant elle-même devrait continuer de stagner dans la plupart des régions.
Dans les présentes Perspectives, les données relatives à la consommation se rapportent aux quantités filées, autrement dit à la transformation de coton brut en coton filé. La répartition de la consommation dans le monde dépend donc du lieu d’implantation des filatures, généralement situées à proximité d’une industrie textile. Ces dernières décennies, on a observé un net déplacement des activités de filature depuis le monde développé et les territoires de l’ancienne Union soviétique vers l’Asie, en particulier la Chine. La consommation chinoise a toutefois atteint le haut de la vague en 2007 avant de se replier sous l’effet d’un durcissement de la réglementation environnementale et de la hausse des coûts de main-d’œuvre, qui ont conduit ces activités vers d’autres pays d’Asie, en particulier le Viet Nam et le Bangladesh. Ces tendances devraient se poursuivre pendant la période de projection. En Inde, autre grand consommateur de coton, les pouvoirs publics poursuivent une politique en faveur de l’industrie textile du pays, ce qui devrait aussi stimuler la croissance des filatures.
La production mondiale devrait augmenter de 16 % pour atteindre 29.2 Mt en 2028, dans un mouvement alimenté essentiellement par l’expansion des surfaces cultivées (9 %), tandis qu’une croissance de 6 % en moyenne est attendue sur le front des rendements mondiaux. Les rendements moyens sont stationnaires depuis 2004, car de nombreux pays sont touchés par les ravageurs et des apports d’eau inadéquats. L’amélioration des pratiques agronomiques (haute densité de semis, utilisation de variétés à cycle court, meilleure gestion du couvert végétal, etc.) ainsi que l’amélioration des caractéristiques génétiques des cultures et les nouvelles techniques de lutte contre les ravageurs pourraient les faire partir à la hausse dans la décennie à venir, mais plusieurs pays pourraient avoir encore du mal à progresser sur ce front. L’Inde restera le principal producteur mondial de coton. C’est sur son territoire que se trouveront plus de 65 % des surfaces supplémentaires cultivées, mais étant donné la faiblesse des rendements dans le pays, celui-ci ne devrait représenter qu’un tiers de la croissance de la production mondiale.
Les exportations mondiales de coton brut devraient atteindre 12 Mt en 2028. Les États-Unis restent le premier exportateur mondial, comptant pour 31 % des exportations de la planète. Le Brésil, quant à lui, devrait se hisser parmi les grands exportateurs dans la décennie à venir, grâce à la culture séquentielle de coton et de soja. Étant donné la hausse de leur consommation, le Bangladesh et le Viet Nam, déjà en tête des importations, devraient encore accroître leurs achats. Les importations chinoises devraient être stables dans les premières années avant de reculer les années suivantes lorsque la consommation renouera avec sa tendance baissière à long terme.
Le prix du coton restera inférieur à la moyenne de la période de référence, aussi bien en termes réels que nominaux, plombé par la concurrence des fibres synthétiques. D’après les présentes Perspectives, le prix réel du coton devrait baisser de quelque 23 % sur les trois premières années et s’approcher ainsi du prix du polyester.
Plusieurs incertitudes planent sur la période de projection. On ne peut dire avec assurance comment l’augmentation des revenus et l’urbanisation croissante feront évoluer la consommation par habitant de textiles en coton dans les économies en développement et émergentes, d’autant plus que le polyester exerce une concurrence. Les projections anticipent une stagnation de la consommation de coton par habitant dans ces économies, dans la lignée des tendances observées ces dix dernières années. Toutefois, si l’évolution devait s’écarter ne serait-ce que légèrement de cette tendance, les projections mondiales pourraient s’en trouver largement modifiées. Les projections relatives à la production, quant à elles, sont sensibles aux effets des ravageurs et aux conditions météorologiques. Le changement climatique, qui influence la fréquence et l’ampleur de phénomènes tels que les épisodes de sécheresse et les tempêtes, jette lui aussi un voile d’incertitude sur l’avenir. L’évolution des rendements n’est pas non plus assurée. Bien que leur croissance ait été décevante dans de nombreuses régions productrices ces dix dernières années, il est possible qu’elle s’accélère grâce à l’amélioration des pratiques agronomiques, des caractéristiques génétiques des cultures et des techniques de lutte contre les ravageurs. Les préoccupations à l’égard de la durabilité continueront d’influer sur la demande et l’offre de coton dans l’avenir.
L’action des pouvoirs publics est elle aussi un facteur d’incertitude, en particulier en Chine, où se joue le sort de réserves considérables, et à l’égard du coton Bt, car l’efficacité et l’impact de cette variété génétiquement modifiée recommencent à faire débat en Inde et au Burkina Faso.
10.3. Prix
Les prix internationaux du coton devraient fléchir en valeur réelle sur la période de projection, avec une demande mondiale toujours freinée par la concurrence des fibres synthétiques, polyester en tête (graphique 10.2). Depuis le début des années 1970, lorsque le prix du polyester est devenu compétitif par rapport à celui du coton, la courbe de prix du coton a eu tendance à suivre celle de son substitut synthétique ; en moyenne, les prix du coton n’étaient que 5 % supérieurs à ceux de la fibre de polyester entre 1972 et 2009. Depuis 2009, toutefois, le coton affiche des prix en moyenne près de 40 % supérieurs à ceux du polyester. Le creusement de l’écart s’explique peut-être en partie par une évolution des préférences, mais il est probable qu’il soit largement imputable à des facteurs temporaires comme la faiblesse de la production en 2015‑16 et l’accumulation des stocks en Chine. D’après les présentes Perspectives, un mouvement de correction partielle devrait se produire et faire renouer les prix du coton avec leur tendance de fond. Les prix devraient chuter de 23 % en termes réels sur les trois premières années de la période de projection, puis perdre progressivement 1.1 % par an. (Les prix du polyester ne sont pas étudiés en soi dans les projections, mais ils devraient suivre les cours du pétrole, qui devraient rester stationnaires en termes réels.)
Par le passé, les prix du coton se sont montrés sensibles aux variations brutales de la demande et de l’offre, qui peuvent entraîner de fortes fluctuations. En 2009 et 2010, ils ont plus que doublé sous l’effet conjugué de la faiblesse des stocks mondiaux, d’une demande étonnamment élevée et d’inondations au Pakistan. La correction qui s’est ensuivie a été partiellement gommée par les achats substantiels réalisés par la Chinese National Cotton Reserves, qui ont amené le volume des stocks chinois à la moitié des réserves mondiales totales de ces dernières années, voire plus (graphique 10.3).
Il est toujours possible qu’une évolution brutale de l’offre ou de la demande nourrisse la volatilité mais il semble improbable que les prix retrouvent le sommet atteint en 2009‑10, étant donné que les réserves mondiales détenues hors de Chine sont désormais plus abondantes. Les décisions des pouvoirs publics chinois en matière de déstockage peuvent toutefois altérer les projections. D’après les présentes Perspectives, les réserves détenues par l’État chinois baisseront progressivement pour retrouver les niveaux qu’elles affichaient avant 2011, comme le laissent entrevoir les tendances récentes. L’évolution des prix du coton dépendra naturellement de la validité de cette hypothèse.
10.4. Production
Le coton est cultivé sous les climats subtropicaux et à saisons alternées (saison des pluies, saison sèche) dans l’hémisphère nord aussi bien que dans l’hémisphère sud, bien que la majeure partie des volumes soient produits au nord de l’équateur. Les principaux pays producteurs sont l’Inde, la Chine, les États-Unis, le Brésil et le Pakistan. À eux cinq, ces pays totalisent plus des trois quarts de la production mondiale (graphique 10.1).
Ce sont eux également qui devraient être à l’origine de la majeure partie de la production supplémentaire attendue ces dix prochaines années, dont plus d’un quart pour l’Inde seule. À l’échelle mondiale, la surface dévolue aux cotonniers devrait croître de 9 %, tandis que les rendements ne devraient progresser que de 6 %. Au cours de la décennie passée, les rendements mondiaux sont restés étales en raison de leur stagnation dans certains grands pays producteurs (États-Unis, Pakistan, Inde) et parce que la superficie des cultures de coton a décliné aux États-Unis et en Chine (où les rendements sont supérieurs à la moyenne) tandis qu’elle augmentait en Inde (qui affiche des rendements inférieurs à la moyenne). Ces deux facteurs devraient perdurer et continuer de déterminer la tendance mondiale des rendements ces dix prochaines années, malgré la croissance des rendements et de la superficie consacrée au coton au Brésil.
La production devrait augmenter de quelque 1.8 % par an en Inde au cours de la prochaine décennie, ce qui s’explique en grande partie par la demande croissante de coton émanant de l’industrie de la confection du pays. Après une rapide amélioration entre 2000 et 2007 (liée à l’augmentation de l’irrigation, à l’usage d’engrais et à l’adoption du coton transgénique Bt), les rendements ont affiché une croissance décevante ces dernières années, les producteurs se trouvant confrontés à des conditions météorologiques défavorables et à l’action de ravageurs tels que le ver rose du cotonnier, qui est devenu résistant au coton Bt. S’il est possible que de nouvelles technologies apportent une bouffée d’oxygène, le développement et la mise en œuvre de solutions peuvent prendre plusieurs années. En Inde, en outre, les rendements dépendent du cycle des moussons dans les régions non irriguées et subissent donc l’influence du changement climatique. D’après les présentes Perspectives, les rendements devraient donc être relativement stationnaires en Inde et, comme par le passé, la demande croissante de coton que connaît le pays sera probablement satisfaite par une augmentation de la surface cultivée.
Les producteurs de coton chinois parviennent à l’heure actuelle à obtenir des rendements par hectare deux fois plus élevés que la moyenne mondiale et, bien qu’il reste une marge d’amélioration, il se pourrait qu’il soit difficile de progresser encore. La superficie consacrée au coton en Chine est en recul sur la dernière décennie, en raison avant tout de l’évolution des politiques publiques. Ce mouvement semble s’être arrêté ces deux dernières années. Les présentes Perspectives projettent une lente contraction de la surface dévolue au coton en Chine.
Au Brésil, une partie du coton est cultivé de manière séquentielle en alternance avec le soja ou le maïs, et la production a grimpé en flèche récemment dans l’État du Mato Grosso. Les conditions étant propices aux cultures et les taux d’adoption des technologies modernes élevés, il est probable que les rendements et la superficie cultivée poursuivent sur la lancée de ces dernières années et continuent de progresser.
La production de coton devrait croître moins rapidement que la consommation durant les premières années de la période de projection, réfrénée par la mise sur le marché des stocks, en particulier en Chine.
10.5. Consommation
Dans les présentes Perspectives, les statistiques relatives à la consommation se rapportent à l’utilisation de fibres de coton par les filatures en vue de produire des fils de coton. Les volumes ainsi filés dépendent de la demande mondiale de textiles ainsi que de la concurrence de produits de substitution comme le polyester et d’autres fibres synthétiques. Si la demande mondiale de fibres textiles a grimpé en flèche ces dernières décennies, elle a été satisfaite essentiellement par les fibres synthétiques (graphique 10.5). La consommation par habitant de fibres autres que le coton a supplanté celle de fibres de coton au début des années 1990 et continue de croître à vive allure. En revanche, la consommation par habitant de fibres de coton n’a guère augmenté à l’échelle planétaire et s’est même contractée ces dernières années. La consommation mondiale de coton a doc atteint le haut de la vague en 2007 en affichant 27 Mt, avant de se rétracter à environ 26 Mt en 2016‑18.
Les perspectives du coton à l’échelle mondiale dépendent en grande partie de la manière dont évoluera la consommation par habitant de textiles en coton dans les économies en développement et émergentes. Selon les données recueillies par le Comité consultatif international du coton, dans les régions en développement, ces produits ont connu une baisse de la demande par habitant entre 2007 et 2012, puis une évolution stationnaire. Il est probable que la croissance des revenus (qui pourrait stimuler la demande de produits en coton) voie ses effets gommés en partie par l’expansion démographique rapide dans les régions où la demande par habitant de produits en coton est inférieure à la moyenne. En raison de ces tendances, les présentes Perspectives tablent sur une croissance moins rapide de la consommation de produits en coton que de la population ces dix prochaines années à l’échelle mondiale. Par conséquent, les volumes consommés par les filatures devraient croître de quelque 0.7 % par an sur la période considérée.
La répartition géographique de la demande de fibres de coton dépend du lieu d’implantation des filatures, qui transforment les fibres de coton et synthétiques en fils. Ces usines se situent pour la plupart en Asie, notamment en raison du coût moins élevé de la main-d’œuvre dans ces pays ; la Chine est le premier consommateur de coton au monde depuis les années 1960. On assiste toutefois à des mutations, car la production de fil quitte peu à peu la Chine pour s’implanter dans d’autres pays asiatiques.
En Chine, la consommation a atteint son sommet en 2007 et s’est contractée de 20 % depuis. Ce recul s’explique en partie par la baisse des achats publics de coton, qui avaient relevé les prix aux producteurs, mais aussi avaient conduit à une réorientation de la demande de coton vers les fibres synthétiques. Il témoigne aussi d’une évolution plus structurelle. En effet, l’augmentation du coût de la main-d’œuvre et le durcissement de la réglementation ont incité la filière à partir s’implanter dans d’autres pays d’Asie, en particulier au Viet Nam et au Bangladesh. Au cours des trois dernières années, les volumes consommés par les filatures ont regagné une partie du terrain cédé, notamment parce que le coton a gagné en attrait face au polyester après la réduction des mesures destinées à en relever les prix. Le polyester semble aussi avoir pâti des mesures prises par les pouvoirs publics pour lutter contre la pollution industrielle. Malgré cela, la croissance allègre des filatures et de la confection dans les pays asiatiques à bas coût laisse supposer que les volumes consommés par les filatures chinoises repartiront à la baisse sur la période de projection.
Les volumes de coton filé devraient au contraire augmenter en Inde, où les pouvoirs publics favorisent le développement de l’industrie textile du pays. Celle-ci représente une part importante de la production industrielle indienne et est considérée comme un moteur de la création d’emplois. Les mesures prises par les pouvoirs publics devraient continuer de favoriser son développement, en aidant notamment les industriels à s’équiper de machines à tisser plus rapides.
La suppression progressive des dispositions de l’Arrangement multifibres (qui prévoyait des contingents fixes d’importation des pays en développement vers l’Europe et les États-Unis, négociés bilatéralement), qui s’est achevée en 2005, devait selon les prévisions favoriser les producteurs de textile chinois, au détriment de leurs rivaux implantés dans de plus petits pays asiatiques. Au lieu de cela, l’industrie textile de pays comme le Bangladesh, le Viet Nam et l’Indonésie affiche une croissance étonnamment vigoureuse. Au Viet Nam, la vigueur s’explique en partie par les investissements directs étrangers réalisés par les entrepreneurs chinois et par l’adhésion du pays à l’Organisation mondiale du commerce en 2007. La montée en puissance de ces pays devrait se poursuivre ces dix prochaines années, puisque la consommation de leurs filatures devrait augmenter de plus de 50 % sur la période. La croissance devrait se poursuivre aussi en Turquie, où l’industrie textile prend de l’ampleur notamment grâce au développement des exportations vers l’Union européenne et la Fédération de Russie.
10.6. Échanges
Traditionnellement, le coton est échangé sur le marché mondial sous la forme de balles de fibres de coton brut, même si le commerce de coton filé est en hausse depuis peu. Les échanges mondiaux de coton brut (au cœur des projections des présentes Perspectives) devraient atteindre 12 Mt en 2028 et ainsi croître de quelque 30 % par rapport à la période de référence. C’est un rythme plus rapide que celui de la production et de la consommation mondiales. En effet, la demande croît dans des pays produisant peu de coton, comme le Bangladesh et le Viet Nam, tandis que la consommation intérieure des filatures brésiliennes est en baisse.
Le Bangladesh et le Viet Nam devraient occuper les premiers rangs des pays importateurs dans la décennie à venir, en raison de la forte progression des volumes importés, estimée à plus de 50 % pour les deux pays d’ici 2028. Ensemble, ils représenteront plus de 40 % des importations mondiales.
Les États-Unis resteront le premier exportateur mondial sur la période de projection, assurant près d’un tiers des livraisons dans le monde en 2028. Les exportations brésiliennes devraient connaître un coup de fouet sur les dix prochaines années et hisser le Brésil au second rang des pays exportateurs d’ici 2028.
Le coton est une importante culture d’exportation en Afrique subsaharienne et la région assure actuellement 15 % des exportations mondiales (la production et les livraisons provenant à près de 75 % d’Afrique de l’Ouest). Les principaux producteurs que sont le Burkina Faso, le Bénin, le Mali et la Côte d’Ivoire ont vu leurs volumes croître au cours des dernières campagnes, grâce à l’expansion des surfaces cultivées et aux mesures de soutien public. La consommation des filatures demeurant limitée en Afrique subsaharienne, de nombreux pays de la région exportent pratiquement toute leur production. Les volumes d’exportation d’Afrique subsaharienne devraient continuer de croître au rythme d’environ 2.6 % par an sur les dix prochaines années, ce qui portera la part de marché de la région à 17 %. Les principaux destinataires de ces produits seront l’Asie et l’Asie du Sud-Est.
10.7. Principales questions et incertitudes
Comme nous l’avons déjà mentionné, on ne peut dire avec assurance quels effets la croissance économique et l’urbanisation auront sur la demande par habitant de textiles en coton dans les économies en développement et émergentes. Si la demande par habitant s’écarte, ne serait-ce que légèrement, de la tendance anticipée dans les présentes Perspectives pour le monde en développement, il est possible que les projections en matière de consommation, de production et d’échanges dans le monde s’en trouvent nettement altérées. À court terme, la demande de textiles dépend des conditions économiques ; un mouvement mondial de récession pourrait donc la faire chuter.
Les projections pourraient aussi subir les effets d’autres évolutions de la demande. L’activité de recyclage de l’industrie textile crée par exemple un marché secondaire stable qui rivalise avec le marché primaire pour fournir leur matière première aux industriels produisant des textiles de qualité inférieure à la moyenne et des produits autres que des textiles. Cette tendance pourrait encore réduire la demande de coton et autres fibres. À l’inverse, dans les pays à revenu élevé, les consommateurs semblent priser de plus en plus les fibres naturelles, ce qui pourrait favoriser le coton au détriment du polyester.
Les mesures des pouvoirs publics peuvent aussi influer sur la consommation. Plusieurs pays d’Afrique de l’Est s’efforcent par exemple de décourager les importations de vêtements de seconde main, ce qui pourrait stimuler la consommation de coton et encourager la création de valeur ajoutée en Afrique.
La production de coton est sensible aux ravageurs et aux conditions météorologiques. La culture du cotonnier nécessitant de l’eau, les projections sont sensibles au changement climatique, qui pourrait engendrer des sécheresses et autres conditions météorologiques défavorables. Comme nous l’avons déjà évoqué, les rendements n’ont progressé qu’à faible allure dans plusieurs pays au cours des dix années passées. L’amélioration des caractéristiques génétiques des plants (facilitée en partie par un meilleur décryptage du génome du coton) et une meilleure lutte contre les nuisibles pourraient permettre aux rendements de croître plus rapidement que ne le prévoient les Perspectives. La mise au point et le déploiement de telles innovations prennent toutefois du temps et, dans le cas du coton transgénique, suscitent la controverse. En Inde, le ver rose du cotonnier semble être devenu résistant au coton Bt, si bien que le Maharashtra a subi d’immenses pertes. Les causes de cette infestation font encore débat, bien qu’il semble que l’utilisation de variétés hybrides de cotonniers à cycle long n’y soit pas étrangère. Au Burkina Faso, l’introduction du coton Bt en 2008 a permis de lutter efficacement contre le ver rose, mais cette variété a produit des fibres plus courtes (donc de moindre qualité et vendues moins cher), ce qui a incité les pouvoirs publics à mettre un terme à son utilisation en 2015.
L’action publique joue un rôle important sur les marchés mondiaux du coton. C’est notamment le cas des décisions des pouvoirs publics chinois en matière de stocks, comme nous l’avons vu. D’autres mesures peuvent aussi altérer les projections (comme les mesures de soutien aux industries textiles du pays, les subventions à l’achat d’intrants, etc.).
Les préoccupations à l’égard de la durabilité continueront d’influer sur la demande et l’offre de coton dans l’avenir. À l’échelle mondiale, on estime que 19 % du coton a été produit dans le respect des normes de durabilité de la Better Cotton Initiative en 2017‑18, et cette proportion devrait encore augmenter. Les filières apparentées, comme celle du coton bio, devraient elles aussi prendre de l’ampleur. Ces tendances ont plusieurs conséquences, dont celle de rendre de plus en plus indispensables la transparence et la traçabilité de la chaîne d’approvisionnement.
Notes
← 1. Conformément aux conventions d’usage du Comité consultatif international du coton, la campagne annuelle de commercialisation du coton débute le 1er août pour se terminer le 31 juillet. Ainsi, les données relatives à 2018 se rapportent à la période comprise entre le 1er août 2018 et le 31 juillet 2019 et les prévisions sont établies à partir des données disponibles.
← 2. Les Perspectives agricoles réunissent en un seul agrégat les données relatives aux pays les moins avancés d’Asie, lesquels comprennent, outre le Bangladesh, l’Afghanistan, le Bouton, le Cambodge, le Laos, le Myanmar, le Népal et le Timor-Leste. S’agissant du coton, le Bangladesh représente à lui seul la quasi-totalité de l’activité au sein de cet agrégat. Pour des raisons de simplicité, le présent chapitre reprend donc ces données en les attribuant au seul Bangladesh.
← 3. L’indice Cotlook A est exprimé en centimes de dollar américain par livre, tandis que les prix énoncés dans les Perspectives sont exprimés en USD par tonne (2 204.6 livres). Une division par 22 des prix indiqués dans ce rapport permet d’obtenir le prix en centimes de dollar américain par livre.