La gestion des millions de tonnes de déchets plastiques produits chaque année est un problème urgent. Ce chapitre présente les projections sur les déchets plastiques dans le scénario de Référence, qui modélise les effets des politiques actuelles sur la production de déchets plastiques à l’horizon 2060. Il examine également la manière dont ces politiques impacteront la part des déchets plastiques recyclés, incinérés, mis en décharge ou mal gérés. Enfin, d’autres scénarios concernant l’action publique, le commerce et la reprise après la pandémie de COVID-19 sont modélisés afin d’explorer leurs répercussions sur les déchets plastiques et leur gestion.
Perspectives mondiales des plastiques
4. Projections sur les déchets plastiques à l’horizon 2060
Abstract
Messages clés
Dans l’hypothèse d’un maintien du statu quo, l’utilisation de plastique augmentera dans les décennies à venir et s’accompagnera d’une hausse des déchets plastiques à l’échelle mondiale, qui passeront de 353 Mt en 2019 à 1014 Mt en 2060. Les applications à courte durée de vie, telles que les emballages, seront à l’origine de cette augmentation, ainsi que le secteur de la construction dans les économies émergentes.
La longue durée de vie de certaines applications des plastiques peut entraîner le maintien de déchets pendant plusieurs dizaines d’années. Par exemple, dans la construction, plus de 90 % des déchets présents jusqu’en 2040 proviendront de plastiques produits avant 2019.
Même si toutes les régions verront leurs déchets plastiques augmenter, ils vont plus que quadrupler en Asie et en Afrique d’ici à 2060 en raison de la croissance démographique et de l’amélioration des conditions de vie. Cependant, les pays de l’OCDE continueront de produire bien plus de déchets plastiques par habitant que les pays non membres en 2060 (238 kg en moyenne contre 77 kg).
La part du recyclage comme pratique de gestion des déchets devrait passer de 9 % en 2019 (33 Mt) à 17 % en 2060 (176 Mt). La mise en décharge (contrôlée) demeurera le moyen le plus courant de gérer les déchets plastiques, représentant 50 % de l’ensemble des déchets en 2060 (507 Mt). C’est dans les pays non membres de l’OCDE tentant d’abandonner le recours aux décharges sauvages que cette pratique augmentera le plus. La part des déchets plastiques incinérés reculera légèrement, à 18 %, car la hausse prévue des déchets plastiques concerne en grande partie des pays qui manquent de capacités d’incinération, tandis que cette méthode stagne en Europe, au Japon, en Corée, en Australie et en Nouvelle-Zélande, en raison de la saturation.
Si les tendances actuelles du développement économique et l’adoption de politiques de gestion des déchets se poursuivent au même rythme, la part des déchets plastiques mal gérés (c’est-à-dire non gérés par recyclage, mise en décharge ou incinération) devrait chuter à 15 % d’ici à 2060 (contre 22 % en 2019), mais leur quantité augmentera cependant pour atteindre 153 Mt.
Si les pratiques actuelles en matière de gestion des déchets ne s’améliorent pas, la quantité de déchets plastiques mal gérés devrait atteindre près de 270 Mt à l’horizon 2060, les déchets augmentant davantage dans les pays ayant des systèmes de gestion des déchets moins développés. Cela met en évidence la nécessité de partager les bonnes pratiques et les technologies existantes afin d’aider les pays en développement rapide à améliorer leurs systèmes de gestion des déchets pour pouvoir faire face à leur augmentation.
Les scénarios commerciaux mettent l’accent sur la manière dont les mesures politiques relatives aux mouvements transfrontaliers de déchets plastiques peuvent modifier radicalement la structure des échanges et donc avoir des répercussions importantes à la fois sur les possibilités de recyclage au niveau régional et sur les rejets de plastique dans l’environnement. Pour parvenir à une utilisation plus circulaire des plastiques, les politiques commerciales et environnementales doivent aller de pair afin d’éviter que des déséquilibres ne se soldent par des taux de recyclage réduits ou une augmentation de la pollution.
4.1. Les déchets plastiques devraient presque tripler d’ici 2060
4.1.1. L’augmentation des déchets plastiques est principalement due aux produits à courte durée de vie
L’économie des plastiques est loin d’être circulaire aujourd’hui, produisant un volume considérable de déchets qui finissent dans l’environnement. La plupart de ces déchets plastiques sont collectés avec d’autres matériaux sous la forme de déchets municipaux solides (DMS), qui contiennent une part importante de plastiques. Les estimations de déchets du modèle ENV-Linkages incluent les DMS ainsi que les microbilles, les déchets provenant des marquages routiers et les déchets industriels, parmi lesquels les déchets issus de la construction et des activités de transport.
La dynamique des déchets plastiques se distingue de celle de l'utilisation de plastiques car il y a un décalage entre le moment de l’utilisation et la production de déchets, qui dépend de la durée de vie du produit (voir Chapitre 2, OCDE (2023[1])). Par exemple, en moyenne, les plastiques utilisés dans les transports ne deviennent des déchets qu’après 13 ans, alors que la durée de vie de certains plastiques dans la construction peut atteindre 35 ans. En revanche, d’autres applications, telles que les produits de consommation et les emballages, ont une durée de vie très courte.
Selon le scénario de Référence, le volume des déchets plastiques devrait augmenter considérablement dans les prochaines décennies, passant de 353 Mt en 2019 à 1014 Mt en 2060 (Graphique 4.1). Dans ce scénario, le développement socioéconomique continu et la croissance économique, y compris la reprise après la pandémie de COVID-19 (Chapitre 2), entraînent une augmentation rapide de l’utilisation de plastique (Chapitre 3). Une tendance importante se dessine, à savoir que les économies émergentes et en développement rattrapent les pays à revenu élevé, induisant une augmentation plus rapide de l’utilisation de plastiques dans ces pays.
Parallèlement à la hausse de l’utilisation de plastiques, les déchets augmentent pour toutes les applications, mais pas au même rythme. Ceux qui proviennent de produits à courte durée de vie, tels que les emballages, les produits de consommation et les textiles, devraient augmenter considérablement, mais leur part dans le total des déchets devrait légèrement baisser, de 63 % en 2019 à 59 % en 2060, les déchets augmentant plus vite pour d’autres applications, par exemple les véhicules automobiles.
L’une des évolutions majeures concerne la forte augmentation de l’utilisation de plastiques pour la construction. Les économies en croissance investissent dans les infrastructures et la construction (OCDE, 2019[2]), ce qui entraîne une progression rapide de l’utilisation de matières plastiques durables ayant une longue durée de vie. Ces longues durées de vie impliquent un décalage entre la production et la fin de vie en tant que déchet (Graphique 4.2). En effet, les déchets « historiques », c’est-à-dire issus d’applications produites avant 2019, jouent un rôle très important dans les produits durables tels que ceux utilisés dans l’industrie automobile et la construction. Pour ce qui est des emballages, presque tous les déchets produits après 2019 viennent de plastiques produits en 2019 ou après, tandis que dans la construction, plus de 90 % des déchets plastiques présents jusqu’en 2040 proviendront de plastiques produits avant 2019. Ce décalage entre l’utilisation de plastiques et la génération des déchets plastiques implique une accumulation de plastiques dans l’économie, ce qui continue de créer des flux de déchets au-delà de 2060 (voir Encadré 4.1).
Encadré 4.1. Les plastiques à longue durée de vie contribueront aux niveaux de déchets même au siècle prochain
Dans les projections ENV-Linkages, les déchets présentés pour chaque année comprennent les nouveaux déchets issus des produits utilisés et mis au rebut au cours de l’année en question ainsi que les déchets provenant des biens produits par le passé mais pas encore éliminés. Même si le modèle se fonde sur des projections à l’horizon 2060, ENV-Linkages calcule également les flux de déchets concernant les plastiques produits jusqu’en 2060 mais toujours en cours d’utilisation après cette date. Ces stocks de plastiques se transformeront inévitablement en déchets à un moment donné après 2060. Ainsi, même si la production de plastiques s’arrêtait complètement après 2060, il resterait une certaine quantité de déchets plastiques « captifs », correspondant à l’utilisation de plastiques avant 2060 et qui seraient éliminés après cette date. Pour les applications à courte durée de vie telles que les emballages, ces déchets plastiques captifs ne subsisteront pas longtemps après 2060, mais pour les applications à longue durée de vie ces flux de déchets se matérialiseront sur plusieurs dizaines d’années, voire jusqu’au siècle prochain pour certains d’entre eux (Graphique 4.3). Au total, ces flux de déchets postérieurs à 2060 s’élèvent à environ 9 gigatonnes (Gt), soit approximativement un quart des 33 Gt de déchets plastiques éliminés entre l’apparition des premiers produits en plastique en 1950 et 2060.
4.1.2. L’Afrique et l’Asie connaîtront la plus forte augmentation de déchets plastiques
Si les volumes de déchets plastiques sont censés s’accroître dans toutes les régions, c’est dans les pays non membres de l’OCDE que cette augmentation sera la plus forte (Graphique 4.4), en particulier sous l’effet de la croissance économique dans les économies émergentes d’Afrique et d’Asie. Alors que les pays de l’OCDE ont été à l’origine d’approximativement la moitié de l’ensemble des déchets plastiques en 2019, leur part mondiale devrait diminuer à un tiers en 2060, ce malgré un doublement prévu de leur production de déchets plastiques, de 172 Mt en 2019 à 358 Mt en 2060. Les pays non membres de l’OCDE augmentent conjointement leur production de déchets plastiques de 181 Mt à 657 Mt. Une grande partie de cet accroissement jusqu’en 2060 aura déjà lieu avant 2030, notamment dans les économies connaissant actuellement une croissance rapide comme la République populaire de Chine (ci-après « la Chine »), dont la part dans les déchets mondiaux devrait passer de 19 % à 21 %. Après 2030, la part de la Chine dans les déchets mondiaux diminue quelque peu (à 18 % en 2060), la croissance se concentrant particulièrement en Inde ainsi que dans les autres pays d’Asie non membres de l’OCDE et en Afrique.
La quantité moyenne de déchets plastiques produits par chaque personne à l’échelle mondiale devrait doubler d’ici à 2060 par rapport aux niveaux de 2019 (Tableau 4.1). Les taux d’accroissement les plus élevés de déchets moyens par habitant s’observent dans des régions utilisant aujourd’hui relativement peu de plastique, notamment l’Afrique et l’Asie. Même si l’augmentation la plus forte de quantité de déchets plastiques par habitant concerne les pays non membres de l’OCDE, ceux-ci partent de niveaux bien plus bas. C’est pourquoi leurs quantités moyennes de déchets par habitant devraient encore être nettement inférieurs à ceux des pays de l’OCDE en 2060.
Tableau 4.1. Les pays de l’OCDE resteront les plus grands producteurs de déchets plastiques par habitant en 2060
Déchets plastiques par région en kilogrammes par habitant, scénario de Référence
2019 |
2030 |
2060 |
Évolution 2060 (indice 1 en 2019) |
|
---|---|---|---|---|
Monde |
46 |
55 |
100 |
2,2 |
OCDE |
126 |
144 |
238 |
1,9 |
États-Unis |
221 |
240 |
350 |
1,6 |
Canada |
178 |
188 |
268 |
1,5 |
Autres OCDE Amérique |
58 |
63 |
108 |
1,9 |
OCDE UE |
122 |
142 |
239 |
2 |
OCDE hors UE |
94 |
115 |
221 |
2,4 |
OCDE Asie |
69 |
86 |
173 |
2,5 |
OCDE Océanie |
62 |
83 |
168 |
2,7 |
Hors OECD |
29 |
37 |
76 |
2,6 |
Amérique latine |
43 |
52 |
86 |
2 |
Autres UE |
75 |
108 |
241 |
3,2 |
Autres Eurasie |
53 |
57 |
100 |
1,9 |
Moyen-Orient et Afrique du Nord |
38 |
43 |
86 |
2,3 |
Autres Afrique |
15 |
15 |
35 |
2,3 |
Chine |
47 |
67 |
143 |
3 |
Inde |
14 |
24 |
79 |
5,6 |
Autres Asie hors OCDE |
21 |
29 |
71 |
3,4 |
Source : modèle ENV-Linkages de l’OCDE.
4.2. Malgré une meilleure gestion des déchets, les déchets mal gérés vont presque doubler d’ici 2060
4.2.1. Le devenir des déchets plastiques en fin de vie
Ce qu’il advient des plastiques en fin de vie diffère selon les régions, et dépend des capacités de gestion des déchets et des réglementations. Le modèle ENV-Linkages distingue quatre catégories de gestion des déchets1.
Recyclage : déchets collectés pour être recyclés, traités et utilisés pour la production de plastiques secondaires. Ce flux de déchets exclut les résidus issus des processus de recyclage (voir Encadré 4.2), qui sont éliminés par le biais d’autres catégories de gestion des déchets.
Incinération : déchets incinérés dans une installation industrielle de pointe, avec ou sans valorisation énergétique.
Mise en décharge : déchets éliminés moyennant leur enfouissement contrôlé, dans le respect des prescriptions sanitaires, environnementales et de sécurité les plus avancées.
Mauvaise gestion : tous les autres déchets. Cette catégorie comprend les déchets collectés qui sont ensuite brûlés à ciel ouvert, rejetés dans les milieux aquatiques ou abandonnés dans des décharges non contrôlées ou sauvages. Elle inclut également les déchets non pris en charge dans un système de collecte, comme par exemple les marquages routiers. Cette catégorie englobe aussi les déchets sauvages non collectés, c’est-à-dire les dépôts sauvages ou l’abandon de détritus par des individus, et qui ne sont pas ramassés par le balayage des rues ou d’autres actions de nettoyage. Elle n’inclut pas les déchets collectés et éliminés par l’une des autres catégories.
Encadré 4.2. Les quantités de déchets faisant l’objet d’un traitement final diffèrent des quantités collectées
La gestion des déchets est une chaîne d’actions consécutives. Les déchets sont d’abord collectés, puis triés en vue d’un traitement spécifique. Au cours de ce processus, des résidus de recyclage sont produits et doivent être éliminés (Encadré 4.3). De même, les déchets sauvages peuvent être collectés par le biais du balayage des rues ou d’autres actions de nettoyage avant d’être partiellement réaffectés à d’autres catégories de gestion des déchets. Le Graphique 4.5 présente la manière dont le traitement des déchets à des fins de recyclage et le nettoyage des dépôts sauvages influencent la répartition entre les différents modes de gestion des déchets. Ce chapitre se concentre sur le traitement final des déchets, car il s’agit de l’élément le plus important pour l’évaluation de la charge environnementale des déchets plastiques.
Le modèle ENV-Linkages présente des projections des parts futures des déchets recyclés, incinérés, mis en décharge et mal gérés à l’horizon 2060. Pour ce faire, il s’appuie sur une combinaison d’hypothèses et sur des analyses de régressions transnationales qui permettent d’évaluer le lien entre les catégories de gestion des déchets et le produit intérieur brut (PIB) par habitant (voir Annexe A). L’une des hypothèses sous-jacentes est que la part des déchets plastiques collectés pour le recyclage continue à croître d’ici à 2060, et ce, au même rythme moyen qu’au cours des 40 dernières années. Une autre hypothèse importante est que les pays au revenu croissant investissent dans l’amélioration de la collecte et du traitement des déchets ainsi que du nettoyage des dépôts sauvages, faisant ainsi diminuer la part totale des déchets mal gérés.
Il existe des différences notables entre les régions en matière de gestion des déchets, qui reflètent les tendances passées et les engagements des pays. Par exemple, le recyclage devrait fortement augmenter dans les régions OCDE UE et OCDE Pacifique ainsi qu’en Chine à la suite d’engagements politiques marqués. La part de l’incinération devrait reculer dans les pays de l’OCDE UE et dans ceux de l’OCDEPacifique qui ont déjà des taux d’incinération élevés. En revanche, dans des régions comme le Moyen-Orient et l’Afrique ou l’Amérique latine, la part de l’incinération devrait s’accroître, tout en restant bien inférieure à celle des autres régions. La part de la mise en décharge diminue dans plusieurs régions, notamment en OCDE UE et OCDE Pacifique, en raison de l’augmentation du recyclage et de l’incinération. À l’inverse, la part de la mise en décharge devrait augmenter dans les pays non membres de l’OCDE grâce à l’amélioration de la gestion élémentaire des déchets et du recul progressif de la mauvaise gestion des déchets. Cependant, la part des déchets plastiques mal gérés demeure importante dans les pays non membres de l’OCDE.
4.2.2. La part des déchets mal gérés devrait être plus faible en 2060, mais leur quantité plus élevée
Selon le scénario de Référence, le recyclage devrait connaître l’augmentation la plus importante, passant de 33 Mt en 2019 à 176 Mt en 2060 (Graphique 4.7). Ainsi, la part des déchets plastiques recyclés est quasiment multipliée par deux, atteignant 17 % de l’ensemble des déchets produits, contre 9 % en 2019. Il s’agit d’un indicateur clé de la circularité, conjointement avec la part des plastiques secondaires dans la production totale de plastiques présentée au Chapitre 3, ce qui montre qu’au fil du temps, l’économie du plastique devient plus circulaire à l’échelle mondiale.
L’incinération et la mise en décharge connaissent également une augmentation constante, la mise en décharge devant rester la catégorie de gestion des déchets la plus courante, même si sa part varie fortement selon les régions en fonction de la pénurie des terres2. La quantité de déchets plastiques mis en décharge triple, passant de 174 Mt en 2019 à 507 Mt en 2060, tandis que les déchets incinérés passent de 67 Mt à 179 Mt. À l’échelle planétaire, la part de la mise en décharge demeure stable, à environ 50 %, alors que l’incinération représente un peu moins de 20 % de l’élimination des déchets plastiques en 2060.
La mauvaise gestion des déchets devrait progresser plus lentement que les autres devenirs en fin de vie. Cela est dû à l’absorption d’une plus grande part des déchets par le recyclage et au fait que les pays émergents investissent une partie de leur revenu supplémentaire dans l’amélioration des installations de gestion des déchets et la collecte des déchets sauvages. Par conséquent, la part des déchets mal gérés passe de 22 % en 2019 à 15 % en 2060. Cependant, la quantité de déchets mal gérés continue de progresser sous l’effet de l’augmentation des déchets, avec un quasi-doublement de 79 Mt en 2019 à 153 Mt en 2060.
La hausse de la quantité de déchets et l’amélioration de la gestion des déchets contribuent à la forte augmentation du volume de déchets recyclés (Graphique 4.8). L’amélioration de la gestion des déchets tient compte de l’évolution de la part de déchets plastiques collectés pour être recyclés ainsi que de la part des résidus de recyclage devant être éliminés (Roosen et al., 2020[3]), comme expliqué dans l’Encadré 4.3.
Encadré 4.3. Une grande part des déchets collectés pour le recyclage est perdue au cours du processus
Le pourcentage de déchets collectés pour le recyclage passe de 15 % en 2019 à 30 % en 2060 dans le modèle, c’est-à-dire de 55 Mt à 302 Mt (Tableau 4.2). Cette part est supposée croître de façon linéaire en suivant les tendances passées (Geyer, Jambeck et Law, 2017[4]), entraînant un doublement dans la plupart des régions d’ici à 2060. Cependant, tous les déchets collectés pour le recyclage ne sont pas recyclés dans les faits. Par exemple, de nombreuses matières plastiques techniquement recyclables ne sont pas collectées en quantité suffisante pour permettre une séparation et un retraitement économiquement viables. Ces « matières non ciblées », tout comme les impuretés et les mélanges de polymères difficiles à trier, finiront en résidus de recyclage devant être éliminés. En 2019, ces résidus représentaient près de 40 % des déchets plastiques collectés pour être recyclés. Les pays de l’OCDE ont généralement des niveaux relativement élevés de résidus de recyclage en raison de la collecte publique à grande échelle des déchets recyclables et du tri moins informel des déchets. À l’inverse, les taux de résidus des pays non membres de l’OCDE sont plus faibles du fait de la collecte sélective des produits recyclables à haute valeur ajoutée et du tri de qualité effectué par les ramasseurs de déchets informels (OCDE, 2023[1]).
Trois facteurs principaux influencent la part mondiale de ces résidus au fil du temps (voir Annexe A).
L’augmentation des quantités de déchets plastiques permet des économies d’échelle, et une plus grande expérience entraîne des effets d’apprentissage, ce qui réduit les résidus de recyclage (effet technologique).
À l’inverse, plus la collecte inclut de types de plastiques de faible valeur, plus les résidus de recyclage augmentent (effet de développement).
La croissance des revenus modifie les modes de consommation. Les applications comme les emballages contiennent des polymères assez faciles à recycler, tandis que les polymères des applications telles que le transport ou l’électronique sont plus difficiles à recycler. Par conséquent, les régions qui connaissent une forte croissance des activités de transport (voir Section 3.1.3 du Chapitre 3) se retrouveront globalement avec un taux moyen plus élevé de résidus de recyclage provenant des déchets plastiques (effet de consommation).
À l’échelle planétaire, les trois tendances s’annulent plus ou moins mutuellement, de sorte que, globalement, le pourcentage de résidus de recyclage provenant des déchets plastiques collectés restera approximativement inchangé (40 % en 2019 contre 42 % en 2060). Cependant, l’effet technologique domine dans les pays de l’OCDE (ce qui réduit les taux de perte), alors qu’en dehors de l’OCDE l’effet de développement et l’effet de consommation sont plus forts (ce qui augmente les taux de perte).
Tableau 4.2. La part des résidus de recyclage diminue dans les pays de l’OCDE, mais augmente dans les pays non membres de l’OCDE
Monde |
OCDE |
Non-OCDE |
||
---|---|---|---|---|
2019 |
Collecte pour le recyclage (Mt) |
55 Mt |
27 Mt |
28 Mt |
Recyclé (%) / résidus (%) |
60 % / 40 % |
56 % / 44 % |
65 % / 35 % |
|
2060 |
Collecte pour le recyclage (Mt) |
302 Mt |
108 Mt |
194 Mt |
Recyclé (%) / résidus (%) |
58 % / 42 % |
64 % / 36 % |
55 % / 45 % |
Source : modèle ENV-Linkages de l’OCDE, d’après Cottom et al. (2022[5]).
L’amélioration de la gestion des déchets réduit la quantité totale de déchets mal gérés, ce qui compense en partie l’augmentation des déchets plastiques (Graphique 4.9). Les améliorations des systèmes de gestion des déchets devraient être concentrées dans les économies émergentes et en développement, qui sont également les régions où les déchets plastiques augmentent le plus rapidement (voir Section 4.2.2).
Les projections sur l’utilisation des plastiques et leurs déchets exposées dans ce chapitre reposent sur des choix et des hypothèses de modélisation qui diffèrent en partie de ceux utilisés jusqu’à présent dans la littérature. Elles complètent les projections sur les plastiques des publications existantes, confirmant certaines estimations et contestant d’autres (Encadré 4.4).
Encadré 4.4. La portée élargie des projections de l’OCDE explique les différences avec les études existantes
Les projections à long terme sur l’utilisation des plastiques, les déchets plastiques et les déchets mal gérés présentées dans ce chapitre et dans le précédent sont comparables à celles d’études antérieures (Tableau 4.3). On observe toutefois quelques différences, qui s’expliquent par les données et la méthodologie utilisées.
Selon Geyer et al. (2017[4]), la consommation mondiale de plastique en 2050 devrait être supérieure aux projections du modèle ENV-Linkages. Cette différence est due à deux facteurs principaux. Tout d’abord, le modèle ENV-Linkages se fonde sur des estimations de l’utilisation des plastiques pour l’année de référence (2015) de Ryberg et al. (2019[6]), qui donnent davantage de détails par région et par secteur. Par ailleurs, tandis que les travaux de Geyer et al. (2017[4]) extrapolent principalement les tendances historiques, le modèle ENV-Linkages prend également en considération les changements structurels et les progrès technologiques, censés faire reculer l’utilisation de plastique dans l’avenir. Comme l’indique le chapitre 3, en l’absence d’évolutions structurelles et technologiques, les projections sur l’utilisation des plastiques (et les déchets qui en résultent) seraient approximativement 16 % plus élevées en 2060.
Tout comme les travaux de Geyer et al. (2017[4]) et de Ryberg et al. (2019[6]), le modèle ENV-Linkages inclut les fibres (13 % de l’utilisation totale de plastique) ; en outre, comme Geyer et al. (2017[4]), il va au-delà des déchets plastiques provenant de sources municipales en tenant compte également des déchets produits par l’industrie et la construction (33 % de l’ensemble des déchets plastiques). Cela entraîne des différences à la fois en ce qui concerne l’utilisation de plastiques et les déchets plastiques par rapport aux projections qui excluent les fibres et/ou ne prennent en considération que les déchets municipaux.
Malgré une portée élargie, les projections du modèle ENV-Linkages relatives aux déchets mal gérés sont inférieures à celles de Lebreton et Andrady (2019[7]) ainsi que de Lau et al. (2020[8]). À la suite de Ryberg et al. (2019[6]) et des tendances concernant les déchets municipaux solides mises en évidence par Kaza et al. (2018[9]), le modèle ENV-Linkages fait l’hypothèse d’un pourcentage nettement inférieur de déchets mal gérés dans les projections. Par ailleurs, les projections du modèle ENV-Linkages prennent en considération les effets potentiels des politiques actuelles et des améliorations marginales sur la gestion des déchets dans les décennies à venir. Sans ces politiques, le volume de déchets mal gérés serait plus élevé (voir Section 4.3).
Tableau 4.3. Comparaison des projections avec les études existantes
2015/2016 (Mt) |
2025 (Mt) |
2040 (Mt) |
2050 (Mt) |
2060 (Mt) |
||
---|---|---|---|---|---|---|
Utilisation mondiale de plastique |
Geyer, Jambeck et Law (2017)a |
380 |
1100 |
1371 |
||
Ryberg et al. (2019)a |
388 |
|||||
ENV-Linkages a |
413 |
516 |
766 |
976 |
1231 |
|
Déchets plastiques mondiaux |
Geyer, Jambeck et Law (2017)a |
302 |
902 |
|||
Ryberg et al (2019)b |
161 |
|||||
Lebreton et Andrady (2019)b |
181 |
230 |
300 |
380 |
||
Lau et al. (2020)b |
220 |
420 |
||||
ENV-Linkages a |
308 |
409 |
615 |
799 |
1014 |
|
Total des déchets plastiques mal gérés à l’échelle mondiale |
Jambeck et al. (2015)b |
37 |
70 |
|||
Ryberg et al. (2019)b |
41 |
|||||
Lebreton et Andrady (2019)b |
80 |
95 |
155 |
213 |
||
Lau et al. (2020)b |
91 |
240 |
||||
ENV-Linkages a |
74 |
86 |
111 |
132 |
153 |
Note : les valeurs de Geyer, Jambeck et Law (2017[4]) ont été mises à jour à partir de valeurs cumulées. Toutes les autres valeurs annuelles indiquées sont présentées comme dans les études respectives. Lorsque les valeurs annuelles ne sont pas explicitement indiquées, elles ne figurent pas dans le tableau.
a. Tous plastiques confondus.
b. Déchets municipaux solides uniquement.
Sources : Jambeck et al. (2015[10]), Geyer, Jambeck et Law (2017[4]), Lebreton et Andrady (2019[7]), Lau et al. (2020[8]), modèle ENV-Linkages de l’OCDE. Le rapport de Lau et al. (2020[8]) constitue l’article scientifique à la base du rapport « Breaking the Plastic Wave » (The Pew Charitable Trust ; SYSTEMIQ, 2020[11]).
4.2.3. Les améliorations de la gestion des déchets en Afrique et en Asie joueront un rôle majeur pour limiter les déchets mal gérés
Dans les décennies à venir, la gestion des déchets évoluera différemment dans les pays membres et non membres de l’OCDE. Dans les pays de l’OCDE, les déchets recyclés augmenteront considérablement. Les taux de recyclage passeront de 9 % en 2019 à 17 % en 2060 (Graphique 4.10). Si le volume des déchets plastiques mis en décharge et incinérés augmentera, leur contribution relative restera stable au fil du temps. La part de déchets mal gérés dans les pays de l’OCDE est déjà faible (6 % en 2019) et devrait encore diminuer, à 1,3 % d’ici 2060, ce qui s’explique par une baisse de la quantité de déchets mal gérés, de 10 Mt en 2019 à 4 Mt en 2060.
La gestion des déchets évoluera plus sensiblement dans les pays non membres de l’OCDE. Les déchets recyclés augmenteront, bien qu’à un rythme plus lent que dans les pays de l’OCDE. Les taux de recyclage passeront de 10 % en 2019 à 16 % en 2060. Plus les pays s’enrichissent, plus les parts de déchets mis en décharge et incinérés devraient s’accroître. Cependant, la part de l’incinération dans les pays non membres de l’OCDE représente toujours moins de la moitié de celle des pays de l’OCDE, reflétant le coût élevé des investissements dans cette catégorie de gestion des déchets. Même si les améliorations sensibles apportées aux infrastructures de gestion des déchets et à la collecte des dépôts sauvages permettent de faire baisser la part des déchets mal gérés, leur quantité annuelle devrait tout de même doubler, passant de 79 Mt en 2019 à 153 Mt en 2060.
L’Afrique et l’Asie sont principalement à l’origine de la hausse des déchets mal gérés dans les pays non membres de l’OCDE (Graphique 4.11). La croissance économique dans ces régions engendre une forte augmentation des déchets, mais les systèmes de gestion des déchets n’évoluent pas assez vite pour empêcher l’accroissement considérable du volume de déchets mal gérés. Les projections concernant les quantités de déchets mal gérés mettent en évidence le besoin urgent de renforcer l’action publique au niveau national et de stimuler davantage la coopération internationale.
4.3. Les projections relatives aux déchets plastiques dépendent d’incertitudes majeures entourant la gestion des déchets, le commerce et les taux de reprise après la pandémie
4.3.1. La gestion des déchets est censée continuer à s’améliorer, mais si ce n’était pas le cas ?
L’évolution de la gestion des déchets dans le scénario de Référence tient compte des effets attendus des politiques actuelles et des tendances existantes en matière d’améliorations de la gestion des déchets. Cela explique pourquoi la quantité de déchets mal gérés augmente beaucoup moins rapidement que la consommation et la production totales de déchets plastiques. Pour comprendre l’incidence de ces hypothèses concernant la gestion des déchets, le scénario de Blocage , dans lequel les politiques de gestion des déchets sont figées, explore ce qui se passerait si aucune amélioration n’était apportée à la gestion des déchets après 2025 (Graphique 4.12)3.
La comparaison entre les scénarios de Blocage et de Référence montre l’importance des améliorations apportées aux systèmes de gestion des déchets en vue de limiter l’accroissement des déchets mal gérés. Si la gestion des déchets plastiques ne devait plus s’améliorer, les taux de recyclage resteraient limités à 10 % environ en 2060, tandis que le scénario de Référence suppose une progression continue jusqu’à plus de 17 %. Par ailleurs, le volume de déchets plastiques devant être mis en décharge augmenterait sensiblement d’ici à 2060, ce qui ne ferait qu’accroître encore les pressions s’exerçant sur le peu de terres disponibles, notamment près des centres urbains. Toutefois, l’élément le plus important est peut-être l’augmentation de la quantité de déchets plastiques mal gérés, qui atteindrait 269 Mt à l’horizon 2060, contre 153 Mt dans le scénario de Référence. En d’autres termes, les effets prolongés des politiques actuelles (en l’absence de nouvelles mesures de lutte contre les déchets plastiques) permettraient d’éviter la mauvaise gestion de 116 Mt de déchets plastiques en 2060, soit une diminution de plus de 40 %.
Si l’on fige les catégories de gestion des déchets à leurs niveaux de 2025 dans chaque région, cela n’implique pas que les parts mondiales soient fixées. La production de déchets plastiques progressant plus vite dans les pays dont les systèmes de gestion des déchets sont moins développés, leur poids dans la part des différents modes de gestion des déchets à l’échelle mondiale augmente. Ainsi, la part des déchets incinérés dans le monde recule progressivement dans le scénario de Blocage, alors que la part des déchets mal gérés s’accroît peu à peu. Cela souligne les améliorations importantes à apporter aux systèmes de gestion des déchets plastiques dans les économies émergentes et en développement, ne serait-ce que pour parvenir au ralentissement limité de l’augmentation des déchets mal gérés à l’échelle mondiale que prévoit le scénario de Référence. Cela nécessitera un partage des bonnes pratiques et des technologies existantes pour aider les pays en développement rapide à améliorer leurs systèmes de gestion des déchets au fil du temps, à mesure que leur revenu s’accroît.
4.3.2. Le commerce des déchets est censé se poursuivre à des niveaux faibles, mais si ce n’était pas le cas ?
Le commerce des déchets et rebuts plastiques consiste à envoyer les matières dans des pays présentant un avantage comparatif dans le recyclage du plastique. Cela permet de tirer profit des économies d’échelle ainsi que d’un traitement efficace et moins cher dans le pays de destination, d’obtenir des intrants pour des plastiques secondaires de qualité et de remplir les conteneurs (lorsque des marchandises sont expédiées d’une destination à une autre, ils peuvent être vides au retour) (Yamaguchi, 2021[12] ; OCDE, 2020[13] ; Kellenberg, 2012[14]). Cependant, les conséquences négatives potentielles du commerce des déchets plastiques suscitent des inquiétudes, ce qui a conduit de nombreux pays à reconsidérer leurs politiques et pratiques commerciales ces dernières années (Yamaguchi, 2021[12]). Ces préoccupations sont liées aux échanges motivés par les différences de réglementations et de normes environnementales, au commerce illicite des déchets ainsi qu’à la pollution causée par des capacités de gestion des déchets insuffisantes dans le pays de destination, à l’origine de rejets dans l’environnement.
Par conséquent, l’environnement réglementaire international du commerce transfrontalier de déchets plastiques a considérablement évolué ces dernières années (OCDE, 2019[2]). Depuis 2015, le commerce des déchets plastiques recule, en partie parce que la Chine, suivie par plusieurs autres nations, a imposé des restrictions sur les importations de déchets (Shi, Zhang et Chen, 2021[15] ; Velis, 2014[16]). De plus, la Convention de Bâle, qui réglemente le commerce des déchets plastiques, a été amendée en raison des préoccupations suscitées par certaines incidences environnementales du plastique (Secrétariat de la Convention de Bâle, 2020[17]). La manière dont ces échanges commerciaux évolueront dans les années à venir est incertaine et variable selon les régions (Encadré 4.5). Alors que le scénario de Référence part du principe que la structure actuelle du commerce des déchets se maintiendra, cette section examine deux autres scénarios de référence extrêmes : (1) le scénario Aucun commerce de déchets, dans lequel des mesures politiques rigoureuses font cesser tous les échanges de déchets plastiques ; (2) le scénario Commerce des déchets 2015, qui envisage un retour à la structure des échanges de 2015.
Encadré 4.5. Et si les flux commerciaux de déchets plastiques évoluaient différemment ?
Le scénario Aucun commerce de déchets suppose qu’après 2019, tous les échanges internationaux de déchets plastiques entre les régions cessent1. Dans le scénario de Référence, le commerce interrégional total de déchets plastiques en 2060 devrait atteindre 10,9 Mt. Dans cet autre scénario de référence hypothétique, cette quantité chute à 0,1 Mt, ce qui se traduit bien sûr par une réduction des exportations et des importations dans tous les pays.
Le scénario Commerce des déchets 2015 examine ce qui se passerait si les changements intervenus en 2015 sur le plan des échanges n’avaient pas eu lieu. Dans ce scénario, les projections relatives à la structure des échanges interrégionaux de déchets plastiques partent des flux commerciaux bilatéraux de 2015 et couvrent ensuite les décennies à venir2. Deux effets en ressortent. Premièrement, les échanges interrégionaux de déchets plastiques dans le monde devraient augmenter pour dépasser 24 Mt à l’horizon 2060, soit plus du double par rapport au scénario de Référence. Deuxièmement, la plus grande partie des déchets plastiques exportés est censée partir en Chine, ce qui était le cas en 2015. Même si, en réalité, la géographie de ce commerce s’est déplacée progressivement, délaissant la Chine entre 2015 et 2019 (Wen et al., 2021[18] ; OCDE, 2023[1]), le scénario Commerce des déchets 2015 part du principe que ce changement ne se produit pas.
Il faut toutefois émettre une réserve importante dans cette analyse, à savoir que le cadre de modélisation ne représente que le commerce entre les 15 régions du modèle et qu’il exclut tous les échanges à l’intérieur de ces régions. Ainsi, par exemple, le commerce entre l’un des pays de la région OCDE UE et un pays de la région UE hors OCDE est inclus, mais les échanges intrarégionaux entre les 22 pays de l’UE membres de l’OCDE sont exclus. Par conséquent, le total des volumes échangés est nettement plus faible que lorsqu’il est mesuré à l’échelle nationale : le volume des échanges mondiaux était égal à 14 Mt en 2015 et à 7,5 Mt en 2019 (OCDE, 2023[1]), tandis que le volume des échanges interrégionaux selon le cadre de la modélisation s’élève à 8,7 Mt en 2015 et à 4,9 Mt en 2019, c’est-à-dire qu’approximativement un tiers du commerce total est agrégé (caché) dans les flux intrarégionaux du modèle. Néanmoins, la comparaison des autres scénarios commerciaux possibles avec le scénario de Référence donne une idée de la fourchette plausible des volumes de déchets plastiques échangés dans les décennies à venir ainsi que de leur incidence sur le volume des déchets mal gérés et des rebuts disponibles pour la production de plastiques secondaires.
1. La modélisation part du principe que des échanges entre les deux régions modélisées, OCDE UE et UE hors OCDE, restent possibles.
2. Le scénario inclut une situation contrefactuelle entre 2015 et 2021, c’est-à-dire que tous les flux commerciaux postérieurs à 2015 sont ajustés.
La mesure dans laquelle l’évolution du commerce des déchets plastiques influe sur les volumes de déchets mal gérés et de rebuts disponibles à l’échelle mondiale dépend des systèmes de gestion des déchets des pays exportateurs et importateurs. Bien qu’une large part des volumes échangés concerne des matières recyclables et peut donc contribuer aux rebuts disponibles pour la production de plastiques secondaires, certains déchets importés seront mal gérés et finalement rejetés dans l’environnement. Dans le droit fil des Perspectives mondiales des plastiques : Déterminants économiques, répercussions environnementales et possibilités d’action de l’OCDE (OCDE, 2023[1]), le cadre de modélisation postule que la moitié des déchets plastiques échangés peut être recyclée et que l’autre moitié finit dans les flux de déchets nationaux, c’est-à-dire que ces déchets sont incinérés, mis en décharge ou mal gérés, en fonction du système de gestion des déchets dans le pays de destination (voir Annexe A).
Étant donné les faibles volumes de déchets échangés entre les régions, les améliorations de la gestion des déchets dans le scénario de Référence et l’hypothèse selon laquelle une part importante des déchets échangés peut être recyclée, la suppression du commerce des déchets plastiques dans le scénario Aucun commerce de déchets ne modifie que légèrement la quantité totale de déchets mal gérés en 2060 par rapport au scénario de Référence (diminution de moins d’un demi pour cent, soit moins de 1 Mt), la plupart des baisses se produisant dans les économies d’Asie non membres de l’OCDE (Graphique 4.13)4.
Le scénario Commerce des déchets 2015, qui suppose des volumes d’échanges plus élevés, prévoit une légère augmentation des déchets mal gérés à l’échelle mondiale à l’horizon 2060 (Graphique 4.13). La progression en Chine fait plus que compenser la diminution dans les autres économies d’Asie non membres de l’OCDE. Étant donné que les systèmes de gestion des déchets ont tendance à être plus développés en Chine que dans les autres économies d’Asie non membres de l’OCDE, l’effet net à l’échelle mondiale sur les déchets mal gérés est faible, soit une hausse de moins de 1 Mt par rapport au scénario de Référence. Ainsi, même si les volumes échangés entre les régions doublent par rapport au scénario de Référence, le volume mondial de déchets mal gérés devrait rester inchangé.
Par conséquent, l’évolution des régimes d’échanges de déchets plastiques dans la fourchette indiquée par ces deux scénarios, en prenant pour hypothèse le recyclage de la moitié des déchets échangés, influencera la structure des échanges. Toutefois, ce n’est que si les politiques commerciales et environnementales vont de pair et que les déchets importés sont gérés correctement que les conséquences en matière de rejets seront limitées5. Des modifications plus radicales de la structure des échanges, comme les exportations illimitées de déchets plastiques vers des pays dont les systèmes de gestion des déchets sont moins développés (décharge sauvage), entraîneraient une augmentation significative des rejets de plastique. Un tel scénario viendrait cependant contredire les évolutions récentes.
Si l’on veille au recyclage effectif des matières recyclables importées et à ce qu’elles ne soient pas détournées vers des décharges à ciel ouvert ou d’autres traitements de mauvaise gestion, l’augmentation des importations de déchets plastiques peut permettre d’accroître les stocks nationaux de rebuts disponibles pour la production de plastiques secondaires. Dans le scénario Aucun commerce de déchets, les matières recyclables ne sont plus exportées, donc les pays qui exportent des déchets plastiques dans le scénario de Référence, englobant la plupart des pays de l’OCDE, augmentent leurs rebuts nationaux. Les importateurs (qui incluent la plupart des pays non membres de l’OCDE) sont confrontés à une diminution des rebuts disponibles pour la production de plastiques secondaires. L’effet à l’échelle mondiale est proche de zéro : les matières ne disparaissent pas, mais sont traitées dans les pays exportateurs, où les installations de recyclage sont au moins aussi avancées que dans les pays importateurs. Cependant, étant donné qu’il s’agit d’un scénario de référence où aucune mesure ambitieuse n’est mise en œuvre pour stimuler la production secondaire, il est possible que les rebuts supplémentaires dans les pays de l’OCDE ne soient pas transformés en davantage de plastiques secondaires, mais que cela ne fasse qu’augmenter les taux de perte liés au processus de recyclage (et donc les résidus de recyclage) lorsque les rebuts sont éliminés. Les contraintes liées aux capacités de recyclage peuvent en outre impliquer l’élimination de plus de matières recyclables à court terme jusqu’à ce que de nouvelles capacités de recyclage soient disponibles.
La disponibilité des rebuts à l’échelle mondiale est en corrélation avec le commerce des déchets plastiques. Lorsque les flux commerciaux se déplacent vers des régions disposant de systèmes de gestion des déchets moins développés et, plus particulièrement, présentant des taux de recyclage plus faibles, moins de rebuts sont récupérés dans le flux des déchets. Le scénario alternatif Commerce des déchets 2015, qui ramène la structure des flux commerciaux à leurs tendances de 2015, semble indiquer que les évolutions intervenues entre 2015 et 2019 ont peut-être effectivement induit une diminution des rebuts disponibles à l’échelle mondiale. Dans ce scénario, plus de déchets sont exportés vers la Chine, qui a des taux de recyclage assez élevés et sait mieux transformer les déchets pour réutiliser les vieux plastiques (Graphique 4.13). Cette hausse compense largement la diminution des rebuts réutilisables produits par les autres économies émergentes d’Asie. Un tel accroissement des rebuts disponibles dans le monde n’est pas proportionnel au volume de déchets échangés, car les exportations plus élevées des pays de l’OCDE font baisser les rebuts disponibles dans ces pays. Cependant, lorsque les matières sont exportées depuis un pays de l’OCDE ayant des taux de recyclage plus faibles que la Chine, l’exportation vers ce pays permet de récupérer davantage de rebuts que si les échanges étaient restreints et donc de recycler plus de matières plastiques.
Même si les scénarios de cette analyse sont très stylisés, ils mettent en lumière la manière dont les politiques relatives aux mouvements transfrontaliers de déchets plastiques peuvent modifier radicalement la structure des échanges, ce qui a des répercussions importantes à la fois sur les possibilités de recyclage au niveau régional et sur les rejets de plastique dans l’environnement. Plus précisément, si les échanges de matières plastiques devaient s’ouvrir pour envoyer encore plus de déchets plastiques vers des pays disposant de moindres capacités de gestion des déchets, cela risquerait d’augmenter davantage les rejets de plastique dans l’environnement. Il est donc important de garder à l’esprit que les politiques commerciales peuvent modifier radicalement la situation des déchets plastiques en un laps de temps relativement court (ce qui fut le cas lors de l’introduction des interdictions d’importation de la Chine ainsi que lors des amendements de la Convention de Bâle sur les déchets plastiques), alors que le renforcement des capacités de recyclage et de gestion des déchets est un processus à long terme, qui nécessite des plans d’investissement et de développement ainsi que des cadres inclusifs permettant de travailler avec le secteur informel dans certains pays. Pour parvenir à une utilisation plus circulaire des plastiques, les politiques commerciales et environnementales doivent aller de pair et être coordonnées afin d’éviter que d’éventuelles asymétries n’entraînent des taux de recyclage réduits ou une augmentation des rejets dans l’environnement.
4.3.3. La reprise après la pandémie de COVID-19 pourrait prendre plus longtemps que prévu
Comme indiqué au Chapitre 3 des Perspectives mondiales des plastiques : Déterminants économiques, répercussions environnementales et possibilités d’action de l’OCDE (OCDE, 2023[1]), on estime que la pandémie de COVID-19 a entraîné une réduction de l’utilisation mondiale de plastiques à court terme. Cette baisse découle du ralentissement économique, qui a eu un effet plus important que la hausse de l’utilisation de plastiques pour les équipements de protection individuelle.
Dans les décennies à venir, tandis que les effets de la pandémie de COVID-19 devraient s’estomper, celle-ci entraînera néanmoins une réduction des déchets plastiques mondiaux dans le scénario de Référence par rapport aux projections relatives aux déchets antérieures à la pandémie (Graphique 4.14). L’incidence sur la production de déchets plastiques en 2025 est beaucoup moins importante que celle sur l’utilisation de plastiques (Chapitre 2), une part considérable de ceux-ci perdurant de nombreuses années. Il existe toutefois des préoccupations concernant la grande part de plastiques utilisés pour les équipements de protection individuelle, notamment les masques, qui sont abandonnés comme détritus ou rejetés dans l’environnement (OCDE, 2023[1]). Les différences régionales en matière d’évolution des déchets plastiques reflètent globalement celle de l’utilisation des plastiques.
Au fil du temps, les effets sur les déchets plastiques rattrapent les effets sur l’utilisation de plastique et, à l’horizon 2060, la réduction des deux est du même ordre. Les projections du scénario de Référence de l’utilisation et des déchets plastiques restent inférieures aux projections antérieures à la pandémie dans presque tous les pays, ce qui résulte du recul de l’activité économique à long terme6. Les hypothèses concernant la vitesse de la reprise après la pandémie se répercutent en outre sur les projections relatives aux déchets (Encadré 4.6).
Les facteurs sectoriels spécifiques, notamment les différentes durées de vie des applications des plastiques, influent sur la rapidité avec laquelle la pandémie se répercute sur les volumes de déchets plastiques prévus (Graphique 4.15)7. Considérés conjointement (« Total » dans le Graphique 4.15), les effets les plus importants se produisent vers 2035 avant de cesser progressivement. Le type de polymère utilisé a également une incidence. Dans certains cas, notamment celui du polyéthylène téréphtalate (PET), le délai des effets sur les déchets plastiques est très court et suit largement les retombées économiques, tandis que le polychlorure de vinyle (PVC), par exemple, a un effet plus graduel, étant donné que les diverses applications faisant appel au PVC (p. ex. dans le secteur de la construction) ont tendance à avoir des durées de vie beaucoup plus longues. En ce qui concerne les applications, il y a un énorme décalage temporel entre les déchets plastiques provenant des emballages et ceux issus de la construction. Les effets de la durée de vie des plastiques sont bien plus visibles dans les projections pour les applications que pour les polymères, ce qui met en évidence que la plupart de ceux-ci sont utilisés dans de multiples applications, dont certaines ont une durée de vie plus longue que d’autres.
Encadré 4.6. Quelle serait l’incidence d’une reprise lente après le COVID-19 sur l’utilisation de plastiques et les déchets plastiques ?
Les hypothèses concernant le rythme de la reprise déterminent le délai et le niveau de stabilisation de l’utilisation de plastique et des déchets plastiques par rapport aux projections réalisées avant la crise du COVID-19, c’est-à-dire le moment où les taux de croissance auront complètement retrouvé les niveaux correspondant aux projections de référence antérieures à la pandémie. Un scénario de Reprise lente a été modélisé afin d’explorer cette hypothèse (voir Annexe B). Les conséquences sur les déchets plastiques mondiaux se stabilisent à environ 2 % sous les niveaux prépandémiques dans le scénario de Référence à l’horizon 2060 et à 4 % en dessous approximativement dans le scénario de Reprise lente. Dans les deux cas, les effets liés au COVID‑19 sur les déchets plastiques se font sentir beaucoup plus tard que ceux sur l’utilisation de plastiques ; dans le scénario de Référence, ils se rejoignent vers 2035, mais ce délai s’allonge jusqu’en 2045 si la reprise est lente.
Références
[5] Cottom, J. et al. (2022), « Spatio-temporal quantification of plastic pollution origins and transportation (SPOT) » University of Leeds, Royaume-Uni, https://plasticpollution.leeds.ac.uk/toolkits/spot/.
[19] Dellink, R. et al. (2021), « Effets à long terme de la pandémie de COVID-19 et des mesures de relance sur les pressions environnementales : étude quantitative », Documents de travail de l’OCDE sur l’environnement, n° 176, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/28ebe842-fr.
[4] Geyer, R., J. Jambeck et K. Law (2017), « Production, use, and fate of all plastics ever made », Science Advances, vol. 3/7, p. e1700782, https://doi.org/10.1126/sciadv.1700782.
[10] Jambeck, J. et al. (2015), « Plastic waste inputs from land into the ocean », Science, vol. 347/6223, pp. 768-771, https://doi.org/10.1126/science.1260352.
[9] Kaza, S. et al. (2018), What a Waste 2.0: A Global Snapshot of Solid Waste Management to 2050, Banque mondiale, Washington, D.C., https://doi.org/10.1596/978-1-4648-1329-0.
[14] Kellenberg, D. (2012), « Trading wastes », Journal of Environmental Economics and Management, vol. 64/1, pp. 68-87, https://doi.org/10.1016/j.jeem.2012.02.003.
[8] Lau, W. et al. (2020), « Evaluating scenarios toward zero plastic pollution », Science, vol. 369/6510, pp. 1455-1461, https://doi.org/10.1126/science.aba9475.
[7] Lebreton, L. et A. Andrady (2019), « Future scenarios of global plastic waste generation and disposal », Palgrave Communications, vol. 5/1, p. 6, https://doi.org/10.1057/s41599-018-0212-7.
[1] OCDE (2023), Perspectives mondiales des plastiques : Déterminants économiques, répercussions environnementales et possibilités d’action, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/5c7bba57-fr.
[13] OCDE (2020), OECD workshop on international trade and circular economy – summary report, Éditions OCDE, Paris, https://www.oecd.org/env/workshop-trade-circular-economy-summary-report.pdf.
[2] OCDE (2019), Global Material Resources Outlook to 2060: Economic Drivers and Environmental Consequences, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264307452-en.
[3] Roosen, M. et al. (2020), « Detailed Analysis of the Composition of Selected Plastic Packaging Waste Products and Its Implications for Mechanical and Thermochemical Recycling », Environmental Science & Technology, vol. 54/20, pp. 13282-13293, https://doi.org/10.1021/acs.est.0c03371.
[6] Ryberg, M. et al. (2019), « Global environmental losses of plastics across their value chains », Resources, Conservation and Recycling, vol. 151, p. 104459, https://doi.org/10.1016/j.resconrec.2019.104459.
[17] Secrétariat de la Convention de Bâle (2020), Basel Convention Plastic Waste Amendments, http://www.basel.int/Implementation/Plasticwaste/PlasticWasteAmendments/Overview/tabid/8426/Default.aspx.
[15] Shi, J., C. Zhang et W. Chen (2021), « The expansion and shrinkage of the international trade network of plastic wastes affected by China’s waste management policies », Sustainable Production and Consumption, vol. 25, pp. 187-197, https://doi.org/10.1016/j.spc.2020.08.005.
[11] The Pew Charitable Trust ; SYSTEMIQ (2020), Breaking The Plastic Wave: A Comprehensive Assessment of Pathways Towards Stopping Ocean Plastic Pollution, https://www.systemiq.earth/wp-content/uploads/2020/07/BreakingThePlasticWave_MainReport.pdf.
[16] Velis, C. (2014), Global recycling markets – plastic waste: A story for one player – China. Report prepared by FUELogy on behalf of ISWA Globalisation and Waste Management Task Force, International Solid Waste Association, Vienne, https://doi.org/10.13140/RG.2.1.4018.4802.
[18] Wen, Z. et al. (2021), « China’s plastic import ban increases prospects of environmental impact mitigation of plastic waste trade flow worldwide », Nature Communications, vol. 12/1, https://doi.org/10.1038/s41467-020-20741-9.
[12] Yamaguchi, S. (2021), « International trade and circular economy - Policy alignment », Documents de travail de l’OCDE sur les échanges et l’environnement, n° 2021/02, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/ae4a2176-en.
Notes
← 1. De plus amples informations sur la modélisation de la gestion des déchets figurent à l’annexe A.
← 2. La mise en décharge s’accompagne d’une demande accrue de décharges adaptées, ce qui accentue la pression pesant sur l’utilisation des terres. Cependant, en tenant compte de la densité des terres dans la projection de la part de la mise en décharge dans la région, les augmentations les plus importantes en matière de surface requise pour l’enfouissement concernent des régions disposant d’un espace relativement vaste. Néanmoins, la mise en décharge a souvent lieu près des centres-villes, ce qui pourrait tout de même poser problème. Par ailleurs, les conséquences environnementales de l’utilisation accrue des terres pour la gestion des déchets n’ont pas pu être prises en considération dans l’analyse.
← 3. En particulier, dans ce scénario hypothétique, la part des différentes catégories de gestion des déchets est maintenue constante après 2025, ce qui permet un décalage de trois ans pour tenir compte de l’incidence continue des politiques actuelles.
← 4. L’évolution des déchets mal gérés à l’échelle mondiale dépend de la différence relative des parts de la mauvaise gestion entre les exportateurs et les importateurs : les déchets sont toujours traités, mais pas au même endroit.
← 5. Les répercussions environnementales des autres méthodes de traitement des déchets ont également leur importance : par exemple, si les déchets exportés sont mis en décharge plutôt qu’incinérés dans le pays de destination, il n’y a pas de valorisation énergétique et il existe également un risque potentiel de pollution.
← 6. Même si les taux de croissance du PIB se redressent pleinement, les niveaux de PIB restent quelque peu inférieurs dans les projections du scénario de Référence ; voir (Dellink et al., 2021[19]).
← 7. Même si le scénario de Référence présenté dans ce rapport inclut les effets du COVID-19 sur l’activité économique, le manque de données robustes n’a pas permis de le relier aux conséquences sur des types particuliers de plastiques, à l’exception des plastiques utilisés pour les masques faciaux et les autres équipements de protection individuelle (voir Chapitre 3 dans (OCDE, 2023[1])).