Le cycle de vie complet des plastiques, de leur production à leur élimination, a des répercussions diverses sur l’environnement et sur la santé. Le chapitre ci-après étudie l’évolution de ces répercussions d’ici 2060 selon le scénario de Référence, c’est-à-dire en l’absence de toute nouvelle mesure. Il présente une modélisation des émissions de gaz à effet de serre liées à chaque étape du cycle de vie des plastiques et les compare à deux scénarios prévoyant l’utilisation de plastiques biosourcés. Les incidences environnementales du cycle de vie de sept polymères fréquents sont également évaluées à l’aide de projections jusqu’en 2060 des répercussions touchant à la toxicité pour l’homme avec un effet cancérogène, à l’acidification, à l’eutrophisation et au changements d’utilisation des sols.
Perspectives mondiales des plastiques
6. Projections sur les répercussions environnementales du cycle de vie des plastiques à l’horizon 2060
Abstract
Messages clés
D’ici 2060, la baisse de l’intensité des émissions de gaz à effet de serre (GES) associée à la production de plastiques ne compense pas la forte augmentation des émissions due à l’utilisation de plastiques et à la production de déchets plastiques en hausse. Dans l’ensemble, les émissions des plastiques au long du cycle de vie devraient croître de 1,8 Gt éq. CO2 en 2019 à 4,3 Gt éq. CO2 en 2060 et passer de 3,7 % à 4,5 % des émissions mondiales.
Les dispositions visant à promouvoir les plastiques biosourcés peuvent réduire les émissions de GES liées à la production de plastiques, mais suscitent des préoccupations quant à l’accroissement de la demande en terres agricoles pour cultiver la biomasse nécessaire, ce qui pourrait conduire à une perte de zones naturelles. Une modélisation des effets de l’augmentation de la part de marché des plastiques biosourcés à 5 % d’ici 2060 n’a permis d’observer qu’une faible incidence sur les émissions de GES. Trouver des moyens de réduire le besoin en matières premières agricoles pourrait sensiblement améliorer le potentiel des plastiques biosourcés pour ce qui a trait à l’atténuation des émissions mondiales de GES dues aux plastiques.
À l’aide d’une analyse du cycle de vie (ACV) des plastiques, il est démontré que la production et la gestion des déchets de sept polymères couramment utilisés ont des répercussions néfastes étendues sur l’environnement et sur la santé humaine, notamment en matière d’utilisation des sols, de formation d’ozone, d’eutrophisation, d’écotoxicité, de toxicité et d’acidification. Ces répercussions vont toutes doubler ou tripler d’ici 2060, l’utilisation des sols et l’eutrophisation étant les incidences qui augmentent le plus, principalement à cause de la production des plastiques. Maîtriser la hausse de l’utilisation des plastiques est urgent pour limiter ces répercussions néfastes.
6.1. Les plastiques et déchets plastiques contribuent au changement climatique
6.1.1. Les émissions de gaz à effet de serre imputables aux plastiques d’origine fossile devraient plus que doubler d’ici 2060
Les plastiques génèrent des émissions de gaz à effet de serre (GES) tout au long de leur cycle de vie, depuis leur production qui consiste à transformer des matières premières fossiles au moyen de procédés à forte intensité énergétique, jusqu’à la gestion des déchets qui nécessite de l’énergie et génère des émissions directes. D’après le modèle de l’OCDE ENV-Linkages, en 2019, les émissions totales de GES imputables aux plastiques d’origine fossile s’élevaient à 1,8 gigatonnes d’équivalent dioxyde de carbone (Gt éq. CO2), soit 3,7 % des émissions mondiales1. En raison de la hausse de l’utilisation de plastiques et de la production de déchets prévue dans le scénario de Référence, ces émissions devraient plus que doubler d’ici 2060, pour atteindre 4,3 Gt éq. CO2 (Graphique 6.1), soit 4,5 % des émissions mondiales de GES en 2060. Alors que le secteur des plastiques connaît à peu près le même taux de croissance que la moyenne de l’économie sur la période étudiée, la croissance du secteur des services (relativement peu intensif en émissions) est supérieure à la moyenne ; ce dernier représente donc une grande part de l’économie. Dans le même temps, quelques secteurs très fortement émetteurs comme la sidérurgie et la métallurgie, l’exploitation des minerais non métalliques, les industries extractives et la production animale devraient connaître une croissance inférieure à la moyenne (chapitre 2). Ceci explique pourquoi le pourcentage des émissions imputables aux plastiques augmente sur la période étudiée.
La production de polymères et leur transformation en produits représentent environ 90 % des émissions imputables au cycle de vie des plastiques d’origine fossile, tant en 2019 qu’en 2060. Néanmoins, le niveau d’émissions dépend du polymère (OCDE, 2023[1]). Les plus gros émetteurs sont les fibres utilisées dans les textiles et l’habillement, suivies du polypropylène (PP) qui est utilisé dans une large palette d’applications, notamment les emballages alimentaires et les pièces moulées des véhicules. La production de polyéthylène basse densité (PEBD), qui est utilisé par exemple dans les sacs en plastique ou dans les flacons distributeurs, représente le troisième plus gros niveau d’émissions. La hausse des émissions entre 2019 et 2060 est largement portée par ces polymères.
Les émissions en fin de vie représentent le reste des émissions du cycle de vie (environ 10 %) et varient fortement en fonction des modes d’élimination. L’incinération représente plus de 70 % du total des émissions en fin de vie, à la fois en 2019 et en 2060, le recyclage étant le deuxième émetteur à cette étape. Cependant, le recyclage sert à produire des plastiques secondaires qui remplacent les plastiques primaires et permettent donc de réduire les émissions globales de GES. Le niveau d’émissions de GES évitées grâce au recyclage et à la production de plastiques secondaires dépend du polymère et de la région (principalement du mix énergétique utilisé par le secteur du recyclage dans la région). En moyenne, toutefois, la réduction des émissions de GES dans l’ensemble des régions se monte à au moins 1,8 tonne éq. CO2 par tonne de polymère produit, soit une réduction de plus des deux tiers par rapport à la production d’un plastique primaire équivalent. Il n’est pas tenu compte des effets des rejets de plastiques sur les émissions de GES, mais une étude récente (Shen et al., 2020[2]) s’appuyant sur des données expérimentales de Royer et al. (2018[3]) a permis d’estimer que la dégradation dans l’environnement et la mise en décharge non contrôlée provoquent des émissions de méthane à hauteur d’environ 2 Mt éq. CO2 par an.
La forte hausse des émissions de GES entre 2019 et 2060 est portée par divers facteurs (Graphique 6.2). L’augmentation de la production et de la transformation des plastiques d’origine fossile représente la majeure partie des nouvelles émissions (+2,4 Gt éq. CO2) et celle des déchets représente une hausse supplémentaire de 0,4 Gt éq. CO2. L’évolution attendue des polymères utilisés et de la gestion des déchets (notamment le recyclage) ont un effet presque négligeable. Le seul élément en mesure d’atténuer sensiblement les émissions au fil du temps dans le scénario de Référence est la réduction de l’intensité en GES de la production et de la transformation des plastiques (environ -0,3 Gt éq. CO2) et, dans une moindre mesure, celle des déchets (‑0,1 Gt éq. CO2).
Ces résultats semblent indiquer que la manière la plus directe d’atténuer les émissions de GES liées au cycle de vie des plastiques est de ralentir la croissance mondiale de l’utilisation des plastiques et de la production de déchets plastiques. Les autres possibilités d’atténuation sont : accroître la disponibilité et l’utilisation de plastiques secondaires ; décarboner la production et la transformation ; améliorer les procédés de traitement des déchets, entre autres en remplaçant progressivement les combustibles fossiles par l’électricité et en décarbonant la production d’électricité.
Ces projections sont, comme dans tout exercice de ce type, soumises à des incertitudes. Dans le modèle ENV-Linkages, le scénario de Référence part de l’hypothèse d’une baisse progressive de l’intensité en GES de la production, en raison de la hausse des prix des combustibles fossiles par rapport au prix de l’électricité. Cette hypothèse est importante au vu de la dépendance de la production de plastiques vis-à-vis des combustibles fossiles et des marchés mondiaux de ces combustibles (voir l’Encadré 6.1). Le modèle ENV-Linkages suppose en outre qu’une amélioration générale de l’efficacité énergétique aura lieu pendant les années étudiées, sans prendre en considération d’éventuelles percées technologiques qui modifieraient radicalement les émissions des plastiques au long du cycle de vie. Cette hypothèse est plausible pour les technologies matures dont le profil d’émissions est peu susceptible de changer, mais elle peut être contestée pour les technologies émergentes. Par exemple, le recyclage chimique pourrait remplacer ou compléter le recyclage mécanique, ce qui modifierait sensiblement les émissions de GES dues au recyclage (Civancik-Uslu et al., 2021[4]). Cependant, ces technologies émergentes n’en sont par définition qu’à leurs débuts ; leur capacité à améliorer l’efficacité et leur pénétration sur le marché sont donc encore trop incertaines pour en quantifier de manière fiable l’évolution dans les décennies à venir.
Encadré 6.1. Les émissions imputables au cycle de vie des plastiques sont étroitement liées aux prix des combustibles fossiles
La production de plastiques utilise des combustibles fossiles (pétrole et gaz) comme matières premières, mais aussi comme source d’énergie dans le processus de fabrication (soit directement par combustion sur le site, soit indirectement, car ces combustibles contribuent à la production d’électricité). La variation des prix des combustibles fossiles peut donc affecter la production de plastiques et les émissions de GES qui en découlent. Deux scénarios sont comparés au scénario de Référence (Graphique 6.3) : l’un dans lequel les prix du pétrole et du gaz sont bas (environ 15 % inférieurs à ceux prévus dans le scénario de Référence en 2060), l’autre dans lequel les prix sont élevés (environ 15 % supérieurs). L’encadré 3.1 au chapitre 3 décrit les deux scénarios en détail.
Dans l’ensemble, une baisse des prix des combustibles fossiles conduit à une hausse de 2,4 % des émissions dues au cycle de vie des plastiques par rapport au scénario de Référence. Les prix des combustibles fossiles influent sur les émissions dues au cycle de vie des plastiques de deux manières principales : en changeant le volume de production et l’intensité en GES de la production (Graphique 6.1). Une baisse des cours des combustibles fossiles provoque une baisse du prix des plastiques, car les matières premières fossiles et l’énergie sont moins chères, ce qui pousse la demande. Les combustibles fossiles à faible coût génèrent également une hausse du PIB (voir le chapitre 3), ce qui accroît la demande de tous types de biens, dont les plastiques. En outre, le moindre coût des combustibles fossiles favorise aussi l’utilisation de ces énergies comme source d’électricité, par rapport à d’autres sources souvent moins intensives en émissions, ce qui accroît d’autant l’intensité en GES de la production et du recyclage des plastiques. Des mécanismes identiques entrent en jeu lorsque les prix des combustibles fossiles augmentent, mais avec l’effet inverse, ce qui mène à une baisse des émissions dues au cycle de vie des plastiques de 115 Mt éq. CO2 en 2060 par rapport au scénario de Référence (-2,7 %).
L’évolution des prix des combustibles fossiles peut aussi influer sur des émissions non liées aux plastiques. Au niveau mondial, une baisse des prix des combustibles fossiles génère plus d’activité économique (environ +1 % de PIB, voir le chapitre 3) et une hausse de l’intensité en GES des activités économiques, ce qui qui provoque une hausse globale des émissions d’environ 4,7 %, soit deux fois le pourcentage de hausse des émissions imputables au cycle de vie des plastiques. En conséquence, la part des émissions liées au cycle de vie des plastiques diminue légèrement, passant de 4,5 % dans le scénario de Référence à 4,4 %. À l’inverse, la hausse des prix des combustibles fossiles fait baisser les émissions globales de 4,1 % et accroît légèrement la part des émissions liées au plastique dans les émissions globales, jusqu’à 4,6 %.
6.1.1. Les plastiques biosourcés ne peuvent réduire les émissions de GES que si la réaffectation des terres est évitée
Les plastiques biosourcés sont fabriqués à partir de biomasse telle que le maïs, la canne à sucre, le blé ou les résidus d’autres procédés. Leur production génère donc moins de gaz à effet de serre que celle des plastiques d’origine fossile. Dans le scénario de Référence, l’usage des plastiques biosourcés2 devrait croître, mais rester limité. La part de marché des plastiques biosourcés devrait rester d’environ 0,5 % en 2060, l’utilisation des plastiques fabriqués à partir de matières premières biosourcées passant d’environ 2 Mt en 2019 à 6 Mt en 2060.
Les effets environnementaux nets du remplacement des plastiques d’origine fossile par les plastiques biosourcés ne sont pas faciles à mettre en évidence, comme expliqué dans l’encadré 2.2 au chapitre 2 des Perspectives mondiales des plastiques : Déterminants économiques, répercussions environnementales et possibilités d’action de l’OCDE (2023[1]). Il convient notamment de noter que toute demande supplémentaire de terres pour cultiver la matière première des plastiques biosourcés peut mener à un changement d’affectation des terres, par exemple à une déforestation qui peut générer des émissions de GES significatives ainsi qu’une perte de biodiversité, une eutrophisation et une acidification (conséquences appelées effets indirects de l’affectation des terres). La fabrication de plastiques biosourcés requiert par ailleurs souvent l’utilisation d’additifs dont la production contribue également aux émissions de GES et à d’autres incidences sur l’environnement (Zimmermann et al., 2020[5]).
La section ci-après compare l’évolution des plastiques biosourcés dans le scénario de Référence à celle observée dans deux autres scénarios (scénario Dirigé et scénario d’Efficience). Selon ces scénarios, les décideurs politiques prennent des mesures supplémentaires pour atteindre une part de marché de 5 % de plastiques biosourcés dans cinq régions économiques qui représentent ensemble 60 % de la production mondiale de plastiques biosourcés : la République populaire de Chine (ci-après la « Chine »), les États-Unis, l’UE, le Brésil et la Thaïlande. Une part de marché de 5 % dans ces régions équivaut donc à une part de 3 % du marché mondial. La différence entre le scénario Dirigé et le scénario d’Efficience est la manière d’atteindre cette hausse de la part de marché des plastiques biosourcés. Dans le scénario Dirigé, l’objectif est atteint en taxant la consommation de plastiques d’origine fossile et en subventionnant l’utilisation de plastiques biosourcés. Dans le scénario d’Efficience, il est atteint grâce à des investissements technologiques qui permettent d’accroître la productivité des facteurs de production de matières premières agricoles et de réduire la surface agricole nécessaire à la production de plastiques biosourcés (Tableau 6.1). Ces améliorations reflètent la mise à niveau des technologies qui améliorent l’efficience d’utilisation de la biomasse, par exemple au moyen de circuits technologiques basés sur des matières premières non alimentaires (p. ex., les algues, les plantes vivaces ou les déchets) ou d’approches permettant l’utilisation en cascade et les circuits fermés (p. ex., les bioraffineries intégrées). Pour les comparer, il est fait recours au modèle d’équilibre général calculable dit CGE-Box (Britz et van der Mensbrugghe, 2018[6]) et à des recherches passées de Escobar et Britz (2021[7]) (voir l’annexe B pour les détails méthodologiques).
Tableau 6.1. Diverses mesures peuvent accroître la part de marché des plastiques biosourcés, mais les conséquences environnementales sont variables
Détails |
Scénario Dirigé |
Scénario d’Efficience |
---|---|---|
Description |
||
Objectif de part de marché des plastiques biosourcés dans les cinq régions sélectionnées* |
5 % |
Plus large pour le Brésil (17,6 %) et la Thaïlande (6,3 %) qui cultivent la canne à sucre (la matière première présentant le meilleur rapport coût-efficacité). Environ 4 % pour la Chine, les États-Unis et les pays européens de l’OCDE |
Objectif mondial de part de marché des plastiques biosourcés |
3 % |
3 % |
Facteurs utilisés pour accroître la part de marché des plastiques biosourcés |
Combinaison de taxes sur les énergies fossiles et de subventions aux plastiques biosourcés. |
Investissements technologiques pour réduire la matière première et les surfaces agricoles nécessaires à la production de plastiques biosourcés. Le PIB mondial est maintenu à niveau constant au moyen de taxes sur les plastiques d’origine fossile. |
Résultats (par rapport au scénario de Référence) |
||
Incidence sur le PIB mondial par rapport au scénario de Référence |
-0,02 % |
0 % |
Incidence sur la production mondiale de plastiques primaires |
-2,0 % |
-2,8 % |
Incidence sur la surface agricole mondiale |
+0,3 % |
+0,1 % |
Incidence sur les émissions de GES mondiales imputables à l’utilisation des plastiques, y compris les effets indirects de l’utilisation des terres |
+0,2 % |
-1,1 % |
* Les cinq régions sont la Chine, les États-Unis, l’UE, le Brésil et la Thaïlande.
Source : Modèle CGE-Box (Britz et van der Mensbrugghe, 2018[6]), fondé sur le modèle de l’OCDE ENV-Linkages, scénario de Référence.
Dans les deux scénarios, la production de plastiques biosourcés s’accroît aux dépens des plastiques d’origine fossile. L’effet est plus important dans le scénario d’Efficience, car celui-ci correspond à l’utilisation de technologies qui accroissent l’efficience de la production des plastiques biosourcés et donc leur compétitivité. Ce scénario provoque un déplacement régional de la production de plastiques biosourcés, alors que le scénario Dirigé ne vise que l’objectif de 5 % de production biosourcée dans chacune des régions sélectionnées. Dans les deux scénarios, l’incidence économique de l’accroissement de la part des plastiques biosourcés est très faible. Ces légères baisses du PIB sont dues à la contraction du secteur des combustibles fossiles tandis que les facteurs de production sont déplacés vers la production agricole et animale qui ont une valeur ajoutée moindre.
La demande accrue en plastiques biosourcés fait augmenter la demande mondiale en matières premières agricoles, ce qui mène à une hausse des surfaces cultivées (Graphique 6.4, partie A). Cette hausse se fait aux dépens des terres gérées par l’Homme (pâturages et plantations forestières, partie B du Graphique 6.4) et des autres terres (forêts naturelles, partie C du Graphique 6.4). Par ailleurs, un effet supplémentaire apparaît : avec la hausse de la demande en terres agricoles, le prix des denrées agricoles augmente ainsi que celui de l’alimentation animale, ce qui pousse les éleveurs dans les régions de l’Arctique, d’Asie centrale et tropicales pour arriver à une production plus extensive, ce qui génère une utilisation accrue des terres pour les pâturages. La pression sur les aires naturelles vient donc à la fois de la production agricole et animale. La surface agricole mondiale augmente le plus dans le scénario Dirigé, en particulier aux États-Unis et dans l’UE, mais également dans les grandes régions productrices de céréales comme le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande qui exportent leurs céréales à l’international, principalement vers la Chine et l’UE (Graphique 6.4, partie A).
L’incidence globale sur les émissions de GES mondiales est faible. Dans le scénario Dirigé, on observe une faible hausse nette des émissions, tandis que dans le scénario d’Efficience on note une baisse nette légèrement plus importante (Graphique 6.5). Dans les deux scénarios (Dirigé et d’Efficience), la principale hausse des émissions de GES provient du changement d’affectation des terres et la principale baisse provient de la baisse des émissions de CO2 imputable au remplacement des plastiques d’origine fossile. On note également une légère hausse des émissions dans les deux scénarios, due à l’utilisation accrue d’engrais dans la production agricole. Dans le scénario Dirigé, la hausse des émissions dues à l’utilisation des terres (43 Mt éq. CO2 d’ici à 2060) devrait largement compenser la réduction des émissions obtenue grâce à la baisse de production de plastiques d’origine fossile et à la réduction de production de combustibles fossiles qui en découle (40 Mt éq. CO2). Au contraire, dans le scénario d’Efficience, les émissions de GES diminuent globalement (Graphique 6.5). Dans ce scénario, la réduction des émissions directes d’éq. CO2 imputables à la production de plastiques (44 Mt éq. CO2) est proche de celle observée dans le scénario Dirigé, cependant les émissions de GES dues à l’augmentation de l’utilisation des terres se limitent à 15 Mt éq. CO2 à l’échelle mondiale et proviennent principalement de la diminution des aires naturelles3.
Cette analyse met en exergue l’importance de concevoir avec précaution toute mesure visant à promouvoir les plastiques biosourcés, afin d’en réduire les conséquences sur l’utilisation des terres et sur les émissions de GES. L’incidence globale sur l’environnement de la montée en puissance des plastiques biosourcés ne peut être positive que si cette dernière est associée à des engagements mondiaux et à des mesures réglementaires appliquées localement qui parviennent à limiter la réaffectation de zones naturelles en terres agricoles. Enfin, la recherche de procédés de production de plastiques biosourcés plus efficients, permettant de réduire le volume de matières premières agricoles utilisé, pourrait améliorer significativement le potentiel d’atténuation des émissions mondiales de GES.
6.2. Les répercussions environnementales du cycle de vie des plastiques sont multiples et significatives
En dehors des rejets de plastiques dans l’environnement et des émissions de GES, il existe diverses autres pressions sur l’environnement et sur la santé humaine imputables au cycle de vie des plastiques. La section ci-après présente les résultats d’une analyse du cycle de vie (ACV) menée par le groupe de recherche Sustainable Systems Engineering de l’université de Gand4 (voir la méthodologie à l’annexe A). L’ACV est une méthodologie reconnue qui permet d’évaluer les répercussions environnementales associées aux différentes étapes du cycle de vie d’un produit (Eunomia, 2020[8]). Elle comprend un inventaire approfondi de l’énergie et des matériaux nécessaires tout au long de la chaîne de valeur du produit, processus ou service, et permet d’en calculer les répercussions sur l’environnement.
L’analyse prend en considération la production mondiale de l’extraction de la matière premières à la sortie de l’usine et à la fin de vie pour sept polymères fréquemment utilisés : le polypropylène (PP), le polyéthylène haute densité (PEHD), le polyéthylène basse densité (PEBD), le polychlorure de vinyle (PVC), le polystyrène (PS), le polyéthylène téréphtalate (PET) et le polyuréthane (PUR), qui représentent ensemble 65 % du total des plastiques utilisés. Elle exclut les effets sur l’environnement liés à la fabrication ou à l’utilisation de produits dérivés de ces polymères. Elle ne tient pas compte non plus d’une quelconque évolution technologique à venir qui porterait sur la production de ces polymères. L’ACV prend en compte de nombreuses répercussions environnementales, notamment l’utilisation des terres, la formation d’ozone, l’eutrophisation, l’écotoxicité, la toxicité et l’acidification (voir leur description à l’annexe A).
Les incidences environnementales liées au cycle de vie des plastiques étant très diverses, toutes ne peuvent pas être calculées à partir des bases de données habituellement utilisées dans une ACV. Dans la base de données utilisée (Ecoinvent 3.6), seuls le PEHD (à partir des donnés du polyéthylène) et le PET disposent d’une information suffisante concernant le recyclage et couvrant les différentes catégories de répercussions environnementales. Par conséquent, le Graphique 6.6 présente les incidences environnementales de ces polymères aux deux étapes suivantes du cycle de vie :
Production : le polymère peut être produit à partir de matière première ou secondaire.
Fin de vie : le polymère peut faire l’objet d’un recyclage mécanique, d’une incinération sans valorisation énergétique, d’une mise en décharge contrôlée ou non contrôlée, ou être brûlé à ciel ouvert.
Le cycle de vie le plus circulaire, dans lequel les plastiques secondaires sont recyclés en fin de vie, obtient les meilleurs scores dans presque toutes les catégories d’incidence environnementale, pour les deux polymères (Graphique 6.6). Néanmoins, ce cycle de vie circulaire a toujours de fortes répercussions sur l’utilisation des terres et sur l’eutrophisation des eaux douces et des mers. Ces répercussions proviennent principalement de l’énergie utilisée pour préparer, traiter et transporter les plastiques dans le circuit (voir aussi les émissions de GES imputables au cycle de vie des plastiques dans le cas du recyclage, présentées à dans la section 6.1.1). L’eutrophisation est due à des émissions comme celles des oxydes d’azote (NOx) produits lors de la combustion d’énergie, des améliorations dans la production d’énergies propres et dans l’efficacité énergétique pourraient donc réduire davantage l’incidence environnementale des plastiques ayant un cycle de vie circulaire. L’incidence sur l’utilisation des terres est portée par les volumes relativement élevés de biomasse qui entrent dans la composition du mix énergétique des pays présentant les plus hauts taux de recyclage. Comme mentionné dans la section 6.1.1, la recherche visant à limiter l’affectation des terres à la biocarburants et autres matières biosourcés pourrait améliorer considérablement l’empreinte environnementale de ces plastiques circulaires.
Dans la transition vers une économie circulaire, la plupart des plastiques sont encore produits à partir de plastiques primaires et le recyclage augmente en parallèle de manière continue. Malheureusement, pour la plupart des catégories de répercussions, les plastiques primaires recyclés obtiennent des scores inférieurs à ceux des plastiques secondaires recyclés et même inférieurs à ceux des plastiques primaires enfouis ou incinérés. De fait, l’énergie nécessaire pour collecter, trier et pré-traiter les plastiques en fin de vie est prise en compte, mais l’avantage d’utiliser des plastiques secondaires ne l’est pas. Ceci souligne l’importance de mettre en place un recyclage de haute qualité et de fermer la boucle des matériaux utilisés.
Les plastiques primaires enfouis obtiennent un meilleur score que les plastiques incinérés pour la plupart des catégories de répercussions, sauf pour l’utilisation des terres et l’eutrophisation des mers. En toute logique, l’incidence sur l’utilisation des terres est due aux terrains nécessaires au fonctionnement des décharges. L’eutrophisation est plus importante avec la mise en décharge qu’avec l’incinération, car la base de données Ecoinvent ne comprend pas d’émissions directement eutrophisantes pour les écosystèmes marins provenant de plastiques incinérés ou brûlés. On notera également que l’énergie extraite par incinération dans les usines de valorisation énergétique et les avantages environnementaux qui en découlent ne sont pris en compte que via leur participation au mix énergétique total, ils ne sont pas affectés à la catégorie « incinération ». Par conséquent, les résultats de l’incinération ne sont représentatifs que de l’incinération sans récupération d’énergie.
Sans surprise, les plastiques mis en décharge non contrôlée et brûlés présentent des effets environnementaux plus néfastes que les méthodes abouties de gestion des déchets, la mise en décharge contrôlée et l’incinération. Cependant, ils obtiennent un score légèrement meilleur que les décharges contrôlées et l’incinération dans les catégories environnementales pour lesquelles les avantages d’une infrastructure adaptée sont faibles en raison de la demande énergétique nécessaire pour gérer correctement les déchets. Par exemple, l’utilisation des terres est semblable dans les décharges contrôlées et sauvages, mais l’énergie nécessaire pour construire et exploiter une décharge contrôlée génèrera de légers impacts supplémentaires sur l’utilisation des terres ailleurs dans la chaîne d’approvisionnement. Étant donné la rareté des données d’ACV concernant les voies et répercussions des rejets de plastiques (Boulay, Verones et Vázquez-Rowe, 2021[9]), le rejets dans l’environnement dus à une collecte des déchets inadaptée ou informelle ne sont pas pris en considération. Cependant, le chapitre 5 démontre que la mise en décharges sauvages et, de manière générale, la mauvaise gestion des déchets, sont les principales sources de rejets de plastiques dans l’environnement.
Les projections pour sept polymères qui représentent 65 % de tous les plastiques utilisés (Graphique 6.7 et Graphique 6.8) montrent quels peuvent être les répercussions néfastes des plastiques sur une vaste palette de domaines liés à la santé et à l’environnement. Elle soulignent également que ces répercussions vont s’alourdir sensiblement entre 2019 et 2060. Cette tendance est due à la hausse de l’utilisation des plastiques, étant donné que l’utilisation totale des sept polymères va presque tripler (soit une croissance d’environ 170 %) d’ici 2060 (chapitre 3). Le PEBD connaît la plus forte croissance (il triple), tandis que le PEHD et le PET connaissent la plus faible hausse (soit une croissance d’environ 150 % d’ici 2060). Conséquence logique de ces tendances, les répercussions environnementales de tous les polymères s’alourdissent et l’incidence du PEBD est plus forte que celle du PEHD et du PET. Ces tendances confirment que limiter l’usage des plastiques est un levier essentiel qui contribuera à relever les défis environnementaux posés par ces matériaux.
La gestion des déchets va devenir plus efficace d’ici 2060, même dans le scénario de Référence, le recyclage et les dispositifs d’élimination sûrs vont donc contribuer à réduire les volumes de déchets mal gérés. Les plastiques secondaires ayant une incidence globale moindre que leurs équivalents primaires (Graphique 6.6), l’accroissement du recyclage signifie que les répercussions environnementales vont augmenter moins vite que l’utilisation du plastique. Par exemple, d’ici 2060, l’incidence de la production de plastiques sur l’acidification des terres augmente de 5 % de moins que les volumes produits, en raison de la part de marché croissante des plastiques secondaires. De plus, la limitation de la combustion à ciel ouvert et des décharges sauvages et l’amélioration de la gestion des déchets réduisent les incidences comme l’écotoxicité, la formation d’ozone et la toxicité avec et sans effet cancérogène. Par exemple, l’incidence de la phase de fin de vie en matière d’écotoxicité en eaux douces augmente de 33 % de moins que la consommation de plastiques à l’horizon 2060 grâce à l’amélioration des pratiques de gestion des déchets. Ces résultats soulignent l’importance d’accélérer les investissements dans le recyclage et la gestion sûre des déchets.
Le PET et le PS ont des répercussions relativement faibles (Graphique 6.7). Cependant, ces deux polymères ne représentent chacun qu’environ 5 % des plastiques utilisés en 2060. Le PP (16 %), le PEBD (13 %), le PEHD (11 %) et le PVC (11 %) représentent une plus grosse part de la production (voir le chapitre 3) et ont donc une plus grande incidence environnementale globale. Le PP, le polymère le plus produit, génère par tonne moins d’incidences environnementales que la moyenne des polymères des autres catégories. À l’inverse, seuls 4 % de tous les plastiques sont en PUR mais, parmi les sept polymères, celui-ci contribue assez fortement à l’eutrophisation, à l’acidification et à la formation d’ozone. Cependant, il est difficile de comparer les répercussions environnementales de ces polymères ou d’en tirer des conclusions sur les effets potentiels d’un remplacement de certains polymères, car chacun est utilisé dans des applications différentes.
La production est un facteur clé expliquant les résultats de la plupart des catégories de répercussions (Graphique 6.6 et Graphique 6.8). Jusqu’en 2060, la production est responsable de plus de 85 % des incidences sur la formation d’ozone, l’acidification, la toxicité humaine sans effet cancérogène et la superficie de terres exploitées. Cependant, pour l’écotoxicité dans les eaux douces, l’étape de fin de vie contribue pour plus de 40 % aux répercussions du cycle de vie, à cause des déchets mal gérés et, dans une moindre mesure, de l’incinération. Ce sont en particulier les incidences plutôt élevées des déchets de PUR mal gérés et l’incinération du PET qui expliquent le haut niveau de répercussions de la fin de vie des plastiques en termes de toxicité dans les eaux douces. De la même manière, l’étape de la fin de vie représente un quart des incidences d’écotoxicité terrestre et un tiers de l’écotoxicité dans les mers. Cette étape contribue également pour 39 % à la toxicité humaine avec effet cancérogène, en raison de l’effet des déchets (notamment de PVC) mal gérés. Le PUR contribue aussi fortement à cette catégorie de répercussions, mais principalement à cause de sa production.
L’évolution globale des répercussions environnementales qui ressort de l’étude va de +132 % d’ici 2060 par rapport à 2019 – soit un indice de 2,32 en 2060 – à +171 % – soit un indice de 2,71 – en fonction de l’incidence observée (Graphique 6.8). L’augmentation globale la plus forte est observée pour les indicateurs liés à l’énergie nécessaire à l’accroissement du pourcentage recyclé d’ici à 2060, laquelle provoque également des émissions de GES (voir la section 6.1.1). Le recours aux bioénergies dans le mix énergétique signifie que la hausse de la consommation énergétique s’accompagne d’une incidence accrue sur la superficie de terres exploitées, tandis que la combustion d’énergies fossiles génère plus d’eutrophisation. Les indicateurs qui bénéficient le plus des pratiques plus circulaires des gestion des déchets, par exemple l’écotoxicité dans les eaux douces et dans les mers, sont ceux qui connaissent l’augmentation la plus faible. Au final, ces répercussions environnementales en forte hausse soulignent la nécessité de prendre des mesures adéquates.
Références
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[4] Civancik-Uslu, D. et al. (2021), « Moving from linear to circular household plastic packaging in Belgium: Prospective life cycle assessment of mechanical and thermochemical recycling », Resources, Conservation and Recycling, vol. 171, p. 105633, https://doi.org/10.1016/j.resconrec.2021.105633.
[7] Escobar, N. et W. Britz (2021), « Metrics on the sustainability of region-specific bioplastics production, considering global land use change effects », Resources, Conservation and Recycling, vol. 167, p. 105345, https://doi.org/10.1016/j.resconrec.2020.105345.
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[10] IPCC (1995), Climate Change 1995: A report of the Intergovernmental Panel on Climate Change - IPCC Second Assessment.
[1] OCDE (2023), Perspectives mondiales des plastiques : Déterminants économiques, répercussions environnementales et possibilités d’action, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/5c7bba57-fr.
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[5] Zimmermann, L. et al. (2020), « Are bioplastics and plant-based materials safer than conventional plastics? In vitro toxicity and chemical composition », Environment International, vol. 145, p. 106066, https://doi.org/10.1016/j.envint.2020.106066.
Notes
← 1. Le modèle ENV-Linkages s’appuie sur l’intensité énergétique et l’intensité de facteurs des différents secteurs économiques, combinées à l’intensité d’émissions de leurs procédés, pour estimer les émissions de GES imputables à l’économie. Cette approche générale est complétée par des informations relatives aux facteurs d’émissions au long du cycle de vie des plastiques. Les gaz à effet de serre sont ensuite agrégés à partir de ces calculs et sur la base du potentiel de réchauffement planétaire sur 100 ans qui figure dans le 2e Rapport d’évaluation du GIEC (IPCC, 1995[10]).
← 2. Les plastiques biosourcés sont fabriqués à partir de biomasse telle que le maïs, la canne à sucre, le blé ou les résidus d’autres procédés. Leur production génère moins de gaz à effet de serre que celle des plastiques d’origine fossile.
← 3. Ces résultats dépendent des hypothèses retenues pour la modélisation, notamment celles qui concerne la facilité avec laquelle les entreprises arrivent à remplacer les plastiques d’origine fossile par les plastiques biosourcés. Les changements d’utilisation des terres dépend des prix, ce qui peut influer sur les résultats relatifs à l’utilisation des terres et aux émissions de GES. Si la réaffectation des terres était très réactive à l’évolution des prix, les émissions de GES augmenteraient, car les terres agricoles s’étendraient aux dépens des zones naturelles. Un niveau accru de substitution des plastiques d’origine fossile par les plastiques biosourcés aurait pour conséquence une hausse supérieure de l’utilisation de ces derniers, ainsi qu’une augmentation de la surface agricole mondiale et des émissions de GES.
← 4. L’analyse utilise le logiciel Simapro v 9.1, la version 3.6 de la base de données Ecoinvent et des méthodes de détermination de seuil et d’évaluation de l’impact du cycle de vie : Recipe 2016 Midpoint (H) v 1.04 et Cumulative Energy Demand (CED) v 1.11.