Les activités culturelles sont considérées comme un axe essentiel des efforts de diversification du tourisme déployés récemment par les autorités tunisiennes. Les concessions patrimoniales sont au centre de ces efforts et représentent l'un des principaux moyens d'assurer une meilleure gestion de plus de 3 000 sites historiques et archéologiques à l'échelle nationale. Malgré l'existence d'un cadre relativement clair et favorable, le développement des concessions patrimoniales se heurte à plusieurs obstacles, dont les conflits d'intérêts institutionnels. Ce chapitre traite des restrictions à l'établissement de musées, de galeries et d'ateliers d'art privés. L'introduction de procédures de notification pour ces activités ne donne pas les résultats escomptés, car les réglementations comportent encore plusieurs barrières à l'entrée, telles que des exigences spécifiques en matière d'équipement, de qualifications professionnelles, de structures juridiques d'entreprise et de niveaux minimums de capital social.
Examens de l’OCDE pour l’évaluation de l’impact sur la concurrence : Tunisie 2023
7. Services culturels
Abstract
7.1. Introduction
Les secteurs et industries culturels et créatifs sont une source importante d'emplois et de revenus. Ils sont le moteur de l'innovation et des compétences créatives, au sein des secteurs culturels et au-delà (OCDE, 2022[1]). Le tourisme culturel, défini par l'Organisation mondiale du tourisme (OMT) comme le tourisme axé sur les attractions et les produits culturels, est l'un des segments de l'industrie touristique qui connaît la croissance la plus rapide, représentant environ 40 % de l'ensemble du tourisme mondial (UNESCO, 2021[2]). Il comprend notamment les sites patrimoniaux et religieux, l'artisanat, les arts du spectacle, la gastronomie, les festivals et les événements spéciaux. Les secteurs culturels et créatifs peuvent directement alimenter les activités du secteur touristique, telles que l'accueil, l'hébergement et les voyages, et peuvent être exploités pour promouvoir un tourisme plus durable (OCDE, 2022[3]).
La Tunisie possède une riche histoire culturelle et abrite huit sites inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO, dont les sites archéologiques de Carthage, Dougga et Kerkouane, l'amphithéâtre d'El Jem, la médina de Tunis, la médina de Sousse et la médina de Kairouan, ainsi que le parc national de l'Ichkeul, un site naturel inscrit au patrimoine mondial1. La Tunisie compte au total 35 musées publics : 23 musées historiques et archéologiques, 10 musées des arts et traditions populaires et 2 musées d’histoire contemporaine2. Le musée national du Bardo, le musée archéologique de Carthage et le musée archéologique de Sousse sont trois des musées les plus célèbres de Tunisie. Les droits d’entrée dans ces musées publics sont fixés par le ministère de la Culture3. Jusqu'à récemment, l'Agence de mise en valeur du patrimoine et de promotion culturelle (AMVPPC) avait le monopole de la gestion et de la surveillance des musées, des sites historiques et des sites archéologiques, et les concessions patrimoniales n'existaient pas.
Ce chapitre analyse les développements récents dans ce domaine et les questions liées à la création de musées, de galeries et d'ateliers d'art privés. D'autres types de services culturels, tels que la production et la commercialisation de biens historiques et archéologiques, sont analysés dans une feuille de calcul publiée en tant que document séparé sur la page web dédié, https://oe.cd/ca-tunisie.
7.2. Concessions patrimoniales
7.2.1. Contexte
L'Institut national du patrimoine (INP) publie une carte des sites archéologiques et des monuments historiques en Tunisie4. Le Code du patrimoine archéologique, historique et des arts traditionnels définit plusieurs types de sites du patrimoine culturel :
Les sites culturels sont définis comme étant artificiels, ou à la fois naturels et artificiels, et comprennent les sites archéologiques qui ont une valeur nationale ou internationale du point de vue de l'histoire, de l'esthétique, de l'art ou de la tradition5. Les sites culturels sont classés par arrêté conjoint du ministre chargé de la culture et du ministre chargé de l'urbanisme, après consultation de l’INP.6
Les monuments historiques sont définis comme des biens immobiliers, bâtis ou non bâtis, situés dans des lieux privés ou publics, dont la protection et la conservation présentent un intérêt national ou international du point de vue de l'histoire, de l'esthétique, de l'art ou de la tradition7. Les monuments historiques font l'objet d'un arrêté de protection pris par le ministre chargé du patrimoine, de sa propre initiative ou à l'initiative de toute personne y ayant intérêt et après consultation de l’INP.8
L'Institut national du patrimoine a recensé plus de 3 000 sites archéologiques et 1 300 monuments archéologiques à travers tout le pays (INP, 2023[4])
7.2.2. Description des barrières et objectifs de politique publique
En Tunisie, l'octroi des concessions est régi par la Loi n° 2008-23, qui s'applique à tous les secteurs dans lesquels aucune loi sectorielle spécifique ne régit les concessions. À la suite de l'adoption de la Loi n° 2019-47 relative à l'amélioration du climat d'investissement, qui a modifié la Loi n° 2008-23, l'AMVPPC a été habilitée à accorder des concessions pour les sites culturels et archéologiques9. Cependant, l'agence n'a pas fait usage de ce nouveau mandat, malgré l'intérêt croissant des investisseurs privés.
Il convient de noter que l'agence a de nombreuses fonctions réglementaires, telles que l'octroi de licences et d'autorisations, et qu'elle gère elle-même des sites, des musées et des monuments. L'article 3 de la Loi n° 1997-16 du 3 mars 1997, modifiant la Loi n° 1988-11 portant création d'une agence nationale pour le développement et l'exploitation du patrimoine archéologique et historique, stipule que l'agence est financée par les événements culturels qu'elle organise et les droits d'entrée dans les monuments, villes et musées, les revenus du patrimoine de l'agence ou des biens qui lui sont affectés, et les revenus des monuments, sites et musées archéologiques10.
Encadré 7.1. Le régime des concessions en Tunisie
Le régime général tunisien des concessions est défini par la Loi n° 2008-23 relative au régime des concessions, amendée par la Loi n° 2019-47.1 Selon l'article 2 de la loi, la concession est « un contrat par lequel une personne publique dénommée « concédant » délègue, pour une durée limitée, à une personne publique ou privée dénommée "concessionnaire", la gestion d'un service public ou l'utilisation et l'exploitation d'espaces ou d'outillages publics moyennant une rémunération qu'elle perçoit à son profit auprès des usagers dans les conditions fixées par un contrat. Le concessionnaire peut également être chargé de la construction, de la modification ou de l'extension des constructions, ouvrages et installations, ainsi que de l'acquisition des biens nécessaires à l'accomplissement de l'objet du contrat. Le contrat peut autoriser le concessionnaire à occuper des parties de la zone appartenant au concédant pour construire, modifier ou étendre les constructions, ouvrages et installations susmentionnés ».
1. Telle qu'amendée par la loi n° 2019-47 portant sur l'amélioration du climat des investissements et la Loi n° 2021-9 relative à l'approbation du Décret-loi n° 2020-24, ainsi que les textes réglementaires pris pour son application, notamment le Décret n° 2020-316 fixant les conditions et procédures d'octroi des concessions et leur suivi. La Loi n° 2008 23 est considérée comme le cadre juridique fondamental régissant les concessions en Tunisie. Les dispositions de la loi sont applicables à toutes les concessions accordées, sans préjudice des textes et dispositions sectorielles spécifiques régissant les concessions (article 43)
Source : Loi n° 2008-23
Les autorités tunisiennes ont informé l'OCDE que les concessions patrimoniales constituent une priorité absolue pour le pays. Plusieurs partenaires internationaux, dont l'UE et l'Agence française de développement (AFD) et Expertise France, apportent un soutien financier et technique pour libérer ce potentiel inexploité. L'OCDE comprend que l'implication de l'AMVPPC dans le processus d'octroi des concessions patrimoniales est importante puisqu'elle vise à assurer la cohérence de la stratégie nationale pour la restauration de l'intégrité architecturale, la sauvegarde de l'authenticité du patrimoine et la conversion à de nouvelles fonctionnalités, permettant l'exploitation des monuments à des fins culturelles et touristiques.
7.2.3. Atteinte à la concurrence
L'implication de l'AMVPPC dans le processus de concession crée un conflit d'intérêt. L'agence a actuellement le monopole de la gestion des sites historiques et archéologiques, et ces opérations sont la principale source de son budget. L'octroi de concessions sur certains de ces sites pourrait réduire les revenus de l'agence, puisqu'elle ne bénéficierait pas directement des droits de concession. En outre, dans la mesure où les sites exploités dans le cadre de concessions sont en concurrence avec ceux qui sont gérés directement par l'agence, cette dernière pourrait également être confrontée à une réduction supplémentaire de ses recettes si les touristes se tournaient vers des sites concurrents. Cela pourrait avoir des conséquences anticoncurrentielles en raison de la discrimination à l'encontre des nouveaux arrivants et entraîner une réduction de l'entrée sur le marché.
Malgré la réticence de l'AMVPPC à accorder des concessions patrimoniales, le premier contrat de concession a été signé en décembre 2021 pour la restauration du site d'El Karaka dans la municipalité de La Goulette et sa transformation en musée de la Céramique artisanale. D'autres contrats sont en cours de finalisation, notamment pour la restauration et l'exploitation du Casino de Hammam-Lif, datant du XIVe siècle. Ces contrats ont été rendus possibles grâce à des protocoles d'accord signés entre l'Instance générale de partenariat public privé (IGPPP), le ministère des Domaines de l'État et des Affaires foncières et l'Institut national du patrimoine. Les mémorandums ont également permis d'élaborer des contrats types pour aider à promouvoir les concessions patrimoniales, en particulier avec les municipalités locales.
Les parties prenantes ont indiqué à l'OCDE que la réticence de l'AMVPPC à accorder des concessions patrimoniales jusqu'à présent et son manque d'engagement dans les opérations récentes sont des indicateurs clairs du conflit d'intérêts. Le statu quo risque d'entraver le développement de ce secteur à long terme et pourrait poser un sérieux problème pour attirer les investissements privés nécessaires à la promotion de nombreux sites historiques qui sont actuellement pratiquement négligés. Les différentes parties prenantes ont confirmé que l'AMVPPC ne dispose pas des ressources humaines et financières nécessaires pour assurer une bonne gestion des plus de 4 000 sites historiques et archéologiques de la Tunisie.
7.2.4. Recommandations
Si la promotion des concessions patrimoniales reste une priorité politique en Tunisie, l'OCDE recommande les changements réglementaires suivants afin de minimiser les atteintes à la concurrence et à la productivité :
Revoir le modèle de gestion de l'AMVPPC de manière à éviter tout conflit d’intérêt dans l’attribution de concessions patrimoniales et clarifier son rôle dans les procédures s’y référant. Cela impliquera de séparer les pouvoirs réglementaires de l'AMVPPC de son rôle d'acteur du marché.
Consolider le cadre actuel des concessions patrimoniales, qui est basé sur le régime général des concessions, et veiller à ce qu'il soit plus ouvert à l'initiative privée, plus souple et plus propice à la concurrence :
Adopter des lignes directrices permettant aux concédants, y compris les autorités locales, de bien gérer les procédures de mise en concession et de concevoir des offres qui tiennent compte des spécificités des sites à concéder ;
Consolider l'expérience des contrats types pour aider les concédants à mieux gérer les concessions.
Encadré 7.2. Réhabilitation du patrimoine culturel national à des fins touristiques au Portugal
Les sites du patrimoine national sont un élément important de l’identité historique, culturelle et sociale du Portugal ; ils apportent une contribution riche et distinctive à l’attractivité de ses régions et à l’expérience des touristes. Le programme REVIVE vise à rationaliser la réhabilitation de sites vacants à des fins touristiques, afin de stimuler le développement régional et de prolonger la saison touristique. En vertu du programme, le secteur privé peut investir dans des biens de l’État par le biais de concessions de développement et d’exploitation dans les régions à faible densité et les régions côtières. Le programme est géré par une équipe technique composée de représentants de la Direction du patrimoine culturel (ministère de la Culture), du Département du Trésor et des finances (ministère des Finances), de la Direction des ressources de défense nationale (ministère de la Défense) et du Conseil portugais du tourisme (ministère de l’Économie), et bénéficie de l’étroite participation de communes locales. Des mesures sont en place pour veiller à ce que les plans proposés pour chaque site soient appropriés à la fois pour le site et pour les besoins de développement de chaque région. Les contrats de concession sont attribués selon une procédure d’appel d’offres internationale pour garantir transparence, concurrence et promotion. Les aménagements liés au tourisme, c’est-à-dire les hôtels, restaurants, activités culturelles et autres formes de divertissement peuvent stimuler de nouveaux investissements du secteur privé pour préserver le tissu du site patrimonial et l’ouvrir à de nouveaux publics. À la date de rédaction, onze sites au total ont reçu des permis d’exploration pour des hôtels de 4 à 5 étoiles, la durée de concession étant de 50 ans. L’Office du tourisme portugais cherche activement à attirer des investisseurs par le biais de son site officiel, de services externes du ministère des Affaires étrangères dans les marchés internationaux stratégiques, et de sa présence aux salons internationaux.
Source : OCDE (2020[5]), Tendances et politiques du tourisme de l'OCDE 2020, https://doi.org/10.1787/fa567e9c-fr
7.3. Types spécifiques d'entreprises de tourisme culturel
7.3.1. Contexte
En Tunisie, il existe des cahiers des charges pour des types spécifiques d'entreprises de tourisme culturel. L'analyse qui suit concerne les galeries privées, les entreprises produisant et commercialisant des biens historiques et archéologiques, les musées privés et les ateliers d'art et d’artisanat.
7.3.2. Description des obstacles et des objectifs de politique publique
Musées privés
Toute personne souhaitant créer un musée privé doit se conformer au cahier des charges applicable à cette activité, annexé à l’Arrêté du ministre de la Culture du 2 janvier 2001. Ce cahier des charges s’applique à tous les types de musées privés, y compris les musées des arts et traditions populaires ou les musées historiques. Il doit être signé par la personne physique ou morale qui souhaite exploiter le musée et présenté au ministère de la Culture.
Rôle de l’INP. L’investisseur est tenu de consulter l’INP afin d’obtenir ses conseils et son soutien sur les aspects techniques et scientifiques du projet, pendant toute la phase d’études et tout au long de la construction. L’OCDE comprend que l’investisseur doit soumettre plusieurs documents, y compris :
Un dossier précisant l’objectif scientifique du projet, son contenu, son concept, sa politique en matière de collections et ses sources ;
Une liste détaillée des collections et des documents exposés dans les salles du musée, avec indication de leur provenance, de leur état, de leur propriété, de leur histoire, de leur valeur esthétique et documentaire et de leurs photos ;
Une étude des activités devant être organisées dans le musée, et une présentation artistique consacrée au mode de présentation ; et
Des exemples techniques des espaces qui abriteront le musée, en définissant les lieux sur le plan géographique et historique, en mettant en lumière leur valeur s’il s’agit d’un monument historique, et en fournissant autant d’informations que possible à propos des dimensions, des salles, de l’état, de l’entretien, de l’emplacement et du statut de l’immeuble.
L’article 15 du cahier des charges explique que les collections du musée et toutes les informations diffusées doivent être approuvées par l’Institut national du patrimoine. La manière dont ces collections sont présentées (y compris les textes et les cartels qui les accompagnent) doit être approuvée par l’Institut national du patrimoine et doit : garantir l’esthétique et l’authenticité de la collection, fournir un éclairage adéquat pour chaque type d’exposition et garantir le contrôle de l’humidité dans les halls d’exposition.
L’article 16 indique que l’autorisation de l’Institut national du patrimoine doit être obtenue avant d’apporter une modification quelconque aux collections exposées du musée ou à leur présentation. Le propriétaire du musée est tenu d’informer l’Institut national du patrimoine et la délégation régionale pour la culture du territoire où le musée est situé de tout changement apporté à ses activités.
L'OCDE comprend que l'objectif de ces consultations obligatoires est de s'assurer que toutes les activités des musées privés soient approuvées par les autorités compétentes avant d'être entreprises, afin de garantir la qualité et d'éviter les pertes pour les investisseurs.
Exigences opérationnelles. Les directeurs de musée doivent travailler à temps plein. Le cahier de charge contient également plusieurs exigences minimales en matière d'équipement, notamment en ce qui concerne l'espace réservé aux collections, les couloirs principaux, l'accès des personnes handicapées, la ventilation et l'éclairage. Les musées doivent également comporter un bureau pour le directeur, un espace pour la rédaction et le stockage de documents, une boutique, un local pour le stockage des pièces détachées et un local pour l'observation et la protection des objets exposés et des fonds. Le cahier de charge stipule les services publics qui doivent être fournis, tels que l'eau et l'électricité, et impose la mise en place d'espaces sanitaires.
Galeries privées, ateliers d'art et d'artisanat
Toute personne souhaitant créer une galerie privée d'exposition et de vente d'œuvres d'art doit se conformer au cahier de charge correspondant, tel qu'il figure dans l'arrêté du ministre de la Culture du 10 juillet 2001. Ce cahier de charges couvre les activités des galeries d'art qui exposent et vendent des œuvres d'art, y compris des photographies, des sculptures, des peintures et des tapis, et doit être signé par le propriétaire de l'entreprise et présenté au ministère de la Culture.
Un cahier de charges différent s'applique à la création d'ateliers d'art et d'artisanat privés à des fins récréatives et touristiques. Il doit être signé par le propriétaire de l'atelier et présenté au ministère de la Culture. Dans ces établissements, les participants peuvent prendre part à des activités telles que le dessin, la sculpture, la peinture et la peinture sur verre.
Exigences de capital minimum. Le cahier des charges impose aux opérateurs d’avoir un capital minimum de 5 000 TND.
Exigences en matière de qualifications. Les dirigeants d'entreprises doivent pouvoir justifier d'une formation dans le domaine d'activité de l'entreprise. L'OCDE comprend que le dirigeant doit justifier d'un diplôme ou d'une expérience professionnelle. Dans le cas des ateliers d'art et d'artisanat, le gérant doit présenter une attestation certifiante qu'il est médicalement apte à travailler dans ce domaine.
Exigences opérationnelles. Les galeries et ateliers doivent préparer et communiquer leur programme un an à l'avance. Leurs responsables ne doivent pas exercer une autre activité professionnelle.
Clause d'antériorité. Une exemption de certaines dispositions du cahier de charge, telles que les exigences en matière de capital et de profession, est prévue pour les titulaires qui ont exercé leur activité avec succès pendant au moins cinq ans avant l'entrée en vigueur de la législation.
Production et commercialisation de biens historiques et archéologiques
Toute personne qui souhaite créer et commercialiser des biens historiques et archéologiques doit obtenir une autorisation du Directeur général de l’Institut national du patrimoine. Elle doit présenter certains documents à l’appui de sa demande, y compris un plan des locaux où les produits seront stockés, la preuve qu’elle dispose du capital minimum exigé (3 000 TND), la preuve qu’elle est propriétaire ou locataire des locaux et un inventaire détaillé et complet des biens qui seront commercialisés, prouvant leurs origines et la légalité de leur possession. Cet inventaire doit être approuvé par l’Institut national du patrimoine avant de présenter les objets mentionnés à la vente. Le dirigeant de l’entreprise doit également fournir la preuve du diplôme le plus élevé détenu dans le domaine de spécialisation de l’entreprise. L’Institut national du patrimoine dispose de 30 jours après la réception du dossier complet pour étudier la demande, visiter les locaux où les biens seront stockés et délivrer l’autorisation11.
Les barrières à la concurrence ici identifiées (exigences de capital minimum et de qualification professionnelle du dirigeant de l’entreprise) sont analysées dans le cas des galeries privées et musées.
L'OCDE comprend que les exigences en matière de capital minimum pour diverses activités culturelles privées servent de garanties pour les tiers qui interagissent avec les musées privés, les galeries privées ou les ateliers d'art et d'artisanat et devraient assurer qu'ils reposent sur une base financière solide.
L'exigence d'une preuve de formation est en place probablement pour assurer la qualité du service, pour promouvoir la viabilité financière des entreprises et pour éviter l'entrée sur le marché de gestionnaires non qualifiés. Cette disposition favorise également l'emploi de diplômés possédant des qualifications spécifiques. L'OCDE comprend que l'interdiction faite aux dirigeants d'exercer une autre activité professionnelle vise à éviter les conflits d'intérêts et à améliorer la qualité du service.
L'exigence d'un préavis d'un an pour les programmes d'activités et d'expositions vise probablement à garantir que les autorités soient au courant des activités des musées et galeries privés, et que ces plans soient clairs et commercialisés auprès des consommateurs afin d'encourager le tourisme.
L'objectif de politique publique consistant à exempter les opérateurs historiques de certaines exigences n'est cependant pas clair.
7.3.3. Atteinte à la concurrence
L'obligation d'obtenir l'approbation de l'INP pour les musées privés avant de pouvoir commencer les opérations peut constituer une barrière à l'entrée, en particulier si l'approbation est retardée ou si elle est basée sur des conditions peu claires.
Exigences en matière de qualification. Les exigences professionnelles et académiques peuvent dépasser ce qui est nécessaire pour fournir les services en question à un niveau de qualité acceptable et peuvent augmenter les coûts pour les opérateurs qui cherchent à s'établir et à opérer sur le marché. L'existence de ces coûts d'entrée et de ces coûts fixes peut se traduire par des coûts finaux plus élevés et une moindre diversité des services. Cette exigence peut décourager l'entrée sur le marché et réduire la pression concurrentielle sur les opérateurs historiques, leur permettant de pratiquer des prix plus élevés. En outre, la loi ne fournit aucun exemple ni aucune orientation sur ce qui est considéré comme une "preuve de formation", ce qui crée une incertitude juridique et permet potentiellement l'utilisation arbitraire de ce critère.
Dans le cas des galeries privées, ces exigences peuvent être disproportionnées, car les gérants de galeries privées n'ont pas nécessairement besoin d'expertise ou de connaissances techniques pour exercer leurs fonctions. En France, bien que la gestion des galeries soit une activité réglementée, il ne semble pas y avoir d'exigences obligatoires en matière de formation pour les gérants ou les propriétaires de galeries d'art privées.12 L'enregistrement des biens d'occasion est toutefois obligatoire. Au Royaume-Uni, il n'existe pas de réglementation spécifique pour la création d'une galerie d'art, mais en Écosse, la vente de biens d'occasion nécessite une licence ou un enregistrement, et certaines autorités locales britanniques peuvent également l'exiger.13
Exigences opérationnelles. L'obligation d'annoncer les programmes à l'avance limite la flexibilité et peut imposer une charge considérable aux galeries et ateliers nouveaux ou de petite taille, car il peut leur être difficile de planifier si longtemps à l'avance. Si les galeries et les ateliers ne sont pas en mesure de s'adapter, cela pourrait limiter l'innovation.
L'exigence d'un certificat médical est probablement une charge administrative, et l'exigence que les gestionnaires n'aient pas d'autre activité professionnelle peut augmenter les coûts pour les acteurs du marché, réduire les possibilités de modèles d'entreprise alternatifs et diminuer la qualité des candidats.
En augmentant les coûts d'installation, les dispositions relatives aux exigences en matière d'équipement pour les musées privés peuvent réduire le nombre d'opérateurs potentiels sur le marché. En outre, les opérateurs en place pourraient pratiquer des prix plus élevés en raison de l'augmentation des coûts. Ces exigences matérielles peuvent également imposer des charges administratives aux acteurs du marché, entraînant une augmentation des prix. Les exigences menacent également de réduire la production, car elles empêchent essentiellement les changements à court terme. Elles ne permettent pas aux musées et aux galeries de répondre aux concurrents ou à la demande des consommateurs à court terme.
Clause d’antériorité. La législation traite les acteurs existants du marché différemment des nouveaux arrivants. La concurrence est restreinte en ce sens que les nouveaux opérateurs sont désavantagés car ils doivent satisfaire à des exigences en matière de capital et de formation, par exemple, que les opérateurs en place n'ont pas à remplir.
7.3.4. Recommandations
Compte tenu des atteintes à la concurrence décrites ci-dessus, l'OCDE recommande de :
Veiller à ce que toute exigence de consultation ou d'approbation de l'INP soit soumise à des règles et des lignes directrices claires afin de minimiser les retards et d'améliorer la sécurité juridique ;
Supprimer les exigences en matière de formation pour les directeurs d'établissements culturels et l'obligation pour les directeurs d'ateliers de fournir des certificats médicaux. Il pourrait être envisager de mettre en place des exigences d'enregistrement ou de licence pour les ventes de biens d'occasion.
Supprimer l'obligation pour les directeurs de travailler à temps plein et/ou l'interdiction d'exercer un autre emploi. Cela permettrait des modalités de travail et une utilisation des ressources plus flexibles.
Supprimer l'obligation de désigner des espaces minimums dans les établissements culturels.
Supprimer l'obligation d'annoncer les programmes des galeries et des ateliers un an à l'avance.
Garantir la neutralité concurrentielle entre les opérateurs historiques et les nouveaux entrants en soumettant les uns et les autres aux mêmes exigences. L'OCDE recommande soit de :
Soumettre tous les acteurs du marché, y compris les entreprises en place, au cahier des charges ; soit de
Supprimer l’obligation pour les nouveaux entrants de satisfaire aux exigences du cahier des charges que les entreprises en place ne sont pas tenues de respecter.
Références
[4] INP (2023), Base de données de la carte archéologique, https://www.inp2020.tn/projets/carte-archeologique/ (consulté le 20 March 2023).
[3] OCDE (2022), Maximising synergies between tourism and cultural and creative sectors – Discussion Paper for the G20 Tourism Working Group, OECD Publishing, https://t4.oecd.org/cfe/leed/OECD-G20-TWG-Discussion-Paper-Tourism-Cultural-Creative-Sectors.pdf.
[1] OCDE (2022), The Culture Fix: Creative People, places and INdustries, Local Economic and Employment Development (LEED), OECD Publishing.
[5] OCDE (2020), Tendances et politiques du tourisme de l’OCDE 2020, OECD Publishing, https://doi.org/10.1787/fa567e9c-fr.
[2] UNESCO (2021), Cutting Edge | Bringing cultural tourism back in the game, https://www.unesco.org/en/articles/cutting-edge-bringing-cultural-tourism-back-game (consulté le 5 janvier 2023).
Notes
← 1. La Tunisie est devenue membre de l’UNESCO en 1956 et a ratifié sept conventions internationales, y compris la Convention de 1970, la Convention concernant la protection du patrimoine mondial de 1972, la Convention de La Haye de 1954, la Convention de La Haye (1er protocole), la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de 2003, la Convention de 2005 sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles et la Convention de 2001 sur la protection du patrimoine culturel subaquatique. Voir, UNESCO, https://en.unesco.org/countries/tunisia
← 3. Voir, Arrêté du ministère de la Culture du 13 mars 2019.
← 5. Code du Patrimoine Archéologique, Historique et des Arts Traditionnels, Article 2.
← 6. Les ministères publient un plan de protection et d’amélioration des sites culturels dans les cinq ans suivant le classement du site en tant que site culturel. Conformément à l’article 8 du Code du patrimoine, l’élaboration du plan de protection et de mise en valeur d’un site culturel obéit aux mêmes procédures que celles régissant l’élaboration d’un plan d’aménagement urbain. Il est approuvé après avis de la commission nationale du patrimoine par décret pris sur proposition du ministre chargé du patrimoine et du ministre de l’Urbanisme.
← 7. Code du patrimoine archéologique, historique et des arts traditionnels, article 4
← 8. Conformément à l’article 27, l’arrêté de protection est notifié aux propriétaires par le ministre chargé du patrimoine. Il est publié au Journal officiel de la République Tunisienne et affiché au siège de la Municipalité du lieu ou, à défaut, au siège du Gouvernorat. Le ministre chargé du patrimoine procédera à l’apposition d’une plaque indiquant que l’immeuble est un monument historique protégé. Au cas où l’immeuble est immatriculé, l’arrêté de protection sera inscrit sur le titre foncier, à la demande des services compétents du ministère chargé du patrimoine. Dans le cas contraire, le ministère chargé du patrimoine agira aux lieux et places des propriétaires pour en demander l’immatriculation.
← 9. Selon l'article 24, l'État, une collectivité locale, un organisme public ou une entreprise publique sont autorisés à octroyer des concessions.
← 10. Autres sources de financement comprennent les revenus de la publicité et du parrainage, les impôts, droits et taxes, créés au profit de l'agence, les subventions de l'État et les contributions et dons publics et privés.
← 11. Décret gouvernemental n° 2018-417 du 11 mai 2018, relatif à la publication de la liste exclusive des activités économiques soumises à autorisation, et de la liste des autorisations administratives pour la réalisation de projets, les dispositions y afférentes et leur simplification.
← 13. Voir, https://www.lawdonut.co.uk/business/sector-specific-law/art-gallery-legal-issues?_gl=1*89nh8l*_ga*NDcyMTQzMTQ2LjE2NjI1NTc4OTA.*_ga_9222P8LECX*MTY2MjU1Nzg5MC4xLjAuMTY2MjU1Nzg5MC42MC4wLjA.*_ga_H25S6RG6XF*MTY2MjU1Nzg5MC4xLjAuMTY2MjU1Nzg5MC42MC4wLjA.#_ga=2.74738004.738779815.1662557891-472143146.1662557890