L’économie mondiale reste en proie aux difficultés liées à une inflation persistante et à des perspectives de croissance en demi-teinte. En 2023, jusqu’à présent, la croissance du PIB a été plus forte que prévu, mais est désormais en train de se modérer à mesure que les effets du resserrement des conditions financières, de la croissance atone des échanges et de la faiblesse de la confiance des entreprises et des consommateurs se font de plus en plus sentir. Les conditions financières sont restrictives, en raison des nouvelles hausses généralisées des taux d’intérêt réels anticipés observées ces derniers mois. L’activité a ralenti dans les secteurs sensibles à l’évolution des taux d’intérêt, en particulier les marchés du logement, et dans les économies dépendant des financements bancaires, en particulier en Europe. L’exacerbation des tensions géopolitiques amplifie également l’incertitude quant aux perspectives à court terme. L’inflation globale a reculé dans presque toutes les économies, atténuant les tensions sur les revenus des ménages, mais l’inflation sous-jacente demeure relativement forte.
La croissance du PIB mondial devrait s’infléchir pour s’établir à 2.7 % en 2024 contre 2.9 % cette année, avant d’augmenter légèrement pour atteindre 3 % en 2025 à mesure que la progression des revenus réels reprendra et que les autorités monétaires commenceront à abaisser les taux d’intérêt directeurs (tableau 1.1). Les disparités grandissantes entre les économies devraient persister à court terme. Ainsi, la croissance résistera généralement mieux dans les économies de marché émergentes que dans les économies avancées. En Europe, la croissance restera relativement atone par rapport à celle de l’Amérique du Nord et des grandes économies asiatiques. Dans les économies du G20, l’inflation annuelle mesurée par les prix à la consommation devrait poursuivre son mouvement de repli à la faveur de l’allègement des tensions sur les coûts, passant de 6.2 % en 2023 à 5.8 % en 2024 puis 3.8 % en 2025. En 2025, l’inflation devrait revenir à l’objectif dans la plupart des grandes économies.
Les risques de divergence par rapport aux projections à court terme sont orientés à la baisse. L’exacerbation des tensions géopolitiques due au conflit consécutif aux attentats terroristes commis par le Hamas contre Israël constitue un motif essentiel de préoccupation à court terme, notamment s’il venait à s’étendre. Il pourrait s’ensuivre des perturbations majeures des marchés de l’énergie et des grandes routes commerciales, et une nouvelle réévaluation des risques sur les marchés de capitaux, qui ralentiraient la croissance et accroîtraient l’inflation. Les difficultés dues au durcissement des restrictions commerciales, aux politiques de repli sur soi et à la restructuration des chaînes de valeur mondiales contribuent en outre aux perspectives incertaines des échanges mondiaux, ce qui est un motif de préoccupation majeur compte tenu de l’importance des échanges pour la productivité et le développement. La persistance des tensions sur les coûts, de nouvelles hausses des prix de l’énergie et des produits alimentaires, ou des signes de dérive à la hausse des anticipations d’inflation pourraient contraindre les banques centrales à maintenir les taux directeurs à des niveaux élevés plus longtemps que prévu, ce qui pourrait créer un surcroît de tensions sur les marchés financiers. Inversement, l’effet des relèvements de taux d’intérêt et du durcissement des critères d’octroi de crédit pourrait s’avérer plus important qu’anticipé, entraînant un ralentissement plus marqué des dépenses, une hausse du chômage et une multiplication des faillites. Un resserrement plus vigoureux que prévu des conditions financières à l’échelle mondiale intensifierait en outre les vulnérabilités financières, notamment dans les économies de marché émergentes et en développement, et accentuerait les tensions sur le service de la dette dans les économies à faible revenu. S’agissant des risques à la hausse, l’économie mondiale et les marchés de capitaux ont jusqu’à présent relativement bien résisté au resserrement généralisé des politiques monétaires et l’inflation pourrait revenir à l’objectif sans ralentissement marqué de la croissance ni forte hausse du chômage. Si cette tendance se poursuit, la croissance pourrait être plus forte que prévu en 2024, sur fond de recul de l’inflation. La croissance serait en outre encore plus vigoureuse si les ménages étaient disposés à puiser dans l’excès d’épargne accumulée pendant la pandémie, mais l’inflation persistante pourrait aussi perdurer.
Dans ce contexte, les principales priorités de l’action publique consistent à faire baisser durablement l’inflation, à réagir à la montée des tensions budgétaires et à améliorer les perspectives de croissance durable et inclusive à moyen terme.
Les politiques monétaires doivent rester restrictives jusqu’à ce que l’on observe des signes clairs de réduction durable des tensions inflationnistes sous-jacentes, notamment une diminution continue des anticipations d’inflation à court terme et un rééquilibrage de l’offre et de la demande sur les marchés du travail et de produits. Les taux directeurs semblent avoir atteint leur pic, ou s’en approcher, dans la plupart des économies avancées, même si de nouvelles hausses des taux pourraient encore être nécessaires si les tensions inflationnistes sous-jacentes s’avéraient persistantes. La nécessité de continuer à faire baisser l’inflation limitera la marge de réduction des taux directeurs pendant une bonne partie de l’année 2024, les taux nominaux reculant ensuite parallèlement à la baisse de l’inflation. Au Japon, un relèvement graduel des taux d’intérêt directeurs serait approprié en 2024-25, pour autant que l’inflation s’établisse durablement à 2 %, conformément aux projections. La réduction des taux directeurs a déjà commencé dans certaines économies de marché émergentes qui avaient engagé un resserrement monétaire à un stade relativement précoce et ont connu un recul marqué de l’inflation. Ces économies pourraient encore baisser les taux en 2024-25 même si le durcissement des conditions financières au niveau mondial et la nécessité d’ancrer les anticipations d’inflation ralentissent le rythme auquel ces réductions pourraient survenir.
Les gouvernements sont confrontés à une accentuation des tensions budgétaires provoquées par l’ampleur de la dette et les surcroîts de dépenses liés au vieillissement démographique, à la transition climatique et à la défense. Le coût du service de la dette augmente également à mesure que les titres d’emprunt à faible rendement arrivent à échéance et sont remplacés par de nouvelles émissions. L’inaction à cet égard risquerait d’alourdir nettement la dette future. Les précédentes réductions pérennes de la dette ont généralement été réalisées dans des pays ayant réussi à maintenir un excédent budgétaire primaire. Selon les plans actuellement prévus, seul un petit nombre de pays pourra sans doute y parvenir en 2024-25, ce qui porte à croire qu’il est aujourd’hui plus difficile que par le passé de réduire un niveau de dette élevé. Des efforts plus vigoureux doivent être déployés à court terme afin de créer des marges de manœuvre pour faire face aux tensions futures du côté des dépenses. Une mesure essentielle vise à assurer que les aides budgétaires, comme les dispositifs de soutien liés à l’énergie encore en vigueur, soient soit supprimées, soit mieux ciblées sur les populations qui en ont le plus besoin. Des cadres budgétaires à moyen terme crédibles, conjugués à des orientations claires en matière de dépenses et de fiscalité, permettant de faire face aux futures tensions budgétaires sans remettre en cause les investissements nécessaires pour soutenir la croissance à long terme et la transition climatique, sont également essentiels afin d’assurer la viabilité des finances publiques et d’offrir la latitude requise pour réagir aux chocs futurs.
Une coopération multilatérale renforcée est indispensable pour redynamiser les échanges mondiaux. Dans un monde interconnecté, l’ouverture et le bon fonctionnement des marchés internationaux, au sein d’un système commercial mondial fondé sur des règles, constituent une source importante de prospérité à long terme dans les économies avancées comme dans les économies de marché émergentes. L’un des principaux enjeux de l’action publique consiste à trouver un juste équilibre entre la nécessité d’améliorer la résilience des chaînes de valeur mondiales et celle de ne pas réduire les gains d’efficience qui en découlent ou de ne pas perdre de vue les gains de revenu que pourrait engendrer l’abaissement des obstacles aux échanges, en particulier dans les secteurs de services.
Compte tenu du déclin de la croissance économique sur le long terme et des problèmes urgents liés au vieillissement démographique, à la transition climatique et à la transformation numérique, il est impératif de mettre en œuvre des réformes structurelles ambitieuses de nature à relancer la croissance et à en améliorer la qualité. Comme le souligne l’édition 2023 d’Objectif croissance, de nouveaux efforts visant à réduire les contraintes sur les marchés de produits et du travail, à rehausser l’investissement et le taux d’activité, et à renforcer le développement des compétences permettraient d’améliorer les perspectives d’évolution de la productivité et de maximiser les gains de la transformation numérique. Il est également essentiel d’accélérer les progrès réalisés en matière de décarbonation. Accroître les investissements dans les infrastructures vertes et numériques et les aides à l’innovation, renforcer les normes pour permettre une réduction des émissions, et élargir la portée des mécanismes de tarification du carbone tout en relevant son prix sont autant de priorités essentielles de l’action publique.