César Barreto
Jonas Fluchtmann
Alexander Hijzen
Agnès Puymoyen
César Barreto
Jonas Fluchtmann
Alexander Hijzen
Agnès Puymoyen
La transition vers zéro émission nette ouvrira de nouveaux débouchés professionnels dans les secteurs à faibles émissions, mais elle augmentera également le risque de suppressions d’emplois dans les activités à forte intensité d’émissions. On peut aisément comprendre les craintes suscitées par les suppressions d’emploi au vu des pertes de revenu durables qu’elles entraînent. Par ailleurs, ces préoccupations risquent d’entamer le soutien de l’opinion publique à l’égard des politiques d’atténuation du changement climatique. C’est pourquoi il est essentiel d’élaborer des mesures efficaces d’accompagnement des travailleurs ayant perdu leur emploi, non seulement pour atténuer les conséquences des suppressions d’emploi, mais aussi pour veiller à ce que les inquiétudes liées aux pertes d’emploi ne conduisent pas à un rejet qui ralentirait les progrès vers la neutralité carbone. Pour éclairer l’élaboration de ces mesures, ce chapitre propose une analyse approfondie des conséquences des suppressions d’emplois dans les secteurs à forte intensité d’émissions de gaz à effet de serre (GES), en s’appuyant sur une série harmonisée de données croisées employeurs-salariés couvrant 14 pays de l’OCDE, et il examine en détail les mesures d’accompagnement des travailleurs privés de leur emploi à cause de la transition vers la neutralité carbone.
La transition vers la neutralité carbone aura de profondes répercussions sur les marchés du travail. Bien que nécessaire pour lutter contre le changement climatique, elle accroît le risque de suppression d’emplois dans les secteurs à forte intensité d’émissions de gaz à effet de serre (GES), avec potentiellement à la clé des pertes de revenu importantes et durables pour les travailleurs privés de leur emploi. Les inquiétudes quant aux pertes d’emploi, en particulier, risquent de compromettre l’adhésion du public aux politiques d’atténuation du changement climatique. Pour relever ces défis et aider les pouvoirs publics à élaborer des mesures plus efficaces pour accompagner les travailleurs victimes de suppressions d’emploi, ce chapitre propose une analyse empirique approfondie des coûts des suppressions d’emplois dans les secteurs à forte intensité d’émissions de GES, en s’appuyant sur une série harmonisée de données croisées employeurs-salariés couvrant 14 pays de l’OCDE (Allemagne, Australie, Autriche, Canada, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, France, Hongrie, Pays-Bas, Norvège, Portugal et Suède).
Les principales conclusions qui se dégagent de ce chapitre peuvent être résumées comme suit :
Les émissions de GES sont fortement concentrées dans certains secteurs, qui représentent une proportion relativement limitée de l’emploi total. Les secteurs à forte intensité d’émissions, notamment la production d’énergie, l’industrie lourde et les services de transport, produisaient environ 80 % des émissions de GES dans les pays de l’OCDE en 2019, mais ne représentaient que 7 % environ de l’emploi total. Entre 2019 et 2030, l’emploi dans ces secteurs devrait reculer de plus de 2 % par an en moyenne en raison des objectifs ambitieux de réduction des émissions (au nombre desquels le paquet législatif « Ajustement à l’objectif 55 » de l’UE), ce qui est largement supérieur à la contraction annuelle moyenne de l’emploi de 1 % environ constatée dans les secteurs à forte intensité d’émissions depuis 2000. La contraction rapide attendue de l’emploi dans ces secteurs témoigne d’une augmentation marquée du risque de suppressions d’emplois.
L’emploi dans les secteurs à forte intensité d’émissions est très différent de l’emploi dans les autres secteurs de l’économie, d’où les conséquences potentiellement plus graves des suppressions d’emplois. Par rapport aux autres, les travailleurs qui occupent actuellement un emploi dans les secteurs à forte intensité d’émissions sont majoritairement des hommes, relativement plus âgés et plus susceptibles de résider dans des zones rurales. Ils travaillent aussi généralement dans des entreprises offrant des rémunérations relativement élevées, mais ont un niveau d’études relativement faible par rapport aux travailleurs des secteurs à faibles émissions. La conjugaison de ces différents éléments (faible niveau d’études, salaires relativement élevés et localisation dans des zones rurales) pourrait avoir des implications importantes en termes de coûts des suppressions d’emplois et d’aptitude des travailleurs à retrouver rapidement du travail.
Les suppressions d’emplois sont beaucoup plus coûteuses dans les secteurs à forte intensité d’émissions que dans les autres branches d’activité. Bien souvent, la perte d’emploi change le cours de la vie, avec de profondes répercussions sur les revenus, principale thématique abordée dans ce chapitre, mais aussi sur la santé, le bien-être, voire l’espérance de vie. Les suppressions d’emplois dans les secteurs à fortes émissions sont coûteuses, bien plus que dans les secteurs à faible intensité d’émissions. Les travailleurs licenciés dans les secteurs à faibles émissions voient leurs revenus diminuer de 29 % en moyenne au cours des six premières années, contre une baisse de 36 % pour les travailleurs licenciés dans les secteurs à fortes émissions. Cette contraction est supérieure de 24 % à celle observée dans les secteurs à faible intensité d’émissions. Les travailleurs licenciés dans les secteurs à forte intensité d’émissions sont aussi plus susceptibles de changer de secteur, de profession ou de région que les travailleurs des autres secteurs. Il semble donc que les travailleurs licenciés dans les secteurs à forte intensité d’émissions se heurtent à des difficultés supplémentaires par rapport aux travailleurs qui perdent leur emploi dans d’autres secteurs, notamment un déclin de l’activité dans leurs secteurs, leurs professions et leurs régions. Cela pourrait également expliquer pourquoi la transition vers zéro émission nette est source d’inquiétude chez les travailleurs des secteurs concernés.
Les pertes de revenu plus importantes dans les secteurs à forte intensité d’émissions tiennent principalement aux différences dans leur composition en termes d’entreprises et de travailleurs. Les pertes de revenu sont plus importantes dans les secteurs à fortes émissions notamment parce que les travailleurs y sont généralement plus âgés, ont plus d’ancienneté, sont moins qualifiés, ont moins de compétences transférables et sont plus susceptibles d’occuper des emplois manuels répétitifs, autant d’éléments qui compliquent la recherche d’emploi après un licenciement, et en particulier qui diminuent les chances de retrouver un emploi stable et bien rémunéré. Les écarts de salaire lors du retour à l’emploi contribuent à hauteur de 30 % environ à la différence globale en matière de perte de revenu entre les secteurs à fortes émissions et les secteurs à faibles émissions. Pour l’essentiel, ces pertes de salaire sont liées aux entreprises (réorientation vers des entreprises aux politiques salariales moins généreuses) plutôt qu’aux travailleurs (perte de capital humain propre à l’entreprise). Les travailleurs licenciés dans les secteurs à fortes émissions subissent donc des pertes de revenu plus importantes d’une part parce que les entreprises de ces secteurs offrent des rémunérations relativement élevées compte tenu du niveau de compétences des travailleurs et d’autre part en raison de leurs caractéristiques spécifiques.
Le bon fonctionnement du marché du travail tend à réduire le coût des suppressions d’emplois, quel que soit le secteur. Les pertes de revenu au cours des six premières années qui suivent le licenciement dans les secteurs à forte intensité d’émissions comme dans les secteurs à faible intensité d’émissions sont plus importantes dans certains pays comme l’Espagne, la Hongrie et le Portugal, où elles sont deux fois plus élevées que dans d’autres pays comme l’Allemagne, l’Australie et la Suède. Les écarts entre les pays au regard des pertes de revenu des travailleurs licenciés tiennent principalement aux différences structurelles s’agissant de la difficulté à trouver un nouvel emploi, reflétée par le taux de chômage, et au fonctionnement du marché du travail plutôt qu’à des différences dans la composition des entreprises et des travailleurs. Ces différences structurelles sont quant à elles probablement liées à l’existence de politiques et d’institutions du marché du travail efficaces et cohérentes et, notamment, de politiques facilitant les transitions sur le marché du travail.
Il est crucial d’élaborer des mesures adaptées afin d’accompagner les travailleurs qui perdent leur emploi, non seulement pour compenser les pertes de revenu et faciliter les transitions professionnelles vers des emplois de qualité, mais aussi pour montrer que les inquiétudes au sujet des pertes d’emploi sont bien prises en compte. Les responsables de l’action publique des pays de l’OCDE ont à leur disposition divers outils propres à atténuer les pertes de revenu subies à la suite d’un licenciement, ainsi qu’à soutenir les transitions professionnelles. Des dispositifs bien conçus de garantie de revenu pour les personnes sans emploi, comme l’assurance chômage ou l’aide sociale, peuvent jouer un rôle clé afin de limiter les pertes de revenu subies par les travailleurs licenciés pendant leur période de chômage. Ces dispositifs favorisent également une recherche d’emploi efficace, en permettant aux chômeurs de prendre le temps nécessaire pour trouver un emploi correspondant à leurs compétences (ou pour améliorer leurs compétences). Des politiques tournées vers l’avenir et efficaces en matière d’amélioration des compétences et de reconversion sont nécessaires pour accompagner les transitions vers les secteurs et les métiers nouveaux et porteurs, et pour favoriser l’acquisition de nouvelles compétences. Des interventions précoces ciblées sur les travailleurs menacés de licenciement ou dont le licenciement leur a été notifié, ainsi que des mesures dédiées aux licenciements collectifs, peuvent être déterminantes et limiter l’incidence et les conséquences des suppressions d’emplois. Le salaire minimum et les minima salariaux négociés collectivement peuvent jouer un rôle important pour limiter les pertes de salaire liées au retour à l’emploi, en permettant de s’assurer que les fruits du travail productif soient bien partagés avec les travailleurs, en particulier ceux dont le pouvoir de négociation est limité. Des approches ciblées, comme les systèmes d’assurance‑salaire, peuvent constituer un outil complémentaire pour aider à accélérer la transition vers de nouveaux emplois, en particulier lorsque les travailleurs se voient proposer un salaire inférieur à celui qu’ils percevaient avant leur licenciement.
Dans le monde entier, les pouvoirs publics conduisent la transition de leurs économies vers la neutralité en émissions de gaz à effet de serre (GES), afin d’atténuer les effets du changement climatique, de favoriser une croissance durable et d’assurer la résilience économique à long terme. La « transition vers la neutralité carbone » devrait avoir un effet limité sur l’emploi dans l’ensemble (voir le chapitre 2), mais elle transformera profondément les marchés du travail en déplaçant l’activité des secteurs à forte intensité d’émissions de GES (« fortes émissions ») vers les secteurs économes en ressources émettant peu de GES (« faibles émissions »). Certains secteurs et entreprises pourraient réussir à réduire leur empreinte carbone en modifiant leurs modes de fonctionnement, mais des suppressions d’emplois massives dans les secteurs les plus polluants semblent inévitables. Ainsi, l’emploi dans les secteurs à forte intensité d’émissions – comme l’extraction de charbon et de pétrole, mais aussi certains pans du secteur manufacturier à forte intensité énergétique – devrait reculer beaucoup plus vite dans un avenir proche, ce qui entraînera des pertes d’emplois qui pourraient être considérables (Borgonovi et al., 2023[1]). Les inquiétudes suscitées par les suppressions d’emplois sont compréhensibles étant donné qu’elles peuvent entraîner des pertes de revenu importantes à long terme (Jacobson, Lalonde and Sullivan, 1993[2]) et avoir des retombées négatives sur la santé, voire sur l’espérance de vie (Schaller and Stevens, 2015[3]; Sullivan and Wachter, 2009[4]). Ces inquiétudes pourraient aussi compromettre le soutien de l’opinion publique aux politiques d’atténuation du changement climatique, ainsi que la capacité des pouvoirs publics à atteindre leurs objectifs de réduction des émissions (Dechezleprêtre et al., 2023[5]; Dabla-Norris et al., 2023[6]). L’un des principaux enjeux pour les responsables de l’action publique consiste à soutenir la transition vers la neutralité carbone sans compromettre l’adhésion du public aux politiques d’atténuation du changement climatique. Pour relever ce défi majeur, il est essentiel d’adopter des politiques qui répondent efficacement aux préoccupations concernant les effets négatifs potentiels de la transition vers la neutralité carbone sur le marché du travail, et qui préparent les travailleurs qui risquent de perdre leur emploi à se réorienter vers des secteurs et des métiers nouveaux et porteurs.
Ce chapitre a pour objectif d’apporter un nouvel éclairage sur les retombées qu’aura la transition vers la neutralité carbone sur les marchés du travail, en mettant l’accent sur son coût en termes de pertes d’emplois, de sorte à aider les pouvoirs publics à élaborer des politiques de soutien plus efficaces pour les travailleurs privés de leur emploi sous l’effet de cette transition1. L’analyse se fonde en premier lieu sur le constat selon lequel les pertes d’emplois liées à la réduction prévue des émissions de GES devraient se concentrer dans un petit nombre de secteurs précis, qui représentent l’essentiel des émissions mais une petite portion de l’emploi seulement. Par conséquent, l’analyse des suppressions d’emplois dans les secteurs à forte intensité d’émissions à partir de données historiques pourrait apporter des informations très utiles sur les difficultés que pourraient rencontrer demain les travailleurs qui perdront leur emploi du fait de la transition vers zéro émission nette, en s’appuyant sur les caractéristiques des entreprises et des travailleurs de ces secteurs et sur le soutien dispensé par l’État aux travailleurs privés de leur emploi2. Ces difficultés pourraient même devenir encore plus importantes compte tenu de l’accélération du changement et de l’augmentation du risque de licenciement qui en découlera, ainsi que de la diminution des débouchés professionnels offerts aux travailleurs ayant perdu leur emploi dans les secteurs à forte intensité d’émissions. L’analyse aborde deux questions clés. Tout d’abord, elle étudie dans quelle mesure le coût des suppressions d’emplois varie entre les travailleurs des secteurs à fortes émissions et ceux des secteurs à faibles émissions à l’échelon national. Selon des études antérieures, les travailleurs licenciés dans les secteurs à fortes émissions se heurtent à des obstacles spécifiques pour retrouver un emploi, et une fois qu’ils l’ont trouvé, leur rémunération peut être inférieure à leur emploi précédent (Walker, 2013[7]; Barreto, Grundke and Krill, 2023[8]; OCDE, 2023[9]). Ensuite, on examine dans quelle mesure le coût des suppressions d’emplois dans les secteurs à fortes émissions varie d’un pays à l’autre. Des différences systématiques entre les pays peuvent être le signe que le contexte institutionnel plus vaste influe de manière déterminante sur le coût des suppressions d’emplois (Bertheau et al., 2023[10]).
Le chapitre est structuré comme suit : il s’ouvre sur une analyse descriptive de ce qui distingue l’emploi dans les secteurs à forte intensité d’émissions de l’emploi dans les autres secteurs de l’économie. Il propose ensuite un examen empirique approfondi des conséquences des suppressions d’emplois dans les secteurs à forte intensité d’émissions, en s’appuyant sur une vaste série de données croisées employeurs-salariés couvrant 14 pays de l’OCDE. À partir de ces données, le chapitre étudie ensuite les pistes d’action des pouvoirs publics, afin de déterminer quelles sont les stratégies les plus efficaces pour soutenir les travailleurs qui perdent leur emploi en raison de la transition vers la neutralité carbone. Le chapitre s’accompagne d’un document d’information technique qui décompose systématiquement les résultats par sous-secteur (énergie, industrie lourde et transports) et apporte des éclairages supplémentaires sur la méthodologie et les données utilisées (Barreto et al., à paraître[11]).
Pour réduire les émissions de GES, les pays de l’OCDE se sont engagés dans diverses initiatives – voir par exemple Nachtigall et al. (2022[12]), qui vont de la réglementation de l’intensité des émissions au durcissement des mesures de tarification du carbone (voir le chapitre 5), en passant par les incitations en faveur de l’investissement vert. Compte tenu de ces mesures et d’autres évolutions structurelles (progrès technologiques, mondialisation), les émissions totales de GES dans les pays de l’OCDE ont chuté de 6 % environ entre 1990 et 2021 (OCDE, 2024[13]).
Toutefois, pour atteindre les objectifs d’émissions et limiter l’intensification du réchauffement planétaire, les pays doivent redoubler d’efforts. Par exemple, le Japon a pour objectif de réduire ses émissions de GES de 46 % par rapport aux niveaux de 2013 d’ici à 2030, tandis que les États-Unis se sont engagés à réduire de 50‑52 % leurs émissions de GES par rapport aux niveaux de 2005 à horizon 2030, et que le paquet législatif « Ajustement à l’objectif 55 » de l’UE prévoit une réduction de 55 % des émissions de GES d’ici à 2030 par rapport aux niveaux de 19903. Pour atteindre ces objectifs d’ici à 2030, il est impératif d’accélérer nettement le rythme de réduction des émissions de GES. Ainsi, par rapport aux efforts déployés depuis 1990, les pays de l’UE qui ont adhéré au paquet « Ajustement à l’objectif 55 » devront quasiment doubler leur réduction annuelle des émissions jusqu’à 2030. De la même manière, le Japon devra accroître de 50 % la réduction annuelle des émissions par rapport aux efforts consentis depuis 2013, alors que les États-Unis devront quasiment quadrupler leurs efforts annuels jusqu’en 2030 par rapport à ce qu’ils ont accompli depuis 2005. Une transition plus rapide devra donc être opérée au cours des années à venir au moyen de réformes de grande ampleur et d’investissements verts, qui pourraient provoquer encore plus de bouleversements, en particulier dans les secteurs à forte intensité d’émissions.
Ce chapitre considère l’intensité des émissions de GES des secteurs économiques comme le principal facteur permettant de déterminer s’ils seront pénalisés par la transition vers la neutralité carbone, conformément aux objectifs des principales initiatives de réduction des émissions, comme le paquet « Ajustement à l’objectif 55 »4. Les secteurs à forte intensité d’émissions correspondent aux secteurs qui se classent systématiquement parmi les plus polluants dans les pays de l’OCDE. Une description détaillée de l’approche retenue ici est présentée à l’Encadré 3.1. La liste finale des secteurs à fortes émissions comprend : la fourniture d’énergie, l’industrie lourde (métaux de base, produits chimiques, cokéfaction et fabrication de produits pétroliers, papier, autres produits minéraux non métalliques), les activités extractives, et les services de transport (aérien, maritime ou terrestre).
La classification des secteurs à forte intensité d’émissions dans ce chapitre est fondée sur les données d’Eurostat pour 27 pays de l’UE et le Royaume‑Uni, la Norvège, l’Islande et la Suisse concernant les secteurs à 2 chiffres de la CITI rév. 4 sur la période 2009‑20. L’intensité GES d’un secteur correspond aux émissions de GES en équivalent CO2 rapportées à la valeur ajoutée (exprimée en tonnes par million EUR), hors liens au sein de la chaîne d’approvisionnement, en tenant compte d’un large éventail de gaz contribuant au réchauffement climatique. La pondération de la contribution des gaz autres que le CO2 est calculée en fonction de leur degré de nocivité supérieure à celle du dioxyde de carbone en termes de rétention de la chaleur à horizon 100 ans. Par exemple, dans la pondération, le méthane correspond à 28‑30 unités d’équivalent CO2, car il retient 28 à 30 fois plus la chaleur que le dioxyde de carbone.
Dans ce chapitre, sont considérés comme des secteurs à forte intensité d’émissions ceux qui se situent dans les deux déciles supérieurs de la distribution moyenne de l’intensité GES dans au moins 10 pays sur 32 (Graphique 3.1). Ce seuil, comme l’illustre bien le Graphique 3.1, permet de faire nettement la distinction entre les secteurs à fortes émissions – avec une moyenne légèrement inférieure à 2 500 tonnes d’équivalent CO2 par million EUR de valeur ajoutée brute (à prix constants de 2015 en devise nationale) – et les autres. En particulier, à ce seuil, la distribution de la fréquence d’apparition dans le classement montre une forte baisse de plus de 50 % de la fréquence et de 20 % de l’intensité des émissions de GES.
La liste des secteurs correspondant à cette définition comprend : la fourniture d’énergie, les services de transport (maritime, aérien ou terrestre), les activités extractives et la fabrication de produits gourmands en énergie (métaux de base, produits minéraux non métalliques, produits pétroliers raffinés, produits chimiques, et papier). Le secteur de l’assainissement et de la collecte des déchets n’est pas inclus dans la liste finale des secteurs à forte intensité d’émissions car il n’est pas prévu qu’il décline étant donné qu’il s’agit d’un secteur clé pour la transition vers la neutralité carbone (voir Borgonovi et al. (2023[1])). Le secteur agricole est totalement exclu de la liste des secteurs considérés dans ce chapitre, pour deux raisons. Tout d’abord, les licenciements collectifs dans l’agriculture sont plus susceptibles de correspondre à des ajustements saisonniers de l’emploi plutôt que structurels. Ensuite, les prévisions relatives à l’emploi dans de nombreux pays de l’OCDE ne signalent pas de ralentissement de la croissance de l’emploi dans le secteur agricole, contrairement à la plupart des autres secteurs à forte intensité d’émissions, étant donné que les trains de mesures en vigueur excluent souvent la production agricole des efforts d’atténuation du changement climatique (Borgonovi et al., 2023[1]).
La classification des « secteurs à forte intensité d’émissions » fait ressortir non seulement une cohérence importante entre les pays considérés, mais aussi entre les différentes mesures de l’intensité des émissions, comme l’intensité carbone ou l’intensité en combustibles fossiles (voir Barreto et al. (à paraître[11]) pour des informations plus détaillées). L’une des principales limites de la méthode actuelle tient à la classification des secteurs en fonction des niveaux à 2 chiffres de la CITI rév. 4. En effet, elle ne permet pas de distinguer les sous-secteurs qui pourraient se développer grâce à la transition vers la neutralité carbone, comme la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables ou l’électrification des transports terrestres, des secteurs qui devraient décliner. Néanmoins, les données internationales sur les émissions, qu’il s’agisse des émissions de GES, de l’intensité carbone ou de la consommation d’énergie, ne sont pas disponibles à un niveau de détail plus poussé.
Les secteurs à forte intensité d’émissions, tels que définis dans ce chapitre, représentent 80 % environ du total des émissions de GES dans les pays de l’OCDE. On observe de modestes variations entre les pays en raison des différences dans le mix énergétique national, la taille des secteurs à forte intensité d’émissions et les réglementations relatives aux émissions. Ainsi, si les secteurs à forte intensité d’émissions en France et en République slovaque sont à l’origine d’un peu moins de 70 % des émissions nationales de GES, ils contribuent à hauteur d’un peu plus de 90 % aux émissions nationales au Danemark, en Grèce, en Finlande, en Islande, en Norvège et en Tchéquie (Graphique 3.2). En dépit de leur contribution significative aux émissions, ces secteurs n’emploient que 7 % environ de la main-d’œuvre totale des pays de l’OCDE en moyenne, ce qui signifie que les émissions sont très concentrées (Graphique 3.2). Il est important de noter que toute réduction future des émissions sera donc concentrée sur un segment relativement restreint du marché du travail. Cela vaut plus particulièrement pour l’Irlande, les Pays-Bas et le Royaume‑Uni, où la part de la population active dans les secteurs à forte intensité d’émissions est légèrement inférieure à 5 %, mais aussi pour la Pologne, le pays où cette proportion est la plus élevée puisque 79 % des émissions sont concentrées dans des secteurs employant 12 % de la main-d’œuvre.
Il est possible de diminuer les émissions de GES en réduisant l’activité économique dans les secteurs à forte intensité d’émissions, ainsi qu’en modifiant les technologies de production dans ces secteurs – voir également OCDE (2023[14]). Des restructurations s’imposent dans ces deux cas, qui peuvent entraîner des suppressions d’emplois mais aussi offrir de nouveaux débouchés. Outre les baisses déjà réalisées en matière d’émissions de GES, l’emploi dans les secteurs à forte intensité d’émissions a déjà diminué fortement dans les pays de l’UE entre 2000 et 2019, tandis que l’emploi dans d’autres secteurs a continué d’augmenter (voir Graphique 3.4) – dans certains cas également grâce à des investissements verts couplés à l’objectif explicite de créer des emplois de qualité (voir Encadré 3.2). La composition de l’emploi s’est donc réorientée des secteurs à forte intensité d’émissions vers d’autres secteurs à faibles émissions (Borgonovi et al., 2023[1]). Cette évolution n’est pas uniquement imputable à la transition vers la neutralité carbone mais aussi à d’autres facteurs structurels, comme la réorientation des économies auparavant fondées sur l’industrie manufacturière vers des activités de services plus sobres en carbone (Autor and Dorn, 2013[15]; Goldschmidt and Schmieder, 2017[16]; OCDE, 2019[17]). La nécessité, et l’engagement pris, d’accélérer la réduction des émissions de GES signifient aussi que les marchés du travail des pays de l’OCDE devront s’adapter à de nouvelles baisses des émissions dans les secteurs fortement émetteurs. Une partie de ces engagements pourront être réalisés grâce à des efforts de réduction des émissions au sein des secteurs et des entreprises, mais la transition devrait tout de même entraîner un redéploiement des emplois vers des activités plus respectueuses de l’environnement et moins polluantes. Ce processus accentue le risque de suppressions d’emplois, et pourrait aussi en aggraver les conséquences en limitant les possibilités de trouver un autre emploi dans les secteurs touchés.
Les investissements verts ont pris beaucoup d’ampleur ces dernières années, surtout après la crise financière de 2008, à la faveur d’initiatives telles que l’American Recovery and Reinvestment Act qui a alloué 90 milliards USD aux énergies propres aux États-Unis, ce qui s’est traduit par des créations d’emplois, concentrées toutefois dans les régions dotées d’une main-d’œuvre qualifiée (Popp et al., 2020[18]). Les choses se sont accélérées après la pandémie de COVID‑19 et la crise du coût de la vie qu’elle a provoquée, ce qui a débouché sur des investissements conséquents comme l’Inflation Reduction Act de 370 milliards USD adopté aux États-Unis pour favoriser les infrastructures énergétiques vertes et la qualité des emplois, et le Plan industriel du pacte vert de l’UE, qui vise à soutenir la transition vers la neutralité carbone en renforçant les capacités de fabrication de produits et de technologies verts tout en mettant aussi l’accent sur l’amélioration des compétences de la main-d’œuvre à l’appui de l’économie verte (Maison Blanche, 2023[19]; Commission européenne, 2023[20]). Ces initiatives témoignent d’une réorientation stratégique vers une reprise durable, la transition énergétique et la création d’emplois de qualité.
Le recours aux subventions vertes peut non seulement encourager le remplacement des technologies à forte intensité d’émissions par des technologies plus vertes, mais il pourrait également ouvrir de nouveaux débouchés dans les emplois portés par la transition écologique (voir le chapitre 2), y compris pour les travailleurs licenciés du fait de cette dernière. Néanmoins, les données disponibles quant aux effets des subventions vertes sur les marchés du travail sont rares et plutôt en demi-teinte. Si certaines études mettent en évidence des effets considérables sur l’emploi (comme celle de Markandya et al. (2016[21])), d’autres donnent à penser qu’ils sont modestes (Pestel, 2019[22]) ou que les coûts publics par emploi créé sont plutôt élevés (Álvarez et al., 2021[23]). La qualité des emplois créés suscite également d’importantes interrogations. Si la plupart des études constatent que de nombreux emplois portés par la transition écologique sont relativement bien rémunérés (Curtis and Marinescu, 2023[24]), le chapitre 2 met en évidence des difficultés majeures à cet égard.
Pour illustrer les effets des subventions vertes sur la création d’emplois, le présent encadré propose une première évaluation du dispositif MaPrimeRénov’ (MPR) mis en place en France. Lancé au 1er janvier 2020, ce programme propose des aides visant à améliorer l’efficacité énergétique des logements, à concurrence de 20 000 EUR par logement1. Pour bénéficier de la subvention, les travaux doivent être réalisés par une entreprise certifiée reconnue garante de l’environnement (RGE). Plus de 170 000 demandes ont été enregistrées sur la seule année 20202.
Les effets du dispositif MPR sont évalués de manière empirique en comparant l’évolution mensuelle de l’emploi dans les entreprises qui ont reçu des subventions et celles qui n’ont pas bénéficié de subventions mais qui présentent par ailleurs des caractéristiques comparables, sur la période 2020‑22. Pour tenir compte de la participation au dispositif, les entreprises bénéficiaires sont appariées à des entreprises non bénéficiaires dans le même secteur à 2 chiffres, le même département, à la même date (mois et années, appariement exact) et présentant des caractéristiques comparables en termes d’évolution récente des effectifs, de salaire moyen dans l’entreprise, de salaire moyen à l’échelon local et d’âge moyen des salariés (appariement par score de propension). Les effets du dispositif sont analysés au moyen d’une méthode fondée sur l’étude d’évènement, qui suppose une régression du logarithme de l’emploi sur une variable indicatrice pour la perception initiale de la subvention, compte tenu des mois écoulés depuis l’entrée dans le dispositif, et de toute subvention ultérieure reçue après l’entrée dans le dispositif, ainsi que des effets fixes par entreprise et par année*mois. Les résultats sont présentés dans le Graphique 3.3. Ils montrent que le dispositif MaPrimeRénov’ a entraîné une hausse de l’emploi de 1.5 % environ cinq mois après la première subvention. L’effet diminue légèrement au cours des mois suivants, mais il persiste en partie pendant la période considérée.
Un calcul approximatif permet de donner une indication du rapport coût-efficacité du dispositif, en euros par emploi créé. On utilise pour ce faire le pourcentage estimé d’augmentation de l’emploi sous l’effet de la subvention (1.5 %), le montant moyen de la première subvention (13 481 EUR) et les effectifs moyens de l’entreprise avant l’entrée dans le dispositif (4.7 salariés). Ces calculs aboutissent à un coût par emploi créé de 191 219 EUR, ce qui est supérieur au coût calculé par Popp et al. (2020[18]) dans le contexte de l’American Recovery and Reinvestment Act pour les États-Unis, qui atteignait 66 700 USD.
Note : cet encadré a été rédigé grâce à la contribution d’Ian Whiton.
Les projections fondées sur le modèle ENV-Linkages de l’OCDE montrent que la plupart des secteurs à forte intensité d’émissions devraient connaître une baisse notable de l’emploi entre 2019 et 2030 sous l’effet de la mise en œuvre des mesures d’atténuation du changement climatique, comme les objectifs de réduction des émissions de l’UE (« Ajustement à l’objectif 55 ») et les autres programmes comparables déployés à travers le monde (Borgonovi et al., 2023[1])5. Il est important de noter que cette baisse de l’emploi devrait s’accélérer sensiblement par rapport aux tendances antérieures. Dans l’UE, par exemple, la baisse prévue du nombre d’actifs occupés, qui devrait s’établir en moyenne à 2.3 % par an, est plus de deux fois supérieure à la baisse de l’emploi à long terme, qui s’élevait à 1.1 % en moyenne entre 2000 et 2019 (Graphique 3.4).
Le rythme prévu de la baisse de l’emploi sous l’effet du paquet « Ajustement à l’objectif 55 » de l’UE varie aussi entre les secteurs à forte intensité d’émissions. Par exemple, l’emploi dans la fabrication de produits chimiques et dans la cokéfaction et le raffinage devrait diminuer de 3.9 % et 5.4 % par an en moyenne respectivement, tandis que l’emploi dans la fabrication de produits métallurgiques de base et d’autres minéraux non métalliques, ainsi que dans les activités extractives, devrait reculer de 2.5 % et 3.3 % par an en moyenne. La fabrication de papier ainsi que le transport aérien et maritime enregistrent une baisse annuelle moyenne de l’emploi légèrement inférieure, à un peu moins de 2 %, tandis que dans le transport terrestre, l’emploi devrait reculer de 0.3 % par an en moyenne. Il faut noter que les projections font ressortir une hausse de l’emploi dans la production et distribution d’électricité, de gaz, de vapeur et d’air conditionné, sous l’effet d’une forte progression du recours à des sources de production d’électricité plus vertes dans le mix énergétique des pays de l’UE (associée à une production d’énergie à plus forte intensité de GES dans ce secteur), comme en témoignent les projections plus fines de Borgonovi et al. (2023[1]) ou de l’AIE (2023[26]). Ainsi, l’emploi dans la production d’électricité à partir de combustibles fossiles devrait reculer d’environ 80 %, substitué par l’emploi dans la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables et du nucléaire, qui devrait progresser de 80 %.
Les caractéristiques des travailleurs des secteurs à forte intensité d’émissions sont très différentes de celles des travailleurs des secteurs à faibles émissions (Graphique 3.5, partie A). Par exemple, les travailleurs des secteurs à forte intensité d’émissions sont plus susceptibles d’avoir un faible niveau d’études (20 % contre 15 %) et moins susceptibles d’avoir un niveau d’études élevé (25 % contre 40 %) par comparaison avec les travailleurs des secteurs à faibles émissions. Par ailleurs, les travailleurs des secteurs à fortes émissions sont moins nombreux à suivre des programmes de formation et d’enseignement formels et non formels (Graphique 3.5, partie A). Toutefois, en dépit d’un niveau d’études relativement faible, ils sont moins susceptibles de percevoir de bas salaires (situés dans les deux derniers déciles de la distribution) et un peu plus susceptibles de percevoir des salaires élevés (situés dans les deux déciles supérieurs) que les travailleurs d’autres secteurs. En effet, les salaires supérieurs dans les secteurs à forte intensité d’émissions tiennent à des avantages salariaux plus importants dans les entreprises (c’est-à-dire que les employeurs versent des salaires plus élevés indépendamment de la composition de la main-d’œuvre), plutôt qu’à des écarts de compétences entre les travailleurs6. Les travailleurs des secteurs à forte intensité d’émissions sont en outre beaucoup plus susceptibles d’être des hommes, un peu plus âgés et de vivre dans des zones rurales (Graphique 3.5, partie A). La conjugaison de ces différents éléments (faible niveau d’études, salaires relativement élevés et localisation dans des zones rurales) pourrait avoir des implications importantes en termes de coûts des suppressions d’emplois.
Cette section propose un examen approfondi des coûts liés à la suppression d’emplois dans les secteurs à fortes émissions en s’appuyant sur une série harmonisée de données croisées employeurs-salariés issues de 14 pays de l’OCDE et sur un cadre économétrique cohérent – voir Barreto et al. (à paraître[11]) pour plus de précisions.
La détermination du coût de la perte d’emplois pour un travailleur donné soulève un certain nombre de difficultés méthodologiques. Dans l’idéal, il conviendrait de comparer les résultats de ce même travailleur dans deux situations différentes, où il perdrait son emploi dans la première alors qu’il le conserverait dans la seconde. Comme c’est à l’évidence impossible, l’analyse présentée dans ce chapitre suit une pratique habituelle dans la littérature : i) elle se circonscrit aux licenciements collectifs afin de ne tenir compte que des travailleurs qui ne quittent pas leur emploi volontairement ; et ii) elle compare les résultats des travailleurs licenciés à ceux de travailleurs non licenciés apparemment identiques sur une période allant de trois ans avant la perte d’emploi jusqu’à six ans après celle‑ci. L’analyse est menée séparément pour les travailleurs des secteurs à fortes émissions et pour ceux du reste du secteur privé, comme dans Barreto, Grundke et Krill (2023[8]). Parmi les résultats pris en considération figurent les revenus annuels et les principaux éléments qui les déterminent, dont la probabilité d’occuper un emploi, le nombre de jours travaillés, le salaire journalier et la politique salariale de l’employeur, ainsi que divers indicateurs de la mobilité liés à la probabilité de changer de métier, de secteur ou de région. Pour plus de précisions sur la méthodologie, voir Encadré 3.3 et Barreto et al. (à paraître[11]).
Pour analyser quelles sont les conséquences des licenciements collectifs pour les travailleurs licenciés, ce chapitre s’appuie sur des données croisées employeurs-salariés portant sur 14 pays de l’OCDE : Allemagne, Australie, Autriche, Canada, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, France, Hongrie, Norvège, Pays-Bas, Portugal et Suède (pour plus d’informations, voir Tableau d’annexe 3.B.1). La série de données qui en résulte couvre généralement les années 2000 à 2019, ce qui évite tout risque de confusion avec les effets de la pandémie de COVID‑19 sur le marché du travail. Pour certains des pays, la période d’observation débute plus tard qu’en 2000 ou s’achève avant 2019 – voir Tableau d’annexe 3.B.1. Les données sont issues des registres administratifs établis à des fins fiscales ou pour les besoins du système de sécurité sociale ou, dans de rares cas, des enquêtes obligatoires auprès des employeurs. Ces données sont donc très complètes et couvrent souvent l’ensemble des travailleurs et des entreprises d’un pays sur plusieurs décennies, et elles sont de grande qualité, eu égard aux conséquences financières que supposent les déclarations erronées pour les systèmes fiscaux et ceux de sécurité sociale.
Les systèmes fiscaux et de sécurité sociale étant soumis à des exigences administratives variables selon les pays, ce qui peut avoir des conséquences importantes en termes de comparabilité internationale, des efforts considérables ont été déployés pour harmoniser les données (voir la section 3 de Barreto et al. (à paraître[11])). Les personnes sans emploi sont présumées avoir des revenus nuls pour les périodes correspondantes, conformément à une pratique habituelle dans les études consacrées aux suppressions d’emplois. L’analyse est circonscrite aux travailleurs du secteur privé âgés de 18 à 50 ans (mais des tests de robustesse sont effectués pour évaluer la sensibilité des résultats à un élargissement de l’étude aux travailleurs de 18 à 60 ans).
Cette analyse suit la pratique habituellement mise en œuvre dans la littérature pour estimer séparément le coût des suppressions d’emplois dans les secteurs à fortes émissions et dans le reste de l’économie (Barreto, Grundke and Krill, 2023[8]). Elle prend en considération les travailleurs ayant perdu leur emploi à l’occasion d’un licenciement collectif, c’est-à-dire d’une réduction d’au moins 30 % 1 des effectifs de leur entreprise. Pour garantir que seuls soient pris en compte les licenciements collectifs proprement dits et non les fusions, acquisitions et délocalisations opérées par l’entreprise, le pourcentage des travailleurs licenciés réembauchés conjointement dans la même entreprise après le licenciement collectif ne peut être supérieur à 30 % 2. L’analyse porte exclusivement sur les travailleurs de 18 à 50 ans pour limiter l’incidence des programmes de retraite anticipée (les travailleurs de 18 à 60 ans sont pris en compte dans un test de robustesse). L’analyse est par ailleurs circonscrite aux travailleurs qui avaient au moins deux ans d’ancienneté l’année précédant leur licenciement et qui étaient employés par des entreprises d’au moins 30 salariés. Les revenus annuels réels incluent toutes les sources, dont les rémunérations versées reçues de différents employeurs, les heures supplémentaires, les primes, et les indemnités de départ, le cas échéant. Les salaires journaliers sont calculés pour chacune des années correspondantes à partir des rémunérations versées par l’employeur principal. Les employeurs sont identifiés au niveau de l’établissement ou à défaut au niveau de l’entreprise.
Les résultats des travailleurs victimes d’un licenciement collectif (« unités traitées ») sont comparés à ceux des travailleurs non licenciés (« unités témoins »). Étant donné que les travailleurs licenciés et non licenciés pourraient présenter des différences au regard de leurs caractéristiques observables, chacun des travailleurs licenciés est apparié avec un travailleur non licencié apparemment similaire à l’aide d’une procédure d’appariement (« jumelage statistique »). Les unités traitées sont tout d’abord appariées avec des unités témoins de même genre qui relevaient du même secteur à 1 chiffre et du même secteur énergétique au cours de l’année précédant le licenciement. Dans les cellules préalablement créées à cet effet, il est ensuite procédé à un appariement selon le score de propension un à un avec le voisin le plus proche. Les scores de propension sont estimés à l’aide d’un modèle probit qui tient compte de l’âge, de l’ancienneté dans l’emploi et de la taille de l’entreprise, ainsi que des salaires antérieurs. Chaque travailleur licencié est alors apparié avec son voisin non licencié le plus proche d’après les scores de propension estimés. La procédure d’appariement permet d’établir un bon équilibre entre les caractéristiques des travailleurs licenciés et non licenciés (tableau 3 de Barreto et al. (à paraître[11])). L’identification des liens de causalité repose sur l’hypothèse que, sous réserve des covariables observées, la perte d’emploi liée à un licenciement collectif peut être considérée comme un événement aléatoire. Cette hypothèse serait invalidée si la probabilité de faire l’objet d’un licenciement collectif était déterminée par une sélection fondée sur des caractéristiques inobservables (telles que des capacités inobservées des travailleurs).
Sur la base de l’échantillon apparié de travailleurs traités et de travailleurs témoins, les résultats des travailleurs licenciés et non licenciés sont comparés séparément pour les travailleurs des secteurs à fortes émissions et pour le reste du secteur privé à l’aide de la régression fondée sur l’étude d’événement ci‑après :
où représente le résultat du travailleur licencié i appartenant à la cohorte de travailleurs licenciés c, ou du travailleur non licencié qui lui est apparié, au moment t. Les coefficients d’intérêt mesurent l’écart entre les résultats des travailleurs licenciés et ceux des travailleurs non licenciés du même secteur d’activité, où k est un indice du moment de l’événement, de manière que k=1 correspond à la première année après le licenciement et k=0 à la dernière année avant le licenciement. Les coefficients sont normalisés à k= ‑2, de sorte que les effets sont mesurés par rapport à cette période. L’effet fixe pour le travailleur tient compte de l’hétérogénéité non observée et invariable dans le temps des travailleurs, est un effet fixe pour l’année civile, un effet fixe pour le temps écoulé depuis l’événement, et prend en considération le cube de l’âge. Enfin, est le terme d’erreur idiosyncratique. Les erreurs types sont regroupées au niveau des travailleurs.
Les résultats examinés sont les revenus annuels par rapport à la moyenne antérieure au licenciement, la probabilité d’occuper un emploi, le nombre de jours travaillés, le logarithme du salaire journalier, l’avantage salarial offert par l’entreprise, et divers résultats liés à la mobilité, tels que la probabilité d’un changement de secteur, de métier ou de région avant le licenciement. Les revenus annuels correspondent à la somme des rémunérations (versées par différents employeurs le cas échéant) reçues au cours d’une année donnée, divisée par les revenus annuels moyens avant le licenciement. La probabilité d’occuper un emploi est une variable binaire dont la valeur est égale à un si le travailleur a bénéficié d’un emploi salarié pendant au moins une journée au cours d’une année donnée. Lorsque les observations ne font pas apparaître qu’un travailleur a occupé un emploi salarié au cours d’une année donnée, ses revenus sont considérés comme nuls, conformément à la littérature sur les suppressions d’emplois. Le coût effectif de la perte d’emploi peut s’en trouver surévalué, dans la mesure où certains des travailleurs licenciés se reconvertissent dans le secteur public ou optent pour le travail indépendant 3. Les jours travaillés renvoient par définition au nombre total de jours d’emploi salarié au cours d’une année donnée, sous réserve que le travailleur ait occupé un emploi au moins une journée, quel que soit le nombre d’heures travaillées. Le logarithme des salaires journaliers correspond au logarithme naturel des revenus annuels divisés par le nombre de jours travaillés chez l’employeur principal. L’avantage salarial offert par l’entreprise mesure l’avantage salarial moyen dont bénéficient tous les salariés d’une entreprise quelles que soient les caractéristiques des travailleurs, et il est estimé à l’aide d’un modèle AKM à effets fixes bilatéraux (Abowd, Kramarz and Margolis, 1999[27]). Enfin, la probabilité d’un changement de secteur, de métier ou de région est mesurée à l’aide d’une variable binaire qui est égale à un si la valeur observée après le licenciement est différente de ce qu’elle était auparavant, et égale à zéro dans le cas contraire.
Afin de donner une idée de l’importance relative des différents éléments à l’origine des pertes de revenus annuels, les revenus annuels sont décomposés en leurs éléments susceptibles d’être attribués à la probabilité d’occuper un emploi au cours de l’année , au nombre de jours travaillés au cours de l’année , et au salaire journalier lors du retour à l’emploi (Schmieder, von Wachter and Heining, 2023[28]). À partir des attentes relatives aux échantillons de travailleurs licenciés et non licenciés, les revenus annuels d’un travailleur licencié (D) peuvent être exprimés en fonction de ceux d’un travailleur non licencié (ND) pour chacune des années prises en compte pour l’étude de la suppression d’emploi grâce à la formule suivante :
Après réorganisation des termes, on obtient :
où le premier terme indique la contribution des variations de la probabilité d’occuper un emploi aux variations des revenus annuels par rapport à ceux des travailleurs non licenciés, alors que le second et le troisième termes montrent celle des variations du nombre de jours travaillés et du montant des salaires journaliers, respectivement. La contribution de la probabilité d’occuper un emploi tient compte des périodes d’absence d’emploi salarié pendant toute une année civile, au cours desquelles les revenus annuels sont présumés nuls. La contribution du nombre de jours travaillés mesure l’incidence des périodes sans emploi d’une durée inférieure à toute une année civile, qui témoignent d’une situation de chômage, mais aussi de l’instabilité de l’emploi. La contribution des salaires journaliers rend compte des variations des salaires journaliers à la suite de la perte d’emploi. Pour comprendre quels sont les éléments à l’origine des pertes de salaire, la contribution des salaires journaliers peut elle‑même être décomposée en une composante liée aux travailleurs et une composante liée aux entreprises (Lachowska, Mas and Woodbury, 2020[29]) en décomposant l’effet du traitement sur les salaires , lequel est égal à la somme des variations des avantages salariaux offerts par les entreprises et des variations des composantes liées aux travailleurs qui rendent compte de la perte de capital humain ainsi que de la qualité de l’appariement. Le terme est un résidu qui rend compte de l’évolution des covariances de l’emploi, du nombre de jours travaillés et des salaires journaliers, qui résulte de la sélection à l’embauche. Dans la pratique, cette composante est d’une ampleur très réduite, et elle est omise pour ne pas alourdir l’exposé.
Note : Barreto et al. fournissent une description plus détaillée de la méthodologie utilisée (à paraître[11]).
1. Un test de robustesse sur la base des fermetures complètes d’usines entraîne une légère augmentation des pertes de rémunération dans tous les secteurs, mais n’a pas d’incidence notable sur l’effet différentiel sur les secteurs à fortes et à faibles émissions.
2. L’utilisation d’un seuil de 20 % modifie très peu la physionomie de la situation dans les différents pays et les différents secteurs. Elle permet de mieux identifier les licenciements collectifs proprement dits. Elle accroît les pertes de rémunération estimées, mais n’a que peu d’incidence sur les écarts selon les secteurs et les pays. Cependant, un seuil plus strict exacerbe les problèmes liés à la taille réduite de l’échantillon au regard du nombre des travailleurs victimes des suppressions d’emplois dans les secteurs à fortes émissions.
3. Néanmoins, sur la base de l’enquête British Household Panel Survey et sur l’étude des coûts liés à la perte d’emploi au Royaume‑Uni, Upward et Wright (2017[30]) constatent que la réaffectation d’une valeur zéro aux revenus perçus pendant les périodes de travail indépendant ne modifie guère l’estimation des pertes de revenus. Bertheau et al. (2023[10]) observent pareillement que l’application d’une opération similaire aux données suédoises n’entraîne que des variations minimes.
Quel que soit le secteur, les suppressions d’emplois s’accompagnent de coûts importants pour les travailleurs qui en sont victimes, mais les travailleurs licenciés des secteurs à fortes émissions enregistrent des pertes de revenus plus importantes que ceux des secteurs à faibles émissions. À titre d’exemple, dans la première année faisant suite à un licenciement collectif, les travailleurs licenciés des secteurs à faibles émissions subissent une chute de leurs revenus de 52 % par rapport à ceux des travailleurs non licenciés, en moyenne pour l’ensemble des pays. Cependant, les travailleurs licenciés des secteurs à fortes émissions supportent une baisse supplémentaire de 6 points de pourcentage par rapport à leurs homologues des secteurs à faibles émissions, ce qui porte leur perte de revenus à 58 % (Graphique 3.6). Même si les rémunérations des deux groupes de travailleurs licenciés connaissent un redressement progressif, l’écart entre leurs pertes de revenus respectives demeure. Au bout de six ans, cet écart est de 8 points de pourcentage, les revenus des travailleurs licenciés des secteurs à fortes émissions et des secteurs à faibles émissions étant respectivement inférieurs de 27 % et de 19 % à ceux de leurs homologues qui n’ont pas été licenciés. Sur l’ensemble des six années postérieures à celle du licenciement, l’écart s’élève en moyenne à 7 points de pourcentage, les pertes de revenus s’établissant à 36 % pour les travailleurs licenciés des secteurs à fortes émissions et à 29 % pour ceux des secteurs à faibles émissions. Ces résultats corroborent ceux précédemment obtenus par Haywood, Janser et Koch (2023[31]), Andrews, Dwyer et Vass (2023[32]) et Rudd et al. (2022[33]) pour les travailleurs du charbon licenciés en Allemagne, en Australie et au Royaume‑Uni, respectivement, ainsi que par Barreto, Grundke et Krill (2023[8]) pour les travailleurs licenciés des secteurs à forte intensité de carbone en Allemagne. Cependant, pour le Canada, Chen et Morissette (2020[34]) constatent que, pour une partie des travailleurs du secteur charbonnier, gazier et pétrolier, le licenciement n’impose aucun coût à moyen terme.
L’incidence des suppressions d’emplois dans les secteurs à fortes émissions est également très variable selon les branches d’activité, comme le montrent en détail Barreto et al. (à paraître[11]). Par exemple, à l’échelle de tous les pays, les coûts des suppressions d’emplois sont plus élevés dans les secteurs industriels énergivores, où les travailleurs licenciés enregistrent dans l’année du licenciement une perte de revenus de 63 % par rapport aux travailleurs non licenciés. Dans les secteurs des transports, les pertes de revenus sont comparables ou juste un peu plus élevées que dans les secteurs à faibles émissions, alors que pour les travailleurs des secteurs de l’approvisionnement énergétique les pertes de revenus sont très variables selon les pays.
Des résultats complémentaires prenant en considération les travailleurs âgés de 50 à 60 ans au moment du licenciement (Graphique d’annexe 3.A.1) mettent en évidence une légère augmentation des pertes de revenus dans les secteurs à fortes émissions, étant donné que les travailleurs les plus âgés subissent des pertes de revenus un peu plus importantes du fait de la perte de leur emploi (voir par exemple Athey et al. (2023[35])). En moyenne, au cours des 6 années postérieures au licenciement, les pertes de revenus dans les secteurs à fortes émissions augmentent de 1 point de pourcentage pour atteindre 37 %, mais l’écart moyen par rapport aux secteurs à faibles émissions ne s’en trouve pas modifié. Cela montre que la prise en compte des travailleurs âgés n’a guère d’incidence sur les pertes de revenus estimées dans le scénario de référence. Les estimations de référence fournissent en outre une meilleure indication des défis auxquels les travailleurs licenciés sont confrontés lors de leur transition vers d’autres emplois dans la mesure où ils ont une moindre probabilité de bénéficier d’une retraite anticipée.
La décomposition des pertes de revenus enregistrées après la suppression d’emplois en fonction des éléments qui y contribuent – à savoir (i) l’absence d’emploi pendant toute une année, (ii) un moins grand nombre de jours travaillés sous réserve d’avoir occupé un emploi à un moment ou un autre au cours de l’année et (iii) des salaires journaliers plus faibles lors du retour à l’emploi – peuvent mettre en évidence quels sont les facteurs susceptibles d’expliquer les différences dans les coûts associés aux suppressions d’emploi pour les travailleurs des secteurs à fortes émissions et à faibles émissions, respectivement (voir Encadré 3.3 pour plus de précisions sur la méthode de décomposition des pertes de revenus)7. Les différences dans le nombre de jours travaillés au cours de la première année après la perte d’emploi sont principalement liées à un retour à l’emploi à une date plus avancée de l’année (c’est-à-dire après le 1er janvier), alors que les différences dans les années ultérieures font pour l’essentiel apparaître une moindre stabilité de l’emploi lors de la reprise d’activité.
En moyenne, au cours des six années suivant la perte d’emploi, la plus faible probabilité d’occuper un emploi constitue le principal facteur à l’origine des pertes de revenus dans les secteurs à fortes émissions comme dans ceux à faibles émissions (Graphique 3.7 partie A et partie B). Cependant, cette moyenne sur six ans occulte de considérables variations dans le temps de l’importance relative des divers facteurs qui déterminent les revenus. Au départ, au cours de la première année suivant le licenciement, les différences sous l’angle de la situation au regard de l’emploi ont une immense incidence sur les pertes de revenus, comme le montrent les écarts entre la probabilité d’occuper un emploi et le nombre de jours travaillés lors du retour à l’emploi en cours d’année. À l’inverse, les différences de salaires lors du retour à l’emploi jouent un rôle marginal. Les salaires prennent toutefois davantage d’importance au fil du temps en tant que facteur permettant d’expliquer les pertes de revenus après le licenciement dans les secteurs à fortes et à faibles émissions (en termes relatifs comme en termes absolus). Cette importance grandissante des salaires pourrait s’expliquer par un retour à l’emploi plus rapide des travailleurs les plus qualifiés, dont les revenus sont potentiellement plus élevés, ainsi que par un ajustement progressif de la recherche d’emploi vers des emplois moins rémunérateurs après une période de chômage prolongé – voir par exemple Maibom et al. (2023[36]) et Hijzen, Upward et Wright (2010[37]). L’incidence du nombre de jours travaillés connaît une forte diminution après la première année suivant la perte d’emploi. Ensuite, les différences dans le nombre de jours travaillés sont principalement liées à des différences d’instabilité de l’emploi lors de la reprise d’activité, alors que les différences concernant les délais de retour à l’emploi après le licenciement s’avèrent négligeables. Les travailleurs licenciés peuvent connaître une plus grande instabilité de l’emploi lors de leur reprise d’activité dans la mesure où ils ont une plus grande probabilité d’être embauchés sous des contrats temporaires et de conserver moins longtemps leur poste.
La situation au regard de l’emploi est certes le principal déterminant des pertes de revenus subies par les travailleurs licenciés des secteurs à fortes et à faibles émissions, mais elle ne contribue que dans une bien plus modeste mesure à expliquer les différences entre les pertes de revenus dans les secteurs à fortes et à faibles émissions, surtout après la première année suivant la perte d’emploi (Graphique 3.7, partie C). Dans la première année suivant le licenciement, les différences entre les pertes de revenus dans les secteurs à fortes et à faibles émissions sont pour l’essentiel dues à l’action conjointe d’une plus faible probabilité d’occuper un emploi et d’un moins grand nombre de jours travaillés après un retour à l’emploi en cours d’année (voir l’examen ci-dessus). Toutefois, les années suivantes, les différences dans les pertes de revenus reflètent pour l’essentiel des salaires plus bas et un moindre nombre de jours travaillés après le retour à l’emploi. Autrement dit, après la première année qui suit le licenciement, la plus grande ampleur des pertes de revenus dans les secteurs à fortes émissions est pour une large part attribuable à une moindre qualité des postes occupés après le retour à l’emploi, du fait d’une transition vers des emplois moins bien rémunérés et moins stables. Six ans après le licenciement, la marge d’emploi n’explique qu’environ 31 % de la différence de pertes de revenus, tandis que les différences dans le nombre de jours travaillés (qui sont déterminées par une reprise d’activité en cours d’année et par le degré de stabilité du nouvel emploi) y contribuent pour 31 % et les écarts de salaires pour 38 %.
Les travailleurs licenciés des secteurs à fortes émissions ont une plus grande probabilité de changer de secteur et de métier que les travailleurs licenciés des autres secteurs (Graphique 3.8). Six ans après le licenciement, la probabilité d’un changement de secteur se situe aux alentours de 49 % pour les travailleurs licenciés des secteurs à fortes émissions, soit un niveau d’environ 8 points de pourcentage plus élevé que pour les travailleurs licenciés des secteurs à faibles émissions. De même, la probabilité d’un changement de métier dans les six ans après la perte d’emploi est de 24 % pour les travailleurs licenciés des secteurs à fortes émissions, soit approximativement 6 points de pourcentage de plus que dans le cas des secteurs à faibles émissions. Les changements de secteur et de métier imposent vraisemblablement un coût eu égard à la perte d’un capital humain spécifique au secteur ou au métier antérieurs, ce qui contribue à accroître les pertes de revenus des travailleurs licenciés (Huckfeldt, 2022[38]; Barreto, Grundke and Krill, 2023[8]; Kambourov and Manovskii, 2009[39]; Neal, 1995[40]; Gathmann and Schönberg, 2010[41]). Ces évolutions mettent donc en évidence les difficultés auxquelles se heurtent les travailleurs licenciés des secteurs à fortes émissions dans leur recherche d’un nouvel emploi dans le même secteur et le même métier.
Les travailleurs licenciés des secteurs à fortes émissions ont une probabilité légèrement plus élevée de partir dans une autre région, mais l’écart n’est pas statistiquement significatif (Graphique 3.8). La probabilité d’un changement de région est de 19 % pour les travailleurs licenciés des secteurs à fortes émissions, soit environ 2 points de pourcentage de plus que pour ceux des secteurs à faibles émissions. Bien que modestes, ces écarts pourraient montrer que les travailleurs des secteurs à fortes émissions sont contraints de trouver un nouvel emploi sur des marchés du travail locaux plus porteurs. En effet, la forte concentration régionale des activités à fortes émissions donne à penser que la suppression d’emplois dans ces secteurs imposera une plus grande mobilité géographique eu égard au déclin de ce pan de l’économie – voir par exemple Lim, Aklin et Frank (2023[42]), OCDE (2023[43]) et chapitre 2. Chose importante pour les secteurs à fortes émissions, l’effet positif exercé sur les revenus par la mobilité régionale est plus marqué pour les travailleurs qui partent des régions rurales vers des centres urbains (Huttunen, Møen and Salvanes, 2018[44]).
Les travailleurs des secteurs à fortes émissions ont une probabilité légèrement plus élevée de quitter l’emploi salarié après leur licenciement, mais là encore ces écarts ne sont pas statistiquement significatifs. Cette sortie du salariat peut être la conséquence d’une transition vers le travail indépendant ou d’une sortie de la population active, notamment sous la forme d’un départ en retraite anticipée (Graphique 3.8). Au bout de six ans, leur probabilité d’avoir quitté l’emploi salarié s’élève à 8 %, contre 7 % pour les travailleurs des secteurs à faibles émissions. Vu que l’échantillon des travailleurs licenciés est essentiellement constitué de travailleurs dans la tranche d’âge de plus forte activité (jusqu’à l’âge de 50 ans), cet effet pourrait indiquer une plus grande probabilité de se tourner vers le travail indépendant – un statut qui n’est généralement pas couvert par les registres administratifs – ou de se mettre en invalidité (Schaller and Stevens, 2015[3]) plutôt que de prendre une retraite anticipée. Pour ce qui est des travailleurs licenciés de plus de 50 ans, ceux des secteurs à fortes émissions ont tout comme ceux des secteurs à faibles émissions une plus grande probabilité de quitter l’emploi salarié, bien que l’écart entre ces deux groupes soit en légère augmentation (les résultats ne sont pas présentés ici). Dans le cas des travailleurs plus âgés, la sortie du marché du travail prend probablement plutôt la forme d’un départ en retraite anticipée (Chan and Huff Stevens, 2001[45]).
Ce chapitre, qui s’est jusqu’à présent essentiellement intéressé aux moyennes pour l’ensemble des pays couverts par l’analyse, a montré que les suppressions d’emplois imposent des coûts substantiels et sensiblement plus élevés aux travailleurs licenciés des secteurs à fortes émissions qu’à ceux des secteurs à faibles émissions. Les coûts des suppressions d’emplois pour les travailleurs licenciés des secteurs à fortes émissions peuvent cependant être très variables selon les pays, tout comme leur écart par rapport aux coûts des suppressions d’emplois pour les travailleurs des secteurs à faibles émissions. La prochaine sous-section met donc à profit le caractère international des données pour étudier les variations des coûts des suppressions d’emplois selon les pays comme au sein de chacun d’eux.
Sur le plan qualitatif, les différences à l’intérieur même des pays entre les coûts imposés par les suppressions d’emplois aux travailleurs licenciés des secteurs à fortes et à faibles émissions s’avèrent similaires : dans tous les pays analysés, les travailleurs licenciés des secteurs à fortes émissions subissent en moyenne de plus grandes pertes de revenus que ceux des autres secteurs au cours des six premières années après le licenciement (Graphique 3.9). Cela porte à croire que les coûts élevés des suppressions d’emplois dans les secteurs à fortes émissions constituent vraisemblablement une caractéristique courante des marchés du travail de la zone OCDE, et qu’ils ne sont sans doute pas l’apanage des pays couverts par cette analyse. L’écart quantitatif entre les pertes de revenus dans les secteurs à fortes émissions et dans ceux à faibles émissions est cependant très variable d’un pays à l’autre. L’écart entre les pertes de revenus moyennes des travailleurs licenciés des secteurs à fortes et à faibles émissions atteint ses plus bas niveaux en Allemagne, en Australie, au Canada, aux Pays‑Bas, au Portugal et en Suède (moins de 5 points de pourcentage), et les plus élevés en Espagne et en France, où il est supérieur à 12 points de pourcentage. Les écarts de pertes de revenus sont dans une certaine mesure fonction des différences de composition sectorielle des activités à fortes émissions. Dans des pays comme l’Australie et les Pays-Bas, les suppressions d’emplois sont concentrées dans le domaine des transports, où les pertes de revenus tendent à être similaires à celles des secteurs à faibles émissions, alors que dans des pays comme la Hongrie, les suppressions d’emplois touchent essentiellement les industries manufacturières lourdes, où les pertes de revenus tendent à être les plus marquées (voir Barreto et al. (à paraître[11])). Les défis auxquels sont confrontés les travailleurs licenciés dans l’ensemble des pays pourraient cependant présenter d’importantes différences au sein même des secteurs détaillés. En France, les importantes différences dans les pertes de revenus sont principalement déterminées par des différences dans le nombre de jours travaillés et dans les salaires de retour à l’emploi, alors qu’en Autriche et en Espagne ces trois composantes présentent toutes des différences notables. Les Pays-Bas se distinguent des autres pays par des écarts dans les probabilités d’occuper un emploi qui réduisent sensiblement les différences entre les pertes de revenus des secteurs à fortes et à faibles émissions, respectivement.
Les pertes de salaire lors du retour à l’emploi peuvent être liées au travailleur ou à l’entreprise. Les pertes de salaire liées au travailleur découlent de la perte des compétences spécifiques à l’entreprise et d’une baisse de la qualité de l’appariement, alors que les pertes de salaire liées à l’entreprise sont un reflet d’une moindre générosité des politiques salariales d’une entreprise (Lachowska, Mas and Woodbury, 2020[29]). La décomposition de la contribution des pertes de salaire aux pertes de revenus en deux composantes respectivement liées au travailleur et à l’entreprise donne à penser que les pertes de salaire liées à l’entreprise comptent pour la plus grande partie de la différence entre les pertes de salaire dans les secteurs à fortes et à faibles émissions, conformément aux résultats obtenus par Barreto, Grundke et Krill (2023[8]). En moyenne pour l’ensemble des pays, les différences entre les pertes de salaire moyennes dans les secteurs à fortes et à faibles émissions sont dans leur totalité liées à l’entreprise (Graphique 3.10). En effet, dans plusieurs pays, les pertes liées au travailleur tendent à être plus faibles dans les secteurs à fortes émissions. Tel est le cas en France, en Hongrie, aux Pays-Bas et en Suède. Une possible explication en pourrait être que les travailleurs des secteurs à fortes émissions possèdent de moindres compétences et sont donc moins exposés au risque d’une perte de capital humain (spécifique à l’entreprise) après leur licenciement. Dans l’ensemble, ces résultats portent à croire que les travailleurs licenciés des secteurs à fortes émissions subissent de plus fortes pertes de revenus, du fait en partie qu’ils ont été licenciés par des entreprises offrant de meilleures rémunérations. Cela pourrait signifier que ces travailleurs se tournent vers des entreprises moins productives où les travailleurs captent des rentes moins élevées, ou qu’ils perdent des différentiels de salaire compensatoires au titre de conditions de travail physiquement éprouvantes (Card et al., 2018[46]; Sorkin, 2018[47]; Hirsch and Mueller, 2020[48]). Les données relatives au Portugal (non présentées) donnent à penser que les travailleurs licenciés des secteurs à fortes émissions se tournent vers des entreprises moins productives, tandis que les données relatives à la France tirées de Brandily, Hémet et Malgouyres (2022[49]) montrent que les travailleurs licenciés pourraient se redéployer vers des entreprises dotées d’une plus forte productivité offrant des rémunérations moins élevées, compte tenu de leur perte de pouvoir de négociation8. Cette perte de pouvoir de négociation est conforme à la constatation du chapitre 2 selon laquelle les travailleurs dont les métiers sont concentrés dans les secteurs à fortes émissions ont une plus grande probabilité que les autres d’être couverts par des conventions collectives.
Après s’être essentiellement intéressée aux variations des coûts des suppressions d’emplois au sein même des pays, cette sous-section examinera à présent comment les différences de coûts associés aux suppressions d’emplois pour les travailleurs des secteurs à fortes émissions varient d’un pays à l’autre.
Le coût des suppressions d’emplois varie considérablement selon les pays (Bertheau et al., 2023[10]). À moins de 30 %, la perte moyenne de revenus annuels subie par les travailleurs licenciés des secteurs à fortes émissions est particulièrement faible en Allemagne, en Australie, au Canada, en Norvège, aux Pays-Bas et en Suède, mais elle est particulièrement élevée au Portugal, où elle est supérieure à 60 % (Graphique 3.11). Cette diversité des situations découle pour une large part des différences de probabilité que les travailleurs licenciés trouvent un autre emploi, ainsi que du nombre de jours travaillés une fois ce nouvel emploi décroché. Au Portugal, pays où les pertes de revenus sont les plus élevées, un éloignement de l’emploi pendant toute une année peut expliquer pour plus de 43 points de pourcentage les pertes de revenus à la suite du licenciement dans les secteurs à fortes émissions, ce à quoi viennent s’ajouter 24 points de pourcentage supplémentaires en raison du moins grand nombre de jours travaillés et 5 autres points de pourcentage au titre de la baisse du salaire lors du retour à l’emploi. À l’inverse, en Suède, pays enregistrant les troisièmes plus faibles pertes de revenus, l’occupation d’un emploi et le nombre de jours travaillés expliquent celles-ci à hauteur de 14 points de pourcentage et de 9 points de pourcentage, respectivement. En revanche, la contribution des pertes de salaire lors du retour à l’emploi est beaucoup moins variable selon les pays et se situe généralement entre 6 et 11 points de pourcentage au maximum. Les principales exceptions sont celles de la Suède et des Pays‑Bas, où les pertes de salaire lors du retour à l’emploi sont bien moins importantes que dans les autres pays étudiés. Il convient de noter que les différences entre les pays au regard des coûts des suppressions d’emplois et de l’importance du chômage sont similaires dans les secteurs à fortes et à faibles émissions, ce qui suggère que les facteurs liés à l’incidence du chômage ont des effets similaires sur les deux secteurs9.
Cette sous-section procède à un examen préliminaire des différents mécanismes qui peuvent déterminer la situation des différents pays telle qu’elle a été précédemment décrite, en mettant l’accent sur la composition de la population active, sur la structure économique des pays et sur la nature des politiques mises en œuvre et des institutions en place.
Les effets des suppressions d’emplois sont certes estimés en comparant des travailleurs licenciés et non licenciés apparemment similaires et leurs situations respectives avant et après les licenciements collectifs, mais les travailleurs licenciés des secteurs à fortes émissions et ceux du reste du secteur privé n’en peuvent pas moins présenter certaines différences sous d’importants aspects (voir par exemple le Graphique 3.5). Cela pose la question de savoir dans quelle mesure les différences de composition des entreprises et des travailleurs selon que l’on considère les travailleurs licenciés des secteurs à fortes ou à faibles émissions peuvent rendre compte des différences entre les coûts des suppressions d’emplois dans les secteurs à fortes et à faibles émissions. Il y a de même lieu de se demander dans quelle mesure les différences de composition des entreprises et des travailleurs expliquent les différences entre les pays du point de vue des coûts imposés par les suppressions d’emplois dans les secteurs à fortes émissions. Pour évaluer jusqu’à quel point ces effets de composition contribuent aux différences observées au sein de chaque pays comme entre chacun d’eux pour ce qui est des coûts des suppressions d’emplois, le Graphique 3.12 présente une décomposition d’Oaxaca-Blinder rendant compte des caractéristiques des individus et des entreprises (voir Encadré 3.4 pour plus de précisions).
La composition des travailleurs et des entreprises est un déterminant clé des différences de coûts des suppressions d’emplois entre les secteurs à fortes et à faibles émissions. Environ deux tiers des différences entre les pertes de revenus des travailleurs des secteurs à fortes et à faibles émissions, respectivement, peuvent être attribués à des différences de composition des travailleurs et des entreprises (Graphique 3.12, partie A). Les travailleurs licenciés dans les secteurs à fortes émissions sont généralement plus âgés, ont une plus grande ancienneté et possèdent de moindres niveaux de compétences transférables (mesurées par la composante des salaires liée au travailleur). Tous ces facteurs sont associés à de plus fortes pertes de revenus10. Par ailleurs, les travailleurs victimes des suppressions d’emplois dans les secteurs à fortes émissions tendent à être, pour une bien plus forte proportion d’entre eux, licenciés par des entreprises offrant d’importants avantages salariaux, c’est-à-dire par des entreprises qui leur versaient des salaires relativement élevés eu égard à leurs compétences, avantages qu’ils perdent lors de leur retour à l’emploi (voir ci-dessus). Enfin, les travailleurs licenciés des secteurs à fortes émissions ont une plus grande probabilité d’exercer des métiers manuels répétitifs, ce qui accroît d’autant leurs pertes de revenus (voir Encadré 3.4).
En revanche, les différences de composition des entreprises et des travailleurs n’expliquent guère les différences observées selon les pays concernant les coûts des suppressions d’emplois dans les secteurs à fortes émissions (Graphique 3.12, partie B). Les différences entre les pays du point de vue des coûts des suppressions d’emplois dans les secteurs à fortes émissions sont sans doute plutôt dues à des différences structurelles plus largement liées au fonctionnement du marché du travail, comme en témoignent les différences d’incidence du chômage (Bertheau et al., 2023[10])11.
L’analyse des suppressions d’emplois repose certes sur la comparaison des résultats des travailleurs licenciés avec ceux des non-licenciés présentant des caractéristiques similaires au sein du même secteur (à fortes émissions ou à faibles émissions), mais les caractéristiques des travailleurs licenciés des secteurs à fortes émissions n’en peuvent pas moins être différentes de celles des travailleurs des secteurs à faibles émissions ou des travailleurs licenciés des secteurs à fortes émissions d’autres pays. Les différences dans le coût des suppressions d’emplois selon les secteurs ou les pays peuvent découler de différences dans la composition des travailleurs licenciés ou dans le coût des suppressions d’emplois pour les travailleurs licenciés similaires. Les décompositions d’Oaxaca-Blinder peuvent être utilisées pour mettre en lumière le rôle de cette composition dans l’explication des différences dans le coût des suppressions d’emplois selon les secteurs ou les pays. Le reste de cet encadré examine d’abord la méthodologie et présente quelques résultats additionnels sur le rôle joué par les métiers.
Commençons par estimer les doubles différences au niveau individuel () à l’aide de la formule suivante :
où indique le résultat moyen pour après la suppression d’emplois (années 1 à 6) et le résultat moyen correspondant avant la suppression d’emplois (années ‑3 à ‑1). L’estimation de la différence des différences au niveau individuel peut à son tour s’écrire sous la forme d’un modèle linéaire des caractéristiques observables des travailleurs licenciés (et non licenciés) des secteurs à fortes et à faibles émissions :
où est un vecteur des caractéristiques des travailleurs et des entreprises mesurées avant le licenciement (c’est-à-dire dans la période de référence au moment t=0 et est un terme d’erreur.
Partant des équations (1) et (2), la décomposition d’Oaxaca-Blinder de l’estimation des triples différences entre les secteurs à fortes et à faibles émissions peut s’écrire sous la forme :
où la première composante sur la droite rend compte du rôle de l’effet de composition, c’est-à-dire la partie expliquée par les différences dans les caractéristiques observables entre les travailleurs licenciés des secteurs à fortes et à faibles émissions, alors que la seconde rend compte de l’effet structurel, c’est-à-dire des différences entre le coût des suppressions d’emplois dans les secteurs à fortes émissions et dans ceux à faibles émissions qui restent inexpliquées lorsque la composition est maintenue constante. Une décomposition similaire peut être utilisée pour mettre en lumière les déterminants des différences de coût des suppressions d’emplois dans les secteurs à fortes émissions selon le pays considéré. Les résultats de la décomposition selon les secteurs au sein des pays et au sein des secteurs selon les pays sont présentés au Graphique 3.12.
Bien que l’analyse de base pour tous les pays s’intéresse essentiellement au rôle de la composition des entreprises et des travailleurs dans l’explication des différences de coût des suppressions d’emploi selon les secteurs et les pays, dans le cas d’un sous-ensemble de pays pour lesquels des informations sur les professions à 3 chiffres (CITP) sont disponibles, il est possible d’aller plus loin et d’analyser le rôle des différences de composition des métiers. Les métiers sont classés en cinq catégories selon leur contenu en tâches comme dans Autor, Levy et Murnane (2003[50]) : manuels non répétitifs, manuels répétitifs, analytiques et cognitifs non répétitifs, cognitifs répétitifs, et interactifs non répétitifs. L’analyse révèle que la composition professionnelle contribue pour une part importante à expliquer les différences entre les pertes de revenus respectivement induites par le licenciement dans les secteurs à fortes et à faibles émissions, en moyenne pour l’ensemble des pays analysés (Graphique 3.13). Plus spécialement, la concentration de métiers manuels répétitifs rend compte de 32 % de la différence entre les pertes de revenus dans les secteurs à fortes émissions et ceux à faibles émissions. Cela suggère que les travailleurs licenciés exerçant des métiers à forte intensité d’émission pourraient avoir des difficultés à trouver un autre emploi vu que les débouchés dans ce même métier sont restreints et qu’ils ne disposent pas des compétences nécessaires pour se tourner vers d’autres professions plus qualifiées.
Les différences du point de vue de l’efficacité de fonctionnement des marchés du travail et du degré auquel les transitions professionnelles sont facilitées peuvent en partie expliquer pourquoi l’incidence du chômage est une importante variable corrélée avec les différences de coûts des suppressions d’emplois selon les pays. Un marché du travail efficace est un marché du travail qui offre des perspectives d’emploi à tous (OCDE, 2019[51]). Le taux de chômage moyen en est un indicateur simple et utile. En effet, les pays ayant de plus bas taux moyens de chômage se caractérisent également par des coûts moyens des suppressions d’emplois sensiblement plus faibles pour les travailleurs des secteurs à fortes émissions (Graphique 3.14, partie A). Par exemple, l’Allemagne, l’Australie, le Canada, le Danemark, la Norvège, les Pays‑Bas et la Suède sont autant de pays où les taux de chômage étaient relativement faibles au cours de la période examinée et qui présentent les plus faibles coûts de suppression d’emplois de tous les pays pris en considération. À l’inverse, l’Espagne et le Portugal, des pays où le taux de chômage tendait à être relativement élevé, affichent les plus hauts niveaux de coût des suppressions d’emplois. Dans le même temps, les politiques du marché du travail pourraient également être un important déterminant des coûts des suppressions d’emplois. À titre d’exemple, les pays qui consacrent d’importantes dépenses aux politiques actives du marché du travail (PAMT), telles que les initiatives de formation et d’aide à la recherche d’emploi, sont également ceux qui présentent des coûts des suppressions d’emplois relativement faibles (Graphique 3.14, partie B). L’Allemagne, le Danemark, la Norvège, les Pays‑Bas et la Suède dépensent ainsi l’équivalent d’environ 20 %, si ce n’est davantage, de leur PIB annuel par habitant par personne au chômage, alors que les travailleurs licenciés supportent des pertes de revenus d’environ 30 %, voire inférieures. Dans d’autres pays, tels que l’Estonie, dont les dépenses par personne au chômage ne représentent qu’un peu plus de 5 % de son PIB annuel par habitant, les pertes de revenus sont supérieures à 50 %12. Cependant, contrairement au taux de chômage, cette variable n’a qu’une valeur purement indicative, car elle n’est pas statistiquement significative13.
À partir des résultats des précédentes sections et des enseignements tirés des travaux existants et du questionnaire de l’OCDE sur les politiques sociales et de l’emploi en lien avec la transition vers la neutralité carbone, cette section examine comment les politiques du marché du travail peuvent soutenir au mieux les travailleurs licenciés dans le cadre de la transition vers la neutralité carbone. Bien que la planification et la préparation à long terme des ajustements du marché du travail à la transition vers la neutralité carbone puissent réduire le risque de suppression d’emplois dans les secteurs à fortes émissions, des pertes d’emplois pourraient bien être inévitables. Les constats de ce chapitre portent à croire que les coûts des suppressions d’emplois sont généralement plus faibles dans les pays dotés de marchés du travail efficaces et où les politiques mises en œuvre et les institutions existantes favorisent une bonne transition d’un emploi à un autre. À ce titre, l’élaboration et l’application de politiques du marché du travail appropriées s’avèrent essentielles, non seulement pour aider les travailleurs licenciés de manière générale, mais aussi pour préserver le soutien de l’opinion publique à la transition vers la neutralité carbone – voir par exemple Dechezleprêtre et al. (2023[5]) et Dabla-Norris et al. (2023[6]). Au-delà des politiques du marché du travail proprement dites, les politiques régionales et territorialisées pourraient également jouer un rôle important – voir Encadré 3.5 et OCDE (2023[14]; 2023[43]), ainsi que Causa et al. (2024[52]).
Depuis le début des années 2000, le secteur automobile australien a dû faire face à d’importants défis, du fait principalement de ses coûts de production élevés et de ses problèmes de compétitivité sur le marché mondial. Bien que le gouvernement australien ait mis en place en 2011 le programme de transformation du secteur automobile (Automotive Transformation Scheme), qui fournit 1 milliard AUD pour encourager les investissements de compétitivité et d’innovation dans le secteur, entre 2013 et 2014 tous les constructeurs automobiles australiens encore existants ont annoncé qu’ils cesseraient leurs activités en 2017. Les projections initiales prévoyaient la perte de 27 500 emplois, dont un grand nombre au sein de la chaîne d’approvisionnement du secteur. Ces évolutions ont lancé un défi aux régions où le secteur automobile était fortement implanté, par exemple au nord d’Adélaïde (Australie‑Méridionale) et dans les grands Melbourne et Geelong (Victoria).
Pour créer de nouveaux emplois et stimuler la croissance économique dans ces régions, le gouvernement australien a créé en 2014 un Fonds pour la croissance (Growth Fund), qui comprend divers sous-programmes destinés à soutenir les activités manufacturières à forte valeur ajoutée, à encourager l’investissement dans de nouveaux créneaux commerciaux, et aider les entreprises de la chaîne d’approvisionnement à se diversifier, et qui fournit par conséquent de fortes incitations à une transition de la production et de l’emploi vers de nouveaux secteurs. Les travailleurs bénéficiaient d’un financement à concurrence de 1 300 AUD à des fins de formation et d’aide à la recherche d’emploi. Les autorités des États de Victoria et d’Australie‑Méridionale, ainsi que les constructeurs automobiles eux-mêmes, ont apporté un soutien supplémentaire à la transition et à la diversification à l’intention des travailleurs.
À la suite de ces initiatives, le nombre total de licenciements a été sensiblement réduit par rapport aux prévisions initiales, puisque les suppressions d’emplois n’ont approximativement touché que 14 000 travailleurs. Ce résultat a été en bonne partie obtenu grâce à une diversification des entreprises de la chaîne d’approvisionnement. Ces évolutions sont en partie imputables au Fonds pour la croissance et à l’important délai avant la fermeture du secteur australien de la construction automobile (Department of Employment and Workplace Relations, 2019[53]). Malgré ces initiatives, l’augmentation des taux de chômage régionaux a été bien supérieure à la moyenne nationale, par exemple dans le nord d’Adélaïde. Cela peut donner à penser que même des initiatives territorialisées de grande ampleur pourraient ne pas permettre d’éviter totalement les stigmates économiques du déclin d’un secteur bénéficiant d’un solide ancrage régional (Beer, 2018[54]).
Du fait des coûts de production élevés et d’une viabilité économique limitée, l’Allemagne a entrepris en 2007 d’éliminer progressivement les subventions aux houillères, prévoyant la fin de ce secteur à l’horizon 2018. Pour accompagner ce processus, la loi allemande sur l’exploitation minière de la houille offrait une aide financière en vue de faciliter la transformation structurelle dans les Länder concernés, à savoir celui de Rhénanie‑du‑Nord‑Westphalie (et plus particulièrement la région de la Ruhr et Ibbenbüren) et celui de la Sarre, grâce notamment à la reconversion des travailleurs et à des prestations d’adaptation au cours de la transition vers la retraite anticipée. L’Allemagne s’est par ailleurs fixé pour objectif d’abandonner progressivement d’ici 2038 l’exploitation minière du lignite, qui est principalement concentrée en Allemagne orientale (Lusace) et en Rhénanie‑du‑Nord‑Westphalie (Rhénanie)1.
Dans le cadre d’un large consensus public, la Commission croissance, changement structurel et emploi mise sur pied en 2018 a élaboré une vaste stratégie visant à offrir des perspectives et une garantie de durabilité économique aux régions touchées par la sortie du lignite. S’attendant à d’importantes pertes d’emplois, divers programmes ont été mis en place pour faciliter la transition des travailleurs du secteur du lignite vers d’autres activités, ainsi que le financement de la recherche, mais aussi pour apporter un plus large soutien à la restructuration économique et à la réhabilitation environnementale des régions affectées. Les jeunes travailleurs et ceux qui possédaient des compétences transférables ont pu bénéficier d’une reconversion et de services de placement tandis que les travailleurs plus âgés ont pu avoir accès à des prestations d’adaptation au cours de la transition vers la retraite anticipée. Le coût de ces programmes s’est élevé à environ 40 milliards EUR, auxquels il convient d’ajouter une enveloppe supplémentaire d’un montant maximal de 5 milliards au titre de la retraite anticipée (OCDE, 2021[55]; Südekum, 2022[56]).
1. Le gouvernement allemand actuellement en place envisage d’accélérer le processus pour renoncer à l’exploitation du lignite dès 2030.
Les suppressions d’emplois entraînent du chômage ainsi que la perte temporaire des revenus du travail jusqu’à ce qu’un nouvel emploi soit trouvé (après quoi une perte partielle de revenus demeure en règle générale). Dans la plupart des pays de l’OCDE, les travailleurs sont surtout protégés des chocs sur les revenus par des dispositifs publics ou contributifs d’aide au revenu, tels que l’assurance‑chômage ou l’aide sociale. Cependant, les indemnités de départ et les dispositifs de retraite anticipée jouent également un rôle important dans certains pays, en particulier pour les travailleurs les plus âgés (Graphique 3.15). Par exemple, au cours de la première année de chômage, les travailleurs licenciés âgés de 40 ans ayant 4 ans d’ancienneté et dont la rémunération antérieure était égale aux deux tiers du salaire moyen national bénéficient en moyenne dans les pays de l’OCDE de l’équivalent d’environ 6.4 mois de la rémunération brute antérieure au titre de l’indemnité de chômage, indemnité de départ incluse, alors que les travailleurs âgés de 60 ans et ayant 20 ans d’ancienneté reçoivent quant à eux jusqu’à 9.5 mois de leur salaire antérieur.
L’assurance‑chômage (AC) constitue sans doute le principal outil de soutien des revenus des travailleurs licenciés. Dans la mesure où elle offre une aide au revenu décisive pendant les périodes de chômage, sous réserve d’une recherche active d’emploi, l’assurance‑chômage favorise une bonne transition professionnelle en permettant à ses bénéficiaires de prendre le temps nécessaire pour trouver un emploi conforme à leurs compétences et à leurs aspirations, au lieu d’avoir à accepter à la hâte un poste peu en accord avec celles-ci. Il s’ensuit qu’elle ne limite pas seulement les pertes de salaire lors du retour à l’emploi, mais favorise également la transformation structurelle en contribuant à une meilleure adéquation entre les compétences des travailleurs et les qualifications requises (Nekoei and Weber, 2017[57]; OCDE, 2023[58]). Le système de prestations d’assurance‑chômage doit toutefois être conçu avec soin afin d’éviter d’affaiblir les incitations à rechercher un emploi et de prolonger les épisodes de chômage – ce qui accroît à son tour le risque de dépréciation des compétences et de diminution des salaires de retour à l’emploi (Schmieder, von Wachter and Bender, 2016[59]) – tout en assurant la nécessaire sécurité des revenus (OCDE, 2023[58]; Marinescu and Skandalis, 2020[60]).
Parmi les pays de l’OCDE, l’importance du soutien des revenus à travers l’assurance‑chômage est très variable, du fait des différences de taux de remplacement des revenus et de durée des droits à prestations. À titre d’exemple, s’il n’est tenu compte que de la première année de chômage – délai après lequel de nombreux travailleurs licenciés ont déjà retrouvé un emploi – l’aide au revenu apportée par l’assurance‑chômage représente en moyenne l’équivalent d’environ 5.4 mois de la rémunération annuelle brute antérieure, et certains pays accordent une aide un peu différente en fonction de l’âge de l’intéressé (Japon, Slovénie et Tchéquie, par exemple) (Graphique 3.15) (OCDE, 2023[58]). Par ailleurs, dans beaucoup de pays de l’OCDE, l’assurance‑chômage fournit un soutien complémentaire au-delà de la première année. L’assurance‑chômage fait en règle générale partie intégrante d’un filet de sécurité sociale plus large qui peut soutenir les travailleurs licenciés, bien que les autres composantes de celui-ci contribuent pour une bien plus faible part au soutien des revenus après la perte d’emploi (Graphique 3.15). Par exemple, après l’expiration des droits aux allocations d’assurance‑chômage, ou lorsque les revenus antérieurs sont peu élevés, l’aide sociale peut offrir un soutien supplémentaire qui représente en moyenne environ 0.2 mois de salaire brut. Son rôle est particulièrement important dans les pays où la durée maximale des droits à allocations d’assurance‑chômage est relativement courte.
Dans beaucoup de pays de l’OCDE, les indemnités de départ constituent un élément essentiel des procédures de licenciement, dans la mesure où elles compensent en partie la soudaine perte de revenus (OCDE, 2019[51]). Le montant de l’indemnité de départ est très variable selon les pays de l’OCDE, mais il est généralement fonction croissante de l’ancienneté dans l’emploi (Graphique 3.15). Étant en moyenne équivalente à un mois de salaire brut dans la zone OCDE, l’indemnité de départ ne contribue que pour une faible part au soutien des revenus au cours de l’année suivant la perte d’emploi pour ce qui est des travailleurs ayant peu d’ancienneté. Toutefois, pour ceux ayant une plus grande ancienneté, l’indemnité est en moyenne équivalente à un peu plus de 4 mois de salaire brut, et peut même représenter plus d’une année de salaire en Türkiye et en Espagne. Elle peut donc offrir une plus grande sécurité financière à des travailleurs qui pourraient éprouver davantage de difficultés à trouver un nouvel emploi à un âge plus avancé. Elle peut dans le même temps offrir aux partenaires sociaux une base de négociation sur les mesures de transition (voir ci-dessous), tout en fournissant aux travailleurs des incitations à favoriser la flexibilité interne à travers la formation et la réorientation interne des effectifs existants. Certains pays imposent par ailleurs une indemnisation complémentaire dans le cas des licenciements collectifs (le Mexique, par exemple). Dans certains pays, une indemnité de départ supplémentaire peut être imposée par des conventions collectives (en Nouvelle‑Zélande et en Türkiye, par exemple) (OCDE, 2020[61]).
Malgré leur rôle dans le soutien des revenus, les indemnités de départ pourraient ne pas être un outil efficace pour réduire les coûts des suppressions d’emplois et favoriser l’ajustement du marché du travail. Elles risquent en effet d’apporter un trop grand soutien aux travailleurs licenciés qui trouvent rapidement un emploi approprié, tout en n’étant que d’un faible secours pour ceux qui éprouvent davantage de difficultés à faire de même. Elles sont toutefois généralement versées sous la forme d’un paiement unique, ce qui crée moins de distorsions du point de vue des incitations à la recherche d’emploi que les prestations d’assurance‑chômage, étant donné qu’il n’est pas nécessaire d’être au chômage pour en bénéficier14. Par ailleurs, vu qu’elles sont fonction des rémunérations antérieures et ne sont pas plafonnées, contrairement aux prestations d’assurance‑chômage, les indemnités de départ peuvent constituer une source particulièrement importante d’indemnisation du chômage pour les travailleurs licenciés dont les rémunérations antérieures étaient relativement élevées. Dans le même temps, des indemnités de départ d’un montant élevé pourraient réduire la mobilité professionnelle des travailleurs menacés de licenciement (Garcia-Louzao, 2022[62]). Il pourrait être plus avisé d’allonger les périodes de préavis plutôt que d’accorder des indemnités de départ plus élevées, car cela pourrait faciliter les interventions des services publics de l’emploi avant que le licenciement ne prenne effet (OCDE, 2020[61]).
Les dispositifs de retraite anticipée permettent de bénéficier du système de retraite dès un âge plus précoce, et par le passé de nombreux travailleurs ont pu y avoir accès dans différents contextes, par exemple pour faciliter la restructuration économique et réduire une offre excessive de main-d’œuvre – voir par exemple Mirkin (1987[63]). Cependant, ces dernières décennies, ces dispositifs ont souvent été réservés aux travailleurs exerçant des métiers dangereux ou physiquement éprouvants. Ces métiers recoupent en partie ceux des secteurs à fortes émissions, de sorte que les possibilités de retraite anticipée ont trouvé une application dans la transition vers la neutralité carbone, mais aussi pour des métiers qui ne sont peut-être pas physiquement éprouvants. Par exemple, dans certains pays, les travailleurs les plus âgés licenciés des secteurs en perte de vitesse peuvent bénéficier de dispositifs facilitant la sortie du marché du travail plutôt que d’une reconversion ou une formation approfondies en vue d’une transition vers de nouveaux secteurs et de nouveaux métiers. Par exemple, le plan allemand de sortie du charbon autorise les mineurs de charbon licenciés à prendre leur retraite à l’âge de 50 ans (mineurs de fond) ou de 57 ans (mineurs de lignite travaillant en surface), alors que les autres travailleurs du secteur du charbon – tels que le personnel technique, logistique et administratif des mines de charbon et de lignite et des centrales électriques – peuvent demander à bénéficier d’une prestation d’adaptation à partir de 58 ans, ce qui leur permet de préserver une partie des revenus auparavant procurés par leur emploi, jusqu’à ce qu’ils aient leurs 63 ans, âge auquel ils pourront partir en retraite anticipée (Furnaro et al., 2021[64]).
Cependant, une fois mis en place, les dispositifs de retraite anticipée sont difficiles à démanteler, et ils ont des effets négatifs durables et importants sur l’offre globale de travail, sur la croissance économique et sur la viabilité des finances publiques (OCDE, 2019[51]; 2009[65]). Eu égard au vieillissement rapide de la population et aux pénuries de main-d’œuvre, les dispositifs de retraite anticipée paraissent être un moyen coûteux et non durable d’accompagner la perte d’emploi. Par ailleurs, si la perspective de bénéficier d’une retraite anticipée n’est pas subordonnée à la suppression de l’emploi, elle peut entraîner une réduction des incitations à s’engager dès un stade précoce dans un processus d’adaptation et de réorientation professionnelle. Par exemple, en Pologne, les mineurs de fond ayant cotisé pendant au moins 25 ans peuvent prendre leur retraite à l’âge de 50 ans. Ce dispositif crée par conséquent de fortes incitations à rester dans le secteur des charbonnages, et il pourrait limiter la mobilité sectorielle et professionnelle (Baran et al., 2018[66]). Le recours aux dispositifs de retraite anticipée pour relever les défis auxquels doit faire face le marché du travail dans la transition vers la neutralité carbone constitue donc une approche imprudente d’un point de vue stratégique et contreproductive sur le plan économique, et devrait être strictement réservé à des cas tout à fait exceptionnels, tels que les métiers dangereux et physiquement éprouvants qui peuvent par ailleurs être associés à une plus courte espérance de vie des travailleurs – voir également OCDE (2023[67]).
Les travailleurs licenciés des secteurs à fortes émissions subissent généralement d’importantes pertes de salaire lors du retour à l’emploi et pourraient hésiter à accepter un emploi dans un nouveau secteur et/ou un nouveau métier si les salaires y sont bien inférieurs à leur rémunération antérieure15. Cela peut les amener à rester plus longtemps au chômage dans l’espoir de trouver un emploi mieux rémunéré, au risque de subir en outre une dépréciation de leurs compétences dans l’attente d’un meilleur emploi, ce qui réduirait leur salaire potentiel de retour à l’emploi et alourdirait les dépenses publiques d’aide au revenu. En améliorant la rémunération des travailleurs dont les salaires de retour à l’emploi sont particulièrement faibles, les mécanismes institutionnels de formation des salaires peuvent garantir que tous les travailleurs bénéficient d’une juste rétribution (Criscuolo et al., 2022[68]; OCDE, 2019[69]). Les prestations liées à l’exercice d’un emploi peuvent jouer un rôle complémentaire de ce point de vue en apportant un soutien financier supplémentaire et en renforçant l’incitation au travail.
Les mécanismes institutionnels de fixation des salaires, sous la forme d’un salaire minimum ou de la négociation collective, ont un rôle important à jouer en veillant à ce que les gains de productivité soient largement partagés avec les travailleurs (OCDE, 2019[51]), notamment dans les secteurs à faibles émissions, où les entreprises proposent des salaires plus bas à compétences égales. Dans nombre de pays, les travailleurs des secteurs à faibles émissions tels que l’hôtellerie et la restauration ont plus de chances de bénéficier d’un salaire minimum, tandis que les travailleurs des secteurs à fortes émissions ont une plus grande probabilité d’être syndiqués et couverts par une convention collective, ce qui pourrait être l’une des raisons pour lesquelles ils tendent à être mieux rémunérés toutes choses égales par ailleurs (OCDE, 2019[69])16. Les suppressions d’emplois dans les secteurs à fortes émissions peuvent entraîner une moindre couverture par des négociations collectives lorsque ces travailleurs partent vers des entreprises ou des secteurs ayant une plus faible probabilité d’être couverts par une convention collective (voir le chapitre 2 et Zwysen (2024[70])). Des données récentes en provenance de France montrent que les pertes de salaire liées à l’entreprise qui sont imputables aux suppressions d’emplois tendent à être une manifestation de la transition vers des entreprises plus productives qui proposent des salaires plus bas à compétences égales et qui ont une moindre probabilité de conclure des conventions collectives (Brandily, Hémet and Malgouyres, 2022[49]). Le salaire minimum et un vaste système de négociation collective peuvent aider à éviter que les suppressions d’emplois ne réduisent le partage des gains de productivité avec les travailleurs vulnérables.
L’assurance‑salaire couvre (en partie) l’écart entre le salaire antérieur au licenciement et celui de retour à l’emploi, d’ordinaire à titre temporaire (Cahuc, 2018[71]). Elle peut de ce fait accroître les incitations à rechercher un emploi et réduire le salaire de réserve et pourrait s’avérer particulièrement efficace pour accélérer le retour à l’emploi (Hyman, Kovak and Leive, 2024[72]). Bien qu’elle puisse en principe être permanente, une limitation de la durée des droits à prestations d’assurance‑salaire et/ou une réduction progressive de son montant pourrait limiter le risque de dépendance à l’égard des prestations. Le besoin d’une assurance‑salaire pourrait par ailleurs diminuer au fil du temps à mesure que les travailleurs gagnent en expérience et développent un capital humain spécifique à l’emploi, ce qui se traduit par des hausses de salaire. L’assurance‑salaire pourrait en outre éviter que les travailleurs plus âgés dont les possibilités de reconversion pourraient être limitées ne quittent définitivement le marché du travail à la faveur des dispositifs de retraite anticipée (OIT/OCDE, 2022[73]). Pour soutenir les travailleurs licenciés les plus âgés, certains pays ont mis en place des dispositifs d’assurance‑salaire par le passé (Encadré 3.6). Aux États-Unis, l’assurance‑salaire a été ciblée sur les travailleurs licenciés en raison de l’évolution des échanges internationaux, et elle a accru les revenus cumulés au cours des quatre années suivant le licenciement en favorisant un retour à l’emploi nettement plus rapide. Ce dispositif était donc pour l’essentiel autofinancé grâce à la réduction des dépenses d’assurance‑chômage et à l’augmentation des recettes fiscales (Hyman, Kovak and Leive, 2024[72]). Les dispositifs mis en œuvre dans d’autres pays, tels que l’Allemagne, n’étaient généralement pas ciblés en faveur de certains groupes de travailleurs licenciés, si ce n’est selon un critère d’âge (Encadré 3.6).
Pour aider les travailleurs ayant perdu leur emploi à la suite de l’essor des échanges internationaux et pour renforcer le soutien de l’opinion publique à la mondialisation, les États-Unis ont adopté en 1962 un programme d’aide à la reconversion professionnelle (Trade Adjustment Assistance – TAA) qui est resté en vigueur jusqu’en 2022. Bien qu’il ait principalement eu pour objet de couvrir le coût des programmes de reconversion et de compléter les prestations d’assurance‑chômage, un dispositif d’assurance‑salaire baptisé Reemployment Trade Adjustment Assistance (RTAA) a été mis en place en 2009. Il visait à atténuer les conséquences financières des suppressions d’emplois tout en encourageant et en accélérant le retour à l’emploi (Hyman, Kovak and Leive, 2024[72])1.
Dans le cadre du RTAA, les travailleurs certifiés TAA âgés de 50 ans ou davantage dont les revenus de retour à l’emploi s’élevaient au maximum à 50 000 USD avant impôts pouvaient prétendre à une prestation complémentaire égale à 50 % de l’écart de salaire par rapport à celui dont ils bénéficiaient dans leur travail antérieur. Cette prestation était plafonnée à 10 000 USD et versée pendant une période maximale de deux ans à compter de la date de retour à l’emploi ou de l’expiration des droits à prestations au titre de l’assurance‑chômage financée par l’État (soit 26 semaines dans la plupart des États). Les taux de participation étaient relativement faibles : environ 30 000 travailleurs ont bénéficié de l’assurance‑salaire entre 2009 et 2021 (Hyman, Kovak and Leive, 2024[72]).
Des données récentes montrent que la possibilité de bénéficier du RTAA a accru la rapidité du retour à l’emploi, tout en augmentant le montant cumulé des rémunérations à long terme, grâce notamment à une accélération du retour à l’emploi. Dans le même temps, rien n’indique que le nouvel emploi des bénéficiaires du RTAA soit de moindre qualité. L’estimation des externalités budgétaires du programme, qui met en évidence une réduction des dépenses d’assurance‑chômage et une augmentation des recettes fiscales d’un montant supérieur à celui des décaissements au titre de l’assurance‑salaire, fait apparaître que le résultat net du programme a été positif, puisqu’il s’est soldé par un bénéfice net pour l’administration publique (Hyman et al., 2021[74]; Hyman, Kovak and Leive, 2024[72]). Trois ans après le licenciement, les probabilités d’occuper un emploi et les revenus des travailleurs sont similaires qu’ils aient ou non pu bénéficier de l’assurance‑salaire (ceux qui en étaient exclus ayant en revanche accès à une formation approfondie). Cela porte à croire que le RTAA a pour l’essentiel été un dispositif peu coûteux permettant de lisser les revenus des travailleurs qui éprouvent des difficultés à trouver un emploi de qualité après leur licenciement à un âge proche de la retraite.
Afin de faciliter le retour à l’emploi des travailleurs licenciés, un programme baptisé Entgeltsicherung (« protection de la rémunération ») a été mis en œuvre en Allemagne de 2003 à 2011. Il était destiné aux travailleurs au chômage âgés de 50 ans ou plus dont les droits à prestations d’assurance‑chômage restant à courir étaient d’au moins 120 jours. Ses bénéficiaires recevaient 50 % de l’écart de salaire net par rapport à leur rémunération antérieure au cours de la première année de retour à l’emploi, puis 30 % dans la seconde année 2. Leurs cotisations d’assurance‑retraite étaient par ailleurs complétées à hauteur de 90 % des cotisations versées au titre du salaire antérieur (Dietz et al., 2011[75]).
Le recours à ce dispositif a été relativement faible, en partie en raison des efforts limités des services publics de l’emploi pour en promouvoir l’utilisation. À titre d’exemple, entre 2003 et 2006, moins de 10 000 travailleurs ont bénéficié de versements d’assurance‑salaire, et la plupart d’entre eux touchaient auparavant des revenus élevés. Du fait probablement du faible recours initial, l’évaluation principale du programme en 2005 n’a pas constaté d’effets significatifs sur le retour à l’emploi (Brussig et al., 2006[76]; ZEW/IAB/IAT, 2006[77]). Cependant, avant son expiration, l’adhésion au programme s’est sensiblement accrue, pour culminer à 20 000 participants en 2011 (Stephan, van den Berg and Homrighausen, 2016[78]). Une nouvelle évaluation du programme Entgeltsicherung sur la base de sa mise en œuvre au cours des périodes ultérieures pourrait s’avérer très instructive et permettre de mieux comprendre les effets des dispositifs d’assurance‑salaire sur les résultats au regard de l’emploi.
Quelques autres pays ont également mis en œuvre des dispositifs ou des expérimentations comparables à l’assurance‑salaire. En France, par exemple, le contrat de sécurisation professionnelle est accessible depuis 2011 aux travailleurs licenciés pour raisons économiques par des entreprises comptant jusqu’à 1 000 salariés (ou en procédure de restructuration ou de liquidation), et il propose pendant une période maximale de 12 mois une compensation intégrale des pertes de salaires, plafonnée à 50 % de leurs droits à prestations d’assurance‑chômage restant à courir (Cahuc, 2018[71]). Il a été démontré que ce dispositif accélère légèrement la reprise d’activité et qu’il favorise une plus grande stabilité de la relation d’emploi (DARES, 2021[79]).
Au Japon, les prestations de maintien en emploi des seniors (高年齢雇用継続給付) apportent un soutien aux travailleurs de 60 à 65 ans, qui sont souvent licenciés pour être sitôt réembauchés sans être titulaires d’un contrat de travail régulier et avec un plus faible niveau de salaire après l’âge de la retraite obligatoire propre à l’entreprise (OCDE, 2018[80]). Ce dispositif offre une indemnisation représentant jusqu’à 15 % des salaires inférieurs à 75 % du salaire moyen au cours des 6 mois précédant le 60e anniversaire du travailleur. À partir de 2025, le niveau maximal d’indemnisation sera ramené à 10 % du montant du salaire (MHLW, 2024[81]).
1. De 2002 à 2009, les États-Unis ont mis en œuvre à titre expérimental un programme baptisé Alternative Trade Adjustment Assistance (ATAA) qui, par rapport au RTAA, était assorti de critères plus stricts pour pouvoir en bénéficier et pour lequel les taux de recours se sont avérés encore plus faibles (Hyman et al., 2021[74]).
2. L’écart de salaire devait être d’au moins 50 EUR et les salaires de retour à l’emploi ne devaient pas être inférieurs aux salaires tarifaires (ou aux salaires d’usage à l’échelle locale dans le cas des entreprises non couvertes par une convention collective), et la relation d’emploi doit avoir été soumise à des cotisations de sécurité sociale (Dietz et al., 2011[75]).
Les dispositifs d’assurance‑salaire peuvent utilement contribuer à compenser les pertes de salaire des travailleurs licenciés dans le cadre de la transition vers la neutralité carbone, tout en accroissant les incitations à rechercher un emploi et à accepter les offres proposées. Par exemple, Haywood, Janser et Koch (2023[31]) proposent un dispositif d’assurance‑salaire pour réduire les coûts des suppressions d’emplois entraînées par le déclin des charbonnages allemands, dont ils font valoir qu’il réduirait des deux tiers le coût social de la sortie du charbon – ce qui représente un montant sensiblement supérieur au coût estimé du dispositif). Les dispositifs d’assurance‑salaire destinés aux travailleurs licenciés des secteurs à fortes émissions pourraient toutefois poser des problèmes d’équité, étant donné que ces travailleurs étaient auparavant employés dans des secteurs bien protégés qui bénéficiaient de rentes importantes et offraient en conséquence des avantages salariaux élevés. Par ailleurs, le subventionnement des écarts de salaire risquerait d’entraîner un blocage dans des emplois peu productifs et/ou de faible qualité et de compromettre ce faisant l’effet d’augmentation de la productivité inhérent au redéploiement de l’emploi (Cahuc, 2018[71]; Parsons, 2023[82]). Ces risques doivent être mis en balance avec l’efficacité potentielle de l’assurance‑salaire et avec la possibilité qu’elle offre de libérer des ressources pour soutenir d’autres projets prioritaires, comme l’illustre l’exemple des États-Unis. De manière plus générale, l’assurance‑salaire pourrait être l’un des outils utilisés pour soutenir les travailleurs licenciés dans la transition vers la neutralité carbone, en particulier là où la mise en œuvre des autres politiques de soutien des revenus et de l’emploi est plus limitée. En effet, le recours aux dispositifs d’assurance‑salaire pour soutenir les travailleurs licenciés au cours de la transformation structurelle a suscité ces derniers temps un intérêt public grandissant17.
Les prestations liées à l’exercice d’un emploi complètent les revenus du travail, souvent de manière permanente, et peuvent accroître l’attractivité du travail comparativement à l’aide au revenu en période de chômage. À ce titre, les prestations liées à l’exercice d’un emploi pourraient réduire la pauvreté au travail, et elles peuvent présenter un intérêt tout particulier pour les travailleurs dont la rémunération potentielle serait peu élevée et dont l’incitation au travail demeure limitée (voir par exemple Immervoll et Pearson (2009[83])). Les prestations liées à l’exercice d’un emploi peuvent dès lors être particulièrement utiles pour apporter un soutien aux travailleurs licenciés dont les compétences sont rendues obsolètes par la perte d’un capital humain spécifique à l’entreprise et dont la rémunération potentielle s’en trouve par conséquent considérablement diminuée. Dans la zone OCDE, les dispositifs de prestations liées à l’exercice d’un emploi prennent notamment la forme de prestations en espèces, telles que la prime d’activité française destinée aux travailleurs à bas salaires, ou celle de crédits d’impôt, comme le « crédit d’impôt sur les revenus du travail » (Earned Income Tax Credit – EITC) aux États-Unis. Les prestations liées à l’exercice d’un emploi peuvent toutefois être pour partie captées par les employeurs à travers l’offre de salaires plus bas, surtout en l’absence d’un salaire minimum d’un niveau modéré. Il a ainsi été estimé que les employeurs captent à leur profit environ 36 % du budget consacré à l’EITC (Nichols and Rothstein, 2016[84]).
Les politiques actives du marché du travail (PAMT) et la formation tout au long de la vie sont importantes pour soutenir les travailleurs licenciés des secteurs à fortes émissions, compte tenu de la difficulté que ces travailleurs éprouvent pour retrouver un emploi aussi bien rémunéré. En favorisant la recherche d’emploi et en dotant les travailleurs des compétences nécessaires, ces politiques peuvent faciliter la transition vers des secteurs et des métiers en essor, dont ceux associés aux activités moins polluantes, ainsi que vers les secteurs et les métiers qui connaissent des pénuries persistantes de main-d’œuvre. Il importe de souligner que dans les pays où les dépenses publiques consacrées aux PAMT sont plus élevées, les travailleurs licenciés tendent à subir en moyenne de plus faibles pertes de revenus (Graphique 3.14). Toute prudence gardée, cela pourrait amener à penser que les PAMT peuvent contribuer à atténuer les coûts des suppressions d’emploi, dès lors que les services publics de l’emploi (SPE) sont suffisamment bien financés. Comme l’a montré le Graphique 3.5, les travailleurs des secteurs à fortes émissions ne participent que rarement, et moins souvent que les travailleurs des autres secteurs de l’économie, aux activités d’enseignement et de formation formelles et non formelles en cours d’emploi. Cela pourrait indiquer une moindre capacité d’adaptation des travailleurs des secteurs à fortes émissions, qui pourraient de ce fait être moins préparés à une transition vers de nouveaux secteurs, eu égard à la demande croissante de compétences.
Les services publics de l’emploi (SPE) peuvent jouer un rôle crucial en aidant les travailleurs licenciés dans leurs efforts de recherche d’emploi et en les orientant vers les débouchés offerts par les secteurs économiques en expansion. Lorsque des obstacles demeurent, les SPE peuvent en outre contribuer à identifier quelles sont les possibilités de formation et de reconversion appropriées eu égard aux compétences demandées sur le marché du travail, ainsi que les aides financières dont peuvent bénéficier ces activités. Il a de fait été démontré que l’aide à la recherche d’emploi contribue plus efficacement que les autres PAMT à accroître les probabilités de retour à l’emploi (Card, Kluve and Weber, 2017[85]). L’aide à la recherche d’emploi sert bien souvent à diriger les demandeurs d’emploi vulnérables vers des emplois verts qui bénéficient d’une forte demande (tel est notamment le cas en Colombie, en Espagne et en République slovaque). À titre d’exemple, dans le cadre du plan pour la reprise et la résilience, l’Espagne soutient les chômeurs vulnérables qui subissent les conséquences de la transition vers la neutralité carbone, et notamment aux femmes, aux jeunes travailleurs et à ceux plus âgés, aux personnes handicapées, ainsi qu’aux chômeurs de longue durée, en leur offrant une aide spéciale à la recherche d’emploi, ainsi que des programmes de formation spécifiquement axés sur les emplois verts (Commission européenne, 2023[86]). Pour apporter un soutien efficace aux travailleurs licenciés au cours de la transition vers la neutralité carbone, les SPE ne doivent pas seulement disposer d’effectifs suffisants, encore faut-il que ceux-ci aient bien conscience des effets de la transition sur les marchés du travail, ainsi qu’une connaissance approfondie des secteurs en déclin comme de ceux émergents. Les SPE doivent par conséquent s’appuyer sur un perfectionnement constant de leurs effectifs grâce à un partage des meilleures pratiques, à des modules en ligne et à une formation poussée, afin de leur donner les moyens d’orienter efficacement les demandeurs d’emploi au cours de la transition vers la neutralité carbone et de leur recommander les possibilités les plus pertinentes de formation et de reconversion de manière à maximiser leur probabilité de trouver un emploi de bonne qualité. Les approches fondées sur l’évaluation et l’anticipation systématiques des besoins en compétences peuvent également être utiles à cet effet – voir le chapitre 4 et OCDE (2023[43]). Une connaissance poussée des possibilités de transition qui s’offrent aux travailleurs amenés à quitter les secteurs et les métiers à fortes émissions, grâce par exemple à une analyse approfondie de la distance entre les compétences requises par les différents métiers ainsi que des possibilités de la combler efficacement compte tenu des offres de formation disponibles, sera également indispensable (Sanchez-Reaza, Ambasz and Djukic, 2023[87]). Outre les SPE, les services privés de l’emploi peuvent également contribuer au bon redéploiement des travailleurs victimes de licenciement (Langenbucher and Vodopivec, 2022[88]).
En général, les transitions professionnelles des travailleurs exerçant des métiers à fortes émissions sont très cloisonnées et se caractérisent par une faible mobilité vers d’autres métiers (voir Encadré 3.7). Cela pourrait certes indiquer que les emplois proposés dans d’autres métiers ne sont pas suffisamment attractifs, mais d’autres obstacles liés aux compétences ou à la situation géographique peuvent empêcher que la transition soit couronnée de succès (Lim, Aklin and Frank, 2023[42]). Par ailleurs, les travailleurs des secteurs à fortes émissions ont une plus grande probabilité d’être plus âgés et moins instruits que ceux des autres secteurs, et ces deux groupes présentent souvent un écart technologique et pourraient différer du point de vue de leurs styles et préférences d’apprentissage (OCDE, 2019[89]). Dès lors, une formation professionnelle et des actions de reconversion de qualité et adaptées aux besoins spécifiques des travailleurs des secteurs à fortes émissions pourraient être indispensables pour doter les travailleurs des compétences nécessaires à une transition vers des métiers ayant des exigences différentes – voir le chapitre 4. L’Estonie, par exemple, apporte un soutien spécifique au perfectionnement et au recyclage des compétences des travailleurs licenciés du secteur de l’huile de schiste en vue de permettre leur transition vers de nouveaux secteurs et de nouveaux métiers (Commission européenne, 2023[86]). Tout comme l’aide à la recherche d’emploi, les programmes de formation qualifiante et de réorientation professionnelle peuvent efficacement contribuer à accroître les probabilités de retour à l’emploi, en particulier à moyen et long termes (Card, Kluve and Weber, 2017[85]). Il a également été démontré qu’ils accroissent les salaires de retour à l’emploi après un licenciement dans le secteur sidérurgique autrichien (Winter-Ebmer, 2006[90])18.
L’ajustement de l’emploi dans les secteurs à fortes émissions fait qu’il est crucial de comprendre la mobilité professionnelle et la recomposition du marché du travail. Pour ce faire, cet encadré se penche sur les transitions professionnelles à un niveau désagrégé (CITP à 3 chiffres)1 en fonction des intensités d’émission. Les métiers sont groupés en quintiles selon leur degré de concentration dans les secteurs à fortes émissions 2 (par exemple, le quintile 5 représente les métiers les plus concentrés dans les émissions à fortes émissions). Les transitions entre les quintiles sont pondérées en fonction de l’emploi afin de tenir compte des différences dans les taux d’emploi qui influent sur le niveau des flux entrants et sortants au départ ou à destination des différents quintiles. La probabilité de passer d’un quintile à un autre est égale au nombre total de transitions entre ces deux quintiles à l’intérieur du pays, divisé par le nombre total de sorties du quintile de départ, puis en en calculant la moyenne pour l’ensemble des pays (Allemagne, Finlande, Hongrie et Portugal). Contrairement à l’analyse principale menée dans ce chapitre, cet encadré prend en considération l’ensemble des transitions et pas uniquement celles faisant suite à un licenciement collectif.
Les travailleurs qui exercent les métiers à plus forte intensité d’émission s’engagent pour la plupart dans une transition vers des métiers caractérisés par une intensité d’émission comparable (Graphique 3.16). Près des deux tiers de ces transitions restent cantonnées au sein du 5e quintile de la distribution des intensités d’émission. Il est moins fréquent que ces travailleurs se dirigent vers des métiers à plus faible intensité d’émission, surtout si elles se situent tout en bas de la distribution. Bien que l’on puisse également observer un bon nombre de transitions internes au sein de tous les quintiles, les quintiles présentant respectivement la plus forte et la plus faible intensité d’émission sont les plus cloisonnés. Cela indique que des obstacles à la mobilité, liés par exemple aux compétences ou à la situation géographique, pourraient exister et poser des difficultés aux travailleurs qui cherchent des emplois à moindre intensité d’émission dans le contexte de la transition vers la neutralité carbone. Cette concentration met en lumière l’urgente nécessité de mettre en œuvre des politiques ciblées pour assurer une transition professionnelle durable et équilibrée.
1. Les écarts dans le pourcentage de changements d’emplois entre le Graphique 3.16 et le Graphique 3.8 s’expliquent par les différences de niveau d’agrégation de l’analyse et par le fait que le Graphique 3.8 s’intéresse exclusivement aux changements d’emploi à la suite d’un licenciement, alors que le Graphique 3.16 tient compte de tous les changements d’emploi.
2. Par exemple, les ouvriers des usines de traitement des métaux présentent une concentration particulièrement élevée dans les secteurs à fortes émissions, alors que les cadres supérieurs sont plus également répartis entre les différents secteurs et se caractérisent donc par une bien plus faible concentration dans les secteurs à fortes émissions.
La plupart des pays de l’OCDE appliquent des réglementations spécifiques en matière de licenciements collectifs qui sont plus strictes que celles régissant les licenciements individuels. Ces réglementations définissent des exigences et des lignes directrices destinées à atténuer les conséquences des suppressions d’emplois pour les travailleurs, tout en permettant aux entreprises d’ajuster leurs effectifs, sous réserve du respect de ces conditions. L’allongement des périodes de préavis, la consultation obligatoire des salariés ou de leurs représentants, les dispositions prévoyant des indemnités de départ supplémentaires, ainsi que les mesures visant à faciliter la transition vers le retour à l’emploi en sont des exemples (OCDE, 2020[61]). L’allongement de la période de préavis obligatoire peut en particulier jouer un rôle important en facilitant l’intervention dès un stade précoce des services publics de l’emploi, comme exposé en détail ci‑après.
L’intervention en amont des services publics de l’emploi pendant la période de préavis et avant l’entrée en vigueur du licenciement (individuel ou collectif) peut s’avérer particulièrement efficace pour diminuer le coût de la suppression d’emplois, par exemple en réduisant les effets stigmatisants du chômage, ou même en l’évitant totalement en favorisant une transition directe d’un emploi à un autre avant même le licenciement (OCDE, 2019[91]). La formation et l’adaptation à de nouvelles fonctions au sein de la même entreprise peuvent également aider à éviter le licenciement (en étant par exemple financées par la Qualifizierungsgeld en Allemagne). Malgré leur efficacité, ces stratégies d’intervention précoce ne sont pas aussi largement mises en œuvre qu’elles pourraient l’être. Un bon exemple en est offert par la région de Silésie, en Pologne, où les travailleurs menacés de licenciement dans les entreprises du secteur du charbon et des activités connexes bénéficient d’un service complet de replacement externe avant que le licenciement ne prenne effet. Une application plus large de ces stratégies pourrait non seulement réduire l’incidence du licenciement grâce à une transition précoce vers de nouveaux emplois mais aussi mieux en accompagner les conséquences en apportant une aide dès un stade initial (OCDE, 2020[61]; 2019[51]).
Les plans sociaux et les initiatives de transition peuvent également jouer un rôle important en atténuant les coûts liés aux suppressions d’emplois, et en préparant les travailleurs licenciés au retour à l’emploi. Ces mesures sont généralement mises en œuvre à travers les efforts conjoints des employeurs et des représentants des travailleurs (et parfois du SPE) et visent à réduire le nombre de licenciements et en particulier à en atténuer les conséquences négatives pour les travailleurs. Certains de ces efforts visent également à proposer aux travailleurs licenciés des trajectoires structurées susceptibles d’accroître sensiblement leurs chances de retour à l’emploi. Un certain nombre de pays mettent en œuvre des dispositifs de chômage partiel pour accompagner la restructuration des entreprises (l’Allemagne ou l’Espagne, par exemple). Bien que cela puisse paraître contre‑intuitif, ces dispositifs ont pour finalité soit de préparer les travailleurs à assumer des fonctions différentes au sein de leur entreprise (par exemple en utilisant une technologie plus verte), soit de les aider à partir dans une autre entreprise (à plus faible intensité d’émission, par exemple).
À titre d’exemple, en Allemagne, des « sociétés de transfert » (Transfergesellschaften) peuvent être créées dans le cadre d’un plan social lors des licenciements collectifs. Les travailleurs peuvent participer volontairement à ces sociétés de transfert pendant une période pouvant atteindre un an, et ils y reçoivent une aide à la recherche d’emploi et une formation qualifiante, en plus de bénéficier de fonds publics et de versements complémentaires de leurs employeurs pour compenser leur perte de salaire. Ces mesures réduisent d’environ un tiers les pertes de revenus au cours de la première année suivant le licenciement, et elles améliorent les résultats au regard de l’emploi, en particulier pour les travailleurs les plus exposés à un risque de chômage prolongé, qui ont également une plus forte probabilité de choisir de participer à de telles sociétés de transfert (Fackler, Stegmaier and Upward, 2023[92]). Un autre exemple en est offert par les « conseils de sécurité de l’emploi » (Trygghetsrådet) suédois. Ceux-ci sont établis par des conventions collectives et financés par les employeurs. Ils offrent un soutien financier et une aide à la recherche d’emploi qui viennent compléter ceux fournis par les SPE et par l’assurance‑chômage (OCDE, 2015[93]). Le soutien des conseils de sécurité de l’emploi ne semble pas avoir un effet significatif sur la durée du chômage ou sur les salaires de retour à l’emploi, du moins pour les cols bleus, mais il semble bien avoir contribué à renforcer la stabilité de l’emploi (Andersson, 2018[94]).
Si elle est essentielle pour assurer un avenir durable, la transition vers la neutralité carbone n’en pose pas moins des défis de taille. Dans l’ensemble, ses effets sur l’emploi devraient être modestes, mais elle aura vraisemblablement des répercussions notables sur les travailleurs des entreprises et des secteurs à forte intensité d’émissions, qui devront modifier leur mode de fonctionnement et, parfois, réduire, voire arrêter, certaines activités. Des politiques d’atténuation du changement climatique tournées vers l’avenir, qui fournissent aux entreprises des orientations sur la réduction prévue des émissions de GES et la disponibilité de dispositifs de reconversion et de subventionnement de la transition écologique, peuvent aider les entreprises à anticiper les changements à venir et à empêcher certaines pertes d’emploi involontaires. Pour autant, il est inévitable que certains emplois soient détruits, d’où l’importance cruciale des mesures qui accompagnent les travailleurs licenciés en leur offrant une garantie de revenu pendant leur période de chômage et en facilitant leur transition vers de nouveaux emplois. À cet égard, des politiques proactives en matière de compétences et d’emploi sont cruciales. Les interventions précoces des services publics de l’emploi, dès la période de préavis du licenciement, peuvent être particulièrement efficaces pour aider les travailleurs licenciés à trouver un autre emploi, éventuellement dans des secteurs et des métiers nouveaux et porteurs, et pour réduire le coût des suppressions d’emplois. Des politiques ouvertes sur l’avenir en matière d’amélioration des compétences et de reconversion sont essentielles pour veiller à ce que les travailleurs qui occupent un emploi dans des secteurs très polluants en déclin puissent acquérir les compétences requises pour se réorienter avec succès vers les activités qui se développent. Elles permettraient non seulement de réduire le coût des suppressions d’emplois en raccourcissant la durée du chômage et en augmentant la rémunération lors du retour à l’emploi, mais aussi d’aider les travailleurs à saisir les nouvelles opportunités qui se présentent, notamment dans les secteurs à faibles émissions, avant de perdre leur emploi.
Lors des réflexions menées sur les mesures de soutien adaptées aux travailleurs victimes d’un licenciement, il est essentiel de se demander si les travailleurs qui perdent leur emploi du fait de la transition vers la neutralité carbone doivent bénéficier d’une aide ciblée ou s’il vaut mieux avoir recours à des dispositifs universels qui apportent une aide efficace à tous les travailleurs licenciés, pour quelque motif que ce soit (OCDE, 2005[95]). La réponse à cette question pourrait être différente d’un pays à l’autre, mais l’application de politiques spécifiques aux travailleurs licenciés pour des raisons liées à la transition vers la neutralité carbone pourrait être justifiée par des considérations d’économie budgétaire. Ces mesures peuvent être considérées comme un moyen de dédommager les travailleurs des coûts des changements structurels induits par l’action publique, mais aussi de préserver le soutien de l’opinion publique aux politiques d’atténuation du changement climatique. Cependant, ces mesures ciblées posent également d’importants problèmes de mise en œuvre liés à la difficulté de justifier les différences de traitement réglementaire de différentes catégories de travailleurs licenciés, et au fait que les motifs des suppressions de poste ne sont pas toujours faciles à établir dans la pratique. De ce point de vue, des systèmes universels peuvent être préférables, mais ils nécessitent également un consensus politique en faveur de politiques résolues d’aide au revenu et au retour à l’emploi, qui n’existe pas toujours.
Ce chapitre propose plusieurs pistes de travail importantes pour l’avenir. Premièrement, les conséquences des suppressions d’emplois dans les activités à forte intensité d’émissions et les mesures prises en conséquence par les pouvoirs publics dépendront certainement beaucoup du contexte régional. Des travaux pourraient ainsi être menés à l’avenir pour analyser dans quelle mesure le coût des suppressions d’emplois dépend de la concentration régionale des activités à forte intensité d’émissions, dans quelle mesure les licenciements collectifs et les fermetures d’entreprises influent sur les résultats enregistrés sur le marché du travail à l’échelon local, et dans quelle mesure les politiques territorialisées prenant en compte la situation locale et les politiques facilitant la mobilité géographique ont un rôle à jouer. Deuxièmement, il est impératif de mieux comprendre les obstacles spécifiques qui empêchent les travailleurs des secteurs à fortes émissions de réussir leur transition professionnelle. Ce chapitre montre déjà que les transitions entre les professions à fortes émissions et les professions à faibles émissions sont rares. À l’avenir, on pourrait étudier dans quelle mesure la faible mobilité professionnelle tient à des obstacles liés aux compétences, à la géographie ou à une demande insuffisante. De tels travaux permettraient non seulement de mieux comprendre comment offrir un meilleur accompagnement aux travailleurs ayant perdu leur emploi dans des secteurs en déclin, mais aussi pourquoi les entreprises confrontées à des pénuries de main-d’œuvre persistantes peinent à trouver des travailleurs qualifiés.
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[4] Sullivan, D. and T. Wachter (2009), “Job Displacement and Mortality: An Analysis Using Administrative Data<sup>*</sup>”, Quarterly Journal of Economics, Vol. 124/3, pp. 1265-1306, https://doi.org/10.1162/qjec.2009.124.3.1265.
[30] Upward, R. and P. Wright (2017), “Don’t Look Down: The Consequences of Job Loss in a Flexible Labour Market”, Economica, Vol. 86/341, pp. 166-200, https://doi.org/10.1111/ecca.12254.
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[70] Zwysen, W. (2024), Green transition and job quality: risks for worker representation, https://www.etui.org/publications/green-transition-and-job-quality-risks-worker-representation.
Pays |
Nom |
Source |
Échantillon |
Période |
---|---|---|---|---|
Australie |
Person Level Integrated Data Asset (PLIDA) |
Administration fiscale |
Échantillon aléatoire de 10 % des travailleurs |
2002‑19 |
Autriche |
AMS-BMASK Arbeitsmarktdatenbank |
Administration de la sécurité sociale |
Universel |
2000‑19 |
Canada |
Base de données canadienne sur la dynamique employeurs-employés |
Administration fiscale |
Universel |
2001‑19 |
Danemark |
Integrerede Database for Arbejdsmarkedsforskning (IDA) et autres données de Statistics Denmark |
Administration fiscale |
Universel |
2000‑19 |
Estonie |
Données du registre du Conseil des impôts et des douanes |
Administration fiscale |
Universel |
2003‑19 |
Finlande |
Données sur l’emploi de FOLK issues de Statistics Finland, rapport sur la masse salariale des employeurs provenant de l’administration fiscale |
Administration fiscale |
Universel |
2000‑19 |
France |
Panel DADS |
Administration de la sécurité sociale |
Échantillon aléatoire de 8.5 % des travailleurs |
2002‑19 |
Allemagne |
Integrierte Erwerbsbiographien (IEB) |
Administration de la sécurité sociale |
Échantillon aléatoire de 10 % des travailleurs |
2000‑19 |
Hongrie |
ADMIN – I – Panel de données administratives (OEP, ONYF, NAV, NMH, OH) |
Administration de la sécurité sociale |
Échantillon aléatoire de 50 % des travailleurs |
2003‑17 |
Pays-Bas |
Microdonnées du CBS de Statistics Netherlands |
Administration fiscale |
Universel |
2006‑19 |
Norvège |
Arbeidsgiver- og arbeidstakerregister (Aa-registeret), Lønns- og trekkoppgaveregisteret (LTO) |
Administration fiscale |
Universel |
2000‑19 |
Portugal |
Quadros de Pessoal |
Enquête obligatoire auprès des employeurs |
Universel |
2002‑19 |
Espagne |
Muestra Continua de Vidas Laborales con Datos Fiscales (MCVL-CDF) |
Sécurité sociale et administration fiscale |
Échantillon aléatoire de 4 % des travailleurs |
2006‑19 |
Suède |
Longitudinell integrationsdatabas för sjukförsäkrings- och arbetsmarknadsstudier (LISA), Företagens ekonomi (FEK), Jobbregistret (JOBB) |
Administration de la sécurité sociale |
Universel |
2002‑18 |
← 1. L’analyse des suppressions d’emplois présentée dans ce chapitre repose sur les contributions de Stefano Lombardi (VATT, IFAU, IZA et UCLS), Patrick Bennett (Université de Liverpool et IZA), Antoine Bertheau (NHH et IZA), Winnie Chan (StatCan), Andrei Gorshkov (Université d’Uppsala), Jonathan Hambur (Reserve Bank of Australia), Benjamin Lochner (FAU, IAB et IZA), Jordy Meekes (Université de Leiden et IZA), Tahsin Mehdi (StatCan), Balázs Muraközy (Université de Liverpool), Gulnara Nolan (Reserve Bank of Australia), Oskar Nordström Skans (Université d’Uppsala, UCLS, IZA et IFAU), Kjell Salvanes (NHH et IZA), et Rune Vejlin (Université d’Aarhus et IZA). Ce chapitre s’inscrit dans un projet plus large de l’OCDE qui mobilise les données croisées employeurs-salariés à l’appui de la recherche et de l’analyse des politiques à l’échelle internationale (LinkEED 2.0). Pour plus de détails, consulter le site www.oecd.org/employment/emp/linkeedv2.htm.
← 2. On a déjà pu observer des chocs importants ou des contractions à long terme ayant eu une incidence sur l’activité et l’emploi dans les secteurs à forte intensité d’émissions. Par exemple, la chute inattendue des cours internationaux du pétrole entre 2014 et 2016 a eu des retombées considérables sur l’économie norvégienne, les travailleurs de l’industrie pétrolière ayant été particulièrement touchés par les suppressions d’emplois et le chômage par comparaison avec ceux des autres secteurs d’activité (Juelsrud and Wold, 2019[97]; Salvanes, 2022[96]). De la même manière, le déclin de l’industrie du charbon observé dans plusieurs pays de l’OCDE et les pertes d’emplois qu’il a entraînées ont conduit à des pertes de revenu importantes à long terme et ont assombri les perspectives d’emploi des travailleurs concernés (Andrews, Dwyer and Vass, 2023[32]; Haywood, Janser and Koch, 2023[31]; Rud et al., 2022[33]; Chen and Morissette, 2020[34]).
← 3. Le paquet « Ajustement à l’objectif 55 » prévoit une réduction globale de 55 % des émissions, avec des objectifs variables selon les secteurs. Par exemple, les secteurs concernés par le système d’échange de quotas d’émission de l’UE devront réduire de 61 % leurs émissions par rapport aux niveaux de 2005, tandis que les secteurs régis par le règlement sur la répartition de l’effort sont tenus de parvenir à une réduction de 40 %.
← 4. Pour obtenir une vue d’ensemble et des précisions sur les approches relatives à la mesure des emplois associés à de fortes émissions, plutôt que des secteurs, voir le chapitre 2 et Causa, Nguyen and Soldani (2024[101]).
← 5. Le modèle ENV-Linkages de l’OCDE est un modèle d’équilibre général calculable qui établit un lien entre l’activité économique et les émissions de gaz à effet de serre dans différents secteurs macroéconomiques et régions. Pour plus de détails, consulter Château, Dellink et Lanzi (2014[102]).
← 6. Cela peut tenir à différents facteurs, notamment : les travailleurs des secteurs à forte intensité d’émissions peuvent travailler dans des entreprises plus productives ; les entreprises de ces secteurs captent des rentes plus élevées ; les travailleurs disposent dans ces secteurs d’un fort pouvoir de négociation à la faveur d’un taux de syndicalisation et d’une couverture conventionnelle plus élevés ; ou les entreprises compensent les conditions de travail difficiles sur le plan physique par des rémunérations plus élevées (Card et al., 2018[46]; Sorkin, 2018[47]; Hirsch and Mueller, 2020[48]; Brandily, Hémet and Malgouyres, 2022[49]).
← 7. Les salaires plus bas lors du retour à l’emploi, mesurés en termes de salaires journaliers, sont déterminés par le montant des salaires horaires et par la durée du travail. Ce sont les salaires journaliers, et non pas les salaires horaires, qui sont pris en compte, afin d’assurer une meilleure comparabilité internationale des résultats – voir Barreto et al. (à paraître[11]). Le moins grand nombre de jours travaillés, sous réserve d’avoir occupé un emploi au moins une journée au cours de l’année, peut être le résultat d’un ensemble de facteurs, dont un retour au travail en cours d’année (étant donné que le premier emploi après le licenciement commence après le 1er janvier), l’instabilité de l’emploi après le licenciement (par exemple si les travailleurs ont une plus grande probabilité d’être embauchés dans un nouvel emploi sous un contrat temporaire), ou encore une sortie définitive de l’emploi salarié en cours d’année (par exemple en raison d’une transition vers l’inactivité ou le travail indépendant après le 1er janvier).
← 8. Les auteurs constatent que les travailleurs licenciés tendent à se tourner vers des entreprises ayant une moindre probabilité de conclure une convention collective d’entreprise et dont la main-d’œuvre tend à être moins organisée.
← 9. Le classement des pays selon les pertes de revenus à la suite de la suppression d’emplois dans les secteurs à fortes émissions est dans l’ensemble similaire à ce qu’il est dans le cas des secteurs à faibles émissions, qui sont plus représentatifs de l’expérience globale en matière de perte d’emplois au sein de l’économie (graphique d’annexe 1.A.2). La France constitue une exception notable dans la mesure où les pertes de revenus, qui étaient auparavant légèrement supérieures à la moyenne, sont désormais moins élevées que la moyenne. L’importance du chômage en tant que facteur d’explication des différences entre les pays demeure inchangée.
← 10. Les travailleurs les plus âgés possédant une grande ancienneté avant la suppression d’emplois sont particulièrement exposés au risque de licenciement, alors que les hommes subissent en règle générale des pertes plus limitées que les femmes (Illing, Schmieder and Trenke, 2022[99]; Athey et al., 2023[35]). Lorsque tous les travailleurs jusqu’à l’âge de 60 ans sont pris en considération dans l’analyse, le facteur de l’âge apporte, dans le cadre de la décomposition d’Oaxaca-Blinder, une contribution légèrement plus importante aux différences de coûts des suppressions d’emplois entre les secteurs à fortes et à faibles émissions (résultats non présentés).
← 11. Les différences entre les pays sont analysées par rapport au pays où les pertes de revenus sont les plus faibles (Norvège).
← 12. La corrélation entre les dépenses au titre des PAMT et les pertes de revenus induites par les suppressions d’emplois est très variable selon les catégories de dépenses et elle atteint son plus haut niveau dans le cas des dépenses affectées aux agents de traitement des cas, à l’aide à la recherche d’emploi et à l’accompagnement des chômeurs.
← 13. Pour les pertes de revenus dans les secteurs à faibles émissions, les coefficients de pente par rapport au taux moyen de chômage et aux dépenses moyennes par chômeur au titre des PAMT en pourcentage du PIB par habitant sont respectivement de ‑2.08 et 0.40. Cela indique que la corrélation entre ces variables est qualitativement similaire à celle observée dans les secteurs à fortes émissions.
← 14. Les indemnités de départ peuvent également avoir une incidence sur la recherche d’emploi à travers un effet de revenu qui pourrait accroître la durée globale de la période de chômage (Chetty, 2008[100]).
← 15. Dans certains pays, tels que l’Allemagne, les demandeurs d’emploi inscrits peuvent refuser des offres d’emploi sans avoir à subir aucune conséquence dès lors que le salaire proposé est sensiblement inférieur à celui servant au calcul des indemnités de chômage.
← 16. Par exemple, en Allemagne, la présence de puissantes confédérations syndicales dans les secteurs à fortes émissions a une incidence cruciale sur la qualité des emplois comparativement aux autres secteurs (Jäger, Noy and Schoefer, 2022[98]). Dans l’ensemble, les entreprises allemandes liées par des conventions collectives et celles dotées de conseils d’entreprises tendent à offrir de plus grands avantages de salaire (Hirsch and Mueller, 2020[48]).
← 17. Voir par exemple les articles du journal Le Monde (2024), « Comment mieux accompagner la transition environnementale sur le marché du travail ? », www.lemonde.fr/idees/article/2024/05/17/comment-mieux-accompagner-la-transition-environnementale-sur-le-marche-du-travail_6233817_3232.html, et du Financial Times (2024), « What if the government insured you against a pay cut? », www.ft.com/content/651c615e-4237-4b21-9158-016cb577d0f0.
← 18. La méta‑analyse de Card, Kluve et Weber (2017[85]) porte à croire que les effets sur l’emploi de l’aide à la recherche d’emploi et des efforts de reconversion présentent des profils temporels différents. Les programmes d’aide axés sur un placement immédiat ont les mêmes effets à court et à long terme, alors que les actions de formation et de reconversion ont quant à elles des effets plus notables sur l’emploi à moyenne et longue échéances.