Ce chapitre s’intéresse à la manière dont les administrations fiscales gèrent le recouvrement des créances et présente les caractéristiques d’une fonction moderne de recouvrement des dettes fiscales. Il contient également des exemples d’approches suivies par les administrations visant à éviter l’accumulation d’arriérés d’impôt.
Administration fiscale 2023
7. Perception
Abstract
Introduction
La fonction de recouvrement consiste à intervenir auprès des contribuables et à prendre éventuellement des mesures à l’encontre de ceux qui ne produisent pas leurs déclarations à temps, ou n’effectuent pas un paiement à la date d’échéance. Malgré le développement des régimes de déclaration préremplie ou d’absence de déclaration au cours de ces dernières années (voir chapitre 4), le dépôt d’une déclaration demeure obligatoire dans la majorité des juridictions étudiées dans cette publication. Même si en 2021 les taux moyens de respect des délais de dépôt se sont situés entre 76 % et 88 %, au moins 160 millions de déclarations n’ont pas été déposées à temps (voir chapitre 4). Il importe par conséquent que les administrations fiscales continuent de concentrer leurs efforts sur les moyens d’agir contre le dépôt tardif ou le défaut de déclaration.
En ce qui concerne le recouvrement des arriérés d’impôt, toutes les administrations participant à l’enquête, à l’exception d’une seule, ont indiqué affecter du personnel à cette tâche (l’administration fiscale chilienne a déclaré que le recouvrement des créances fiscales ne relevait pas de ses attributions ; voir tableau A.20.). Selon les informations communiquées par les administrations fiscales dans le cadre de l’enquête ISORA 2022, la fonction de recouvrement mobilise en moyenne 11 % environ du total des agents (voir tableau D.8.).
Le cadre législatif confère aux agents du fisc des pouvoirs qui leur permettent de mettre en œuvre certaines mesures concernant la gestion des créances fiscales, le recouvrement des paiements non honorés, ainsi que les actions coercitives pouvant être prises à l’encontre des débiteurs défaillants. L’édition 2019 comportait une section récapitulant les pouvoirs des administrations fiscales en matière de gestion, de recouvrement et d’exécution et l’usage qu’elles en font (OECD, 2019[1]). Cette question n’a pas fait depuis l’objet d’un examen plus poussé. On peut toutefois supposer que l’existence et l’utilisation de tels pouvoirs n’ont pas changé de manière significative.
Ce chapitre :
examine brièvement les caractéristiques d’une fonction moderne de recouvrement des créances fiscales, ainsi que les éléments indispensables à une stratégie de gestion efficace dans ce domaine ;
analyse les performances des administrations fiscales en matière de recouvrement des créances fiscales ; et
fournit des exemples de solutions visant à prévenir l’accumulation de créances.
Caractéristiques d’une fonction de recouvrement des créances
Pour maintenir un niveau élevé de respect volontaire des obligations fiscales et de confiance dans le système fiscal, les administrations doivent veiller à ce que leurs procédures de recouvrement soient « adaptées à l’objectif poursuivi » et qu’elles répondent aux attentes des contribuables quant à la manière dont le système sera géré. Il s’agit non seulement de prendre des mesures fermes à l’encontre des contribuables qui manquent sciemment à leurs obligations, mais aussi de s’inspirer des principes de la relation client pour être plus à l’écoute de ceux souhaitant s’y conformer, mais qui ne sont pas en mesure de le faire pour des raisons compréhensibles, comme des problèmes de trésorerie passagers. De plus en plus d’administrations fiscales adoptent une vision de bout en bout ou systémique de leurs processus et cherchent à connaître les raisons pour lesquelles les déclarations n’ont pas été déposées ou les paiements n’ont pas été effectués. Elles s’appuient également sur des informations concernant les antécédents du contribuable afin de mettre en évidence des schémas ou des anomalies. L’encadré 7.1. donne un aperçu de quelques initiatives nouvelles dans ce domaine.
Le rapport de 2014 intitulé Working Smarter in Tax Debt Management (OCDE, 2014[2]) donne un aperçu d’une fonction moderne de recouvrement des créances fiscales et en présente les caractéristiques essentielles :
Analyses avancées – Elles permettent d’exploiter toutes les informations dont les administrations fiscales disposent sur les contribuables afin de cibler les débiteurs avec plus de précision et d’intervenir au bon moment.
Stratégies de traitement – La fonction de recouvrement nécessite plusieurs types d’interventions, qu’il s’agisse de minimiser le risque d’impayés, d’aider les contribuables à effectuer des paiements, ou de mettre en œuvre des mesures coercitives appropriées si nécessaire.
Centres d’appels sortants – Ils permettent de traiter efficacement un volume important de créances.
Organisation – Le recouvrement des créances est une fonction spécialisée qui est généralement organisée en conséquence. Des indicateurs de performance appropriés et une démarche d’amélioration continue permettent de parvenir aux résultats souhaités.
Dettes internationales – Le recours approprié et au moment opportun à l’assistance internationale est crucial, en particulier les « articles concernant l’assistance en matière de recouvrement » figurant dans les conventions entre juridictions.
Le rapport de 2019 intitulé Successful Tax Debt Management: Measuring Maturity and Supporting Change (OCDE, 2019[3]) apporte des éclairages supplémentaires quant aux éléments nécessaires à une stratégie efficace de gestion des créances fiscales et énonce quatre principes stratégiques dont les administrations fiscales jugeront peut-être bon de tenir compte lors de l’élaboration de leur stratégie de gestion des créances fiscales. Ces principes se concentrent sur le calendrier des interventions dans le cycle de gestion des créances, depuis l’examen des mesures visant à prévenir la naissance des créances, en passant par un dialogue précoce et continu avec les contribuables avant d’engager une action en exécution, jusqu’à des mesures coercitives efficaces et proportionnées, et des stratégies raisonnables d’annulation. Ils reposent sur l’idée selon laquelle le meilleur moyen de minimiser le risque de créances impayées est de s’y attaquer sans perdre de temps, idéalement avant qu’elles ne voient le jour. Le rapport présente également un modèle de maturité de gestion des créances fiscales, ainsi qu’un recueil d’initiatives jugées concluantes en la matière.
Encadré 7.1. Exemples nationaux : Amélioration de la gestion des dettes fiscales
Australie : Communication d’informations sur les dettes fiscales des entreprises
En Australie, la législation relative à la communication d’informations sur les dettes fiscales des entreprises vise à favoriser auprès des entreprises une prise de décision plus éclairée en leur permettant d’avoir une meilleure visibilité sur les arriérés d’impôt et en invitant les contribuables à se rapprocher de l’Australian Tax Office (ATO) afin de rechercher des solutions pour gérer leurs dettes fiscales. Cela permet de réduire l’avantage indu dont bénéficient les entreprises qui ne payent pas leurs dettes fiscales dans les délais.
Lorsque les contribuables ne s’impliquent pas activement dans la gestion de leurs dettes fiscales, l’ATO peut transmettre les éléments relatifs à ces dettes aux agences d’évaluation du crédit. L’administration se fonde pour agir sur des critères législatifs, à savoir que les arriérés d’impôt du contribuable sont supérieurs à 100 000 AUD durant une période excédant 90 jours et que la société est toujours en activité.
Une solution informatique a été déployée afin d’automatiser la sélection des contribuables et d’établir un premier contact par l’envoi d’une notification les avisant de l’intention de l’administration de communiquer des données concernant les dettes dont ils sont redevables (Intent to Disclose notice, ITDN). Cet outil permet une approche « intégrée » et une intervention humaine minimale avec tous les contribuables concernés. Si aucune mesure n’est prise par le contribuable consécutivement à l’envoi de la notification, l’administration fiscale le contacte par téléphone avant une éventuelle transmission des informations. Ces différentes étapes conduisent les contribuables à se réengager sérieusement dans la gestion de leurs dettes fiscales. En conséquence, au 31 décembre 2022, 1 contribuable contacté sur 3 avait pris des mesures pour gérer ses dettes fiscales et plus de 2 milliards AUD font désormais l’objet d’une facilité de paiement.
Géorgie : Réforme de la gestion des créances fiscales
Le Service des recettes publiques de Géorgie a mis en place de nouveaux mécanismes de gestion des créances fiscales destinés à améliorer la discipline fiscale des contribuables, à savoir :
Renforcement des mécanismes de prévention consistant à informer les contribuables du risque d’accumulation des dettes et à leur expliquer les méthodes de paiement disponibles. Le contribuable reçoit des SMS sur son téléphone et des courriers électroniques dans son espace personnel sur le site internet de l’administration fiscale.
Amélioration du taux de recouvrement des créances en identifiant les contribuables débiteurs dans une base de données centralisée, qui permet également de recenser les contribuables dont les dettes augmentent et de cibler les interventions sur ces derniers. Ce processus prend en compte la situation financière des contribuables et cible les mesures de recouvrement sur la base de l’analyse des informations dont dispose le Service des recettes publiques de Géorgie et des échanges avec les contribuables. Un échéancier de paiement peut aussi être proposé aux contribuables qui coopèrent avec l’administration fiscale.
Réduction de l’encours d’anciennes créances en leur attribuant le statut « Créance actuellement irrécouvrable ». Le fait d’attribuer ce statut de manière récurrente est une condition préalable à la réduction de créances, désormais effectuée périodiquement pour ne pas affecter la continuité de l’activité et le développement économique du contribuable.
Ces mesures permettent le développement d’un modèle de gestion des créances plus souple et plus efficace, fondé sur le principe d’une coopération avec les contribuables, ce qui contribue à améliorer le taux de respect spontané des obligations fiscales, car ce modèle fournit aux contribuables des informations actualisées sur leurs droits, obligations et sur d’éventuelles actions en recouvrement.
République slovaque : Retrait du permis de conduire des débiteurs fiscaux
En République slovaque, depuis 2020, à moins que ses revenus ne dépendent de la détention d’un permis de conduire (par exemple, un chauffeur de bus ou de taxi, un conducteur de camion), un débiteur peut se voir retirer son permis de conduire. L’administration fiscale commence par émettre un avis d’imposition, ce qui donne au débiteur la possibilité de régler ses arriérés d’impôt et de s’éviter ainsi un retrait de permis, et lui permet également de faire appel de la procédure de recouvrement. La procédure de recouvrement est menée en étroite coopération avec les autorités de police, seules habilitées à procéder au retrait du permis de conduire. Les résultats en termes de recouvrement ont été significatifs, puisque même les créances fiscales non recouvrables depuis très longtemps ont été payées par les débiteurs après le lancement de cette nouvelle initiative.
Espagne : Application de vente aux enchères
L’Agence fiscale espagnole (AEAT) propose depuis 2022 une application de recherche de biens mobiliers et immobiliers faisant l’objet de procédures de ventes aux enchères. Cette nouvelle fonctionnalité vise à accroître le nombre d’enchères et à les rendre plus accessibles aux citoyens, ce qui devrait se traduire par une augmentation du produit des ventes, au bénéfice de l’AEAT et des débiteurs. À cela s’ajoute un service téléphonique dédié qui permet aux acquéreurs potentiels d’obtenir des informations détaillées sur les biens vendus et aux personnes qui remportent les enchères d’être accompagnées.
Le système a été conçu pour localiser facilement n’importe quel bien immobilier et rechercher les biens correspondant aux préférences de l’utilisateur. Il permet également aux utilisateurs de sauvegarder et de partager leurs propriétés préférées. Un système d’alerte sur abonnement a aussi été mis en place pour avertir la partie intéressée du lancement d’une enchère répondant aux critères requis. L’accès au système se fait par le biais de diverses plateformes d’identité numérique publiques et les annonces relatives aux enchères sont diffusées sur le portail web de l’AEAT et sur les médias sociaux.
Royaume-Uni : Self-Serve Time to Pay
L’administration fiscale britannique (HRMC) a pour objectif d’améliorer la résilience et l’efficacité de ses services et de mieux accompagner les contribuables, en veillant à ce qu’il soit aussi facile que possible pour ceux d’entre eux rencontrant des difficultés financières de s’acquitter de leurs éventuels arriérés d’impôt en totalité ou dans le cadre d’un échéancier de paiement.
Depuis 2022, le service « Self-Serve Time to Pay (SSTTP) » a été étendu aux employeurs assujettis au prélèvement fiscal à la source. Pour la première fois, les employeurs concernés peuvent décider eux-mêmes d’opter pour un échéancier.
Les contribuables ont déclaré à HMRC qu’ils préféraient utiliser le service SSTTP pour la gestion de leurs dettes fiscales. Ce service permettra également aux agents de HMRC de se concentrer sur des questions plus complexes et sur les contribuables qui ont besoin d’une assistance individuelle pour le règlement de leurs dettes.
Le service est accessible via plusieurs points d’entrée, dont Business Tax Account et GOV.UK. Les contribuables concernés ont la possibilité d’effectuer des paiements anticipés et d’établir un échéancier de paiement (par prélèvement automatique) pour les dettes dont ils sont redevables que ce soit dans le cadre d’un régime déclaratif ou de prélèvement à la source applicable aux employeurs.
Au cours des deux premiers mois, environ 600 clients ont mis en place des échéanciers portant sur des dettes d’un montant supérieur à 2.5 millions GBP. Ces résultats ont été obtenus sans promotion active du service.
Durant l’année 2023, HMRC élargira encore ce service, en le mettant à la disposition des assujettis à la TVA, ce qui réduira la charge de travail pesant sur certains de ses contribuables les plus vulnérables tout en leur donnant l’assurance que les dettes fiscales dont ils sont redevables sont gérées de manière équitable.
Source : Australie (2023), Géorgie (2023), République slovaque (2023), Espagne (2023) et Royaume‑Uni (2023).
Performance en matière de recouvrement des créances en souffrance
Le montant total des arriérés reste très élevé, de l’ordre de 2 500 milliards EUR en fin d’exercice. À des fins d’enquête et d’analyse comparative, le « total des arriérés en fin d’exercice » correspond au montant total des créances fiscales et des créances sur d’autres recettes gérées par l’administration fiscale, dont le paiement est en souffrance à la fin de l’exercice. Ce montant inclut également les intérêts et pénalités. Sont aussi pris en compte les arriérés dont le recouvrement a été reporté (par exemple, à la suite de la mise en place d’un échéancier de paiements).
Le montant total des « arriérés recouvrables » à la fin de l’exercice s’élevait à 710 milliards EUR environ. Les arriérés recouvrables correspondent au total des arriérés, après déduction des montants litigieux, ou des montants qui ne sont pas légalement recouvrables. Ils comprennent également les arriérés qui ne peuvent pas être recouvrés, mais qui n’ont pas encore fait l’objet d’une procédure d’annulation.
Par conséquent, et malgré des initiatives visant à garantir la comparabilité des données, il convient d’être prudent lorsque l’on compare certaines données, car l’organisation des systèmes fiscaux et les pratiques administratives diffèrent d’une juridiction à l’autre. Il convient également de faire montre de prudence en raison de l’impact de la pandémie de COVID-19 et de ses probables répercussions sur les chiffres des années 2020 et 2021. En effet, de nombreux pays ont pris des mesures afin d’aider les particuliers et les entreprises dans le contexte de la pandémie, en prolongeant les délais de paiement ou en suspendant le recouvrement des créances fiscales. De telles mesures pourraient expliquer dans une large mesure l’augmentation des arriérés recouvrables après 2019. (CIAT/IOTA/OCDE, 2020[4]) Il est probable que les prochaines éditions de cette série continueront de s’intéresser aux conséquences de ces mesures dans la mesure où les administrations fiscales reprennent lentement le cours normal de leurs activités d’avant la pandémie.
En 2021, le ratio moyen du total des arriérés à la fin de l’exercice en pourcentage des recettes nettes perçues s’établissait à 32 % (voir tableau D.33.). Comme les années précédentes, il reste fortement influencé par le niveau très élevé des ratios d’un petit nombre de juridictions qui affichent des ratios supérieurs à 50 %. Si l’on exclut ces juridictions, la moyenne descend à environ 14 % des recettes nettes (voir les graphiques 7.1. et 7.2. ainsi que le tableau D.33.). (Remarque : Les pourcentages mentionnés dans ce paragraphe sont différents de ceux du tableau 7.1., car le tableau montre les ratios moyens des arriérés pour les juridictions qui ont été en mesure de fournir ces informations pour les années 2018 à 2021.)
Tableau 7.1. Évolution des ratios moyens d’arriérés entre 2018 et 2021
Ratio des arriérés |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
Variation en pourcentage (entre 2018 et 2021) |
---|---|---|---|---|---|
Total des arriérés en fin d’exercice, en pourcentage des recettes nettes perçues (50 juridictions) |
28.2 |
27.9 |
34.7 |
30.2 |
+7.0 |
Total des arriérés recouvrables en fin d’exercice, en pourcentage du total des arriérés à la fin de l’exercice (40 juridictions) |
50.7 |
51.5 |
54.3 |
54.4 |
+7.2 |
Note : Le tableau présente les ratios moyens des arriérés pour les juridictions qui ont été en mesure de fournir ces informations pour les années 2018 à 2021. Le nombre de juridictions pour lesquelles des données étaient disponibles est indiqué entre parenthèses. Les données concernant la Bulgarie ont été exclues du calcul de la moyenne du « Total des arriérés en fin d’exercice, en pourcentage des recettes nettes perçues », car les données relatives aux quatre années ne sont pas comparables (voir tableau A.55.).
Source : Tableau D.33.
Une comparaison des données de 2020 et 2021 fait apparaître une diminution du total des arriérés en pourcentage des recettes nettes perçues à la fin de l’exercice. Cette baisse fait suite à la hausse significative de plus de 20 % en moyenne du ratio enregistrée en 2020, première année de la pandémie. Malgré la baisse survenue en 2021, le ratio du total des arriérés en fin d’exercice en pourcentage des recettes nettes perçues reste supérieur de 7 % aux valeurs de 2018 (voir tableau 7.1.).
Les données au niveau des juridictions reflètent également en grande partie la diminution observée entre 2020 et 2021 : en 2020, le ratio « Total des arriérés en pourcentage des recettes nettes perçues » a augmenté dans environ 85 % des juridictions, tandis qu’en 2021, il a diminué dans 68 % des juridictions (voir tableau D.33.).
S’agissant des arriérés recouvrables, les données de 2021 font apparaître qu’en moyenne, plus de la moitié du montant total des arriérés est considérée comme recouvrable. Cela représente une augmentation de 7 % par rapport à 2018 (voir tableau 7.1.). Le graphique 7.3. met bien en évidence toutefois les différences qui existent entre les juridictions. Dans certaines d’entre elles, presque tous les arriérés sont considérés comme recouvrables, tandis qu’ils sont non recouvrables dans d’autres.
Le graphique 7.4. montre l’évolution du total des arriérés à la fin de l’exercice entre 2020 et 2021. En valeurs absolues, le montant total a augmenté dans 36 des 53 juridictions en mesure de transmettre des données.
Si l’on examine le montant des arriérés pour les principaux types d’impôts (voir tableau 7.2.), il semble que les particuliers soient plus susceptibles que les entreprises de respecter les délais de paiement. Le ratio moyen des arriérés liés à l’impôt sur les bénéfices des sociétés (IS) par rapport aux recettes nettes tirées de l’IS et celui des arriérés concernant les taxes sur la valeur ajoutée s’élève à environ 25 % en 2021. Le ratio de l’impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP) est beaucoup plus faible et se situe aux alentours de 15 %.
Les données confirment également les difficultés rencontrées par les entreprises au début de la pandémie. Les ratios moyens concernant l’IS et la TVA avaient sensiblement augmenté entre 2019 et 2020, mais sont revenus à leurs niveaux d’avant la pandémie en 2021.
Le ratio des impôts à la source prélevés par les employeurs est le plus faible et se situe à environ 7 %, ce qui n’est guère surprenant dans la mesure où les employeurs sont chargés de reverser ces impôts à l’administration pour le compte de leurs employés et n’ont donc aucun droit sur ces montants.
Tableau 7.2. Évolution du ratio moyen des arriérés en fin d’exercice par rapport aux recettes nettes perçues par type d’impôt entre 2018 et 2021
Type d’impôt |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
---|---|---|---|---|
Arriérés de l’IS en pourcentage de l’IS collecté (39 juridictions) |
24.0 |
26.8 |
30.5 |
24.3 |
Arriérés de l’IRPP en pourcentage de l’IRPP collecté (42 juridictions) |
16.2 |
14.2 |
15.5 |
15.0 |
Arriérés des impôts à la source prélevés par les employeurs en pourcentage de l’IRPP collecté (34 juridictions) |
7.2 |
6.5 |
7.2 |
6.9 |
Arriérés de TVA en pourcentage de la TVA collectée (39 juridictions) |
23.8 |
23.5 |
30.2 |
25.1 |
Note : Le tableau présente les ratios moyens pour les juridictions qui ont été en mesure de fournir ces informations pour les années 2018 à 2021. Le nombre de juridictions pour lesquelles des données étaient disponibles est indiqué entre parenthèses. Les données concernant la Bulgarie ont été exclues du calcul de la moyenne du « Total des arriérés en fin d’exercice, en pourcentage des recettes nettes perçues », car les données relatives aux trois années n’étaient pas comparables (voir tableau A.55.). En outre, parce qu’elles fausseraient les moyennes, les données relatives au Brésil et à la Grèce ont été exclues du calcul de la moyenne de l’IS et celles relatives à Malte ont été exclues du calcul de la moyenne de la TVA.
Source : Tableaux D.36. et D.37.
Approches préventives
Les mesures prises par les administrations afin de prévenir la naissance de créances et de recouvrer les arriérés continuent d’évoluer. L’encadré 7.2. illustre les approches adoptées par certaines administrations. Les progrès en matière de modélisation prédictive et de techniques expérimentales, présentés dans le rapport de l’OCDE Advanced Analytics for Better Tax Administration (OCDE, 2016[5]) et dans le recueil des pratiques de gestion des créances fiscales jugées concluantes que l’on trouvera dans le rapport de l’OCDE intitulé Successful Tax Debt Management: Measuring Maturity and Supporting Change (OCDE, 2019[3]), aident de nombreuses administrations à adapter leurs interventions en fonction des risques propres à tel ou tel contribuable. Les approches retenues relèvent de l’une des catégories suivantes :
l’analyse prédictive, qui cherche à évaluer la probabilité de réalisation de certains résultats et qui, en ce qui concerne le recouvrement des créances, repose sur une modélisation du risque qu’une personne physique ou une entreprise manque à ses obligations de paiement, ainsi que sur des modèles visant à estimer la probabilité d’insolvabilité ou d’autres difficultés de paiement ;
l’analyse prescriptive, qui consiste à prévoir l’impact probable de mesures sur le comportement des contribuables, pour permettre aux administrations fiscales de choisir la bonne ligne d’action pour un contribuable ou un groupe de contribuables donné (OCDE, 2016[5]).
De nombreuses administrations combinent ces deux pratiques et ont expérimenté diverses méthodes destinées à modifier le « comportement des contribuables ». Comme on l’a vu au chapitre 6, trois quarts des administrations ont recours à des méthodologies ou des techniques d’analyse comportementale. Ces pratiques sont susceptibles de modifier les stratégies en matière de gestion des créances fiscales, à l’heure où les administrations abandonnent les approches universelles (lorsque cela s’avère rentable) et s’efforcent plutôt de déterminer :
les cas devant faire l’objet d’une intervention ;
à quel moment il convient d’intervenir (par exemple, avant même la date de dépôt de la déclaration ou de réception du paiement) ; et
le type de mesure qui permettrait d’obtenir le meilleur rapport coût-bénéfice.
Encadré 7.2. Exemples nationaux : Ciblage des interventions
Australie : Lettres d’avertissement adressées aux administrateurs
L’effet le plus notable de la pandémie de COVID-19 pour l’ATO a été l’augmentation significative des créances fiscales en souffrance. À mesure que les États et territoires australiens déployaient leurs feuilles de route de sortie de confinement, l’ATO a continué de dialoguer avec les représentants des entreprises au sujet de leurs arriérés d’impôt en leur proposant un soutien et une assistance sur mesure plutôt que de recourir à des mesures coercitives. Faute de coopération de la part des contribuables, l’ATO renouait avec des actions en recouvrement plus contraignantes.
Pour enclencher le processus de recouvrement, il est d’usage que l’ATO adresse aux administrateurs une notification d’avertissement les informant d’une sanction éventuelle (Director Penalty Notice, DPN), par laquelle elle appelle l’entreprise à régler ses dettes et prévient ses représentants de possibles actions en recouvrement. L’ATO s’est toutefois rendue compte que les administrateurs ne sont pas toujours au courant des dettes dont l’entreprise est redevable ou du fait qu’ils en sont responsables à titre personnel tant qu’une notification n’a pas été émise. Par conséquent, avant d’envisager d’adresser une telle notification, la stratégie de l’ATO consiste à informer chaque administrateur :
du montant des dettes dont l’entreprise est redevable ;
de leur responsabilité personnelle au titre des dettes non honorées en vertu du régime de sanction applicable aux administrateurs ;
de l’obligation pour un administrateur de s’assurer que la société honore ses dettes ;
des solutions envisageables pour rétablir le dialogue entre l’entreprise et l’administration ; et
du fait que l’ATO peut adresser une notification directement à chaque administrateur responsable si la société manque à ses obligations.
À ce jour, environ 70 000 courriers ont été envoyés aux administrateurs, ce qui a permis à l’administration de recouvrer des montants importants et de recouvrer encore davantage d’arriérés par la mise en place d’échéanciers de paiement. Cette campagne a eu des résultats comparables à ceux d’actions plus coercitives menées à plus grande échelle, à la différence qu’elle a été plus circonscrite.
Lettonie : Lutte contre la création illégale de sociétés phénix
Lors du transfert d’une entité à une autre, l’administration fiscale conserve le droit de recouvrer auprès de la nouvelle entité les impôts dus par l’ancienne entité et doit pour ce faire évaluer et vérifier si un transfert a bien eu lieu.
Le transfert d’une entité est attesté par divers faits et circonstances qui sont appréciés au regard du respect de critères généraux définis dans le cadre de diverses procédures judiciaires. En fonction du résultat, un avertissement est envoyé à la nouvelle entité, assorti d’un délai pour le paiement des arriérés d’impôt ou d’une invitation à fournir à l’administration tout élément prouvant qu’il ne s’agit pas d’un transfert. L’administration fiscale indique également qu’elle peut favoriser le respect spontané des obligations fiscales des contribuables en permettant à la nouvelle entreprise de participer à la résolution des différends.
Si les arriérés d’impôt ne sont pas acquittés ou qu’un accord sur le respect spontané des obligations n’est pas conclu et que le contribuable ne conteste pas les faits établis par l’administration fiscale, celle-ci décide de recouvrer les impôts en souffrance avec effet immédiat.
Source : Australie (2023) et Lettonie (2023).
Bibliographie
[18] CIAT/IOTA/OCDE (2020), « Réponses de l’administration fiscale au COVID-19 : Mesures prises pour soutenir les contribuables », Les réponses de l’OCDE face au coronavirus (COVID-19), Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/69d26e77-fr.
[31] OCDE (2019), Successful Tax Debt Management: Measuring Maturity and Supporting Change, http://www.oecd.org/tax/forum-on-tax-administration/publications-and-products/successful-tax-debt-management-measuring-maturity-and-supporting-change.htm (consulté le 22 mai 2023).
[14] OECD (2019), Tax Administration 2019: Comparative Information on OECD and other Advanced and Emerging Economies, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/74d162b6-en.
[25] OCDE (2016), Advanced Analytics for Better Tax Administration: Putting Data to Work, https://dx.doi.org/10.1787/9789264256453-en.
[30] OCDE (2014), Working Smarter in Tax Debt Management, https://dx.doi.org/10.1787/9789264223257-en.