Ce chapitre s'intéresse à la façon dont les administrations fiscales relèvent les défis posés par la transformation numérique et dont la technologie modifie leurs modèles opérationnels.
Administration fiscale 2023
10. Parcours de transformation numérique
Abstract
Introduction
Au cours de la dernière décennie, les administrations fiscales de par le monde ont investi dans leur numérisation. Elles ont ainsi été amenées à abandonner progressivement les procédures papier ou en personne au profit de systèmes issus de la révolution numérique qu’a connue l’ensemble de la société.
En parallèle, les services numériques dans l'économie au sens large ont transformé la façon dont les citoyens et les entreprises effectuent des transactions ou accèdent à des services. Cette évolution générale apporte son lot de défis et d'opportunités pour les administrations fiscales, dont l'avenir passe par la transformation de leurs modèles opérationnels afin de pouvoir tirer pleinement parti des possibilités offertes par la généralisation des technologies numériques.
C'est la transformation numérique, et c’est la vision de l'Administration fiscale 3.0. (OCDE, 2020[1]), le rapport de référence publié par l'OCDE en 2020. Ce document invite les administrations fiscales à réfléchir à la façon dont elles peuvent modifier leurs processus existants pour qu’ils deviennent véritablement numériques. Les administrations fiscales qui ne concrétisent pas cette vision se trouveront à la traîne de la transformation numérique intervenue dans l’ensemble de la société, et il leur sera plus difficile de réduire la charge administrative, de modifier leurs politiques et de combler les lacunes en matière de conformité. Concrétiser la vision ambitieuse de l'Administration fiscale 3.0 repose nécessairement sur un cheminement par étapes, avec des progrès qui seront plus rapides dans certains domaines et plus lents dans d'autres. Ces progrès se conjugueront progressivement pour donner naissance à une administration fiscale entièrement transformée par le numérique.
L'Administration fiscale 3.0 recense six piliers de la transformation numérique. Chacun de ces piliers apportera ses propres bénéfices, mais c'est leur conjonction au fil du temps qui produira les avantages les plus significatifs liés à la fluidité et à la transparence de l’administration fiscale.
Ce chapitre n'a pas pour intention de porter un jugement sur les différentes juridictions et sur les progrès qu'elles ont réalisés ; chaque parcours de transformation numérique est en effet unique et dépend des circonstances et des priorités propres à chaque juridiction. Il vise plutôt à mettre en lumière les tendances qui se dégagent des parcours de transformation numérique suivis par les administrations fiscales au regard des six piliers ci-après :
1er pilier : Identité numérique
2e pilier : Points de contact avec les contribuables
3e pilier : Gestion et normalisation des données
4e pilier : Administration et application des règles fiscales
5e pilier : Nouvelles compétences
6e pilier : Cadres de gouvernance
Ce chapitre présente des exemples de bonnes pratiques illustrant les progrès accomplis et utilise des données tirées de l’Inventaire multipartenaires des initiatives sur l’utilisation de la technologie à des fins fiscales (ITTI) (OCDE et al, 2023[2]) qui livre des informations sur les outils technologiques et les solutions numériques mises en œuvre par les administrations fiscales à l'échelle mondiale. À l'avenir, lorsque de nouvelles données de l'ITTI seront disponibles, les progrès engrangés au long de ces parcours complexes pourront faire l’objet d'un nouvel examen.
1er pilier : Identité numérique
Alors que les administrations fiscales assurent de plus en plus de services par des moyens numériques, la sécurité, la vérification et l’identité numériques prennent une importance croissante. Les administrations fiscales mettent à profit leur expertise et les séries de données dont elles disposent pour donner aux contribuables un plus large accès en libre-service non seulement aux options qu’elles proposent, mais aussi aux systèmes de tiers et d'autres administrations publiques. L’existence d’identités numériques communes est essentielle au bon fonctionnement de ces programmes. Comme le montre le tableau 10.1 ci-dessous, toutes les administrations disposent désormais d'un système d'identité numérique pour les particuliers, et presque toutes pour les entreprises, ce qui représente une avancée importante sur la voie de la transformation numérique. De plus en plus, ces systèmes d'identité numérique permettent d'accéder aux services d'autres administrations ou de tiers.
Tableau 10.1. Utilisations de l’identité numérique, 2022
Pourcentage d’administrations ayant mis en place le processus cité
Catégorie de contribuable |
Les contribuables doivent utiliser une identité numérique approuvée pour accéder aux services numériques sécurisés |
L’identité numérique utilisée pour accéder aux services peut être fournie (plusieurs réponses possibles) |
L’identité numérique fournie par l'administration fiscale donne également accès aux services |
|||
---|---|---|---|---|---|---|
par l’administration fiscale |
par une autre administration |
par un organisme du secteur privé |
d’une autre administration |
d’un organisme du secteur privé |
||
Personne physique |
100 |
69 |
63 |
39 |
37 |
14 |
Entreprise |
94 |
67 |
50 |
35 |
47 |
9 |
Note : Ce tableau se fonde sur les données provenant de 52 juridictions étudiées dans ce rapport et qui figurent dans la base de données ITTI. Aux fins de l’enquête ITTI, on entend par identité numérique une représentation électronique d’une personne physique ou d’une entreprise qui permet de la distinguer suffisamment des autres dans le cadre d’échanges en ligne. L’identité numérique comprend les caractéristiques qui sont associées à un identifiant utilisé pour authentifier la personne ou l’entreprise.
Source : OECD et al. (2023), Inventaire multipartenaires des initiatives sur l’utilisation de la technologie à des fins fiscales, https://www.oecd.org/tax/forum-on-tax-administration/tax-technology-tools-and-digital-solutions/, tableaux DI1 et DI2 (consulté le 22 mai 2023).
Alors que l'identité numérique se généralise et montre une utilité croissante, le chapitre 3 du présent rapport s’intéresse aux moyens récemment mis en œuvre par les administrations fiscales pour renforcer la sécurité des systèmes d'identité numérique, comme l'authentification à plusieurs facteurs et les données biométriques. Le tableau 10.2 révèle que toutes les administrations utilisent une méthode d'authentification pour vérifier l'identité numérique lorsqu'elle est utilisée en ligne. Les méthodes de vérification sont variables ; l'authentification par mot de passe est utilisée par 87 % des administrations, suivie de l'authentification à plusieurs facteurs et de l'application mobile. Quelques administrations utilisent également la reconnaissance faciale ou l'empreinte digitale. La moitié des administrations ont précisé que la méthode d'authentification utilisée dépendait du niveau de sécurité exigé pour le type d’échange en question.
Tableau 10.2. Authentification de l'identité numérique et autorisation, 2022
Pourcentage d’administrations ayant mis en place le processus cité
Méthodes d'authentification utilisées par l'administration fiscale |
Application de différentes méthodes d'authentification en fonction du niveau de sécurité requis par certains types d’échanges |
Les contribuables peuvent autoriser un tiers à accéder aux services numériques |
|||||
---|---|---|---|---|---|---|---|
Authentification par mot de passe |
Carte d'identité |
Application mobile |
Reconnaissance faciale |
Empreinte digitale |
Authentification à plusieurs facteurs |
||
87 |
38 |
42 |
13 |
13 |
62 |
50 |
87 |
Note : Ce graphique se fonde sur les données provenant de 52 juridictions étudiées dans ce rapport et qui figurent dans la base de données ITTI.
Source : OECD et al. (2023), Inventaire multipartenaires des initiatives sur l’utilisation de la technologie à des fins fiscales, https://www.oecd.org/tax/forum-on-tax-administration/tax-technology-tools-and-digital-solutions/, tableaux DI5 et DI6 (consulté le 22 mai 2023).
Encadré 10.1. Thaïlande : Le projet Identité numérique nationale
En Thaïlande, la plateforme nationale d’identité numérique NDID vise à fournir à chaque citoyen thaïlandais un moyen souple et hautement sécurisé de s’auto-identifier au moyen de toute preuve d’identité fiable en sa possession. En adoptant cette plateforme, l’Autorité fiscale thaïlandaise (« Thailand Revenue Department », ou TRD) entend mettre à disposition une solution fiable et transparente, dont le niveau de sécurité lui assure la confiance de ses utilisateurs. De plus, la solution NDID fournira aux utilisateurs des moyens sûrs et sécurisés pour gérer et protéger leur identité en ligne, y compris sur leurs appareils mobiles. La plateforme devrait également améliorer la praticité et l’efficacité des services de l’État et du secteur privé.
En collaboration avec la Banque de Thaïlande, les banques commerciales et la National Digital ID Company Limited, le TRD développe un système d’identification numérique via la plateforme NDID pour faciliter et protéger les transactions en ligne et prévenir la fraude, et a lancé un premier projet pilote dédié à la déclaration électronique de l’impôt sur le revenu des personnes physiques. De nombreux contribuables se sont connectés via la plateforme NDID depuis le 18 mars 2021, mais le projet pilote a également révélé certaines lacunes à combler, telles qu’une sensibilisation insuffisante aux opportunités offertes par l’identité numérique et la plateforme NDID. Suite aux résultats du pilote, le TRD et ses banques partenaires continuent d’encourager l’adoption du service par les utilisateurs. En outre, les banques autoriseront l’auto-identification via leurs applications bancaires pour l’accès au site web du TRD, ce qui permettra aux utilisateurs d’accéder à d’autres services à l’avenir. L’authentification via une identité numérique sur la plateforme NDID offre plusieurs avantages, notamment :
Authentification et vérification optimisées
Niveaux élevés de fiabilité
Sécurité renforcée
Moindres coûts d’exploitation
Meilleure expérience client
Services intégrés à l’échelle des administrations
Source : Thaïlande (2023).
2e pilier : Points de contact avec les contribuables
L’intégration des services et des processus dans les systèmes naturels utilisés tant par les contribuables dans leur vie quotidienne que par les entreprises est au cœur de la vision de l’Administration fiscale 3.0. Si elle concourt à l’amélioration de la discipline fiscale, elle contribue aussi à alléger la charge administrative pesant sur les entrepreneurs et à leur dégager du temps qu’ils peuvent consacrer au développement de leur entreprise.
Afin de promouvoir ces collaborations et d'ouvrir de nouveaux services, le graphique 10.1 montre qu’un grand nombre d’entre elles créent également des interfaces de programmation d’application (API) et que 75 % d’entre elles les mettent à la disposition de développeurs tiers. Par ailleurs, près de 60 % des administrations participent au processus de développement conjoint des API avec des tiers.
Le développement des API facilite la connectivité entre les systèmes sans fournir d'accès direct. L'exemple de l'encadré 10.2 illustre la façon dont les API peuvent être utilisées pour faire évoluer les fonctions au sein d'une administration. Le tableau 10.3 met en évidence les nombreuses utilisations existantes pour les différents types d'impôts, dont la liste est appelée à s’allonger au fil du parcours de transformation numérique ; le tableau 10.4 montre quant à lui que les systèmes des administrations fiscales sont de plus en plus connectés à des systèmes de tiers avec lesquels des informations sont échangées de machine à machine.
Encadré 10.2. Chine (République populaire de) : Le Projet des systèmes naturels
En 2022, la Chine a dévoilé son Projet des systèmes naturels, une initiative innovante basée sur une « facture électronique entièrement numérisée », avec une connexion directe entre les services fiscaux et les entreprises. Dans la droite ligne du concept des « points de contact avec le contribuable » présenté par l’OCDE dans son Modèle de maturité de la transformation numérique, l'Administration d'État des impôts chinoise (STA) a mis en place un projet pilote de systèmes naturels afin d'étudier plus avant la mise en pratique et les effets d'une administration fiscale fluide.
Désormais, la STA publie des règles fiscales intéressant les entreprises et propose des interfaces de programmation d'application (API) que les contribuables peuvent intégrer au système de leur entreprise (système naturel) et qui ne dépendent pas de fournisseurs de services tiers. Les autorités fiscales procèdent ensuite à des contrôles de conformité sur la base des données de l’entreprise téléchargées par le contribuable. La publication de règles unifiées pour les entreprises contribue en outre à réduire les disparités entre les centres des impôts provinciaux, et renforce par là-même la cohérence et la sécurité juridique pour les contribuables.
Ces derniers sont désormais co-émetteurs des factures alors qu'auparavant, seule la STA s’en chargeait. Pour les « factures électroniques entièrement numérisées », les contribuables peuvent émettre seuls les factures conformément aux règles applicables.
Le Projet des systèmes naturels intègre des dimensions commerciales, financières et fiscales au moyen d'un modèle de données de facturation permettant aux contribuables de renseigner des « éléments supplémentaires ». Par exemple, une plateforme de commerce électronique pourra ajouter dans cette rubrique des informations sur les commandes et la logistique et ainsi améliorer la gestion de ses commandes.
Source : Chine (République populaire de) (2023)
Tableau 10.3. Interactions pour lesquelles les administrations ont publié les API par type d’impôt, 2022
Pourcentage d’administrations ayant publié des API pour le type d'impôt cité
Type d’interaction |
Impôt sur le revenu des personnes physiques |
Impôt sur les sociétés |
Taxe sur la valeur ajoutée |
---|---|---|---|
Identification fiscale |
18 |
30 |
30 |
Dépôt des déclarations fiscales |
43 |
43 |
43 |
Paiement des impôts |
30 |
32 |
32 |
Demande de report de délais |
11 |
9 |
11 |
Demande de facilités de paiement |
7 |
5 |
5 |
Demandes confidentielles du contribuable |
11 |
21 |
18 |
Dépôt de réclamations fiscales |
0 |
2 |
5 |
Traitement du courrier |
25 |
27 |
27 |
Téléchargement de fichiers de données sur le serveur de l'administration fiscale |
25 |
30 |
32 |
Autres interactions (non par type d’impôt) |
34 |
Note : Ce tableau se fonde sur les données provenant de 52 juridictions étudiées dans ce rapport et qui figurent dans la base de données ITTI.
Source : OECD et al. (2023), Inventaire multipartenaires des initiatives sur l’utilisation de la technologie à des fins fiscales, https://www.oecd.org/tax/forum-on-tax-administration/tax-technology-tools-and-digital-solutions/, tableaux TT8, TT9 et TT10 (consulté le 22 mai 2023).
Tableau 10.4. Données reçues de contribuables via leur système d’entreprise et données reçues de tiers, 2022
Pourcentage d’administrations ayant mis en place le processus cité
L'administration reçoit directement des données des systèmes d’entreprise des contribuables (hors systèmes de retenue à la source) |
Si oui... |
L'administration reçoit directement des données de tiers |
Si oui... |
||
---|---|---|---|---|---|
Certaines données peuvent être envoyées automatiquement, de machine à machine, sans intervention humaine |
Certaines données peuvent être téléchargées manuellement via des interfaces dédiées |
Certaines données peuvent être envoyées automatiquement, de machine à machine, sans intervention humaine |
Certaines données peuvent être téléchargées manuellement via des interfaces dédiées |
||
80 |
83 |
93 |
86 |
91 |
89 |
Note : Ce tableau se fonde sur les données provenant de 52 juridictions étudiées dans ce rapport et qui figurent dans la base de données ITTI.
Source : OECD et al. (2023), Inventaire multipartenaires des initiatives sur l’utilisation de la technologie à des fins fiscales, https://www.oecd.org/tax/forum-on-tax-administration/tax-technology-tools-and-digital-solutions/, tableau DM1 (consulté le 22 mai 2023).
À mesure que ces services offerts par les API se sophistiquent et deviennent de plus en plus déterminants pour fournir aux contribuables des services de qualité, les administrations fiscales doivent investir davantage dans la gestion et le contrôle de leurs API. Le chapitre 5 étudie ce point plus en détail, mais l’efficacité de la collaboration avec les tiers en vue de garantir le fonctionnement sans heurts des systèmes, leur précision, leur sécurité et leurs performances à l'égard des contribuables est au cœur de ces initiatives.
Par ailleurs, les données reçues des administrations fiscales ne constituant qu'une partie du flux de données circulant dans l'écosystème tel qu'il est envisagé par l'Administration fiscale 3.0, le parcours de transformation numérique est conditionné par l'utilisation de techniques fondées sur la science des données ainsi que sur le recours à des outils analytiques. Ce point fait l'objet de plus amples développements dans la suite de ce rapport. Cela dit, il convient de souligner que les méthodes ci-après sont d'ores et déjà couramment utilisées par les administrations fiscales :
Utilisation de séries de données à la fois vastes et intégrées. Le traitement et la gestion de données font désormais partie intégrante des fonctions d’une administration fiscale, et le recours aux outils et techniques d'analyse est intégré dans tous les domaines d’intervention d’une administration fiscale. Environ 90 % des administrations fiscales déclarent se servir de la science des données et des outils d’analyse pour faciliter l’utilisation des données dans tous les aspects de leurs travaux.
Utilisation de l’intelligence artificielle et de l’apprentissage automatique. Alors que les administrations fiscales savent de mieux en mieux gérer de vastes ensembles de données et que la puissance de calcul augmente, l’utilisation de l’intelligence artificielle et de l’apprentissage automatique ouvre la voie à de nouvelles approches de la gestion des risques. Le graphique 10.3 (voir la section consacrée au quatrième pilier) révèle qu'environ 50 % des administrations fiscales utilisent l'intelligence artificielle aux fins de l'évaluation des risques de non-conformité.
Cette utilisation poussée des données provenant de systèmes de plus en plus connectés favorise le développement de nouvelles plateformes et de nouveaux services qui peuvent modifier en profondeur les modèles de fonctionnement de l’administration fiscale, comme l'illustre l'encadré 10.3.
Encadré 10.3. Singapour : La transformation numérique du système central d’administration de l’impôt de l’IRAS
L'Inland Revenue Interactive Network (IRIN) est le principal système informatique d’administration de l’impôt de l'administration fiscale de Singapour, l’Inland Revenue Authority of Singapore (IRAS). Le système IRIN permet aux contribuables d'accéder à des services en ligne sur MyTaxPortal, un portail qui s'adresse à l’ensemble des contribuables, particuliers comme entreprises, et leur permet d'effectuer des paiements, de déclarer leurs impôts et de gérer leur compte par voie électronique. Pour les agents de l’IRAS, le système renforce en outre les capacités de base en matière de traitement, d'application du droit et d'analyse.
S'inscrivant dans la droite ligne du plan de transformation numérique de l'IRAS visant à redéfinir l'expérience des agents de l’administration fiscale et des contribuables, le rafraîchissement du système central d’administration de l’impôt par le biais de la mise en œuvre d'IRIN 3 a été identifié comme un vecteur technologique clé pour la transformation opérationnelle de l'IRAS.
IRIN 3 est un programme pluriannuel dont la conception et la mise en œuvre doivent se dérouler en trois phases. La première phase a consisté à instaurer un système de gestion des documents et une plateforme de notification numérique. La deuxième phase a jeté les bases d'IRIN 3 avec la mise en œuvre d'une architecture de microservices dans le « Cloud commercial du gouvernement pour le droit de timbre ». La troisième phase étendra progressivement le dispositif à l'impôt sur le revenu des personnes physiques, à l'impôt foncier, à l'impôt sur les sociétés, à la taxe sur les biens et les services et aux autres types d'impôts.
Lors de la deuxième phase de mise en œuvre d’IRIN 3, l'IRAS a réorganisé son système intégré de droits de timbre et l’a migré vers le cloud pour renforcer la disponibilité de ses capacités commerciales et les rendre plus évolutives grâce à une architecture de microservices améliorant l'agilité et la rapidité de mise sur le marché. Les contribuables peuvent désormais gérer les questions relatives au droit de timbre à n’importe quel moment et où qu'ils se trouvent grâce à un portail optimisé pour les appareils mobiles. La gestion électronique des droits de timbre est également facilitée par un accès rapide au statut des documents, aux éléments enregistrés et aux services numériques. Le système a également été amélioré pour permettre le paiement simultané des droits de timbres de plusieurs documents. Entre le lancement de la deuxième phase d'IRIN 3 et février 2023, plus de 120 000 certificats de timbre ont été générés.
Source : Singapour (2023).
3e pilier : Gestion et normalisation des données
Dans un contexte d’utilisation accrue des données, la confidentialité et la sécurité des informations revêtent une importance croissante pour la relation entre les administrations fiscales et les contribuables. La gestion sécurisée des données est également primordiale dans les échanges d'informations fiscales entre États : dans un système où les données sensibles circulent de manière automatisée et en temps réel, toutes les parties doivent avoir l’assurance que les cadres applicables garantissent une gestion des données adéquate, sécurisée et conforme aux normes en vigueur.
Ces cadres sont également essentiels pour définir les modalités qui permettront à l'administration de gérer les données avec la plus grande efficacité possible, en maximisant la discipline fiscale et en minimisant la charge administrative. Parmi ces modalités figurent la détermination du lieu où les données sont traitées pour les différents services fiscaux (au sein de l'administration, dans les systèmes naturels des contribuables ou les deux), ainsi que les exigences concernant la qualité, la disponibilité et la communication des données d'imposition et des métadonnées relatives au fonctionnement des systèmes des contribuables. Comme le montre l'encadré 10.4, ces évolutions peuvent nécessiter des modifications structurelles dans la façon dont l’administration fiscale gère ses systèmes informatiques, ce qui peut en contrepartie jeter des bases solides pour de nouveaux projets et services numériques.
Encadré 10.4. Chine (République populaire de) : Gestion améliorée des systèmes informatiques
Dans le cadre de la stratégie générale du pays, la « Chine numérique », la transformation numérique de l'administration fiscale du pays a pris de l'ampleur. Pour soutenir cette évolution, l'Administration d'État des impôts (STA) chinoise a mis en place une plateforme de gestion et de contrôle de l'ensemble de ses systèmes informatiques qui gère tous les composants des systèmes, y compris les logiciels, le matériel informatique et les données. Cette plateforme s’articule autour de quatre éléments principaux : les logiciels, le matériel, les données et le contrôle interne. Dans la partie logicielle, chacun des milliers de composants logiciels du système reçoit un identifiant unique. Dans la partie matérielle, tous les équipements et actifs sont enregistrés et associés au logiciel correspondant. Dans la partie données, des milliards de données sont enregistrées et compilées dans un « dictionnaire de données ». Enfin, dans la partie contrôle interne, des règles et réglementations sont mises en place pour superviser les interactions entre les systèmes, les agents de l’administration fiscale, les fournisseurs et les autres parties prenantes.
Plusieurs approches technologiques sont appliquées.
L'intelligence artificielle, qui intègre une fonction de traitement du langage naturel, est utilisée pour la comparaison et l'analyse aux fins de la déduplication.
Les règles et réglementations sont intégrées dans le processus opérationnel de la plateforme, avec un flux entièrement automatisé, un marquage des opérations et des rappels de tâches, ce qui améliore considérablement la qualité et l'efficacité de la gestion de l'information. Par exemple, grâce à la création du « dictionnaire de données », certaines tâches sont désormais réalisées en quelques heures, contre deux jours auparavant.
Le recueil, la classification, l'analyse et la présentation visuelle des données essentielles ont lieu au sein de la plateforme et offrent une base solide pour une prise de décision fondée sur des éléments concrets. Dans le cadre de la gestion et du contrôle des actifs, les lacunes et les redondances en matière de ressources peuvent être identifiées en reliant les composants matériels et logiciels et en effectuant des comparaisons.
Source : Chine (République populaire de) (2023)
Tableau 10.5. Gouvernance des données, 2022
Pourcentage d’administrations ayant mis en place le processus cité
Une stratégie intégrée de gestion des données a été élaborée |
La qualité des données communiquées est évaluée |
Un cadre d'utilisation éthique des données a été mis en place |
L'accès aux données utilisateurs et leur sécurité sont contrôlés |
Les accès non autorisés sont détectés automatiquement |
Un responsable de la protection des données a été engagé |
Il existe une unité de cybersécurité |
Des parties externes sont mandatées pour vérifier la sécurité des systèmes |
---|---|---|---|---|---|---|---|
66 |
88 |
74 |
100 |
84 |
90 |
90 |
82 |
Note : Ce tableau se fonde sur les données provenant de 52 juridictions étudiées dans ce rapport et qui figurent dans la base de données ITTI.
Source : OECD et al. (2023), Inventaire multipartenaires des initiatives sur l’utilisation de la technologie à des fins fiscales, https://www.oecd.org/tax/forum-on-tax-administration/tax-technology-tools-and-digital-solutions/, tableau DM4 (consulté le 22 mai 2023).
Comme le montre le tableau 10.5, la mise en œuvre de mécanismes de protection et de gestion des données est désormais chose courante dans les administrations fiscales, dont ils constituent une fonction essentielle. Ces mécanismes soutiennent des processus plus larges de gouvernance des données et contribuent à leur tour à renforcer la confiance des contribuables dans le système et à améliorer le respect d’obligations légales. Il convient de noter que la cybersécurité gagne en importance à mesure que les systèmes de données deviennent plus connectés ; l'encadré 10.5 présente quelques-unes des pratiques récemment adoptées par les administrations fiscales dans ce domaine.
Encadré 10.5. Exemples nationaux : Nouvelles stratégies de cybersécurité
Australie
Dans le cadre de son Programme de cybersécurité, l'administration fiscale australienne (Australian Taxation Office, ou ATO) poursuit ses efforts pour renforcer sa résilience en la matière en investissant dans de nouvelles technologies et initiatives. Ce programme vise à moderniser ses capacités de cybersécurité, à les amener à maturation, et à mettre en œuvre des mesures d'atténuation correspondant au profil de risque cybernétique de l’organisation afin de garantir la confidentialité, l'intégrité et la disponibilité de ses systèmes. Le programme déploie actuellement de nouvelles technologies destinées à renforcer les capacités cybernétiques de l'ATO, parmi lesquelles :
l’enregistrement des activités des terminaux dans l'ensemble de l'ATO, afin de visualiser les menaces et les alertes en temps réel et d'obtenir des renseignements sur les tendances des activités dans l'ensemble de l'écosystème numérique ;
le diagnostic de l’ensemble du matériel informatique, afin de rechercher les vulnérabilités et d’informer régulièrement les équipes assurant le support technique des applications et de l'infrastructure ainsi que les partenaires sur les risques encourus, y compris pour les logiciels qui ne sont plus couverts par le support technique ;
le déploiement d'une solution d'entreprise centralisant la gestion des comptes et des accès privilégiés dans l'environnement de l'ATO ;
la segmentation des flux de trafic afin de renforcer la sécurité du réseau ;
des solutions de protection contre les programmes malveillants, afin de permettre uniquement l’exécution des interactions autorisées sur les applications de l’ATO.
L'administration fiscale australienne applique une approche de « défense en profondeur » pour atténuer les incidents de cybersécurité en intégrant des technologies de superposition dans l'écosystème. En 2022, l'ATO a migré vers une solution moderne de passerelle Internet sécurisée pour protéger le périmètre de l'ATO.
L'administration fiscale participe également à des initiatives de blocage de SMS au niveau des opérateurs, ainsi qu’à des échanges réguliers de renseignements au niveau international pour discuter des escroqueries par usurpation d'identité fiscale, des nouvelles méthodes qui apparaissent, de sensibilisation, et de la lutte contre les escroqueries et leur prévention à l'échelle mondiale.
Hongrie
L'administration nationale des impôts et des douanes (NTCA) dispose d’un centre opérationnel de sécurité (SOC), disponible 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 qui se révèle précieux, car il permet non seulement d’assurer une supervision des systèmes axée sur la sécurité informatique, mais également de détecter et de prévenir de nouvelles attaques jusqu'alors inconnues ou méconnues. Grâce au SOC, la NTCA est en mesure de détecter les incidents dans les plus brefs délais et de réagir immédiatement.
Il renforce ainsi la résilience de l'administration face aux cybermenaces et permet d'effectuer un important travail de prévention. Ce travail s’appuie en premier lieu sur l'interconnexion des systèmes de détection automatisée des cybermenaces et des vulnérabilités et des systèmes traditionnels de protection des frontières au sein de la NTCA. Les règles du pare-feu sont ainsi modifiées, clarifiées et filtrées sans intervention humaine à l'aide d'indicateurs de menace fournis par l'outil de détection des vulnérabilités.
Les efforts de sensibilisation jouent un rôle stratégique dans la vie de la NTCA, la sécurité ne pouvant être pleinement assurée que si les employés sont suffisamment informés. Malgré les progrès constants de la sécurité informatique, le maillon faible de la chaîne reste l'utilisateur. Il convient donc d’en tenir compte lors de la conception et de la mise en œuvre des solutions de protection des systèmes.
Les techniques d'ingénierie sociale et les formes toujours plus sophistiquées de manipulation psychologique constituent une menace importante pour la NTCA, qui doit donc accorder une attention croissante à la formation des utilisateurs en matière de sécurité. À cette fin, le département de sécurité informatique de la NTCA organise régulièrement des formations et des évaluations du niveau de leurs connaissances dans ce domaine. Les résultats de ces évaluations, qui comprennent des tests théoriques et pratiques, montrent déjà une amélioration continue.
Voir les documents de référence à l’annexe 10.A.
Mexique
Le service d'administration fiscale (SAT) du Mexique a adopté une approche de sécurité à plusieurs niveaux pour renforcer la protection contre les menaces avancées et leur détection. L'une des mesures mises en œuvre consiste à analyser automatiquement les courriels afin d'identifier les menaces de rançongiciels et les codes de commande et de contrôle intégrés dans les fichiers téléchargés. Par exemple, en cas d’attaque menée au moyen d’un courriel contenant un rançongiciel qui exploite une faille « zero day », c’est-à-dire pour laquelle aucun correctif n’a encore été conçu et qui permet donc de déjouer les dispositifs de protection traditionnels, la solution de sécurité du SAT envoie immédiatement le fichier joint dans un environnement contrôlé de type « bac à sable ».
Le comportement du fichier y est alors analysé afin d'identifier la nature de l'attaque. Une réponse est générée en temps réel, et le fichier fait l’objet d’un signalement qui entraîne son blocage automatique s'il se représente en un autre point. Cette approche proactive renforce considérablement la capacité de l'administration à atténuer les menaces potentielles et à les neutraliser rapidement.
Source : Australie (2023), Hongrie (2023) et Mexique (2023).
Ainsi que le montre le graphique 10.2, la tendance en matière de gestion des données est à la « collecte unique pour des utilisations multiples » dans l'ensemble de l'administration, ce qui correspond à la vision de l'Administration fiscale 3.0. Les administrations fiscales (ainsi que les organismes de sécurité sociale) occupent à cet égard une place particulière au sein de l’administration, puisqu’elles détiennent souvent des informations vérifiées et à jour sur l’identité des contribuables, sont impliquées dans la réception et le versement de paiements ainsi que la réception et l’envoi d’informations à des tiers (comme les institutions financières et les employeurs). Cela ajoute une dimension supplémentaire à la gestion et à la gouvernance des données étant donné que plusieurs agences peuvent être impliquées.
4e pilier : Administration et application des règles fiscales
Dans la vision de l'administration fiscale 3.0, au lieu que les règles soient contenues dans le système de l'administration fiscale et que les instructions soient données aux contribuables par le biais de notices explicatives, les règles techniques et les informations qui sont nécessaires aux différentes étapes du traitement de l’impôt sont intégrées dans les systèmes naturels des contribuables. Il peut s'agir, par exemple, de l'enregistrement et de la radiation automatiques du contribuable en des points spécifiques, de l'incorporation des règles fiscales et du calcul du montant de l'impôt dans les logiciels de comptabilité, ou de l'utilisation d'applications permettant de retenir l'impôt à la source ou de transmettre automatiquement des informations à l'administration.
L'Administration fiscale 3.0 énonce les mesures que peuvent prendre les administrations pour s’engager dans un tel processus :
mettre en œuvre une spécification des règles fiscales indépendante des systèmes en vue de les intégrer dans les systèmes de gestion des contribuables (en ce qui concerne, par exemple, l'identification numérique, la facturation et la déclaration électroniques, ou la retenue à la source par des plateformes numériques) ;
piloter le développement de la spécification des règles fiscales, en coopération avec les développeurs, et parallèlement à l'élaboration de la nouvelle législation fiscale ;
piloter la mise en œuvre de l'intelligence artificielle dans les processus de conseil et d'évaluation de l'administration fiscale visant à réduire au maximum l'incertitude fiscale.
Malgré la difficulté de l’entreprise, des progrès ont déjà été constatés. L'administration fiscale néerlandaise, par exemple, travaille sur une nouvelle méthode de développement de logiciels permettant de convertir certains éléments de la législation dans un format lisible par machine et d’assurer un suivi, de sorte qu’en cas de modification de la loi, la mise à jour peut être effectuée de manière simple et rapide. Ces règles ouvrent le champ à la prise de décision automatisée.
Tableau 10.6. Progiciels : (co-)création, cadres d'assurance et produits approuvés, 2022
Pourcentage d’administrations ayant mis en place le processus cité
L’administration crée des progiciels pour aider les contribuables à s’acquitter de leurs obligations fiscales |
L’administration participe au développement de progiciels avec des tiers |
L’administration a mis au point un cadre d’assurance permettant à des tiers d’intégrer les règles fiscales dans leurs progiciels, et de produire des résultats fondés sur ces règles qui sont acceptés par l’administration fiscale |
L’administration publie les noms des logiciels approuvés ou acceptés par ses services |
L’administration tient à jour un registre des logiciels approuvés ou acceptés par ses services |
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58 |
48 |
31 |
26 |
32 |
Note : Ce tableau se fonde sur les données provenant de 52 juridictions étudiées dans ce rapport et qui figurent dans la base de données ITTI.
Source : OECD et al. (2023), Inventaire multipartenaires des initiatives sur l’utilisation de la technologie à des fins fiscales, https://www.oecd.org/tax/forum-on-tax-administration/tax-technology-tools-and-digital-solutions/, tableaux TT7 et TRM2 (consulté le 22 mai 2023).
Les administrations fiscales ont tout de même accompli des progrès significatifs en matière d'intelligence artificielle. Comme le montre le graphique 10.3, environ 50 % des administrations l'utilisent pour l'évaluation des risques et la détection des fraudes. Ces services ouvrent la voie à des approches innovantes, telles que les déclarations par voie de questionnaires et l’automatisation des demandes de renseignements des contribuables. Par ce biais, les robots conversationnels, un thème abordé dans les éditions précédentes de cette série, deviennent « intelligents ». Voir le chapitre 5 de ce rapport pour plus de détails.
Dans cette série sur les administrations fiscales, le thème de l'intelligence artificielle devrait occuper une place croissante. Toutefois, comme le montre l'exemple de l'encadré 10.6, l'utilisation de cette technologie soulève par ailleurs des questions de gouvernance qui doivent être examinées de plus près.
Encadré 10.6. Canada : Intégrer l’intelligence artificielle dans les projets de l'administration fiscale
Afin de favoriser l’expérimentation et un déploiement responsable de solutions d’intelligence artificielle (IA), l’Agence du revenu du Canada (ARC) continue de renforcer la gouvernance et la surveillance de l’IA. Dans le cadre d’une série de mesures en matière de gouvernance, l’ARC a adopté en janvier 2021 une Directive sur l’intelligence artificielle.
Celle-ci définit les rôles et responsabilités au sein de l’ARC et repose sur l’utilisation obligatoire de l’outil d’évaluation de l’incidence algorithmique (EIA). Ce dernier obéit à trois finalités. Il s’agit d’un outil conçu dans un souci d’ouverture qui fait office de source de données centralisée sur les projets en matière d’IA développés au sein de l’ARC, accessible par tous les utilisateurs soucieux d’améliorer des projets transversaux. Afin d’évaluer l’incidence algorithmique et, éventuellement, de cibler les ressources, les projets d’IA sont classés en fonction des priorités absolues de l’ARC.
Enfin, l’outil EIA sert à évaluer et calculer les indicateurs de risque associés aux projets d’IA au cours des phases de développement et de production, y compris en fonction des mesures d’atténuation et de considérations éthiques. Grâce aux données recueillies, l'ARC est en mesure de s’appuyer sur l’EIA pour rendre compte de ce qui se passe dans tel ou tel secteur. Parce que la gouvernance de l’IA est un processus qui n’a pas encore atteint le stade de la maturité et continue de se transformer en réponse à l’évolution rapide du contexte de l’IA, l’EIA est appelé à évoluer aussi au service d’une supervision éclairée et de la promotion de la transparence.
Source : OCDE (2021), Administration fiscale 2021 : Informations comparatives sur les pays de l'OCDE et autres économies avancées et émergentes, https://doi.org/10.1787/cef472b9-en.
5e pilier : Nouvelles compétences
La transformation numérique modifie en profondeur les modèles opérationnels de l'administration fiscale et nécessitera non seulement l’embauche de nouveaux agents, mais également un développement des compétences du personnel existant. La gestion des ressources humaines et les processus de changement sont des éléments fondamentaux de l'Administration fiscale 3.0. Les graphiques 10.4. et 10.5. montrent comment les administrations fiscales se préparent à la transformation numérique en recensant les compétences requises et en investissant dans la formation du personnel afin de renforcer leurs capacités.
Ainsi que le soulignait ce chapitre précédemment, la transformation numérique des administrations fiscales a des incidences plus larges sur l'ensemble de l'écosystème. De nombreuses administrations fiscales ont donc décidé d’investir dans le développement collaboratif des compétences, comme le montre le graphique 10.5 qui reflète les vastes répercussions de la transformation numérique et la nécessité d'approches partagées.
Culture numérique
Outre les compétences requises pour mener à bien la transformation numérique, les administrations fiscales doivent prendre en compte les changements d'état d'esprit qu'elle nécessite. L'objectif est d’instaurer une culture dans laquelle les attentes des contribuables et des autres parties prenantes en matière de numérique sont comprises et prises en compte par le personnel ; les nouveaux services sont axés sur la demande, innovants et créés en tenant compte des potentielles synergies interfonctionnelles ; et les projets sont gérés de manière agile. Comme le montre le tableau 10.7, ce domaine de travail tend à se généraliser dans les administrations fiscales.
Tableau 10.7. Culture numérique, communication et engagement, 2022
Pourcentage d’administrations ayant mis en place le processus cité
Une stratégie visant à instaurer une culture numérique au sein de l’administration a été élaborée |
L’administration communique sur sa stratégie de transformation numérique ou sur les changements auprès de tous les agents afin qu’ils comprennent leurs rôles et responsabilités respectifs |
L’administration dialogue régulièrement avec les agents et les autres parties prenantes sur la stratégie de transformation numérique, sa mise en œuvre et les progrès accomplis |
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59 |
69 |
67 |
Note : Ce tableau se fonde sur les données provenant de 52 juridictions étudiées dans ce rapport et qui figurent dans la base de données ITTI.
Source : OECD et al. (2023), Inventaire multipartenaires des initiatives sur l’utilisation de la technologie à des fins fiscales, https://www.oecd.org/tax/forum-on-tax-administration/tax-technology-tools-and-digital-solutions/, tableau SG4 (consulté le 22 mai 2023).
Changer les mentalités n’est pas chose aisée, d’autant que le travail à distance ou hybride pose des difficultés en ce qui concerne la continuité de la formation du personnel et le maintien de la culture de l’organisation. Les administrations fiscales ont donc dû repenser leur façon de dispenser les formations de manière générale. Sur ce point, elles ont ainsi indiqué être passées à un environnement virtuel et à des séances en ligne diffusées en direct ou des vidéos et webinaires enregistrés.
Le passage aux formations à distance implique certes certains coûts de départ, mais peut néanmoins permettre de réaliser des économies à plus long terme, puisque, une fois réalisées, les formations peuvent être visionnées à tout moment et en tout lieu Les formations à distance permettent de réduire les frais de déplacement, de donner au personnel la possibilité d’apprendre à son rythme et à sa meilleure convenance, sans compter qu’elles peuvent être dispensées à un nombre plus important d’agents. De plus, les nouvelles technologies permettent d’améliorer les aspects liés à l’apprentissage collaboratif : le parcours de formation gagne ainsi en qualité.
6e pilier : Cadres de gouvernance
Dans le monde, les administrations fiscales ont mis en place de nouvelles stratégies pour opérer les changements fondamentaux des modèles opérationnels que requiert la transformation numérique. Il n'existe pas d'approche universelle dans ce domaine et, pour soutenir ces efforts, le Forum sur l'administration fiscale a créé un Modèle de maturité de transformation numérique, qui permet aux administrations fiscales d'auto-évaluer leur niveau actuel de maturité numérique et de faciliter la réflexion sur la stratégie future, en fonction des circonstances et des priorités propres à chaque administration fiscale. (OCDE, 2022[3])
Comme le montre le graphique 10.6., le modèle a été appliqué par plus de 50 administrations fiscales, et les résultats des auto-évaluations ainsi réalisées permettent de guider et d’étayer leurs stratégies.
Comme souligné précédemment, la stratégie qui guide la transformation numérique joue un rôle fondamental, et le graphique 10.7 révèle qu’environ 75 % des administrations ont mis en place une stratégie en ce sens. Les administrations fiscales indiquent que ces stratégies les aident à offrir des services « plus intelligents », permettant aux contribuables d'accomplir en ligne des tâches de plus en plus complexes, de façon plus efficace et 24 heures sur 24. Cette évolution contribue également à améliorer sensiblement le respect de leurs obligations par les contribuables.
La collaboration et la co-création sont au cœur de la vision de l'Administration fiscale 3.0. En effet, à mesure que les systèmes et processus fiscaux sont intégrés dans les écosystèmes plus larges des contribuables, la participation des parties prenantes à l'élaboration des stratégies de transformation numérique est essentielle pour garantir leur efficacité. De fait, cette collaboration est en train de devenir une caractéristique commune des stratégies, ainsi qu'illustré par le graphique 10.8. et par l'exemple livré dans l'encadré 10.7.
Encadré 10.7. Finlande : La participation des citoyens aux stratégies numériques
L'administration fiscale finlandaise a intégré le retour d'information des citoyens à sa stratégie de numérisation des processus internes et de mise en place d'une gestion axée sur les données. Des agents sans connaissances techniques ont utilisé une plateforme « no code / low code » (sans code ou avec peu de code) pour créer une application à part entière permettant de traiter les plaintes des parties prenantes liées à des procédures inadéquates ou illégales, ou à une faute/négligence de la part des agents de l’administration fiscale. L'application fait passer chaque plainte par toutes les étapes du processus de traitement du dossier et auprès de toutes les parties concernées.
Elle est en outre connectée à la salle des données numériques de l'administration fiscale, qui contient un large éventail d'informations et d'indicateurs sur les performances de l'organisation. Les rapports de la salle des données indiquent le statut, le domaine, l’examen et d'autres attributs des plaintes en temps réel, et favorisent ainsi une amélioration continue basée sur des éléments probants. La création de l'application illustre l’intérêt qu’il peut y avoir à faire appel au personnel interne de l'administration fiscale pour accélérer la numérisation avec souplesse et agilité.
Source : Finlande (2023).
Les retours des parties prenantes peuvent fournir des éclairages utiles pour compléter l'analyse des données que certaines administrations fiscales utilisent pour soutenir l'élaboration de leur stratégie (voir graphique 10.8.). L’encadré 10.8. en présente un exemple pratique.
Encadré 10.8. Stratégies de transformation numérique
Australie
En août 2022, l'Australian Taxation Office (ATO) a dévoilé sa Stratégie numérique actualisée (2023-2025), qui présente les prochaines grandes étapes de son parcours de transformation numérique. L'ATO ambitionne de devenir un chef de file des organisations numérisées proposant des services et des écosystèmes numériques fiables et efficaces. La stratégie, qui prend le parti de « la numérisation plutôt que la digitalisation », offre l’opportunité de faire le point sur les progrès accomplis par l'ATO, de réfléchir à des solutions qui permettraient de maximiser l'investissement dans les technologies existantes, et d'identifier les principales priorités pour les trois années suivantes.
Articulée autour de quatre piliers et cinq principes, cette stratégie entend poursuivre la numérisation des processus et des services afin d'améliorer l'expérience des administrés et des agents, d’améliorer la performance fiscale et de réduire les coûts administratifs. L'actualisation de la stratégie a été lancée en réponse à l'évolution rapide du paysage numérique, à la demande accrue d'expériences et de services numériques de qualité fournis par l'administration, et à la nécessité de permettre une adaptation rapide et efficace à des environnements changeants.
Bien qu’elle soit considérée comme ayant globalement atteint la maturité numérique, l’ATO a ressenti le besoin de mettre en place une approche cohérente dans l'ensemble de ses services afin de tirer le meilleur parti des bases solides existantes et de donner la priorité aux initiatives à même de concrétiser la vision de l'Administration fiscale 3.0.
Pour ce faire, l’ATO a mené une vaste consultation des parties prenantes (en interne et en externe) tout au long de l'élaboration de la stratégie. Cette démarche comprenait notamment les éléments suivants :
la mise en place d’un groupe de référence composé de cadres supérieurs clés de l'ATO pour façonner la stratégie ;
l’organisation de groupes de discussion avec des experts techniques, des responsables de projet et d'autres agents afin de recueillir des éclairages et des commentaires ;
l’implication des domaines d'activité, équipes techniques et responsables de segments clés de l’ATO dans un souci de cohérence et d'inclusion de leurs priorités et aspirations respectives ; et
un dialogue avec des instances externes (par exemple, le groupe de travail sur les fournisseurs de logiciels numériques) pour tester l'approche et les orientations de l'ATO.
La consultation en amont des parties prenantes et leur implication à un stade précoce du processus de développement ont permis à l'ATO de trouver un équilibre entre la détermination d’objectifs pratiques à court terme et la mise en place des bases nécessaires à la concrétisation des aspirations futures de l'administration fiscale.
Canada
Le Cadre de planification stratégique a été élaboré pour guider la prise de décision et les investissements alors que l'Agence du Revenu du Canada (ARC) s’efforce de concrétiser sa vision, qui est « d’être une administration fiscale et des prestations de calibre mondial qui est pour les gens d’abord : serviable, juste et digne de confiance ».
Le Cadre lie les priorités stratégiques et les principes directeurs de l’ARC à sa mission, sa vision, ses valeurs et ses résultats finaux. Les priorités stratégiques définissent ce que l’ARC fera à court, moyen et long terme pour mieux atteindre ses résultats finaux, tandis que les principes directeurs énoncent la façon dont l’Agence réalisera ses priorités stratégiques.
L’ARC s’est fixé les priorités suivantes, sur différents horizons de planification : offrir aux clients des expériences harmonieuses et des interactions personnalisées, qui sont d'abord numériques ; lutter contre la planification fiscale abusive et l'évasion fiscale ; renforcer la sécurité et protéger la vie privée ; favoriser un effectif productif et diversifié. Pour réaliser ces priorités, l'ARC entend adopter une approche axée sur l’utilisateur pour ses programmes et services ; exploiter les approches à l’échelle de l’entreprise et axées sur les données ; et favoriser l’efficacité grâce à une collaboration effective avec des partenaires actuels et nouveaux.
Chaque année, l'ARC fait le point sur les facteurs de changement dans son environnement externe, les priorités du gouvernement du Canada et son rendement, en s’appuyant sur les éléments de comparaison fournis par l’enquête ISORA (International Survey on Revenue Administration, Enquête internationale sur les administrations fiscales), afin de déterminer ses objectifs de planification conformément à son Cadre de planification, et sur différents horizons de planification.
L’exploitation de cet état des lieux pour éclairer les progrès réalisés par l’Agence en ce qui concerne les priorités et l’application des principes directeurs favorise les synergies entre ce qu'elle fait aujourd'hui et ce qu'elle devra faire demain pour réaliser sa vision.
Voir les documents de référence à l’annexe 10.A.
Source : Australie (2023) et Canada (2023).
La mise en œuvre de stratégies de transformation numérique est très gourmande en ressources, tant humaines que financières. Ce processus devant s’étaler sur plusieurs années, il nécessite une structure solide de financement, si possible réservé, afin de garantir que l'administration fiscale pourra planifier et soutenir la transition de bout en bout. Un financement incertain ne ferait que compliquer un processus déjà ardu, non seulement pour l'administration fiscale, mais aussi pour les contribuables. Comme le montre le graphique 10.9, seule la moitié environ des administrations fiscales dispose d'un financement réservé pour soutenir la transition vers une administration fiscale numérique.
Bibliographie
[3] OCDE (2022), Modèle de maturité de transformation numérique, https://www.oecd.org/tax/forum-on-tax-administration/publications-and-products/modele-de-maturite-transformation-numerique.pdf (consulté le 22 mai 2023).
[4] OCDE (2021), Administration fiscale 2021 : Informations comparatives sur les pays de l'OCDE et autres économies avancées et émergentes, Éditions OCDE, Paris, HYPERLINK "https://doi.org/10.1787/a1b690b6-fr" https://doi.org/10.1787/a1b690b6-fr .
[1] OCDE (2020), Tax Administration 3.0: The Digital Transformation of Tax Administration, https://www.oecd.org/tax/forum-on-tax-administration/publications-and-products/tax-administration-3-0-the-digital-transformation-of-tax-administration.htm (consulté le 22 mai 2023).
[2] OCDE et al (2023), Inventory of Tax Technology Initiatives, https://www.oecd.org/tax/forum-on-tax-administration/tax-technology-tools-and-digital-solutions/ (consulté le 22 mai 2023).
Annexe 10.A. Liens vers des documents de référence (consultés le 26 mai 2023)
Encadré 10.5. – Hongrie : Lien vers une vidéo présentant davantage de détails sur le centre opérationnel de sécurité de la NTCA : https://youtu.be/-qULPb7267U
Encadré 10.8. – Canada : Lien vers un aperçu schématique du Cadre de la planification stratégique de l’ARC : https://www.oecd.org/tax/forum-on-tax-administration/database/b.10.8-canada-strategic-planning-framework.pdf