Ce chapitre examine l’outil d’analyse comparative entre les sexes plus (ACS+) et sa mise en œuvre au Canada, et formule des recommandations afin d’en optimiser le potentiel à l’appui de l’amélioration de l’égalité des sexes par le biais de l’action gouvernementale. On y étudie également dans quelle mesure le cadre de performances et de résultats facilite la réalisation et le suivi des progrès en termes d’égalité des sexes. Le gouvernement du Canada travaille en ce sens et a créé récemment le Comité du Cabinet chargé du programme gouvernemental, des résultats et des communications, et mis sur pied, pour l’appuyer, une Unité des résultats et de la livraison au sein du Bureau du Conseil privé (BCP). La mise au point du Cadre des résultats relatifs aux sexes au titre du budget de 2018 constitue par ailleurs un jalon important. Les prochaines étapes devraient être axées sur le renforcement des liens à la fois en amont, avec des objectifs spécifiques énoncés dans une stratégie pour l’égalité des sexes au Canada, et en aval, avec les cadres de résultats et d’exécution ministériels.
L'égalité des sexes au Canada
Chapitre 3. Favoriser l’égalité des sexes par le biais de l’action publique
Abstract
3.1. Introduction
L’action gouvernementale a davantage de chances d’atteindre les objectifs globaux en matière d’égalité des sexes lorsque les instruments décisionnels – des politiques et textes législatifs aux budgets et réglementations, en passant par les marchés publics – tiennent pleinement compte de la situation, des besoins et des difficultés distincts des femmes et des hommes. L’ACS+ est le principal outil analytique dont le gouvernement du Canada se sert pour évaluer les diverses incidences des politiques et des programmes sur les unes et les autres. Le cadre de résultats peut également contribuer à mettre en évidence les liens entre les programmes et les réalisations en termes d’égalité des sexes.
Ce chapitre évalue l’ACS+ et sa mise en œuvre au Canada, et formule des recommandations afin d’en optimiser le potentiel en activant tous les leviers de l’action gouvernementale à l’appui de l’égalité des sexes. Il met en outre l’accent sur les cadres de performances et de résultats du gouvernement actuel et évalue leur rôle dans l’élaboration de politiques tenant compte de l’égalité des sexes.
3.2. L’ACS+, un outil favorisant l’intégration des questions d’égalité des sexes à l’élaboration des politiques
L’ACS+ agit comme un levier essentiel d’accélération de l’égalité des sexes au Canada, dans la mesure où il encourage l’évaluation des incidences des politiques, des programmes et des initiatives sur divers ensembles de personnes — femmes, hommes ou autres (voir Encadré 3.1). L’Encadré 3.2 expose des exemples d’ACS+. Le gouvernement s’est engagé à intégrer les questions d’égalité des sexes à l’ensemble des lois, des politiques et des programmes dans le cadre de la ratification du Programme d’action de Beijing. De là est né l’ACS, qui représente la concrétisation de cet engagement. L’ACS s’est peu à peu mué en un outil moderne d’élaboration des politiques faisant partie intégrante de la stratégie d’intégration de la problématique d’égalité des sexes au Canada. En 2011, Condition féminine Canada (CFC) l’a renommé ACS+ afin de signifier que l’identité individuelle est déterminée non seulement par le sexe, mais aussi par d’autres facteurs, tels que la race, l’origine ethnique, la religion, l’âge ou les éventuels handicaps physiques ou intellectuels. Dans la droite lignée de la Recommandation de 2015, qui traite des diverses dimensions de la discrimination, le Canada fait partie des quelques pays de l’OCDE à avoir mis l’accent sur l’« intersectionnalité » des facteurs d’identité. Si l’ACS+ ne s’appuie pas sur un socle législatif, il est obligatoire, depuis 2016, de fournir des données démontrant qu’une telle analyse a été menée à bien pour toutes les présentations soumises au Cabinet et au Conseil du Trésor.
Encadré 3.1. L’Analyse comparative entre les sexes plus (ACS+) au Canada
L’analyse comparative entre les sexes plus (ACS+) est un outil analytique servant à évaluer les répercussions potentielles des politiques, des programmes et des initiatives sur divers ensembles de personnes — femmes, hommes ou autres. Les analystes, les chercheurs, les évaluateurs et les décideurs sont ainsi en mesure d’améliorer constamment leur travail et de mieux servir les Canadiens et Canadiennes en apportant une réponse plus adaptée à leurs besoins et leur situation. L’ajout du « plus » signifie que l’analyse ne se limite pas au sexe (différences biologiques) ou au genre (construction sociale du sexe), mais considère aussi les autres facteurs d’identité individuelle qui les recoupent, tels que la race, l’origine ethnique, la religion, l’âge et le handicap physique ou intellectuel. Il est de notoriété au Canada que, sans l’ACS+, on risquerait de ne pas voir ou de mal interpréter le vécu d’une grande partie de la population canadienne et, par conséquent, d’élaborer des politiques et des initiatives susceptibles d’accentuer involontairement les inégalités. Il est donc crucial d’appliquer l’ACS+ afin d’optimiser l’impact et l’efficacité de toutes les initiatives fédérales.
CFC joue un rôle de premier plan dans la mise en œuvre de l’ACS+ à l’échelle du gouvernement. Il n’en reste pas moins que l’ensemble des ministères et des organismes gouvernementaux doivent s’engager en faveur de ce dispositif.
Tous les ministères et organismes fédéraux doivent justifier de la prise en compte des considérations afférentes à l’ACS+ et exposer leurs conclusions dans leurs mémoires au Cabinet et leurs présentations au Conseil du Trésor. L’ACS+ peut éclairer l’intégralité du processus d’élaboration des politiques, des activités de recherche et d’investigation préliminaire jusqu’à la mise au point des solutions et des stratégies. Elle doit également être utilisée pour les phases de mise en œuvre (par exemple pour les protocoles d’accord, ou conditions contractuelles), de suivi, d’évaluation et de communication d’une initiative.
Les organismes centraux (BCP, SCT et ministère des Finances) assurent une fonction d’examen critique en lien avec l’ACS+ ; formulent des orientations quant à l’intégration de l’ACS+ aux documents du Cabinet ; et appliquent l’ACS+ à leurs activités internes.
Plan d’action sur l’analyse comparative entre les sexes (2016-2020)
En 2015, le vérificateur général indiquait, dans son rapport intitulé « La mise en œuvre de l’analyse comparative entre les sexes », qu’il fallait faire davantage pour généraliser l’utilisation rigoureuse de l’ACS+ dans toute l’administration fédérale. Il recommandait que CFC, le BCP et le SCT travaillent de concert avec tous les ministères et les organismes fédéraux pour repérer les obstacles à la mise en œuvre de l’ACS et évaluer périodiquement les progrès afin d’en faire rapport. Il recommandait en outre que CFC évalue les ressources qui lui sont nécessaires pour s’acquitter de son mandat en matière d’ACS+. Des recommandations ultérieures ont été formulées par le Comité permanent de la condition féminine.
CFC, le BCP et le SCT ont par conséquent défini un Plan d’action énonçant les mesures qui seront prises pour remédier aux lacunes mises en évidence par le vérificateur général, en s’appuyant sur les progrès réalisés et les enseignements qui ont pu en être tirés. Les engagements pris dans le Plan d’action portent notamment sur les points suivants :
Mieux cerner et analyser les obstacles à la mise en œuvre de l’ACS+ ;
Atténuer les obstacles connus en améliorant les outils, la formation et les ressources en matière d’ACS+ ;
Créer de nouveaux forums de réseautage et de collaboration en matière d’ACS+, y compris à l’intention des cadres ;
Mettre à jour le guide de rédaction des mémoires au Cabinet et des présentations au Conseil du Trésor pour y intégrer des directives plus précises concernant l’ACS+ ;
Renforcer la fonction d’examen critique des organismes centraux grâce à la formation ; et
Concevoir et mettre en place un cadre plus rigoureux pour mieux suivre les progrès réalisés quant au développement des capacités et à la mise en œuvre de l’ACS+ à l’échelle de l’administration fédérale, y compris l’influence exercée par l’ACS+ et les résultats qui en sont issus.
Source : Condition féminine Canada, Cours d’introduction à l’ACS+ [https://www.swc-cfc.gc.ca/gba-acs/course-cours-2017/fra/modA2/modA2_01_01.html] ; Plan d’action sur l’analyse comparative entre les sexes (2016-2020), https://www.swc-cfc.gc.ca/gba-acs/plan-action-2016-fr.html.
3.2.1. Forces et faiblesses de la mise en œuvre actuelle de l’ACS+
Au cours des dernières années, la mise en œuvre de l’ACS+ a fait l’objet d’améliorations notables faisant fond sur les conclusions du Bureau du vérificateur général qui, en 2015, ont fait état d’une application inégale du dispositif selon les ministères fédéraux. Dans son évaluation, le vérificateur général n’a trouvé que peu d’éléments montrant que l’ACS+ avait contribué à éclairer, voire guider le processus décisionnel du Cabinet, et a formulé des recommandations pour remédier à cette faille (Office of the Auditor General Canada, 2016[32]). Par la suite, le Comité permanent de la condition féminine a formulé d’autres recommandations visant à faire avancer la mise en œuvre de l’ACS+. Ces recommandations préconisaient notamment : l’introduction d’un socle législatif qui sous-tende la mise en œuvre de l’ACS+ ; une sensibilisation aux répercussions de l’ACS+ au niveau fédéral ; une évaluation annuelle du cours en ligne sur l’ACS+ ; et l’affectation à CFC de ressources financières et humaines adéquates à l’appui de la mise en œuvre de l’ACS+.
Suite aux recommandations du Bureau du vérificateur général et du Comité permanent de la condition féminine, et dans la droite lignée de l’engagement général, aux plus hauts niveaux de l’administration, à l’égard du programme en faveur de l’égalité des sexes et de l’inclusion, le socle réglementaire de l’ACS+ a été peu à peu renforcé, parallèlement à l’introduction de la budgétisation sexospécifique. En 2016, le gouvernement a instauré l’obligation de fournir des éléments attestant de la prise en compte et, le cas échéant, de la réalisation de l’ACS+ dans toutes les présentations au Cabinet et au Conseil du Trésor. La même année, l’ACS+ a été intégrée à la nouvelle Politique du gouvernement sur les résultats. En 2017, le ministre des Finances a avisé les ministères que tous les projets de budget devaient être accompagnés d’une évaluation ACS+. Le Canada fait aujourd’hui partie du cercle restreint de pays de l’OCDE ayant intégré les considérations liées à l’égalité des sexes dans le processus standard d’élaboration des politiques du Cabinet, conformément aux dispositions de la Recommandation de 2015. Surtout, le budget de 2018 prévoit l’adoption d’une législation relative à l’ACS+. Des travaux sont également en cours pour instaurer une obligation de réalisation d’ACS+ dans le cadre de l’étude d’impact de la réglementation. Les premiers éléments montrent que ces initiatives ont d’ores et déjà eu des effets positifs sur les capacités d’ACS+ au sein des ministères et des organismes fédéraux. Qui plus est, depuis l’instauration de l’obligation de réaliser une ACS+, il apparaît que les ministères sont plus nombreux à collecter des données ventilées par sexe et à avoir mis en place des structures ministérielles de gouvernance chargées d’appliquer l’ACS+ (Condition féminine Canada, 2018).
La poursuite des efforts de déploiement de l’ACS+ aidera les ministères à surmonter les obstacles restants. Selon les résultats de l’enquête annuelle sur la mise en œuvre de l’ACS+ réalisée par CFC, la plupart des ministères ne disposent toujours pas d’un plan d’action en la matière, ni de structures internes de gouvernance dédiées. La formation en matière d’ACS+ reste majoritairement axée sur l’analyse des politiques, et beaucoup reste à faire pour renforcer l’intégration de ces analyses dans la conception des programmes, la législation en matière de prestation de services, et d’autres domaines comme les projets d’approvisionnement. Il convient en outre de renforcer les efforts de suivi de l’ACS+.
Autre axe d’amélioration pour accroître l’impact de l’ACS+ : renforcer la fonction d’examen critique exercée par les organismes centraux (voir chapitre 2). À l’heure actuelle, l’ACS+ ne s’appuie pas sur un socle législatif et trouve sa justification dans l’engagement fort des pouvoirs publics ; dans la pratique, les organismes centraux peuvent se montrer réticents à la perspective de renvoyer régulièrement aux ministères sectoriels des propositions au Cabinet en raison d’une ACS+ manquante ou incomplète. La future législation relative à l’ACS+, annoncée dans le budget de 2018, offre donc une occasion importante de renforcer le rôle des organismes centraux en matière de suivi de la mise en œuvre du dispositif. Le champ d’application de la loi qui a été annoncée couvre les décisions en matière de budget et de dépenses. Une directive du Cabinet sur l’ACS+ pourrait renforcer encore davantage la fonction d’examen critique de l’ACS+ dans les propositions au Cabinet.
Encadré 3.2. Mise en œuvre de l’ACS+ au sein du ministère Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada
Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada est le seul ministère fédéral qui est tenu de mener une analyse comparative entre les sexes et d’en faire rapport au Parlement. La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, entrée en vigueur en 2002, prévoit en effet une obligation légale de présenter une analyse comparative entre les sexes de ses répercussions, dans un rapport annuel au Parlement. Le texte stipule en effet expressément que : « le ministre dépose devant chaque chambre du Parlement un rapport sur l’application de la présente loi portant sur l’année civile précédente » et que « Le rapport précise notamment... une analyse comparative entre les sexes des répercussions de la présente loi ». Le ministère a mis sur pied une unité d’analyse comparative entre les sexes au sein de la Direction générale des politiques stratégiques et de la planification, qui sert d’autorité fonctionnelle responsable de la politique relative à l’ACS+ et de la capacité organisationnelle du ministère. Il a également un(e) champion(ne) de l’ACS+ qui met en valeur l’efficacité de l’application de cette analyse.
Un exemple du rôle de l’ACS+ dans l’amélioration de la prise de décision
Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada a réalisé une analyse comparative entre les sexes pour une réglementation en matière de parrainage. En 2016, dans le cadre d’un engagement du mandat ministériel, le ministère a élaboré une proposition visant à supprimer l’exigence réglementaire obligeant les époux et partenaires parrainés des citoyens canadiens et des résidents permanents à faire vie commune avec leur répondant pendant une durée de deux ans afin de conserver leur statut de résident permanent.
L’analyse a reconnu qu’un époux ou un partenaire parrainé peut être vulnérable pour de nombreuses raisons, notamment le genre, l’âge, la compétence en matière de langues officielles, l’isolement et la dépendance financière, et que ces facteurs peuvent créer un déséquilibre entre le répondant et son époux ou partenaire. Il a également été établi que l’exigence de cohabitation de deux ans pouvait aggraver ces vulnérabilités en cas de violences conjugales. Soulignant que les femmes constituent la majorité (70 %) des personnes touchées qui présentent une demande à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada afin d’obtenir une dérogation à la condition en invoquant la violence ou la négligence, le ministère a estimé que cette exigence réglementaire pouvait avoir pour conséquence que des époux ou des partenaires vulnérables restent dans une relation violente par crainte de perdre leur statut de résident permanent au Canada.
L’exigence se rapportant à la résidence permanente conditionnelle a été supprimée le 18 avril 2017.
3.2.2. Liens entre l’ACS+ et les processus du Cabinet
L’ACS+ est entièrement intégrée au processus d’élaboration des politiques du Cabinet, ce qui semble avoir contribué à élargir le champ et améliorer la qualité de cet outil d’évaluation des politiques. Les exigences en la matière ont induit un virage culturel au sein des ministères, qui prennent l’ACS+ davantage au sérieux. À l’avenir, la volonté et la capacité de l’administration fédérale d’intégrer pleinement l’analyse comparative entre les sexes dans le programme d’exécution et de résultats pourront assurer la pérennité et l’impact de l’ACS+.
Si le fait de lier l’ACS+ aux processus du Cabinet en matière de politiques présente des avantages, un certain nombre de facteurs doivent être pris en considération pour évaluer l’efficacité de l’outil :
1. Premièrement, le principe de confidentialité au sein du Cabinet peut imposer des contraintes informelles limitant la capacité de CFC d’apporter un soutien direct aux ministères dans le cadre de la préparation des présentations au Cabinet. Du fait de ce même principe, il peut s’avérer difficile pour le Parlement et la société civile de sonder la qualité et la rigueur de l’analyse comparative entre les sexes.
2. Deuxièmement, la préparation des présentations au Cabinet se fait généralement dans des délais serrés. Les décideurs peuvent par conséquent éprouver des difficultés à mener une analyse pertinente, en particulier si les données et les connaissances des besoins en termes d’égalité des sexes dans un secteur donné ne sont pas directement accessibles. Pour être d’une utilité optimale, l’ACS+ doit être intégrée le plus tôt possible dans le processus d’élaboration des politiques, ce qui n’est pas toujours le cas au Canada.
3. Troisièmement, les ministères fédéraux ont longtemps perçu l’ACS+ comme un outil limité, un aide-mémoire étroitement lié aux processus discontinus comme la préparation des mémoires au Cabinet et des projets de budget, ou des présentations au Conseil du Trésor. Une évolution culturelle s’avère nécessaire afin de modifier le positionnement de l’ACS+ pour en faire un instrument plus large et plus complet pouvant être appliqué en continu à de nombreuses activités gouvernementales.
L’une des solutions pour accroître l’impact de l’ACS+ sur les décisions en matière de politique consiste à privilégier une mise en œuvre méthodique mais systématique du principe de transparence eu égard à l’analyse comparative entre les sexes, en respectant le principe immuable de confidentialité au sein du Cabinet (voir chapitre 4). La mise en place d’une consultation généralisée des parties prenantes au début de chaque mandat gouvernemental afin d’identifier les priorités générales et sectorielles en matière d’égalité des sexes représente une autre piste possible (voir également le chapitre 4 sur la consultation des citoyens). Il conviendrait par ailleurs de renforcer l’intégration de l’ACS+ aux différentes phases du cycle d’élaboration des politiques, de la définition des problématiques à l’évaluation et l’analyse d’impact. L’engagement annoncé récemment de légiférer sur l’ACS+, allié aux efforts déployés par CFC pour sensibiliser les ministères dans ce domaine, devrait y contribuer.
3.3. Intégrer une dimension d’égalité des sexes dans l’approche en matière d’exécution et de résultats
3.3.1. L’approche en matière d’exécution et de résultats
Le gouvernement du Canada a exposé son engagement en faveur d’une prise de décision fondée sur des éléments probants, et de l’obtention de résultats tangibles et pertinents pour les Canadiens. L’importance de cet engagement politique trouve sa concrétisation dans la mise en place d’un Comité du Cabinet chargé du programme gouvernemental, des résultats et des communications, appuyé par une Unité des résultats et de la livraison, qui relève du Bureau du Conseil privé1 (voir Encadré 3.3). Le Président du Conseil du Trésor du Canada est également chargé de veiller à ce que les ministères utilisent les meilleures informations disponibles, mesurent les répercussions de leurs programmes et améliorent l’établissement des rapports destinés au Parlement.
3.3.2. Définir des priorités gouvernementales globales
Le gouvernement énonce ses engagements de haut niveau dans les lettres de mandat que le Premier ministre adresse à chacun des ministres et qui exposent à la fois les attentes générales et les objectifs stratégiques plus précis des ministres. Reflet de l’importance accordée aux principes d’ouverture et de transparence du gouvernement (voir section 4.2), ces documents ont été publiés pour la première fois en 2016. On dénombre au total, depuis octobre 2017, 30 lettres de mandat contenant 406 engagements (Government of Canada, 2018[36])
Encadré 3.3. Nouvelles composantes du cadre fédéral de planification stratégique
Comité du Cabinet chargé du programme gouvernemental, des résultats et des communications
Le gouvernement a créé, en novembre 2015, un nouveau Comité du Cabinet chargé du programme gouvernemental, des résultats et des communications. Présidé par le Premier ministre, il a pour mission d’établir le programme du gouvernement, d’assurer le suivi des progrès réalisés relativement aux priorités et d’examiner les communications stratégiques.
Unité des résultats et de la livraison
En janvier 2016, une nouvelle Unité des résultats et de la livraison a été créée au sein du Bureau du Conseil privé pour appuyer le Comité du Cabinet, le Premier Ministre et les ministères fédéraux. L’Unité, qui compte un effectif de 15 personnes, a pour mission d’assurer le suivi des performances des ministères et de rendre compte aux ministres du Cabinet et au Premier ministre des éventuels obstacles ou des opportunités susceptibles d’avoir des incidences sur les grandes promesses électorales. La nouvelle Unité appuie en outre les efforts déployés pour assurer le suivi de l’exécution des programmes et surmonter les obstacles qui en freinent la mise en œuvre, et facilite les travaux du gouvernement en élaborant des outils et des documents d’orientation, et en menant des activités d’apprentissage sur la mise en œuvre d’une approche axée sur les résultats.
Les lettres de mandat appellent les ministres à effectuer un suivi et à rendre compte régulièrement des progrès qu’ils réalisent relativement à leurs engagements, à évaluer l’efficacité des travaux en cours et à investir les ressources nécessaires pour obtenir des résultats dans des domaines qui comptent pour les Canadiens. Les progrès dans la réalisation de ces engagements sont consultables grâce à un outil Web de suivi des lettres de mandat2. Cette plateforme garantit la redevabilité du gouvernement à l’égard de ses engagements de haut niveau envers les Canadiens et constitue, à de nombreux égards, une pratique internationale d’avant-garde. Les engagements représentent les mesures menées au titre des 12 grandes priorités fixées par le gouvernement – voir Graphique 3.1– qui découlent pour la plupart du Discours du Trône exposant le programme du gouvernement.
À l’heure actuelle, il n’existe pas de lien formel entre les 12 grandes priorités et les comités de sous-ministres (également dénommés groupes de travail des sous-ministres). Ces comités sont généralement chargés de mener une réflexion à plus long terme. Pour autant, il existe une forte cohérence entre ces priorités et les mandats des comités, et les sujets y afférents peuvent être soumis aux comités de sous-ministres à la discrétion du Président. Par ailleurs, le Premier ministre a pris la responsabilité de la priorité « Un Canada divers et inclusif » et a mis en place un groupe de travail chargé d’atteindre les résultats visés dans ce domaine.
Chaque priorité est assortie d’une Charte des résultats et de l’exécution, qui fixe un plan d’exécution et un cadre de reddition de compte permettant d’assurer un suivi des progrès enregistrés. Les ministères définissent les résultats escomptés et les principaux indicateurs (à court, moyen et long termes) à l’appui de leur réalisation. Les résultats peuvent être transversaux, afin de capitaliser sur la coopération entre les ministères.
Des travaux sont menés actuellement pour assurer la cohérence, autant que faire se peut, entre ces indicateurs et ceux énoncés dans les cadres de résultats des ministères. Du fait de la disparité des approches, il se peut que les ministères ne collectent pas encore régulièrement les informations nécessaires pour rendre compte de leurs progrès au regard des grandes priorités du gouvernement, en s’appuyant sur leurs processus opérationnels existants (voir ci-après). L’Unité des résultats et de la livraison a d’ailleurs déjà été confrontée à des difficultés pour rassembler les informations des ministères à cette fin. Dans certains cas, il pourrait s’avérer nécessaire, à plus long terme, de charger les ministères de collecter de nouvelles données plus étroitement liées aux priorités, dans le cadre d’une stratégie de données plus structurée.
3.3.3. Rapports sur les performances des ministères
En 1997, le Canada a scindé les plans de dépenses des ministères en deux types de documents : d’une part, les Rapports sur les plans et les priorités et, d’autre part, les Rapports ministériels sur le rendement. Ces outils, désormais dénommés respectivement Plans ministériels et Rapports sur les résultats ministériels, continuent de constituer le socle de l’actuelle structure de suivi des réalisations des ministères canadiens.
Les Plans ministériels sont des documents de planification triennaux qui énoncent les priorités des ministères, les résultats escomptés et les besoins en ressources connexes. Lorsque le ministère a adopté une Charte des résultats et de l’exécution, les priorités définies dans le Plan ministériel doivent être cohérentes avec les termes de ladite Charte. Pour garantir que les ministères disposent de données à l’appui des indicateurs proposés, ils doivent également présenter un plan énonçant les modalités d’obtention des données qui serviront au suivi des progrès.
Quant aux Rapports sur les résultats ministériels, ils rendent compte des résultats réels obtenus par chacun des ministères au cours du plus récent exercice clos, au regard des plans, des priorités et des résultats attendus énoncés dans leurs Plans ministériels respectifs.
La Politique sur les résultats, adoptée en 20163, définit le cadre ministériel des résultats qui régit la façon dont les ministères atteignent les résultats attendus et en rendent compte. Pour ce faire, les ministères doivent collecter des informations clés sur leurs performances au titre de chaque programme dans des Profils d’information sur le rendement (PIR). La Politique sur les résultats fournit des orientations sur la façon dont les ministères peuvent utiliser les informations sur leurs performances pour étayer les demandes de financement. La Directive sur les résultats (2016) énonce les exigences à l’appui de la mise en œuvre de la Politique sur les résultats, notamment la définition des rôles et responsabilités des agents ministériels du gouvernement fédéral canadien.
Rôle du Secrétariat du Conseil du Trésor (SCT)4
Le Conseil du Trésor est un comité du Cabinet qui agit en tant que conseil de gestion du gouvernement et, avec le soutien de son Secrétariat, surveille les activités de l’ensemble de l’administration fédérale. La gestion des performances est l’un des domaines phares dans lesquels il exerce cette fonction de surveillance. Le Secrétariat du Conseil du Trésor examine les Plans ministériels et les Rapports sur les résultats ministériels, et veille à ce qu’ils respectent les orientations centrales. Désormais, l’Unité des résultats et de la livraison créée au sein du BCP est également chargée d’aider à l’établissement des rapports sur les performances, afin de veiller à ce que l’exercice soit conforme aux priorités générales du gouvernement.
Le Graphique 3.2 donne un aperçu du système général de résultats et d’exécution, dont les principaux éléments sont exposés dans l’Encadré 3.4.
Encadré 3.4. Composantes du système de résultats et d’exécution du gouvernement fédéral canadien
Charte des résultats et de l’exécution
Il s’agit là d’un nouveau document du Cabinet utilisé comme base pour rendre compte de l’avancement de la mise en œuvre des 12 grandes priorités du gouvernement. Pour chaque domaine de priorité, les ministères définissent les résultats attendus et les indicateurs clés qui les sous-tendent.
Lettres de mandat
Les lettres de mandat que le Premier ministre adresse à chaque ministre énoncent les attentes générales, ainsi que les objectifs stratégiques plus précis de chaque ministre. Ces lettres mettent en évidence la contribution que tous les ministres peuvent apporter aux engagements pangouvernementaux.
Plans ministériels
Les Plans ministériels sont des documents de planification triennaux qui énoncent les priorités des ministères, les résultats escomptés et les besoins en ressources correspondants. Ces plans sont déposés au Parlement au plus tard le 31 mars.
Cadres de résultats ministériels
Les Cadres de résultats ministériels définis pour chaque ministère et organisme fournissent une structure régissant la fourniture des informations sur les performances financières et non financières à l’appui des estimations et de l’établissement des rapports parlementaires.
Profils d’information sur le rendement (PIR)
Les Profils d’information sur le rendement contiennent les principales informations sur les performances mesurées et suivies au titre de chaque programme gouvernemental.
Rapports sur les résultats ministériels
Les Rapports sur les résultats ministériels rendent compte des résultats réels obtenus par chacun des ministères et des organismes au cours du plus récent exercice clos, au regard des plans, des priorités et des résultats attendus énoncés dans leurs Plans ministériels respectifs. Ces rapports informent les parlementaires et les Canadiens des résultats obtenus par les organisations gouvernementales.
3.3.4. Intégrer une dimension d’égalité des sexes dans l’approche en matière d’exécution et de résultats
Le Canada s’efforce d’ores et déjà de renforcer les liens entre ses outils d’évaluation de la prise en compte des questions d’égalité des sexes et les cadres de résultats et d’exécution. L’engagement du gouvernement en faveur de cette cause fait partie intégrante de l’une des douze grandes priorités, à savoir « Un Canada divers et inclusif ». Au total, 14 engagements liés à l’égalité des sexes sont énoncés au titre de cette priorité et sont mentionnés dans les lettres de mandat adressées à plusieurs ministres. Onze de ces engagements figurent dans la lettre de mandat destinée à la ministre de la Condition féminine, trois dans celle adressée à la ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et du Travail, et cinq dans les lettres de mandat envoyées à d’autres ministres5.
CFC met actuellement au point un cadre normalisé d’indicateurs relatifs à l’égalité des sexes. Cet ensemble d’indicateurs pourra être utilisé pour alimenter les chartes, les cadres de résultats ministériels et les Profils d’information sur le rendement (voir également le chapitre 1 sur la Politique fédérale en matière d’égalité entre les sexes).
Pour ce qui est d’intégrer une dimension d’égalité des sexes dans l’évaluation des performances des ministères, la Directive sur les résultats inclut un certain nombre de considérations sur ce thème. Elle exige en particulier que les ministères :
Tiennent compte de l’analyse comparative entre les sexes lors de l’établissement des plans pour la mesure du rendement au niveau des programmes ; et
Ajoutent des indications permettant d’identifier les programmes ayant des incidences sur des groupes de population particuliers, comme les femmes.
Le SCT, au titre de sa fonction d’examen critique des projets de plans ministériels et des rapports sur les résultats ministériels, encourage l’intégration de la problématique de l’égalité des sexes, le cas échéant. En outre, tous les plans ministériels établis en 2017-18 intègrent obligatoirement un tableau d’informations complémentaires sur l’ACS+. CFC travaille de concert avec le SCT et les ministères pour appuyer ces efforts et veille à la cohérence avec le cadre d’indicateurs en cours d’élaboration (voir également le chapitre 2).
Par ailleurs, le SCT a émis récemment des consignes à l’intention des ministères sur la nécessité d’inclure des Profils d’information sur le rendement pour chaque programme. Ces Profils rassemblent certes les informations de rendement recueillies au titre des programmes, mais doivent aussi intégrer, s’il y a lieu, une analyse comparative entre les sexes.
Il ressort de ces récentes initiatives que nombre d’outils sont déjà en place ou en cours d’élaboration, dans le but d’aider les ministères à intégrer l’analyse comparative entre les sexes dans leurs cadres aux fins du ciblage des résultats et de l’établissement des rapports. Il est encore trop tôt pour savoir si les ministères ont réussi à utiliser ces outils et à mettre en place des politiques tenant compte de la problématique de l’égalité des sexes et ayant des incidences dans ce domaine. Il importera à l’avenir de maintenir la définition centralisée des orientations et le rôle de supervision, afin notamment d’aider les ministères à gérer les évolutions institutionnelles et culturelles qui pourraient s’avérer nécessaires, un passage obligé si l’on veut tendre vers une application uniforme de la nouvelle approche (voir chapitre 2 pour une évaluation plus détaillée des rôles et responsabilités institutionnels).
3.3.5. Renforcer l’intégration de la problématique de l’égalité des sexes dans les résultats et l’exécution des programmes
Le cadre de résultats et d’exécution est un outil important et utile que le gouvernement peut utiliser pour élaborer des politiques plus égalitaires. En faisant d’« Un Canada divers et inclusif » l’une de ses grandes priorités, le gouvernement a impulsé un élan qui se transmet à l’ensemble de l’administration publique. En principe, cette volonté, alliée aux nouvelles consignes visant à incorporer les considérations d’égalité des sexes dans les rapports ministériels sur le rendement, devrait garantir à terme l’intégration de la problématique dans l’approche en matière d’exécution et de résultats. Dans la pratique, en revanche, la Charte en faveur de la diversité et de l’inclusion a une portée limitée et ne formule pas d’orientations exhaustives pour la politique d’égalité des sexes et de diversité (voir chapitre 2). Ce qui laisse l’approche de la problématique d’égalité des sexes fortement tributaire de la volonté politique. Une partie prenante a résumé le risque inhérent à une telle approche, en faisant observer que deux ans de progrès pouvaient être anéantis en deux minutes si la question de l’égalité des sexes ne remportait plus le soutien des pouvoirs publics.
La mise en place d’un cadre général dédié à la question de l’égalité des sexes, intégrant des indicateurs clés, est essentielle pour jeter les bases d’une approche plus pérenne de l’obtention des résultats attendus dans ce domaine. La mise au point du Cadre des résultats relatifs aux sexes au titre du budget de 2018 constitue à cet égard un jalon important. Les prochaines étapes de l’élaboration de ce cadre devraient être axées sur le renforcement des liens à la fois en amont, avec des objectifs spécifiques énoncés dans une stratégie en faveur de l’égalité des sexes au Canada (voir chapitre 1), et en aval, avec les cadres de résultats et d’exécution ministériels. L’Autriche a montré la voie dans ce domaine (voir Encadré 3.5). Les observations des mesures qui y ont été prises révèlent que l’approche adoptée met en avant la problématique de l’égalité des sexes tant au sein de l’administration publique qu’en dehors, dans les groupes de population cible et chez les parties prenantes concernées (Schratzenstaller, 2014[38]). On constate en outre que, « dans l’ensemble, on est parvenus à une transparence, une sensibilisation et une responsabilisation accrues quant à la problématique et aux objectifs en matière d’égalité des sexes, ainsi qu’un enrichissement du débat sur l’égalité des sexes et la budgétisation sexospécifique » (IMF, 2017[39]).
Encadré 3.5. Intégration de la problématique de l’égalité des sexes dans le cadre de performances en Autriche
Le système inédit de budgétisation sexospécifique mis en place en Autriche est parfaitement intégré au cadre de budgétisation fonctionnelle. Aux termes de la loi de finances fédérale de 2013, les objectifs de résultats définis pour chaque chapitre budgétaire doivent comprendre au moins un objectif lié à l’égalité des sexes ; et chacun des « budgets globaux » et des « budgets détaillés » doit inclure à son tour au moins une cible connexe. Par conséquent, chaque ministère sectoriel a l’obligation de réfléchir à la façon dont les questions d’égalité des sexes s’intègrent à leurs activités et concevoir, dans le cadre du budget, des objectifs et des indicateurs qui vont dans ce sens. Qui plus est, l’égalité des sexes représente l’une des dimensions de l’analyse qui doit être réalisée régulièrement au titre des évaluations d’impact des nouvelles politiques. Le suivi de la réalisation des objectifs en matière d’égalité des sexes entre dans le cadre des Rapports de performances préparés par la chancellerie fédérale.
Pris dans sa globalité, le système autrichien d’élaboration des politiques vise donc à (a) obliger l’ensemble des ministères à intégrer les questions d’égalité des sexes à la fois dans leur processus de fixation des objectifs de haut niveau et dans la spécification plus détaillée des réalisations et des objectifs, (b) évaluer les incidences sur l’égalité des sexes lors de la conception des politiques, en utilisant pour ce faire un modèle standardisé, et appliquer cette évaluation ex ante et ex post, et (c) rendre compte des réalisations au titre des objectifs d’égalité des sexes dans les rapports annuels de performance.
Pour un aperçu global des résultats des ministères au regard des objectifs fixés, il convient de se reporter aux rapports de performances établis par la chancellerie fédérale. Le Rapport annuel d’orientation budgétaire, publié en octobre, non seulement agrège les différents rapports des ministères sectoriels, mais les reconfigure également afin de présenter un seul et unique état de la situation en matière d’égalité des sexes.
Source : (OECD, Forthcoming[40])
3.4. Évaluation
3.4.1. Contexte
Le Canada a depuis longtemps recours à l’évaluation à l’appui de l’élaboration de politiques fondées sur des données probantes. Depuis plus de 40 ans, diverses formes d’évaluations ont été utilisées pour mesurer les performances des programmes mis en œuvre par les ministères canadiens. La Loi fédérale de 2006 sur la responsabilité stipule que tous les programmes de versement de subventions ou de contributions doivent faire l’objet d’un examen quinquennal. Aux termes de la Politique sur les résultats entrée en vigueur en 2016, les ministères doivent mettre en œuvre un plan quinquennal continu d’évaluation ministériel (Government of Canada, 2018[41]).
Au sein de chaque ministère, les Unités d’évaluation mènent non seulement à bien des études d’évaluation, mais endossent également un rôle plus large de préparation des rapports de planification et des évaluations, d’élaboration de cadres de responsabilisation axés sur les résultats, et de conseil et de formation sur l’évaluation à l’intention des gestionnaires de programmes. Les évaluations peuvent en outre être confiées, en tout ou partie, à des sous-traitants, notamment si elles nécessitent une expertise technique ou fonctionnelle particulière. Les responsables ministériels s’appuient sur les conclusions des évaluations et les recommandations connexes aux fins de l’amélioration des politiques et des programmes, de la gestion des dépenses, de la prise de décision au niveau du Cabinet, et de l’établissement des rapports destinés au public.
La Division des résultats du SCT tient le rôle d’unité de support technique à l’appui des évaluations ; à ce titre, elle définit les normes, fournit une direction centralisée, des orientations et des conseils, et utilise les résultats d’évaluation, le cas échéant, dans le processus de prise de décision au niveau du centre de gouvernement.
3.4.2. Intégration de la problématique de l’égalité des sexes dans les évaluations
Nombre de composantes analytiques de l’ACS+ se retrouvent dans la procédure d’évaluation : tel est le cas de la définition claire des objectifs d’action ; l’interrogation des ensembles de données ; l’examen critique des hypothèses qui sous-tendent la conception des politiques ; et l’évaluation d’approches alternatives. Par conséquent, on pourrait attendre du développement des capacités de mise en œuvre de l’ACS+ à l’échelle du système qu’il ait des retombées positives sur la capacité plus globale d’aborder l’élaboration des politiques selon une approche évaluative, fondée sur des données probantes.
Il n’en reste pas moins que le programme d’application de l’ACS+ peut encore être renforcé en établissant des liens plus explicites ou des synergies avec le cadre d’évaluation général. Cela pourrait passer par la formulation de consignes spécifiques obligeant les unités d’évaluation soit à intégrer systématiquement les considérations d’égalité des sexes lors de l’évaluation des politiques et des programmes et de la conception des cadres logiques, soit à donner la priorité aux évaluations selon qu’elles sont axées sur la problématique de l’égalité des sexes. Aujourd’hui, la Directive sur les résultats énonce l’obligation, pour les ministères, de tenir compte des questions telles que l’égalité des sexes, le cas échéant, lors de la planification d’évaluations spécifiques (au moment d’en définir la portée et la méthodologie, par exemple). Dans les faits, les analystes qui mènent les évaluations sur les politiques travaillent rarement de concert avec les responsables de l’élaboration des politiques chargés de l’ACS+.
3.4.3. Renforcer l’intégration de la problématique de l’égalité des sexes dans les évaluations
Comme le montrent les travaux de recherche menés récemment par l’OCDE, les cadres de résultats, les cadres d’évaluation (ex ante et ex post), les systèmes de suivi des programmes et autres approches analytiques ne devraient pas être appréhendés comme des outils indépendants, mais comme un continuum d’informations d’évaluation que les décideurs devraient mettre à profit à l’appui de la conception, de la planification, du suivi et de l’examen des programmes (OECD, Forthcoming[42]). De par leur nature, ces outils d’évaluation peuvent être assortis d’échéances diverses, produire différents types de données, porter sur des domaines d’action variés (dépenses, réglementation, etc.) et avoir diverses provenances : dès lors, la tâche des décideurs consiste à comprendre et exploiter ce continuum aux fins de l’élaboration et de l’examen de politiques fondées sur des données probantes. Ces travaux révèlent également que la fonction d’évaluation devrait être étroitement liée à la phase de conception des politiques et des programmes, de manière à mettre au point les cadres logiques nécessaires, ainsi que les indicateurs connexes et les stratégies de collecte de données, afin d’assurer le suivi de la mise en œuvre et des incidences des choix politiques, y compris sur les femmes et les hommes.
L’ACS+ est un ajout important dans cet écosystème d’instruments d’évaluation, et les résultats et éclairages qu’il apporte devraient également être accessibles à la communauté des responsables d’évaluation. Lorsque l’ACS+ liée à une politique ou un programme a été mise en œuvre judicieusement lors de la phase d’élaboration de la stratégie de mesure des performances (par exemple lors de la configuration ou du renouvellement d’un programme), la dimension d’égalité des sexes peut être intégrée, sans heurts majeurs, à l’évaluation. En revanche, lorsqu’elle n’a pas été prise en compte dans les objectifs initiaux d’une politique ou d’un programme, elle s’avère difficile à intégrer. À mesure que des améliorations seront apportées à l’ACS+ au sein des ministères, ainsi qu’aux rapports connexes, la dimension d’égalité des sexes s’intégrera automatiquement au processus d’évaluation. CFC œuvre déjà en ce sens, en collaboration avec les responsables d’évaluation. Le SCT a un rôle de soutien essentiel à jouer dans ce domaine. À l’avenir, pour assurer l’efficacité et l’impact de cette initiative, il importera de suivre les résultats de ces évaluations par rapport aux objectifs en matière d’égalité des sexes définis dans une Stratégie en faveur de l’égalité des sexes au Canada (voir chapitre 1).
3.5. Examens des dépenses
3.5.1. Contexte
Depuis le début des années 90, le Canada a expérimenté diverses approches en matière d’examens des dépenses, fondées à la fois sur des impératifs fiscaux et l’objectif d’améliorer la gestion des fonds publics et les résultats.
Plus récemment, le pays a opté pour une nouvelle approche. Annoncée dans le budget fédéral de 2016, elle reflète l’engagement du Canada de mettre fin aux programmes mal ciblés et inefficients, au gaspillage et aux initiatives gouvernementales inefficaces et obsolètes. Le gouvernement a commencé par annoncer 221 millions CAD de réductions annuelles de dépenses en matière de services professionnels, de déplacements et de publicités gouvernementales, ainsi que son intention de trouver des solutions afin de mieux aligner les dépenses publiques sur les priorités. Dans la droite lignée de cet engagement, le Canada a lancé quatre examens ministériels exhaustifs en 2016, afin de garantir l’efficience, l’efficacité et la rentabilité des programmes. Dans le cadre du budget de 2017, le pays a annoncé la réalisation de trois examens ministériels supplémentaires, auxquels sont venus s’ajouter des examens horizontaux ; l’un d’eux portait sur les programmes d’innovation en entreprise et les technologies propres, et un autre, sur les immobilisations fédérales.
Un nouvel examen ministériel de dépenses pourrait être lancé par le biais d’une annonce budgétaire ou d’un engagement du Président du Conseil du Trésor, avec le ministre concerné. Le SCT supervise les examens et fournit des orientations, mais c’est généralement le ministère concerné qui est chargé de mener à bien l’examen. Le délai de réalisation des examens va de six à douze mois, avec pour point d’orgue la présentation du rapport d’examen au Conseil du Trésor par le ministre. Une fois que le Conseil du Trésor a étudié les résultats, son Président transmet au ministre des Finances et au Premier ministre des recommandations finales destinées à éclairer les décisions budgétaires et gouvernementales.
Un examen horizontal, lancé par le biais d’une annonce budgétaire, porte sur un domaine d’action ou un programme précis présentant un intérêt particulier pour le gouvernement. Les examens horizontaux sont pilotés par le Président du Conseil du Trésor et menés par des agents du SCT travaillant en étroite collaboration avec les ministères concernés. Agissant en qualité de ministre responsable de l’examen, le Président rend compte des résultats au Conseil du Trésor ; des recommandations finales sont ensuite transmises au ministre des Finances et au Premier ministre afin d’éclairer les décisions budgétaires et gouvernementales à venir.
3.5.2. Intégration des considérations d’égalité des sexes dans les examens des dépenses
Par le passé, l’évaluation des questions d’égalité des sexes n’était pas systématiquement intégrée dans les examens des dépenses. Néanmoins, pour se conformer aux recommandations relatives aux présentations au Conseil du Trésor, elles doivent, depuis 2017-18, être exposées, au même titre que les résultats des examens des dépenses, dans une annexe obligatoire à l’ACS+. Comme dans le cas plus général de l’ACS+, l’amélioration de la transparence quant au contenu et à la nature de l’analyse des questions d’égalité des sexes, et les mécanismes dictant la manière dont les évaluations nourrissent la prise de décision afférente aux examens de dépenses au niveau du Conseil du Trésor, contribueraient à renforcer la confiance du public dans la qualité et l’impact de cette dimension du processus d’examen des dépenses.
L’impact global de la prise en compte des questions d’égalité des sexes dans l’exercice d’examen des dépenses a également été évalué, par le passé, par le Conseil du Trésor, lorsqu’il a entrepris de mener une analyse des décisions dans le cadre du Plan d’action pour la réduction du déficit, en 2012. Toutefois, cette évaluation a été réalisée à la fin de l’examen des dépenses. Si elle intervenait plus tôt, elle pourrait nourrir le processus décisionnel.
3.5.3. Renforcement de l’intégration des considérations d’égalité des sexes dans les examens des dépenses
Il est essentiel que l’analyse comparative entre les sexes qui accompagne les présentations des examens des dépenses au Conseil du Trésor soit d’une grande rigueur. Pour garantir une meilleure prise en compte de cette problématique, le SCT pourrait notamment souligner l’intérêt des informations contenues dans l’annexe à l’ACS+ pour l’évaluation des présentations ministérielles au Conseil du Trésor. De plus, le SCT pourrait utiliser les informations fournies par les ministères à l’appui d’analyses complémentaires destinées à éclairer la prise de décision par le Conseil du Trésor. On pourrait à ce titre soumettre une évaluation de différentes formules d’examens des dépenses et de leurs répercussions en termes d’égalité des sexes – en s’appuyant sur les priorités de la stratégie fédérale proposée en la matière – dans le cadre du processus décisionnel. Cette approche serait similaire à celle adoptée, par exemple, au Royaume-Uni, où l’on tient compte de l’impact de l’examen des dépenses sur la durabilité environnementale (voir Encadré 3.6). En parallèle, si les considérations d’égalité entre les sexes étaient intégrées plus explicitement au cycle de conception des programmes et des politiques, y compris aux cadres d’évaluation, les résultats de ces évaluations des performances des programmes et politiques tenant compte des différences entre les sexes pourraient également étayer les décisions afférentes aux examens des dépenses.
Encadré 3.6. Prise en compte des questions environnementales dans le cadre de l’examen des dépenses réalisé au Royaume-Uni en 2015
Le gouvernement du Royaume-Uni a fixé une panoplie d’objectifs en matière d’environnement et de développement durable. L’examen des dépenses de 2015 a été l’occasion pour HM Treasury d’encourager l’adoption d’une approche coordonnée à l’égard de la réalisation des objectifs environnementaux. L’examen des dépenses, tel qu’il a été conçu, a permis aux ministères de communiquer des informations sur les risques, les impacts et les obligations environnementaux dans le cadre de leurs appels d’offre, et HM Treasury a pris des mesures pour les y encourager. HM Treasury a demandé aux ministères de présenter une synthèse de l’impact de leurs appels d’offre sur les objectifs carbone, et conseillé les équipes ayant affaire aux ministères entreprenant les dépenses quant à la prise en compte des lois sur le changement climatique, l’énergie, la précarité énergétique et la qualité de l’air dans l’évaluation des appels d’offre ministériels. En conséquence, HM Treasury a indiqué que certains ministères amélioraient la justification des dépenses liées aux objectifs environnementaux et étaient mieux à même de quantifier les avantages connexes que lors des examens des dépenses précédents.
HM Treasury a entrepris de préparer une analyse prévisionnelle de l’impact de l’examen des dépenses sur les objectifs environnementaux. Cette analyse, réalisée durant l’examen des dépenses, a évalué dans quelle mesure les appels d’offres collectifs pouvaient avoir des incidences tangibles sur la capacité du gouvernement d’atteindre les objectifs qui avaient été fixés.
Source : (UK National Audit Office, 2016[43])
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[9] Wells, M. (2018), Closing the Engineering Gender Gap, https://www.design-engineering.com/features/engineering-gender-gap/.
Notes
← 1. Les unités d’exécution gouvernementales centrales de ce type sont relativement récentes ; d’abord mises en œuvre au Royaume-Uni en 1999, on en trouve désormais dans différentes juridictions, de l’Ontario et du Maryland jusqu’à Singapour.
← 3. Remplace des politiques telles que la Politique sur la structure de la gestion, des ressources et des résultats, et la Politique sur l’évaluation.
← 4. Le rôle du Secrétariat du Conseil du Trésor (SCT) dans l’analyse comparative entre les sexes est exposé en détail dans le chapitre 2.
← 5. Le total excède 14 car pour trois de ces engagements, deux ministres ou plus travaillent de concert