704. La sécurité juridique en matière fiscale est un élément essentiel du Pilier Un. Le fait d’assurer et de renforcer la sécurité juridique dans tous les domaines où des différends sont susceptibles de survenir présente des avantages pour les contribuables comme pour les administrations fiscales, et s’avère déterminant pour soutenir l’investissement, l’emploi et la croissance. Les ministres des Finances des pays du G20 ont pris conscience de l’importance de poursuivre la coopération internationale afin de faire en sorte que la sécurité juridique en matière fiscale soit un élément indissociable des efforts visant à parvenir à une solution fondée sur un consensus pour relever les défis fiscaux soulevés par la numérisation de l’économie1.
705. Dans ce Rapport sur le Blueprint du Pilier Un, la question de la sécurité juridique en matière fiscale en tant qu’élément du Pilier Un est analysée sous deux angles, à savoir : la prévention et le règlement des différends portant sur le Montant A, et la prévention et le règlement des différends non liés au Montant A.
706. En ce qui concerne le Montant A, le Cadre inclusif reconnaît qu’il serait difficile, sinon impossible, de permettre à l’ensemble des administrations fiscales concernées d’évaluer et de vérifier les modalités de calcul et de répartition du Montant A d’un groupe d’EMN, et de s’appuyer sur les mécanismes bilatéraux actuels pour résoudre les différends éventuels. C’est pourquoi ce rapport prévoit un mécanisme obligatoire et contraignant de prévention des différends, clair et simple à mettre en œuvre, qui garantirait une sécurité juridique à un stade précoce, avant d’opérer les ajustements fiscaux, de manière à prévenir les différends relatifs à tous les aspects du Montant A. Ces différends pourraient porter par exemple sur la délimitation correcte des branches d’activité, la répartition des frais généraux et des pertes fiscales entre ces différentes branches, l’existence ou non d’un lien dans une juridiction donnée, et l’identification des juridictions accordant un allégement de la double imposition aux fins de l’élimination de celle-ci. Le processus décrit dans le présent rapport reste à l’étude, et pourrait être révisé en fonction de la poursuite des travaux.
707. Le processus repose sur un système de comités représentatifs qui exerceraient une fonction d’examen, associant un comité d’examen et, si nécessaire, un comité de décision qui seraient garants de la sécurité juridique à un stade précoce. Si un groupe d’EMN accepte les résultats du processus de sécurité juridique en matière fiscale, ceux-ci seraient contraignants pour le groupe d’EMN et les administrations fiscales de toutes les juridictions concernées par le calcul et la répartition du Montant A, y compris celles qui n’ont pas participé directement aux travaux du comité. En cas de refus, ce sont les dispositions prévues par le droit interne qui s’appliqueraient au groupe d’EMN. Dans l’hypothèse où un groupe d’EMN fait le choix de ne pas recourir au processus de sécurité juridique à un stade précoce, et que des différends surviennent, cette nouvelle approche prévoit des mesures destinées à améliorer l’efficacité du règlement des différends. Toutefois, au vu des avantages que présente le processus de sécurité juridique à un stade précoce, on peut s’attendre à ce que la plupart des groupes d’EMN couverts y participent.
708. Il convient de souligner que des règles de prévention et de règlement des différends seraient intégrées dans le même instrument que celui instaurant les règles d’imposition du Montant A, ce qui garantirait que le nouveau droit d’imposition soit lié à l’existence de la nouvelle approche relative à la sécurité juridique en matière fiscale.
709. Afin de garantir une sécurité juridique en matière fiscale sur des aspects non liés au Montant A, l’approche adoptée dans ce Rapport sur le Blueprint du Pilier Un comprend trois grandes étapes — prévention des différends (étape 1), mécanisme actuel relatif à la procédure amiable (étape 2), et mécanisme nouveau et innovant de règlement obligatoire et contraignant des différends (étape 3). S’il faut reconnaître l’importance des travaux en cours visant à améliorer et à renforcer les outils de prévention et de règlement des différends ainsi que la procédure amiable, parallèlement aux travaux relatifs aux défis fiscaux soulevés par la numérisation de l’économie, ils se sont intensifiés au vu de l’importance fondamentale que revêt la sécurité juridique en matière fiscale en tant qu’élément du Pilier Un.
710. Les membres du Cadre inclusif continuent d’avoir des avis différents en ce qui concerne le champ d’application d’un nouveau mécanisme de règlement obligatoire et contraignant des différends non liés au Montant A. Certains sont tout à fait favorables à un mécanisme de portée générale, tandis que d’autres estiment que les différends sans rapport avec le Montant A devraient être réglés dans le cadre existant applicable à la procédure amiable et à l’aide d’outils administratifs non contraignants. Pour rapprocher ces points de vue différents, l’approche suivante, articulée autour de quatre éléments, est envisagée dans le rapport :
Contribuables couverts. Pour les groupes d’EMN dont le chiffre d’affaires mondial et le chiffre d’affaires couvert de source étrangère dépassent les seuils fixés par le Montant A, l’approche envisage un nouveau processus de règlement obligatoire et contraignant visant l’ensemble des différends relatifs aux prix de transfert et aux ajustements des établissements stables vis-à-vis de l’une de leurs entités constitutives. Ce nouvel instrument a été conçu pour être utilisé en cas d’échec de tous les autres moyens de prévention et de règlement des différends, qui seraient enrichis et améliorés, notamment dans le cadre des travaux au titre de l’examen de l’Action 14 en 2020. Il s’appliquerait aux ajustements relatifs aux activités couvertes, mais viserait également d’autres activités (non couvertes) des groupes d’EMN soumis au nouveau droit d’imposition, éventuellement sous réserve d’un seuil d’importance relative. Il ne s’appliquerait pas si les différends sont déjà couverts par des mécanismes obligatoires et contraignants existants, qui continueraient d’être utilisés.
Autres contribuables. Tous les autres contribuables bénéficieraient des améliorations apportées à la procédure amiable et aux autres outils existants de prévention et de règlement des différends. S’agissant de ces contribuables, le Cadre inclusif examinera également des mécanismes nouveaux et innovants de règlement des différends relatifs aux ajustements significatifs des prix de transfert et aux établissements stables que les autorités compétentes ne sont pas en mesure de résoudre dans les délais prescrits par le biais de la procédure amiable. À cet égard, les prochaines étapes des travaux dans ce domaine consisteront à étudier les avantages des deux approches suivantes : un processus obligatoire et contraignant de règlement des différends, et un processus obligatoire mais non contraignant de règlement des différends, associés à des aspects se rattachant à l’examen par les pairs et à la communication d’informations statistiques.
Montant B. L’un des principaux objectifs du Montant B est de prévenir les différends en matière de prix de transfert concernant les activités de commercialisation et de distribution de référence, grâce à l’utilisation de rendements normalisés convenus, appliqués à des activités définies objectivement, et reposant sur des indicateurs quantitatifs. Tout différend lié à l’application du Montant B (par exemple, la question de savoir si un contribuable relève ou non de la définition des « activités de commercialisation et de distribution de référence ») entraînant un risque de double imposition serait également soumis à un mécanisme obligatoire et contraignant de règlement des différends, en dernier ressort et après que tous les autres moyens de prévention et de règlement des différends ont échoué.
Économies en développement qui n’instruisent pas ou peu de cas soumis à la procédure amiable. Dans le cas des économies en développement qui instruisent peu ou pas de cas soumis à la procédure amiable, et qui n’ont donc qu’une expérience limitée, voire aucune expérience dans ce domaine, il semblerait disproportionné de les obliger à s’engager à mettre en œuvre un processus de règlement obligatoire des différends potentiellement complexe, afin de remédier à une situation qui, les concernant, peut ne présenter aucun risque significatif, tant pour les contribuables que pour les administrations fiscales. S’agissant des différends non liés au Montant A, ces juridictions s’engageraient plutôt à recourir à titre volontaire à un mécanisme contraignant de règlement des différends qui serait déclenché lorsque les deux autorités compétentes conviennent de l’utiliser afin de régler des différends non résolus dans le cadre d’une procédure amiable. Pour déterminer le nombre de cas soumis à la procédure amiable à partir duquel une juridiction relèverait de cette catégorie, il serait fait référence aux principes du processus d’examen par les pairs de l’Action 14 (en particulier les critères de report de l’examen par les pairs d’une juridiction) qui prend en compte le nombre de cas soumis à la procédure amiable ainsi que les restrictions d’accès susceptibles d’avoir empêché des cas d’être soumis à ce mécanisme de règlement, et donc d’être comptabilisés comme tels.
Les mécanismes décrits ci-dessus pourraient être associés à un examen par les pairs et à un cadre de suivi afin de vérifier l’efficacité de tous les éléments des nouveaux dispositifs de prévention et de règlement des différends.
711. D’autres travaux seront entrepris afin de mettre au point les différentes caractéristiques techniques du processus de sécurité juridique en matière fiscale au titre du Montant A, notamment les moyens de limiter au minimum la charge pesant sur les ressources et les coûts administratifs afférents, et de préciser de quelle manière ces coûts devraient être supportés. Il convient toutefois de noter que, même si la mise en place d’un nouveau processus aura une incidence en termes de coûts pour les administrations fiscales comme par les groupes d’EMN, ceux-ci devraient globalement et au fil du temps, s’avérer nettement inférieurs aux coûts engendrés par une application non coordonnée du Montant A par les administrations fiscales dans toutes les juridictions où un groupe d’EMN détient une entité constitutive ou une présence sur le marché. Les travaux porteront également sur toute autre question nécessitant que des orientations pratiques supplémentaires soient formulées au sujet de la mise en œuvre du processus de sécurité juridique en matière fiscale au titre du Montant A.
712. Une décision concernant le champ d’application d’un nouveau mécanisme obligatoire et contraignant de règlement des différends non liés au Montant A sera nécessaire pour faire avancer les travaux techniques relatifs à ce mécanisme et à sa mise en œuvre. Ces travaux consisteront notamment à étudier comment, dans le cadre de la mise en œuvre du Montant A, on pourrait envisager d’étendre l’application de ce nouveau mécanisme de règlement des différends à des situations non couvertes par une convention fiscale bilatérale comportant un article sur la procédure amiable entre les juridictions concernées (et donc aucune obligation existante ou norme juridique commune susceptible de constituer le fond d’un différend).