Ce chapitre précise le contexte et les fondements essentiels de la mesure de l’innovation qui sont à la base de ce manuel. Il décrit les principaux points de vue et les principales théories sur l’innovation, expose les besoins des utilisateurs en matière de données sur l’innovation, et présente un cadre et différentes approches de mesure. Bien que le manuel soit axé sur la mesure de l’innovation dans le secteur des entreprises, ce chapitre donne une définition générale de l’innovation, applicable à tous les secteurs, et examine la question de sa mesure à la fois dans le secteur des entreprises et dans d’autres secteurs.
Manuel d’Oslo 2018
Chapitre 2. Concepts relatifs à la mesure de l’innovation
Abstract
2.1. Introduction
2.1. Le présent chapitre précise le contexte dans lequel s’inscrit la mesure de l’innovation, et en expose la démarche logique et les possibilités. Il décrit les concepts qui sont à la base des principaux points de vue et des principales théories sur l’innovation, examine les besoins des utilisateurs en matière de données sur l’innovation et présente les éléments d’un cadre et les différentes approches de la mesure de celle-ci. Une définition générale de l’innovation, applicable à tous les secteurs, est élaborée et présentée à la dernière section du chapitre.
2.2. Une innovation n’est pas seulement une idée nouvelle ou une invention. Elle doit être mise en œuvre soit directement, soit en étant fournie à des tierces parties, entreprises, individus ou organisations, qui en font usage. Les effets économiques et sociaux des inventions et des idées dépendent de la diffusion et de l’adoption des innovations associées. En outre, l’innovation est une activité dynamique et universelle qui éclot dans toutes les branches d’une économie, et non la prérogative du seul secteur des entreprises. D’autres types d’organisations, des individus aussi, apportent fréquemment des changements à des produits ou des processus, et génèrent, collectent et diffusent des connaissances nouvelles qui présentent un intérêt pour l’innovation.
2.3. Ces activités et ces relations dynamiques et complexes constituent un défi important, mais pas insurmontable, pour la mesure. Des définitions précises de l’innovation et des activités d’innovation sont indispensables pour mesurer celle-ci et ses résultats économiques. Le présent manuel s’inspire des ouvrages de gestion et des publications universitaires, ainsi que de l’expérience récemment acquise en matière de mesure de l’innovation dans plusieurs pays, pour mettre à jour les définitions et les principes directeurs applicables à cet effet.
2.4. Les données sur l’innovation intéressent les dirigeants et les acteurs des organisations publiques et privées, les milieux universitaires et les utilisateurs institutionnels. Les analystes des politiques et les pouvoirs publics de par le monde cherchent à stimuler l’innovation, qui est un déterminant essentiel de la productivité, de la croissance économique et du bien-être. Par ailleurs, les politiques nécessitent que l’on comprenne, sur la base de données empiriques, comment fonctionne l’innovation, afin d’appuyer les changements économiques et sociaux susceptibles d’aider à résoudre les problèmes nationaux et mondiaux, à savoir l’évolution démographique, la nécessaire sécurité de l’alimentation et du logement, le changement climatique et autres problèmes environnementaux, et de nombreux autres obstacles au bien-être.
2.5. L’innovation se produit dans chacun des quatre grands secteurs d’une économie, tels que définis par le Système de comptabilité nationale (SCN) des Nations Unies : le secteur des entreprises (dénommé « secteur des sociétés » dans le SCN), le secteur des administrations publiques, celui des ménages et celui des institutions sans but lucratif au service des ménages (ISBLSM) (CE et al., 2009). Bien que cette édition du Manuel d’Oslo (comme les précédentes) soit plus spécifiquement axée sur le secteur des entreprises et ses liens internes et externes, les concepts abordés dans ce chapitre sont globalement applicables aux quatre secteurs. Les lecteurs qui s’intéressent à la mesure de l’innovation dans les trois autres secteurs du SCN pourront donc y trouver des informations utiles.
2.6. Le chapitre s’organise comme indiqué ci-après. La section 2.2 examine les concepts clés qui distinguent l’innovation des phénomènes connexes. La section 2.3 étudie les besoins des utilisateurs en matière de données sur l’innovation, puis la section 2.4 détermine l’objet et les phénomènes caractérisant le champ possible de la mesure de l’innovation. Le but de la section 2.5, qui se penche sur les stratégies communes en matière de mesure de l’innovation et expose les déterminants des choix de mesure que ce manuel applique au secteur des entreprises, est de formuler un cadre général de mesure de l’innovation. La section 2.6 donne une définition générale de l’innovation et décrit brièvement le contexte y afférent dans les administrations publiques, le secteur des ménages et celui des institutions sans but lucratif au service des ménages. Le présent manuel ne donne aucune directive de mesure de l’innovation dans des secteurs autres que celui des entreprises, mais on compte que d’autres principes directeurs, en phase avec ce manuel, seront élaborés à l’avenir pour d’autres secteurs du SCN.
2.2. Le concept d’innovation
2.2.1. Bases conceptuelles
2.7. Les bases conceptuelles de la mesure de l’innovation sont principalement dérivées de la gestion et de l’économie (Smith, 2006). Les approches inspirées par la gestion permettent d’étudier la manière dont l’innovation peut changer la position d’une entreprise sur le marché et la façon de générer des idées à l’appui de l’innovation. L’angle économique est adopté pour examiner les raisons qui font que les organisations innovent, les forces qui orientent l’innovation, les facteurs qui la freinent et les effets macroéconomiques qu’elle produit sur un secteur, un marché ou une économie. Ces aspects sont grandement influencés par les théories de Schumpeter (1934) sur la manière dont les entreprises s’emploient à trouver de nouveaux débouchés et à acquérir un avantage compétitif sur leurs concurrents réels ou potentiels. Schumpeter a introduit le concept de « destruction créatrice » pour décrire le bouleversement de l’activité économique existante par des innovations qui créent de nouveaux modes de production des biens ou des services, parfois même de nouveaux secteurs. Les travaux publiés sur la croissance économique se sont servis de ce paradigme pour étudier les déterminants de la croissance économique à long terme.
2.8. La théorie de la diffusion (Rogers, 1962) examine les processus de transmission et d’adoption progressives des innovations parmi les membres d’un système social. Les approches évolutionnistes (Nelson et Winter, 1982) considèrent l’innovation comme un processus dépendant du chemin emprunté (Dosi, 1982), dans lequel les innovations s’élaborent par le jeu d’interactions entre différents acteurs, avant d’être testées sur le marché. Ces interactions et les essais effectués sur le marché déterminent dans une large mesure les produits qui sont finalement développés et ceux qui réussissent, ce qui oriente la future trajectoire du développement économique. Les travaux menés par Simon (1982, 1969) sur la prise de décisions et la résolution de problèmes ont exercé une influence sur les publications relatives à l’innovation et sur l’émergence des méthodes de conception créative (design thinking) qui exploitent la créativité pour résoudre les problèmes complexes (Verganti, 2009) que pose l’innovation, que ce soit dans les organisations du secteur public ou privé.
2.9. Les approches de l’innovation telles que le modèle de liaison en chaîne de Kline et Rosenberg (1986) et la théorie des systèmes d’innovation (Freeman, 1987 ; Lundvall, 1992 ; Nelson [dir. pub.], 1993 ; OCDE, 1997) insistent sur le fait que l’innovation n’est pas un processus linéaire et séquentiel, mais implique de nombreuses interactions et rétroactions dans la création et l’utilisation des connaissances. De plus, l’innovation se fonde sur un processus d’apprentissage qui met à profit des contributions multiples et nécessite de résoudre des problèmes en permanence.
2.10. Aborder l’innovation sous l’angle des systèmes demande des approches pluridisciplinaires et interdisciplinaires, qui permettent d’examiner les interdépendances entre acteurs, l’incertitude des résultats ainsi que les caractéristiques évolutionnistes et de dépendance au sentier de systèmes complexes et non linéaires dans leurs réactions aux interventions des pouvoirs publics. Les systèmes d’innovation font intervenir des organisations du secteur des entreprises et des trois autres secteurs du SCN. Ils peuvent être circonscrits par secteur, par technologie ou par zone géographique et sont souvent imbriqués, les systèmes locaux étant liés aux systèmes nationaux et mondiaux. Le processus de mesure recueille généralement des données au niveau de l’entreprise, les données résultantes étant ensuite agrégées pour fournir des résultats nationaux ou sectoriels. La mesure de l’innovation à l’échelle de plusieurs pays présente une grande valeur potentielle, mais nécessite un travail de coordination considérable.
2.11. Les approches axées sur les systèmes sont utilisées dans l’élaboration des politiques d’innovation pour coordonner les transformations des systèmes servant des objectifs sociétaux généraux (OCDE, 2016a). Un changement de régime visant à décarboner les systèmes de transport constitue un exemple de transformation de ce type (Kemp, Schot et Hoogma, 1998). Cela nécessite une coordination des producteurs et des consommateurs pour faire en sorte que chaque composante d’un réseau complexe soit en place, en particulier lorsque certains éléments clés du système n’existent pas encore (un réseau dense de bornes de recharge des véhicules électriques, par exemple). Les changements systémiques peuvent être le résultat ainsi que le canal par lequel de nouvelles technologies sont adoptées, comme l’application de l’intelligence artificielle à un vaste ensemble d’utilisations.
2.12. Une évaluation des théories en matière d’innovation fait apparaître quatre dimensions de l’innovation susceptibles d’en guider la mesure : les connaissances, la nouveauté, la mise en œuvre et la création de valeur. Chacune de ces dimensions est examinée dans ce qui suit.
2.2.2. Connaissances
2.13. Les innovations dérivent d’activités fondées sur les connaissances qui impliquent la mise en pratique d’informations et d’un savoir existants ou récemment acquis. Les informations sont des données organisées qui peuvent être reproduites et transférées entre organisations à moindres frais. Les connaissances renvoient à la compréhension d’informations et l’aptitude à les utiliser à des fins diverses. Elles s’obtiennent par un effort cognitif, et sont par conséquent difficiles à transférer puisqu’elles requièrent un apprentissage de la part du destinataire. Les informations comme les connaissances peuvent être acquises ou créées à l’intérieur ou à l’extérieur d’une organisation concernée.
2.14. La recherche et le développement expérimental (R-D), décrits en détail dans le Manuel de Frascati de l’OCDE (OCDE, 2016b), font partie d’une série d’activités susceptibles de générer des innovations ou par l’intermédiaire desquelles il est possible d’acquérir des connaissances utiles à l’innovation (voir chapitre 4). Les autres méthodes permettant de développer un savoir potentiellement utile sont les études de marché, les activités d’ingénierie visant à évaluer l’efficience des procédés, ou l’analyse des données provenant des utilisateurs de biens et services numériques. Des informations utiles à l’innovation peuvent être accumulées sans que l’on ait une application précise en tête, mais pour aider à élaborer et à évaluer des possibilités d’action future, par exemple.
2.15. Les connaissances présentent des caractéristiques particulières qui sont utiles à leur mesure et l’influencent (Arrow, 1962). Il s’agit de ressources non rivales, leur utilisation par une organisation ou une personne ne diminuant en rien la quantité potentiellement disponible pour d’autres. Les possibilités de retombées créées par de nouvelles connaissances incitent les pouvoirs publics à faire en sorte que le savoir soit largement disponible. Cependant, les ressources nécessaires pour assimiler et utiliser efficacement les connaissances, de même que la capacité à créer de la valeur à partir du savoir, peuvent donner lieu à concurrence (en cas d’offre limitée de personnes compétentes et capables de maîtriser ce savoir, ou de rareté d’autres ressources complémentaires, par exemple). Selon le contexte, les connaissances peuvent être plus ou moins précieuses pour un acteur donné selon que d’autres parties les détiennent ou sont en mesure de les utiliser.
2.16. Un certain nombre de pratiques soutenues par des institutions économiques et sociales peuvent faire des connaissances un bien exclusif, notamment l’utilisation de méthodes de protection du secret et de la propriété intellectuelle. Ces pratiques ont une incidence sur les incitations et la capacité à se procurer et à transformer de nouvelles connaissances en innovations. Les évolutions technologiques, commerciales et réglementaires peuvent aussi influer sur les incitations. Ainsi, la capacité croissante de numériser et d’organiser les informations, puis d’y accéder à un coût nul ou marginal, a accru la somme des connaissances susceptibles d’être mises à disposition et créé des avantages liés à la possibilité d’exclure d’autres utilisateurs (Cameron et Bazelon, 2013).
2.2.3. Nouveauté au regard des utilisations potentielles
2.17. Les connaissances peuvent être utilisées pour élaborer les idées, modèles, méthodes ou prototypes originaux qui sont à la base des innovations. Ces éléments peuvent être acquis à l’extérieur ou développés à l’intérieur d’une organisation. La nouveauté d’une innovation est liée à ses utilisations potentielles, telles que déterminées par les caractéristiques d’un produit ou d’un processus comparé à d’autres, et par les expériences précédentes de son fournisseur et des utilisateurs visés.
2.18. Certaines caractéristiques peuvent être mesurées de façon objective, comme l’efficacité énergétique, la vitesse, la solidité d’un matériau, le taux de défaillance et d’autres attributs physiques, mais les caractéristiques subjectives, telles que la satisfaction des utilisateurs, la facilité d’utilisation, la souplesse, la capacité d’adaptation à des conditions variables et l’attrait émotionnel, peuvent être plus délicates à jauger. Sur le plan des caractéristiques subjectives, la nouveauté peut être difficile à établir, encore que la frontière entre ce qui peut ou ne peut pas être mesuré tende à s’effacer à mesure que les organisations élaborent des méthodes d’évaluation des réponses expérientielles et émotionnelles. Qui plus est, la nouveauté peut être intrinsèquement subjective car il arrive que les utilisateurs attribuent des priorités différentes à certains attributs ; ainsi, un groupe d’utilisateurs donnera la priorité à la facilité d’utilisation d’un téléphone portable, tandis qu’un autre mettra en avant ses performances techniques.
2.2.4. Mise en œuvre et utilisation effective
2.19. Pour être considérés comme des innovations, les nouveaux modèles, idées, méthodes ou prototypes doivent être mis en œuvre. Pour ce faire, les organisations doivent veiller systématiquement à ce que l’innovation soit accessible aux utilisateurs potentiels, que ceux-ci soient internes à l’organisation (pour les innovations portant sur les processus et procédures) ou externes à celle-ci (pour les innovations de produit). L’exigence de mise en œuvre est un trait essentiel de l’innovation, qui la distingue entre autres des inventions, des prototypes ou des idées nouvelles.
2.20. Les innovations doivent au minimum présenter des caractéristiques qui n’étaient pas proposées jusque-là aux utilisateurs par l’organisation considérée. Ces caractéristiques peuvent être nouvelles pour l’économie, la société ou un marché en particulier, mais ce n’est pas nécessairement le cas. Une innovation peut reposer sur des produits et des processus qui étaient déjà utilisés dans d’autres contextes – sur d’autres marchés géographiques ou d’autres marchés de produits, par exemple. Dans ce cas, l’innovation constitue un exemple de diffusion. Celle-ci peut générer une valeur économique et sociale substantielle, et revêt à ce titre une importance stratégique. Le présent manuel intègre les processus de diffusion dans la définition de l’innovation (voir chapitre 3), tout en énonçant des principes directeurs pour l’identification des différents degrés de nouveauté, y compris celui des innovations constituant des premières mondiales.
2.21. Enfin, la mise en œuvre ne représente pas l’étape finale pour une organisation innovante. Des activités complémentaires, visant à étudier les innovations après leur mise en œuvre, peuvent donner lieu à des améliorations mineures ou des innovations radicalement nouvelles, en motivant une reconception fondamentale ou des perfectionnements majeurs, par exemple. Certains de ces efforts complémentaires se traduisent parfois par des innovations à part entière. Il arrive aussi que les examens postérieurs à la mise en œuvre conduisent à l’abandon d’une innovation.
2.2.5. Création de valeur
2.22. Considérée comme une activité économique, l’innovation mobilise des ressources qui pourraient être utilisées à d’autres fins. L’existence de coûts d’opportunité implique l’intention probable d’aboutir à une création de valeur (ou une préservation de la valeur), quelle qu’en soit la forme, de la part des acteurs chargés de mener à bien une activité d’innovation. La valeur constitue donc un objectif implicite de l’innovation, qui ne saurait toutefois être garanti ex ante, compte tenu du caractère incertain et hétérogène des résultats de l’innovation.
2.23. Les mesures relatives à la valeur sont par conséquent essentielles pour comprendre les impacts de l’innovation, bien que les cadres statistiques établis, tels que le SCN, ne proposent pas de mesure unique de la valeur économique ou sociale. Les mesures statistiques de la valeur ajoutée brute rendent compte du surplus de la production une fois déduit le coût des intrants intermédiaires (hors rémunération du personnel ou coûts liés aux obligations de financement). Les mesures financières telles que la valeur nette reflètent la valeur de tous les actifs détenus par une unité ou un secteur institutionnel(le), diminuée de la valeur de tous les passifs en cours. Ces mesures peuvent être élargies pour prendre en compte les extrants et les actifs qui échappent aux conventions comptables d’usage et pour lesquels les prix du marché ne peuvent pas fournir d’indicateurs fiables de la valeur économique.
2.24. Bien qu’il soit impossible d’établir des généralisations sur les déterminants du comportement des organisations, on peut supposer, a priori, que l’un des motifs implicites des décisions d’innover est de conférer un avantage direct ou indirect à l’organisation, la communauté ou l’individu qui innove. Dans le secteur des entreprises, les avantages ont souvent trait à la rentabilité. Sur les marchés qui fonctionnent normalement, les clients sont libres de décider s’ils vont acheter un nouveau produit compte tenu de son prix et de ses caractéristiques. Les marchés de produits et les marchés financiers remplissent donc une fonction de sélection des innovations en orientant les processus d’allocation des ressources dans le secteur des entreprises. D’autres mécanismes jouent ce rôle dans les autres secteurs du SCN.
2.25. La réalisation de la valeur d’une innovation est incertaine et ne peut être pleinement évaluée qu’une fois que l’on a laissé passer un certain délai après sa mise en œuvre. La valeur d’une innovation peut par ailleurs évoluer dans le temps et offrir à différentes parties prenantes des avantages distincts. Après un laps de temps suffisant, on peut recourir à des mesures complémentaires et des stratégies d’analyse pour déterminer les résultats de l’innovation. L’importance des mesures de résultat dépend de la façon dont on compte utiliser les données sur l’innovation. Elles sont particulièrement nécessaires pour étudier les initiatives prises par les pouvoirs publics dans le but de promouvoir une innovation qui fournisse des résultats socialement souhaitables, tels que l’inclusion, la durabilité, l’emploi ou la croissance économique.
2.3. Besoins des utilisateurs et utilité des éléments statistiques sur l’innovation
2.26. Les besoins des utilisateurs jouent un rôle déterminant dans la construction d’un système de mesure et de communication sur l’innovation, ainsi que dans la production qui s’ensuit de données, de statistiques et d’indicateurs connexes, et d’analyses approfondies des activités d’innovation. Comprendre ce qui conduit les entreprises, les communautés et les individus à innover et appréhender les facteurs qui agissent sur leurs activités d’innovation suscitent un vaste intérêt. L’utilité des données sur l’innovation pour décrypter les processus et les moteurs à l’œuvre peut varier selon les pays, les secteurs et les cadres institutionnels. Elle dépend également de la capacité à relier ces données à d’autres types de données.
2.27. On dénombre trois grandes catégories d’utilisateurs actuels ou potentiels des données sur l’innovation : les universitaires, les dirigeants d’entreprise, et les décideurs et analystes des politiques. Leurs besoins en données sont similaires et les points qui les intéressent sont les suivants : i) obtenir des données comparables d’un secteur, d’une région et d’une période à l’autre ; ii) se tenir au fait de l’évolution de la nature de l’innovation, qui a conduit, par exemple, à l’innovation ouverte ou à la mise en œuvre des principes de conception créative (design thinking) ; iii) permettre des analyses des impacts de l’innovation sur les organisations innovantes, sur d’autres parties et sur les économies régionales ou nationales ; iv) fournir des données sur les facteurs qui catalysent ou entravent l’innovation ; et v) relier les données sur l’innovation à d’autres données pertinentes, comme celles des registres administratifs ou celles relatives aux utilisateurs individuels des innovations.
2.3.1. Chercheurs universitaires
2.28. Les universitaires se servent des données sur l’innovation pour aider la société à mieux appréhender le phénomène et ses effets socio-économiques et pour tester les prédictions et les conséquences d’un large éventail de modèles sur le rôle de l’innovation dans le développement économique, le changement organisationnel, la dynamique des entreprises et la transformation sociale. Ils portent un grand intérêt aux recherches susceptibles de donner des interprétations prédictives et causales des résultats de l’innovation, ce qui nécessite de disposer de données longitudinales sur l’innovation et de pouvoir les relier à des données sur des variables telles que la valeur ajoutée, l’emploi, la productivité et la satisfaction des utilisateurs et des parties prenantes. Les études fiables visant à établir des inférences causales apportent une contribution essentielle à l’élaboration des politiques, car elles repoussent les limites des études transversales, qui ne peuvent mettre au jour que des phénomènes corrélés.
2.29. L’expérience tirée de l’utilisation des données sur l’innovation à des fins de recherche peut mettre en évidence les changements à apporter au cadre de mesure régissant la collecte de ces données et les types de données nécessaires pour améliorer l’analyse (Gault, 2018). Un grand nombre des études initialement menées pour mesurer l’innovation l’ont été par des chercheurs universitaires. Ceux-ci ont donc exercé une forte influence sur la première édition du Manuel d’Oslo (Arundel et Smith, 2013). Les universitaires se réfèrent également aux principes directeurs du Manuel d’Oslo pour élaborer des enquêtes spécialisées ou ponctuelles servant à tester de nouvelles questions pour l’évaluation de théories ou d’hypothèses relatives à l’innovation et aux politiques y afférentes. Certaines de ces approches ou de ces questions ont été adaptées pour la collecte générale de données.
2.3.2. Dirigeants d’entreprise
2.30. Les dirigeants peuvent eux aussi tirer profit des données statistiques sur l’innovation. Bien que les données microéconomiques communiquées à titre confidentiel ne puissent être diffusées publiquement, ils peuvent s’appuyer sur les résultats agrégés de leur branche d’activité pour effectuer une analyse comparative des activités et des résultats d’innovation de leur organisation. Il est également utile de noter que le fait de collecter des données sur l’innovation dans une organisation peut agir indirectement sur les décisions de gestion de ses dirigeants en augmentant leur sensibilisation aux activités et aux ressources potentielles dans ce domaine. Cela peut inciter les répondants ciblés lors de l’enquête à s’informer, à apprendre ou à entreprendre d’autres actions conduisant à l’innovation (Gault, 2013). Les intérêts des responsables de l’innovation, en tant que principaux fournisseurs de données dans ce domaine, ainsi que les incitations à leur encontre, devraient être au centre des initiatives de collecte afin de garantir la qualité des données recueillies.
2.3.3. Responsables de l’élaboration des politiques de l’innovation et d’autres politiques publiques
2.31. Les utilisateurs constituant le « cœur de cible » de la production de données sur l’innovation sont les pouvoirs publics, et plus précisément les responsables de l’élaboration et de l’analyse des politiques. L’une des fonctions essentielles des données sur l’innovation est de leur permettre de prendre leurs décisions en connaissance de cause, en s’appuyant sur les indicateurs et les travaux de recherche de référence portant sur ces données. L’intérêt que présente l’innovation pour l’action publique se retrouve largement dans les travaux publiés (OCDE, 2015a, 2010a) et concerne toutes les branches d’activité et secteurs du SCN (OCDE, 2015b). La cohérence des politiques à l’échelle des différents ministères est donc indispensable à la mobilisation du pouvoir de transformation de l’innovation et à la réalisation des objectifs clés de ces politiques.
2.32. La possibilité d’établir des comparaisons internationales occupe une place essentielle dans les directives méthodologiques du présent manuel, qui sont destinées à être utilisées dans des économies différentes et à soutenir leur coopération et leur développement économiques réciproques dans un cadre multilatéral. Cela étant, tous les indicateurs utiles à des fins de comparaison ou d’analyse dans un pays donné ne conviennent pas nécessairement à une comparaison entre pays, du fait des différences linguistiques, culturelles et contextuelles.
2.33. Pour déterminer si un ensemble de données et d’indicateurs peut effectivement éclairer l’action des pouvoirs publics, les buts des politiques publiques doivent être recensés, de sorte que le cadre de mesure concorde avec les besoins des politiques. Les questions intéressant l’action publique ont une incidence sur les types de données nécessaires, mais les politiques peuvent aussi influer sur l’étendue et la qualité des données recueillies en soutenant le financement de nouvelles collectes ou de l’établissement de liens avec des sources existantes.
2.34. L’ensemble des utilisateurs des statistiques sur l’innovation évolue au fil du temps, à mesure que ces données se révèlent plus ou moins pertinentes comme aide à la prise de décision, ou que de nouvelles données deviennent disponibles. Les données sur l’innovation présentent un intérêt dans un large éventail de domaines d’action publique, parmi lesquels la gestion macroéconomique générale, les services publics et l’activité économique, la fiscalité et les politiques environnementales. Ces données peuvent être particulièrement éclairantes pour l’étude des politiques structurelles, en raison de la forte persistance de nombreux comportements relatifs à l’innovation. Cela signifie que certains types de données sur l’innovation n’ont pas besoin d’être collectés fréquemment, sachant toutefois que la valeur de données à jour augmentera en cas de changement structurel rapide ou lors de crises économiques ou financières.
2.35. Du point de vue utilisateur, l’un des domaines qui pourraient être développés à l’avenir concerne la possibilité d’améliorer l’utilité des données sur l’innovation pour d’autres cadres statistiques. Ainsi, les statistiques sur l’innovation présentent un intérêt pour celles sur la productivité et pour la mesure des écarts de production, des échanges et de l’investissement étranger, des déflateurs et d’autres statistiques économiques. Une plus large reconnaissance de la valeur des statistiques sur l’innovation faciliterait l’intégration de la mesure de ce phénomène dans le cadre plus vaste des statistiques nationales, où le précédent des comptes satellites de la R-D (intégrés dans les comptes principaux depuis le SCN 2008) pourrait préfigurer celui des comptes satellites de l’innovation.
2.4. Éléments d’un cadre de mesure de l’innovation
2.36. Un cadre de mesure de l’innovation couvre un champ défini, comme un secteur d’intérêt du SCN, une juridiction ou une zone géographique où les données sont collectées, un ensemble de phénomènes étudiés pour permettre de comprendre l’innovation, et des stratégies de mesure. Ces dernières sont examinées séparément à la section 2.5.
2.37. Les phénomènes étudiés doivent être mesurables, ce qui nécessite des instruments capables de rendre compte de façon fiable des concepts visés (Griliches, 1986). Ainsi, les répondants à l’enquête doivent pouvoir comprendre une question de la façon prévue et fournir des réponses valides (satisfaisant à l’un des différents critères de validité). Les définitions de l’innovation données au chapitre 3 remplissent les conditions fondamentales de validité, comme l’ont prouvé des tests cognitifs approfondis menés auprès de répondants potentiels. Cela les distingue d’autres définitions utilisées dans les travaux publiés, dont la mesurabilité n’a pas fait l’objet d’une évaluation rigoureuse.
2.38. En outre, les données statistiques valides doivent être représentatives de la population cible, ce qui diffère d’autres méthodes de collecte de données, fondées sur des études de cas ou d’autres échantillons non représentatifs, même si ces méthodes peuvent apporter des informations très utiles à des fins particulières. Les chapitres 9 et 11 proposent une étude plus approfondie des conditions à remplir en matière de qualité des données pour mesurer l’innovation des entreprises.
2.4.1. Champ de la mesure de l’innovation : secteurs du SCN et juridictions
2.39. Autant que possible, le champ de la mesure devrait concorder avec les cadres statistiques généraux. Le SCN (CE et al., 2009) donne un cadre générique, adopté à l’échelle mondiale, à la mesure des activités économiques de production, de consommation et d’accumulation, et des notions associées de revenu et de richesse. Le cadre du SCN est utile lorsque l’on collecte les statistiques de l’innovation, car il permet d’intégrer les données sur l’innovation à d’autres sources statistiques concordant avec le SCN. En outre, les instructions de mesure de l’innovation dans tous les secteurs du SCN devraient respecter la terminologie de ce système pour garantir la cohérence.
2.40. L’unité fondamentale d’analyse retenue dans le SCN est l’unité institutionnelle, qui est juridiquement responsable de ses actes et a donc la capacité de s’engager dans toute la gamme des opérations économiques possibles, de posséder des actifs et de prendre des engagements. Dans la pratique, certaines unités institutionnelles peuvent être contrôlées par d’autres, comme dans le cas d’une filiale nationale d’entreprise internationale. Le cas échéant, leur autonomie de décision peut s’en trouver limitée.
Juridiction retenue pour la collecte des données
2.41. Le présent manuel adopte la logique juridictionnelle adoptée dans le SCN comme cadre de référence pour la compilation des statistiques de l’innovation. La principale juridiction de collecte des données sur l’innovation est le pays ou l’économie, mais ces données peuvent aussi être disponibles à un niveau inférieur, tel que la région, l’état, la province, la commune, etc. Le « reste du monde » regroupe toutes les organisations non résidentes qui nouent des relations ou effectuent des opérations liées à l’innovation avec les unités résidentes (nationales) d’un pays donné. À certaines fins, il peut être commode de décrire le reste du monde comme s’il s’agissait d’un secteur.
2.42. La mondialisation des activités économiques représente un défi pour la mesure des activités d’après les juridictions parce que certaines décisions en matière d’innovation peuvent être prises par des acteurs situés hors du pays de référence. Ainsi, il peut se faire que le siège d’une entreprise, situé dans une autre juridiction, soit responsable de ces décisions, ou qu’une innovation nationale dépende d’activités d’innovation menées par des organisations implantées dans d’autres pays. Une partie des contributions d’acteurs non résidents peut être isolée en recueillant des données sur les liens entre organisations non résidentes et unités institutionnelles nationales. Comme dans d’autres domaines statistiques, brosser un tableau d’ensemble des activités d’innovation impose parfois une collaboration entre plusieurs juridictions lorsque ces activités s’étendent au-delà des frontières nationales.
Secteurs du SCN et priorité donnée au secteur des entreprises dans le présent manuel
2.43. Le SCN classe les unités institutionnelles en quatre secteurs en prenant comme base leurs fonctions, leurs comportements et leurs objectifs principaux :
Le secteur des sociétés regroupe les entités dont l’activité principale est la production de biens et de services marchands. Par convention, le présent manuel fait référence au « secteur des entreprises », conformément à la terminologie adoptée dans le Manuel de Frascati de l’OCDE (OCDE, 2016b).
Le secteur des administrations publiques regroupe les unités institutionnelles qui, en plus des tâches qu’elles assument quant à la mise en œuvre des politiques publiques et à la régulation de la vie économique, redistribuent le revenu et la richesse et produisent des services et des biens, pour l’essentiel non marchands, destinés à la consommation individuelle ou collective. Il intègre également les institutions sans but lucratif contrôlées par l’État.
Les ISBLSM sont des entités juridiques dont l’activité principale a trait à la production de services non marchands à destination des ménages ou de la collectivité et qui tirent essentiellement leurs ressources de contributions volontaires. Les ISBLSM sous contrôle public relèvent du secteur des administrations publiques. Celles contrôlées par des entreprises relèvent du secteur des entreprises.
Les ménages sont des unités institutionnelles composées soit d’un individu, soit d’un groupe d’individus. Selon le SCN, toutes les personnes physiques de l’économie doivent appartenir à un seul ménage. Les fonctions principales des ménages sont la fourniture de main-d’œuvre, la consommation finale et, en qualité d’entrepreneurs, la production de biens et de services marchands.
2.44. Une unité institutionnelle ne peut être affectée qu’à un secteur du SCN et un seul. L’économie totale comprend toutes les unités institutionnelles qui résident sur le territoire économique d’un pays. Comme il a été indiqué précédemment, le présent manuel est prioritairement axé sur le secteur des entreprises, bien que des données sur l’innovation puissent aussi être collectées pour des unités institutionnelles et des individus employés dans d’autres secteurs du SCN, comme évoqué à la section 2.6 ci-après.
2.45. Le secteur des entreprises comprend un type d’unités contrôlées par l’État, à savoir les entreprises publiques.
2.46. Le « secteur public » est un concept plus large que le secteur des administrations publiques, puisqu’il regroupe l’ensemble des institutions contrôlées par l’État, y compris les entreprises publiques.
2.47. La ligne de démarcation entre les entreprises et les ménages est parfois difficile à tracer lorsque l’on considère les activités entrepreneuriales des ménages exercées dans le cadre d’entreprises non constituées en société, qui demeurent dans le secteur des ménages, sauf conditions particulières. Ces unités peuvent être particulièrement intéressantes pour l’étude de l’innovation, mais peuvent aussi être difficiles à isoler du secteur des entreprises.
2.48. Les travailleurs indépendants exercent pour leur propre compte, souvent après avoir créé une entreprise non constituée en société et dépourvue d’existence juridique distincte de son propriétaire. Il peut s’agir de personnes qui sont propriétaires, seules ou conjointement avec d’autres, des entreprises non constituées en sociétés dans lesquelles elles travaillent, de membres d’une famille collaborant à l’entreprise ou de membres d’une coopérative de producteurs. Les petites exploitations agricoles ou les constructions collectives en sont des exemples.
2.49. Sous certaines conditions, les travailleurs indépendants et les entreprises non constituées en société (avec ou sans salariés) peuvent faire partie du « secteur informel » ou de l’« économie informelle ». Le secteur informel joue parfois un rôle économique considérable, non seulement dans les pays à revenu faible et intermédiaire, mais aussi dans les pays à revenu élevé.
2.50. Aux termes du SCN, les facteurs susceptibles d’influer sur le rattachement au secteur informel sont les suivants :
Pratiques d’enregistrement : elles diffèrent selon les pays et selon les caractéristiques de l’activité. En règle générale, les entreprises non constituées en société qui sont enregistrées font partie du secteur des entreprises.
Acte légal de constitution en société : les unités pour lesquelles un ensemble complet de comptes, bilan compris, est disponible ou peut être établi sont rattachées au secteur des entreprises.
Taille : mesurée au nombre de salariés ou au chiffre d’affaires ; les très petites unités ont davantage de chances d’être intégrées au secteur informel.
Activités, telles que les services destinés à la consommation pour compte propre, qui peuvent occasionnellement être proposées à des tiers.
Activités non conformes à la loi ou non autorisées par la loi.
Conditions d’emploi se situant à la limite de la prestation de services, comme dans le cas de l’« économie des petits boulots » (dans laquelle les travailleurs ont un statut d’indépendant ou de sous-traitants rémunérés à la tâche et non de salarié à temps partiel ou complet).
2.51. Aux fins d’un grand nombre de statistiques, les individus peuvent être une cible de mesure plus appropriée que les ménages auxquels ils appartiennent.
2.52. Les unités institutionnelles dont l’activité économique principale est similaire sont regroupées en secteurs d’activité, conformément à la Classification internationale type, par industrie, de toutes les branches d’activité économique, révision 4 (CITI, rév. 4) (voir Nations Unies, 2008) ou à une classification régionale compatible (NACE en Europe, NAICS en Amérique du Nord ou ANZSIC en Australie et Nouvelle-Zélande, par exemple).
2.53. L’intérêt que présente la mesure de l’innovation pour l’action publique demande souvent des données probantes sur des unités institutionnelles menant des activités économiques spécifiques, qui ne concordent pas avec les secteurs institutionnels du SCN. Le Manuel de Frascati (OCDE, 2016b), en particulier, regroupe dans un « secteur clé » spécial les unités qui participent activement à la fourniture de services d’enseignement supérieur, quel que soit le secteur du SCN auquel elles appartiennent. De la même manière, de nombreux pays accordent une attention spéciale et confèrent un statut particulier à un grand nombre d’établissements de recherche spécialisés dans la fourniture de services de R-D. Ces deux types d’unités sont abordés séparément au chapitre 6 du présent manuel, dans la partie qui examine comment appréhender les liens noués avec les entreprises sur le plan du savoir.
2.54. Les activités économiques du secteur des entreprises prises en compte dans le Manuel d’Oslo se sont étendues progressivement : la première édition couvrait les secteurs manufacturiers ; la deuxième y a ajouté une sélection de secteurs des services ; quant à la présente édition, ses principes directeurs sont applicables à toutes les branches d’activité du secteur des entreprises (voir chapitre 9).
2.4.2. Phénomènes d’innovation à mesurer
Objet des innovations
2.55. Les innovations et les activités d’innovation constituent le principal objet d’analyse d’un cadre de mesure de l’innovation. Le chapitre 3 décrit les caractéristiques des innovations de produit et de processus du point de vue des entreprises. Les produits et processus sont des concepts génériques, également applicables aux trois autres secteurs du SCN.
2.56. Le SCN définit le produit comme un bien ou un service résultant d’activités de production. Les produits peuvent être échangés et utilisés à diverses fins : entrées intermédiaires pour la production d’autres biens et services, consommation finale ou investissement.
2.57. Les biens sont des objets pour lesquels une demande existe ou pourrait exister, sur lesquels des droits de propriété peuvent être établis, ce qui permet leur transfert (ainsi que celui des droits qui s’y rattachent) d’un propriétaire à un autre au moyen d’une opération sur un marché.
2.58. Les services sont le résultat d’une activité de production qui se traduit par un changement de l’état des unités consommatrices ou qui facilite l’échange de produits, y compris d’actifs financiers. Leur commercialisation ne peut être dissociée de leur production. Au moment où la production d’un service se termine, il doit avoir été fourni à l’utilisateur. Comme l’indique le SCN, les changements de l’état des unités consommatrices sont détaillés ci-après.
Changements de l’état des biens de l’utilisateur : le producteur travaille directement sur les biens que possède l’utilisateur en les transportant, en les nettoyant, en les réparant ou en leur faisant subir d’autres transformations. Les utilisateurs peuvent être d’autres entreprises ; ainsi, une entreprise peut fournir à une autre des matériaux à transformer en un produit que la première se charge ensuite de vendre.
Changements de l’état physique d’une personne : le producteur transporte la personne, lui fournit un hébergement, lui procure des soins médicaux ou chirurgicaux, modifie sa coiffure, etc.
Changements de l’état intellectuel ou psychologique d’une personne : le producteur lui fournit des services d’éducation, d’information, de conseil, de loisirs, d’expérimentation ou des services analogues, la prestation pouvant ou non être exécutée en présence de la personne. Ces services peuvent en effet être dispensés sous une forme numérique.
2.59. La ligne de démarcation entre un bien et un service peut être difficile à tracer et évolue constamment. On peut ainsi changer de modèle de fourniture d’un bien pour le proposer sous forme de service, et réciproquement. En outre, certains produits peuvent mêler des caractéristiques d’un bien et des caractéristiques d’un service. Tel est le cas, par exemple, des produits basés sur la capture des connaissances, qui couvrent la fourniture, le stockage, la conservation, la communication et la diffusion d’informations que les utilisateurs peuvent copier et partager et auxquelles ils peuvent accéder de façon répétée (voir chapitre 3). Les technologies numériques ont contribué à élargir la palette de produits fondés sur l’information et le savoir, et à diversifier les modes de production (prise dans son sens général) et de consommation dans tous les secteurs du SCN.
2.60. Les processus de production (ou activités de production) sont définis dans le SCN comme l’ensemble des activités effectuées sous le contrôle et sous la responsabilité d’une unité institutionnelle qui combinent du travail, du capital, des biens et des services en entrée pour produire des biens et des services en sortie. Ces activités sont au centre de l’analyse de l’innovation.
2.61. Le SCN classe les activités de production selon le type des biens ou des services produits en sortie, le type des intrants utilisés ou consommés, la technique ou le modèle de production employé(e) et la façon dont les produits en sortie sont utilisés. Le concept de production est plus large que celui de production manufacturière puisqu’il englobe les biens et les services. Chaque secteur du SCN aborde la production de façon distinctive.
2.62. Au-delà de la production, la mesure peut recenser les innovations dans la redistribution, la consommation et d’autres activités. Celles-ci peuvent être utiles à l’étude de l’innovation au niveau des ménages ou du système, car les transformations systémiques majeures nécessitent non seulement des réorientations de la production, mais aussi le développement de nouvelles habitudes de consommation en matière de recyclage, de durabilité, etc.
Activités conduisant à des innovations et découlant de celles-ci
2.63. Les unités institutionnelles peuvent prendre une série de mesures dans l’intention d’élaborer ou d’adopter des innovations, ce qui peut nécessiter d’y consacrer des ressources et de se lancer dans des activités particulières, notamment des politiques, des processus et des procédures.
2.64. Le chapitre 4 recense les activités dont les entreprises se servent pour développer des innovations. Ces activités se caractérisent par le savoir dont elles se nourrissent et qu’elles génèrent, ou par l’étape du processus d’innovation à laquelle elles interviennent. Elles comprennent notamment les activités de R-D, d’ingénierie, de conception et autres travaux de création, les activités liées à la commercialisation et à la valeur de la marque, les activités liées à la propriété intellectuelle, les activités de formation des employés, le développement de logiciels et les activités liées aux bases de données, les activités liées à l’acquisition ou la location d’actifs corporels et celles relatives à la gestion de l’innovation.
2.65. Le fait de se lancer dans ces activités peut renforcer les capacités de l’organisation ou des individus à innover, encore que la plupart d’entre elles puissent être menées sans lien avec un objectif d’innovation clairement affirmé. Ainsi, la R-D, dans sa définition officielle, n’est une condition ni nécessaire ni suffisante pour donner lieu à une activité d’innovation ou à une innovation.
2.66. Les activités d’innovation peuvent être organisées autour de projets visant explicitement l’innovation. La norme ISO 10006 définit un projet comme « un processus unique entrepris dans le but d’atteindre un objectif », ajoutant qu’il « consiste généralement en un ensemble d’activités coordonnées et maîtrisées comportant des dates de début et de fin, conforme à des exigences spécifiques, incluant les contraintes de délais, de coûts et de ressources » (ISO, 2017). Le concept de projet d’innovation, quoiqu’utile pour comprendre comment l’innovation se produit, a peu de chances d’être appliqué de la même façon par tous les types d’organisations ou d’unités institutionnelles. Certaines, en particulier les grandes entreprises, auront un large portefeuille de projets d’innovation parvenus à différents stades de maturité, tandis que d’autres, comme les start-ups, consacreront peut-être toutes leurs ressources à une seule et unique innovation qu’elles ne considéreront pas comme un projet. Cela limite l’utilité de la notion de projet d’innovation pour la mesure.
Opérations et actifs présentant un intérêt pour l’innovation
2.67. Les utilisateurs des données sur l’innovation s’intéressent à l’ampleur des efforts consacrés aux activités d’innovation. Les responsables peuvent avoir quelque difficulté à estimer les dépenses internes afférentes à ces activités si celles-ci ne sont pas menées au sein d’une division formelle de l’organisation ou ne font pas l’objet de codes d’imputation précis. En revanche, les biens ou services achetés à l’appui des activités d’innovation peuvent souvent être déterminés à partir des comptes des entreprises. Le chapitre 4 examine les méthodes permettant d’estimer les dépenses de développement ou d’acquisition des connaissances utilisées dans les activités d’innovation des entreprises, y compris les coûts internes de ces activités.
2.68. Les activités d’innovation peuvent donner lieu à la production d’actifs intellectuels. Le SCN définit un actif comme une réserve de valeur représentant un avantage ou une série d’avantages revenant au propriétaire économique du fait de la détention ou de l’utilisation d’un bien pendant une période déterminée. Les actifs tant financiers que non financiers interviennent dans l’innovation. Les actifs fixes sont des actifs issus de processus de production et servant de manière répétée ou continuelle dans d’autres processus de production pendant plus d’une année. Le traitement des actifs intellectuels (officiellement dénommés « produits de la propriété intellectuelle ») dans le SCN a évolué au fil du temps, avec l’ajout de la R-D en 2008. Les autres types d’actifs intellectuels reconnus par le SCN comme étant générés par un processus de production et présentant un intérêt pour l’innovation sont l’investissement dans les logiciels et les bases de données, et les œuvres récréatives, littéraires et artistiques.
2.69. Les actifs intellectuels peuvent être utilisés par leurs propriétaires dans la production ou vendus sur le marché si l’utilisation des connaissances est restreinte par des mécanismes juridiques ou d’autres mécanismes de protection. La capacité d’exclure les utilisateurs fournit une incitation à investir dans l’innovation, comme le constatent les théories de l’innovation et de la croissance économique (Aghion et Howitt, 1992 ; Romer, 1990).
2.70. Les unités de tous les secteurs peuvent développer ou acquérir des actifs intellectuels (Corrado, Jäger et Jona-Lasinio [dir. pub.], 2016). Leur développement nécessitant un certain degré de spécialisation, de nombreuses unités, y compris des entreprises, achètent les actifs intellectuels utiles à l’innovation plutôt que de se lancer dans leur production.
2.71. L’étude de l’innovation peut dépasser le périmètre des produits et processus. Dans le SCN, les activités de production et la propriété des actifs génèrent des revenus pour les unités institutionnelles. Les unités peuvent affecter leur revenu disponible à la consommation de biens individuels ou collectifs pour satisfaire les besoins ou la demande des ménages. Les services de consommation collectifs sont fournis simultanément à tous les membres ou groupes de la collectivité. L’évolution des schémas de consommation au fil du temps peut être l’objet d’une analyse de l’innovation, surtout si l’on s’intéresse en particulier aux unités institutionnelles en tant que consommateurs finals, comme c’est le cas pour les secteurs des administrations publiques et des ménages.
Flux de connaissances
2.72. Les connaissances utiles à l’innovation peuvent s’échanger sur un marché et par des moyens non marchands. L’un des canaux pertinents est constitué par les individus qui traversent différentes frontières organisationnelles, faisant ainsi circuler les connaissances qu’ils possèdent. Des personnes peuvent travailler temporairement dans plusieurs organisations sans changer d’employeur, comme dans le cas d’un travailleur détaché dans un établissement universitaire dans le cadre d’un projet de collaboration. Les données sur les types de réseaux utilisés, les liens entre organisations et le rôle des différents acteurs dans la création et la diffusion des connaissances sont utiles aux travaux de recherche sur la division du travail d’innovation entre les organisations et sur la création des chaînes de valeur de l’innovation. Il est difficile en revanche de remonter l’intégralité des liens intéressant l’innovation en raison de la complexité des boucles de rétroaction et parce que les répondants ne sont pas toujours conscients de ces liens lorsque les ramifications dépassent les organisations partenaires de premier rang.
2.73. Des innovations peuvent émerger de relations entre acteurs d’un même secteur ou de secteurs différents, par le jeu de mécanismes très divers (coopération, alliances, entreprises conjointes), ou résulter d’un processus interactif faisant intervenir l’innovation ouverte ou les interactions entre utilisateurs et producteurs (OCDE, 2013). La conceptualisation et la mesure des liens établis à des fins d’innovation dans le secteur des entreprises, et notamment le paradigme de l’innovation ouverte, sont abordés au chapitre 6.
Politiques, lois et réglementations relatives à l’innovation
2.74. Comprendre les effets des politiques en matière d’innovation sur les activités d’innovation des organisations, et particulièrement des entreprises, est du plus haut intérêt pour les pouvoirs publics. Les politiques d’innovation ont comme objectif primaire ou secondaire d’agir sur l’étendue et la nature de ce phénomène dans une économie. Leur mise en œuvre et les pratiques connexes peuvent être complexes et être influencées non seulement par l’intention des textes législatifs d’habilitation, mais aussi par leur utilisation effective à différents niveaux d’organisation et de compétence. Les politiques d’innovation exigent une coordination et des mécanismes institutionnels qui ne se limitent plus aux ministères scientifiques et technologiques, mais appellent une approche à l’échelle de l’ensemble de l’administration (OCDE, 2010a). Leurs typologies, utiles pour mesurer l’utilisation des programmes d’innovation par les entreprises, évoluent en permanence. Le chapitre 7 étudie les méthodes d’évaluation de la pertinence des différentes politiques et des différents instruments d’action publique pour les activités d’innovation des entreprises.
Résultats de l’innovation
2.75. À l’échelle d’une société, les impacts ultimes de l’innovation sont la satisfaction des besoins humains actuels et futurs, au niveau individuel ou collectif. Pour une entreprise, la perspective de résultats tels qu’une augmentation de la part de marché, des ventes ou des profits agit comme une incitation à l’innovation. Mesurer à quel point l’innovation produit des résultats d’ordre social ou privé est difficile, mais demeure hautement prioritaire. De surcroît, l’innovation n’aboutit pas nécessairement à des résultats souhaitables pour toutes les parties.
2.76. Productivité, bénéfices, emplois et impacts sociaux et environnementaux sont autant d’exemples de résultats intéressant les utilisateurs des données sur l’innovation. Ces résultats peuvent être largement répartis dans le temps ainsi que sur les organisations et les individus. Les effets de l’innovation peuvent être mesurés directement (effets autodéclarés, par exemple) ou indirectement, par l’analyse de données sur les activités d’innovation, sur les extrants (différents types d’innovations, par exemple) et sur les résultats internes et externes (comme les bénéfices). Le chapitre 8 étudie la mesure des résultats provenant de l’innovation dans le secteur des entreprises.
2.5. Stratégies générales de mesure de l’innovation
2.77. Le choix des méthodes à suivre pour mesurer l’innovation est dicté par la qualité des données collectées et par l’utilisation qu’il est prévu d’en faire. Une stratégie de mesure de l’innovation doit régler plusieurs problèmes : choix entre une approche sujet et une approche objet ; recueil de données qualitatives et quantitatives ; sources des données ; et responsabilité de leur collecte.
2.78. La structure d’une stratégie de mesure peut varier au fil du temps, dès lors que les besoins des utilisateurs et les types des données susceptibles d’être recueillies évoluent sous l’effet de l’émergence de nouvelles possibilités ou de nouveaux défis. En outre, plusieurs principes de mesure peuvent se compléter. Il est souvent possible d’améliorer la valeur des données sur l’innovation pour leurs utilisateurs en combinant plusieurs approches de mesure et en créant des possibilités de liens entre les données et d’analyse complémentaire.
2.5.1. Approche sujet ou approche objet
2.79. Lors de la sélection de l’unité d’analyse, un cadre de mesure peut cibler le phénomène étudié (approche objet) ou les acteurs responsables du phénomène (approche sujet). Les deux techniques peuvent aussi être combinées : un questionnaire d’enquête peut comporter des questions générales sur les stratégies et les pratiques en matière d’innovation (sujet), suivies de questions détaillées visant une innovation donnée (objet).
2.80. L’utilisation la plus courante de l’approche objet est le recueil de données sur des innovations spécifiques (comme des innovations annoncées dans des revues professionnelles ou sur des plateformes de financement participatif), ou, dans le cadre d’une enquête, sur l’innovation la plus importante d’une organisation donnée. Les autres solutions consistent à collecter des données sur des projets d’innovation, ou des opérations ou des liens relatifs à l’innovation. Les approches objet permettent d’obtenir un niveau élevé de granularité et de détail, mais présentent aussi les inconvénients inhérents à l’autosélection ou à des échantillons non représentatifs (lorsque les cas sont sélectionnés dans les revues professionnelles, par exemple).
2.81. L’approche sujet est couramment adoptée dans les enquêtes sur l’innovation pour recueillir des données sur les activités, les extrants et les résultats relatifs à l’innovation d’une organisation répondante. Les enquêtes menées selon une approche sujet peuvent tirer parti de l’infrastructure statistique des registres des entreprises et d’autres informations disponibles au niveau organisation, y compris la branche d’activité et le nombre de personnes employées. Cela permet de constituer des échantillons représentatifs, de réaliser des analyses au niveau de l’organisation et de présenter des résultats par secteur ou par région. Ce type d’enquêtes offre un autre avantage, qui est de permettre la collecte de données sur des organisations n’ayant pas innové et n’ayant exercé aucune activité d’innovation durant la période de référence, ce qu’une approche objet ne permet pas, puisqu’elle s’appuie sur des innovations ou des activités d’innovation autodéclarées.
2.82. Les approches sujet et objet peuvent converger si l’on parvient à recueillir des données séparées pour chaque innovation introduite par une entreprise. Il est probable que cela ne sera possible que pour de petites organisations, à l’origine d’une ou de deux innovations seulement sur la période d’observation. L’utilisation conjuguée d’approches sujet et objet dans les enquêtes sur l’innovation des entreprises est examinée au chapitre 10.
2.5.2. Données qualitatives et quantitatives
2.83. Les universitaires et les utilisateurs institutionnels préfèrent les données quantitatives pour la plupart de leurs travaux de recherche. Les répondants aux enquêtes, en revanche, trouvent compliqué et laborieux de fournir des données d’intervalle quantitatives sur les activités d’innovation ou les résultats connexes : dépenses, personnel, recettes générées, nombre et durée des collaborations, nombre d’enregistrements ou de demandes de droits de propriété intellectuelle, entre autres. En outre, de nombreux concepts relatifs à l’innovation sont difficiles à quantifier, en partie parce que les enregistrements et les systèmes de gestion des entreprises ne sont pas prévus pour cela, ou parce que les concepts ne s’appliquent que dans certaines situations.
2.84. Pour obtenir et codifier les grandeurs qualitatives des activités d’innovation, qui ne peuvent pas être recueillies sous forme de valeurs d’intervalle, on se servira de questions appelant une réponse nominale ou ordinale, comme l’importance de différentes sources d’information ou des catégories reflétant la fréquence à laquelle on a accédé à ces sources. Ce type de données qualitatives peut être utilisé en analyse économétrique et pour l’élaboration d’indicateurs.
2.85. Le champ d’utilisation des données qualitatives non structurées pour calculer des statistiques est considérable. À titre d’exemple, citons les descriptions autodéclarées de l’innovation la plus importante d’une organisation, ou la description des stratégies d’innovation figurant dans les rapports des entreprises ou les rapports organisationnels. Ces éléments peuvent être codifiés manuellement ou à l’aide d’algorithmes automatisés utilisant des techniques de traitement du langage naturel. Le chapitre 9 étudie la collecte de données qualitatives et quantitatives sur l’innovation.
2.5.3. Sources de données sur l’innovation
Recensement et enquêtes statistiques par sondage
2.86. Dans les enquêtes sur l’innovation, la collecte des données se fait par l’intermédiaire d’un questionnaire envoyé soit à toutes les entreprises d’une population cible qui remplissent les critères d’inclusion (recensement), soit à un échantillon de ces entreprises constitué de façon aléatoire (enquête par sondage). Le recensement étant une méthode onéreuse, on utilise couramment des échantillons représentatifs de la population. Il est ensuite possible d’extrapoler à la population tout entière les résultats obtenus sur l’échantillon et de tester les différences entre les sous-groupes à l’aide de techniques d’induction statistique. Les non-réponses peuvent toutefois réduire la fiabilité et la validité des résultats si les répondants ne sont finalement pas représentatifs de la population dans son ensemble et si la mesure de cet effet ne peut pas être calculée avec précision.
2.87. Les enquêtes sont bien adaptées au recueil des informations non disponibles à partir d’autres sources, à condition que les personnes interrogées aient la capacité d’apporter des réponses sincères et exactes et y soient incitées. Les enquêtes portant sur des organisations posent des défis que l’on ne rencontre pas quand le sujet étudié est l’individu, comme dans les enquêtes sociales. Lorsque les organisations sont complexes, les répondants désignés peuvent ne pas être en mesure de répondre aux questions qui sont posées. Ainsi, un responsable de la R-D peut très bien ignorer quelles sont les activités d’innovation de la division chargée de la logistique, ou le montant des dépenses consacrées à l’acquisition de matériel de production innovant. Pour obtenir des réponses précises, il peut alors être nécessaire que des personnes distinctes remplissent les différentes sections du questionnaire. En revanche, cet écueil s’avère beaucoup moins fréquent dans les petites organisations.
Données administratives et commerciales
2.88. Les données créées à des fins administratives ou lors d’activités commerciales constituent une source d’information qui peut s’avérer précieuse sur une série de phénomènes liés à l’innovation.
2.89. Les déclarations effectuées et les états publiés par les sociétés peuvent fournir des informations détaillées sur les activités d’innovation et les résultats connexes, mais pas toujours de façon structurée et comparable. Les données administratives sont parfois sources d’informations détaillées sur des éléments particuliers du processus d’innovation, comme les demandes afférentes à différents types de droits de propriété intellectuelle (dépôts de brevets, de dessins ou modèles, etc.), ou sur les résultats possibles liés à l’innovation, comme la valeur ajoutée et les bénéfices.
2.90. La transformation numérique croissante des activités économiques et sociales apporte des sources de données sur l’innovation nouvelles et complémentaires. À titre d’exemple, on peut citer :
Les données des codes-barres indiquant les lancements et les rappels de produits.
Les données des plateformes électroniques sur lesquelles des individus ou des organisations publient des propositions de projets d’innovation en vue d’obtenir un financement et un retour d’information (à l’instar de Kickstarter). Ces informations peuvent permettre de mesurer les besoins et demandes des utilisateurs.
La couverture médiatique des lancements de produit, des entreprises conjointes, des collaborations, des avis sur les produits, etc.
Les métabases de données telles que la base Open Product Data de l’Open Knowledge Foundation.
2.91. Les plateformes internet offrent de nouvelles sources de données sur l’innovation dérivées des processus de diffusion et de retour d’information. Il s’agit là d’un champ de recherche future prometteur, même si la qualité de ces données et leur représentativité restent à évaluer.
2.5.4. Responsabilité de la collecte des données des sources primaires
2.92. Les principes directeurs du présent manuel sont destinés à des organisations qui maîtrisent la collecte de données (en particulier les offices statistiques nationaux, ou OSN), mais peuvent aussi être utiles à d’autres organisations qui recueillent des données sur l’innovation de façon continue ou ponctuelle. Il peut s’agir d’organismes publics, d’organismes universitaires et de recherche, d’organisations internationales ou de cabinets d’études de marché et de conseil.
Offices statistiques nationaux
2.93. Les offices statistiques nationaux (OSN) et les organismes comparables disposent des ressources, des compétences techniques et de l’autorité juridictionnelle nécessaires pour mener des enquêtes représentatives sur l’innovation. Parmi les organismes comparables, on peut citer les instituts de recherche à qui on a délégué la responsabilité de collecter des données et qui sont dotés de mécanismes d’assurance-qualité. Nombre d’OSN et d’organismes comparables peuvent s’appuyer sur la législation pour contraindre les personnes interrogées à répondre aux enquêtes sur l’innovation et peuvent relier les données ainsi recueillies aux informations administratives. Les compétences techniques, l’indépendance et la réputation des OSN, auxquelles s’ajoutent des procédures garantissant la confidentialité, augmentent le niveau de confiance des répondants, et contribuent donc à l’obtention de taux de réponse élevés et de données d’excellente qualité sur des échantillons représentatifs. En revanche, les OSN peuvent être soumis à des contraintes juridiques ou de ressources qui limitent le nombre de questions susceptibles d’être posées, la capacité à faire le lien entre les données administratives et les données sur l’innovation, ou le recours à des enquêtes approfondies sur l’innovation ciblant des sujets précis ou des groupes spécifiques de la population considérée.
Autres organisations
2.94. Les organismes universitaires et les établissements de recherche sont des utilisateurs réguliers et fréquents des données sur l’innovation recueillies par les offices statistiques nationaux ou des organismes comparables. De plus, ils s’organisent souvent en consortiums pour mener des enquêtes ponctuelles ou régulières sur l’innovation ou des thèmes connexes. On peut ainsi citer les enquêtes auprès des inventeurs (Giuri et al., 2007), l’enquête sur la division du travail d’innovation (Arora, Cohen et Walsh, 2016) ou le consortium World Management Survey (http://worldmanagementsurvey.org).
2.95. Plusieurs organisations internationales ont mené des enquêtes pour certains pays ou sur des thèmes qui n’étaient pas abordés dans les enquêtes nationales sur l’innovation. Ainsi, plusieurs enquêtes Eurobaromètre, financées par la Commission européenne, ont permis d’approfondir des thèmes relatifs à l’innovation, comme l’effet de la passation de marchés publics sur les activités d’innovation des entreprises. Les autres organisations à avoir réalisé des enquêtes sur l’innovation sont la Banque mondiale et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement. L’une des principales motivations de ces organisations internationales est la possibilité d’obtenir des microdonnées sur l’innovation dans différents pays.
2.96. Les cabinets d’études de marché et de conseil peuvent aussi mener des enquêtes sur l’innovation pour le compte d’autres organisations, comme des organismes publics, des fondations, des organisations professionnelles ou des sociétés de médias.
2.5.5. Synthèse de l’approche retenue dans ce manuel en matière de mesure
2.97. Le Manuel d’Oslo énonce des principes directeurs pour la mesure statistique de l’innovation, avec une collecte de données présentant les caractéristiques suivantes :
Une population cible d’entreprises, qui a été progressivement étendue des seuls secteurs manufacturiers de la première édition à l’ensemble du secteur des entreprises dans le présent manuel. Si les principes directeurs du Manuel d’Oslo ne sont pas expressément définis pour mesurer l’innovation dans d’autres secteurs du SCN, des travaux de recherche montrent qu’un grand nombre de concepts y demeurent applicables (Gault, 2018).
Une approche sujet centrée sur les activités d’innovation d’une entreprise. Cela étant, le présent manuel formule des recommandations pour la collecte de données sur des objets d’innovation précis, comme l’innovation principale ou le projet d’innovation le plus important (voir chapitre 10).
Une compatibilité avec des recensements ou des enquêtes représentatives de la population cible et pouvant être reliés à d’autres sources de données (voir chapitres 9 et 11).
Des principes directeurs destinés à être utilisés par les offices statistiques nationaux ou des organismes délégataires qui mènent des enquêtes sur l’innovation, sous le contrôle, dans une certaine mesure, de l’autorité publique. Ces principes directeurs constituent une norme ouverte et peuvent donc aussi être utilisés par des organisations internationales, des instituts de recherche, des universitaires et tout autre groupe intéressé par la mesure de l’innovation.
Une attention prioritairement centrée sur les besoins des utilisateurs institutionnels, avec des orientations sur l’élaboration d’indicateurs et d’analyses (voir chapitre 11).
2.98. Si toutes les stratégies de mesure n’ont pas atteint la maturité suffisante pour figurer dans ce manuel, l’intention demeure d’encourager l’élaboration d’approches complémentaires, ainsi que les travaux de recherche sur les questions que le manuel n’aborde pas. Des recherches et des expérimentations supplémentaires sont nécessaires pour prendre en compte l’évolution de la demande des utilisateurs et améliorer les pratiques de recherche existantes.
2.6. Mesurer l’innovation au-delà du secteur des entreprises
2.99. Des activités d’innovation sont menées dans les quatre secteurs du SCN. On a donc besoin d’une définition générale de l’innovation qui s’applique à toutes les unités institutionnelles ou entités, tout en restant cohérente avec celle donnée au chapitre 3 pour les entreprises. La définition générale de l’innovation, applicable à tous les types d’unités, est la suivante :
Une innovation désigne un produit ou un processus (ou une combinaison des deux) nouveau ou amélioré qui diffère sensiblement des produits ou processus précédents d’une unité et a été mis à la disposition d’utilisateurs potentiels (produit) ou mis en œuvre par l’unité (processus).
2.100. Les processus comprennent les politiques qui donnent une orientation générale aux activités d’une unité, les activités qui transforment des intrants en extrants et les procédures qui régissent, étape par étape, les activités de transformation des intrants en extrants.
2.101. Les entités nouvellement créées, entreprises ou organisations par exemple, n’ont pas de produit ou processus précédent permettant une comparaison. Le cas échéant, on utilise alors comme groupe de comparaison pour définir une innovation ce qui est disponible sur le marché correspondant. En conséquence, un produit ou un processus d’une entité nouvellement créée sera considéré comme une innovation s’il diffère sensiblement des produits disponibles sur le marché concerné ou des processus actuellement utilisés par d’autres entités du marché concerné.
2.102. Certaines innovations peuvent impliquer la participation de plusieurs acteurs appartenant à des secteurs différents. Les liens entre ces unités s’établissent sur des modes variés – mécanismes de financement, recrutement de ressources humaines ou contacts informels.
2.6.1. Innovation dans le secteur des administrations publiques
2.103. Les administrations publiques sont instituées par décision politique et dotées d’un pouvoir législatif, judiciaire ou exécutif, et interviennent aux niveaux national, régional et local. Les entreprises publiques font partie du secteur des entreprises. La différence essentielle entre une administration publique et une entreprise publique tient à ce que la première ne pratique pas, pour ses biens ou ses services, des prix économiquement significatifs. Pour analyser la participation totale de l’administration à l’innovation dans une économie, il peut être utile de collecter et de communiquer les données à l’échelle de l’ensemble du secteur public, ce qui comprend toutes les administrations publiques et toutes les entreprises publiques.
2.104. La gamme des biens et des services fournis et les prix pratiqués par les administrations publiques sont basés sur des considérations politiques et sociales et non sur la maximisation des profits ou des objectifs commerciaux connexes. Cela influe sur le type des innovations de produit élaborées par les unités institutionnelles relevant du secteur des administrations publiques et mises à la disposition des ménages, des organisations sans but lucratif ou des entreprises. De nombreuses innovations de processus du secteur des administrations publiques s’inspirent de celles du secteur des entreprises ou en sont proches, mais les innovations du service public poursuivent souvent des objectifs liés à la redistribution ou à la consommation, qui sont propres aux administrations. Les caractéristiques communes en matière d’innovation dans le secteur des administrations publiques sont notamment le recours fréquent à la collaboration, y compris avec des organisations appartenant à d’autres secteurs du SCN, et à la coproduction d’innovations.
2.105. La présence ou l’absence de marché est souvent citée comme la différence majeure entre le secteur des entreprises et celui des administrations publiques (Bloch et Bugge, 2013 ; Gault, 2012 ; Lægreid, Roness et Verhoest, 2011). L’absence de marché modifie à la fois les incitations à innover et les méthodes de mesure des résultats de l’innovation. Faute de données sur le coût ou le prix payé pour les services rendus par les administrations publiques, on s’en remet, pour mesurer les résultats, à des évaluations subjectives, reposant sur l’autodéclaration, comme les gains d’efficience ou l’amélioration de la satisfaction des usagers (Bloch et Bugge, 2013). Il est difficile également de donner des mesures agrégées du résultat économique (mesures financières des économies réalisées ou des avantages) ou des mesures de la validité externe des résultats. Les mesures de résultat de haute qualité ne sont généralement disponibles que pour des innovations spécifiques, comme le coût et les avantages de nouveaux traitements ou protocoles dans les hôpitaux ou de nouvelles méthodes pédagogiques dans les établissements scolaires.
2.106. L’étude de l’innovation dans les administrations publiques et, plus largement, dans le secteur public a suscité une masse grandissante de travaux de recherche empirique, en partie motivés par la demande croissante d’analyses comparatives de l’efficience et de la qualité des services rendus par ces administrations et d’une détermination des facteurs contribuant aux extrants et aux résultats souhaitables en matière d’innovation. Un grand nombre de ces études ont adapté les principes directeurs de la précédente édition du Manuel d’Oslo pour élaborer des enquêtes sur l’innovation auprès des entités des administrations publiques (APSC, 2011 ; Arundel et Huber, 2013 ; Bloch et Bugge, 2013 ; OCDE, 2015b), mais, dans des enquêtes plus récentes, des questions spécifiquement rédigées pour le secteur des administrations publiques ont été ajoutées. Cette évolution répondait au besoin de recueillir des données à l’appui des politiques d’innovation du secteur public (Arundel, Bloch et Ferguson, 2016). D’autres travaux de recherche ont utilisé diverses méthodes d’examen de l’innovation dans l’éducation, la santé et les services sociaux (Windrum et Koch [dir. pub.], 2008 ; Osborne et Brown [dir. pub.], 2013). L’OCDE a apporté son soutien à de nombreux tests de questions sur l’innovation dans le secteur public et à l’élaboration de principes directeurs provisoires pour sa mesure (OCDE, 2015b).
2.6.2. Innovation et institutions sans but lucratif
2.107. Les institutions sans but lucratif (ISBL) produisent ou distribuent des biens ou des services, mais ne génèrent pas de revenu ni de bénéfice pour les unités qui les contrôlent ou les financent. Les ISBL qui ne font pas partie du secteur des entreprises ni des administrations publiques relèvent des ISBLSM. Il s’agit souvent d’institutions sociales non gouvernementales. Le classement d’une ISBL dans le secteur des ISBLSM peut changer si le rôle des représentants des administrations publiques ou des entreprises dans la prise de décision ou le financement devient plus prépondérant. Les ISBLSM peuvent aussi donner lieu à la création d’entreprises par essaimage ou exercer un contrôle sur des entreprises commerciales afin de servir des objectifs sociaux.
2.108. De nombreuses ISBLSM s’emploient à mettre en œuvre des « innovations sociales », qui se définissent par leurs objectifs d’amélioration du bien-être des individus ou de la collectivité (Mulgan, Joseph et Norman, 2013 ; Young Foundation, 2012). La mesure des résultats de l’innovation dans le secteur des ISBLSM présente les mêmes difficultés que dans le secteur des administrations publiques.
2.6.3. Innovation, ménages et individus
2.109. Les individus jouent un rôle moteur dans le processus d’innovation à de nombreux niveaux, aussi les politiques encouragent-elles souvent les personnes physiques et les groupes de tous les secteurs du SCN à participer à l’innovation (OCDE, 2010a). Les ménages, y compris les individus et les entreprises non constituées en société, sont des acteurs essentiels de l’innovation, sur le plan de l’offre comme de la demande.
2.110. En définitive, ce sont les individus qui fournissent les ressources humaines et financières nécessaires aux activités de production, ce qui inclut les processus d’innovation. En tant que salariés, ils contribuent directement aux innovations attribuées à leurs employeurs et peuvent jouer un rôle dans la communication des données sur l’innovation. Les membres d’un ou de plusieurs ménages sont susceptibles de participer à des innovations dont ils sont seuls responsables, à titre individuel. Cela peut se faire en dehors d’un emploi traditionnel ou sous un statut de travailleur indépendant dans une entreprise non constituée en société dont ils sont propriétaires, seuls ou conjointement avec d’autres.
2.111. Les travailleurs indépendants, rattachés au secteur des ménages ou à celui des entreprises, peuvent jouer un rôle considérable dans les innovations, bien que leur statut puisse aussi être extrêmement éphémère car une idée prometteuse peut aboutir rapidement à la création d’une société, entraînant éventuellement le passage du secteur des ménages à celui des entreprises. Les individus peuvent également bénéficier d’interventions de l’État, comme un financement direct ou une aide fiscale à l’innovation, susceptibles de conduire à l’établissement d’une société ou à d’autres formes d’enregistrement.
2.112. Les individus ont toujours joué un rôle moteur dans l’élaboration de nouvelles idées et dans les solutions qui en ont découlé. Avec la spécialisation croissante de la recherche et l’essor de l’entreprise industrielle, on en est venu à considérer les ménages et les individus comme des consommateurs passifs d’innovations incorporées dans les biens et les services qu’ils acquièrent, et non comme des auteurs d’innovations (von Hippel, 2017, 2005 ; von Hippel, Ogawa et de Jong, 2011). Si les individus ne disposent pas du soutien organisationnel pour développer des innovations qui demandent un investissement considérable, les recherches empiriques montrent qu’une proportion non négligeable d’individus mettent au point un premier prototype ou modèle à partir de concepts et d’idées qui leur sont propres, puis le mettent à la disposition d’autres acteurs ou poursuivent le développement par eux-mêmes.
2.113. Des avancées technologiques comme l’internet, l’impression 3D et les plateformes de financement participatif peuvent soutenir les activités d’innovation d’individus, même s’il est probable que la réussite technique et commerciale entraîne un passage du secteur des ménages à celui des entreprises. Les individus peuvent aussi financer les activités d’innovation d’autres membres du secteur des ménages ou de start-ups, par l’intermédiaire des plateformes de financement participatif, par exemple. Dans nombre de ces cas, les individus bailleurs de fonds peuvent recevoir le produit avant sa commercialisation générale, et devenir ainsi des utilisateurs pilotes.
2.114. Comprendre et gérer les incidences de l’innovation sur les individus dans leurs rôles de salariés (OCDE, 2014 ; OCDE, 2010b), de propriétaires d’actifs et de consommateurs constitue une priorité en matière d’action publique. La mesure pourrait à cet égard fournir des données pertinentes sur une série de thèmes, comme l’effet de l’innovation sur l’obsolescence des compétences ; la disposition des individus à échanger des données à caractère personnel contre un accès gratuit à des applications et des réseaux ; et les facteurs qui soutiennent la confiance et permettent aux consommateurs de prendre des décisions d’achat éclairées servant leurs intérêts. Les données sur l’utilisation des innovations par les consommateurs finals sont également utiles aux chefs d’entreprise et aux responsables politiques. Les individus peuvent fournir des données utiles à la conception de nouveaux produits et processus, comme les données de comportement tirées de l’empreinte numérique qu’ils laissent en ligne, de l’utilisation d’appareils connectés, ou encore du recours à des mécanismes de retour d’information et d’avis. Ces exemples soulignent la valeur de la mesure de l’innovation dans le secteur des ménages.
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