Ce chapitre propose une série de définitions visant à servir de base aux enquêtes statistiques axées sur l’innovation dans le secteur des entreprises, ainsi qu’une taxinomie des différents types d’innovations. Les définitions répertoriées ici permettent également de caractériser les entreprises en fonction de leurs innovations et de leurs activités connexes. L’objectif des définitions proposées dans le présent chapitre et des recommandations y afférentes est de simplifier la collecte et la communication de données comparables sur l’innovation et sur les activités connexes pour les entreprises de pays et de secteurs différents, mais aussi pour les entreprises de structures et de tailles diverses, qu’il s’agisse de PME mono-produit ou de grandes sociétés multinationales proposant une large gamme de produits (biens ou services). Pour clore ce chapitre, des recommandations sont proposées pour une utilisation efficace de ces définitions dans le cadre d’enquêtes statistiques.
Manuel d’Oslo 2018
Chapitre 3. Concepts et définitions pour la mesure de l’innovation d’entreprise
Abstract
3.1. Introduction
3.1. Sur la base des concepts énoncés dans le chapitre 2, le présent chapitre propose une série de définitions visant à servir de référence aux enquêtes statistiques axées sur l’innovation dans le secteur des entreprises. Dans la mesure où l’innovation est un phénomène global, hétérogène et multidimensionnel, il s’avère essentiel d’établir des définitions claires et concises de l’innovation et des concepts associés, et ce, afin de permettre une mesure précise et une interprétation fiable des activités d’innovation des entreprises, et de définir une norme commune répondant aux besoins des producteurs et des utilisateurs de statistiques sur l’innovation.
3.2. Les définitions proposées simplifient la collecte et la communication de données comparables sur l’innovation et sur les activités connexes pour les entreprises de pays et de secteurs différents, mais aussi pour les entreprises de structures et de tailles diverses, qu’il s’agisse de PME mono-produit ou de grandes sociétés multinationales proposant une large gamme de produits (services y compris).
3.3. La section 3.2 rassemble les principales définitions nécessaires à la mesure de l’innovation dans le secteur des entreprises. La section 3.3 développe différentes taxinomies de l’innovation des entreprises, notamment par type ou par nouveauté et incidences. Les évolutions n’appartenant pas au champ de l’innovation sont décrites dans la section 3.4. La section 3.5 classe les entreprises en fonction de leur statut au regard de l’innovation. Pour clore ce chapitre, la section 3.6 propose des recommandations aux fins d’une utilisation efficace de ces définitions dans le cadre d’enquêtes statistiques.
3.2. L’innovation dans le secteur des entreprises
3.2.1. Définition de l’innovation et des activités d’innovation
3.4. Tel qu’indiqué dans le chapitre 2, suivant le contexte le terme « innovation » peut être utilisé pour désigner un processus ou le résultat de ce processus. Dans un souci de clarté, ce manuel utilise l’expression « activités d’innovation » pour faire référence au processus et réserve le terme « innovation » aux seuls résultats de ces activités.
3.5. La définition de base des activités d’innovation d’une entreprise est la suivante :
Les activités d’innovation d’une entreprise désignent l’ensemble des activités de développement, financières et commerciales menées par une entreprise et ayant vocation à déboucher sur une innovation pour ladite entreprise.
3.6. Les activités d’innovation peuvent déboucher sur une innovation (définie ci-après) et être en cours ou avoir été différées ou abandonnées. Les activités complémentaires, définies dans la sous-section 4.5.3, sortent généralement du cadre des activités d’innovation.
3.7. L’organisation des activités d’innovation varie grandement d’une entreprise à l’autre. Certaines entreprises gèrent ces activités sous la forme de projets ou de programmes clairement définis, auxquels sont alloués des budgets dédiés et pour lesquels l’innovation représente une étape intermédiaire ou une finalité. D’autres intègrent le gros de ces activités d’innovation à leurs activités courantes et œuvrent en permanence à apporter des améliorations à leurs produits et processus d’affaires, ou encore mènent ce type d’activités de manière purement ponctuelle, selon leurs besoins. Tous les modes d’organisation des activités d’innovation sont concernés par les définitions et recommandations développées dans ce chapitre. Des informations complémentaires sur la définition, le classement et la mesure des activités d’innovation sont disponibles dans le chapitre 4.
3.8. Le présent chapitre se concentre sur le concept même d’innovation et propose des définitions synthétiques de l’innovation et des différents types d’innovations. Chacune de ces définitions est accompagnée d’informations complémentaires sur son interprétation.
3.9. La définition de base de l’innovation industrielle est la suivante :
Une innovation d’entreprise désigne un produit ou un processus d’affaires nouveau ou amélioré (ou une combinaison de ces deux éléments) qui diffère sensiblement des produits ou processus précédents de l’entreprise et a été commercialisé ou mis en œuvre par celle-ci.
3.10. Tel que précisé au chapitre 2, un produit est un bien ou service (ou l’association des deux). Les processus d’affaires incluent toutes les activités principales mises en place par une entreprise pour assurer sa production, ainsi que toutes les activités auxiliaires ou de soutien.
3.11. L’introduction d’un produit est avérée lorsqu’il est mis à la disposition des utilisateurs cibles. L’introduction d’un processus d’affaires est reconnue lorsque ce dernier est utilisé de manière concrète dans le cadre des opérations d’une entreprise. Le terme mise en œuvre reprend cet acte d’introduction, lequel correspond au moment précis où un produit ou un processus d’affaires sensiblement différent est pour la première fois mis à la disposition des utilisateurs. Les entreprises apportent souvent des modifications à leurs innovations après leur mise en œuvre (voir chapitre 4), en ajustant par exemple les caractéristiques d’un nouveau service. Certaines de ces modifications peuvent être suffisamment importantes pour constituer elles-mêmes des innovations à part entière.
3.12. Pour qu’il y ait innovation, il faut au minimum qu’un produit ou processus d’affaires présente une ou plusieurs caractéristique(s) sensiblement différente(s) de celles des produits ou processus d’affaires auparavant proposés ou utilisés par une entreprise. Ces caractéristiques doivent être pertinentes pour l’entreprise concernée ou ses utilisateurs externes. L’entreprise peut par exemple compter que les caractéristiques nouvelles ou améliorées d’un produit (ou d’un processus d’affaires) augmentent son utilité pour les utilisateurs ou renforcent sa position sur le marché par rapport aux produits concurrents. Ces caractéristiques pertinentes sont décrites ci-dessous dans le cas des innovations de produit et de processus d’affaires.
3.13. Une innovation peut également être le résultat d’une série d’améliorations mineures réalisées au cours de la période d’observation, à condition que la somme de ces améliorations mineures constitue une différence significative dans le produit ou processus final.
3.14. Cette obligation de présenter des caractéristiques significativement différentes s’applique aux innovations de produit ou de processus d’affaires que les entreprises développent elles-mêmes, ainsi qu’aux innovations développées à l’origine par d’autres entreprises, organisations ou individus, auxquelles ne sont apportées que des modifications minimes, voire aucune modification. La définition d’une innovation inclut par conséquent également un aspect de diffusion.
3.15. L’adoption d’un produit ou processus d’affaires nouveau ou amélioré par une entreprise faisant partie d’un groupe d’entreprises est en soi constitutive d’une innovation, même si ce produit ou processus a déjà été commercialisé ou mis en œuvre par d’autres entreprises du même groupe. Ainsi, l’adoption par une filiale d’un nouveau processus d’affaires développé et mis en œuvre par la société mère constitue une innovation pour cette filiale. En revanche, l’adoption d’un produit ou processus d’affaires nouveau ou amélioré qui était déjà utilisé dans une autre division ou un autre service de la même entreprise ne constitue pas une innovation d’entreprise.
3.16. Le concept de différence « significative » exclut toute modification ou amélioration mineure. La démarcation entre une modification non assimilable à une innovation et une modification constitutive d’une innovation reste néanmoins inévitablement subjective, dans la mesure où elle dépend du contexte, des capacités et des impératifs de chaque entreprise. Ainsi, une amélioration apportée à un service en ligne peut représenter une modification mineure pour une grande entreprise d’un secteur à forte intensité de recherche et développement expérimental (R-D), mais constituer une différence significative pour une petite entreprise d’un secteur moins porté sur la R-D.
3.17. Cette définition n’exige aucunement que l’innovation concernée soit une réussite stratégique, financière ou commerciale au moment de la mesure. De fait, une innovation de produit peut être un échec commercial et une innovation de processus d’affaires peut nécessiter un délai plus long avant que les objectifs ne soient atteints.
3.18. La définition d’une innovation n’exige pas non plus que cette dernière ait une valeur positive pour la société ou qu’elle fournisse un avantage à l’entreprise d’origine. Dans le premier cas, une innovation peut stimuler de manière importante les résultats financiers d’une entreprise, mais n’apporter aux consommateurs que des avantages d’une valeur inférieure à ceux d’autres offres de la même entreprise ou de ses concurrents. Une innovation peut également entraîner l’apparition de divers problèmes environnementaux, de santé ou de sécurité. À l’inverse, une innovation n’améliore pas nécessairement la position d’une entreprise sur le marché ou ses résultats financiers lorsque ses utilisateurs en tirent un avantage. Une innovation peut ainsi améliorer l’utilité pour les utilisateurs sans pour autant que cela se traduise par une augmentation des ventes, des parts de marché ou des revenus nets de l’entreprise concernée.
3.2.2. Répartition des efforts d’innovation et des responsabilités associées
3.19. La division du travail qui sous-tend la spécialisation économique concerne également les activités d’innovation, dans la mesure où seule une minorité d’entreprises sont susceptibles de détenir tous les droits de propriété et capacités nécessaires pour développer des innovations. De nombreuses innovations découlent de l’achat, de l’imitation ou de la modification de produits, d’équipements liés aux processus d’affaires ou de méthodes commerciales déjà utilisés par d’autres entreprises ou organisations. De nombreuses entreprises ne développent par conséquent pas la totalité des concepts, prototypes ou modèles sous-jacents à leurs innovations, et plusieurs entreprises peuvent développer des innovations semblables à partir d’un même concept ou d’une même technologie. Par ailleurs, toutes les entreprises ne mettent pas nécessairement en œuvre l’ensemble des concepts et prototypes qu’elles développent : elles peuvent par exemple proposer l’exploitation sous licence de leurs inventions à d’autres entreprises. Ces relations et la manière dont elles s’inscrivent dans des types d’innovations différents sont abordées en détail dans le chapitre 6.
3.20. Les innovations partiellement ou intégralement développées par un acteur externe ou en partenariat avec des tiers n’ont pas pour autant moins de valeur ; elles peuvent en effet simplement témoigner d’un niveau plus élevé de spécialisation. La collecte de données doit encourager les répondants à signaler toute innovation, y compris celles qui n’ont pas été majoritairement développées par leur propre entreprise.
3.3. Taxinomies d’innovation
3.21. Parce que l’innovation modifie les caractéristiques de produits ou processus d’affaires, l’usage tend à la définir en termes d’objet ou de finalité. Des responsables peuvent par exemple mettre en avant les innovations de service de leur entreprise ou des innovations relatives au système de livraison. Disposer d’informations sur l’objet d’une innovation permet de faire une meilleure évaluation de sa finalité, de ses caractéristiques générales et de ses incidences potentielles sur l’entreprise, ou encore de déterminer les types d’activités d’innovation associées à son développement et sa mise en œuvre.
3.3.1. Types d’innovations par objet : innovations de produit et de processus d’affaires
3.22. Il existe deux grands types d’innovations par objet : les innovations modifiant les produits d’une entreprise (innovations de produit) et les innovations modifiant les processus d’affaires d’une entreprise (innovations de processus d’affaires).
3.23. Les innovations de produit peuvent être réparties en deux types principaux, et les innovations de processus d’affaires en six grands types (voir ci-dessous). Une seule et même innovation peut recouper différents types d’innovations de produit et de processus. La typologie des innovations par objet n’est donc pas une classification en types qui s’excluent mutuellement. Une entreprise peut par ailleurs mettre en œuvre plusieurs types d’innovations pendant la période d’observation concernée par la collecte de données. Il est par conséquent recommandé de recueillir des informations sur plusieurs types d’innovations, en partant du principe que les réponses peuvent se référer à des innovations différentes ou à des innovations appartenant à au moins deux types d’innovations.
Innovation de produit
3.24. Dans sa définition du terme « produit », le Système de comptabilité nationale (SCN) intègre à la fois les biens et les services. Les produits sont le résultat économique des activités de production. Ils peuvent être échangés et utilisés comme ressources pour la production d’autres biens et services, comme objets de consommation finale par les ménages et les administrations publiques, ou à des fins d’investissement, comme dans le cas de produits financiers (CE et al., 2009).
Une innovation de produit désigne l’introduction sur le marché d’un bien ou service nouveau ou amélioré qui diffère sensiblement des biens ou services proposés jusque-là par une entreprise.
3.25. Les innovations de produit doivent apporter des améliorations importantes à au moins une caractéristique ou spécification de performances. Cela inclut l’ajout de nouvelles fonctionnalités ou les améliorations apportées à l’expérience utilisateur ou à des fonctionnalités existantes. Les caractéristiques fonctionnelles pertinentes incluent la qualité, les spécifications techniques, la fiabilité, la durée de vie, l’efficience économique durant l’utilisation, l’accessibilité financière, la commodité, facilité d’utilisation et la convivialité. Il n’est pas nécessaire que les innovations de produit améliorent l’ensemble des fonctions d’un produit ou de ses spécifications de performances. L’ajout ou l’amélioration d’une nouvelle fonction peut également être associé(e) à la suppression d’autres fonctions ou à une diminution de certaines spécifications de performances.
3.26. Les caractéristiques concernées peuvent inclure des attributs d’ordre financier, notamment en termes d’accessibilité économique et de commodité. Parmi les innovations présentant des caractéristiques financières et procurant des avantages à leurs utilisateurs, citons notamment la tarification dynamique des péages pour fluidifier le trafic, une nouvelle gamme de produits à base de matières premières plus économiques permettant une baisse des prix, ou encore un service de paiement automatique des courses de taxi une fois le trajet effectué.
3.27. La fonctionnalité et l’utilité pour les utilisateurs peuvent être influencées par une autre caractéristique des biens et services : la conception des produits. Un nouveau design ou des caractéristiques de conception améliorées peuvent avoir un impact sur l’apparence d’un produit, et ainsi enrichir l’expérience utilisateur, par exemple lorsqu’une modification significative du design suscite une réponse émotionnelle positive chez les utilisateurs. Il est toutefois peu probable que des modifications mineures du design ouvrent la voie à des biens ou services qui diffèrent sensiblement des biens ou services existants (voir ci-dessous).
3.28. Pour qu’une innovation de produit soit reconnue, elle doit être mise à la disposition des utilisateurs potentiels, mais ne doit pas être nécessairement génératrice de ventes. Restreindre la définition d’innovation de produit aux produits qui entraînent des ventes exclurait de fait les innovations de produit qui ne trouvent pas leur public, ne répondent pas à une demande établie ou attendue, ou dont la concrétisation des ventes nécessite une période d’observation plus longue. Seraient par ailleurs exclus les produits numériques proposés gratuitement aux consommateurs, et dont les revenus proviennent de la publicité, de la revente des données des utilisateurs ou d’autres méthodes.
3.29. Les innovations de produit peuvent faire intervenir des connaissances ou des technologies nouvelles, ou s’appuyer sur de nouvelles utilisations ou combinaisons de connaissances ou de technologies existantes.
Types de produits
3.30. Les innovations de produit concernent deux types de produits génériques : les biens et les services. Ces types de produits ont été mentionnés dans le chapitre 2 et sont définis ci-dessous sur la base des spécifications du Système de comptabilité nationale (SCN) (CE et al., 2009) :
Les biens incluent les objets physiques et certains produits basés sur la capture des connaissances (voir ci-dessous) sur lesquels des droits de propriété peuvent être établis et dont la propriété peut être transférée par le biais d’une opération sur le marché.
Les services sont des activités immatérielles produites et consommées simultanément, qui modifient l’état (physique, psychologique, etc.) des utilisateurs. La participation des utilisateurs en termes de temps, de disponibilité, d’attention, de transmission d’informations ou d’effort est souvent une condition nécessaire à la mise en œuvre des services qui sont en réalité le résultat d’une coproduction des utilisateurs et des entreprises. Les attributs d’un service et l’expérience qu’il procure peuvent par conséquent dépendre des apports et contributions des utilisateurs. Les services incluent également certains produits basés sur la capture des connaissances (voir ci-dessous).
3.31. Tel qu’indiqué dans le chapitre 2, la frontière entre biens et services est parfois difficile à distinguer, d’autant que certains produits présentent des caractéristiques propres à ces deux catégories. Une société peut ainsi vendre des biens à ses clients ou en proposer l’utilisation à la location sous forme de service, comme cela est souvent le cas des biens de consommation durables ou des équipements de production. Les entreprises peuvent également adjoindre à leurs biens des services auxiliaires, par exemple sous la forme de contrats de maintenance ou d’assurance.
3.32. Les produits basés sur la capture des connaissances (tels qu’identifiés dans le SCN) peuvent rassembler les caractéristiques de biens comme de services, et ont trait à la fourniture, au stockage, à la protection, à la communication et à la diffusion des informations numériques auxquelles les utilisateurs peuvent accéder de manière répétée. Ces produits peuvent être stockés sur des objets ou infrastructures physiques, tels que sur des supports électroniques ou dans le nuage. Tel est le cas notamment des produits numériques comme la musique, les films ou les livres accessibles à la demande moyennant le versement de droits. Les produits basés sur la capture des connaissances s’apparentent à des biens si les consommateurs peuvent les partager ou les revendre après achat, mais sont plus proches des services si les droits des consommateurs sont limités par une licence établissant les conditions de partage ou de revente. Parce qu’elles réduisent à des sommes dérisoires les coûts de copie et d’échange des informations, les technologies numériques ont contribué à la prolifération des produits basés sur la capture des connaissances.
3.33. Il est recommandé à tout le moins de collecter des données à la fois sur les biens et les services. Les enquêtes devraient mentionner explicitement les services afin de bien faire comprendre que les questions s’adressent aux répondants issus d’entreprises du secteur des services. Dans la mesure du possible, des données doivent être recueillies sur les produits basés sur la capture des connaissances, en particulier numériques, afin d’appuyer les recherches sur la prévalence de tels produits et sur les facteurs qui influent sur leur développement.
Innovation de processus d’affaires
3.34. Toutes les fonctions au sein d’une entreprise peuvent faire l’objet d’activités d’innovation. L’expression « processus d’affaires » inclut les fonctions de base de production des biens et services, mais aussi les fonctions de soutien comme la distribution et la logistique, le marketing, la vente et les services après-vente, les services liés aux technologies de l’information et des communications (TIC) auprès des entreprises, les fonctions de gestion et d’administration, les services d’ingénierie et autres services techniques connexes à destination des entreprises, ou encore le développement de produits et de processus d’affaires. Ces derniers peuvent être considérés comme des services dont l’entreprise est elle-même le client. Ils peuvent par ailleurs être assurés en interne ou fournis par un prestataire extérieur.
Une innovation de processus d’affaires désigne un processus d’affaires nouveau ou amélioré pour une ou plusieurs fonction(s), qui diffère sensiblement des processus d’affaires antérieurs de l’entreprise et qu’elle a mis en œuvre.
3.35. Les caractéristiques pertinentes d’une fonction d’entreprise améliorée sont liées à celles d’un produit amélioré, notamment dans le cas des services pouvant être proposés aux entreprises. Il s’agit notamment des gains d’efficacité, de l’efficience de l’utilisation des ressources, de la fiabilité et de la résilience, de l’accessibilité financière, de la commodité et de la facilité d’utilisation pour les acteurs concernés par un processus d’affaires, au sein de l’entreprise comme à l’extérieur.
3.36. La mise en place de processus d’affaires nouveaux ou améliorés peut être motivée par des objectifs précis, comme la mise en œuvre de stratégies d’entreprise, la réduction des coûts, l’amélioration de la qualité des produits ou des conditions de travail, ou encore le respect des prescriptions réglementaires. Une innovation de processus d’affaires peut correspondre à l’amélioration d’un ou de plusieurs aspects d’une même fonction d’entreprise ou de différentes fonctions combinées. Elle peut impliquer l’adoption par une entreprise de services nouveaux ou améliorés, fournis par des prestataires externes proposant par exemple des systèmes de comptabilité ou de gestion des ressources humaines.
3.37. Les innovations de processus d’affaires sont considérées comme mises en œuvre lorsqu’elles sont utilisées de manière effective par une entreprise dans le cadre de ses opérations internes ou à visée externe. Plusieurs étapes peuvent être nécessaires à cette mise en œuvre, du développement initial du processus, aux essais pilotes appliqués à une seule fonction d’entreprise, jusqu’à son déploiement à l’ensemble des fonctions d’entreprise concernées. La mise en œuvre est finalisée lorsque le processus d’affaires est utilisé de manière régulière dans les opérations d’une entreprise, ce qui peut se produire très peu de temps après l’exécution des essais pilotes.
3.38. Les technologies numériques et les pratiques associées se sont généralisées à l’ensemble des processus d’affaires. Elles permettent de codifier les processus et procédures, d’ajouter des fonctions aux processus déjà en place ou encore de rendre possible la vente de processus sous forme de services. La mise en œuvre des innovations de processus d’affaires est par conséquent souvent liée à l’adoption et à la modification de technologies numériques.
Types de processus d’affaires
3.39. Les innovations de processus d’affaires touchent l’ensemble des fonctions d’une entreprise. Les études en matière de gestion ont permis d’établir plusieurs listes de fonctions d’entreprise, lesquelles diffèrent selon la définition prise en compte pour les fonctions de base (activités génératrices de revenus) et les fonctions de soutien, mais aussi suivant la manière dont sont regroupées les différentes activités (Brown, 2008). Les fonctions d’entreprise se sont révélées particulièrement utiles dans l’évaluation des chaînes de valeur mondiales, par exemple dans le cadre de l’enquête sur l’innovation et les stratégies d’entreprise (EISE) réalisée au Canada ou de l’étude européenne sur l’externalisation internationale des fonctions d’entreprise (voir chapitre 7).
3.40. Le Tableau 3.1 répertorie les six principales fonctions d’entreprise susceptibles de faire l’objet d’innovations (sur la base des travaux statistiques et en matière de gestion pertinents). La fonction de « production de biens et services » correspond à la fonction de base d’une entreprise ; les cinq autres fonctions constituent quant à elles des activités auxiliaires visant à soutenir la production et à permettre la mise sur le marché des produits. Les entreprises peuvent développer des innovations de processus d’affaires axées sur une ou plusieurs fonction(s). La mise en œuvre d’un système de commande en ligne peut par exemple représenter une innovation pour les fonctions de distribution et de logistique d’une entreprise. Dans le cadre de la collecte de données, il est recommandé d’inclure une brève description de chacune de ces fonctions d’entreprise, suivie d’une explication plus détaillée. Cette liste s’avère suffisamment succincte pour être utilisée dans les enquêtes et permettre un niveau acceptable de comparabilité avec les définitions des innovations organisationnelles, de processus et de commercialisation énoncées dans la troisième édition du Manuel d’Oslo. Des applications plus détaillées de cette taxinomie peuvent permettre une meilleure comparabilité avec les résultats des enquêtes en matière d’innovation réalisées après la publication de cette troisième édition. Les nouvelles catégories incluent en outre des domaines qui n’avaient pas été identifiés en tant que cibles d’innovation dans la troisième édition, comme les modifications liées au financement (point 5c) ou affectant les fonctions dédiées au développement de produits ou de processus (point 6).
3.41. Cette dernière catégorie comprend les innovations de processus d’affaires axées sur la fonction liée au développement de produits et autres processus d’une entreprise. Il n’existait aucun type de processus d’affaires équivalent dans les éditions précédentes de ce manuel. Les innovations observées en lien avec cette fonction incluent notamment l’utilisation de nouvelles technologies d’édition génique dans le développement de variétés végétales ou de produits pharmaceutiques nouveaux ou existants, ou encore l’application de techniques d’exploration des données à des bases de données volumineuses afin d’identifier les opportunités de développement commercial. Citons également l’adoption de nouvelles méthodologies, comme la conception créative (design thinking), la co-création, le prototypage rapide ou encore le criblage à haut débit. Il est possible qu’une innovation de ce type soit simplement destinée à introduire des modifications progressives qui, individuellement, ne constituent pas des innovations (par exemple afin de répondre aux différents besoins des clients) ou qui contribuent à donner vie à des innovations de produit ou de processus d’affaires. Il n’existe toutefois aucune garantie qu’à terme ces innovations verront le jour.
Tableau 3.1. Catégories fonctionnelles pour la classification des innovations de processus d’affaires
|
Libellé |
Détails et sous-catégories |
---|---|---|
1. |
Production de biens et services |
Activités visant à transformer des ressources en biens ou services, dont l’ingénierie et les essais techniques, ainsi que les activités d’analyse et de certification à l’appui de la production. |
2. |
Distribution et logistique |
Cette fonction inclut les activités suivantes : a) transport et prestation de services b) entreposage c) traitement des commandes. |
3. |
Commercialisation et ventes |
Cette fonction inclut les aspects suivants : a) méthodes de commercialisation, y compris la publicité (promotion, placement et conditionnement des produits), la vente directe (démarchage téléphonique), les foires commerciales et expositions, les études de marché et autres activités visant à développer de nouveaux marchés b) méthodes et stratégies de fixation des prix c) activités de vente et d’après-vente, dont les services d’aide et autres activités d’assistance ou de gestion des relations avec la clientèle. |
4. |
Systèmes d’information et de communication |
Maintenance et fourniture des systèmes d’information et de communication, y compris des éléments suivants : a) équipements matériels et logiciels b) bases de données et traitement des données c) maintenance et réparation d) hébergement de sites web et autres activités informatiques. Ces fonctions peuvent être prises en charge par un service dédié ou par des services responsables d’autres fonctions. |
5. |
Administration et gestion |
Cette fonction inclut les activités suivantes : a) gestion générale et stratégique de l’entreprise (prise de décision transversale), dont l’organisation des responsabilités professionnelles b) gouvernance d’entreprise (services juridiques, planification et relations publiques) c) comptabilité, tenue des livres, audits, paiements et autres activités financières ou d’assurance d) gestion des ressources humaines (formation, recrutement, organisation du lieu de travail, embauche de personnel intérimaire, gestion de la paie, et services médicaux et de santé) e) achats f) gestion des relations externes avec les fournisseurs, alliances, etc. |
6. |
Développement de produits et de processus d’affaires |
Activités visant à définir, identifier, développer ou adapter les produits ou processus d’affaires d’une entreprise. Cette fonction peut être mise en œuvre de manière systématique ou ponctuellement selon les besoins, et ce, en interne ou par le biais de sources externes. La responsabilité de ces activités peut être confiée à un service dédié ou assurée par des services en charge d’autres fonctions, comme la production de biens ou services. |
Source : D’après Brown (2008), « Business processes and business functions: A new way of looking at employment », www.bls.gov/mlr/2008/12/art3full.pdf, et Eurostat (2018), Glossary of Statistical Terms, http://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php/Glossary:Business_functions.
3.42. Dans le cadre de la collecte de données, certaines fonctions peuvent être regroupées dans un même ensemble ou désagrégées. Ainsi, les fonctions 1 et 6 peuvent être réunies en une seule et même fonction intégrant à la fois les activités de production et le développement de produits et de processus d’affaires. Les fonctions 3 et 5 peuvent quant à elles être davantage fractionnées afin de faciliter la comparaison avec les définitions des innovations organisationnelles et de commercialisation utilisées dans la troisième édition du manuel (voir la section suivante pour plus d’informations).
Comparaison des types d’innovations avec l’édition précédente du Manuel d’Oslo
3.43. Le Tableau 3.2 offre une comparaison entre les types d’innovations de produit et de processus d’affaires utilisés dans le présent manuel et les définitions énoncées dans la troisième édition du Manuel d’Oslo.
3.44. La troisième édition incluait deux types d’innovations de commercialisation (l’adoption de méthodes de placement et de promotion de produits, ou de méthodes de tarification) qui ne sont pas reprises dans les descriptions succinctes des six fonctions d’entreprise du Tableau 3.1. Elles figurent toutefois dans les descriptions détaillées. La présente édition classe par ailleurs les innovations liées à la conception des produits dans la catégorie des innovations de produit, alors que la troisième édition les considérait comme des innovations de commercialisation. Cette évolution s’explique par la relation étroite qui existe entre les activités de conception et le développement des caractéristiques des produits, pour les biens comme pour les services. Les modifications apportées au design des conditionnements restent en revanche dans la catégorie des innovations de commercialisation.
Tableau 3.2. Comparaison des types d’innovations entre l’édition actuelle et l’édition précédente du Manuel d’Oslo
Quatrième édition, 2018 (MO4), contre troisième édition, 2005 (MO3)
MO3 |
Sous-composants du MO3 |
MO41 |
Différences |
---|---|---|---|
Produit |
Biens Services |
Biens Services Les biens et services incluent les produits basés sur la capture des connaissances et les combinaisons de ces différents éléments. Inclut les caractéristiques de conception des biens et services. |
Cette catégorie inclut désormais les caractéristiques de conception des produits, lesquelles étaient répertoriées en tant qu’innovations de commercialisation dans le MO3. |
Processus |
Production Distribution et logistique Services auxiliaires, dont les achats, la comptabilité et les services TIC |
Production Distribution et logistique Systèmes d’information et de communication |
Les services auxiliaires du MO3 sont désormais inclus dans la catégorie Administration et gestion. |
Organisation |
Pratiques d’entreprise Organisation du lieu de travail (attribution des responsabilités) Relations extérieures |
Administration et gestion |
Les innovations organisationnelles du MO3 sont désormais incluses dans les sous-catégories a, b et f de la rubrique Administration et gestion du MO4. Les services auxiliaires d’administration et de gestion (sous-catégories c, d et e) étaient auparavant intégrés aux innovations de procédé du MO3. |
Commercialisation |
Conception de produits Placement de produits et conditionnement Promotion Tarification |
Commercialisation, ventes et services après-vente |
Inclusion des innovations de commercialisation du MO3 dans les sous-catégories a et b du MO4. Les innovations en matière de ventes, de services après-vente et autres fonctions d’assistance à la clientèle n’étaient pas prises en compte dans le MO3. Dans le MO4, les innovations liées à la conception de produits relèvent des innovations de produit. |
Non applicable |
Non applicable |
Développement de produits et de processus d’affaires |
Ce type d’innovations n’était pas explicitement pris en compte dans le MO3. Les innovations concernées ont vraisemblablement été incluses dans les innovations de procédé. |
1. Il est possible de décomposer davantage ces catégories en s’appuyant sur les descriptions détaillées présentées dans le Tableau 3.1.
3.45. Les définitions des quatrième et troisième éditions se rejoignent sur deux types d’innovations de processus d’affaires, à savoir d’une part la production de biens et services, et d’autre part la distribution et la logistique. La sous-catégorie des services auxiliaires figurant dans la troisième édition est ici scindée en deux : les systèmes d’information et de communication d’une part, et l’administration et la gestion d’autre part (cette dernière inclut les activités répertoriées dans la troisième édition comme des innovations organisationnelles).
3.46. Les études empiriques ont montré qu’il peut être difficile pour les dirigeants d’entreprise de faire la distinction entre les innovations organisationnelles et les innovations de processus. C’est pourquoi, dans ce manuel, les innovations organisationnelles sont comprises dans un type de processus d’affaires (administration et gestion) lequel inclut les activités pouvant relever des innovations organisationnelles telles que décrites dans l’édition précédente, comme la gestion stratégique (pratiques d’entreprise et relations extérieures dans la troisième édition) ou la gestion des ressources humaines (organisation du lieu de travail dans la troisième édition).
3.47. La précédente édition du manuel défendait la constitution d’une catégorie dédiée uniquement aux innovateurs de produit ou de procédé qui excluait les entreprises exclusivement créatrices d’innovations organisationnelles ou de commercialisation. Il est possible d’obtenir une équivalence en s’appuyant sur la catégorie des innovations de produit du présent manuel, complétée par trois catégories de processus d’affaires : (i) la production de biens et services ; (ii) la distribution et la logistique ; et (iii) les systèmes d’information et de communication. Cette équivalence reste toutefois imparfaite dans la mesure où il existe des différences entre la troisième édition et l’édition actuelle du manuel en termes de classification des différents types de services de comptabilité, d’achats ou de conception des produits.
3.48. Les enquêtes sur l’innovation réalisées après la publication de la troisième édition du manuel ont permis de collecter des données sur différents types d’innovations. L’Enquête communautaire sur l’innovation (ECI, ou CIS en anglais) a par exemple recueilli des données sur deux types d’innovations de produit, trois types d’innovations de processus, quatre types d’innovations organisationnelles et quatre types d’innovations de commercialisation. Ces données peuvent être analysées à nouveau afin d’obtenir une correspondance avec les catégories d’innovations du Tableau 3.1, réduisant ainsi l’incidence d’une rupture de série. Dans certains cas, toutefois, les enquêtes basées sur la troisième édition ne permettent pas de correspondance avec les catégories du présent manuel parce qu’elles ne couvrent pas certaines fonctions d’administration et de gestion (gouvernance d’entreprise), le financement, les services après-vente, ou la fonction de développement de produits et de processus d’affaires.
Combinaisons de types d’innovations par objet
3.49. Bon nombre d’innovations présentent les caractéristiques de plusieurs catégories (O’Brien et al., 2015 ; Frenz et Lambert, 2012 ; OCDE, 2013). Cela s’explique par la complémentarité des différentes types d’innovations. Vous trouverez ci-dessous quelques exemples de combinaisons possibles :
Une innovation de processus d’affaires peut entraîner une amélioration significative de la qualité d’un produit, donnant ainsi lieu à une innovation à la fois de produit et de processus d’affaires.
Une innovation de produit peut nécessiter l’appui d’une innovation de processus d’affaires pour être exploitable. Cela est souvent le cas pour les innovations de service. Une nouvelle fonction en ligne de vente de produits d’information représente à la fois une innovation de processus d’affaires (nécessitant le développement de services internet et de TIC) et une innovation de service pour les utilisateurs potentiels. Si cette fonction permet la création d’un nouveau circuit de vente, elle peut également constituer une innovation de commercialisation.
Les innovations de produit et de processus d’affaires peuvent être étroitement liées, notamment lorsqu’un processus et un produit sont techniquement indissociables. Cela s’applique plus particulièrement aux services, dont la production, la prestation et la consommation ont lieu de manière simultanée.
Les modifications apportées par les entreprises aux résultats non économiques des processus de production (comme les émissions de carbone ou de NOx générées par la production d’énergie) sont dues à des innovations de processus d’affaires. Les entreprises peuvent toutefois choisir d’inclure ces modifications d’émission dans les descriptions de leurs produits s’il existe une demande du marché en ce sens. Dans cet exemple, les énergies à faibles émissions peuvent constituer à la fois des innovations de processus d’affaires et des innovations de produit.
3.50. L’approche objet abordée au chapitre 10 peut permettre d’obtenir des informations sur la prévalence des différents types d’innovations groupées.
Innovations de modèle d’affaires
3.51. Un modèle d’affaires rassemble tous les processus d’affaires de base en application en termes de production, de logistique, de commercialisation et de modalités de coopération, ainsi que les principaux produits vendus par une entreprise, actuellement ou à l’avenir, afin d’atteindre ses objectifs stratégiques. Une même entreprise peut adopter un seul et unique modèle ou plusieurs modèles à la fois, en fonction par exemple des gammes de produits ou des marchés concernés. Les travaux menés en matière de gestion de l’innovation indiquent que les modèles d’affaires couronnés de succès associent généralement une méthode visant à mieux répondre aux besoins des utilisateurs par rapport aux offres concurrentes et une équation de bénéfices visant à générer des revenus en proposant aux clients une réelle utilité (Johnson, Christensen et Kagermann, 2008).
3.52. Il n’existe aucune définition unanimement reconnue de ce qui constitue une innovation de modèle d’affaires. Il peut s’agir d’innovations partielles de modèle qui affectent soit les produits soit les fonctions d’une entreprise, ou d’innovations globales de modèle impliquant à la fois les produits et les fonctions de l’entreprise. Dans de nombreux cas, il s’avère difficile de faire la distinction entre les innovations partielles de modèle d’affaires et les innovations de produit et de processus d’affaires.
3.53. Les innovations globales de modèle d’affaires présentent un intérêt particulier dans la mesure où elles peuvent avoir une incidence non négligeable sur les chaînes d’approvisionnement et la production économique, entraînant une transformation des marchés existants, voire la création de nouveaux. Elles peuvent influer sur la manière dont une entreprise crée de l’utilité pour les clients (innovation de produit) et dont elle fabrique ses produits, les commercialise ou en définit le prix (innovations de processus d’affaires).
3.54. On dénombre trois types d’innovations globales de modèle d’affaires dans les entreprises existantes : (i) une entreprise étend ses activités pour y inclure des types de produits et marchés entièrement nouveaux nécessitant des processus d’affaires inédits ; (ii) une entreprise cesse ses activités précédentes et se tourne vers de nouveaux types de produits et marchés, lesquels nécessitent l’adoption de nouveaux processus d’affaires ; et (iii) une entreprise change de modèle d’affaires pour ses produits existants, en basculant par exemple vers un modèle numérique avec de nouveaux processus d’affaires pour la production et la mise à disposition, et en passant de produits sous forme de biens matériels à des services basés sur la capture des connaissances.
3.55. Il est déconseillé de collecter directement des données sur une innovation de modèle d’affaires en tant que catégorie distincte et isolée dans le cadre des enquêtes sur l’innovation, dans la mesure où il est particulièrement difficile de faire la distinction entre les innovations partielles de modèle d’affaires et les autres types d’innovations. L’existence d’innovations globales de modèle d’affaires peut néanmoins être évaluée par le biais d’une analyse (voir chapitre 11) associant les informations relatives aux types d’innovations introduites par une entreprise et d’autres questions relatives aux objectifs d’innovation, y compris une question sur les motivations de l’adoption d’un nouveau modèle d’affaires (voir chapitre 8). Identifier le troisième type d’innovation globale de modèle d’affaires pourrait nécessiter des questions spécifiques sur les modifications apportées aux produits existants.
3.3.2. Types d’innovations selon leur caractère de nouveauté et leurs incidences
3.56. La condition de base d’une innovation est qu’elle apporte une différence significative par rapport aux produits ou processus d’affaires précédents d’une entreprise. Dans la mesure où cette « différence significative » reste une condition subjective et qu’elle dépend des capacités d’une entreprise et de sa situation individuelle, l’interprétation et la comparabilité des statistiques sur l’innovation peuvent être enrichies par des données complémentaires sur ce que représentent ces innovations en termes de nouveauté ou d’incidences économiques. Certaines formes de nouveauté, comme les innovations radicales ou de rupture, ainsi que certains types d’incidences économiques, sont difficiles à identifier du fait de la durée limitée de la période d’observation recommandée pour les enquêtes sur l’innovation. Pour évaluer la nouveauté, le caractère innovant et les incidences économiques des innovations, d’autres méthodes d’évaluation plus adaptées aux périodes d’observation des enquêtes sont disponibles, parmi lesquelles :
déterminer si une innovation est nouvelle pour l’entreprise concernée uniquement, pour le marché sur lequel elle opère, ou dans le monde entier
évaluer la capacité potentielle qu’une entreprise attribue à une innovation de transformer le marché sur lequel elle exerce ses activités
évaluer la capacité potentielle qu’une entreprise attribue à une innovation d’améliorer sa compétitivité.
3.57. La première approche, et la plus répandue, vise à déterminer la « nouveauté » des innovations d’une entreprise (ou au moins de l’une de ses innovations) par rapport aux dernières avancées observées sur le marché ou dans le secteur où cette entreprise évolue. Une entreprise peut n’être centrée que sur un seul marché (si elle ne propose qu’un seul type de produit) ou desservir plusieurs marchés (si elle propose différents types de produits). Un marché peut être restreint géographiquement (si une entreprise ne s’adresse qu’aux clients de régions spécifiques) ou avoir une portée mondiale. Une entreprise peut directement vendre ses produits sur les marchés locaux, régionaux, nationaux ou internationaux, ou faire appel à des intermédiaires. L’innovation a également la capacité de créer de nouveaux marchés, ce qui peut éventuellement permettre à l’entreprise innovante de bénéficier d’une situation de monopole et d’imposer ses prix pendant une certaine période.
3.58. Il est recommandé de demander aux répondants si leur entreprise est à l’origine d’une ou de plusieurs innovations de produit ou de processus d’affaires qui constituent des nouveautés pour le marché (autrement dit, une innovation inédite sur le marché correspondant). L’interprétation de ces nouveautés pour le marché doit être associée aux informations sur la zone géographique desservie par l’entreprise. Une nouveauté sur un marché local ou régional peut n’être qu’une imitation d’une avancée déjà disponible sur d’autres marchés géographiques, alors qu’une innovation représentant une première mondiale offrira une position de leader sur le marché.
3.59. Il peut être difficile pour les répondants d’estimer si une innovation de produit dont ils sont à l’origine est une première mondiale, à moins que cette innovation ne s’appuie sur une ou plusieurs inventions brevetées ayant fait l’objet d’un examen rigoureux afin d’en déterminer la nouveauté à l’échelle mondiale. Le degré de nouveauté sera par conséquent qualitativement supérieur si une innovation de produit constitue une première mondiale plutôt qu’une nouveauté sur un marché donné.
3.60. Les entreprises pionnières dans le développement d’innovations favorisent généralement la création d’innovations dérivées au sein de leur secteur d’activité. De nouvelles idées et connaissances émanent souvent de ces entreprises, mais pour avoir un impact économique, ces innovations doivent être adoptées (ou imitées) par d’autres entreprises. Les informations sur le degré de nouveauté peuvent être utilisées pour déterminer qui développe, adopte et imite les innovations, examiner les schémas de diffusion et identifier les pionniers sur le marché et les suiveurs.
3.61. Le caractère de nouveauté des innovations de processus d’affaires par rapport aux processus déjà en place dans d’autres entreprises peut être difficile à appréhender pour les répondants, et ce, en raison de l’importance du secret et de la confidentialité nécessaires à la protection des processus d’affaires. Les résultats de tests cognitifs tendent toutefois à montrer que la plupart des dirigeants d’entreprise sont capables d’évaluer la nouveauté des innovations de processus sur leurs marchés respectifs, notamment pour leurs innovations de processus d’affaires les plus significatives. Une réponse de type « Je ne sais pas » peut par ailleurs fournir des informations précieuses sur l’importance du secret dans certains secteurs ou types d’entreprises.
3.62. La deuxième approche, liée à la capacité potentielle d’une innovation de transformer (ou créer) un marché, peut représenter un indicateur possible de l’incidence d’une innovation radicale ou de rupture. Les innovations radicales sont définies comme bousculant le statu quo, tandis que les innovations de rupture naissent d’applications simples dans un marché de niche et se diffusent ensuite sur l’ensemble du marché, évinçant à terme les concurrents établis (Christensen, 1997). Bien que les dirigeants d’entreprise puissent être en mesure d’estimer la capacité potentielle d’une innovation à transformer un marché, les innovations radicales et de rupture sont vraisemblablement des cas extrêmement rares, et par conséquent, les enquêtes sur l’innovation peuvent ne pas être l’outil le plus efficace pour les détecter. Les questions pertinentes devraient ainsi être limitées à une seule innovation, soit celle qui s’impose comme la plus significative (voir chapitre 10).
3.63. La troisième approche, relative aux effets des innovations sur la compétitivité d’une entreprise, peut être utilisée pour les innovations de produit sur la base de l’évolution des ventes au cours de la période d’observation (voir chapitre 4) ou en s’enquérant directement auprès des répondants des effets escomptés des innovations sur leur compétitivité (voir chapitre 7).
3.4. Changements n’entrant pas dans le champ des innovations
3.64. Cette section s’intéresse aux changements qui ne constituent pas des innovations, ou qui ne peuvent être considérés comme des innovations que s’ils satisfont à certains critères précis. Les principes fondamentaux qui déterminent une innovation sont ceux énoncés dans la section 3.2, à savoir : l’innovation doit avoir été mise en œuvre et doit apporter une différence significative par rapport aux produits ou processus d’affaires précédents de l’entreprise concernée.
3.65. Les mises à jour ou modifications courantes ne constituent pas en elles-mêmes des innovations de produit. Sont incluses les mises à jour logicielles qui ne visent qu’à identifier et corriger des erreurs de programmation, ou encore les changements saisonniers dans les collections de vêtements.
3.66. Le simple remplacement d’équipements ou l’extension de capacité ne s’apparentent pas non plus à des innovations. Il peut s’agir de l’achat de machines dont le modèle est identique à celui déjà installé, ou d’extensions ou de mises à jour mineures ajoutés à du matériel ou des logiciels existants. Pour constituer une innovation, l’équipement nouveau ou l’extension de capacité doivent à la fois être nouveaux pour l’entreprise et répondre à des spécifications nettement supérieures.
3.67. Les nouveaux produits n’impliquant que des modifications esthétiques mineures de produits existants (changement de couleur, légère altération de la forme, etc.) ne répondent pas à l’exigence de « différence significative » et ne peuvent donc être considérés comme des innovations de produit.
3.68. Les entreprises proposant une production personnalisée créent des biens ou services uniques et souvent complexes, destinés à la vente sur le marché (jeux vidéo ou films, par exemple) ou répondant à des commandes client spécifiques (bâtiments, usines de production, systèmes logistiques, machines-outils, rapports de conseil, etc.). Si les attributs de ce bien ou service unique ne diffèrent pas sensiblement de ceux des produits proposés antérieurement par l’entreprise, il ne s’agit pas d’une innovation de produit. Il n’est par ailleurs possible de parler d’innovation de processus d’affaires que si le processus unique en question a nécessité le développement ou l’utilisation par l’entreprise de capacités sensiblement différentes ou améliorées. En revanche, la première utilisation d’une production personnalisée peut constituer une innovation de processus d’affaires.
3.69. La présentation d’un concept, d’un prototype ou d’un modèle de produit qui n’existe pas encore n’est généralement pas considérée comme une innovation de produit car elle ne remplit pas la condition de mise en œuvre, même si les clients ont la possibilité de précommander le produit ou de verser un acompte, comme dans le cas de concepts de produits financés dans le cadre d’initiatives de contribution participative. Le concept peut en effet se solder par un échec ou sa mise à disposition peut nécessiter un délai considérablement plus long que prévu.
3.70. Déterminer si la condition de mise en œuvre est respectée peut s’avérer plus délicat dans le cas de nouveaux produits fondés sur le savoir vendus à des tiers. Bien que le vendeur ait mis sur le marché un nouveau produit, l’acheteur peut remettre à plus tard son utilisation dans le cadre de ses processus d’affaires ou encore le proposer sur son propre marché. Or ces informations peuvent ne pas être connues du fournisseur, qui est pourtant celui sur lequel porte la mesure et qui doit décider de faire état ou non d’une innovation. Si le produit fondé sur le savoir répond aux critères de nouveauté et de différence significative qui conditionnent une innovation de produit, on peut également considérer que celui-ci respecte également la condition de mise en œuvre s’il a été vendu sur le marché par une entreprise à un ou plusieurs tiers.
3.71. Par défaut, les productions des entreprises spécialisées dans les services créatifs et professionnels (rapports, livres, films, etc.) ne sont pas des innovations pour les entreprises qui les développent. Par exemple, un rapport établi contractuellement par une entreprise de conseil, résumant les résultats d’un projet de conception qui ne présente aucun élément important ayant un caractère de nouveauté, ne constitue aucunement une innovation de produit pour cette entreprise de conseil. Ce rapport ne peut avoir un rôle dans une potentielle innovation pour l’entreprise acheteuse que si ses résultats sont utilisés dans les activités d’innovation de l’entreprise cliente. Une innovation pourrait néanmoins être portée au crédit de l’entreprise de conseil si cette dernière a mis en œuvre de nouveaux processus d’affaires dans le cadre de la réalisation dudit projet pour son client, ou encore si les plans ou dessins commercialisés répondent aux conditions de nouveauté et de différence significative qui qualifient les innovations. Ces phénomènes sont abordés plus en détail dans les chapitres 4 et 6.
3.72. Les opérations réalisées par les entreprises de vente au détail, de commerce de gros, de transport, de stockage et de services personnels afin d’étendre l’offre de produits gérés ou proposés aux clients constituent uniquement des innovations si cette extension de l’offre nécessite une modification significative des processus d’affaires des entreprises concernées. Un grossiste ou un importateur de fruits qui ajoute une nouvelle variété à son catalogue ne participe à aucune innovation, à moins que cette offre supplémentaire ne nécessite une modification importante de ses processus d’affaires, comme le développement d’une nouvelle chaîne d’approvisionnement ou l’achat de matériel de réfrigération de conception originale (par exemple, pour permettre la livraison de produits frais auparavant impossible à réaliser).
3.73. Les activités des entreprises de création récente (dont la plupart sont des sociétés de services) peuvent être source de confusion respectivement à la définition de base de l’innovation, dans la mesure où dans les premiers temps, ces nouvelles entreprises ne disposent d’aucun produit ou processus d’affaires antérieur qui permettrait une comparaison. Dans de tels cas, le groupe témoin correspond à ce qui est actuellement disponible sur le marché concerné. Le produit d’une entreprise nouvelle constitue ainsi une innovation s’il présente une différence significative par rapport aux produits disponibles sur les marchés cibles. De la même manière, un processus d’affaires mis en œuvre par une entreprise nouvelle constitue une innovation de processus s’il présente une différence significative par rapport à ceux utilisés par ses concurrents. Il est toutefois possible que les répondants des entreprises nouvelles considèrent tous leurs produits ou processus d’affaires comme des innovations. Il peut par conséquent être nécessaire de présenter des résultats séparés pour les entreprises de création récente, comme les start-ups. Par ailleurs, il peut s’avérer intéressant pour les enquêtes spécialisées axées sur les start-ups de tenter de mesurer le caractère de nouveauté des produits et processus d’affaires.
3.74. À défaut de caractérisation plus précise, les fusions ou acquisitions d’entreprises ne constituent pas en elles-mêmes des innovations de processus d’affaires. Les fusions et acquisitions peuvent toutefois favoriser les innovations de processus, si une entreprise développe ou adopte un nouveau processus d’affaires à la suite d’une fusion ou dans l’optique d’assurer la réussite de l’opération de fusion ou d’acquisition.
3.75. Cesser d’utiliser un processus d’affaires, arrêter d’externaliser un processus d’affaires ou retirer un produit du marché ne sont pas des innovations. Il est cependant possible que la première mise en œuvre des processus d’affaires visant à déterminer quand une activité doit être suspendue remplisse les conditions d’une innovation.
3.76. Toute modification liée à des prix de facteurs déterminés de façon extérieure est peu susceptible de représenter une innovation. Ainsi, il n’y a pas innovation lorsque le prix de revient et le prix de vente d’un modèle de téléphone mobile baissent uniquement parce que le prix des processeurs graphiques a diminué.
3.77. L’élaboration d’une nouvelle stratégie managériale ou d’entreprise ne peut être une innovation que si cette stratégie est mise en œuvre. Enfin, la modification d’un processus d’affaires n’est pas une innovation si ce dernier est déjà appliqué sous une forme identique dans d’autres services de l’entreprise concernée.
3.5. Innovation et profilage des entreprises
3.5.1. Entreprises innovantes ou menant des activités d’innovation
3.78. Pour déterminer le statut d’une entreprise au regard de l’innovation, on cherche à savoir si elle a mené des activités d’innovation et introduit au moins une innovation au cours de la période d’observation définie dans le cadre d’un exercice de collecte de données. Comme indiqué dans le chapitre 9, la période d’observation recommandée se situe entre un et trois ans.
3.79. Pendant cette période, toute activité d’innovation mise en place par une entreprise peut :
donner lieu à une innovation. L’activité d’innovation peut alors cesser pendant la période d’observation, une fois l’innovation mise en œuvre, ou être poursuivie dans le cadre d’autres projets d’innovation.
être poursuivie sans donner lieu à une innovation. Les opérations peuvent toujours être en cours et se dérouler conformément au plan établi, ou être retardées pour différentes raisons (problèmes techniques, compétences ou fonds insuffisants, etc.).
être abandonnée, interrompue ou suspendue, par exemple lorsqu’une entreprise met fin aux activités de développement d’une innovation avant sa mise en œuvre.
3.80. Ces trois issues s’appliquent à tout l’éventail des projets et activités d’innovation d’une entreprise. L’association des données sur les incidences des innovations et sur les activités d’innovation (statut au regard de l’innovation) permet l’établissement de quatre catégories possibles de profil d’innovation, tel qu’indiqué dans le Tableau 3.3.
Tableau 3.3. Entreprises innovantes ou menant des activités d’innovation
L’entreprise mène des activités d’innovation au cours de la période d’observation |
|||
---|---|---|---|
|
|
Oui |
Non |
L’entreprise compte au moins une innovation au cours de la période d’observation |
Oui |
L’entreprise compte au moins une innovation et appartient donc à la catégorie des entreprises innovantes. Les activités d’innovation peuvent être en cours, suspendues, achevées ou abandonnées. |
Ce cas de figure est possible si tous les travaux préalables à l’introduction d’une innovation ont été réalisés avant la période d’observation. |
Non |
L’entreprise est considérée comme ayant mené des activités d’innovation ; elle n’a pas introduit d’innovation, mais pourrait le faire à terme. |
L’entreprise n’a pas mené d’activité d’innovation et n’a introduit aucune innovation au cours de la période d’observation. |
3.81. Les combinaisons exposées dans le Tableau 3.3 permettent de dégager trois définitions principales pour les entreprises :
Une entreprise innovante est une entreprise ayant fait état d’au moins une innovation au cours de la période d’observation. Cela s’applique aux entreprises qui sont à l’origine d’une innovation à titre exclusif ou dans le cadre d’une collaboration.
Une entreprise non innovante est une entreprise qui ne fait état d’aucune innovation au cours de la période d’observation.
Une entreprise menant des activités d’innovation a, au cours de la période d’observation, exécuté au moins une activité destinée à développer ou mettre en œuvre des produits ou processus d’affaires nouveaux ou améliorés en vue d’une utilisation précise. Les entreprises innovantes comme les non-innovantes peuvent mener des activités d’innovation au cours d’une période d’observation donnée.
3.82. La quatrième catégorie, qui rassemble les entreprises innovantes n’ayant pas mené d’activité d’innovation au cours de la période d’observation, ne concerne que des cas très rares. Il peut s’agir d’une entreprise ayant réalisé l’ensemble de ses activités d’innovation, hors mise en œuvre, avant le début de la période d’observation ; la mise en œuvre n’a pas, par la suite, nécessité de ressources supplémentaires. Cela peut également être le cas lorsqu’une innovation survient dans le cadre d’activités générales qui n’étaient pas directement destinées à produire d’innovation.
3.83. Il est important que les méthodes de mesure adoptées tiennent compte de la relation dynamique qui existe entre l’innovation envisagée comme un processus (activités d’innovation) et comme un résultat. La durée de la période d’observation influera en outre directement sur la répartition des entreprises dans les quatre catégories présentées dans le Tableau 3.3. Dans les secteurs marqués par des temps de développement courts et un cycle de vie des produits long, le recours à une période d’observation restreinte pourrait donner lieu à une sous-estimation du pourcentage d’entreprises innovantes et de celles menant des activités d’innovation. Dans les secteurs nécessitant des temps de développement longs, l’utilisation d’une période d’observation restreinte pourrait faire apparaître non seulement une part élevée d’entreprises menant des activités d’innovation, mais aussi une faible part d’entreprises innovantes faisant état d’au moins une innovation. Le chapitre 9 aborde plus en détail l’incidence de la durée de la période d’observation sur le statut des entreprises au regard de l’innovation.
3.6. Utilisation des définitions de l’innovation dans la collecte de données
3.84. L’innovation est un concept subjectif dont la mesure est susceptible de donner des résultats divergents suivant la perspective, l’opinion et la situation particulière des répondants (Galindo-Rueda et Van Cruysen, 2016). Pour assurer la qualité et la comparabilité des données statistiques, les définitions utilisées pour les enquêtes et autres mécanismes de collecte de données doivent par conséquent refléter le sens voulu des définitions énoncées dans le présent manuel, tout en tenant compte des différences inhérentes à la formulation linguistique et la terminologie utilisées et comprises par les répondants potentiels.
3.6.1. Utilisation du terme « innovation » dans les enquêtes
3.85. Une enquête sur l’innovation peut être conçue de manière à ne jamais utiliser explicitement le terme « innovation », et ce, afin d’éviter tout conflit entre la définition formelle d’une innovation et la conception personnelle de chaque répondant. Cela pourrait permettre d’obtenir des réponses plus objectives et réduire ainsi les problèmes de comparabilité entre pays ou secteurs d’activité. À titre d’exemple, dans l’Australian Business Characteristics Survey (enquête sur les caractéristiques des entreprises australiennes), le terme « innovation » est remplacé par une description de tous les types d’innovations. Dans l’édition 2013 de cette enquête (basée sur la troisième édition du Manuel d’Oslo), la question suivante était posée aux répondants : « Où l’entreprise a-t-elle puisé ses idées et informations pour le développement ou l’introduction de nouveaux biens, services, processus ou méthodes ? ». Cela illustre toutefois l’inconvénient majeur de ne pas citer clairement le terme « innovation », puisqu’il est alors nécessaire d’énumérer l’ensemble des types d’innovations dans les différentes questions. L’adoption dans ce manuel d’uniquement deux grandes catégories d’innovations (l’innovation de produit et l’innovation de processus d’affaires) permettra d’éviter le recours au terme « innovation » dans les travaux de collecte de données tout en allégeant la formulation.
3.6.2. Profils d’innovation
3.86. La définition minimale d’une entreprise innovante n’est pas un indicateur suffisant pour permettre une comparaison efficace de l’innovation par secteur d’activité, par classe de taille d’entreprise ou par pays, dans la mesure où elle ne rend pas compte des différents degrés de nouveauté des innovations ou de la capacité de chaque entreprise à développer des innovations. Les informations sur le statut des entreprises au regard de l’innovation peuvent être associées à d’autres données sur le caractère de nouveauté des innovations, sur les activités d’innovation (voir chapitre 4) ou sur la répartition des efforts d’innovation (voir chapitre 5) afin de produire des indicateurs sur la nouveauté des innovations et la capacité de chaque entreprise à innover. Ces indicateurs peuvent être agrégés pour dégager des profils d’innovation pour les entreprises par secteur d’activité, par classe de taille ou par pays. Couplés aux données sur les résultats (voir chapitre 11), les profils peuvent être utilisés pour analyser l’effet des innovations sur les performances des entreprises et leur degré d’utilité pour les utilisateurs.
3.6.3. Priorités de la collecte de données sur les innovations
3.87. Il est recommandé de collecter des données sur les thèmes suivants pour permettre une analyse pertinente du statut au regard de l’innovation et des profils d’innovation (voir chapitre 11).
3.88. Les données relatives aux deux grands types d’innovation par objet (l’innovation de produit et l’innovation de processus d’affaires) peuvent être obtenues par le biais d’une seule question pour chaque catégorie. Il est toutefois utile à des fins d’interprétation d’inclure des questions supplémentaires sur les deux types d’innovations de produit et sur les six types d’innovations de processus d’affaires. Il sera ainsi possible d’obtenir des informations bien plus détaillées sur les innovations de chaque entreprise et de reproduire les types d’innovations génériques (soit innovations de produit ou de procédé) définis dans la troisième édition de ce manuel.
3.89. Il est recommandé de collecter des données sur les caractéristiques des innovations et leur caractère de nouveauté afin de composer des profils d’innovation, lesquels permettront par la suite de classer les entreprises en fonction des caractéristiques de leurs innovations et de leurs efforts en matière d’innovation. Les questions sur les aspects suivants appuieront l’élaboration de ces profils :
les différents degrés de nouveauté des innovations (voir sous-section 3.3.2)
les caractéristiques des innovations de produit, notamment en termes de design (voir sous-section 3.3.1)
le rôle des acteurs tiers dans le développement et la mise en œuvre des innovations (voir sous-section 3.2.2 et chapitre 5)
l’existence d’activités d’innovation en cours ou abandonnées (voir sous-section 3.5.1).
3.90. La notion de nouveauté s’applique aussi bien aux innovations de produit qu’aux innovations de processus d’affaires, mais il peut être plus facile pour les dirigeants d’entreprise de répondre aux questions sur le degré de nouveauté pour les innovations de produit.
Références
Brown, S. (2008), « Business processes and business functions: A new way of looking at employment », Monthly Labor Review, www.bls.gov/mlr/2008/12/art3full.pdf.
CE et al. (2009), Système de comptabilité nationale 2008, Nations Unies, New York, https://unstats.un.org/unsd/nationalaccount/docs/sna2008fr.pdf.
Christensen, C. (1997), The Innovator’s Dilemma: When New Technologies Cause Great Firms to Fail, Harvard Business School Press, Boston, MA.
Eurostat (2018), Glossary of Statistical Terms, http://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php/Glossary:Business_functions (consulté le 31 juillet 2018).
Frenz, M. et R. Lambert (2012), « Mixed modes of innovation: An empiric approach to capturing firms’ innovation behaviour », Documents de travail de l’OCDE sur la science, la technologie et l’industrie, nº 2012/06, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/5k8x6l0bp3bp-en.
Galindo-Rueda, F. et A. Van Cruysen (2016), Testing Innovation Survey Concepts, Definitions and Questions: Findings from Cognitive Interviews with Business Managers, OCDE, Paris, http://oe.cd/innocognitive.
Johnson, M., C. Christensen et H. Kagermann (2008), « Reinventing your business model », Harvard Business Review, https://hbr.org/product/reinventing-your-business-model/an/R0812C-PDF-ENG.
O’Brien, K. et al. (2015), « New evidence on the frequency, impacts and costs of activities to develop innovations in Australian businesses: Results from a 2015 pilot study », rapport à l’intention du Département de l’Industrie, de l’Innovation et des Sciences du Commonwealth, Australian Innovation Research Centre, Hobart, www.utas.edu.au/__data/assets/pdf_file/0009/772857/AIRC-Pilot-survey-report-for-DIS_Dec_2015.pdf.
OCDE (2013), « Knowledge networks and markets », OECD Science, Technology and Industry Policy Papers, nº 7, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/5k44wzw9q5zv-en.