La présente édition du Panorama des pensions permet de se pencher sur les enjeux que la forte inflation soulève dans ce domaine et de passer en revue les mesures touchant aux retraites que le législateur a fait adopter, dans les pays de l’OCDE, entre septembre 2021 et septembre 2023. Comme les précédentes, elle comprend une batterie complète d’indicateurs sur les retraites dans les pays de l’OCDE et du G20. Le lecteur y trouvera en outre une analyse approfondie des dispositions prises quant à la retraite des personnes qui exercent une profession dangereuse ou pénible.
Panorama des pensions 2023 (version abrégée)
Résumé
Inflation et pensions de retraite
L’épisode inflationniste actuel remet en question la manière habituelle d’appréhender l’indexation des retraites. À court terme, avec l’érosion des salaires réels, l’indexation sur les prix est plus favorable pour les retraités que ne l’est l’indexation sur les salaires. Néanmoins, elle se révèle plus onéreuse que prévu pour les finances publiques ou pour les prestataires de retraite de manière plus générale.
Dans plus de la moitié des pays de l’OCDE, les retraités sont au fil du temps pleinement protégés contre les fluctuations de l’inflation. Ces pays appliquent en effet une indexation sur les prix, doublée chez certains d’une indexation (partielle) sur les salaires réels, en cas de hausse de ceux-ci.
Un ajustement fréquent est nécessaire pour préserver le pouvoir d’achat des retraités. La perte de pouvoir d’achat peut aussi découler d’un retard lorsque l’indicateur utilisé pour l’indexation est lissé sur de longues périodes.
Il est essentiel, pour renforcer la confiance dans les systèmes de retraite, d’appliquer les règles d’indexation de manière cohérente. Quoi qu’il en soit, la protection des retraités contre la flambée inflationniste s’est révélée coûteuse. Il serait peut-être juste, dans ces circonstances exceptionnelles, que les retraités les plus favorisés soutiennent l’effort demandé à la population en âge de travailler en acceptant une moindre revalorisation de leur pension.
Évolution de l’espérance de vie et principales mesures adoptées récemment en matière de retraites dans les pays de l’OCDE
L’espérance de vie des personnes âgées est repartie à la hausse depuis 2021 après avoir reculé d’un semestre environ en 2020. Cependant, les gains d’espérance de vie à l’âge de 65 ans ont été plus faibles depuis 2012 environ.
Les Pays-Bas ont engagé une réforme des retraites privées qui consiste à passer d’un régime à prestations définies à un régime à cotisations définies. L’Espagne a officiellement supprimé les mécanismes d’ajustement automatique qui avaient été prévus par la loi pour assurer la viabilité financière du régime, dont celui amoindrissant l’indexation des pensions servies, et a rétabli l’indexation des pensions sur les prix. En contrepartie, les cotisations ont été alourdies, en particulier pour les hauts salaires. Le Costa Rica a modifié la période prise en considération pour le calcul des pensions, qui ne porte désormais plus sur les 20 dernières années, mais sur les 25 meilleures.
La République slovaque a rétabli un rapport d’un pour un entre l’âge de la retraite et l’espérance de vie. La Suède a repoussé l’âge de départ à la retraite et l’ajustera désormais des deux tiers des gains d’espérance de vie. Le Costa Rica, la France et la République tchèque (ci‑après « Tchéquie ») ont durci leurs dispositions relatives à l’âge de départ anticipé ou à l’âge minimum de départ. La Suisse va combler l’écart hommes-femmes au regard de l’âge normal de la retraite, Israël va le réduire.
L’âge normal de la retraite va augmenter dans trois pays de l’OCDE sur cinq. Seuls la Colombie, le Costa Rica, la Hongrie, Israël, la Pologne et la Türkiye conserveront encore un âge normal de départ différencié pour les hommes et les femmes. L’âge normal moyen de départ passera de 64.4 ans pour les hommes qui prennent leur retraite aujourd’hui à 66.3 ans pour ceux dont la carrière débute maintenant, et s’établira alors dans une fourchette comprise entre 62 ans, en Colombie, au Luxembourg et en Slovénie, et 70 ans ou plus, au Danemark, en Estonie, en Italie, aux Pays-Bas et en Suède.
Le Canada, le Chili, l’Espagne, l’Estonie, la France, l’Italie, la Lituanie, la Suède et la Türkiye ont sensiblement revalorisé les pensions du premier tiers, une mesure qui bénéficiera en particulier aux retraités les plus modestes.
En moyenne, au terme d’une carrière complète, un salarié moyen percevra une pension équivalant à 61 % de son salaire net. Les taux de remplacement nets futurs seront de 40 %, sinon moins, en Australie, en Corée, en Estonie, en Irlande, au Japon, en Lituanie et en Pologne, tandis qu’ils dépasseront 90 % en Grèce, aux Pays-Bas, au Portugal et en Türkiye. Le taux de remplacement net futur des travailleurs percevant la moitié du salaire moyen sera plus élevé qu’actuellement, avec une moyenne de 73 %.
La plupart des problématiques liées aux professions dangereuses ou pénibles nécessitent des interventions pendant la vie active
Les travailleurs qui occupent des emplois éprouvants sur le plan physique sont généralement en moins bonne santé que les autres. Différents éléments accréditent l’idée que certaines conditions de travail nuisent à la santé.
Les pays de l’OCDE ont adopté des dispositions spéciales en ce qui concerne la retraite dans le cas des professions dangereuses ou pénibles, suivant en cela des approches différentes que l’on peut classer en quatre catégories : 15 de ces pays appliquent de telles dispositions à un grand nombre de professions jugées dangereuses ou pénibles ; 8 offrent la possibilité d’un départ anticipé à un nombre réduit de professions ; 4 n’ont pris de dispositions qu’à l’égard des métiers de la sûreté et de la sécurité publiques traditionnellement considérés comme dangereux ; 11 ne prévoient pour ces professions aucune possibilité de départ anticipé dans le cadre des régimes obligatoires.
Les problématiques liées aux professions dangereuses ou pénibles devraient être traitées en priorité par des politiques en dehors du champ des pensions de vieillesse.
Il s’agit en premier lieu d’améliorer les conditions de travail par l’adoption de mesures de santé et de sécurité au travail propres à limiter l’exposition aux facteurs dangereux, la pénibilité et les risques sanitaires.
La communication au sujet des risques associés à l’exercice d’une profession dangereuse ou pénible est essentielle, d’une part parce qu’il s’agit d’un impératif moral et d’autre part parce qu’elle peut aider les individus à étudier les possibilités d’emploi qui s’offrent à eux et à demander une compensation.
L’incapacité à occuper un emploi précis jusqu’à l’âge minimum normal de départ à la retraite ne suffit pas à justifier la mise en place de dispositions spéciales de pensions de vieillesse pour les emplois dangereux ou pénibles.
Un cadre de remise à niveau et de renforcement des compétences doit être mis en place pour faciliter les transitions professionnelles et permettre aux travailleurs de prolonger leur carrière dans des emplois différents. Le retrait définitif du marché du travail, parfois à très tôt, n’est pas une solution adéquate.
Lorsque les risques liés à l’emploi deviennent réalité pendant la vie active et portent atteinte à la santé des travailleurs, les prestations de maladie de longue durée et l’assurance‑invalidité devraient être adaptées, accessibles, efficaces et modulables ; en plus de pallier les éventuelles pertes de revenu, elles doivent contribuer à éviter une sortie définitive du marché du travail.
De nombreux pays ont réduit le périmètre des régimes de retraite spéciaux destinés aux emplois dangereux ou pénibles. Certains de ces régimes, qui couvraient des emplois à la pénibilité discutable, étaient particulièrement mal ciblés.
Puisque les effets différés éventuels sur la santé de certaines caractéristiques de l’emploi (par exemple les contraintes physiques, le bruit ou les horaires de travail atypiques) ne sont généralement pas couverts par l’assurance‑invalidité ou par l’assurance‑maladie, des dispositions spéciales en matière de retraite pourraient venir en complément, étayées par de solides éléments factuels.
Dans le cas des professions qui présentent des risques pour la santé et la sécurité avec l’âge (pompiers, force de l’ordre, forces armées, p. ex.), l’existence d’un régime spécial se justifie davantage. Il conviendrait cependant, dans le cadre des politiques de gestion des ressources humaines en fonction de l’âge, de faire le maximum pour préparer une reconversion en cours de carrière.
Ces 20 dernières années, quelques pays, dont la Finlande et la France, ont amélioré la conception des régimes de retraite applicables aux métiers dangereux ou pénibles. Les innovations apportées subordonnent l’admission au bénéfice de ces régimes à certains critères professionnels, par exemple le travail de nuit, plutôt qu’à la profession exercée. En Autriche, le régime spécial permettant aux personnes qui travaillent de nuit de prendre leur retraite de manière anticipée est extrêmement ciblé et impose des cotisations supplémentaires aux employeurs pour contribuer à financer le dispositif et limiter ce type d’activités.