Ce chapitre se penche sur l’évolution des retraites au cours des deux dernières années. Il présente une vue d’ensemble des réformes des retraites introduites dans les pays de l’OCDE entre septembre 2021 et septembre 2023. Le chapitre décrit également les tendances récentes de l’espérance de vie et de l’espérance de vie en bonne santé, ainsi que les inégalités en matière d’espérance de vie. Il donne un aperçu des tendances à long terme des taux d’emploi pour les groupes d’âge plus élevés et des âges de sortie du marché du travail, ainsi que des évolutions depuis COVID‑19. Le chapitre évalue dans quelle mesure l’indexation des pensions a protégé le pouvoir d’achat des retraités lors de la flambée de l’inflation depuis 2021
Panorama des pensions 2023 (version abrégée)
1. Réformes récentes des retraites
Abstract
Principaux constats
Inflation et pensions de retraite
L’épisode inflationniste actuel remet en question la manière habituelle d’appréhender l’indexation des retraites. En temps normal, les salaires augmentent plus vite que les prix en raison des gains de productivité et, dans le passé, de nombreux pays sont passés de l’indexation des pensions sur les salaires à l’indexation sur les prix pour contenir leurs dépenses de retraite. À court terme au moins, du fait de la baisse des salaires réels, l’indexation sur les prix constitue une protection plus favorable pour les retraités que l’indexation sur les salaires, tout en étant plus coûteuse que prévu à l’origine pour les finances publiques ou pour les prestataires de retraite de manière plus générale.
Dans plus de la moitié des pays de l’OCDE, les retraités sont pleinement protégés contre les fluctuations de l’inflation au fil du temps. Ces pays indexent les pensions de retraite sur les prix, sur les prix et sur (une partie de) la croissance des salaires réels si elle est positive, ou sur le plus élevé de la croissance des prix ou des salaires. Quelques autres pays indexent les pensions sur une valeur de référence conjuguant prix et salaires ou uniquement sur les salaires.
Un ajustement fréquent est nécessaire pour préserver le pouvoir d’achat des retraités. Le système d’indexation à seuil fixe de la Belgique, qui prévoit un relèvement des pensions à chaque hausse de 2 % de l’indice des prix, assure une bonne protection. En revanche, la valeur réelle des prestations versées au titre du filet de protection en faveur des personnes âgées a fortement chuté en Lettonie et en Pologne, dans la mesure où elles ne sont ajustées que tous les trois ans et où l’inflation a été particulièrement élevée, ce qui a conduit ces deux pays à s’écarter de leurs règles d’indexation en 2023, et la Lettonie à passer à l’indexation annuelle à partir de janvier 2024.
La perte de pouvoir d’achat peut aussi découler d’un retard lorsque l’indicateur utilisé pour l’indexation est lissé sur de longues périodes, comme en Lituanie, ou d’un décalage entre la période de référence et l’ajustement des pensions, comme au Danemark.
Il est essentiel, pour renforcer la confiance dans les engagements relatifs aux pensions de retraite, d’appliquer les règles d’indexation de manière cohérente. Néanmoins, protéger l’ensemble des retraités contre l’inflation a été très coûteux. Selon la marge de manœuvre budgétaire dont ils disposent et leurs préférences respectives, les pays peuvent s’écarter temporairement d’un ajustement intégral et universel équivalent à la hausse des prix pour opter pour un versement forfaitaire ou un ajustement intégral jusqu’à un certain seuil seulement. Il pourrait être juste, en période de tensions économiques et budgétaires exceptionnelles, que les retraités dont les revenus sont supérieurs à un certain seuil prennent part aux efforts demandés à la population en âge de travailler sous la forme d’un moindre ajustement de leurs prestations.
Revenus actuels des retraités
En moyenne dans les pays de l’OCDE, le revenu disponible des personnes de 66 à 75 ans représente 93 % du revenu disponible de l’ensemble de la population, et 81 % seulement pour les plus de 75 ans. Le revenu disponible des plus de 66 ans est inférieur à 75 % de celui de l’ensemble de la population dans les États baltes et en Corée, alors qu’il est de 100 % ou plus au Costa Rica, en France, en Israël, en Italie, au Luxembourg et au Mexique.
Dans l’ensemble des pays de l’OCDE, 12.5 % des 66‑75 ans et 16.6 % des 76 ans et plus vivent en situation de pauvreté monétaire relative (revenu inférieur à 50 % du revenu disponible équivalent médian), contre 11.4 % de la population totale. Le taux de pauvreté monétaire relative des plus de 66 ans est supérieur à 25 % dans les États baltes et en Corée, et inférieur à 6 % au Danemark, en France, en Islande, au Luxembourg, en Norvège et en Tchéquie.
Principales mesures adoptées récemment en matière de retraites dans les pays de l’OCDE
Les Pays-Bas ont engagé une réforme systémique des retraites privées par capitalisation d’un régime à prestations définies vers un régime à cotisations définies.
La République slovaque a rétabli un rapport de un pour un entre l’âge de la retraite et l’espérance de vie. La Suède a relevé l’âge de la retraite, qui sera indexé sur deux tiers des gains d’espérance de vie, ce qui augmentera les pensions versées au titre du régime à comptes notionnels. Un pays de l’OCDE sur quatre indexe désormais l’âge de la retraite sur l’espérance de vie, notamment le Danemark, l’Estonie, la Finlande, la Grèce, l’Italie, les Pays-Bas et le Portugal.
En France, l’âge minimum de départ à la retraite du régime général a été relevé de 62 à 64 ans et certains régimes spéciaux seront progressivement supprimés. Au Costa Rica, le resserrement des possibilités de retraite anticipée se traduit par une augmentation de l’âge normal de la retraite de 3 ans à 63 et 65 ans pour les femmes et les hommes, respectivement. La Tchéquie a resserré l’éligibilité à la retraite anticipée de 5 à 3 ans avant l’âge statutaire. À l’inverse, l’Italie a également prolongé les possibilités de retraite anticipée qui devaient être supprimées. En Türkiye, les personnes entrées dans l’emploi avant que soit adopté l’âge légal de la retraite en 1999 n’y sont plus soumises ; parmi elles, les femmes peuvent accéder à une pension à l’issue d’une durée de cotisation minimum de 20 ans, contre 25 ans pour les hommes.
En Suisse, l’écart hommes-femmes au regard de l’âge normal de la retraite va été combler, tandis qu’il va être ramené de cinq à deux ans en Israël
L’Espagne a officiellement supprimé les mécanismes d’ajustement automatique qui avaient été prévus par la loi pour assurer la viabilité financière du régime, et rétabli l’indexation des pensions sur les prix. À la place, les cotisations ont été relevées, en particulier pour les hauts revenus, tandis que la protection des petites retraites et des travailleurs ayant eu une carrière irrégulière, y compris les mères, a été renforcée.
Le Chili a sensiblement relevé les faibles retraites en remplaçant son régime public de retraite sous condition de ressources par un régime quasi universel. Outre le Chili et l’Espagne, le Canada, l’Estonie, la France, l’Italie, la Lituanie, la Suède et la Türkiye ont nettement augmenté les pensions du premier tiers, ce qui bénéficie davantage aux retraités ayant des faibles prestations.
Le Costa Rica a porté des 20 dernières aux 25 meilleures années la période de référence utilisée pour calculer les pensions, et l’Espagne de 25 à 27 ans à compter de 2044. Les seuls autres pays qui continuent de calculer les pensions liées aux revenus d’activité en fonction d’une partie seulement de la carrière sont la Colombie (10 ans), la Slovénie (24 ans), la France (25 ans), les États-Unis (35 ans) et le Portugal (40 ans).
Implications
En 2022, les hommes, après une carrière complète depuis l’âge de 22 ans, pouvaient partir à la retraite avec une pension complète entre 62 ans (Colombie, Corée, Costa Rica, Grèce, Luxembourg et Slovénie) et 67 ans (Danemark, Islande, Israël et Norvège), à l’exception de la Türkiye, où l’âge normal de départ est actuellement de 52 ans.
L’âge normal de la retraite va augmenter dans trois cinquièmes des pays de l’OCDE. Il n’y a désormais qu’en Colombie, au Costa Rica, en Hongrie, en Israël, en Pologne et en Türkiye que l’âge normal de la retraite des femmes est inférieur à celui des hommes pour les nouveaux entrants sur le marché du travail en 2022. L’âge normal moyen de la retraite dans les pays de l’OCDE passera de 64.4 ans pour les hommes qui prennent leur retraite aujourd’hui à 66.3 ans pour ceux qui débutent leur carrière maintenant. Il sera compris entre 62 ans en Colombie, au Luxembourg et en Slovénie et 70 ans ou plus au Danemark, en Estonie, en Italie, aux Pays-Bas et en Suède.
En moyenne dans les pays de l’OCDE, un travailleur rémunéré au salaire moyen ayant effectué une carrière complète et entrant sur le marché du travail en 2022 percevra une pension nette correspondant à 61 % de son salaire net. Les taux de remplacement nets futurs sont inférieurs ou égaux à 40 % en Australie, en Corée, en Estonie, en Irlande, au Japon, en Lituanie et en Pologne, tandis qu’ils dépassent 90 % en Grèce, aux Pays-Bas, au Portugal et en Türkiye.
Le taux de remplacement net futur des travailleurs percevant la moitié du salaire moyen est plus élevé à 74 % en moyenne. Au Japon, en Lituanie et en Pologne, il est inférieur à 50 %, alors qu’il dépasse 100 % en Colombie, au Danemark et en Grèce.
À la suite des récentes réformes des retraites, les taux de remplacement nets des travailleurs à carrière complète augmenteront sensiblement au Chili, en Espagne et en Suède, et dans une certaine mesure en République slovaque, tandis qu’ils diminueront sensiblement au Costa Rica, bien que dans une moindre mesure pour les travailleurs dont les revenus diminuent en fin de carrière.
Autres résultats
L’espérance de vie des personnes âgées a rebondi dans la plupart des pays de l’OCDE depuis 2021 après une baisse d’environ six mois en 2020 en moyenne. Depuis 2012, La tendance des gains d’espérance de vie à 65 ans s’est ralentie significativement à 0.9 an par décennie, à partir d’un rythme élevé de 1.4 ans par décennie entre le milieu des années 1990 et le début des années 2010.
Il est parfois avancé que l’âge de la retraite devrait être lié à l’évolution de l’espérance de vie en bonne santé plutôt qu’à celle de l’espérance de vie totale. L’analyse présentée dans ce chapitre montre que les indicateurs disponibles de l’espérance de vie en bonne santé ne conviennent pas pour déterminer l’évolution de l’âge de la retraite.
La plupart des pays de l’OCDE ont renoué avec la tendance antérieure au COVID‑19 d’une hausse de l’emploi des travailleurs âgés, même si les taux d’emplois ont baissé sensiblement entre 2019 et 2020 dans certains pays d’Amérique latine.
Au Danemark, en France, en Italie, au Luxembourg et en Slovénie, l’âge du départ sans pénalité pour les personnes ayant une carrière longue qui ont commencé à travailler tôt est plus bas. En Allemagne et au Portugal, les personnes qui ont commencé à travailler tôt ne sont pas soumises aux pénalités qui s’appliquent généralement en cas de retraite anticipée.