Jorge Moreira da Silva, Directeur, Direction de la coopération pour le développement
En 2015, la communauté internationale du développement s’est départie d’une conception du monde s’articulant autour de la relation donneurs/bénéficiaires pour évoluer vers un programme d’action commun au service du développement. Les crises provoquées par les conflits ou le climat nous rappelant à quel point nous sommes interdépendants les uns des autres, ce changement de paradigme aurait dû se produire depuis longtemps. Il est temps que notre conception du financement à l’appui de notre programme d’action mondial suive cette évolution. Le financement du développement durable ne doit pas être considéré comme un coût, mais comme un investissement. L’écosystème du financement du développement durable (FDD) d’aujourd’hui ne met pas en présence un réseau statique de fournisseurs et de destinataires ; il doit être perçu comme un marché dynamique mettant en concurrence les fournisseurs face à des demandes à l’échelle mondiale. Une concurrence saine contribuera à stimuler l’innovation, à mieux adapter le financement aux besoins des pays en développement et à favoriser une plus forte rentabilité économique et sociale.
Les Perspectives mondiales du financement du développement durable aborde sous un jour nouveau les relations entre le financement durable et les politiques publiques en mettant en lumière l’existence de nombreux paradoxes et autres incohérences. Le marché du financement du développement durable n’en est encore qu’à ses balbutiements. Il doit s’inscrire dans le cadre d’ambitieuses réformes, tant dans les pays donneurs que dans les pays destinataires. Pour donner lieu aux combinaisons optimales de financement à l’intention des pays en développement, ce marché doit opérer une triple évolution vers une plus grande transparence, de nouvelles normes internationales et une cohérence des politiques renforcée. À terme, une fois ces défis surmontés, les difficultés comme, par exemple, la viabilité de la dette, pourront être levées. Un marché du FDD de meilleure qualité permettra également de réduire l’asymétrie de l’information en mettant à la disposition des investisseurs des indicateurs mesurant l’impact sur le développement durable. Enfin, les « clients » du financement du développement durable auront les moyens de procéder aux choix optimaux. Un marché performant est un marché qui suppose une interaction plus stratégique entre les bénéficiaires, les intermédiaires et les fournisseurs, de sorte que chaque dollar dépensé produise le maximum d’impact.
Sur ce marché, le rôle de l’aide publique au développement (APD) ne diminue pas : elle sera au contraire encore plus pertinente pour assurer qu’aucun pays ni aucune personne ne soit laissé de côté. L’APD consentie par les pays de l'OCDE obéit à un mandat unique en son genre et, pour certains à un impératif moral, celui de soutenir le développement des pays dont les besoins sont les plus grands, notamment les pays les moins avancés, les petits États insulaires en développement ou les États fragiles. L’APD est la principale source d’investissement dans la résilience et la stabilité à long terme. Ces Perspectives mondiales prennent acte du rôle de l’APD, à l’appui des objectifs de développement, aux côtés d’autres investisseurs du secteur privé, du système de recettes fiscales, des migrants, des organismes philanthropiques et d’autres encore qui ne font pas partie de la sphère traditionnelle de l’aide au développement.
Un marché du FDD plus performant permettra de mobiliser de nouveaux apports financiers – dont certains seront le fruit de l’effet catalyseur de l’APD – mais il exigera par ailleurs une meilleure orchestration de l’ensemble des ressources. Nous devons améliorer la qualité de l’investissement, public et privé, au fur et à mesure que se développera le marché. Les acteurs du secteur privé, par exemple, sont invités non seulement à aider à soutenir les ODD mais également à « participer en tant que Partenaire au processus de développement, d’investir dans des secteurs essentiels pour le développement durable, et d’opter pour des modes de consommation et de production plus durables » (ONU, 2015[3]). Notre objectif ne se limite pas à passer de l’aune des milliards à celle des milliers de milliards. Notre but est de transformer chaque financement en un investissement ayant plus d’impact pour les milliards d’êtres humains qui vivent encore aujourd’hui dans l’extrême pauvreté.
Au sein de l’OCDE, cette approche intersectorielle a été rendue possible par la collaboration étroite de quatre entités associées à la production de ce rapport – la Direction de la coopération pour le développement, le Centre de développement, le Centre de politique et d’administration fiscales, et la Direction des Affaires financières et des entreprises. Le Cabinet du Secrétaire général, la Direction de la gouvernance publique, entre autres directions et divisions, ont également apporté leurs contributions. Ces Perspectives mondiales auront leur place à l’OCDE, non seulement en tant que publication, mais également en tant que plateforme permettant une montée en puissance et la mobilisation de ressources à l’appui d’un marché du FDD mieux étayé auquel participent les acteurs de l’OCDE avec, à leurs côtés, les Nations Unies, les pays partenaires et les investisseurs privés.
Jorge Moreira da Silva
Directeur,
Direction de la coopération pour le développement de l’OCDE