Les Objectifs de développement durable (ODD) et le Programme de développement durable à l’horizon 2030 ont redéfini les ambitions de la communauté internationale : créer un monde meilleur pour tous est une responsabilité collective. À mesure que le temps passe, l’urgence de cet agenda s’accentue de jour en jour – des défis tels que l’extrême pauvreté ou le changement climatique ne peuvent trouver de solution qu’à travers une action collective à l’échelle mondiale.
Le Programme d’action d’Addis-Abeba offre un cadre permettant de financer ces ambitions collectives. Il appelle un éventail d’acteurs divers – gouvernements, entreprises, fondations et particuliers – à mobiliser davantage de ressources financières, de façon plus coordonnée, au service d’une croissance économique qui améliore le bien-être et préserve l’environnement, en particulier dans les pays en développement.
Pourtant, trois avant après la signature du Programme d’action d’Addis-Abeba en 2015, le surcroît de financements dont devaient bénéficier ces pays pour atteindre les ODD ne s’est pas concrétisé. Les recettes publiques – qui, à hauteur de 4.3 mille milliards USD, constituent le principal pilier du financement du développement – demeurent en moyenne dans les pays à faibles revenus en-deçà du seuil de 15 % du PIB souvent considéré comme le seuil minimum pour un fonctionnement efficace de l’État.
Il est inquiétant de constater que l’apport global de ressources extérieures en direction des pays en développement a régressé. L’investissement privé, en particulier, accuse un net recul, l’IDE ayant chuté de 30 % en 2016-17 pour s’établir à 750 milliards USD, et le financement de projets ayant enregistré une baisse alarmante de 30 % durant le seul premier trimestre de 2018. D’autres apports financiers importants sont stables, mais restent modestes en comparaison : les envois de fonds des émigrés ont atteint le chiffre record de 466 milliards USD en 2017 ; l’aide publique au développement (APD), qui s’établissait à 146.6 milliards USD en 2017, reste stable en dépit des tensions budgétaires dans les pays fournisseurs ; et les apports des organisations philanthropiques ont atteint en moyenne 7.9 milliards USD par an sur la période 2013-2015. Quant aux financements innovants, ils ne représentent encore qu’une part minime des apports consentis par les gouvernements.
Le recul du financement à l’appui du développement durable n’est pas seulement un risque pour les pays en développement, c’est une menace planétaire car un échec à assurer une prospérité durable et pacifique dans le monde aurait des conséquences pour tous.
Dans ce contexte, cette première édition des Perspectives mondiales du financement du développement durable appelle à une action urgente et déterminée pour assurer la mise en œuvre du Programme d’action d’Addis-Abeba et tenir les promesses du Programme 2030 tant au plan intérieur qu’à l’étranger. Il ne suffira pas de chercher à mobiliser davantage de ressources financières en faveur des pays en développement ; la qualité – c'est-à-dire « l’empreinte sur le développement durable » de tous les financements doit être améliorée.
Les Perspectives mondiales recensent trois domaines de réforme. Le premier porte sur la mesure : nous avons besoin de meilleurs outils et indicateurs pour évaluer le volume des apports financiers, mais aussi leur alignement sur les ODD. La mesure ne doit pas se limiter à l’aide, elle doit s’étendre à l’ensemble des flux consentis par l’ensemble des acteurs, et pouvoir suivre les apports alloués à chacun des ODD et autres objectifs de développement. Ainsi, un dollar investi dans des activités polluantes ne peut pas être comptabilisé de la même façon qu’un dollar investi dans une énergie propre. Il faut développer une culture de l’évaluation et de l’impact afin d’être à même d’appréhender la véritable empreinte des ressources, ainsi que les arbitrages et les synergies qui y sont associés. Le présent rapport appelle donc à une nouvelle initiative de nature à renforcer la transparence en vue de remédier à ces lacunes.
Deuxièmement, il faut engager de réformes pour « réorienter les milliers de milliards », c'est-à-dire créer des incitations pour qu’une plus importante part des financements déjà disponibles soit investie dans le développement durable. Il s’agit par exemple de renforcer la capacité des pays en développement à tirer le meilleur parti des diverses options de financement ; de faire évoluer les bailleurs de fonds vers les normes les plus rigoureuses, et d’empêcher des pratiques dommageables comme la fraude fiscale ; et enfin de favoriser la cohérence des politiques au service du développement durable dans les pays d’origine des fournisseurs – par exemple par le biais des systèmes fiscaux et des régimes applicables à l’investissement, et d’efforts visant à réduire le coût des envois de fonds de l’étranger.
Troisièmement, il faut améliorer la coordination entre les divers acteurs, de façon à mieux mettre en adéquation l’offre et la demande de financement à l’appui du développement durable. En particulier, les stratégies de développement des pays doivent être mieux reliés aux financements offerts. Il existe déjà plusieurs outils diagnostiques et lignes directrices permettant d’aider à concevoir de telles stratégies et à identifier les ressources correspondantes, mais la mise en œuvre pèche, et d’importantes dimensions infranationales, régionales, mondiales ou sectorielles font encore défaut. Ces Perspectives mondiales exhortent les donneurs à apporter un soutien plus cohérent aux pays à mesure qu’ils élaboreront leurs Cadres de financement nationaux intégrés, que le Programme d’action d’Addis-Abeba appelle de ses vœux.
L’ambitieux programme de transformation présenté dans cette première édition des Perspectives mondiales a pour objet d’accompagner les efforts conduits par les Nations Unies pour soutenir la mise en œuvre du Programme 2030 et du Programme d’action d’Addis-Abeba. Le rapport laisse aux fournisseurs de coopération pour le développement membres de l’OCDE la responsabilité d’utiliser tous les leviers disponibles pour soutenir les stratégies élaborées et les choix opérés par les pays partenaires à l’appui de leur développement durable. Il recommande un certain nombre d’actions concrètes, recense les domaines dans lesquels poursuivre le dialogue sur les politiques à mener, et met en relief les déficits d’information que les prochaines éditions s’attacheront à combler.