C’est dans les premières années de la vie que certaines des compétences professionnelles les plus recherchées, qu’il s’agisse de la curiosité, de la créativité ou de la capacité à penser par soi-même tout en travaillant avec les autres, se développent le plus facilement. Les services d’éducation et l’accueil des jeunes enfants (EAJE), première expérience des enfants en dehors du cercle familial, offrent d’immenses perspectives pour placer les enfants sur un parcours d’apprentissage et de développement positif et riche tout au long de la vie. Cette mission impose cependant de grandes responsabilités, consistant non seulement à assurer l’accès aux services d’EAJE, mais aussi à en garantir la qualité.
Depuis toujours, les politiques d’EAJE se concentrent sur l’établissement de normes visant à garantir la sécurité des jeunes enfants, par exemple des normes sur les bâtiments, le matériel ou le taux d’encadrement. Pourtant, c’est la richesse des interactions que les enfants vivent, caractérisée par la qualité des processus, qui importe le plus pour leur développement, leur apprentissage et leur bien‑être. Dès lors, deux questions essentielles se posent :
1. Quelles politiques offrent aux enfants les conditions les plus propices à des interactions de qualité au sein des structures d’EAJE ?
2. Dans quelle mesure les politiques en vigueur dans les pays de l’OCDE favorisent-elles des interactions de qualité au sein des structures d’EAJE ?
Pour favoriser la qualité des processus, il faut élaborer des politiques qui facilitent des échanges enrichissants au sein des structures d’EAJE, en allant au-delà de la seule exigence réglementaire. C’est l’objet principal de l’Examen de la qualité au-delà de la réglementation, que l’OCDE a élaboré pour aider les pays et les territoires à mieux prendre en compte les différentes dimensions de la qualité dans les services d’EAJE. Le présent rapport résume les principales conclusions de l’examen et s’accompagne d’un site web présentant des indicateurs stratégiques dans les pays et territoires participants, en précisant leurs liens avec la qualité des processus.
Cinq instruments d’action contribuant à la qualité des interactions quotidiennes des enfants, sont définis : 1) normes de qualité, gouvernance et financement ; 2) programmes d’enseignement et pédagogie ; 3) développement professionnel du personnel ; 4) suivi et données ; et 5) participation des familles et de la collectivité. On accordera une attention particulière à deux d’entre eux, les programmes d’enseignement et la pédagogie, ainsi que le développement professionnel du personnel.
Les programmes d’enseignement et la pédagogie constituent des outils puissants pour façonner les interactions au sein des structures d’EAJE. Les premiers définissent les principes et objectifs que le personnel de l’EAJE utilise pour favoriser le développement, l’apprentissage et le bien-être des enfants, tandis que le second renvoie aux stratégies et techniques mises en œuvre par le personnel pour offrir ces possibilités. L’une des observations les plus importantes de ce rapport est peut-être la très grande diversité des approches adoptées par les pays et les territoires en matière de programme d’enseignement et de pédagogie, et la nature parfois complexe des modèles d’EAJE à l’intérieur des pays et territoires. Ainsi, plusieurs programmes peuvent être appliqués pour un même groupe d’âge ou contexte, tandis que les tout-petits (de 0 à 2 ans) ne font pas toujours l’objet d’un programme d’enseignement. Certains pays adoptent une approche très complète du développement de l’enfant et intègrent les activités extrascolaires dans les programmes, tandis que d’autres considèrent qu’elles n’entrent pas dans le champ des politiques visant à favoriser le développement de l’enfant.
Le personnel d’EAJE comprend des professionnels qui interagissent avec les enfants et les familles au sein des structures d’EAJE, conciliant ainsi les objectifs officiels avec les attentes de la société. Les pays précisent souvent les niveaux de qualification requis pour établir les normes de qualité du personnel. Toutefois, un indicateur unilatéral de ce type n’est pas toujours suffisant, dans la mesure où des aspects tels qu’un stage obligatoire ou des formations préalables à l’emploi sur la petite enfance et l’application des programmes sont essentiels pour préparer le personnel à des échanges riches et éclairés avec les enfants. Les politiques relatives à la formation initiale du personnel varient considérablement d’un pays/territoire à l’autre, et nombre d’entre elles sont évaluées selon leur capacité à mieux réglementer la qualité de ces programmes de formation initiale pour différentes catégories de personnel. La participation aux activités de développement professionnel est essentielle pour que tous les membres du personnel puissent affiner et approfondir leurs connaissances et leurs compétences, ainsi que pour mettre en pratique auprès des enfants de nouvelles méthodes issues de la recherche. Cependant, faciliter la participation de toutes les catégories de salariés reste un défi pour beaucoup de pays et territoires, qui sont nombreux à imposer des obligations sur le nombre d’heures de formation annuelles, mais qui sont rares à en vérifier la qualité.
La réalisation de ce rapport et de son site web a été possible grâce à une collaboration continue avec les pays et territoires participant au Réseau EAJE de l'OCDE, lesquels ont pu exprimer leur point de vue et donner un aperçu de leurs systèmes et politiques. Le projet a mis en lumière la complexité du secteur et la difficulté de comparer les systèmes d’EAJE d’un pays à l’autre, même si cela est souvent fait avec succès pour l’enseignement primaire et secondaire. Il offre une base solide pour mieux comprendre comment les politiques systémiques, lorsqu’elles sont conçues avec soin, favorisent la qualité des processus, et propose de multiples exemples de mesures efficaces, tout en mettant en évidence les domaines à améliorer. Dans l’ensemble, il montre que des politiques bien pensées peuvent favoriser des interactions constructives pour tous les enfants au sein des structures d’EAJE - c’est là que l’accent doit être mis.
Andreas Schleicher,
Directeur de l'éducation et des compétences
Conseiller spécial du Secrétaire général sur les politiques de l’éducation