Depuis la révolution de 2011, la Tunisie a placé l’ouverture et le dialogue au centre de la relation entre les pouvoirs publics et les citoyens, et particulièrement les jeunes. La Constitution de 2014 consacre ce projet politique à travers notamment son article 8 désignant les jeunes comme une « force active dans la construction de la patrie », et engageant l’État à leur assurer les conditions propices au développement de leurs capacités.
Cet intérêt pour les jeunes est pleinement justifié. En effet, les personnes de moins de 35 ans représentent 57 % de la population tunisienne et ont largement participé à l’effort de la révolution de 2011 qui a conduit au nouveau régime démocratique.
Indubitablement, les gouvernements successifs ont œuvré depuis la révolution pour appliquer les principes démocratiques et développer des politiques de jeunesse plus inclusives, destinées à répondre aux besoins réels des jeunes. Dans cet esprit, ils se sont engagés à conduire des réformes les concernant, qui comprendraient des mesures telles que la modernisation des maisons des jeunes, la mise en place de conseils locaux de la jeunesse, et la création d’une Agence Nationale du Volontariat qui s’accompagnerait d’un programme national de promotion de l’engagement associatif. La Tunisie a également entamé la préparation d’une stratégie intégrée de la jeunesse ayant pour objectif de répondre aux besoins et attentes exprimés par les jeunes et leur entourage. La première phase de ce processus a été la tenue entre octobre et décembre 2016 d’un Dialogue sociétal sur la jeunesse. Il s’agit dorénavant d’actualiser et exploiter les données recueillies à cette occasion pour achever l’élaboration de la stratégie.
Les jeunes tunisiens continuent, toutefois, de se heurter à des obstacles importants pour s’épanouir individuellement, participer à la vie publique et contribuer pleinement au développement social et économique du pays. Ils rencontrent des difficultés liées à l’inadéquation de l’éducation initiale et de la formation professionnelle avec les besoins actuels du marché du travail. Cela complique l’accès à l’emploi décent et crée une dépendance économique accrue vis-à-vis des générations plus âgées, ainsi que des difficultés sociales, telles que l’accès à un logement abordable et à des soins de santé de qualité. Par ailleurs, les jeunes font aujourd’hui face à des questions identitaires et sociétales qui les interpellent et remettent en question leur participation civique et politique.
La pandémie de COVID-19, qui affecte douloureusement le pays et ses jeunes, rappelle encore la nécessité d’inclure ces derniers dans la vie publique et de leur donner les moyens de contribuer activement à la construction d’une société plus résiliente. Le gouvernement a ainsi l’occasion de « reconstruire en mieux » l’action publique en veillant à ce que les politiques publiques tiennent davantage compte du bien-être des générations actuelles et futures, et qu’elles apportent une réponse à l’érosion de la confiance des jeunes tunisiens dans leur gouvernement qui ne recueillait, selon l’Arab Barometer, que 14% d’opinions favorables dans ce groupe d’âge en 2018. Depuis 2016, l’OCDE accompagne la Tunisie dans la conception et la mise en œuvre de réponses à ces défis et dans la promotion d’une participation plus active des jeunes dans la vie publique à travers le projet « Participation des jeunes à la vie publique : vers un engagement ouvert et inclusif des jeunes ». Ce projet a plusieurs objectifs : soutenir la formulation et la mise en œuvre d’une stratégie nationale intégrée pour la jeunesse qui réponde aux défis complexes auxquels elle est confrontée ; renforcer le cadre institutionnel et légal ; favoriser les formes actuelles de mobilisation de la jeunesse tunisienne et en chercher de nouvelles ; intégrer les considérations de la jeunesse dans la gouvernance et les politiques publiques. Mis en œuvre également en Jordanie et au Maroc, ce projet est financé par le Partenariat de Deauville-G7 avec les pays arabes en Transition, grâce au Fonds pour la transition au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (Fonds de Transition MENA). Il est exécuté par l’OCDE en partenariat avec la Présidence du Gouvernement (plus précisément le ministère en charge de la gouvernance) et le ministère chargé des affaires de la jeunesse en Tunisie.
Le présent rapport a vocation à dresser un état des lieux de la gouvernance des affaires de la jeunesse en Tunisie. Il examine la législation, les politiques et stratégies, les capacités institutionnelles, les ressources financières et humaines, ainsi que les outils et mécanismes de gouvernance mis en œuvre dans le pays pour assurer des politiques et des services publics qui répondent aux besoins de la jeunesse tunisienne. Il présente aussi les défis et les opportunités en matière de participation des jeunes. Il formule ensuite des recommandations à l’attention du gouvernement tunisien qui s’appuient sur l’expérience des pays Membres de l’OCDE ainsi que sur les standards de l’OCDE en matière de politiques de jeunesse, et particulièrement concernant l’autonomisation et la participation des jeunes dans la vie publique.
Plus largement, la coopération entre la Tunisie et l’OCDE s’inscrit dans le Programme MENA-OCDE pour la Gouvernance, un partenariat stratégique entre les pays de la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord et les pays Membres de l’OCDE, coprésidé par la Tunisie depuis 2016. Dans le cadre de ce Programme, l’OCDE soutient les efforts de la Tunisie depuis une quinzaine d’années dans plusieurs domaines liés à la gouvernance publique, tels que le gouvernement ouvert, l’intégrité et la lutte contre la corruption, la participation citoyenne, l’égalité des genres, la gestion budgétaire et la gouvernance locale.
Dans le domaine de la gouvernance des affaires des jeunes, l’OCDE soutient la création et le renforcement des capacités de conseils locaux de la jeunesse pilotes ainsi que la modernisation de la gestion des maisons de jeunes. Elle encourage aussi la création d’un Conseil National de la Jeunesse ainsi que l’élaboration et la mise en œuvre d’une politique de la jeunesse intégrée et la modernisation de la communication entre l’administration et les jeunes.