Le présent chapitre examine la contribution de l'investissement direct étranger à la productivité, à l'innovation et à l'intégration de l'économie canadienne dans les chaînes de valeur mondiales. Il analyse les écarts de productivité entre les entreprises étrangères et leurs homologues nationales et examine l’ampleur des liens dans les chaînes de valeur entre les multinationales étrangères et les entreprises canadiennes, un important canal potentiel d’externalités de productivité. Il évalue également le rôle des entreprises étrangères dans l’innovation et la capacité locale des entreprises nationales, en particulier des petites et moyennes entreprises, à bénéficier de la diffusion des connaissances et des technologies apportées par l’IDE.
Revue des qualités de l'IDE au Canada
2. La contribution de l’IDE à la productivité, à l’innovation et à l’intégration dans les CVM
Abstract
2.1. Synthèse des principales conclusions
L’investissement direct étranger (IDE), en particulier l’investissement de création, ou ex nihilo (c’est-à-dire les nouvelles implantations d’entreprises étrangères), est un moteur important des échanges commerciaux du Canada et de son intégration dans les chaînes de valeur mondiales (CVM). Au Canada, l’IDE ex nihilo est concentré dans un petit nombre de secteurs d’activité fortement tournés vers l’exportation, notamment l’exploitation minière et l’énergie, les TIC et l’électronique, ainsi que les matériels de transport. L'intégration de l'économie canadienne dans les CVM est toutefois limitée. Dans la mesure où une grande partie de l’IDE que le Canada attire, et en particulier de l’investissement ex nihilo, est orientée vers l’exportation, les entreprises multinationales (EMN) représentent une part substantielle des échanges commerciaux du Canada et de son intégration dans les chaînes de valeur mondiales. Les EMN étrangères comptent pour 57 % de la valeur des exportations et sont plus engagées dans les CVM que les entreprises nationales, en particulier en termes de liens en amont.
La productivité du travail au Canada ressort à la traîne par rapport à son niveau dans diverses autres économies de l'OCDE, telles que les États-Unis, l'Australie, la Suisse et l'Allemagne. Dans une certaine mesure, la faible croissance de la productivité au cours des dernières décennies est attribuable à des retards d’investissements, à des performances médiocres en matière d’innovation et aux contraintes qui pèsent sur l’environnement des entreprises. Les filiales de multinationales étrangères établies au Canada s’avèrent plus productives que les acteurs nationaux dans la majeure partie des secteurs de l’économie. Cet avantage est particulièrement marqué dans le secteur de la finance et de l’assurance, dans la construction et dans les services d’utilité publique, où les entreprises étrangères sont de l’ordre de 50 % plus productives que les entreprises nationales. L'ampleur du supplément de productivité des entreprises étrangères varie également en fonction des capacités des entreprises nationales, les multinationales canadiennes affichant des écarts de performance plus faibles que les non-multinationales canadiennes en raison de leur meilleur accès aux réseaux commerciaux, aux technologies de pointe et à l'innovation.
Les filiales d’entreprises multinationales étrangères au Canada sont en moyenne plus intensives en R-D que leurs homologues canadiennes. Les résultats de la consultation menée par l’OCDE aux fins de cette étude indiquent que les entreprises étrangères se lancent beaucoup plus souvent dans des activités innovantes, en particulier dans des innovations de produit et de processus ainsi que dans le développement conjoint de produits avec d’autres entreprises. Les écarts entre les EMN étrangères et les entreprises nationales en termes d’intensité de la R-D sont particulièrement significatifs dans les services professionnels, scientifiques et techniques et dans les industries de l’information et de la culture. Au cours des cinq dernières années, les investissements en R-D ont constitué la majeure partie de l’IDE ex nihilo dans les industries créatives (91 %), les services financiers (42 %) et les TIC et l’électronique (34 %).
Les liens de vente et d’achat entre les filiales d’entreprises multinationales étrangères et les entreprises nationales peuvent accroître le potentiel d’externalités de productivité, en facilitant la participation des entreprises nationales aux chaînes de valeur mondiales et les transferts de connaissances et de technologies à leur profit. Des liens d’achat et de vente nationaux existent dès lors, respectivement, que les EMN étrangères s’approvisionnent en intrants et services intermédiaires auprès d’entreprises nationales, et qu’elles leur fournissent des produits intermédiaires que les entreprises nationales transforment ensuite ou qu’elles leur vendent des produits finis. Les filiales étrangères établies au Canada s’approvisionnent pour une part substantielle de leurs intrants sur le marché intérieur, en particulier auprès d’entreprises non multinationales canadiennes (environ 40 % du total de leur intrants). La même tendance s’observe dans d’autres grandes économies ouvertes telles que les États-Unis, la France ou encore l’Italie, qui disposent de vastes marchés intérieurs pour les intrants intermédiaires. En outre, si la production des filiales étrangères au Canada est réinjectée à hauteur de plus de 60 % dans les chaînes de valeur nationales, 22 % sont utilisés comme intrants par des entreprises nationales non multinationales.
Pour que les retombées en termes de productivité et d’innovation se matérialisent, les acteurs nationaux, et en particulier les petites et moyennes entreprises (PME), doivent être en capacité de s’imposer comme fournisseurs et partenaires efficaces des multinationales étrangères et d’absorber les connaissances, les compétences et les technologies que l’IDE injecte dans l’économie d’accueil. Les PME canadiennes sont en moyenne plus engagées dans l’innovation en matière de produits et de processus d’affaires que leurs homologues de nombreuses autres économies telles que l’Australie, les États-Unis, le Japon ou encore l’Union européenne dans son ensemble. À l’échelle des acteurs canadiens, les PME affichent par ailleurs une plus grande capacité de R-D que les autres (21 % des dépenses de R-D et 25 % du personnel de R-D). Néanmoins, l’adoption du numérique par les PME canadiennes ressort plus limitée que chez leurs homologues des économies comparables de l’OCDE, si l’on observe notamment leurs taux d’adoption de l’intelligence artificielle (IA) et des services d’informatique en nuage, ainsi que l’offre de formation aux TIC proposée à leurs salariés, ce qui peut potentiellement les pénaliser dans la mise en œuvre de partenariats stratégiques avec des investisseurs à forte intensité technologique.
Pistes d’actions à envisager
Il importe de poursuivre et d’intensifier les efforts déployés pour diversifier l’IDE que le Canada attire en direction de secteurs et d’activités à forte productivité et à forte intensité de R-D. Au Canada, l’essentiel de l’IDE est capté par un petit nombre de secteurs et se concentre en particulier dans la gestion de sociétés et d’entreprises (où l’investissement peut en fin de compte être réalloué à des secteurs autres), la finance, le commerce, et l’exploitation minière et l’extraction pétrolière et gazière.
Au-delà du ciblage et de la priorité accordée aux nouveaux investissements à forte intensité de R-D, les agences gouvernementales canadiennes responsables de la promotion de l'investissement et de l'innovation pourraient renforcer leur collaboration afin de faciliter les investissements à forte intensité de connaissances émanant des entreprises multinationales (EMN) étrangères déjà établies. L’un des modes d'entrée les plus courants pour les IDE axés sur la R-D consiste à encourager les investisseurs déjà présents à étendre leurs opérations. Ces multinationales étrangères pourraient bénéficier de l’établissement de partenariats avec des universités locales et des institutions de recherche appliquée, de la collaboration avec des parcs scientifiques et technologiques, de l'accès à des talents qualifiés en R-D et de l’implication dans des réseaux entrepreneuriaux et des programmes d'innovation ouverte, y compris des infrastructures/plateformes d'essai et de pilotage de l'innovation.
Le Canada pourrait envisager de réviser les restrictions d’accès au marché auxquelles est soumis l’IDE lorsque cela limite ses effets positifs sur la croissance de la productivité, l’innovation et l’intégration dans les chaînes de valeur mondiales. Actuellement, selon l’indice 2020 de restrictivité de la réglementation de l’IDE de l’OCDE, le Canada se classe au quatrième rang des économies les plus restrictives de la zone OCDE. Un allègement des restrictions à l’investissement dans les secteurs productifs, innovants et à forte intensité de savoir pourrait accroître l’impact direct produit par les entreprises étrangères, au travers de leurs propres activités, sur la croissance de la productivité sectorielle et globale. L’ouverture à l’IDE peut non seulement améliorer la productivité des industries qui profitent par sa présence de nouveaux débouchés, mais aussi celle des secteurs en aval qui bénéficient ainsi potentiellement d’un meilleur accès à des intrants et services de haute qualité au niveau national.
Des programmes complets de développement des fournisseurs qui répondent aux besoins des investisseurs pourraient être élaborés pour renforcer les capacités de production et d'innovation des entreprises canadiennes, et en particulier des PME. Bien que les liens d’approvisionnement entre entreprises étrangères et nationales soient courants au Canada, les PME canadiennes adoptent peu les technologies de pointe ainsi que les outils et processus numériques, ce qui peut limiter l’étendue de leur collaboration avec les investisseurs étrangers et, par conséquent, le potentiel d’externalités de connaissances et d’externalités technologiques.
2.1. La contribution de l’IDE aux échanges commerciaux et à l’intégration dans les CVM
Si les exportations sont importantes pour l'économie canadienne, le fait qu'elle se concentre sur les premières étapes de production de la chaîne d'approvisionnement, plus proches des matières premières, a limité son intégration dans les chaînes de valeur mondiales (CVM). Le fractionnement international des productions sur les CVM permet l’intégration de davantage d’entreprises dans les échanges internationaux, avec à la clé des améliorations de la productivité et un meilleur accès aux connaissances, à la technologie et aux compétences. L’IDE, d’autre part, a le potentiel d’améliorer les exportations et la participation aux chaînes de valeur mondiales. Les acteurs étrangers sont souvent des exportateurs plus intensifs qui ont un impact positif sur les exportations des entreprises nationales au travers des relations qu’ils entretiennent avec elles et des effets d’entrainement qu’ils génèrent sur leur compétitivité. La présence d’entreprises multinationales peut renforcer les relations internationales de l’économie d’accueil et les liens de ses entreprises sur les marchés. Les exportations des entreprises nationales peuvent également être soutenues par des investissements étrangers apportant une productivité accrue, des innovations et de nouvelles technologies, ainsi qu’un meilleur accès au financement (Kastratović, 2020[1]).
2.1.1. Les échanges et les investissements internationaux ont façonné l’économie canadienne, mais l’intégration dans les chaînes de valeur mondiales reste limitée
Les ressources naturelles du pays et la proximité du marché américain font du Canada une destination attrayante pour les investissements étrangers. Cependant, relativement au PIB, les stocks d’IDE entrant et sortant ont tous deux diminué à la suite de la crise financière mondiale, ne se redressant que progressivement à la fin des années 2010 et avec une croissance récente plus importante des stocks nets d’IDE sortants (Graphique 2.1). En proportion du PIB, les stocks nets d’IDE entrants du Canada sont les 11e plus importants de la zone OCDE et sont supérieurs à ceux de plusieurs autres grandes économies. Et ce, malgré le caractère comparativement restrictif de la réglementation en place en matière d’IDE ; en 2020, le Canada se classait en effet au quatrième rang des économies les plus restrictives de la zone OCDE dans l’indice 2020 de restrictivité de la réglementation de l’IDE de l’OCDE Graphique 2.2.
En vertu de la loi sur Investissement Canada, les investissements dans certains secteurs d'importance stratégique pour la sécurité nationale font l'objet d'un filtrage afin de s'assurer qu'ils n'ont pas d'incidence négative sur les infrastructures essentielles. Bien que les mécanismes de filtrage soient de plus en plus courants dans les économies de l'OCDE et servent des objectifs politiques légitimes liés à la sécurité nationale, d'autres obstacles à l'accès au marché, tels que les restrictions en matière de type d'actionnariat étranger, peuvent entraver les performances du Canada en matière d'investissement. Ces restrictions sont relativement plus élevées dans les industries de réseau (par exemple, les médias et les télécommunications) et les transports aériens. Par exemple, dans les télécommunications, le type d'actionnariat et la composition du conseil d'administration doivent être au moins à 80 % canadiens chez les opérateurs détenant plus de 10 % de parts de marché. L'accès aux marchés publics est également limité aux partenaires des accords commerciaux régionaux et aux signataires de l'Accord sur les marchés publics de l'OMC. La nécessité de ces restrictions devrait être évaluée en vue d’éliminer celles qui ont des coûts économiques importants et qui limitent le potentiel de l'économie canadienne à attirer de l’investissement favorable à la productivité.
Les entrées d’investissement conditionnent fortement la performance des échanges commerciaux ; l’IDE ex nihilo, c’est-à-dire les nouvelles implantations d’entreprises étrangères, est relativement concentré dans un petit nombre de secteurs fortement tournés vers l’exportation, la plupart de cet IDE provenant des États-Unis. Sur la période 2003-22, l’essentiel de l’IDE ex nihilo provenait des États-Unis (45 %), suivis des Pays-Bas (14 %) et de la France (6 %) et était orienté vers des projets dans les secteurs de l'exploitation minière et de l'énergie (34 %), des TIC et de l'électronique (17 %) et des matériels de transport (10 %) (Financial Times, 2023[3]). Ces secteurs ont été parmi les plus importants contributeurs à l’expansion rapide des exportations canadiennes dans les années 1990, à la faveur d’une intensification des échanges avec les États-Unis dans le cadre de nouveaux accords commerciaux. Les États-Unis représentent les trois quarts des exportations du Canada, lesquelles comptent parmi les moins diversifiées par marché de toute la zone OCDE. L’indice Hirschman-Herfindahl de concentration des exportations canadiennes, qui ressort à 0.57, est resté relativement stable tout au long de la dernière décennie et n’est, sans surprise, inférieur qu’à celui du Mexique (0.61) (Graphique 2.3.).
Depuis son pic de 44 % atteint en 2000, la part des exportations dans le PIB a reculé et elle ressort inférieure à celle observée dans la plupart des autres économies de la zone OCDE, mais supérieure à celle de plusieurs grandes économies avancées, dont les États-Unis, le Japon, l’Australie, le Royaume-Uni et la France (Graphique 2.4., partie A). Les performances à l'exportation se sont montrées relativement résistantes aux récentes perturbations, les exportations de biens et de services en 2022 revenant progressivement aux niveaux d'avant la pandémie (Graphique 2.4., partie B). Les exportations d’énergie ont été particulièrement touchées au début de la pandémie de COVID-19. La part des combustibles minéraux et huiles minérales dans la valeur totale des exportations a chuté de son niveau de 22 % en 2019 à 18 % en 2020, avant de rebondir à 24 % en 2021. Une demande plus forte et des prix plus élevés en 2022, un effet du rebond économique post-COVID19 et des pressions inflationnistes résultant de la guerre en Ukraine, ont encore stimulé les exportations pendant une grande partie de l'année 2022. Les perturbations dans les chaînes d’approvisionnement qui ont largement affecté les exportations de la production automobile et de plusieurs secteurs manufacturiers s’avèrent par ailleurs désormais moins impactantes. Bien qu'il ne soit pas clairement établi combien les entreprises à capitaux étrangers ont directement contribué à cette reprise, les secteurs qui ont le plus contribué à la croissance récente - tels que la construction automobile et le secteur de l'énergie - comprennent ceux où la participation étrangère est importante.
Si les biens comptent de loin pour l’essentiel des exportations, le secteur manufacturier y contribue dans de plus faibles proportions que dans la plupart des pays de l’OCDE. Les biens représentent 82 % de la valeur totale des exportations. Les exportations canadiennes sont par conséquent davantage tournées vers les services que celles de l’Australie (89 % d’exportations de biens), mais beaucoup moins tournées vers les services que celles des États-Unis et du Royaume-Uni, où les biens ne représentent que 69 % et 49 %, respectivement, du total des exportations. Le secteur manufacturier est responsable de la majeure partie des exportations de biens (65 %), suivi des industries extractives (23 %) et de l’agriculture, de la sylviculture et la pêche (6 %). Le Canada fait donc partie des pays de l’OCDE dont les exportations sont les moins dépendantes du secteur manufacturier. Mesurées sur cinq grands secteurs, les exportations canadiennes de biens s’avèrent relativement diversifiées dans leur composition, avec un indice de Hirschman-Herfindahl qui ressortait à 0.54 en 2021. Seuls la Colombie (0.38), la Turquie (0.39), le Chili (0.45), le Mexique (0.49) et l’Australie (0.53) affichaient des exportations plus diversifiées par secteur.
Ses exportations manufacturières limitées et sa dépendance à l'égard des premiers stades de production de la chaîne d'approvisionnement pénalisent la participation du Canada aux CVM. L’économie canadienne n’a que modérément recours à des intrants importés pour produire des biens et des services destinés à l’exportation (participation en amont) et exporte peu de biens et de services qui sont ensuite utilisés dans les exportations des pays de destination (participation en aval) (Graphique 2.5.). En 2018, la part de la valeur ajoutée étrangère dans la valeur totale des exportations brutes canadiennes s’élevait à 25 %, un chiffre proche de la médiane des pays membres de l’OCDE. La valeur ajoutée nationale ne représentait toutefois que 15 % des biens réexportés, soit l’un des taux les plus faibles enregistrés au sein de la zone OCDE. Une grande partie des exportations canadiennes est finalement destinée aux marché intérieur des États-Unis, ce qui limite l’ampleur des liens en aval dans les CVM créés par le pays par l’exportation de produits intermédiaires. Dans la mesure où cette forme de participation aux CVM s’est renforcée au cours de la dernière décennie, cette participation accrue s’explique principalement par des évolutions sectorielles et par l’importance croissante prise par le secteur minier dans la fourniture de matériaux pour les premières étapes des chaînes de valeur. Parallèlement, la fragmentation des chaînes d’approvisionnement de l’industrie automobile a amplifié les liens en amont du Canada dans les chaînes de valeur mondiales (de Backer et Miroudot, 2016[7]).
L’intégration limitée du Canada dans les chaînes de valeur mondiales signifie que le Canada est susceptible de manquer des opportunités de booster sa productivité et sa capacité d’innovation. Des externalités de productivité peuvent résulter à la fois d’une participation en amont et en aval aux CVM, en permettant au pays d’accéder à des intrants qui ne sont pas disponibles dans l’économie nationale ou qui présentent un avantage en termes de prix ou de qualité, mais aussi en lui donnant accès à la technologie et aux connaissances apportés par les destinations d’exportation (Criscuolo et Timmis, 2017[8]). Une intégration plus poussée dans les CVM pourrait être particulièrement impactante pour les performances à l’exportation du Canada en lui permettant de développer des avantages comparatifs à certains stades du processus de production plutôt que d’avoir à maîtriser la production de produits dans leur entièreté.
2.1.2. Les entreprises étrangères jouent un rôle majeur dans les performances à l’exportation du Canada
L’IDE renforce les capacités d’exportation du Canada. Les entreprises étrangères sont très impliquées dans les échanges commerciaux, ce qui dope directement les exportations canadiennes. Elles contribuent aussi indirectement aux exportations des entreprises nationales en renforçant leurs relations internationales et en améliorant leur compétitivité. Les multinationales étrangères sont responsables de 57 % de la valeur des exportations canadiennes – de 59 % de celle des exportations de marchandises et de 48 % de celle des exportations de services commerciaux – alors qu’elles ne représentent que 30 % des recettes d’exploitation du secteur des entreprises (qui inclut les entreprises multinationales étrangères et canadiennes, ainsi que les entreprises non multinationales). Il n'est pas surprenant qu'une grande partie de ces exportations provienne de filiales d'entreprises américaines, qui représentaient 48 % de la valeur des exportations de marchandises et de services commerciaux des multinationales étrangères en 2020.
De même, les exportations ont un poids relativement plus important dans les entreprises étrangères. En 2020, les exportations de marchandises et de services commerciaux représentaient 25 % des recettes d’exploitation des EMN, contre seulement 12 % et 4 % pour les multinationales et les entreprises non multinationales canadiennes, respectivement (Graphique 2.6.). Les trois catégories d’entreprises ont accru la part des exportations dans leurs recettes au cours de la décennie précédente ; cette part a progressé de 1.5 point de pourcentage pour les multinationales étrangères, de 1.0 point de pourcentage pour les multinationales canadiennes et de 0.7 % pour les entreprises non multinationales. Si les exportations de biens sont la principale composante des exportations totales pour les trois catégories d’entreprises, leur poids est relativement plus important dans les EMN (85 % du total de leurs exportations). En comparaison, les exportations de marchandises représentent 82 % du total pour les multinationales canadiennes et 77 % pour les entreprises non multinationales.
Les multinationales étrangères ne contribuent pas beaucoup à la diversification des exportations. La valeur des exportations par secteur ressort en effet similaire pour elles et pour l’économie canadienne dans son ensemble, avec en tête le secteur manufacturier (67 % des exportations des entreprises étrangères et 62 % des exportations de marchandises canadiennes) ; les industries extractives et l’extraction pétrolière et gazière (19 % et 17 %, respectivement) ; et le commerce de gros (12 % et 15 %, respectivement) (Graphique 2.7.).
Les entreprises étrangères sont davantage tournées vers les échanges internationaux que les acteurs nationaux dans la majeure partie de l’économie, avec une présence particulièrement forte dans un certain nombre de secteurs à forte intensité d’exportation, tels que le secteur manufacturier. Les entreprises étrangères sont les exportateurs les plus actifs dans la plupart des secteurs. Ce n'est que dans les secteurs du commerce de gros, du commerce de détail, de l'immobilier et de la location et du crédit-bail, des soins de santé et de l'aide sociale, et des autres services (ne relevant pas de l'administration publique) que les multinationales canadiennes sont plus tournées vers l'exportation. Les entreprises non multinationales sont les plus tournées vers l'exportation dans le secteur de la finance et de l'assurance, bien que les entreprises étrangères ne représentent que 1.2 % des exportations totales de ce secteur. L’explication des écarts de performance à l’exportation ne saurait être résumée à une question de taille d’entreprise. Les grandes entreprises sont à l’origine de la plupart des exportations. En 2021, les entreprises de plus de 250 salariés étaient à l’origine de 66 % des exportations, alors qu’elles représentaient moins de la moitié de la valeur ajoutée. Les entreprises étrangères ne sont toutefois pas particulièrement grandes. En 2020, les multinationales étrangères employaient en moyenne 18 % de travailleurs de moins que les multinationales canadiennes, un écart néanmoins quelque peu en recul par rapport au chiffre de 23 % de 2010 (Statistique Canada, 2023[10]).
Sans surprise, les entreprises étrangères sont également plus engagées dans les chaînes de valeur mondiales que leurs homologues canadiennes, en particulier en termes de liens en amont. Les entreprises étrangères au Canada importent 29 % de leurs intrants, alors que ce chiffre n’est que de 15 % pour les entreprises nationales (Graphique 2.8.). Les entreprises étrangères des secteurs de l’immobilier, des métaux de base et des produits en caoutchouc et en plastique sont particulièrement dépendantes des intrants importés, bien que l’investissement étranger tende également à s’orienter vers d’autres secteurs où les importations contribuent pour une part plus importante à l’approvisionnement de la demande finale au Canada1. La valeur ajoutée étrangère contribue moins à l’approvisionnement de la demande intérieure totale dans plusieurs secteurs qui attirent des niveaux élevés d’IDE, tels que le secteur manufacturier et les industries extractives. Ces deux secteurs, ainsi que l’ensemble des services aux entreprises, ont également connu une baisse du poids relatif de la valeur ajoutée étrangère sur la période 2010-18 (OCDE, 2023[9]).
L’écart entre les entreprises étrangères et nationales ressort moins marqué en termes de liens en aval. Les exportations de produits intermédiaires représentent 33 % de la production des entreprises étrangères, contre un chiffre légèrement inférieur de 28 % pour entreprises nationales. Les exportations intermédiaires sont relativement plus importantes pour les entreprises nationales dans les services d’utilité publique2, les produits chimiques, le secteur des produits en caoutchouc et en plastique, et dans les autres matériels de transport, et pour les entreprises étrangères dans l’hébergement et la restauration, les équipements électriques, le secteur des arts, des spectacles et des loisirs, et dans les autres activités de services.
2.2. Tendances de la productivité et externalités de l’IDE
Les entrées d’IDE peuvent être associées à des améliorations de la productivité, ce dont le Canada a véritablement besoin pour stimuler ses perspectives de croissance. Non seulement les entreprises étrangères sont généralement plus efficaces que la moyenne dans les pays d’accueil et contribuent ainsi directement à la croissance de la productivité, mais elles peuvent également, par leur simple présence, doper indirectement la productivité des entreprises nationales lorsque les externalités de connaissances et les externalités technologiques sont favorisées (OCDE, 2019[12]). Les acteurs nationaux qui approvisionnent les nouveaux entrants étrangers sont en mesure de réaliser des gains de productivité à la faveur d’un meilleur accès aux normes de qualité des produits et des services, aux connaissances, à la technologie et au financement. L’exemple que leur donnent leurs pairs plus productifs pousse les autres entreprises à progresser, lesquelles peuvent également potentiellement tirer profit de l’embauche de travailleurs ayant acquis de nouvelles connaissances et compétences au sein d’entreprises étrangères et tournées vers l’international (OCDE, 2022[13]). La réalisation de ce potentiel au Canada dépend en grande partie de l’établissement de liens entre les entreprises. Le type d’investissement, les motifs, l’origine et le secteur de cet investissement, ainsi que la taille et la structure de l’entreprise investisseuse, sont autant de facteurs qui affectent l’ancrage local des entreprises étrangères et la mesure dans laquelle des externalités de productivité peuvent bénéficier à l’économie d’accueil (OCDE, 2022[13]).
2.2.1. La croissance de la productivité du travail canadienne reste inférieure à celle observée dans bon nombre des économies avancées de l’OCDE
Bien que la productivité du travail du Canada soit restée à la traîne de celle des États-Unis et de plusieurs autres économies avancées comme l'Australie, le Royaume-Uni, la France et l'Allemagne, il existe un important potentiel d'amélioration grâce à des investissements et des collaborations stratégiques. Selon l'OCDE (2023[2]), la croissance de la productivité a été pénalisée par l'insuffisance du renforcement de l’intensité capitalistique de l’économie ainsi qu’à des investissements insuffisants de la part des entreprises. Malgré ces difficultés, la productivité du travail au Canada, à 62 USD par heure travaillée en 2021, est proche de la médiane des pays de l'OCDE (graphique 2.9). Bien que ce niveau soit inférieur à celui des États-Unis et de la plupart des pays européens, et notamment à la moyenne du G7 de 74 USD, il souligne la possibilité pour le Canada de tirer parti de l'investissement direct étranger (IDE) pour améliorer la productivité.
La croissance récente de la productivité du travail au Canada a été relativement modeste, s'établissant en moyenne à seulement 1.0 % sur la période 2012-2021, se classant au 21e rang parmi les 37 pays membres de l'OCDE disposant de données comparables. Des facteurs tels que la chute des prix du pétrole et les investissements limités dans le secteur au cours de la période 2014-2022 ont contribué à cette tendance. Toutefois, le Canada a le potentiel de surmonter ces défis grâce à un IDE ciblé qui favorise l'innovation, améliore l'efficacité du marché et lève les obstacles tels que les différences commerciales interprovinciales en matière de normes et de réglementations techniques, ainsi que les limitations à la mobilité de la main-d'œuvre. En misant stratégiquement sur l'IDE pour renforcer l'innovation, lever les obstacles réglementaires et stimuler l'investissement, le Canada peut libérer son potentiel économique et renforcer sa compétitivité sur la scène mondiale.
L’Étude économique de l’OCDE sur le Canada de 2023 souligne la nécessité d’accélérer les efforts pour alléger les obstacles internes aux échanges et à l’investissement, qui peuvent avoir des coûts économiques importants et limiter l’efficacité et la portée des marchés du travail (OCDE, 2023[14]). Un large éventail de mesures pourront potentiellement accroître la productivité du secteur des entreprises, dont une amélioration des infrastructures, des réformes visant à améliorer l’enseignement professionnel et le développement des compétences, une réduction des formalités administratives associées à la création d’entreprises et un renforcement du droit et de la réglementation en matière de concurrence. Comme indiqué à la section 2.1.1, un allègement des restrictions à l’investissement dans les secteurs productifs, innovants et à forte intensité de savoir pourrait accroître l’impact direct produit par les entreprises étrangères, au travers de leurs propres activités, sur la croissance de la productivité sectorielle et globale (OCDE, 2022[13]). L’ouverture à l’IDE peut non seulement améliorer la productivité des industries qui profitent par sa présence de nouveaux débouchés, mais aussi celle des secteurs en aval qui bénéficient ainsi potentiellement d’un meilleur accès à des intrants et services de haute qualité au niveau national.
2.2.2. Les entreprises étrangères sont plus productives que leurs homologues canadiennes dans la majeure partie des secteurs d’activité
Dans l'ensemble, l'activité des entreprises étrangères au Canada semble être concentrée dans des secteurs moins productifs (Graphique2.10). Les deux secteurs où les entreprises étrangères représentent la plus grande part de la valeur ajoutée - les autres services (à l'exception de l'administration publique) et l'hébergement et la restauration - ont les niveaux de productivité les plus faibles. De même, les services professionnels, scientifiques et techniques ainsi que l'agriculture et l'industrie manufacturière, qui affichent une activité relativement élevée des entreprises étrangères, figurent parmi les secteurs à plus faible productivité. En revanche, les services publics et l'extraction minière, pétrolière et gazière, les industries de l'information et de la culture et les services financiers affichent des parts plus faibles de la valeur ajoutée des entreprises étrangères, mais sont nettement plus productifs que le reste de l'économie. Cette concentration de l'activité des entreprises étrangères dans les secteurs à faible productivité contribue à ce que les entreprises étrangères aient, en moyenne, une valeur ajoutée par travailleur inférieure de 23 % à celle de leurs homologues nationales.
Bien qu'une analyse supplémentaire soit nécessaire pour comprendre pleinement l'impact de l'activité des entreprises étrangères sur la productivité du travail sectorielle et globale, la concentration des entreprises étrangères dans les secteurs où les niveaux de productivité du travail sont plus faibles peut être attribuée à une combinaison de stratégies d'entrée sur le marché, de caractéristiques propres aux secteurs considérés et, possiblement, du cadre réglementaire. Par exemple, dans certains secteurs, les entreprises étrangères peuvent se concentrer sur des activités qui ne tirent pas nécessairement parti de la haute technologie ou de l'automatisation, qui sont généralement associées à une productivité plus élevée, tandis que dans d'autres secteurs, les externalités de l'IDE en termes de productivité peuvent ne pas être pleinement réalisées en raison d'obstacles liés au manque de compétences de la main-d'œuvre ou à l'incompatibilité des infrastructures. Le contexte général, les politiques commerciales et la concurrence locale peuvent également influencer les décisions stratégiques des entreprises étrangères, en orientant le lieu et la manière dont elles investissent et, par conséquent, leurs niveaux de productivité.
L’analyse des écarts de productivité au niveau sectoriel montre que les entreprises étrangères sont plus productives que les entreprises canadiennes dans la majeure partie des secteurs (l’indicateur dans Graphique 2.11. est supérieur à 1 dans 11 secteurs sur 19). Cet avantage est le plus marqué dans le secteur de la finance et de l’assurance, dans la construction et dans les services d’utilité publique, où les entreprises étrangères sont plus de 50 % plus productives que les acteurs nationaux. En revanche, les entreprises étrangères sont relativement moins productives que les entreprises canadiennes dans les secteurs des soins de santé et de l'aide sociale, de l'immobilier, des services de location et de crédit-bail ainsi que de la gestion de sociétés et d'entreprises, possiblement du fait de la présence de quelques acteurs nationaux très productifs.
Le supplément de productivité que les entreprises étrangères affichent dans la plupart des secteurs au Canada suggère que des externalités de connaissances et externalités technologiques de l’IDE restant inexploitées dans ces secteurs pourraient l’être pour y combler les écarts de productivité. Ces résultats reflètent ceux d'autres économies de l'OCDE, où les entreprises étrangères tendent à être de plus grande taille et à présenter un profil à plus forte intensité technologique et à plus forte intensité d’exportation, deux caractéristiques associées à des niveaux de productivité plus élevés. Toutefois, la possibilité d’y parvenir dépend également de la capacité des entreprises nationales à absorber les externalités de connaissance de l’IDE, capacité qui est évaluée à la section 2.3.3.
2.2.3. Les entreprises étrangères ont noué des liens étroits avec certains producteurs nationaux
Étant donné que les entreprises étrangères plus productives peuvent chercher à limiter les externalités de connaissances et externalités technologiques qui pourraient potentiellement bénéficier à leurs concurrents, les effets positifs sur la productivité des entreprises nationales sont davantage observés chez les fournisseurs en amont (OCDE, 2023[16]). Les investisseurs étrangers exigent généralement de leurs fournisseurs locaux des intrants de meilleure qualité et sont par conséquent enclins à partager avec eux leurs connaissances et technologies qui leur permettront d’adopter des processus plus efficaces (OCDE, 2023[16]). Les possibilités de formation et d’apprentissage par la pratique professionnelle offertes par les investisseurs étrangers peuvent également être étendues à la main-d’œuvre des entreprises nationales avec lesquelles ils nouent des liens acheteur-fournisseur afin de garantir l’efficacité de leur travail et la qualité des produits. Des écarts de productivité modérés entre les entreprises tendent à indiquer des niveaux similaires de sophistication technologique et permettent d’envisager des retombées profitables de chaque côté (OCDE, 2022[13]). Toutefois, les entreprises étrangères peuvent également générer des externalités négatives en raison de pratiques non durables ou irresponsables de leurs chaînes d'approvisionnement. Si les entreprises locales ne se montrent pas promptes à s'adapter, la concurrence des entreprises étrangères peut également entraîner la fermeture de certaines de ces entreprises locales. La concurrence accrue pour les talents peut également rendre plus difficile pour les entreprises locales de recruter des travailleurs qualifiés, en particulier dans les régions les plus reculées où le vivier de main-d'œuvre est plus réduit.
Par rapport aux économies comparables de l’OCDE, les entreprises étrangères au Canada se concentrent principalement sur le marché national pour leurs approvisionnements en intrants (liens d’achat) et l’écoulement de leurs produits (liens de vente). Les données de 2016 montrent que leurs achats d’intrants intermédiaires auprès d’autres entreprises étrangères représentaient 19 % du total de leur approvisionnement en intrants intermédiaires (Graphique2.12), soit le 5e taux le plus élevé de la zone OCDE et près du double de celui des États-Unis (10.7 %). Elles s’approvisionnent néanmoins très essentiellement auprès d’entreprises nationales (environ 62 %), et pour une part relativement faible à l’international. Ces liens peuvent constituer un canal important de transfert de connaissances et de technologies au profit des petites entreprises canadiennes. Les entreprises non multinationales sont des fournisseurs particulièrement importants. Elles représentent de l’ordre de 40 % de l’approvisionnement total en intrants des filiales étrangères. L’ampleur des liens d’achat nationaux est dans l’ensemble similaire à leurs niveaux observés dans les autres grandes économies telles que les États-Unis, le Royaume-Uni, la France et l’Italie, et s’explique par la taille relativement plus importante des marchés de biens intermédiaires dans ces pays. En ce qui concerne les liens de vente des filiales étrangères, 69 % de leur production est écoulée sur le marché national. Environ 22 % de cette production est achetée par des entreprises nationales non multinationales, 6 % par des entreprises nationales multinationales et 12 % par d’autres entreprises étrangères établies localement (Graphique2.13). Comme pour l’économie canadienne dans son ensemble, dont la participation en aval aux CVM est limitée, la production des filiales étrangères est relativement peu utilisée dans la consommation intermédiaire internationale.
Dans une certaine mesure, la réalisation des externalités de productivité de l’IDE est limitée par l’insuffisance de l’offre en produits intermédiaires des entreprises nationales. Les entreprises étrangères sont plus fortement dépendantes des intrants importés que leurs homologues nationales. En 2020, les importations de marchandises et de services commerciaux des multinationales étrangères s’élevaient ainsi à 395 milliards CAD, et représentaient 43 % de leurs charges d’exploitation, soit une part nettement plus élevée que pour les multinationales canadiennes (19.6 % des charges d’exploitation) et les entreprises non multinationales (16 %) (Statistique Canada, 2023[10]). Cette différence ne résulte pas de la composition sectorielle des investissements étrangers. En fait, les importations de marchandises et de services en proportion des charges d’exploitation sont les plus élevées dans les multinationales étrangères dans tous les secteurs d’activité, à l’exception de la finance et de l’assurance, où elles sont les plus élevées dans les entreprises non multinationales.
Si les entreprises étrangères importent une plus grande part de leurs intrants que les acteurs nationaux, les deux groupes utilisent dans les mêmes ordres de grandeur les intrants provenant des activités canadiennes des entreprises étrangères et des entreprises nationales. Du côté des entreprises étrangères, 73 % des intrants non importés proviennent des entreprises nationales, contre une part à peine plus élevée (76 %) pour les entreprises nationales. Les entreprises nationales représentent une part relativement importante des intrants non importés dans un certain nombre d’industries manufacturières, notamment les produits du bois et du liège, les produits alimentaires, les boissons et le tabac, et les produits du travail des métaux, ainsi que dans les secteurs des services, notamment ceux de la santé humaine et de l’action sociale, et de l’administration publique, de la défense et de la sécurité sociale obligatoire (OCDE, 2023[11]).3
Pour profiter des retombées supplémentaires qui pourront résulter du renforcement des liens commerciaux entre entreprises étrangères et nationales, les acteurs nationaux devront être en capacité d’adopter de nouvelles technologies, d’améliorer la qualité et de rendre leur production plus efficace. Cela devrait être possible pour beaucoup d’entre elles. Comme illustré ci-dessus, la productivité globale du Canada se situe dans la moyenne des pays membres de l’OCDE et les écarts de productivité en fonction du type d’actionnariat de l’entreprise ressortent modérés dans la plupart des secteurs de l’économie. Ces défis pourront être plus épineux pour les PME à faible productivité. Les entreprises non multinationales, bien qu'elles représentent 41 % de l'emploi total au Canada et contribuent à hauteur de 29.9 % à la valeur ajoutée globale, sont généralement de petite taille, avec une moyenne de 2.6 emplois seulement par entreprise en 2020 .
2.1.1 Les acquisitions peuvent entraîner des externalités de l'IDE en termes de productivité pour les entreprises nationales.
Une implication plus directe des entreprises étrangères qui acquièrent des PME et d’autres entreprises nationales peut également ouvrir de nouvelles perspectives de croissance et de modernisation des PME. Dans le cadre du développement de leurs activités d’innovation, les PME canadiennes recherchent souvent des investisseurs ou des acquéreurs étrangers. Pour ces entreprises émergentes, ce peut être également le moyen d’accroître leur capacité d’exportation et leur présence sur les marchés internationaux. Les PME canadiennes qui choisissent de se faire racheter sont deux fois plus susceptibles de connaître une croissance de leur chiffre d’affaires supérieure à la moyenne de leur secteur d’activité et, de ce fait en 2021, 13 % des entrepreneurs canadiens (soit 170 000 PME) ambitionnaient de trouver un acquéreur dans les cinq ans (Banque de développement du Canada, 2021[18]). L’investissement en capital-risque, qui s’est élevé à 8 milliards de dollars canadiens en 2022 à l’échelle de l’ensemble du Canada, représente une part significative des transactions réalisées. En 2022, les investisseurs étrangers représentaient 67 % des flux de capital-risque en direction des entreprises canadiennes, avec une part de 49 % pour les sociétés de capital-risque américaines et de 18 % pour les sociétés étrangères non américaines (Consulting.ca, 2023[19]). Les sociétés de capital-risque étrangères réalisent des investissements relativement plus importants que leurs homologues nationales, offrent davantage de chances aux entrepreneurs canadiens de réussir leur sortie et sont plus susceptibles d’ouvrir à leurs cibles des voies d’accès aux marchés étrangers (Kong, Nitani et Riding, 2015[20]). Bien que les sociétés de capital-risque étrangères s’avèrent plus réticentes au risque sur le marché canadien que les sociétés nationales, se concentrant sur des bénéficiaires dont elles estiment qu’ils affichent les meilleurs chances de réussir sur le marché, la domination de l’espace canadien du capital-risque par les sociétés étrangères et leur succès relatif représentent une chance supplémentaire importante pour l’innovation et la productivité des PME canadiennes.
Créée en 2013, une PME canadienne qui fabrique et fournit des produits et des solutions de communication réseau pour les infrastructures critiques. À la suite de l’entrée à son capital en 2018 d’une grande multinationale allemande spécialisée dans les produits d’automatisation, cette PME a connu un fort développement. La firme allemande a soutenu le lancement de sa plateforme RAPTOR Series, une plateforme de réseau de communication IoT industrielle qui permet des communications sécurisées et fiables entre les appareils, les équipements et les personnes qui gèrent les infrastructures critiques. Après un ralentissement significatif de l’innovation dû à la pandémie de COVID-19, le fabricant allemand a acquis la totalité de la PME canadienne en janvier 2023. Un éditeur néo-zélandais de logiciels de comptabilité en nuage, s’est développé au Canada en 2018 et a fait l’acquisition depuis de deux sociétés canadiennes basées à Calgary et à Toronto. Cette acquisition a permis d'accroître l'automatisation et l'efficacité des services à la clientèle et de renforcer la présence de l'entreprise dans la communauté technologique en pleine croissance de Calgary. De même, une PME basée à Montréal qui commercialise une plateforme d'analyse prédictive et de simulation de données centrée sur l'IA a bouclé un premier tour de financement institutionnel en 2020, mené par la branche canadienne de capital-risque de la filiale d'une banque étrangère. Grâce à cette levée de fonds, la PME continue d’élargir sa base de clients, notamment dans le domaine des RH et celui de la finance, et prévoit de se développer à l’international. La société a également pu renforcer son IA avec de nouvelles fonctionnalités spécifiques dédiées à certaines problématiques clés, telles que la gestion de la conformité avec le règlement général sur la protection des données de l’UE (GDPR) et les normes ISO 27001.
2.3. IDE et potentiel de retombées sur l’innovation
Le renforcement de l’innovation sera un élément essentiel pour développer la participation du Canada aux CVM et stimuler la croissance de sa productivité (Encadré 2.1). Les multinationales sont souvent très actives en matière de R-D et d’innovation. Dans les secteurs où elles investissent, elles peuvent contribuer à y doper l’intensité de R-D. Les nouvelles connaissances et technologies introduites par l’IDE bénéficient par ailleurs à toute l’économie d’accueil au sens large. Tout comme pour les effets sur la productivité, les retombées positives sur l’innovation peuvent se concrétiser à la faveur des liens noués le long des chaînes d’approvisionnement ainsi que d’autres types de partenariats stratégiques (collaboration en matière de R-D, coentreprises, accords de licence de technologies). Les entreprises nationales peuvent également prendre part à des projets communs avec des entreprises étrangères pour fabriquer de nouveaux produits, améliorer des processus et développer de nouvelles innovations (OCDE, 2022[13] ; OCDE, 2019[12]). Les grandes multinationales s’engagent de plus en plus fréquemment dans des initiatives de transformation par l’innovation ouverte en développant des partenariats stratégiques avec des entreprises plus petites ou en créant des laboratoires d’innovation et des accélérateurs où les start-ups et autres petits acteurs peuvent développer de nouvelles idées et de nouveaux modèles économiques.
2.3.1. La relative faiblesse des dépenses de R-D limite les performances du Canada en matière d’innovation
Outre des facteurs tels que la structure fiscale et les réglementations en matière de concurrence. plusieurs facteurs structurels influencent la caractérisation de l'innovation au Canada. Il s'agit notamment de la position du Canada au sein des chaînes de valeur mondiales, de sa population relativement petite et géographiquement dispersée, et de l'importance des secteurs des ressources naturelles, qui sont généralement moins axés sur l'innovation . Encourager davantage l'innovation est essentiel pour le développement de nouveaux produits et services et de technologies de production qui peuvent améliorer l'efficacité au sein des entreprises canadiennes . De plus, l'investissement du Canada en R-D (recherche et développement) n'a pas suivi le rythme de croissance observé dans les autres pays de l'OCDE. Alors que les dépenses brutes de recherche et développement (DBR-D) ont augmenté dans l'ensemble des pays membres de l'OCDE, passant de 2.1 % du PIB en 2000 à 2.7 % en 2020, les investissements du Canada dans ce domaine sont restés relativement stables au cours de la même période, reculant même de 1.9 % à 1.8 % (Graphique2.14).
Du fait de l’écart croissant en termes d’intensité de R-D qui s’est creusé à son détriment, la part du Canada dans les brevets déposés par les pays membres de l’OCDE a chuté de son d’un pic de 2.1 % en 2010 à 1.9 % en 2019. L’enseignement supérieur et les pouvoirs publics jouent un rôle important dans la recherche et le développement au Canada. Si le secteur des entreprises est responsable de la plus grande part (51.6 %) des dépenses brutes de R-D, cette dernière est nettement inférieure à celle que représente en moyenne le secteur à l’échelle de l’ensemble de l’OCDE (72 %) (Graphique2.15). Le secteur de l’enseignement supérieur, quant à lui, est responsable de 39 % des DBR-D, soit plus du double de la moyenne qui ressort à l’échelle des pays de l’OCDE (16 %).
Encadré 2.1. Capital immatériel et participation aux CVM
Le capital immatériel recouvre les actifs intellectuels, dont les ensembles de données et autres informations informatisées, le capital d’innovation, et les compétences économiques telles que le savoir-faire organisationnel et les stratégies opérationnelles, qui sont souvent d’une importance particulière pour les entreprises multinationales (OCDE, 2021[22]). De fait, la propriété intellectuelle totale des multinationales étrangères s’élevait à 13 milliards CAD en 2019, soit 29 % du total du secteur des entreprises canadiennes. Les entreprises étrangères représentaient la plus grande part de la propriété intellectuelle du secteur des entreprises dans le commerce de gros (57.3 %), le secteur manufacturier (42.9 %) et les services professionnels, scientifiques et techniques.
Le capital immatériel tend à jouer un rôle important à la fois au début et à la fin des chaînes de valeur mondiales – avec, par exemple, les activités de recherche et de développement et de promotion de la marque – où une valeur ajoutée significative est générée. Sans surprise pour un pays qui ne participe que peu aux chaînes de valeur mondiales, le capital immatériel canadien n’est responsable que d’une part modeste de la production mondiale et des échanges mondiaux. Une étude des balances des biens incorporels dans les pays de l’OCDE en 2015 montre que le Canada compte pour une part légèrement inférieure à celle du Mexique des parts de capital immatériel incorporé dans la production mondiale de biens et de services finaux (Alsamawi et al., 2020[23]).
Même si les rendements du capital immatériel incorporé dans les échanges ne sont pas pris en compte, il est à souligner que les recettes technologiques internationales nettes du Canada sont généralement négatives, malgré une amélioration ces dernières années. Les États-Unis sont le partenaire le plus proche pour ces transactions, comptant pour 61 % des recettes et 52 % des paiements. Les entreprises étrangères sont responsables de la plupart des transactions internationales impliquant de l’innovation et des technologies. Les recettes et les paiements technologiques internationaux des multinationales étrangères représentaient 73 % et 72 % de la totalité des recettes et paiements technologiques internationaux, dans l’ensemble de l’économie canadienne (Statistique Canada, 2023[10]).
Les contraintes qui pèsent sur les investissements étrangers et la nécessité de poursuivre le développement des systèmes d'innovation peuvent influencer l'engagement du Canada dans les chaînes de valeur mondiales. Cela peut avoir des répercussions sur la capacité d'une entreprise à utiliser pleinement du capital immatériel et à capitaliser sur celui-ci . Les comparaisons internationales indiquent que les avantages du capital immatériel sont étroitement liés à l'ouverture et au soutien à l'innovation. Les politiques des échanges et de l'investissement peuvent jouer un rôle central dans l'amélioration des rendements du capital immatériel. En outre, les politiques d'innovation, notamment le financement public de la R-D, se révèlent favorables à l'augmentation des rendements du capital immatériel (Alsamawi et al., 2020[23]). Il convient de noter que la politique des échanges gagnerait à prendre en compte l’impact des obstacles dans les secteurs clés sur l'innovation. Bien que les restrictions aux échanges du Canada ne soient pas particulièrement strictes dans l'ensemble, certains secteurs, tels que les télécommunications, affichent des niveaux élevés de restriction.
Source : OCDE (2021[22]), Multinational enterprises and intangible capital, https://www.oecd-ilibrary.org/science-and-technology/multinational-enterprises-and-intangible-capital_6827b3c9-en ; Alsamawi et al., (2020[23]), Returns to intangible capital in global value chains: New evidence on trends and policy determinants, https://doi.org/10.1787/4cd06f19-en; Statistique Canada (2023[10]), Activités des entreprises multinationales au Canada, https://doi.org/10.25318/3610060401-eng.
2.3.2. Les entreprises étrangères contribuent de manière significative à l’innovation au Canada
L’IDE joue un rôle majeur dans le soutien direct à l’innovation, les filiales étrangères tendant à investir substantiellement dans des secteurs et des activités à forte intensité de savoir. De fait, ces entreprises sont souvent plus innovantes que la moyenne, ce qui tient à la fois à leurs spécificités et au fait que les secteurs économiques affichant des niveaux plus élevés de dépenses de R-D par unité de valeur ajoutée attirent souvent des parts plus importantes d’IDE (OCDE, 2019[12] ; OCDE, 2022[13]). Les grandes entreprises multinationales dépendent généralement de connaissances, de technologies ou de marques propres à l’entreprise qui les rendent compétitives à grande échelle et sur de multiples marchés. Dans les économies de l’OCDE, les filiales étrangères génèrent une plus grande part de leurs revenus grâce à des actifs incorporels que les acteurs nationaux (OCDE, 2021[22]).
Les entreprises étrangères sont beaucoup plus intensives en R-D que leurs homologues canadiennes et beaucoup plus engagées dans des activités liées à l’innovation. En 2020, elles représentaient la plus grande part des dépenses intra-muros de R-D dans le secteur des entreprises, soit 42 %, contre 32 % et 26 % pour les entreprises multinationales et non multinationales canadiennes, respectivement. Les entreprises étrangères sont très engagées dans toutes sortes d’activités innovantes. Il ressort des résultats de la consultation auprès des entreprises menée aux fins de cette étude (Annexe 1.A), à laquelle ont pris part 24 entreprises nationales et 33 acteurs étrangers, que les entreprises étrangères sont plus susceptibles que leurs homologues nationales de se lancer dans un large éventail d’activités innovantes, en particulier dans des innovations de produit, des innovations de processus, dans le développement conjoint de produits, ainsi que dans des innovations organisationnelles et des innovations de marché (Graphique2.16).
Bien que les investissements étrangers soient substantiels dans les secteurs les plus innovants de l’économie canadienne, les différences sectorielles n’expliquent pas entièrement l’investissement plus important des acteurs étrangers dans la recherche et le développement. Les multinationales étrangères dépensent davantage en R-D intra-muros que les entreprises canadiennes dans de nombreux secteurs d’activité. Les écarts sont particulièrement significatifs dans les secteurs à plus forte intensité de R-D, comme notamment les services professionnels, scientifiques et techniques et les industries de l’information et de la culture (Graphique2.17).
Les données disponibles sur les projets d’IDE ex nihilo nous donnent des indications comparables s’agissant des secteurs dans lesquels l’IDE stimule l’innovation. Tous secteurs confondus sur la période 2018-22, 21 % des capitaux investis dans des projets d’IDE ex nihilo l’ont été principalement aux fins d’activités de recherche et de développement. Cette part ressort particulièrement élevée dans les industries créatives (91 %), les services financiers (42 %) et les TIC et l’électronique (34 %) (Graphique2.18). Dans le secteur à forte intensité de R-D qu’est l’industrie pharmaceutique, par exemple, les grandes entreprises étrangères sont responsables de la majeure partie des investissements réalisés dans l’innovation (Encadré 2.2).
Encadré 2.2. Les EMN, moteur de la R-D au Canada : sciences de la vie et produits pharmaceutiques
Une grande multinationale pharmaceutique a déclaré mener des activités d'innovation au Canada dans six domaines thérapeutiques, dont la pneumologie, la cardiologie et la santé des femmes. Au cours des dix dernières années, la multinationale a investi près d’un milliard USD dans des activités de R-D et de renforcement des capacités de recherche menées au Canada. Dans le cadre de ces activités, en 2016, elle s’est associée à une société d’investissement basée à San Francisco, pour investir 225 millions USD dans le lancement d’une société spécialisée dans la thérapie cellulaire modifiée, que le groupe a ensuite entièrement rachetée en 2019. Avec ses activités de R-D installées au MaRS Discovery District à Toronto, la société, dont les activités de R-D sont hébergées au MaRS Discovery District à Toronto, est à l'avant-garde des méthodes de création de types de cellules authentiques dans les domaines de la neurologie, de la cardiologie, de l'ophtalmologie et de l'immunologie.. Ce soutien s’est également poursuivi dans le cadre de la pandémie de COVID-19, avec l’attribution par la société d’investissement d’un montant de 1.8 million CAD en 2020 à son programme de recherche en partenariat avec le Population Health Research Institute (PHRI) de l’Université McMaster pour la conduite d’études sur des sites partenaires en Ontario et dans le monde entier visant à identifier des traitements potentiels du COVID-19. Cette collaboration a porté sur de nombreux essais cliniques au cours des années passées, notamment l’essai COMPASS, auquel ont participé 33 pays et plus de 600 sites participants. La société a également réalisé des investissements dans les activités du Centre de cancérologie Princess Margaret et de l’Institut de cardiologie de Montréal, et finance actuellement la chaire de recherche en épidémiologie clinique et troubles de la coagulation de l’Université McMaster à Hamilton (Ontario).
Une autre grande entreprise mondiale de soins de santé a mené des activités de R-D dans plusieurs centres de recherche et laboratoires locaux au Canada. Sur 2016 et 2022, cette entreprise a conduit 55 essais cliniques sur 3 019 patients au Canada, dans le cadre de ses investissements en R-D de 63.8 millions CAD sur 2016-21. En avril 2023, cette grande entreprise a réalisé son plus gros investissement au Canada à ce jour, en annonçant un partenariat avec une biotech basée en Colombie-Britannique, pour le développement de tissus thérapeutiques bio-imprimés, qui pourraient révolutionner les traitements du diabète et de l’obésité. Dans le cadre du programme de recherche et développement conjoints de produits établi par ce partenariat, les deux entreprises allient leur expertise en matière de technologie de bio-impression ainsi que de différenciation des cellules souches et de développement et de fabrication de thérapies cellulaires. L'entreprise stimule également la R-D dans des établissements universitaires, comme à l'Université de Toronto, via des dons visant à établir un réseau de recherche qui favorisera l'amélioration de la santé des populations urbaines, notamment en s'attaquant aux causes profondes du diabète et d'autres maladies chroniques graves.
Source : OCDE (2022[24]), Consultation menée au Canada sur les pratiques des entreprises en matière de durabilité.
2.3.3. Les PME canadiennes sont bien placées pour collaborer avec des investisseurs étrangers sur des projets d’innovation et de R-D, mais sont à la traîne sur le numérique
En général, les PME canadiennes sont plutôt assez innovantes mais moins pointues sur le plan technologique que les petites entreprises d’autres économies avancées, soit parce qu'elles ne commercialisent pas leurs propres innovations, soit parce que les PME canadiennes constituent un groupe particulièrement hétérogène. Dans un cas comme dans l'autre, cette apparente contradiction donne à penser que le potentiel, parmi de nombreuses petites et moyennes entreprises, d'absorber les flux internationaux de connaissances et de technologies que le commerce et l'IDE rendent possibles pourrait encore être amélioré .
Tout comme pour les effets positifs de l’IDE sur le plan de la productivité, les entreprises étrangères technologiquement plus avancées peuvent stimuler l’essor des connaissances, l’adoption technologique et les capacités d’innovation dans les entreprises du pays d’accueil à la faveur de leurs échanges avec leurs fournisseurs, des mobilités inter-entreprises de la main-d’œuvre et des effets d’imitation (OCDE, 2022[13]). En outre, les entreprises étrangères et nationales peuvent aussi collaborer à des projets communs visant le développement de nouveaux biens et services ou encore l’amélioration de processus de production existants. Il ressort des résultats de la consultation auprès des entreprises menée aux fins de cette étude que la plupart des partenariats récents conclus par des multinationales étrangères au Canada avec des entreprises nationales pour le développement conjoint de produits ou la fourniture de services comprenaient des activités innovantes, de R-D et à forte intensité technologique (Graphique2.19).
Dans le domaine de l'innovation et de la R-D, un certain nombre de sources observent que les PME canadiennes sont relativement plus innovantes et intensives en savoir que leurs homologues de nombreuses autres économies de l'OCDE. même si elles sont souvent rachetées ou transfèrent leurs brevets à de plus grandes entreprises étrangères au lieu de les commercialiser elles-mêmes. À l’échelle des acteurs nationaux, les PME affichent une plus grande capacité de R-D que les autres catégories d’entreprises, celles de 5 à 9 salariés représentant 21 % des dépenses internes de R-D et 25 % du personnel de R-D. À l’échelle des entreprises étrangères, les entreprises de 500 à 999 salariés sont celles qui comptent pour les plus grandes parts des dépenses internes de R-D (22 %) et du personnel interne de R-D (20 %) (Statistique Canada, 2022[25]). De nombreuses PME introduisent des innovations sous la forme de nouveaux produits ou de processus novateurs, sur le plan marketing ou encore sur le plan des modes d’organisation. En 2022, 72 % de ces entreprises s’étaient engagées dans des innovations de processus d’affaires et 52 %, dans des innovations de produit, soit davantage que dans beaucoup d’autres économies de l’OCDE (Graphique 2.20.).
Malgré ce niveau record d’innovation des PME canadiennes, leur recours relativement limité aux technologies de pointe ainsi qu’aux outils et processus numériques peut limiter l’impact de leurs innovations et leur potentiel de collaboration avec des entreprises étrangères technologiquement avancées. Les technologies numériques émergentes peuvent aider les entreprises, notamment les PME, à proposer des produits et des services sur mesure, à créer des chaînes d’approvisionnement plus efficaces, à accroître leur participation aux CVM et à améliorer leurs relations avec les marchés et leurs clients. Par rapport à un certain nombre de pays de l’UE, l’usage de l’intelligence artificielle dans les entreprises canadiennes ressort assez faible, quelle que soit la taille de l’entreprise (Graphique2.21). Seules 4 % des petites entreprises (de 10 à 49 salariés) utilisent l’IA, un chiffre bien inférieur au taux d’adoption de 11 % qui ressort dans les moyennes entreprises (de 50 à 249 salariés) et aux 27 % d’adoption dans les grandes entreprises (de 250 salariés et plus). Avec un taux d’adoption de 18 %, les entreprises du secteur de la finance et de l’assurance sont les plus susceptibles d’utiliser l’IA et, comme dans de nombreux autres pays de l’OCDE, l’usage de l’IA est particulièrement faible dans le secteur de la construction (0.7 % des entreprises). De même, en 2021, la part des petites entreprises canadiennes utilisant l’Internet des objets (9 %) classait le Canada sur cet indicateur au 24e rang des 28 pays membres de l’OCDE pour lesquels des données étaient disponibles, alors qu’elles ressortent également à la traîne par rapport à leurs homologues de beaucoup d’autres économies de l’OCDE sur l’utilisation de services d’informatique en nuage (par exemple, logiciels de finance et de comptabilité, systèmes de gestion de la relation client, stockage numérique de fichiers, etc.) et la formation de leurs employés aux TIC. Les outils et processus numériques sur le lieu de travail sont des atouts essentiels pour l’absorption de la technologie et de l’innovation, la gestion du changement organisationnel ainsi que l’intégration dans les CVM par des activités d’exportation ou au travers de liens noués avec des filiales étrangères installées sur le territoire national.
Ces résultats suggèrent qu’un soutien accru pourrait être apporté aux PME canadiennes afin d’améliorer leur capacité à s’affirmer comme fournisseurs et partenaires des investisseurs étrangers à forte intensité technologique. Les mesures pour accroître la capacité d’absorption des PME locales peuvent prendre de multiples formes (subventions, prêts, allègements fiscaux, mesures infrastructurelles, programmes de formation, par exemple), peuvent cibler différents aspects de la performance des PME (par exemple, l’accès aux actifs d’innovation, l’accès aux compétences, l’accès au financement) et doivent être alignées sur le champ d’application et les priorités des services de facilitation et de suivi offerts aux investisseurs étrangers. Une telle approche globale aiderait à aligner les capacités des fournisseurs nationaux sur les besoins des investisseurs étrangers et à renforcer le potentiel de retombées de l’IDE.
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[2] OCDE (2023), Statistiques sur l’IDE, https://stats.oecd.org/.
[11] OCDE (2023), Tableaux Internationaux des Entrées-Sorties (TIES), http://oe.cd/icio.
[13] OCDE (2022), Boîte à outils des politiques relatives aux qualités de l’IDE, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/7ba74100-en.
[24] OCDE (2022), Consultation menée au Canada sur les pratiques des entreprises en matière de durabilité.
[22] OCDE (2021), Multinational enterprises and intangible capital, https://www.oecd-ilibrary.org/science-and-technology/multinational-enterprises-and-intangible-capital_6827b3c9-en.
[12] OCDE (2019), FDI Qualities Indicators: Measuring the sustainable development impacts of investment, Éditions OCDE, http://www.oecd.org/investment/investment-policy/FDI-Qualities-Indicators-Measuring-Sustainable-Development-Impacts.pdf.
[17] OCDE (2016), Base de données analytique AMNE, https://www.oecd.org/fr/sti/ind/analytical-amne-database.htm.
[15] OCDE (s.d.), Statistiques de l’OCDE sur la productivité, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/pdtvy-data-fr.
[10] Statistique Canada (2023), Activités des entreprises multinationales au Canada, https://www150.statcan.gc.ca/n1/fr/catalogue/3610060401.
[6] Statistique Canada (2023), Exportations et importations de biens et services, https://www150.statcan.gc.ca/n1/fr/catalogue/1210013401.
[25] Statistique Canada (2022), Dépenses au titre de la recherche et développement intra-muros des entreprises, https://www150.statcan.gc.ca/t1/tbl1/fr/tv.action?pid=2710033301&request_locale=fr.
Notes
← 1. Par exemple, les services d’utilité publique, les industries de l’information et la construction figurent parmi les secteurs où l’IDE est le plus faible et où la part de la valeur ajoutée étrangère incorporée dans la demande intérieure ressort parmi les plus élevées.
← 2. Les services d’utilité publique regroupent la distribution d’électricité, de gaz, de vapeur d’eau et d’air conditionné, ainsi que l’approvisionnement en eau, l’assainissement, la gestion des déchets et les activités de dépollution.
← 3. Les données se rapportent à 2016.