Statistiques de l’impôt sur les sociétés 2023

7. Taux des retenues à la source

Des impôts sont retenus à la source lorsque les entreprises effectuent des paiements à d'autres entités ou à des personnes physiques, nationales ou étrangères, par exemple sous la forme de dividendes, d’intérêts et de redevances. Les pouvoirs publics prélèvent ces impôts au taux légal ou au taux préférentiel prévu par une convention fiscale et exigent que les entreprises retiennent une fraction de ces paiements transfrontaliers au titre de la retenue à la source.

Les données relatives aux retenues à la source peuvent être utilisées pour mieux comprendre les décisions des entreprises multinationales (EMN) en matière d'investissement, de rapatriement, de structures financières et organisationnelles et autres questions en lien avec la politique fiscale. À titre d’exemple :

• les retenues à la source augmentent le coût du rapatriement des bénéfices réalisés à l'étranger, ce qui peut peser sur les décisions d'investissement des entreprises à la marge extensive (décisions d’investissement reposant sur un arbitrage entre deux ou plusieurs projets) ;

• les différences entre le taux de la retenue appliqué aux intérêts et celui appliqué aux dividendes, au sein d’une même juridiction et entre juridictions, peut influer sur les décisions des entreprises en matière de financement ;

• les impôts prélevés sur les paiements transfrontaliers augmentent le coût du capital et peuvent donc avoir une incidence sur les investissements à la marge intensive (incitation à accroître les investissements déjà réalisés dans un lieu donné) (Auerbach, Devereux et Simpson, 2008[1]).

Autre aspect important : les données relatives aux retenues à la source peuvent aussi apporter un éclairage sur certaines stratégies d’érosion de la base d'imposition et de transfert de bénéfices (BEPS), par exemple le chalandage fiscal ou la localisation stratégique de la dette et des actifs incorporels. La publication des taux des retenues à la source dans les Statistiques de l’impôt sur les sociétés a été envisagée dans le rapport final 2015 relatif à l’Action 11 du BEPS (OCDE, 2017[2]).

Informations générales sur les données

L’édition 2023 des Statistiques de l’impôt sur les sociétés présente pour la seconde fois une série de statistiques relatives aux retenues à la source. Cette série contient le taux des retenues frappant les dividendes, les intérêts et les redevances applicable au titre de l’exercice 2023. Les données ont été recueillies par l’intermédiaire d’un questionnaire rempli par des délégués présents à la réunion du Groupe de travail n^o 2 qui s’est tenue au format du Cadre inclusif sur le BEPS (CI). Si nécessaire, ces renseignements ont été complétés à l’aide de sources d'information publiques. La série contient des données sur 119 juridictions au total, dont tous les membres de l’OCDE. À noter qu’il est fréquent que les taux de retenue de référence ne soient pas applicables aux opérations transfrontalières, en particulier lorsqu’une convention fiscale a été signée entre deux juridictions.

Taux des retenues à la source appliqués dans les différentes juridictions

Le Graphique 7.1. présente le taux légal moyen de retenue à la source visant les dividendes, les intérêts et les redevances dans les 119 juridictions couvertes. Celles-ci sont réparties entre trois groupes : juridictions à revenu élevé, juridictions à revenu faible ou intermédiaire, centres d'investissement.1 Le Graphique 7.1. montre que le classement des taux légaux moyens de retenue à la source varie d'un groupe de juridictions à l'autre. Les pays à revenu faible ou intermédiaire appliquent, en moyenne, des retenues à la source plus élevées aux redevances tandis que les juridictions à revenu élevé et les centres d'investissement appliquent des taux plus élevés aux intérêts. Il est notamment possible de tirer les conclusions suivantes :

• Dividendes : dans les juridictions à revenu élevé, le taux légal de la retenue à la source sur les dividendes s’établit à 15.5 % en moyenne, soit un taux supérieur de 4.3 points à celui pratiqué par les juridictions à revenu faible ou intermédiaire (11.2 %) et environ trois fois plus élevé que celui en vigueur dans les centres d'investissement (5.2 %).

• Intérêts : dans les juridictions à revenu élevé, le taux légal de la retenue sur les paiements d'intérêts s’établit à 11.8 % en moyenne, contre 15.9 % dans les pays à revenu faible ou intermédiaire et 4.8 % dans les centres d'investissement.

• Redevances : les redevances sont soumises à une retenue à la source au taux légal de 15.6 % en moyenne dans les juridictions à revenu élevé et de 16.6 % dans les juridictions à revenu faible ou intermédiaire. Ces taux sont beaucoup plus élevés que le taux légal moyen constaté dans les centres d'investissement (3.6 %).

Graphique 7.1. Taux moyen de retenue à la source : dividendes, intérêts et redevances, 2023

Centres d’investissement, juridictions à revenu faible ou intermédiaire et juridictions à revenu élevé

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Le Graphique 7.2. présente les ratios de densité des taux de retenue à la source dans les trois groupes de juridictions pour quatre fourchettes de taux. Ces ratios renseignent sur le nombre de juridictions qui applique le taux légal dans chaque fourchette par rapport au nombre total de juridictions couvertes par la série de données (ils sont exprimés en points de pourcentage). Ils sont présentés séparément pour chaque groupe de juridictions et pour chaque type de paiement transfrontalier. La partie A du Graphique 7.2. présente la distribution des ratios pour les retenues à la source appliquées aux paiements transfrontaliers de dividendes. Les trois quarts des centres d’investissement représentés dans la série de données prélèvent la retenue à la source à un taux légal inférieur à 10 %. C’est le cas, entre autres, d’Anguilla (0 %), de Chypre (0 %) et de Singapour (0 %). Quelque 14 % appliquent une retenue à un taux légal compris entre 10 % et 20 %.

Parmi les autres juridictions figurent l’Irlande et la Suisse, qui soumettent les dividendes à une retenue au taux légal de 25 % et 35 % respectivement. Plus de la moitié des juridictions à revenu faible ou intermédiaire soumettent les dividendes à un taux légal compris entre 10 % et 20 %. Treize des 49 juridictions appartenant à ce groupe appliquent un taux légal inférieur à 10 % ; c’est en particulier le cas du Brésil (0 %) et du Pérou (5 %). La Jamaïque est la seule juridiction de ce groupe à soumettre les dividendes à un taux légal supérieur à 20 % (33.3 %). Une grande partie des juridictions à revenu élevé (environ un tiers) appliquent un taux légal inférieur à 10 %. C’est le cas du Royaume-Uni (0 %), de la Grèce (5 %) et de l’Uruguay (7 %), entre autres. Dans chacune des trois autres fourchettes de taux supérieurs à 10 %, le nombre de juridictions à revenu élevé est compris entre 9 et 12 par fourchette. Au sommet de la distribution, on trouve le Chili (35 %), la Tchéquie (35 %) et le Groenland (44 %). Comme souligné plus haut, ces taux ne tiennent pas compte d’éventuelles conventions fiscales.

Graphique 7.2. Ratios de densité des retenues à la source : dividendes, intérêts et redevances, 2023

Centres d’investissement, pays à revenu faible ou intermédiaire et pays à revenu élevé

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La partie B du Graphique 7.2. illustre l’étagement des ratios de densité applicables aux paiements transfrontaliers d’intérêts. La majorité des centres d’investissement représentés dans la série de données (76 %) prélèvent une retenue à la source sur les intérêts à un taux légal inférieur à 10 %. C’est entre autres le cas des Bermudes (0 %), de Malte (0 %) et des Pays-Bas (0 %). La Suisse et l’Irlande sont, des cinq centres d’investissement restants, ceux qui se situent au sommet de la distribution des taux légaux (35.0 % et 20 % respectivement). Plus de 65 % des juridictions à revenu faible ou intermédiaire appliquent un taux compris entre 10 % et 20 %. Trois juridictions prélèvent une retenue à la source sur les intérêts à un taux légal inférieur à 10 % : le Paraguay (4.5 %), la Géorgie (5.0 %), et le Viet Nam (5.0 %). Quatre juridictions prélèvent une retenue à la source sur les intérêts de plus de 30 % : le Pérou (30.0 %), la Jamaïque (33.3 %), l’Argentine (35.0 %) et le Mexique (35.0 %). Les juridictions à revenu élevé sont concentrées dans la partie inférieure de la distribution, 38.7 % d’entre elles appliquant un taux légal inférieur à 10 %. Plus haut dans la distribution, 34.7 % des juridictions imposent les intérêts à la source à raison d’un taux légal compris entre 10 % et 20 %, 22.5% à raison d’un taux légal compris entre 20 et 30 % et 8.1 % appliquent un taux supérieur à 30 %. Le Liechtenstein (0.0 %), Monaco (0.0 %) et la Suède (0.0 %) font partie des 19 juridictions à revenu élevé qui prélèvent un taux légal inférieur à 10 %. Le taux légal le plus élevé, qui atteint 35.0 %, est appliqué au Chili et en Tchéquie.

La partie C du Graphique 7.2. présente la distribution des ratios de densité pour la retenue à la source effectuée sur les paiements transfrontaliers de redevances. La plupart des centres d’investissement appliquent aux redevances un taux normal inférieur à 10 %. C’est notamment le cas de la Hongrie (0.0 %), de Jersey (0.0 %) et de Hong Kong, Chine (5.0 %). Les centres d’investissement qui se situent dans la partie supérieure de la distribution sont le Libéria (15.0 %), Maurice (15.0 %) et l’Irlande (20.0 %). Les redevances sont soumises à un taux légal compris entre 10 % et 20 % dans plus de la moitié des juridictions à revenu faible ou intermédiaire (61 %). Figurent à l’extrémité inférieure de la distribution de ce groupe la Géorgie et l’Inde, qui appliquent aux redevances des taux légaux de respectivement 5.0 % et 10 %. À l’autre extrémité de la distribution, on trouve le Pérou (30.0 %), la Jamaïque (33.3 %) et l’Argentine (35.0 %). Environ un tiers des juridictions à revenu élevé appliquent un taux légal compris entre 20 % et 30 %. Parmi celles qui prélèvent les retenues à la source les plus faibles, figurent Aruba (0.0 %), les Émirats arabes unis (0.0 %) et la Lettonie (0.0 %). La Belgique (30.0 %), l’Italie (30.0 %) et les États-Unis (30.0 %) font partie des sept juridictions de cette catégorie qui appliquent aux redevances un taux légal au moins égal à 30 %.

Taux conventionnels de retenue à la source

Les conventions fiscales bilatérales peuvent jouer un rôle crucial lorsqu’il s’agit d’encourager et de favoriser l’établissement de liens économiques entre les pays. Leur contribution se concrétise par l’abaissement d’obstacles de nature fiscale aux échanges de services transfrontaliers, au commerce et à l’investissement, que permettent les mesures visant à éviter la double imposition et l’imposition excessive, par une protection contre un traitement fiscal discriminatoire de l’investissement étranger et par l’assurance aux contribuables d’une plus grande sécurité juridique concernant le traitement fiscal qui leur sera appliqué.

La limitation des prélèvements à la source qui peuvent être appliqués à certains revenus fait partie des moyens d’atteindre certains de ces objectifs grâce aux conventions bilatérales. La présente section contient des données sur les conventions fiscales conclues entre les juridictions couvertes par la base de données ainsi que des détails supplémentaires sur les taux des retenues à la source sur les dividendes, les intérêts, les royalties ou redevances techniques qui sont appliqués en tant que retenue à la source finale.2

Le nombre de conventions a fortement augmenté ces dernières années dans les 131 juridictions représentées dans la série de données : on dénombrait 1000 conventions seulement entre ces pays en 1990 alors que le chiffre atteint en 2023 est de près de 4500 Graphique 7.3. . On assiste toutefois depuis quelques années à une stabilisation de cette dynamique de multiplication des conventions fiscales : 36 nouvelles conventions seulement ont été ajoutées dans la base de données sur la période 2017-2023.3 L’augmentation modeste du nombre de nouvelles conventions bilatérales pendant cette période n’induit pas qu’il n’y a pas encore eu d’importants changements concernant les conventions ; de nombreux pays ont par exemple signé l’IM et un grand nombre de conventions ont été modifiées par voie de protocole.

Il ressort de l’examen des données que les pays non membres de l’OCDE signent moins de conventions que les pays membres. Le Graphique 7.4. met en évidence le fait que les pays de l’OCDE signent en moyenne un nombre plus élevé de conventions que les juridictions membres du CI d’Afrique et d’Amérique latine et des Caraïbes, régions qui comptent par ailleurs davantage de juridictions non membres de l’OCDE. Bien que tous les groupes aient enregistré une forte croissance du nombre moyen de conventions fiscales, ce mouvement a été plus ample dans les pays de l’OCDE. Les données attestent que les taux conventionnels de retenue à la source sont sensiblement plus bas que les taux applicables en vertu du droit interne. Globalement, le Graphique 7.5. fait apparaître qu’en ce qui concerne les taux conventionnels de retenue à la source, une forte majorité de taux se situe en dessous de 5 %.

Graphique 7.3. Nombre de conventions bilatérales, 1990-2023

Note : Les données sont fondées sur les conventions bilatérales déclarées par 131 juridictions membres du CI, plus une autre. La base de données fait uniquement référence aux conventions fiscales bilatérales. Les conventions multilatérales ne sont pas prises en compte. D’autres accords à caractère fiscal, comme les accords d’échange de renseignements fiscaux, ne sont pas non plus comptabilisés. Seules les conventions en vigueur sont prises en considération.

Source : Base de données de l’OCDE sur les conventions fiscales bilatérales

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Graphique 7.4. Nombre moyen de conventions, par région

Note : Les données sont fondées sur les conventions bilatérales déclarées par 131 juridictions membres du CI. La base de données fait uniquement référence aux conventions fiscales bilatérales. Les conventions multilatérales ne sont pas prises en compte. D’autres accords à caractère fiscal, comme les accords d’échange de renseignements fiscaux, ne sont pas non plus comptabilisés. Seules les conventions en vigueur sont prises en considération.

Source : Base de données de l’OCDE sur les conventions fiscales bilatérales

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Graphique 7.5. Taux conventionnels moyens de retenue à la source

Note : Les données sont fondées sur les conventions bilatérales déclarées par 131 juridictions membres du CI. La base de données fait uniquement référence aux conventions fiscales bilatérales. Les conventions multilatérales ne sont pas prises en compte. D’autres accords à caractère fiscal, comme les accords d’échange de renseignements fiscaux, ne sont pas non plus comptabilisés. Seules les conventions en vigueur sont prises en considération. Pour chaque catégorie de flux de paiement, les conventions existantes qui ne précisent pas le taux de la retenue à la source applicable, et partant, donnent lieu à des valeurs manquantes, ne sont pas prises en compte dans ce graphique. Lorsqu’une convention fiscale prévoit différents taux applicables en fonction de pourcentages de participation spécifiés, la valeur entrée correspond au pourcentage de participation le plus élevé.

Source : Base de données de l’OCDE sur les conventions fiscales bilatérales

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Bibliographie

[1] Auerbach, A., M. Devereux et H. Simpson (2008), Taxing Corporate Income, NBER Working Papers, https://www.nber.org/papers/w14494 (consulté le 18 février 2023).

[2] OCDE (2017), Mesurer et suivre les données relatives au BEPS, Action 11 - Rapport final 2015, Projet OCDE/G20 sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264282711-fr.

Notes

← 1. Les catégories « juridictions à revenu élevé » et à « revenu faible ou intermédiaire » reposent sur la classification de la Banque mondiale et les 119 juridictions couvertes se répartissent comme suit entre ces catégories : 49 juridictions à revenu élevé et 49 juridictions à revenu faible ou intermédiaire. Les catégories « faible revenu » et « revenu intermédiaire » ont été fusionnées en raison du petit nombre (deux) de juridictions à faible revenu représentées dans la série de données. Les centres d'investissement, constituant le troisième groupe, sont des juridictions dont le stock total d’investissement direct étranger (IDE) entrant dépasse 150 % du produit intérieur brut (PIB) et ce troisième groupe comprend 21 juridictions.

← 2.  Cela signifie que les paiements ne sont pas effectivement liés à la présence d’un établissement stable dans une juridiction appliquant une retenue à la source.

← 3.  L’analyse ne tient pas compte des mises à jour ou des modifications de conventions. Les données ne prennent pas non plus en considération les instruments fiscaux bilatéraux qui ne portent pas modification des retenues à la source, tels que les accords d’échange de renseignements relatifs aux contribuables.